<Discours de Marcel Masse du 1er janvier 1969 au 15 décembre 1970>
<Texte électronique établi par Denis Monière à partir des archives de M. Masse : 2015>
<Correction et standardisation orthographiques – balisage et lemmatisation : Denis Monière et Dominique Labbé 2015>
<Masse19690101a>
<VŒUX DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA POPULATION DU QUEBEC>
Au seuil d’une année nouvelle qu’il me soit permis de souhaiter que le Québec continue de s’affirmer
et de se développer dans la paix et l’harmonie. Le Québec a en effet besoin de solidarité et de concorde pour
poursuivre les efforts entrepris en vue de bâtir une société plus conforme aux rêves et aux énergies de notre nation.
En 1968, le Québec a accompli des réalisations plus nombreuses que jamais dans les domaines essentiels à son épanouissement individuel et collectif.
Si l’année qui s’achève a été pour le Québec remplie de succès , 1969 devrait être pour chaque Québécois l’occasion d’assumer toujours plus largement et plus efficacement sa part de responsabilité dans l’œuvre commune.
Ce vœu, je l’adresse plus particulièrement aux jeunes qui se préparent à relever les défis du Québec de demain. Il faut leur permettre de s’intégrer parfaitement à notre société afin qu’ils aident le Québec à jouer le rôle qui lui revient dans le monde moderne.
Je souhaite qu’en 1969, chacun participe dans la mesure de son talent et de ses possibilités à l’édification d’un Québec plus riche et plus fort où régnera également la paix et la bonne entente.
À tous les québécois, je formule pour la nouvelle année des vœux de bonheur et de prospérité.
<Masse19690101b>
<VOEUX DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA POPULATION DU BAS SAINT-LAURENT
DE LA GASPÉSIE ET DES ÎLES DE LA MADELEINE Janvier 1969>
A titre de ministre délégué à l’Office de Développement de l’Est du Québec, l’ODEQ., organisme responsable de l’exécution du plan de développement du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, j’ai le plaisir de souhaiter à la population du territoire, un joyeux Noël et une bonne et heureuse année.
Je formule surtout le vœu que les travaux qui sont et seront exécutés dans la région apportent à chacun des citoyens la sécurité et le bonheur. Ces investissements qui sont – nous en sommes conscients – l’aboutissement
d’une œuvre commune, exige aujourd’hui plus que jamais, la collaboration et le sens des responsabilités de chacun d’entre nous.
Je voudrais ici rendre un hommage particulier à tous les travailleurs qui se consacrent sans compter à l’exécution du plan, c’est-à-dire les fonctionnaires du Québec et les membres du Conseil régional de développement de l’Est du Québec. Formulons le vœu que l’année qui vient permette aux québécois de poursuivre les efforts entrepris en vue de bâtir une société plus conforme aux rêves et aux énergies de notre nation.
<Masse19690122>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU COLLOQUE SUR L’AVENIR DE LA FORMATION DES MAÎTRES À L’ÉCOLE NORMALE LAVAL Québec, le 22 janvier 1969>
INTRODUCTION
Vous dire que le thème de votre colloque « l’Avenir de la formation des maîtres » revêt pour moi une importance particulière et suscite un grand intérêt est plus qu’une déclaration de circonstances. C’est l’expression d’une profonde conviction que j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer à plusieurs reprises lorsque mes responsabilités au ministère de l’Éducation m’amenaient à me préoccuper de façon directe de ce problème important. Deux grandes priorités ont été clairement posées par le ministère de l’Éducation du Québec, priorités que j’ai toujours considérées comme essentielles pour l’avenir de la société québécoise: ce sont celles de l’enseignement universitaire et la formation des maîtres.
Je ne puis donc que me réjouir de l’organisation d’un colloque autour du thème de la formation des maîtres. Cette initiative permettra la mise en commun des connaissances et de l’expérience des représentants des principaux groupes et organismes immédiatement intéressés à ce problème dont la solution marquera l’avenir du mouvement pédagogique.
L’on a paru surpris et même déçu, en certains milieux, que les priorités auxquelles je viens de faire allusion n’aient pas été suivies immédiatement, de décisions et de réalisations spectaculaires. C’était oublier que ce qui est premier dans l’ordre des inventions ne peut pas toujours être premier dans l’ordre des réalisations. « Pour progresser, dit Gustave Le Bon dans son ouvrage « Hier et Demain », il ne suffit pas de vouloir agir, il faut d’abord déterminer dans quel sens agir ». En matière de formation des martres, tout particulièrement, les grandes réalisations devaient être précédées d’étapes préliminaires indispensables.
Ainsi, pour ne mentionner qu’un aspect du problème, les universités ne pouvaient participer efficacement à la formation d’un nombre appréciable d’enseignants avant d’être en mesure de recevoir les candidats qui se présenteraient en nombre suffisant.
Ces deux conditions sont maintenant réalisées, grâce au développement de l’enseignement secondaire et collégial d’une part, et au développement des facultés des sciences de l’éducation et à la fondation de l’Université du Québec, d’autre part.
Bien d’autres gestes préparatoires aux grandes réalisations ont été posés au cours des dernières années. Vous en avez d’ailleurs l’énumération dans le programme même de ce colloque et l’exposé détaillé dans le document intitulé « Bilan 1968 de la réforme de la formation des maîtres ».
Ces étapes préliminaires nécessaires sont à l’heure actuelle suffisamment avancées pour que l’on passe maintenant aux réalisations majeures. C’est pourquoi je disais au début de ces remarques que ce colloque revêt à mes yeux une importance particulière car il se tient au moment psychologique qui marque un temps de réflexion entre la mise au point des préparatifs et le lancement de l’opération principale.
Si tous les participants, qui représentent les organismes dont la liste imposante apparaît au programme, se sont préparés dans l’esprit de réflexion et de recherche suggéré par les documents de travail qui leur ont été distribués, il y a lieu d’attendre de vos délibérations des résultats extrêmement valables, non seulement au plan théorique, mais aussi, je l’espère, au plan pratique.
Afin de vous laisser la plus grande liberté de pensée et d’expression, je me garderai d’aborder les sujets à l’étude et je me limiterai à vous exposer mes vues sur les principales caractéristiques que je considère fondamentales dans l’élaboration de recommandations.
Ces caractéristiques se résument à trois principales qui, bien que distinctes, se complètent mutuellement. Ce sont le sens de l’objectivité, le sens de la relativité et le sens de la réalité.
Le sens de l’objectivité
Les adeptes de l’école nouvelle et ceux de la réforme scolaire, chez-nous comme ailleurs, ont amèrement reproché aux générations qui nous ont précédés leur culte des mots passe-partout, des formules toutes faites qui, croit-on, dispensent d’atteindre jusqu’à l’objet, d’aller au fond des choses.
A lire certains textes ou à entendre certains boniments, nous pouvons légitimement nous demander si le verbalisme n’est pas plus florissant que jamais, et aussi plus pernicieux par la vertu magique que l’on attribue aux mots et aux formules. Combien pensent avoir tout dit, tout réglé, parce qu’ils ont employé quelques mots ou formules
à la mode.
Pour nous limiter au monde de l’enseignement, n’est-il pas vrai que plusieurs s’imaginent avoir fait un grand pas en avant dans la réforme scolaire parce qu’ils ont accolé l’une ou plusieurs des épithètes: active, coopérative ou polyvalente, au nom de leur école ?
Nous savons bien pourtant qu’il n’y a pas de mot ni de formule magique et que seule compte la réalité des choses ou de l’objet. Et cette réalité n’est pas nécessairement modifiée ni valorisée parce que l’on a changé le mot, l’expression ou la formule qui la désignait. Une école normale n’est ni meilleure ni pire du seul fait qu’elle est maintenant désignée par les mots « centre de formation de maîtres »; les professeurs d’écoles normales ne sont ni plus ni moins compétents parce qu’ils sont devenus des formateurs de maîtres; et les normaliens ne sont pas devenus de meilleurs ni de moins bons candidats à l’enseignement parce qu’on les désigne sous le nom d’étudiants-maîtres.
Ces exemples choisis entre bien d’autres ne doivent en aucune façon être interprétés comme une critique de la nouvelle terminologie utilisée dans ce secteur particulier de l’enseignement. Ils servent tout au plus à illustrer ma pensée: bien que les mots et les formules aient une certaine importance, leur valeur découle avant tout de leur correspondance à la réalité de l’objet.
Or, ce qui fait la réalité de l’objet, c’est son essence même et non ses accidents. Ainsi, la formation universitaire
des enseignants ne sera pas universitaire du seul fait qu’elle sera donnée dans un lieu physique ou dans des cadres juridiques ou administratifs qualifiés d’universitaires, ce qui n’est qu’accidentel, mais bien parce que son niveau,son contenu, ses méthodes et son esprit se mériteront le qualificatif d’universitaires.
J’espère fermement qu’au-delà des mots et des formules vos délibérations iront à l’essentiel et qu’elles permettront de dégager la réalité concrète à travers ce qui n’est qu’accessoire ou accidentel.
Le sens de la relativité
Si l’on en juge par la contestation dont les valeurs traditionnellement acceptées sont l’objet, l’on serait porté à croire que l’on vit dans un monde qui rejette l’absolu pour ne reconnaître à toute valeur qu’un caractère de relativité. Cependant, si l’on observe de plus près les hommes et leur comportement, l’on constate que le rejet de la plupart des valeurs jadis considérées comme absolues entraîne presque inévitablement l’adhésion à de nouvelles valeurs érigées en valeurs absolues.
Pour nous limiter au monde de l’éducation, combien de mythes ou de prétendus mythes sont devenus des tabous ? Combien de tabous ou de prétendus tabous sont devenus de nouveaux mythes ?
Je pense en ce moment aux concepts d’élite et de masse, de coéducation et d’éducation sexuelle, d’autorité et de liberté, d’enseignement privé et d’enseignement public, de neutralité et de confessionnalité, et à combien d’autres, qui de tabous ou mythes qu’ils étaient sont devenus, selon le cas, de nouveaux mythes ou de nouveaux tabous.
Et ce n’est pas le seul paradoxe que nous offre présentement le monde de l’éducation. On ne fait pas que substituer des nouvelles valeurs absolues à d’anciennes, on en crée de toutes pièces, et cela précisément au moment où l’on remet en question toutes les valeurs anciennes et où l’on enseigne le rejet de tout absolu.
Pour ne citer qu’un exemple ou deux, je dirais que le nombre et la polyvalence sont devenus pour certains des valeurs absolues auxquelles on attribue, par surcroît, une vertu magique. C’est comme s’il ne pouvait y avoir d’éducation véritable, d’administration efficace ou d’organisation rationnelle du territoire, en deçà ou au-delà d’un certain nombre d’élèves de commissions scolaires ou de régionales.
Pour d’autres, la polyvalence, et même le type particulier de polyvalence que nous préconisons garantirait automatiquement le succès et serait le seul à pouvoir l’assurer.
Je ne nie pas l’importance de certains facteurs numériques ni la valeur d’un type particulier de polyvalence, mais je me refuse à en faire des valeurs absolues hors desquelles il n’y aurait pas de salut possible.
Un autre paradoxe qui n’est pas sans attirer mon attention, c’est d’une part l’affirmation constante de la nécessité de former des hommes capables d’évoluer en même temps et au même rythme que la société changeante dans laquelle ils vivent, d’adapter constamment organisation et méthodes aux réalités mouvantes de la vie et, d’autre part, une tendance assez marquée en certains milieux à préconiser des structures, des cadres, des programmes et des méthodes uniformes et rigides que l’on considère comme des valeurs absolues et intangibles.
Loin de moi la pensée de nier l’existence de toute valeur absolue et permanente, mais je crois qu’en matière de structures, de cadres, de programmes ou de méthodes, elles sont extrêmement rares, surtout celles qui seraient dotées d’un pouvoir magique. À mon avis, la plupart de ces valeurs ne sont pas relatives, c’est-à-dire qu’elles dépendent des hommes, des choses et des conditions physiques, psychologiques, sociales, culturelles et même spirituelles du milieu. Il s’agit des voies et des moyens et non des fins.
Il me parait essentiel que vos délibérations manifestent un sens aigu de cette relativité et qu’elles s’écartent des tendances au dogmatisme ou à l’absolu.
