Discours du trône, Québec, 9 janvier 1912

Lomer Gouin, 1905-1920

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Le plaisir que tout lieutenant-gouverneur ne peut manquer d’éprouver à vous voir reprendre vos travaux parlementaires, je le ressens doublement, moi qui eus autrefois l’honneur de siéger à la chambre des députés. En effet, si votre rentrée m’apporte la promesse d’une collaboration précieuse, elle évoque aussi en moi un passé dont le souvenir m’est toujours agréable.

Comme c’est la première session qu’il m’est donné d’ouvrir depuis que je préside à l’administration de la province, je tiens à saluer tout d’abord la mémoire de mon distingué prédécesseur. L’honorable sir Alphonse Pelletier, après une carrière politique toute de labeur,de dévouement et d’honneur, a succombé alors qu’il était encore au service de son pays; j’exprimerai sûrement vos sentiments en lui adressant un reconnaissant adieu avec l’hommage de nos douloureux regrets.

Depuis longtemps la métropole choisissait nos gouverneurs généraux parmi l’élite de ses hommes d’État, mais jamais, avant le mois d’octobre dernier, un prince du sang n’était venu présider aux destinées du Canada. Notre gracieux souverain, en nous déléguant un des membres les plus illustres de son auguste famille, a évidemment voulu nous marquer le haut intérêt qu’il nous porte et reconnaître en même temps l’importance toujours grandissante que prend notre pays dans le concert des nations autonomes de l’empire britannique. C’est là un témoignage dont nous ne saurions trop nous féliciter, et vous approuverez que je salue avec joie l’arrivée, à Rideau-Hall, de Son Altesse Royale le Duc de Connaught.

Vous l’avez sans doute constaté avec satisfaction, les premiers rapports des recenseurs établissent que le nombre des habitants de notre province s’est considérablement accru pendant la dernière décade. De fait, Québec est, de toutes les vieilles provinces, celle où la population a le plus augmenté, et cet accroissement s’est produit non seulement dans les centres industriels et les régions de colonisation, mais même dans des comtés essentiellement agricoles et où les terres sont toutes en culture. Ces progrès sont très encourageants et ils permettent d’espérer que Québec sera avant longtemps la plus peuplée des provinces canadiennes.

Le défrichement du domaine public est plus actif que jamais et c’est bien l’intention de mes ministres de faire tout en leur pouvoir pour rendre plus facile la tâche que s’imposent nos pionniers. Le temps semble venu de mettre en valeur les immenses étendues de terre arable que nous avons dans le nord-ouest de la province. Le département de la colonisation a déjà commencé, dans le Témiscamingue, la confection d’une grande artère, et il se propose d’entreprendre au printemps l’ouverture, dans l’Abitibi, d’un chemin environ cent dix milles, le long duquel les lots seront concédés gratuitement; mais il importe surtout de relier ces deux régions aux centres de consommation et de distribution par des lignes de chemin de fer. Une ligne qui, par exemple, aurait son terminus sur la baie James favoriserait grandement le développement de notre agriculture et de nos industries, tout en aidant au transport des produits que les provinces de l’Ouest exportent en Europe. Aussi mes ministres entendent-ils réclamer la construction de nouvelles voies ferrées à travers le nord de notre province.

La loi que vous avez votée l’an dernier relativement à la voirie rurale produit de bons résultats. Mon gouvernement est néanmoins d’avis que la campagne qu’il a inaugurée en faveur du perfectionnement de nos voies de communication recevrait une impulsion nouvelle s’il venait en aide aux municipalités qui empruntent pour améliorer leurs chemins carrossables. En conséquence, il vous demandera de mettre à sa disposition un crédit considérable qui lui permette d’amortir les emprunts que contracteront les municipalités et de contribuer au paiement des intérêts qu’ils produiront.

Je signale spécialement à votre attention l’œuvre de la société coopérative des fromagers et le succès des expériences que le département de l’agriculture a fait effectuer pour encourager la culture du trèfle et celle des arbres fruitiers.

Mon gouvernement est bien décidé à continuer l’abolition des péages sur les ponts et les chemins publics.

Les écoles techniques de Québec et de Montréal ont ouvert leurs portes l’automne dernier et tout fait prévoir qu’elles rendront de bons services à l’industrie canadienne.

Deux nouvelles écoles normales seront inaugurées en septembre prochain: l’une à Joliette et l’autre à Saint-Hyacinthe.

Mon gouvernement vous demandera d’augmenter de nouveau les crédits de l’instruction publique, particulièrement ceux destinés à l’encouragement de l’enseignement primaire et au relèvement du traitement des institutrices.

Un amendement vous sera proposé en vue de permettre aux commissions scolaires de fournir des livres de classe à tous les enfants qui fréquentent les écoles sous leur contrôle.

L’accroissement de la population a rendu nécessaire le remaniement de notre carte électorale. Un projet créant de nouvelles circonscriptions vous sera soumis.

Notre service sanitaire sera réorganisé dès l’été prochain. A cette fin, la province sera divisée en plusieurs districts d’inspection et un hygiéniste sera chargé du service dans chaque district.

C’est aussi l’intention du gouvernement de contribuer au maintien d’hôpitaux pour le traitement des tuberculeux.

Des arrangements ont été conclus avec la cité de Montréal au sujet de l’établissement d’une cour juvénile et ce tribunal commencera bientôt à remplir les fonctions qui lui sont assignées.

Vous aurez à étudier un projet de loi rendant plus expéditives et moins dispendieuses certaines poursuites civiles.

Vous serez aussi appelés à légiférer sur plusieurs autres matières d’intérêt général, notamment sur le régime électoral, la procédure civile et la durée du travail dans les filatures.

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