Louis-Alexandre Taschereau, 1920-1936
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
En vous conviant à vos travaux de la session, je crois devoir tout d’abord exprimer le chagrin que j’ai éprouvé de la mort de trois de nos éminents concitoyens, disparus depuis que nous nous sommes séparés, et qui ont pris une part si active au développement de la province: j’ai nommé les honorables Messieurs Caron, Turgeon et Perron. Je me joins à vous pour offrir à leurs familles l’hommage de nos vives sympathies.
L’année qui se termine par une crise économique mondiale ne saurait manquer d’inquiéter les gouvernements, car il devient nécessaire de faire face à des problèmes auxquels notre pays, pour un, n’était pas habitué.
Il ne faut pas toutefois exagérer la situation économique, car la confiance en nous-mêmes et en nos merveilleuses ressources est certes un des facteurs principaux du rétablissement de notre équilibre social, mais l’urgence de certaines mesures, pour permettre aux municipalités de prendre avantage de la législation fédérale relative au chômage, a induit mon gouvernement à convoquer la Législature à une date plus hâtive que d’habitude. On vous soumettra incessamment les projets de loi que le gouvernement croit nécessaires pour faire face à la situation.
Deux commissions sont en ce moment à l’œuvre pour résoudre des problèmes d’ordre social.
Celle chargée d’étudier la condition juridique de la femme mariée a présenté l’année dernière deux rapports. Mon gouvernement a requis la même commission de préparer des amendements à nos codes pour donner effet à ses recommandations. Un dernier rapport vous sera soumis au cours de cette session et sera suivi d’un projet de loi qui, je l’espère, fera disparaître les anomalies dont on s’est plaint.
L’autre commission chargée de l’étude de certaines questions sociales d’un ordre très pratique, entre autres la pension de vieillesse, est au travail et fera son rapport dès que ses études seront terminées.
Le cultivateur et l’ouvrier sont les deux grands facteurs de notre prospérité. Mon gouvernement veut les aider dans toute la mesure du possible.
Aux cultivateurs, il entend offrir de larges octrois pour le chaulage et le drainage des terres, pour la distribution et la diffusion d’engrais chimiques et pour indemniser les propriétaires des animaux abattus lorsqu’ils sont atteints de tuberculose.
Mon gouvernement veut aussi, pour aider la classe agricole, réduire de deux à un pour cent cette année l’intérêt de l’argent avancé aux municipalités pour la confection des routes et y renoncer complètement l’année prochaine. Nos municipalités y trouveront ainsi un avantage considérable.
Pour ce qui est de la Voirie, mon gouvernement vous demandera d’en compléter le réseau en pourvoyant à la construction, dans la province, de plusieurs grands ponts qui rendront la circulation plus facile pour nos gens et pour les touristes.
Mon gouvernement croit que les cultivateurs se plaignent avec raison du taux élevé de l’intérêt que doivent payer ceux qui ont recours au prêt agricole créé par le Parlement du Canada. Afin de rendre les prêts plus accessibles à la classe rurale, il vous demandera de l’autoriser à contribuer un et demi pour cent de l’intérêt et du coût d’administration afin que les cultivateurs puissent emprunter à un taux uniforme de cinq pour cent.
Depuis quelques années, les ouvriers demandent au gouvernement un ministère du Travail distinct de celui des Travaux publics. Une loi vous sera présentée à cet effet.
Les ouvriers réclament également des amendements à la loi des Accidents du travail. Mon gouvernement désire se rendre à leurs vœux et la Commission actuelle des Accidents du travail sera chargée d’appliquer un système d’assurance collective, tel qu’il existe dans certaines provinces canadiennes, mais avec des amendements qui rendront cette loi encore plus favorable à la classe ouvrière.
Québec est, de toutes les provinces canadiennes, celle qui est la plus richement dotée de chutes d’eau pouvant fournir de l’énergie électrique. Notre développement dans ce domaine a, depuis quelques années, fait d’énormes progrès et les industries se multiplient, créant des centres où l’ouvrier trouve du travail et le cultivateur un marché pour écouler ses produits. Mais mon gouvernement croit qu’il est nécessaire de vulgariser l’énergie électrique et d’en rendre l’accès facile à nos campagnes. La Commission des Services publics a été chargée d’étudier ce problème et j’espère que bientôt nos districts ruraux pourront profiter d’un système qui rendra la vie à la campagne plus heureuse et mieux rémunératrice par la distribution de l’énergie électrique à des prix convenables.
Je dois ajouter que l’Instruction publique est un des premiers soucis de mon gouvernement. Les comptes publics vous feront voir qu’il n’a reculé devant aucun sacrifice dans ce domaine depuis la petite école primaire jusqu’aux universités.
L’Assistance publique dépasse toutes nos espérances.
Les hôpitaux, les crèches et les refuges se multiplient et le placement familial, inauguré l’année dernière, donne d’excellents résultats.
Ajouterai-je encore que nos centres de colonisation ont été largement subventionnés, que l’émigration des nôtres est, arrêtée et que des centaines de familles québécoises sont revenues des États-Unis et, se sont établies dans la province.
Je suis enfin heureux d’annoncer que la législation que vous avez adoptée l’année dernière relativement aux écoles juives n’aura pas lieu d’être appliquée. Protestants et Juifs se sont entendus grâce à l’esprit de conciliation qu’on a su y apporter. Mon gouvernement en est reconnaissant aux négociateurs qui ont compris toute l’importance d’une entente dans cette matière.
Messieurs de l’Assemblée législative,
Les comptes publics de l’année fiscale écoulée vous seront soumis. Ils vous montreront un chiffre sans précédent de recettes et un magnifique surplus des recettes sur les dépenses, malgré la situation économique difficile à laquelle notre province n’a pas pu échapper.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Vous serez appelés à légiférer sur des sujets d’un intérêt public et privé. Le développement de la province crée de nouveaux problèmes qui requièrent, l’attention des législateurs.
Dans le domaine de la législation publique, mon gouvernement vous demandera une réduction des droits sur les successions ainsi que certains amendements au code municipal.
Je prie Dieu de bénir vos travaux et de les rendre fructueux.