Le sens de la réalité
Que tous ceux qui sont engagés dans la réforme scolaire voient beau, grand et loin, cela est merveilleux, car l’idéal engendre et nourrit le dynamisme de la pensée et de l’action. D’ailleurs, on ne peut changer la réalité pour le mieux que si l’on a des vues qui dépassent la réalité. Il ne faut cependant pas confondre l’attitude de l’idéaliste qui se complétait dans l’élaboration de concepts abstraits, sans aucun lien avec la réalité, et celle du réaliste animé d’un idéal élevé qui s’appliquent à rapprocher toujours davantage la réalité de son idéal.
En d’autres termes, je veux dire que nous n’avons pas à créer, au sens propre du terme, c’est-à-dire: à faire, à partir du néant, un système idéal de formation de maîtres, pour un pays et des enfants idéalisés. Nous avons à transformer, dans toute la mesure du nécessaire et du possible, un système existant, valable sous certains aspects, déficient à d’autres points de vue, afin de donner aux élèves de nos écoles de toutes catégories, les meilleurs maîtres que nos ressources humaines et matérielles nous permettent de leur donner. Nous n’avons pas les moyens de préparer des Maria Montessori pour chacune de nos classes maternelles.
J’imagine qu’il doit exister, pour chacun des niveaux et des types d’enseignement et peut-être même pour chacune des matières, un minimum indispensable de préparation faite d’un dosage variable de formation générale et de formation professionnelle, comme il doit exister un maximum utile au-delà duquel toute préparation additionnelle serait superflue.
Nous devons à tout prix assurer à nos enfants des maîtres qui ont au moins le minimum nécessaire. Nous pouvons même faire davantage et je crois que nous devons tout mettre en œuvre pour que la formation de nos maîtres se rapproche le plus possible de l’idéal, mais nous n’avons absolument pas les moyens de donner et encore moins d’exiger du superflu. Cette affirmation vaut autant pour la durée que pour le niveau et le contenu de cette formation.
C’est à vous qu’il appartient de préciser ces différents points, à la lumière de vos connaissances et de votre expérience.
Le même sens de la réalité doit se manifester dans l’utilisation des ressources humaines et matérielles déjà engagées dans la formation des maîtres, et que l’on peut évaluer à plusieurs centaines de professeurs et à plusieurs dizaines de millions de dollars.
Si le passé et le présent ne doivent pas nous empêcher de préparer l’avenir, la préparation de l’avenir se fait à partir du présent et en tenant compte du passé.
Comme vous l’avez si bien écrit, « On forme des maîtres pour un système scolaire au service d’une société donnée ». Or, cette société, c’est la société québécoise, avec ses richesses et ses déficiences, ses forces et ses faiblesses,
ses craintes et ses espérances, ses besoins réels ou factices.
C’est de tout cela dont il nous faut tenir compte si nous voulons former les meilleurs maîtres qui lui conviennent.
Conclusion
J’ose espérer que ces réflexions ne seront pas reçues comme une tentative d’orienter vos délibérations dans une direction donnée ou d’imposer des limites à votre liberté de pensée et d’expression.
Vous avez sans doute remarqué que j’ai évité à dessein et avec soin d’émettre une opinion personnelle sur l’un ou l’autre des sujets au programme de votre colloque. C’est que j’estime qu’il vous appartient à vous de répondre aux questions qui vous sont posées.
D’autre part, vu l’importance de cette rencontre et le moment psychologique où elle a lieu, j’ai voulu vous inviter à pousser votre réflexion dans la direction et jusqu’aux frontières de la réalisation.
<Masse19690127>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LES MEMBRES DU CLUB OPTIMISTE
AU RESTAURANT BRUNO Pointe-aux-Trembles, le 27 janvier 1969>
Bonsoir mesdames et messieurs,
Je ne vous cacherai pas la joie que me procure ce soir la rencontre d’un groupe tel que le vôtre. C’est pour moi un plaisir d’autant plus grand que cette réunion me permet de rencontrer des gens qui partagent avec moi la même philosophie: celle de l’optimisme.
Je me permettrai de vous présenter ce soir quelques réflexions sur un problème d’actualité, celui de la négociation en cours entre le gouvernement et les commissions scolaires d’une part, et les enseignants d’autre part.
A l’été 1966, une étude de l’augmentation des dépenses au chapitre de l’éducation révélait un accroissement considérable du poste des traitements versés aux enseignants. De plus, le gouvernement prenait conscience des graves disparités qui existaient dans ce domaine d’une commission scolaire à une autre. Cette analyse a souligné, en particulier, qu’il existait des écarts de rémunération souvent importants entre les enseignants masculins et les enseignants féminins, entre ceux des milieux ruraux et des milieux urbains et que, pour des qualifications identiques, les traitements étaient rarement équivalents. Parfois, le rapport était du simple au double. Cela ne pouvait donc continuer ainsi sans fausser la politique salariale qui se dessinait déjà à l’époque et qui visait à instaurer une plus grande cohérence et, par conséquent, une plus grande justice, à l’intérieur des échelles de traitement des secteurs publics et para-publics.
Le gouvernement décida alors de remédier à cette situation, sans pour autant augmenter le fardeau fiscal du contribuable local, en accroissant ses subventions aux commissions scolaires, moyennant, toutefois, l’approbation des offres de traitements qu’elles feraient aux syndicats.
Devant les difficultés rencontrées dans l’application de cette nouvelle politique, le ministère de l’Éducation dut avoir recours au Parlement, lequel institua un nouveau régime de convention collective de travail dans le secteur de l’enseignement.
Cette loi allait assurer une plus grande égalité dans les services et les conditions de travail des enseignants et éviter une surenchère inutile et coûteuse entre les commissions scolaires. Elle rendait possible, en outre, la définition de conditions d’emploi et de traitements cohérents et stimulants pour la réforme scolaire. En somme, l’objectif était d’établir une péréquation à l’échelle du territoire du Québec, c’est-à-dire, une répartition équitable des richesses de la collectivité.
Le gouvernement du Québec devenait alors partenaire des commissions scolaires dans la négociation d’une convention collective qui s’appliquerait à l’ensemble du territoire québécois.
Sa présence était devenue nécessaire:
– Tout d’abord en raison de sa participation financière aux dépenses des commissions scolaires. Ces subventions représentent selon le cas de 60 à 90% de leurs budgets.
– Le Gouvernement québécois est responsable en matière d’éducation et c’est à lui qu’incombe la tâche de bâtir un
système d’enseignement moderne, souple et dynamique qui réponde aux besoins de chaque québécois.
– Enfin, l’objectif du Gouvernement étant d’instaurer plus de rationalité dans les dépenses gouvernementales en
matière salariale, la participation du Gouvernement aux négociations avec les enseignants permettait de rapprocher les normes de traitement des enseignants des normes établies dans les secteurs équivalents du domaine public et
para-public.
Cette association du Gouvernement et des commissions scolaires permettait une plus grande unité de pensée face à la partie syndicale de plus en plus unifiée.
Car, à l’époque, se dessinait chez les syndicats d’enseignants une plus grande coordination de leur action. En fait, le
Gouvernement agissait à l’égard des commissions scolaires comme catalyseur de leurs intérêts communs. Il ne faudrait pas non plus oublier que la négociation à l’échelle du Québec répondait à un désir déjà exprimé par différents syndicats d’enseignants. Plusieurs demandaient qu’une seule et même convention régisse les conditions de travail des enseignants et qu’un seul interlocuteur syndical les représente à la table des négociations.
Voilà pourquoi le 17 juillet 1967 se rencontraient à la table des négociations le Gouvernement et les commissions scolaires d’une part, et les associations d’enseignants d’autre part.
Après que la partie syndicale eut déposé un projet de plus de 750 clauses et que le Gouvernement et les commissions scolaires l’eurent étudié, les négociations devaient s’accélérer et atteindre un rythme intensif jusqu’à la fin du mois d’octobre 1968. Au cours de cette période et à la demande de la partie syndicale, la partie patronale révisa ses offres afin de présenter aux enseignants un projet modifié qui comportait de nouvelles propositions.
Toutefois, à peine le nouveau projet était-il déposé que les associations d’enseignants demandaient au Ministre du Travail l’intervention d’un conciliateur. L’Honorable juge Bousquet fut alors désigné comme conciliateur spécial.
Dans la dernière semaine d’octobre, bien que le Gouvernement et les commissions scolaires eurent accepté les dernières demandes syndicales concernant les traitements et qu’ils eurent consenti à d’importantes modifications sur plusieurs autres points, les représentants syndicaux mirent fin à la conciliation.
La partie patronale, pour sa part, estimait que tous les efforts possibles en vue d’en arriver à une entente avaient été faits. Voilà donc, mesdames et messieurs, la rétrospective des événements qui se sont déroulés jusqu’à ce jour.
L’objectif ultime et constant de la partie patronale a été de définir des conditions de travail, des méthodes de perfectionnement et des règles de participation susceptibles de réaliser la réforme scolaire avec toute la souplesse voulue pour que les aménagements locaux soient appropriés aux conditions particulières de chaque milieu.
Au cours de la préparation des offres, et tout au long des négociations, le Gouvernement et les commissions scolaires
ont fondé leurs propositions sur des principes de justice et de cohérence.
Justice sur le plan des traitements en appliquant la règles qui exige un traitement égal pour un travail égal; en proposant que soit complètement réalisée la parité de salaire entre hommes et femmes, enseignants des régions éloignées et des grands centres urbains. Ces principes sont d’ailleurs ceux qui ont inspiré l’ensemble de la politique salariale du Gouvernement.
C’est également l’abolition des disparités régionales que vise le Gouvernement lorsqu’il offre à tous les enseignants du Québec les mêmes chances d’accès au perfectionnement et lorsqu’il propose d’instaurer un plan d’assurance-maladie à l’échelle du Québec.
Ainsi, la parité de salaire entre hommes et femmes, urbains et ruraux, anglais et français, religieux et laïques, sera chose faite en 1970. Plus de 20,000 enseignants dont la majorité sont des femmes qui n’avaient pas jusqu’ici la parité de salaire avec leurs collègues masculins, recevront des sommes additionnelles au titre du rattrapage, tandis que des primes spéciales tenant compte de l’isolement et de l’éloignement ont été prévues. Quant aux augmentations de traitements, elles s’échelonnent entre $400. et $2,000., la majorité des enseignants obtenant $800. à $900. d’augmentation. Aucun enseignant ne recevra moins de 5% d’augmentation pour chacune des deux périodes de 18 mois.
Au chapitre du perfectionnement, non seulement le Québec augmentera les sommes consacrées à cette priorité, mais le système a été complètement repensé de façon à permettre à un plus grand nombre d’enseignants de se prévaloir du perfectionnement et ce, dans des conditions plus avantageuses.
Auparavant, chaque commission scolaire pouvait consacrer au perfectionnement 1% du total des traitements qu’elle payait à ses enseignants.
Si par exemple, une commission scolaire versait $150,000. annuellement en traitement à ses enseignants, elle ne pouvait disposer que de $1,500. pour le perfectionnement. Il est évident que dans de telles conditions aucun enseignant, à remploi de cette commission scolaire, n’était intéressé à se prévaloir de cette somme trop faible, si l’on tient compte des coûts d’une année de perfectionnement.
Seules les commissions scolaires des grands centres urbains pouvaient, à cause de l’importance des budgets consacrés aux traitements de leur personnel enseignant, disposer de sommes suffisantes pour permettre le perfectionnement d’un certain nombre d’entre eux. Encore fallait-il quelques fois pour augmenter ce nombre, réduire les montants octroyés à chacun.
Nous avons donc étudié sérieusement cet aspect de la convention collective et avons proposé une nouvelle formule qui nous parait beaucoup plus équitable. Elle consiste à permettre à 7/10 de 1% du total des enseignants d’une commission scolaire régionale d’accéder au perfectionnement; à travers tout le Québec, plus de 425 pourront ainsi bénéficier d’un stage de perfectionnement. De plus, les enseignants qualifiés au perfectionnement sont assurés de recevoir 80% de leur traitement
annuel sous forme de bourse non taxable, alors qu’auparavant ils ne touchaient parfois que 50% de leur traitement.
Non seulement le ministre de l’Éducation offre-t-il à un plus grand nombre d’enseignants de se perfectionner, mais il permet également à l’enseignant, peu importe où il enseigne, petite ou grande commission scolaire, de bénéficier des mêmes chances d’accès au perfectionnement.
