Discours du trône, Ottawa, 6 octobre 1970

Pierre Elliott Trudeau, 1968-1979 et 1980-1984

Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,
J’ai l’honneur de vous souhaiter la bienvenue à la troisième
session de la
vingt-huitième Législature et de vous présenter, au nom de mon
Gouvernement,
diverses questions qui seront soumises a votre examen.

Permettez-moi d’abord d’évoquer devant vous certains événements qui
auront eu
cette année une importance particulière pour notre vie nationale.
Les Territoires du Nord-Ouest, qui comprennent quarante pour cent
de la
superficie terrestre et maritime du pays, et la province centrale
du Manitoba
ont célébré le centième anniversaire de leur intégration au Canada.
A cette occasion, leurs habitants, et avec eux le Canada entier, se
sont
grandement réjouis de la présence de notre gracieuse souveraine et
du duc
d’Edimbourg, qu’accompagnaient pour la première fois le prince de
Galles et la
princesse Anne. Après avoir parcouru les Territoires du Nord-Ouest
et visité
plusieurs agglomérations du Manitoba la famille royale a terminé
son voyage à
Winnipeg, où elle fut l’objet de manifestations enthousiastes. A
Ottawa, durant
deux jours, nous eûmes tous le plaisir d’être les hôtes du prince
Charles, qui
sut nous montrer beaucoup de sympathie et d’intérêt.
Le Canada dans son ensemble a exprimé de nombreuses façons son
désir de
participer à ces fêtes, notamment par une séance du cabinet à
Winnipeg, les
visites du Premier ministre et de plusieurs éminentes personnalités
canadiennes, et la part que nous y avons prise, ma femme et moi.
Nos propres voyages dans l’Ouest de l’Arctique et au Yukon nous ont
permis de
compléter notre tournée des provinces et des territoires.
L’an prochain, la Colombie-Britannique, qui étendait en 1871 la
Confédération canadienne jusqu’à la côte du Pacifique, célébrera le
centième
anniversaire de cet événement historique. Nos concitoyens seront
heureux
d’apprendre que Sa Majesté et le duc d’Edimbourg, accompagnés de la
princesse
Anne, se rendront dans cette province au début de mai pour
participer aux fêtes
de son centenaire.
Nous voici réunis aujourd’hui, à quelques heures de la prorogation
de la
deuxième session de la présente législature. Or, l’intervalle qui
sépare cette
dernière session de celle que nous ouvrons est plus qu’une question
d’heures ou
de jours. La troisième session de la vingt-huitième législature
commence à
l’orée des années soixante-dix, décennie que nous ne saurions
considérer comme
un simple prolongement du passé. La fin des années soixante et le
début des
années soixante-dix nous rappellent que le Canada s’engage dans une
ère
nouvelle, dans une ère où s’exercent déjà des forces qui échappent
en partie à
notre compréhension et dont les causes sont aussi bien internes
qu’externes.
Ere nouvelle non pas tant par la nouveauté des circonstances que
par la
modification des valeurs et des attitudes.
Le conflit entre les nouvelles valeurs et celles du passé, le
besoin
qu’éprouvent les jeunes et les générations déçues d’adopter des
attitudes et
des perspectives neuves, provoquent forcément malaise et tension.
C’est une
époque visitée par la violence, vers laquelle se tournent, éperdus,
des hommes
lancés à la poursuite d’objectifs incertains. Et même pour beaucoup
d’hommes de
bonne volonté qui remettent impatiemment en question les vieux
postulats, c’est
une époque de frustration. Cette époque, elle verra peut-être se
dérégler le
mécanisme délicat de la biosphère si l’humanité ne se ressaisit
pour rapprendre
à vivre an harmonie avec un milieu naturel dont elle abuse
inconsidérément.
Cette époque, où l’action de la science et de la technologie se
fait sentir
d’une façon si massive, si rapide et si envahissante, c’est
peut-être celle qui
offrira à l’homme sa dernière chance de diriger sa propre destinée
au lieu de
la subir.
Si nous ignorons ce que nous aurons finalement réservé les années
soixante-dix,
la mutation en cours est déjà si avancée que l’homme ne peut plus
désormais se
satisfaire de réagir aux événements. Il doit prévoir et planifier;
comprendre
que le contentement ou l’indifférence sont illusoires; admettre que
le
changement constitue la réalité la plus pressante; reconnaître
qu’il importe,
plus que jamais, de considérer comme des valeurs définitives la
vérité,
l’honnêteté, l’excellence et la pertinence; savoir que l’amour et
la compassion
doivent animer toute société digne de ce nom.
Nous abordons une époque de tension, de défi et d’effervescence. Au
seuil des
années soixante-dix, des options accessibles à peu de citoyens du
monde
s’offrent aux Canadiens. Prévoyance, cran et esprit d’entreprise à
l’appui,
nous pouvons, si nous le voulons, faire de notre société,
une société au sein de laquelle la diversité humaine devient un
atout et non
une entrave;
une société au sein de laquelle la liberté individuelle et
l’égalité des
chances demeurent les plus précieux de tous les biens;
une société au sein de laquelle le bonheur de vivre se mesure an
termes
qualitatifs et non quantitatifs;
une société qui encourage la créativité, l’audace, l’ingéniosité et
l’initiative, non pas froidement et de façon impersonnelle à des
fins de
stricte utilité, mais avec chaleur et cordialité, comme entre amis.

