Discours du trône, Québec, 20 février 1940

Adélard Godbout, 1939-1944

La disparition soudaine de notre Gouverneur général, lord Tweedsmuir, a causé un deuil profond dans tout le Canada. Par suite de l’intérêt particulier que cet homme d’État éminent s’était plu à porter à la vieille province de Québec, les regrets n’auront été nulle part plus vifs qu’au sein de notre population. Nous avons la satisfaction de savoir que ce très digne représentant du Roi chérissait pardessus tout le souvenir de l’accueil respectueusement affectueux dont Leurs Majestés le Roi George 1 et la Reine Elizabeth furent l’objet en notre Capitale, au mois de mai dernier. Il était aussi parmi ceux qui s’étaient réjouis de l’honneur attribué à notre pays dans le choix de Son Eminence le Cardinal Villeneuve comme légat du pape aux fêtes commémoratives de Domrémy.

Il m’est agréable d’interpréter le sentiment de cette législature en rendant à mon distingué prédécesseur l’hommage que lui méritent ses hautes qualités et le dévouement qu’il a mis à s’acquitter de ses fonctions. Il a continué des traditions auxquelles je m’appliquerai à être fidèle.

Dans la terrible guerre que l’Empire britannique a dû entreprendre pour assurer le respect des traités et la liberté des peuples, Québec fait noblement sa part. Nos fils s’enrôlent en grand nombre et s’apprêtent A maintenir sur les champs de bataille la réputation du glorieux 22e.

Ce conflit mondial accentue la gravité des problèmes que nous avions déjà à résoudre. Il nous faut d’urgence diminuer l’écart qui existe entre les recettes et les dépenses, et en arriver à équilibrer le budget provincial. Nous nous proposons de réduire les dépenses capitales au strict minimum. Le fardeau des dettes accumulées en ces dernières années rend indispensable une augmentation des revenus, mais mon gouvernement verra à ce que les impôts soient équitablement répartis. Pour éviter de grever trop lourdement les générations futures et-ne pas infirmer le crédit de la Province, nous nous efforcerons de payer les allocations de chômage à même les revenus ordinaires. La date de clôture de l’exercice financier sera changée de façon à correspondre à celle du gouvernement fédéral et du gouvernement de l’Ontario. Les relations et les comparaisons en seront ainsi facilitées.

Dans le but de créer de l’emploi, mon gouvernement favorisera l’établissement de nouvelles industries en abrogeant certaines lois qui les détournent actuellement de notre province.

Nous fournirons également du travail à notre main-d’oeuvre *en exécutant un programme de voirie qui comprendra non seulement la réfection de nos routes, mais la construction progressive de larges artères, grâce auxquelles notre commerce bénéficiera de voies rapides de communication, cependant que les touristes afflueront dans nos villes et nos campagnes. Pour obtenir une parfaite coordination, la direction de tous les travaux exécutés sur notre réseau routier sera centralisée au ministère de la Voirie.

Les circonstances actuelles nous invitent à mettre en valeur nos gisements minéraux. Il importe à cette fin d’attirer les détenteurs de capitaux en supprimant les entraves qui les portent à chercher ailleurs des placements moins onéreux. La loi qui régit l’exploitation de nos ressources naturelles et la loi des valeurs mobilières seront toutes deux modifiées.

Une législation spéciale vous sera présentée pour que, dans nos zones de terrain boisé, notre domaine forestier soit exploité au bénéfice de la classe ouvrière et de la petite industrie locale, aussi bien que des colons et des agriculteurs:

La pêche maritime sollicite notre attention, non seulement à raison du commerce qu’elle est susceptible d’alimenter, mais parce qu’elle constitue la ressource principale de notre intéressante population de la Côte-Nord et de la Gaspésie. Nous créerons un organisme dont le rôle consistera à aider nos pêcheurs à mieux présenter leurs produits sur le marché et à développer une plus grande variété de conserves.

Pour que toute notre population ait le bénéfice des forces hydrauliques dont la Providence a doté la province de Québec, mon gouvernement assurera, par une législation appropriée, une distribution plus générale et moins coûteuse de l’énergie électrique.

Nous mettrons en vigueur la loi qui pourvoit à des mesures efficaces pour abolir définitivement les rentes seigneuriales.

Sachant que nous contribuerons au succès de nos armes et au triomphe de notre cause en intensifiant la production de denrées alimentaires, et que le progrès de l’agriculture servira les meilleurs intérêts de notre province, nous donnerons une vigoureuse impulsion à la culture du sol. Nous encouragerons les nouvelles cultures, notamment celles du lin et de la betterave à sucre. Nous organiserons des débouchés prompts et avantageux à Montréal et à des postes stratégiques à l’étranger.

Nous favoriserons le retour à la terre en groupant dans nos régions de colonisation particulièrement propices, autour des paroisses déjà existantes, les sujets le§ plus aptes, et en leur accordant l’assistance voulue uniquement sous forme de primes de défrichement et de mise en culture.

Nous combattrons le chômage dans nos villes en collaborant étroitement avec le gouvernement fédéral, sans préjudice de notre autonomie provinciale.

Conscients de notre responsabilité à l’endroit de la classe ouvrière, nous présenterons une loi de salaire minimum qui remplacera la loi actuelle des salaires raisonnables. Cette loi servira de complément à la Loi des conventions collectives, qu’une Commission sera chargée d’étudier en vue d’y apporter les modifications désirables. Deux lois récentes, qui paraissent contraires à l’intérêt des ouvriers, seront révoquées. Nous affermirons notre législation sociale en instituant un Conseil supérieur du travail, analogue à ceux qui ont joué un rôle si bienfaisant en Europe.

Notre sollicitude se portera vers la jeune génération qui traverse des heures difficiles. Outre les travaux multiples dont nous la ferons bénéficier, nous nous entendrons sans retard avec le gouvernement fédéral pour renouveler l’entente concernant l’aide à la jeunesse.

L’instruction publique exige notre attention immédiate. Tout en aidant, ainsi qu’il convient, l’enseignement supérieur et nos universités, nous adopterons les moyens voulus pour que notre enseignement s’améliore à l’école primaire, aux écoles d’arts et métiers et aux écoles techniques, et pour que ces diverses institutions se relient plus étroitement les unes aux autres.

Soucieux de conserver notre capital humain, nous vous soumettrons des lois destinées à prévenir des maladies dont les ravages inquiètent, au Canada comme aux Etats-Unis, les esprits avertis. Nous activerons notre lutte contre la tuberculose, de même que contre la mortalité infantile. Vous aurez à étudier une législation qui vise à protéger l’enfant naturel et l’enfant abandonné.

Dans les conditions de vie moderne, la femme joue un rôle souverainement important, et son concours est devenu indispensable pour opérer les réformes sociales qui s’imposent. Le privilège d’exprimer son avis dans la direction des affaires publiques. ne saurait lui être plus longtemps refusé. Nous nous proposons, en conséquence, de lui accorder le droit de vote aux élections provinciales.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes du dernier exercice seront déposés devant vous, et rapport vous sera fait de la situation financière de notre province. Il vous incombera de voter les crédits requis pour la prochaine année fiscale.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Vous aurez à légiférer sur diverses matières d’intérêt général et d’intérêt particulier.

J’ai la conviction que vous étudierez avec soin les questions qui vous seront soumises, et que toutes vos décisions s’inspireront du souci de la justice et du bien public.

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