Cette nouvelle méthode nous offre donc la possibilité d’améliorer de façon uniforme à travers le Québec, la qualité des enseignants eux-mêmes. En plus des cours de perfectionnement, le Gouvernement et les commissions scolaires proposent un plan de recyclage permettant aux enseignants d’acquérir sans frais les complaisances les plus modernes dans le domaine
pédagogique. Le recyclage est devenu un impératif fondamental dans tous les secteurs de l’économie moderne, étant donné l’évolution rapide de la science, de la technologie et de leurs applications. La mise sur pied d’une politique précise et rationnelle de recyclage, telle que proposée par la partie patronale, est essentielle si l’on veut s’assurer que le système d’enseignement québécois reste à la pointe du progrès du point de vue de la qualité de l’enseignant.
Un autre domaine qui, semble-t-il, nuirait à un rapprochement entre les parties est celui de la consultation. Selon les offres du Gouvernement et des commissions scolaires, les enseignants seront obligatoirement consultés au niveau de l’école pour tous les secteurs d’ordre pédagogique ou disciplinaire. Au niveau de la commission scolaire, ils seront consultés sur le choix du matériel, sur les méthodes d’enseignement, sur le choix des options, sur les incidences pédagogiques des constructions d’école ainsi que sur d’autres questions importantes. De plus, toute commission scolaire devra motiver une décision non conforme aux recommandations de ses comités consultatifs.
En invitant les enseignants à jouer un rôle fondamental dans la prise de décision sur toutes les questions pédagogiques importantes, le Gouvernement et les commissions scolaires reconnaissent que les enseignants sont leurs principaux collaborateurs et consacrent par le fait même leur statut professionnel.Le Gouvernement et les commissions scolaires sont en effet conscients du rôle que doivent jouer les enseignants dans la réforme scolaire. Ainsi, en compagnie des autres responsables en matière d’éducation, les enseignants mettront au profit du Québec leurs connaissances et leur expérience.
Reste maintenant un point très important: la charge de travail.
Le rapport de la commission d’enquête en matière d’éducation, le rapport Parent, suggérait une norme d’un enseignant par 29 élèves. Dans le but de faire progresser les négociations, la partie patronale a accepté de diminuer la charge de travail des enseignants en proposant un rapport d’un (1) enseignant par 28 élèves. Bien plus, après plusieurs mois de négociations dans un ultime effort pour parvenir à une entente, la partie patronale réduisait encore une fois le rapport maître-élèves pour le porter à un (1) enseignant par 27 élèves.
Nous considérons que cette dernière offre représente le maximum de ce que le Gouvernement et les commissions scolaires peuvent proposer compte tenu de leurs ressources financières.
Car, si nous acceptions les demandes des enseignants dans ce domaine, il faudrait embaucher plus de 4,000 nouveaux maîtres, ce qui coûterait annuellement 27 millions de plus, soit 81 millions pour la durée de la Convention.
Le Gouvernement du Québec est dans l’impossibilité d’accepter la nomination d’un arbitre dans cette négociation, étant donné que les clauses qui demeurent en litige ont des implications financières énormes; nous ne pouvons accepter de confier à un tiers ou, si vous préférez, à un arbitre, des responsabilités que seul un Gouvernement se doit d’assumer. Une décision arbitrale qui accroîtrait les dépenses prévues au poste de l’éducation signifierait que le Gouvernement et les commissions scolaires seraient tenues d’augmenter les impôts ou les taxes foncières ou, encore, de prendre à d’autres postes budgétaires les sommes d’argent requises pour y faire face. Or, le Québec a atteint un plafond en ce domaine.
La plupart des clauses non réglées, rappelons-le ont un indice monétaire très net: à titre d’exemples, mentionnons le perfectionnement, la contribution de l’employeur aux assurances-collectives, les disparités territoriales dans les traitements et, surtout, la charge de travail.
La partie patronale a négocié dans un contexte de grève éventuelle et elle a tout fait pour l’éviter.
Elle croit avoir atteint cet objectif. Maître Jean Cournoyer, porte-parole de la partie patronale à la table de négociations,
écrivait à M. Laliberté à ce sujet: « La possibilité d’une démission massive ou d’une grève des instituteurs a exercé sur nous la plus forte pression morale dans les circonstances. C’est en raison de cette pression constante et pour éviter qu’une grève
d’instituteurs ne se déclenche que nous avons consenti à modifier substantiellement nombre de nos positions jusqu’au
dernier jour de la conciliation.
« Il n’est pas nécessaire d’exercer le droit de grève pour que l’esprit du code du travail soit respecté. Pour nous, il a été suffisant que vous ayez ce droit pour que nous mettions tout en œuvre pour en arriver à un règlement négocié comme tous les autres règlements de convention collective « .
<Masse19690130>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À RADIO-CANADA » POLITIQUE PROVINCIALE » Québec, le 30 janvier 1969>
Le Québec est, à l’heure actuelle, engagé dans une expérience profondément originale d’aménagement du territoire. Il s’agit du plan que met en œuvre, depuis mai 1968, l’Office de développement de l’Est du Québec, dans la région du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles -de -la-Madeleine.
Il existe en effet au Québec, comme dans la plupart des autres pays, de nombreux déséquilibres entre le niveau de revenu de certaines zones dont l’économie reste axée sur des activités de type traditionnel: agriculture, pêche, mines, forêts. Ces disparités sont particulièrement importante dans l’Est du Québec.
La faiblesse de revenu par habitant, le caractère saisonnier des activités de la majorité de la population de cette région, posent au Québec un défi d’envergure auquel seule une approche entièrement nouvelle doit permettre
de répondre.
Cette approche nouvelle, ce fut d’abord une étude approfondie et précise des données économiques et sociales de la région, menée par le bureau d’Aménagement de l’Est du Québec, le BAEQ.
C’est à partir de cette étude, que fut conçu le plan de développement de l’Est du Québec, qui se poursuivra au cours des cinq prochaines années et dont le budget global est de l’ordre de 258 millions. Vingt millions ont été dépensés au cours de la première année en vue de réaliser les premiers programmes prévus. On prévoit dépenser, pour cette année, 50 millions de dollars.
Le plan de développement de l’Est du Québec se présente comme un ensemble cohérent de mesure, de programmes et de projets, propres à réaliser un objectif général: le progrès économique et social de la Région.
L’approche globale qu’implique cet objectif, nécessite une coordination constante de l’action des divers ministères québécois qui sont, chacun dans leur domaine, chargés de l’exécution des programmes. De là est né un nouveau type de fonctionnaires appelé coordonnateur, dont la mission est d’adapter et d’harmoniser les divers programmes des ministères aux priorités du plan. Ils forment la Conférence administrative.
Mais la grande responsabilité de l’exécution des projets et des programmes a été confiée à un nouvel organisme, créé spécialement en fonction du plan: il s’agit de l’Office de Développement de l’Est du Québec, ou ODEQ.
La tâche de cette nouvelle structure administrative est de veiller à ce que les étapes du plan se déroulent conformément aux normes et aux dispositions financières prévues. Installé non seulement à Québec, mais également dans plusieurs centres importants du territoire-pilote, l’ODEQ est le symbole d’une décentralisation administrative jugée essentielle par le Québec. Le gouvernement du Québec n’a pas voulu agir à distance, mais intervenir sur place, être physiquement présent là où surgissent les problèmes et là où l’action doit être adaptée aux réalités humaines.
Le plan, mis en œuvre par l’ODEQ, se propose avant tout de susciter le « décollage » économique de la région et d’accroître les revenus des travailleurs locaux. Dans ce but, l’Office de Développement de l’Est du Québec a mis en marche différents programmes visant à moderniser les activités traditionnelles que sont l’agriculture, la pêche et la forêt, et à implanter de nouveaux types d’activités industrielles.
Mais c’est dans le domaine social que l’ODEQ est appelé à appliquer les formules les plus audacieuses. Des équipes spéciales de professionnels seront chargées de faciliter l’adaptation des travailleurs aux changements d’activité économique et du passage éventuel de l’environnement rural à l’environnement urbain.
Mise en valeur des ressources naturelles, implantation de nouvelles industries, promotion humaine et sociale … voilà les grandes options du plan d’aménagement que met en œuvre l’Office de Développement de l’Est du Québec.
<Masse19690204>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À RADIO-CANADA » POLITIQUE PROVINCIALE »
Québec, le 4 février 1969>
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Bonsoir,
Comment faire face à la nécessité impérieuse de construire l’avenir de la société québécoise de façon à permettre l’épanouissement de chaque individu comme celui de la collectivité nationale ?
Parler de l’avenir du Québec, c’est inévitablement se poser un certain nombre de questions concernant le développement de régions qui, jusqu’ici, sont restées en dehors du courant de la croissance économique.n existe en effet au Québec de nombreux déséquilibres entre le niveau de revenu de la majorité des Québécois et le niveau de revenu de certaines zones dont l’économie reste axée sur des activités de type traditionnel: agriculture, pêche, mines, forêts. Ces mêmes déséquilibres se retrouvent d’ailleurs dans de nombreux pays modernes: que l’on songe à l’Italie, qui a dé entreprendre dans ces dernières années une action énergique visant à relever l’économie du « Mezzogiorno », ou aux États-Unis, dont la prospérité générale ne parvient pas à résorber certaines poches de misère profonde.
La faiblesse de revenu par habitant, le caractère saisonnier des activités de la majorité de la population de la région du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie, et des Îles-de-la-Madeleine, posaient au Québec un défi d’envergure auquel seule une approche entièrement nouvelle devait permettre de répondre.
Cette approche nouvelle, ce fut d’abord une étude approfondie et précise des données économiques et sociales
du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de- la-Madeleine, menée par le Bureau d’Aménagement de l’Est
du Québec, le BAEQ. Cette analyse extrêmement fouillée des conditions d’existence de la région et de ses possibilités de
développement fut soumise au gouvernement du Québec sous la forme d’un rapport en dix volumes contenant un
très grand nombre de recommandations. C’est à partir de ce rapport que fut conçu le plan de développement de l’Est du Québec, qui se poursuivra au cours des cinq prochaines années. Une entente générale de coopération fut signée entre le Gouvernement du Québec et celui du Canada, permettant de répartir les programmes et les déboursés entre les différents ministères et organismes.
Ce qui constitue l’originalité profonde et l’audace nouvelle de l’étude menée par le BAEQ, c’est l’expérience
d’animation sociale qui fut menée tout au long des recherches. Les membres du Bureau d’Aménagement dialoguèrent
avec des centaines de comité locaux et régionaux. Cette collaboration active de la population doit se poursuivre au cours de la mise en œuvre du plan. Un programme d’information a d’ailleurs été prévu afin de tenir constamment
la population au courant du déroulement des divers projets.
Le plan de développement de l’Est du Québec se présente comme un ensemble cohérent de mesures, de programmes et de projets, propres à réaliser un objectif général: le progrès économique et social de la Région. L’approche globale qu’implique cet objectif, nécessite une coordination constante de l’action des divers ministères québécois qui sont, chacun dans leur domaine, chargés de l’exécution des programmes. De là est né un nouveau type de fonctionnaires appelé coordonnateur, dont la mission est d’adapter et d’harmoniser les divers programmes des ministères aux priorités du plan. Ils forment la Conférence administrative.
Mais la grande responsabilité de l’exécution des projets et des programmes a été confiée à un nouvel organisme, créé spécialement en fonction du plan: il s’agit de l’Office de développement de l’Est du Québec, ou ODEQ.
La tâche de cette nouvelle structure administrative est de veiller à ce que les étapes du plan se déroulent conformément aux normes et aux dispositions financières prévues.
Installé à Rimouski, au cœur même du territoire-pilote, l’ODEQ est le symbole d’une décentralisation administrative jugée essentiel par le Québec. Le gouvernement du Québec n’a pas voulu agir à distance, mais dans le but d’améliorer la formation générale et professionnelle des travailleurs de la région, qui sera donc poursuivi et accentué, La modernisation des méthodes de gestion, l’introduction de nouvelles techniques et de nouveaux procédés de production est également nécessaire. Enfin, la réalisation du plan entraîne la mise en place d’équipements modernes et l’investissement de sommes considérables. Le
budget global de la réalisation du plan représente 258 millions. Pour la première année, 20 millions ont été dépensés
en vue de réaliser les premiers programmes prévus.
Le plan, que doit réaliser l’ODEQ, se propose comme objectif global l’élimination des disparités d’emploi et de revenu qui placent la Région dans une situation d’inégalité par rapport au reste de la collectivité.