Au moment où le Canada se tourne vers les années soixante-dix nous
sommes tous
invités à épouser cet audacieux dessein:
relever dans la constance et l’ardeur le défi que présente le haut
idéal d’une
société juste.
Le Canada des années soixante-dix doit continuer d’être un pays à
la dimension
de l’homme, un pays où l’on cultive la liberté et le respect de la
personne,
une société où le Gouvernement sait résister aux tendances du
conformisme
plutôt que de les encourager.
Les pressions croissantes de la vie urbaine constituent pour
l’individu une
menace particulièrement grave. On estime que, d’ici la fin du
siècle,
Quatre-vingts pour cent de la population du Canada se concentrera
dans quelques
grandes villes. Par comparaison avec un passé encore tout proche de
nous, le
Canada présentera alors un visage nouveau et fera face à des
problèmes
nouveaux, notamment quant à l’habitation et aux nombreux services
indispensables en milieu urbain. On a déjà. il est vrai, réalisé de
remarquables progrès dans ces domaines, mais il reste encore
beaucoup plus à
faire. La solution de ces problèmes exigera une part toujours plus
grande des
ressources financières du pays. Ne pas les résoudre, ou laisser
grandir les
villes de façon désordonnée, entraînerait une saignée inacceptable
des
ressources humaines de la nation. Pour favoriser la coordination de
l’initiative gouvernementale à tous les niveaux et pour contribuer
à la
rationalisation de l’essor urbain, la Gouvernement propose la
réorganisation de
son activité en ce domaine, sous la direction d’un ministre d’Etat
responsable
des Affaires urbaines et du Logement. Par cet effort de
rationalisation et en
consultation avec les groupes les plus directement intéressés, le
Gouvernement entend aider les Canadiens à prendre les décisions qui
détermineront l’avenir de leurs villes.

Il existe au Canada une grande abondance de talents et de
compétences
scientifiques éparpillés. qu’on ne met pas suffisamment à
contribution pour
trouver des solutions aux problèmes du monde contemporain. Dans le
but de mieux
servir les secteurs industriels et technologiques de notre
économie, on vous
soumettra un programme qui vise à rassembler et à orienter une
activité
scientifique parfois divisée par la rivalité ou engagée sur des
voies
divergentes. A cette fin, le Gouvernement étudiera avec soin les
mesures que
recommandent le comité du Sénat sur la politique scientifique et le
Conseil des
sciences du Canada.

Une société se juge, dit-on, à la compassion et à l’équité dont
elle fait
preuve à l’endroit des citoyens qui enfreignent ou sont accusés
d’enfreindre,
les normes de conduite qu’elle se donne. A cet égard le Canada se
place à un
niveau élevé, sans pour autant échapper à toute critique. Un
certain nombre de
mesures additionnelles visant à parachever la réforme des lois dans
ces
domaines, seront par conséquent soumises à votre examen. Elles
portent,
notamment, sur le cautionnement, la détention des prévenus et la
façon de
traiter les jeunes délinquants.

