Discours du trône, Québec, 20 février 1903

Simon-Napoléon Parent, 1900-1905

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

J’éprouve un vif plaisir à vous souhaiter la bienvenue, au moment de la reprise de vos travaux législatifs.

Il s’est produit, durant l’année qui vient de s’écouler, un événement dont le retentissement a été considérable dans l’Empire et même dans le monde entier ; le couronnement à Londres, le 9 août dernier, de Leurs Majestés le roi Édouard VII et la reine Alexandra. Mon gouvernement, se faisant l’interprète des sentiments du peuple de cette province, avait chargé un de ses membres de le représenter en cette occasion.

Personne n’a oublié que cette grandiose cérémonie, fixée d’abord pour une date antérieure, avait dû être remise à raison d’une grave maladie du roi. La profonde anxiété qui, à la réception de cette nouvelle, s’est manifestée parmi toutes les populations de l’Empire, a été le plus éloquent témoignage de l’affection sincère du peuple britannique pour son Souverain. Je suis heureux de me joindre à toute la nation pour prier la divine Providence de donner maintenant à Sa Majesté un règne long, heureux et prospère.

L’Université Laval a célébré, en juin dernier, le cinquantième anniversaire de sa fondation. Les citoyens de cette province out voulu lui donner, à cette occasion, une preuve non équivoque de leur appréciation de ce qu’elle a fait pour les hautes études, en lui offrant le produit d’une souscription publique. Mon gouvernement a été heureux de prendre part à cette manifestation et une somme sera inscrite au budget à cette fin.

Depuis la dernière session, l’un des membres distingués de l’administration a été enlevé à l’affection de ses concitoyens. L’honorable M. Déchêne possédait les qualités qui font les hommes publics et jouissait de l’estime de tous ceux qui l’ont connu. Durant les quelques années qu’il a géré le ministère si important qui lui était confié, il a donné à l’agriculture une impulsion considérable et lui a fait faire des progrès marquants.

Mon gouvernement a continué à favoriser l’avancement de la colonisation dans cette province et vous constaterez avec satisfaction que les efforts qui ont été faits ne l’ont pas été en vain. C’est ainsi que, pour faciliter les communications et donner accès aux régions isolées, des ponts de colonisation ont été construits en assez grand nombre dans diverses parties de la province.

Une loi, passée à la dernière session, a permis la nomination d’une commission pour s’enquérir de tout ce qui se rapporte à cette question vitale de la colonisation. Malheureusement, l’un des membres marquants de cette commission, Mgr J. C. K. Laflamme, s’est vu bientôt forcé par ses nombreuses occupations, de renoncer à la tâche qu’il avait acceptée. Plus tard, la mort fit disparaître un autre de ses membres, l’honorable juge Bourgeois, et le troisième commissaire, l’honorable G. W. Stephens, se trouve maintenant dans l’impossibilité de continuer à s’occuper de ce travail. Une nouvelle commission a, en conséquence, été nommée, et mon gouvernement est en droit d’attendre les meilleurs résultats de ses études et de ses délibérations.

Je constate avec satisfaction que l’année qui vient de s’écouler a été très prospère pour la classe agricole. Les méthodes nouvelles vulgarisées par le département de l’agriculture font de plus en plus sentir leurs heureux effets.

Je suis heureux de vous annoncer que la construction du pont de Québec a progressé au point que les travaux de maçonnerie sont maintenant terminés, et que cette entreprise qui devra grandement contribuer au développement de cette province, sera complétée avant longtemps.

Mon gouvernement a profité du dernier recensement pour renouveler la demande faite par les provinces au gouvernement fédéral, en 1881 d’améliorer leur position financière et de fixer le subside fédéral manière plus équitable, en se basant sur le chiffre de la population constat par chaque recensement décennal. L’augmentation de la population entraîne en effet avec elle une augmentation de dépenses pour les provinces, en même temps qu’elle est une source de nouveaux revenus pour le trésor fédéral. Il est donc juste que le subside qui est payé aux provinces comme compensation de l’abandon qu’elles ont fait au pouvoir central de leur part des revenus de douane et d’accise, soit basé sur la population actuelle et non sur le chiffre stationnaire et immuable de 1861, comme le veut l’Acte de l’Amérique Britannique du Nord.