Il n’est pas question que ce rattrapage se fasse par des transferts d’allocation ou d’assistance qui mettraient la région dans une situation de dépendance et lui assigneraient un rôle improductif. C’est au contraire par la modernisation des activités traditionnelles que sont l’agriculture, la pêche et la forêt, et par l’implantation d’activités économiques nouvelle que se fera le « décollage » économique et l’accroissement des revenus des travailleurs locaux.
Dans ce but l’Office de Développement de l’Est du Québec a déjà mis en marche un programme visant à opérer une répartition plus efficace entre les terres non propices à l’agriculture et celles qui offrent une possibilité d’exploitants rentable.
Des 10,000 agriculteurs de la Région, plusieurs possèdent des terres qui ne sont pas rentables du point de vue agricole. Ces cultivateurs auront la possibilité de quitter leur ferme, s’ils le désirent, et pourront recevoir une formation technique et professionnelle qui leur permettra de se réorienter vers d’autres secteurs.
Quant aux autres exploitations agricoles, plusieurs programmes visant à améliorer leurs revenus sont déjà en œuvre. Ils prévoient, entre autres, la modernisation, la rationalisation de la production et l’amélioration de la formation professionnelle des cultivateurs.
Le même effort de rationalisation a été entrepris par l’ODEQ dans le secteur forestier, autre activité traditionnelle de la Région. Il s’agit, là aussi, d’aménager les ressources du territoire pilote de façon à fournir aux travailleurs forestiers un travail stable bien rémunéré et s’étendant sur dix mois de l’année.
Dans le domaine de la pêche, qui représente une activité essentielle pour la région du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, les efforts de l’ODEQ visent actuellement à réorganiser et à rendre viable l’activité des pêcheurs afin d’améliorer leur niveau de vie. Tout en accroissant la rentabilité de la pêche côtière, les différents programmes du plan cherchent avant tout à développer la pêche en haute mer qui peut, à long terme, être la source de revenus importants.
Ainsi, plusieurs mesures sont prévues en vue d’améliorer la flotte de pêche hauturière et de multiplier les installations capables de traiter le poisson, tandis que des programmes spéciaux de formation professionnelle permettront d’accroître la main-d’œuvre spécialisée nécessaire à l’expansion de l’industrie de la pêche.
Mais c’est aussi le développement d’une activité relativement nouvelle pour la région-pilote: l’activité touristique que cherche à promouvoir l’ODEQ, La vocation touristique de la Gaspésie ne constituera une source de revenus appréciables pour sa population que si la région de vient capable de concurrencer les autres stations touristiques du nord-est américain. Il reste encore beaucoup à faire dans ce sens. L’effort de développement porte en particulier sur l’accroissement du nombre des équipements d’accueil et d’hébergement des touristes, sur l’amélioration des services, ainsi que sur la création de parcs, de réseaux d’étapes et l’aménagement des rivières à saumons. Un programme spécial visant à créer rapidement de véritables stations touristiques possédant tout l’équipement des grandes stations internationales fera également partie des réalisations de l’ODEQ,
Cet effort de développement de l’infrastructure touristique et de mise en valeur des beautés naturelles devrait permettre d’accroître considérablement le dynamisme touristique de la région gapésienne.
Enfin, c ‘est dans le domaine social que le plan de développement a dé trouver les formules les plus audacieuses. Les divers programmes que comporte le plan ne pourront être appliqués sans provoquer d’inévitables transferts de main-d’œuvre d’un secteur à l’autre et causer un certain bouleversement dans les habitudes de vie de la population. Afin d’atténuer ces difficultés, nous prévoyons la création d’équipes de professionnels spécialement chargées de faciliter l’adaptation des travailleurs aux changements d’activités économiques et au passage éventuel de l’environnement rural à l’environnement urbain.
D’autre part, la modernisation des techniques de production proposées par de nombreux programmes devant libérer une partie de la main-d’œuvre, celle-ci devra être réintégrée dans d’autres secteurs. Afin de faciliter ces processus, des mécanismes permanents de recyclage , de formation professionnelle et de reclassement de la main-d’œuvre ont été mis sur pied. Ils permettront aux travailleurs d’acquérir une formation qui répondra aux exigences du marché du travail régional, mais qui correspondra aussi à leurs aptitudes et à leurs aspirations personnelles.
Développement de l’activité économique, mais également promotion humaine et sociale, voilà quelles sont les deux grandes options du plan que met en œuvre l’Office de développement de l’Est du Québec. Cette expérience de planification correspond à la définition que donne du plan Pierre Massé dans « Le Plan ou l’anti-hasard »:
« Il ne s’agit pas d’éliminer ce qui, par nature, est inéliminable, et d’apporter ainsi aux inquiétudes de l’homme des réponses qui l’apaisent et l’endorment. Il s’agit de lui fournir des éléments de décision qui lui permettent de faire face à l’incertitude par l’action. Il ne s’agit pas de deviner l’avenir, mais de contribuer à le construire « .
<Masse19690205>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA PREMIERE RÉUNION DE LA COMMISSION
INTERMINISTERIELLE DE LA PLANIFICATION Québec, le 5 février 1969>
Messieurs,
La loi de l’Office de Planification du Québec a été sanctionnée le 5 juillet dernier. Les événements que vous connaissez ont empêché, jusqu’à récemment, le Conseil des ministres de se pencher à nouveau sur cet organisme important de l’appareil gouvernemental.
Néanmoins, la semaine dernière, un arrêté ministériel nommait les fonctionnaires qui composeront, pour un an, la Commission interministérielle instituée par l’article 5 de la loi.
Comme responsable de l’application de cette loi, je vous félicite de votre nomination et je compte que vous allez remplir efficacement votre mandat qui est d’aviser l’Office de planification sur toute question que cet Office vous soumettra relativement à l’élaboration des plans, programmes et projets de développement économique et social et d’aménagement du territoire.
Ce vaste mandat de consultation n’épuise pas pour autant toute la loi, puisque celle-ci prévoit également la mise sur pied d’un Conseil de planification pour permettre à d’autres groupes socio-économiques d’avoir voie au chapitre de la planification. Mais elle privilégie comme groupe, dans ce domaine vital, les hauts-fonctionnaires. Cela, à mon sens, est un témoignage non équivoque de la part du législateur qui reconnaît explicitement non seulement le besoin de planification socio-économique, mais aussi le rôle particulier ou, mieux, la responsabilité spécifique des hauts-fonctionnaires dans le processus. J’y reviendrai dans un moment.
L’objet de vos avis est aussi très vaste: les plans, programmes et projets de développement économique et social et d’aménagement du territoire. S’il est vrai que chaque ministère doit avoir ses plans d’action, il est aussi certain qu’il ne doit y avoir qu’un gouvernement (et non une fédération de ministères, comme on le dit, avec toutes les difficultés du fédéralisme!), un gouvernement, dis-je, et c’est pour cela que les orientations doivent être coordonnées si l’on veut que l’action gouvernementale le soit.
Le développement socio-économique n’épuise peut-être pas toute l’activité gouvernementale, mais sa planification fait appel à tous les ministères. C’est pourquoi chaque ministère est ici représenté.
Quant à moi, j’espère que vous ferez la part qui vous revient de suggestions au gouvernement et, par lui, à la société toute entière sur les voies désirables de son orientation, les exigences de changement que requiert son progrès et le rôle particulier de l’État dans la poursuite de ces objectifs.
Cela me conduit, puisque votre efficacité comme groupe dépendra de ce que l’Office aura à vous soumettre pour avis, à vous poser, en guise d’introduction à vos travaux, quelques questions.
D’abord, quel doit être le rôle de l’Office par rapport à la planification dans chaque ministère ? En conséquence, quel devrait être son programme de travail pour 1969 ? Comment devrait-il se structurer pour répondre à ses besoins ?
Quant à votre propre Commission, devrait-elle se constituer des équipes de travail soit sur la base de ministères dont l’action est voisine comme ceux qui œuvrent dans le secteur des ressources naturelles ou des ressources humaines ou de la politique administrative ?
Ou, plutôt, ne serait-il pas préférable que vous vous groupiez en équipes pour des travaux de courte période (groupe « conjoncture ») comme par exemple l’allocation des ressources pour le prochain budget, et des travaux à moyen terme (groupe « prospectives ») ?
Enfin, devriez-vous avoir une sorte d’exécutif ? Chose certaine: on ne part pas de zéro.
L’ancien C. O. E. Q. a produit d’excellents documents, une foule de rapports de commissions d’enquête et de comités d’études sont disponibles, ou d’ailleurs sont publiés. Il ne faut pas recommencer beaucoup de recherches des divers services du gouvernement, mais inventorier, analyser, synthétiser et présenter un tableau d’ensemble.
Il est urgent d’entreprendre la tâche et cette tâche est importante. C’est pourquoi il n’y a pas de substitut au sein de votre Commission, car c’est une priorité. Bonne chance et j’attends votre premier rapport.
<Masse19690207>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU QUATRIEME CONGRÈS DES AFFAIRES QUÉBÉCOISES « LE QUÉBEC À L’ÈRE TECHNOLOGIQUE », AU HOLIDAY INN Québec, le 7 février 1969>
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté de prendre la parole au quatrième Congrès des Affaires québécoises. Le thème de réflexion que vous avez choisi cette année: « Le Québec à l’ère technologique » a le mérite de poser un problème extrêmement important pour l’avenir de notre société, et je suis sûr que les nombreux conférenciers qui ont pris la parole au cours des trois journées du colloque ont apporté une contribution précieuse à la connaissance du phénomène technologique québécois. N’étant pas un spécialiste des questions scientifiques, je me permettrai, pour ma part, de m’en tenir à quelques réflexions sur le thème choisi pour ce colloque. L’on ne mesure pas toujours le péril auquel l’on s’expose lorsqu’on aborde un sujet aussi vaste et aussi complexe que celui de la technologie .
Il est intéressant de noter que dans une étude préparée en 1963, l’Institut de Recherches de Stanford, a classé le Canada au onzième rang des pays développés, soit à mi-chemin entre les pays à maturité technologique et ceux à plein développement économique, selon la nomenclature de l’économiste américain Walter Rostow. Il est cependant inquiétant de remarquer que le Canada, au sortir de la deuxième grande guerre, soit vers l’année 1945, était classé au deuxième rang pour son niveau de vie, la première place étant occupée par les États-Unis, alors qu’en 1968, le Canada a glissé en quatrième position et se situe maintenant derrière les États-Unis, la Suède et la Suisse. On devra ajouter ici que la différence entre le niveau du Canada et ceux des pays développés qui le suivent, se chiffre à moins de $100,00, mais le taux de croissance économique annuel de ces quatre pays est supérieur à celui du Canada. C’est donc dire que dans l’espace de quelques vingt-cinq ans, le niveau de vie du Canada peut facilement glisser en huitième ou neuvième position. Il devient donc impératif pour le Québec de ne pas compter passivement sur la croissance de l’économie canadienne pour améliorer sa propre position. En un mot, le Québec doit élaborer sa propre politique de croissance, en développant ses capacités d’innovation et de progrès, en fonction des besoins du Québec.
Les travaux de l’économiste américain Edward Denison ont montré que durant la période de 1929 à 1957, plus de 70% de la croissance économique américaine était attribuable à l’augmentation des effectifs de main- d’œuvre, et à la hausse du niveau de l’éducation et de la technologie. Plus précisément, l’éducation aurait fourni environ 23% de cette croissance économique, tandis que la part de la technologie aurait été d’environ 20%.
Le niveau des connaissances, et le changement technologique jouent donc un rôle d’amorçage de grande ampleur dans le processus de croissance économique.
Le changement technologique se manifeste par l’emploi de nouvelles techniques qui produisent des biens, des services
et des processus industriels, nouveaux et souvent meilleurs.
C’est cette effervescence de transformation qui crée de nouvelles firmes, forme de nouveaux cadres, entra”ne la création
de nouveaux emplois, suscite de nouvelles connaissances, ouvre de nouvelles possibilités d’investissement, bref, engendre
la croissance économique.
La capacité technologique, c’est-à-dire la quantité et la qualité de technologie existante dont la nation dispose, devient donc la ressource la plus importante car, en définitive, le taux de croissance de cette capacité technologique conditionne à long terme le taux de croissance économique du pays. C’est ainsi que certains économistes attribuent la crise des années 1930 à la non-entrée des nouvelles technologies d’où résulte la stagnation économique.