Les normes de conduite, cependant, ne sont jamais statiques et
sûrement pas à
notre époque. Une société qui attache un haut prix à la liberté et
aux droits
de la personne doit donc toujours consentir à mesurer l’étendue et
les
conséquences des changements de comportement toute pénible ou
troublante que
se révèle, pour certains, pareille réévaluation. Des attitudes
autrefois
incontestées au Canada sont maintenant la cible de critiques et
dans plusieurs
cas doivent être repensées. Le Gouvernement accepte sa part de
responsabilité
là-dessus. On s’attend que la Commission d’enquête sur l’usage des
drogues à
des fins non médicales dépose son rapport au cours des prochains
mois; ce
rapport exigera une étude minutieuse et une discussion approfondie.
En outre le
Gouvernement projette de réserver une partie de la présente session
à la
discussion d’une autre question fort controversée.
Il proposera un débat spécial sur l’avortement.
Il serait malhonnête de ne pas tenir compte des énormes
difficultés que le présent état des lois pose au législateur en ces
domaines.
Vous serez donc appelés à participer à l’examen de ces graves
problèmes. Vous
serez aussi appelés à étudier quand il vous parviendra, la rapport
de la
Commission royale d’enquête sur la situation de la femme.
Ces divergences d’opinion ne touchent pas, heureusement, tous les
éléments de
la vie canadienne et, du reste, la nécessité d’interventions
législatives en
plus d’un secteur est généralement admise. Deux de ces secteurs,
qui sont
immenses et se chevauchent à la fois, sont ceux du consommateur et
du salarié.
En effet tout Canadien est un consommateur de biens et de services,
et des
millions de Canadiens se trouvent être des salariés. Face aux
méthodes
concurrentielles de mise en marché, le consommateur, à plus d’un
titre, doit
être protégé. On vous présentera donc certaines mesures destinées
à mieux
protéger les Canadiens des effets des cartels, des amalgamations de
sociétés et
des pratiques déloyales du commerce; à réglementer l’emballage et
l’étiquetage
des marchandises et à assurer une meilleure protection à ceux qui
se prévalent
du crédit à la consommation.

L’accroissement de notre population active, la complexité
grandissante de sa
structure, de même que sa dépendance d’un milieu industriel de plus
en plus
étroitement intégré, requièrent des lois mieux adaptées aux
nouvelles exigences
sociales. On vous demandera donc de réviser le cadre juridique des
relations
syndicales-patronales et d’établir de nouvelles normes de travail
pour les
industries qui relèvent de la juridiction fédérale. Dans le domaine
de
l’assurance-chômage. D’importantes modifications vous seront
présentées sous la
forme d’un projet de loi tendant à élargir considérablement le
champ des
prestations, ainsi que les catégories de bénéficiaires. Grâce à de
telles
mesures, les personnes temporairement sans travail pourront compter
sur une
aide plus rationnelle et plus équitable. Le projet de loi résulte
d’une étude
approfondie dont les conclusions, présentées sous forme de Livre
blanc, furent
déposées au Parlement lors de la dernière session.
Bien d’autres études semblables sont en cours depuis quelques mois.
Elles
s’inscrivent dans les plans établis par le Gouvernement du Canada
pour les années
soixante-dix. Au cours de la présente session, le Parlement sera
invité à
examiner plusieurs Livres blancs portant sur des questions
diverses:
communications, citoyenneté, immigration, défense nationale et
sécurité du
revenu.
En général, le public a répondu de façon fort positive à
l’invitation qui lui
avait été faite de réagir aux propositions contenues dans le Livre
blanc sur la
réforme fiscale. Le Gouvernement s’en réjouit. Les opinions
exprimées par ceux
qui ont participé aux débats, de même que les conclusions
présentées par les
deux comités parlementaires, feront l’objet d’un examen attentif.
Suivront des
mesures législatives visant à répartir plus équitablement le
fardeau économique
qui échoit à nos concitoyens dans un pays si complexe et divers.
Ces mesures
fiscales sont conformes à l’engagement pris par le Gouvernement de
mettre en
valeur les richesses du Canada au profit de tous les Canadiens et
non pas
uniquement au bénéfice de ceux qui ont la bonne fortune de
s’abriter derrière
les remparts de super-sociétés, d’associations professionnelles
diligentes ou
de puissants syndicats.
Le Gouvernement continuera à se préoccuper de la production des
richesses et il
n’aura de cesse que tous les citoyens puissent en profiter. La
sécurité du
revenu est un des moyens d’assurer la distribution des richesses.
Un projet de
loi en ce sens vous sera donc présenté.
Tous les efforts que nous déployons pour promouvoir une prospérité
stable et
fonder une société vraiment humaine resteront sans lendemain si
nous ne
réagissons pas rapidement et avec énergie, au spectre qui menace
notre
bien-être et celui des générations futures: la pollution du milieu.
La
pollution, comme une nouvelle hydre exige de multiples
interventions. Vous
aurez à délibérer sur des projets de loi qui traitent de la
pollution sous deux
angles: la pollution des mers et celle de l’atmosphère. La
nécessité de
coordonner et d’unifier nos initiatives de façon efficace passe
toutefois avant
toute autre considération. On proposera donc la création d’un
ministère
responsable de l’environnement, chargé de la gestion des ressources
renouvelables, qui font partie de l’environnement et qui en
dépendent. Ce
ministère devra assurer la protection de la biosphère.