Mon gouvernement, qui avait mis cette question à l’étude depuis un certain temps, a cru le moment opportun pour le faire régler, et il a convoqué les premiers ministres des autres provinces à une conférence, qui s’est réunie à Québec, le 18 décembre dernier. Cette conférence a passé, à l’unanimité, des résolutions qui ont été ensuite présentées au gouvernement du Canada, et il y a lieu d’espérer que ce dernier se rendra à la demande des provinces. Les résolutions adoptées par la conférence interprovinciale vous seront soumises.

La vente de certains pouvoirs d’eau et de certaines limites forestières a contribué puissamment au développement de cette province, en favorisant particulièrement la création de centres nouveaux.

La législation sur les mines, en réglementant cette partie du domaine public, a été le signal d’un progrès marqué qui ne manquera pas, j’en ai l’espoir, de continuer et de s’accentuer de plus en plus.

Mon gouvernement n’a pas négligé la question des pêcheries. D’accord avec les provinces maritimes, il a soumis ses prétentions aux autorités fédérales, et tout fait espérer une solution satisfaisante.

Messieurs de l’Assemblée Législative,

Les comptes publics pour la dernière année fiscale vous seront incessamment soumis, ainsi que le budget des dépenses pour l’année fiscale prochaine.

Je suis heureux de vous annoncer que mon gouvernement a de nouveau réussi à maintenir l’équilibre dans les finances, et qu’il existe un excédent de recettes sur les dépenses de l’année expirée le 30 juin dernier.

Au cours des études qu’il a faites de notre condition financière, mon gouvernement s’est occupé tout spécialement d’aviser aux moyens de réduire le service des intérêts sur la dette consolidée. Malheureusement, l’état du marché monétaire n’a pas permis d’y donner suite pour le moment. Il espère, cependant, que les conditions économiques seront bientôt plus. favorables, et qu’il pourra en arriver à un arrangement avantageux pour cette province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Plusieurs questions d’un intérêt public général vous seront soumises au cours de la présente session.

Le contrat intervenu entre la province et les Frères de la Charité St-Vincent de Paul pour le maintien de l’école de Réforme, à Montréal, a pris fin le 31 août dernier, et celui avec la communauté des Sœurs de la Charité pour la garde et le soin des aliénés aux asiles de Beauport et de St-Ferdinand d’Halifax, se terminera le 8 avril prochain. Mon gouvernement vous soumettra, pour obtenir votre ratification, les deux contrats qu’il a fait avec ces communautés, pour les fins susdites. J’ai confiance que vous trouverez dans ces contrats des garanties suffisantes pour vous permettre de conclure que les intérêts de cette province y ont été sauvegardés.

Le gouvernement a pensé que l’industrie de la province pouvait trouver de nouveaux éléments dans un régime qui comporterait plus de facilité pour l’exploitation des pouvoirs hydrauliques dont notre pays est si abondamment pourvu. Il s’est appliqué, dans un projet de loi qui sera soumis à votre considération, à faire disparaître les obstacles qui s’opposent à leur développement sans se dérober à la tâche de protéger les intérêts de ceux que la nouvelle législation pourrait affecter.

Les différences qui existent entre la loi électorale du Canada et celle de la province ont fait naître, dans l’application, des difficultés qu’il importe de faire disparaître. Une refonte de la loi électorale vous sera soumise à cette fin.

La loi générale régissant les corporations de ville, ne répond plus aux exigences actuelles. Un projet de loi vous sera soumis pour accorder aux cités et aux villes, les pouvoirs nécessités par des conditions nouvelles, et assurer en même temps l’uniformité de réglementation que réclame l’intérêt public.

Quelques autres projets de loi également d’intérêt général vous seront aussi soumis.

Vous serez également appelés à délibérer sur l’adoption d’un grand nombre de projets de loi d’intérêt privé. Cette législation est plus considérable qu’elle ne l’a été encore jusqu’à présent et j’y vois un indice évident de la prospérité qui règne dans cette province. Je vous invite à étudier avec le plus grand soin tous ces projets de loi.

En vous laissant maintenant à vos travaux, je prie Dieu qu’il éclaire vos délibérations et continue de faire régner parmi vous cette bonne entente si puissante pour le succès de toutes les entreprises, afin que l’œuvre de cette session soit comptée, plus tard, comme une des plus favorables au progrès de cette province et au bien-être de sa population.

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