Depuis le commencement de la révolution industrielle en Angleterre, vers 1750, le changement technologique a été intense et soutenu et, à ce titre, nous pouvons parler d’évolution technologique. Cette évolution s’est faite par vagues successives, qui ont entraîné de nouveaux ensembles d’innovations technologiques, se développant et progressant au cours des années. Cinq vagues successives de « technologies associées » peuvent être identifiées. La première vague, celle qui se situe au début de la révolution industrielle, comprend l’agriculture, les textiles et la machine à vapeur. La deuxième vague technologique prend naissance avec l’apparition de l’industrie chimique, de l’industrie sidérurgique et des chemins de fer, tandis que la troisième comprend les arts mécaniques, les arts électriques et l’engin à combustion interne.
La quatrième vague technologique qui prend place au début du vingtième siècle est marquée par le développement
de l’industrie de l’automobile, de l’avion et de l’électricité. Nous sommes arrivés aujourd’hui à la cinquième vague technologique, celle de l’énergie nucléaire, et de l’effort spatial incluant les missiles et l’électronique, soit les ordinateurs, le radar, la télémesure, la télécommande, etc… Chaque vague comprend un ensemble de technologies étroitement associées et dépendant des innovations technologiques de la vague précédente ainsi que d’un réservoir de connaissances toujours plus large. Ce sont les innovations mises en application au cours d’une période qui permettent les nouvelles découvertes de la phase suivante.
Ajoutons qu’à chacune des étapes de l’évolution technologique correspond une organisation industrielle précise, tant du point de vue des caractéristiques proprement économiques que des aspects sociaux. Ainsi, au cours de la première vague technologique apparaissent les premières productions en usine, alors qu’à l’étape des chemins de fer émerge le concept d’organisation fonctionnelle, et qu’au stade de l’industrie de l’automobile se développe la production de masse.
De plus, l’amorçage d’une nouvelle vague technologique dépend de choix complexes, d’ordre politico-socio-économique, face à un réservoir scientifique et technologique toujours grandissant mais dont le potentiel ne peut jamais être évalué de façon exhaustive.
Il demeure ainsi un élément d’incertitude quant aux applications qui seront données aux innovations que suscite une nouvelle vague technologique. C’est ainsi que la nécessité d’une politique de défense efficace ressentie à la fois par les États-Unis et l’Union-Soviétique, puis par un certain nombre d’autres puissances, a conduit à accélérer les recherches dans le domaine des missiles électroniquement contrôlés et des ogives thermonucléaire.
C’est à partir de cette option précise que s’est développée la phase technologique contemporaine fondée sur l’énergie
nucléaire, l’effort spatial et l’instrumentation électronique. Que les considérations politico-socio-économiques de l’après-
guerre eussent été autres, la technologie moderne se serait sans doute développée sur des bases différentes. Face
à un climat international de détente, l’option choisie aurait pu être , par exemple, l’humanisation des villes. Il est probable que les efforts des chercheurs se soient alors concentrés sur la solution des problèmes posés par la construction urbaine massive, les modes de transports différenciés, la dépollution de l’eau et de l’air, ainsi que la suppression du bruit urbain.
Et c’est d’ailleurs dans cette perspective d’une grande variété d’options possibles de développement, telles que les décrit l’ouvrage d’Herman Kahn et d’Anthony Wiener: « l’an 2,000 », que la conjoncture technologique prend toute son importance.
En même temps qu’elle apporte un ensemble d’innovations et d’applications multiples de ces innovations, une nouvelle vague technologique entra”ne avec elle un changement des structures de la civilisation.
Le passage subséquent de cinq vagues technologiques a profondément bouleversé en trois siècles nos modes de production et de consommation, nos moyens de communication et de transport et a apporté un certain progrès social qui s’est manifesté, entre autre, par l’élévation du niveau d’éducation des masses, par une baisse importante du taux de mortalité et un accroissement de l’espérance de vie des individus.
A partir des tendances qui se manifestent à l’heure actuelle, il est possible de discerner les grandes lignes de l’évolution future de notre société.
Au 18ème siècle, le Québec était largement rural; 85% de sa main-d’œuvre était affectée au secteur primaire et au secteur secondaire. À l’heure actuelle la population affectée au secteur tertiaire représente plus de 60% de la main-d’œuvre québécoise. Pour l’an 2,000, l’on peut prévoir que seulement 10% à 15% de la main-d’œuvre sera affectée aux secteurs primaire et secondaire; il s’agit ici d’une inversion profonde. En l’an 2,000, environ neuf personnes sur dix seront affectées à des tâches autres que celles qui sont liées à la production de biens destinés à satisfaire les besoins primaires de l’homme, soit la nourriture, le vêtement et le logement.
En 1968, le Québec avait un produit national brut d’environ $17 milliards pour une population d’environ 6 millions, tandis qu’en l’an 2,000, le produit national brut prévu représentera environ $80 à $100 milliards pour une population estimée à 9 millions et demi d’individus.
A ce produit national correspondra un nouveau mode de vie caractérisé par l’augmentation du temps consacré aux loisirs, par des facilités accrues de transport et de communication, par un accroissement considérable du niveau de consommation et par une large diffusion de l’enseignement secondaire et universitaire. En même temps, apparaîtront des changements démographiques profonds liés à l’accélération du phénomène d’urbanisation et à la tendance décroissante que présente le taux de natalité.
Ces perspectives ne relèvent pas de l’ordre de l’imaginaire et de la spéculation gratuite. Elles représentent au contraire une situation que le Québec est appelé à atteindre d’ici les vingt-cinq à cinquante prochaines années. Dans ce contexte d’évolution technologique, la situation du Québec nous apparaît à l’heure actuelle comme relativement fragile. Dans sa progression de développement, le Québec a suivi avec un décalage de plusieurs années le rythme de croissance économique et technologique des États-Unis.
Dans le domaine de l’éducation, les efforts entrepris pour améliorer la qualité de l’enseignement et en faire bénéficier toutes les classes de la société devront être accentués si nous voulons répondre aux besoins croissants du Québec en main-d’œuvre hautement qualifiée.
C’est en s’attachant à améliorer le niveau de formation universitaire et technique et en favorisant la recherche que le Québec pourra accroître son taux d’expansion économique et entrer véritablement dans l’ère technologique.
Le Québec ne réussira dans cette voie que s’il élabore une politique ferme et efficace dans le domaine scientifique et technologique. Une des priorités devra être l’augmentation du nombre des diplômés d’université en génie,
en physique, en chimie et dans les sciences pures, ainsi que l’augmentation du nombre de diplômés au niveau
du doctorat spécialisés dans la recherche fondamentale et appliquée. La formation d’un capital humain scientifique
et technique doit être au Québec aussi importante que dans les autres pays. Or, les États-Unis décernent actuellement
trente doctorats techniques par million d’habitants: les besoins du Québec dans ce domaine pourraient être évalués
à partir de cet ordre de grandeur. Le Québec doit également stimuler la recherche universitaire et encourager la venue
de chercheurs étrangers dans les universités s’il ne veut pas rester à la remorque des découvertes effectuées dans
les autres pays. Notre collectivité ne peut rester indéfiniment importatrice de procédés brevetés à l’étranger et exportatrice
d’intelligences .
Il a déjà été démontré que dans tous les pays industrialisés les industries qui se développent le plus rapidement sont celles qui reposent sur la recherche scientifique. Il importe donc de stimuler l’effort d’innovation des industries québécoises. C’est au Québec que, dans l’avenir, devront être mis au point de nouvelles techniques de transport et de communication, de nouveaux procédés métallurgiques, chimiques ou miniers qui permettront de résoudre les problèmes proprement québécois dans ces domaines. La persistance de l’écart technologique entre les États-Unis et le Québec permet à l’heure actuelle des prises de contrôle de certains secteurs industriels par des groupements étrangers. Si cet écart ne se ferme pas, le contrôle étranger sera appelé à grandir au détriment de l’économie québécoise qui demeurera sur la défensive. Cependant, si cet écart s’amenuise par la recherche, par le développement de prototypes, par la création de nouveaux produits, l’industrie authentiquement québécoise sera en mesure de prendre sa place sur le marché international et d’y être concurrentielle et dynamique.
C’est dans cet optique que le gouvernement a amorcé la création d’un complexe scientifique qui regroupera les travaux de recherche des différents laboratoires gouvernementaux, ainsi que le futur centre de recherche industrielle, et qui permettra l’élaboration d’une politique québécoise de recherche scientifique. La construction du complexe débutera au printemps et représentera un investissement de 65 millions de dollars répartis en trois périodes sur une base de huit ans. Au terme de la première phase, les principaux services de recherche et les services de recherche connexes du complexe seront en opération.
La deuxième phase comprend une période de rodage au cours de laquelle on tentera d’aplanir les difficultés opérationnelles ainsi qu’une phase d’expansion permettant à de nouvelles unités de recherche de venir s’ajouter à la structure du complexe. La troisième phase, sera celle du développement et de l’exploitation systématique du complexe.
Le complexe scientifique est donc appelé à constituer un toit commun pour les différents services de recherche du gouvernement. Il fera appel à la collaboration des universités et des laboratoires industriels et constituera un centre d’échange et d’information entre les chercheurs des diverses branches scientifiques. D’autre part, les mécanismes mis en place lors de l’amorçage du complexe permettront de déceler et de développer les technologies les plus prometteuses pour l’avenir du Québec.
Ces mesures constituent les jalons d’une politique scientifique et technique nationale, qui devraient permettre d’intensifier rapidement l’effort technologique du Québec et de mettre résolument les ressources intellectuelles de notre collectivité au service de l’expansion économique.
Mais c’est également un objectif culturel et social que doit viser le progrès technologique en mettant les ressources techniques au service des valeurs humaines. Il s’agit ici de tirer partie de la position géographique du Québec, adjacente aux grands marchés nord-américains, sans renier ce qui existe d’original dans la culture proprement québécoise. Le Québec, adossé à l’économie des États-Unis, peut constituer la plaque tournante entre la technologie nord-américaine et les valeurs propres à sa civilisation d’expression française.
<Masse19690216
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA CONFÉRENCE DES PAYS FRANCOPHONES Niamey, le 16 février 1969>
Le gouvernement du Québec que j’ai l’honneur de représenter ici a été profondément heureux de répondre à l’invitation de son Excellence monsieur le Président de la République du Niger.
Il m’est infiniment agréable, en présentant nos respects à monsieur le Président de la République, de lui exprimer en même temps l’hommage de notre gratitude et de notre admiration pour avoir préparé cette rencontre avec une efficace et inlassable activité et pour avoir voulu que se tienne à Niamey ce premier rendez-vous de la francophonie mondiale.
Monsieur le Président, messieurs les Ministres, en vous apportant le salut fraternel du gouvernement et du peuple québécois, je tiens à vous exprimer notre adhésion à l’idée d’une agence internationale de coopération entre les pays et groupes francophones, dans les domaines culturels et techniques, c’est-à-dire les domaines où nous avons le plus en commun et le plus à échanger, les domaines aussi où il est possible d’édifier une coopération que ne mettent en cause ni les différences d’option politique, ni les divergences d’orientations idéologiques.
Pour le Québec, la participation à la présente conférence s’inscrit dans le mouvement amorcé à Libreville et à Paris en 1968, poursuivi à Kinshasa au début de cette année, étant bien entendu que la réunion de Niamey a un tout autre objet et se situe dans une perspective plus vaste. Pour nous aussi, le développement d’une coopération culturelle de plus en plus poussée et diversifiée avec les autres pays francophones et la participation à une véritable communauté culturelle répondent non seulement à une profonde aspiration, mais à une nécessité vitale et correspondent à une étape nouvelle d’essor et de créativité du Québec.
Il n’est peut-être pas utile de rappeler que les francophones sont environ six millions au Canada, ce qui représente environ 30% de la population de ce pays et que les 4/5 d’entre eux se retrouvent au Québec. On comprend aisément, à ce seul rappel, le besoin essentiel que nous avons de relations directes avec les peuples frères d’Europe, d’Afrique et d’Orient puisque, comme le disait si justement l’ancien premier ministre du Québec, feu Daniel Johnson, « la participation active à la francophonie, c’est l’oxygène de notre vie culturelle ».
Nous sommes en quelque sorte obligés par l’histoire et la géographie comme par la conjoncture à édifier des institutions originales qui tiennent compte à la fois de notre culture française, de notre caractère nord-américain, du voisinage anglo-saxon et des impératifs de la technologie. Peut-être cette expérience inédite d’un jeune État nord-américain de langue française représente-t-elle notre plus utile contribution au concert des pays francophones et à la communauté qu’ensemble nous formons de fait et qu’il faut désormais aménager et rendre organique. C’est dans cet esprit qu’à la suite de la conférence de Libreville et de Paris, le Québec accueillera, dans un mois, vers la fin de mars, une mission multinationale formée de spécialistes de l’éducation d’une quinzaine d’États africains francophones qui feront chez nous, pendant plusieurs semaines, un séjour d’information axé sur certaines préoccupations qui nous sont communes.