Si louables que soient nos objectifs et si résolus que nous soyons
à les
atteindre, nous ne pourrions aucunement y parvenir si la situation
économique
allait se détériorer. Or, il ne saurait être question de prétendra
que la
présente conjoncture économique est favorable. Il y a lieu de
s’inquiéter en
effet, lorsque la hausse des coûts distance le rythme de la
productivité,
lorsque des travailleurs ne trouvent pas d’emploi, lorsque, enfin,
certains
secteurs ou régions se voient privés d’une part raisonnable de la
richesse
nationale. Heureusement, à mesure qu’augmente notre population, la
nombre des
Canadiens au travail s’accroît et, avec lui, la totalité des biens
et des
services. Il en résulte que s’accroît aussi la volume de nos
exportations.

Le chiffre de vente des céréales d’exportation, dont on ne saurait
trop
souligner l’importance pour le bien-être économique du Canada,
accuse une
tendance constante à la hausse qui tranche fortement sur la
stagnation de l’an
dernier. Grâce au programme LIFT, on a pu liquider une part
appréciable de
l’excédant de blé qui s’était accumulé au point d’engorger le
marché
international. Cette initiative a donné lieu également à une
judicieuse
diversification de la production agricole. Lors de leur dernière
réunion, les
premiers ministres ont été unanimes à appuyer l’intention du
Gouvernement de
créer des agences nationales de mise an marché. Ainsi pourra se
poursuivre
entre les deux paliers de gouvernement une collaboration étroite
qui permettra
de perfectionner les structures de mise en marché de nos produits
agricoles,
pour le plus grand bénéfice des producteurs et des consommateurs
dans presque
tous les secteurs de cette activité. La Gouvernement établira
d’autres
programmes pour améliorer la position de nos produits agricoles sur
le marché
et pour aider ce secteur vital de notre économie à s’adapter à une
situation
changeante.

Face à un contexte mondial en voie de transformation, l’industrie
canadienne se
révèle capable de relever les défis de croissance et d’adaptation
qui lui sont
posés. Lors des derniers mois, nos exportations ont atteint un
nouveau sommet.
En vue de rendra à l’industrie textile sa capacité de concurrence.
on vous
soumettra un projet de loi qui en prévoit le réaménagement.

Même si les poussées inflationnistes se font encore sentir, de
réels progrès
ont été réalisés et la hausse des prix a été ralentie, au point que
les succès
du Canada dans la lutte contre l’inflation surpassent jusqu’à
présent ceux de
tout autre pays de l’Occident. En conséquence, depuis quelques
mois, diverses
restrictions monétaires et fiscales ont pu être adoucies. Dans
certaines
régions du pays, le chômage, hélas! demeure fort élevé, bien qu’il
n’ait pas
accusé d’augmentation notable depuis quelques mois et que les
mesures pour
encourager l’expansion économique, là où le progrès est le plus
lent,
commencent à donner des résultats. A cet égard, nous continuerons
de stimuler
une croissance rationnelle, condition préliminaire de tout
accroissement
durable des possibilités d’emploi. Nous y parviendrons pour autant
que tous les
Canadiens sauront contribuer à freiner la hausse des coûts et
qu’une meilleure
productivité raffermira la position du Canada sur le marché
international.

En résumé, la vitalité de l’économie, alliée à la politique
actuelle du
Gouvernement, permet de juguler lentement, mais, à coup sûr, les
poussées de
l’inflation et du chômage. Toutefois, tant que les gens en quête de
travail
n’en trouveront pas, tant que les personnes vivant de revenus fixes
ne pourront
subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs proches, l’Etat
devra
s’efforcer de les aider.