Il nous apparaît, en effet, que la coopération multilatérale, que nous pouvons développer entre nous tous, tirera sa grande originalité et ses promesses de la mise en commun d’expériences particulières, de la diversité même de nos situations géographiques et historiques, de la rencontre des civilisations et des modes de vie que nous illustrons ou que nous reflétons. À cet égard, nous croyons qu’il y a énormément à faire en matière d’information, en matière de connaissance mutuelle et que seule une organisation internationale à vocation culturelle et technique qui soit notre instrument commun est apte à remplir une pareille tâche. La coopération et, en particulier, la coopération multilatérale n’est pas d’abord affaire de volume ou de masse de crédits, mais affaire d’échanges ou de contacts, d’harmonisation des efforts, de circulation de l’information, de diffusion des expériences et de meilleure utilisation des moyens existants.
Nous avons la chance dans l’ensemble des pays partiellement ou entièrement francophones de voir représenter toutes les grandes aires de civilisation. C’est dans cette perspective que nous voyons s’inscrire la création d’une agence de coopération culturelle et technique, outil à notre sens indispensable pour l’affirmation de notre solidarité comme pour notre enrichissement et notre progrès commun.
Je dis tout de suite cependant que dans notre pensée cette agence ne saurait d’aucune façon se substituer
aux formes diverses de coopération bilatérale qui doivent non seulement subsister mais s’accroître. Dans le
même temps, nous avons évidemment besoin d’un organisme qui réponde à la nécessité pressante d’une coopération
multilatérale et qui, par là même, valorise la coopération bilatérale en contribuant à accroître son efficacité. Il nous
semble évident que l’éventuelle agence, par son action permanente d’inventaire et d’information, par son effort quotidien
de meilleure connaissance mutuelle et de rapprochement, créera des conditions propres à faciliter le rendement de la
coopération bilatérale, à lui ouvrir de nouveaux secteurs d’intervention et à éviter les doubles emplois.
L’agence pourra, par ailleurs, exercer progressivement son action propre dans des domaines où la coopération multilatérale s’impose d’urgente façon. Je pense en particulier à tout l’immense domaine de l’information, à celui du mouvement des personnes (qu’il s’agisse des étudiants, de la jeunesse en général ou du tourisme) à la concertation des ressources et des efforts en matière de recherche scientifique, à la création d’un centre international de documentation sur les pays francophones, qu’il faut entreprendre ensemble dans notre intérêt respectif. Toutes ces tâches, et combien d’autres encore, on voit bien qu’elles ne peuvent être l’œuvre que d’une organisation émanant de la volonté commune de nos États et soutenues par la confiance et l’espoir de nos peuples.
C’est pourquoi j’ai l’honneur, monsieur le Président et messieurs les Ministres, de vous annoncer que le gouvernement du Québec, pour sa part, souscrit pleinement au principe d’une agence internationale de coopération culturelle et technique des pays francophones.
Le gouvernement du Québec est également disposer à contribuer dès maintenant au fonctionnement et au financement
de l’éventuelle agence, selon les modalités que pourra arrêter cette conférence.
J’ajouterai, qu’à notre sens, il faut procéder par étapes sagement aménagées, mais qu’il faut agir le plus tôt possible. Il nous semble qu’il nous faille ici concilier l’urgence et le réalisme. Voici deux ans et demi déjà que les chefs d’État de l’OCAM, à Tananarive, ont émis le vœu de la formation d’une communauté culturelle francophone; voici plus d’un an que ces mêmes chefs d’État, ici même, ont confirmé et précisé cette résolution et décidé la convocation de la présente conférence. Il nous parait que les temps sont mûrs pour la création d’une institution que tout appelle.
Nous souscrivons à l’esprit, aux principes généraux et aux grands objectifs du projet qui nous a été distribué. Nous formons le vœu que cette conférence adopte formellement le principe et les grandes orientations de l’agence, qu’elle amorce la mise en place de ses cadres provisoires, de telle sorte qu’elle puisse engager des actions
immédiates tout en procédant à l’élaboration de ses modes de fonctionnement.
Monsieur le Président, messieurs les Ministres, nous sommes ici à un rendez-vous de l’amitié et de l’efficacité: puissent les promesses de cette conférence se traduire dans la création d’un instrument concret de coopération multilatérale, d’une coopération exemplaire par son style, sa dimension humaine, son originalité, une coopération à la fois porteuse de progrès et d’espoir entre des pays que tout appelle et invite à œuvrer ensemble dans le respect des personnes nationales et dans la volonté d’une solidarité féconde.
<Masse19690312>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LA JEUNE CHAMBRE DE QUÉBEC
AU RESTAURANT KERHULU Québec, le 12 mars 1969>
Mesdames et Messieurs,
C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation de prendre la parole devant les membres de la Jeune Chambre de Québec.
Devant l’importance croissante que prend au Québec la coopération avec l’extérieur, il me parait utile de passer en revue le développement que cette activité a connu au cours des dernières années.
Je me propose de dresser un rapide bilan de la coopération entre la France et le Québec, d’indiquer les avantages immédiats qui en découlent, et d’en esquisser les résultats à long terme. La nécessité où nous sommes de participer à la vie internationale s’est manifestée par la signature d’ententes. Les deux plus connues sont celles que le gouvernement du Québec et celui de la République française ont signées en 1965, l’une en matière d’éducation et l’autre en matière de culture. En 1968, un protocole a été ajouté à la première, créant l’Office franco-québécois pour la Jeunesse. Il existe également une convention, conclue en 1964, entre le Québec et un organisme para-public français nommé ASTEF (Association pour l’Organisation des stages en France). La mise en œuvre de ces diverses ententes est assurée par une commission permanente de coopération franco-québécoise. Cette commission se réunit en principe deux fois par année dans le dessein de revoir le travail accompli, de mettre au point les programmes à venir et de fixer les modalités de répartition des dépenses. La prochaine réunion de la Commission permanente aura lieu à Québec au mois de juin prochain.
Les programmes d’échanges franco-québécois ne constituent pas la somme de décisions unilatérales prises à Paris et à Québec. Les options générales s’inscrivent dans le cadre d’une politique concertée où chaque partenaire s’efforce, selon ses moyens, de concourir au succès des initiatives de l’autre partie, en ayant conscience d’accroître ainsi son propre potentiel humain.
A la réciprocité des programmes et à leur gestion concertée s’ajoute un troisième principe fondamental: le financement conjoint. Dans les domaines de la culture, de l’enseignement, des arts, des sports, de la jeunesse et des loisirs, le coût des échanges est réparti en parts égales entre le gouvernement du Québec et le gouvernement français.
Pour bien comprendre la portée des ententes conclues entre le gouvernement du Québec et le gouvernement français, il est utile d’en considérer brièvement les principales réalisations.
Sur ce plan des échanges artistiques, le Québec a reçu, depuis 1965, une douzaine d’expositions de prestige. De son côté, la France a accueilli plusieurs expositions québécoises.
Des échanges considérables de livres se sont effectués; la réciprocité du dépôt légal des deux bibliothèques nationales de France et du Québec est désormais acquise.
Le Québec a participé à la première Biennale de la langue française et accueilli la seconde. Il a contribué à la fondation du Conseil international de la langue française et organisé des colloques réunissant des linguistes de plusieurs pays francophones.
Dans le domaine de l’éducation, où l’activité s’est révélée particulièrement intense, la France et le Québec pratiquent, depuis plusieurs années, des échanges d’experts; le nombre des chargés de missions et stagiaires qui ont pris part à ces échanges s’élevait à la fin de 1968 à 414, dont 173 dans les neuf derniers mois de 1968. Un centre franco-québécois de développement pédagogique, prévu lors de la rencontre entre monsieur Peyrefitte et monsieur Johnson, à l’automne 67, a été créé.
Il possède déjà une section québécoise dont font partie plusieurs Québécois, ainsi que deux français. La section
française du Centre, qui sera installée à Paris et qui sera également formée de Québécois et de français, sera mise
sur pied prochainement. Un centre de développement technologique a également été prévu; il est à l’heure actuelle
en voie de création et possédera la même structure, soit deux sections, l’une à Paris, l’autre au Québec, qui seront
formées de français et de Québécois. Ces deux centres ont pour mission d’entreprendre des études, de préparer
des programmes de coopération entre le Québec et la France.
D’autres échanges portent sur la venue au Québec de coopérants français. L’appellation de coopérants s’applique aux diplômés français affectés au Québec au titre et pendant la durée de leur service national, soit au minimum quatorze mois consécutifs. En vue d’effectuer des tâches précises, 312 coopérants ont, en 1968, été affectés à des établissements québécois d’enseignement.
Par ailleurs, plus de 500 professeurs d’universités ont été échangés entre le Québec et la France. Au cours des quatre dernières années, le Québec a accueilli 295 boursiers français, le gouvernement français a invité 277 boursiers québécois.
Qu’il s’agisse de chargés de mission, de stagiaires ou de boursiers, plus de 2,000 enseignants et étudiants, tant Québécois que français, ont de la sorte bénéficié du développement de la coopération franco-québécoise.
Ces échanges sont appelés à se poursuivre puisque l’une des trois lettres signées à Paris, lors des rencontres entre le ministre de l’Éducation du Québec et les dirigeants français, a prévu la coopération de la France à la mise sur pied de l’Université du Québec, par l’envoi de 70 professeurs français.
On accorde dans le public, et à juste titre, une importance considérable aux initiatives franco-québécoises dans le domaine de l’éducation, ainsi qu’aux échanges artistiques. Parce qu’elles sont moins spectaculaires, on retient moins volontiers les opérations qui se multiplient dans le vaste champ de la coopération technique. À cause des résultats qui en découlent aussi bien qu’en raison des besoins évidents auxquels elle répond, nous attachons, pour notre part, un très grand intérêt à cette forme de coopération.
Depuis la mise en application de l’accord conclu entre le gouvernement du Québec et l’Association pour l’organisation des stages en France, 302 stages et missions ont été organisés dans le sens France-Québec et 395 dans le sens Québec-France. Ces échanges se sont effectués dans divers domaines, tels que l’électricité, l’électronique, le génie civil, la planification et l’aménagement régional, l’administration des entreprises, la géologie, le traitement des eaux, etc…
D’autres échanges techniques, en 1968-1969, ont porté sur la venue au Québec de coopérants français affectés dans les diverses administrations québécoises (103 coopérants techniques), sur la participation à des colloques franco-québécois, sur l’organisation de stages à l’École nationale d’Administration et à l’École nationale de la Santé publique, sur des stages de journalistes, ainsi que sur la réalisation de programmes de recherches dans des domaines variés: exploitation du Nord québécois, hydrologie, géologie et mines, aménagement du sol, équipement rural, tourisme, urbanisme… Dans les neufs derniers mois de 1968, 188 spécialistes québécois ont reçu des invitations et des bourses du gouvernement français; de son côté, le gouvernement français a envoyé au Québec dix missions.
L’intérêt suscité au Québec et en France par les premiers échanges et l’évaluation de leurs résultats à long terme ont permis progressivement de délimiter les domaines où une collaboration s’avérait particulièrement fructueuse. Dans les secteurs de la géologie, de l’hydrologie, des recherches nordiques, des affaires médicales et des investissements, des sous-commissions techniques composées de spécialistes des deux pays élaborent et appliquent des programmes concertés.
En conséquence des travaux de certaines commissions, des études sont entreprises en commun dans un pays ou dans l’autre. Ces études conjointes permettent une économie de moyens et contribuent à former une nouvelle génération de chercheurs et de spécialistes dans des domaines auparavant inaccessibles, faute d’un champ d’application suffisant.
Au début de 1967, un Centre de diffusion de la documentation scientifique et technique française a été créé à Montréal. Ce centre s’appuie, pour diffuser ses informations, sur un réseau d’anciens stagiaires, disposés à faire part de leur propre expérience des techniques françaises. L’économiste, l’ingénieur, le chercheur québécois ont ainsi à leur disposition un fonds documentaire qui leur permet d’établir des contacts directs avec des spécialistes français exerçant des activités analogues, de comparer les expériences françaises et les expériences québécoises à l’occasion de stages pratiques.
En même temps que les universités québécoises, c’est l’administration publique qui a participé le plus largement au développement des ententes franco-québécoises. La France bénéficie d’une expérience administrative beaucoup plus ancienne et plus étendue que la nôtre. Bien entendu, s’appuyer sur les structures administratives de la France ne peut être valable que pour un temps, le temps d’une transition, le temps d’adapter des méthodes dans la mesure où elles peuvent nous être profitables, à la solution de nos propres problèmes. L’École d’Administration publique que nous établirons au Québec ne sera pas un décalque de l’École nationale d’Administration, mais nous sommes convaincus que nous aurions tort de ne pas tirer parti de l’expérience française à cet égard.
Au titre de la promotion des entreprises françaises au Québec et québécoises en France, les deux gouvernements apportent leur concours technique et financier à la réalisation des plans de formation professionnelle. C’est ainsi que la Soma, Télémécanique électrique, Sidbec, Cegelec et d’autres entreprises ont bénéficié d’un concours appréciable pour la réalisation de leurs objectifs.
En second lieu, pour favoriser les accords entre entreprises et mettre ainsi nos industriels en mesure d’associer leurs intérêts à ceux des industriels français, de nombreuses missions ont été organisées: citons, en particulier, les domaines de l’industrie de la chaussure et du cuir, du matériel électrique, de l’électronique des industries du bois.
Un aspect non négligeable des échanges au niveau des industriels consiste à informer les français sur la position de notre économie et à leur faire valoir l’intérêt qu’ils auraient à investir au Québec. On peut estimer à 600 millions de dollars environ le montant actuel des investissements français au Québec. Comparativement aux capitaux provenant des États-Unis et de Grande-Bretagne, ce montant est relativement réduit, mais c’est un début: Les investissements français ont été multipliés par six depuis quelques années. L’industrie française apparaît bien placée pour accroître ses activités en Amérique du Nord.
Un des domaines les plus intéressants est celui des biens d’équipement. De prestigieuses réalisations québécoises se sont inspirées des techniques et du génie civil français. Le Métro de Montréal a été conçu selon une technique française; d’importants éléments de matériel fixe et roulant ont été fournis par l’industrie française ou construits sous licence au Québec. Le barrage de Manic V a également bénéficié de l’apport technique français et l’industrie française a participé à l’équipement du réseau de transport d’énergie à très haute tension.
En somme, bien que relativement récente, la coopération technique franco-québécoise prend des dimensions et un intérêt croissant.
Si ce trop rapide bilan se limite à la coopération franco-québécoise, c’est que, dans l’ensemble de notre coopération, elle prend les neuf dixièmes de la place et assume une part correspondante de nos préoccupations. Si nous conservons toujours le même intérêt à l’égard de la francophonie canadienne, notamment par l’action du Service du Canada français d’outre-frontières, nous n’avons fait qu’amorcer des relations avec les États francophones du reste du monde; et ces relations sont destinées à se développer surtout dans le cadre de la coopération multilatérale qu’organisera l’Agence de coopération culturelle et technique, dont la première Conférence des pays partiellement ou entièrement de langue française a décidé la fondation le 20 février dernier, à Niamey.
L’action du gouvernement québécois dans le domaine de la coopération doit continuer et se développer parce que, à long terme, la coopération se révèle in dispensable non seulement à l’épanouissement du Québec, mais même au maintien de son identité et que, à court terme, elle se fait, sans aucun doute, au bénéfice de notre population.
Que les réalisations rendues possibles par la coopération tournent à l’avantage immédiat de la population, rien n’est plus facile à établir, qu’il s’agisse d’échanges culturels ou d’échanges techniques.
Lorsque, par exemple, des établissements québécois de haut enseignement bénéficient des services d’universitaires français, les recherches qui s’y poursuivent et l’enseignement qui s’y dispense se trouvent immédiatement enrichis d’un apport important de science, d’expérience, de méthode et d’efficacité. Nous recevons ainsi les renforts que nous ne saurions trouver ailleurs. Nous obtenons ces contributions à des conditions extrêmement avantageuses, puisque les dépenses qu’entra”ne la coopération sont réparties à parts égales entre le Québec et la France. Si, au surplus, on veut bien tenir compte de tous les investissements que représente la formation d’un maître, si en d’autres termes, on calcule ce que chacun de ces enseignants a coûté et coûte encore à la France, on voit de quel capital – dont les québécois n’ont pas déboursé un sou – nous touchons le rendement à l’occasion de chacune de ces missions de recherche et d’enseignement. Si, à la même occasion, l’enseignant français bénéficie, de son côté, des contacts qu’il établit avec nos propres professeurs et nos propres chercheurs, c’est le prestige de nos établissements et de nos maîtres qui s’accroît d’autant à l’extérieur ainsi que dans notre propre milieu.
De même, lorsque nos universitaires vont poursuivre leurs travaux en France, ils tirent parti des organismes de recherche, ils profitent de l’outillage et du milieu scientifique dont la France a mis des siècles à se doter. même s’ils ne sont pas à sens unique, bien plus: du fait qu’ils ne sont pas à sens unique, ces échanges prennent une valeur considérable.
Il y a encore ceci qui est très important: ces échanges ne nous sont pas imposés. Les maîtres que nous recevons ne nous arrivent pas sans notre accord. Nous participons à leur choix. Nous établissons nous-mêmes nos priorités. Nous décidons nous-mêmes de l’affectation des spécialistes dont nous obtenons le concours. Il n’y a là ni colonialisme, ni néo-colonialisme, ni crypto-colonialisme. C’est en toute liberté, en toute dignité, en toute égalité que nous négocions nos échanges, notamment à la Commission permanente de coopération franco-québécoise, où une partie ne parle pas plus haut que l’autre.
Ce que je viens de dire des échanges de maîtres, je pourrais le répéter, point par point, des échanges d’étudiants ou des échanges de techniciens de l’éducation, quelle que soit la spécialité dans laquelle ceux-ci exercent leur profession: que ce soit au niveau des maternel les, dans le secteur de l’enfance inadaptée, dans celui de l’éducation physique, dans le domaine de l’adaptation professionnelle des jeunes maîtres ou dans celui de l’enseigne ment technologique. Il y a ici un fait capital à souligner: ce ne sont pas seulement quelques vedettes de l’enseignement supérieur qui bénéficient de la coopération; c’est tout le milieu des enseignants, c’est toute la masse des enseignés.
Dans le domaine des échanges artistiques, la même situation prévaut. Voici par exemple, que nous obtenons une grande exposition, celle des Trésors du Musée de Besançon, présentée de la mi-juin à la mi-octobre à Montréal, puis de la mi-octobre à la fin de décembre 1968 à Québec. Qu’en a-t-il coûté au gouvernement du Québec pour mettre ces richesses artistiques, durant six mois, à la disposition de la population ? Quinze mille dollars, c’est-à-dire moins que le prix moyen d’une seule des 121 œuvres exposées. Toujours dans le même ordre d’idées, quand nous avons conclu l’échange du dépôt légal entre la Bibliothèque nationale du Québec et celle de France, échange qui a commencé à se réaliser, nous avons, grâce aux ententes franco-québécoises, mis sur pied une opération où nous trouvons très largement avantage.
Si, de la coopération culturelle, nous passons à la coopération technique, nous voyons se déployer tout un éventail de bénéfices pour le Québec. J’ai dressé tout à l’heure un bilan rapide des opérations que nous avons menées à bien ou dont nous poursuivons la réalisation dans ce domaine, soit en liaison avec l’Association pour l’organisation des stages en France, soit avec la collaboration du ministère français des Affaires étrangères. On peut dire que, dès le départ, la rentabilité de chacune de ces opérations est assurée du fait que l’on exige du demandeur, québécois ou français – de justifier l’intérêt de sa mission pour son entreprise, pour son service ou pour lui-même. De plus, le projet est retenu et encouragé s’il entre dans le cadre des priorités québécoises.
Une énumération des résultats les plus fréquemment enregistrés peut s’établir comme suit: perfectionnement professionnel de québécois en France;perfectionnement professionnel de québécois au Québec au contact des spécialistes français en stage ou en mission chez-nous; exploitation de travaux et de recherches effectués antérieurement en France ou au Québec;
accroissement de la productivité, amélioration du rendement et application de nouvelles méthodes; importations nouvelles complétant une gamme de produits à commercialiser; productions nouvelles à la suite d’achatsde brevets; mise en place et entretien d’une agence; création d’entreprises à capitaux français.
On peut le constater, la gamme des résultats est étendue. Comment les mesurer ? C’est plus qu’un problème de comptabilité qui se pose ici. Lorsque, par exemple, un ingénieur français, s’appuyant sur des techniques originales, contribue à déterminer, par procédé géophysique, la présence de nappes d’eau douce dans un territoire où l’eau constitue un problème vital et que les sondages confirment l’exactitude des recherches, que faut-il évaluer ? Le coût du transport de 80 millions de gallons d’eau par jour ou l’économie d’un aqueduc, d’un barrage et de quelques usines de filtration, à moins que ce ne soit la reconversion d’une économie régionale ? Lorsque, pour prendre un autre exemple, l’intervention française se confond aux efforts québécois (ce qui est, du reste, éminemment souhaitable), l’accroissement de la productivité peut se calculer en pourcentage, mais il n’est pas facile de déterminer la part due aux méthodes apprises à l’étranger, dans le cadre d’un stage. Enfin, les services de coopération technique ne sont pas nécessairement tenus au courant de toutes les exportations et importations de produits effectuées en conséquence de relations nouées à l’occasion de voyages ou de missions. Ce n’est que sur une période relativement longue que les résultats de la coopération technique peuvent se manifester avec netteté.
On peut cependant, d’ores et déjà, mesurer l’importance de la coopération technique aux demandes dont nos services sont saisis. Prenons le cas des coopérants au titre du service national. On a beaucoup parlé de ceux qui travaillent dans nos établissement d’enseignements.
On connaît moins le rôle de ceux qui sont attachés à des administrations. Ils n’enlèvent leur place à personne. Nous
les recrutons en tenant compte essentiellement de leur spécialité. Nous nous efforçons de remplir ainsi des postes pour lesquels les spécialistes québécois sont en nombre insuffisant. C’est ainsi que, pour le prochain exercice financier,
une forte proportion des demandes que nous avons reçues des administrations concerne des techniciens en informatique.
De ces quelques exemples, qu’il serait d’ailleurs aisé de multiplier, il ressort que, pratiquer la coopération, et notamment la coopération technique, c’est œuvrer dans le présent et pour le présent, mais aussi travailler à construire l’avenir du Québec.
La coopération internationale est un instrument qui est indispensable au Québec pour le maintien et le développement de son identité.
Autrefois, l’isolement protégeait la nation canadienne-française au Québec contre l’assimilation ou l’altération. Dans un monde où les moyens de transport n’étaient pas rapides, où les idées ne pouvaient pas circuler facilement, le petit peuple québécois était privé de contacts tonifiants avec sa mère patrie mais en contrepartie il vivait à l’écart du monde anglophone nord-américain. Son mode de vie rurale, dans des structures sociales héritées du régime français, lui permettait de se perpétuer en conservant, inchangée l’identité française léguée par l’histoire.
Aujourd’hui, dans un monde où l’on peut voyager à la vitesse du son, où les idées circulent à la vitesse de la lumière, l’exposition toute grande à l’extérieur est un élément définitivement acquis de la condition humaine, un aspect irréversible de la situation de toute communauté culturelle.
Cette situation modifie de fond en comble le destin du Québec. Celui-ci, en continuant de vivre replié sur lui-même, subirait malgré lui l’invasion par osmose de la culture et de la civilisation anglophones de l’Amérique du Nord. Il n’a donc pas le choix, s’il veut vitre et s’épanouir: il doit pratiquer l’ouverture à l’extérieur. Il doit le faire de façon systématique, consciente, organisée et planifiée. S’il ne se hâte pas de se donner des canaux de liaison avec les sources qui peuvent contrebalancer l’influence nord-américaine, il va perdre inexorablement son identité et la possibilité de jouer un rôle original, fait d’une synthèse vivante des meilleurs éléments de la vie française et des valeurs anglophones américaines.
Le Québec doit donc avoir accès, dans les meilleures conditions, aux pays, aux institutions qui le réintégreront
à son monde naturel. Le Québec a absolument besoin de l’air du grand large, car son environnement et son
entourage immédiat le condamnent objectivement à l’aliénation définitive. Le tête-à-tête exclusif avec l’Amérique
priverait le Québec de l’oxygène francophone dont il a un besoin vital.