Il doit le faire, tout en reconnaissant et en appréciant les
inquiétudes
qu’expriment de plus en plus fréquemment les Canadiens au sujet de
l’étendue et
de la nature de la propriété étrangère au sein de notre économie.
Un projet de
loi traitant d’un aspect particulier de ce problème complexe, à
savoir
l’industrie de l’uranium, vous sera déféré.

Tous ces projets demandent votre entière attention, lors même que
la situation
mondiale interdit au Canada de se cantonner dans ses frontières.
Les Canadiens
savent depuis longtemps qu’ils ne constituent qu’un simple élément
de la
mosaïque du globe, et que serait atteint l’équilibre politique.
économique et
social de leur pays si quelque fléau se répandait de par la monde.
Aussi le
Gouvernement consacre-t-il de plus en plus
d’efforts à des tâches où l’initiative et la compétence canadiennes
peuvent
s’avérer aussi efficaces que naguère en d’autres domaines. Une
bonne part de
cet effort s’exerce dans le cadre de l’ONU, conscience et espoir du
genre
humain, qui fêtera cette année un quart de siècle d’existence.
Notre oeuvre
s’accomplira sous des formes aussi diverses que capitales, dans
plusieurs
secteurs: désarmement, protection du milieu, planification de
l’expansion
économique, création de nouvelles structures juridiques nécessaires
à la
surveillance internationale des océans et de l’espace
interplanétaire et
sécurité internationale. Nous sommes irrévocablement voués à un
monde où la
paix, le progrès social et la dignité de l’homme, trop souvent
bafoués, doivent
être la règle et non l’exception.

Difficultés économiques, inégalités dans la répartition des biens,
tensions
ethniques, culturelles et politiques, dégradation du milieu
naturel, pressions
internationales, nos problèmes sont sérieux et se posant avec une
urgence qui
sollicite toutes nos énergies. Mais aucun de ces problèmes n’est
insoluble;
aucun d’eux ne prend la forme de ces dilemmes ou de ces questions
intraitables
qui poussent tant de collectivités à la violence du désespoir. De
sorte que,
malgré tout, le Canada jouit d’une stabilité sociale
exceptionnelle.

Mais cette stabilité n’est pas uniquement attribuable à la chance.
Chanceux,
nous le sommes certes, mais nous devons aussi reconnaître que nous
sommes plus
raisonnables et plus sages que nous ne le pensons. La charge de
notre héritage
européen et la fascination de notre voisinage américain nous
voilent la raison
et la sagesse qui font du Canada une terre de liberté. Et il
convient de la
dire solennellement, la Canada est un haut lieu de la liberté dans
la monde.
Chez nous, le respect de l’individu, l’inviolabilité de la
personne, gardent la
plénitude de leurs sens, et chaque citoyen et chaque groupe peuvent
s’épanouir
en liberté. Notre entité nationale n’est pas un creuset
d’uniformisation, mais
une concertation voulue.

C’est dans ce sens de la liberté comme suprême valeur et de la
tolérance comme
son incarnation sociale et politique que nous trouvons notre force
et notre
raison d’être. Comprenons ce que tant d’étrangers et beaucoup
d’entre nous
discernent dans l’admiration: nous avons été capables de grandes
choses, et de
plus grandes choses encore nous sont possibles, si nous le voulons,
quant à
l’ordre des valeurs, quant à la vie culturelle, quant à
l’organisation sociale
et politique et quant à l’accord avec la nature sans lequel tout le
reste peut être anéanti.

La monde entier commence à se convaincre que, pour survivre,
l’homme doit sans
tarder prendre en main son avenir. Cala suppose une pleine liberté
et un champ
d’expérience humaine ample et riche. Or, à l’aube des années
soixante-dix, le
Canada est assez libre, assez vaste et divers pour que cette
démarche
d’universel salut s’amorce chez lui. Si nous faisons preuve de
constance et de
résolution, tel peut être le principe de l’unanimité canadienne,
Sachons nous
reconnaître au seuil de la grandeur.

Membres de la Chambre des communes,durant la session, vous serez priés de voter les fonds requis pour les services
et les paiements autorisés par le Parlement.
Honorables membres du Sénat
Membres de la Chambre des communes,

Puisse la Divine Providence vous guider dans vos
délibérations.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

Share