Au contraire, si le Québec se donne d’autres bouches d’air par des liaisons physiques faciles et peu coûteuses (par les moyens de transport et de communication), par des liaisons morales aussi, grâce à des ententes intergouvernementales et la participation aux organismes internationaux, notamment ceux de la francophonie, il pourra vraiment avoir un destin original. Voilà pourquoi il lui faut à tout prix le contrôle de ses futures communications par satellites, ce qui lui permettra de participer au réseau francophone de la radio, de la télévision et des « banques de données » que l’ère de l’informatique rendra instantanément accessibles.
La coopération est un moyen essentiel pour le Québec de renouer avec la France les innombrables fils de la trame des relations que l’histoire a brutalement et prématurément rompus entre eux il y a deux siècles. Avec beaucoup de retard, mais avec toute l’ardeur qui s’impose, le Québec cherche entre autre à obtenir de la France le soutien que les provinces anglophones du Canada reçoivent de l’Angleterre depuis si longtemps.
<Masse19690320>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE MINISTRE DÉLÉGUÉ À L’OFFICE DE PLANIFICATION
DU QUÉBEC AU DINER DE L’École DE COMMERCE DE CHICOUTIMI Chicoutimi, le 20 mars 1969>
Lors de la dernière session, l’Office de planification du Québec a été créé en vertu d’une loi adoptée par l’Assemblée législative le 5 juillet 1968. La maladie et le décès de l’ancien Premier Ministre, l’Honorable Daniel Johnson, ont retardé la proclamation de cette loi au début d’octobre.
L’Office de planification du Québec procède actuellement à l’élaboration de ses principaux projets, au recrutement de son personnel et à la mise en place des mécanismes qui lui permettront de s’assurer la collaboration des ministères et des autres organismes gouvernementaux.
Parmi les mécanismes de collaboration interministérielle, la loi de l’Office prévoit la formation de la « Commission interministérielle de la planification ». Cette commission est maintenant créée. Elle compte vingt- six membres ayant, pour la plupart, rang de sous-ministre et elle s’est déjà réunie à cinq reprises jusqu’ici.
Nous avons de plus l’intention de nommer, d’ici quelque temps les membres du « Conseil de planification du Québec », organisme de consultation également prévu par la loi. Ce Conseil permettra de faire participer des gens de l’extérieur du gouvernement au processus même de la planification.
Nous pourrions sans aucun doute examiner plus en détail les structures, le rôle, les pouvoirs et le fonctionnement de l’Office de planification. Telle n’est pas mon intention cependant. À votre invitation, je me propose plutôt d’aborder le thème du développement économique et social au Québec.
L’Office a déjà entrepris une opération de planification dans votre région. Si je ne peux pas livrer ce soir – pour des raisons évidentes – le contenu de ce premier plan, il me semble utile de discuter dès maintenant du contenant et des préoccupations du gouvernement à cet égard.
Planifier, c’est mettre en relation de cause à effet des objectifs et des moyens dans le but de construire un avenir où le « futur prévisible » se conforme le plus possible au « futur souhaitable ». Cette partie de l’opération donne principalement lieu à un document, une sortie de cadre de référence, le plan, qui propose des objectifs ainsi qu’un agencement de moyens pour les réaliser. Planifier, c’est également mettre en relation, c’est concilier concrètement, au jour le jour, des actions, des décisions et des mesures entre elles d’une part et avec les objectifs qu’on s’est fixé d’autre part. Cette partie de l’opération s’appelle « programmation « .
On me permettra sans doute de laisser de côté cette seconde partie, essentiellement technique et d’insister plutôt sur le processus d’élaboration du plan.
Quelle est la nature des objectifs globaux que propose un plan ? Ou encore, qu’est-ce qu’un « futur souhaitable » ?
C’est, en somme, un futur corrigé: un futur modelé à la fois par le résultat des tendances actuelles de la société et de l’économie et par les conséquences qu’entraîne le fait de donner la priorité à certaines valeurs, à certains objectifs, à certains projets, à certains changements, jugés conformes aux aspirations d’une collectivité.
1. Cette définition suppose la formation d’objectifs à la fois globaux et fondamentaux qui correspondent à la volonté du Québec de maintenir et de développer son identité propre, qui reflètent ses aspirations à un niveau de vie élevé et à un mode d’existence conforme à sa personnalité, qui tiennent compte de sa volonté de s’ouvrir, au moyen d’échanges tant économiques que culturels, sur le monde extérieur et, en particulier, sur le monde francophone, sans pour autant sacrifier ce qui l’en distingue essentiellement. Les objectifs globaux de la planification doivent également répondre au désir du Québec d’assurer à chacun de ses citoyens une sécurité sociale optimum et une accessibilité égale à certains grands moyens de promotion individuelle comme l’éducation, de même qu’à certains services indispensables tels que les services de santé. Ils doivent également traduire l’adhésion de la société québécoise à des valeurs de liberté qui écarte le recours à toute forme de coercition et qui privilégie les moyens de participation comme mécanisme même de planification.
Cette énumération des conditions dans lesquelles doit s’élaborer la planification au Québec montre que les choix ne sont pas faciles et qu’à ce niveau de réalité, divers objectifs, valables en soi, peuvent être en partie ou totalement contradictoires. D’ailleurs, selon les groupes en présences, certains de ces objectifs auront la priorité, d’autres passeront pour secondaires et d’autres, même, pour inopportuns.
En d’autres termes, les choix à faire à ce niveau sont principalement de nature politique et doivent être faits par l’intermédiaire des mécanismes démocratiques que le Québec s’est donné ou se donnera pour ces fins.
Sont en cause, ici, les partis politiques qui, dans leur programme, doivent se prononcer sur des questions de cette
envergure, l’Assemblée nationale et ses comités, le Conseil des ministres et les organismes de consultation populaire
que le gouvernement peut associer à une entreprise de planification.
Évidemment, on doit reconnaître que de tels choix peuvent être , dans une très large mesure, artificiels si on se contente de les exprimer sans mesurer les conséquences qu’ils peuvent avoir sur le développement réel, sans procéder au choix des politiques capables d’en favoriser la réalisation et sans s’assurer qu’ils sont compatibles avec un potentiel réel de développement. Il va de soi, dans une société pluraliste, de libre-entreprise et ouverte sur l’extérieur comme le Québec,
que les choix gouvernementaux, s’ils peuvent orienter l’action gouvernementale elle-même, n’entraînent pas nécessairement
une orientation identique des autres niveaux de gouvernement, des entreprises, des syndicats, ni des multiples organisations socio-économiques et socio-culturelles que se sont donnés les citoyens.
Le » futur souhaitable » est donc soumis, par le processus de la formation des opinions publiques, à une sorte d’arbitrage au cours duquel certains objectifs par ailleurs souhaitables peuvent être rejetés parce qu’ils ne suscitent pas une adhésion suffisante de la part des grands centres de décisions qui influencent, de concert avec le gouvernement, le développement de l’économie et de la société.
À un second niveau de réalités, l’opération de planification suppose que l’on détermine, pour une période donnée, des objectifs de développement et de croissance qui permettent d’atteindre à long terme les fins globales retenues. Cela implique que l’on établisse des ordres de priorités dans l’éventail des activités gouvernementales, que l’on procède aux affectations budgétaires nécessaires et que l’on suggère aux autres centres de décision publiques et privés une orientation compatible avec les objectifs retenus. La première série d’objectifs mentionnés, les objectifs de développement, doivent répondre à un
ensemble de question que l’on peut se poser sur les transformations constantes que subissent notre économie et notre
société. Par exemple, dans quelle mesure peut-on et doit-on favoriser un processus de modernisation et de consolidation de certains secteurs comme l’agriculture, les pêcheries, l’entreprise artisanale, alors que l’on sait, par ailleurs, qu’un tel mouvement favorise, à l’heure actuelle, le dépeuplement de certaines régions du Québec en provoquant des transferts de main-d’œuvre d’un secteur industriel à un autre.
Dans quelle mesure peut-on et doit-on compter sur un développement de secteurs comme ceux des forêts, des mines et des ressources hydro-électriques, pour favoriser la réalisation d’objectifs de création d’emplois et de revenus que l’on peut se fixer ?
Dans quelle mesure peut-on et doit-on encourager un mouvement de décentralisation industrielle qui favoriserait l’émergence de pôles de développement industriel hors de la région métropolitaine de Montréal ?
Où seraient situés de tels pôles ? Quelles seraient les relations d’échange entre ces pôles et, en particulier, quelle influence l’émergence de tels pôles aurait-elle sur les mouvements de population et sur la structure de 1’emploi au Québec ?
Dans quelle mesure et à quelles conditions peut-on et doit-on miser sur une formation poussée de la main-d’œuvre québécoise pour réaliser des objectifs de progrès sachant que la structure des emplois, dépendante des caractéristiques de l’économie québécoise, ne sera pas nécessairement compatible avec les caractéristiques d’une main-d’œuvre transformée par les progrès sociaux réalisés en matière d’éducation ?
Dans quelle mesure et à quelles conditions peut-on et doit-on miser sur un mouvement d’urbanisation, qui a, jusqu’à présent, contribué à développer d’une façon disproportionnée le cœur du Québec par rapport aux régions dites périphériques ? Est-il possible, en quelque sorte, de « décentraliser » l’urbanisation en créant des centres de développement urbains en dehors de la région métropolitaine de Montréal ? où pourraient être situés ces centres de croissance urbaine ? Quelle contribution pourrait, par exemple, apporter le développement des ressources du Grand Nord au développement d’une agglomération urbaine comme celle de la région de Chicoutimi ?
De toute évidence, tout objectif de cette nature suppose des choix. Ces choix tendent soit à confirmer, soit à retarder, soit à orienter des changements en cours et même à provoquer de nouveaux changements.Il apparaît donc essentiel que de tels choix s’appuient autant sur une bonne connaissance des caractéristiques du développement social et économique québécois que sur un ensemble d’objectifs globaux et fondamentaux qu’ils doivent tendre à réaliser. En d’autres termes, c’est au moment du choix des objectifs de développement que l’on fait subir au futur souhaitable le test du futur possible.
Ce « test » peut d’ailleurs se faire à la lumière d’objectifs de croissance qui ont l’avantage d’être quantifiables. Compte tenu des hypothèses faites ainsi que des tendances actuelles, on peut en effet projeter un taux de croissance, un nombre d’emplois à créer, de fermes à consolider, d’usines à bâtir, de travailleurs à reclasser, de main-d’œuvre à former, d’écoles à bâtir, de milles d’autoroute à construire, de pieds carrés de parcs industriels à réaliser, etc…
Il est évident qu’une telle entreprise ne peut se faire de façon définitive dès sa mise en route. Il apparaît sans doute tout aussi clairement qu’une opération de planification ne peut s’étendre, dès le premier plan, à tout le domaine du développement économique et social et mettre à profit tous les centres de décision qui influencent le développement. Il serait même illusoire de se donner pour objectif de planifier toutes les activités gouvernementales dans le cadre d’un premier plan.
Mais cela ne nous justifie pas de ne pas commencer. Cela ne nous justifie pas de ne pas nous donner un premier cadre de référence, un premier plan, même s’il doit être partiel pour commencer.
Je crois, en effet, qu’un gouvernement moderne qui veut répondre aux aspirations populaires les plus profondes et tirer partie des moyens que la science et la technique mettent à sa disposition, peut et doit proposer, à l’ensemble de la collectivité qu’il représente, des objectifs qui traduisent en principes, en idées, en mots et même en chiffres l’orientation à imprimer à la société.
Pour diverses raisons, cette entreprise de planification est devenue pratiquement inévitable. Il faut d’abord souligner le fait que le gouvernement intervient de plus en plus en matière de développement socio-économique. Le gouvernement a effectivement de façon traditionnelle la tâche de privilégier, par son action, certains objectifs globaux concernant l’avenir du Québec et d’inviter les centres de décisions économiques et sociaux, les groupes et les citoyens à conjuguer leurs efforts. En ce sens, par exemple, chaque budget annuel comporte des choix qui privilégient, par exemple, le développement social par rapport au développement économique ou vice versa. En ce sens également, toutes les innovations dont le gouvernement se fait le promoteur, qu’il s’agisse de l’Université du Québec ou de la réforme des gouvernements municipaux, comportent implicitement une invitation aux groupes et aux citoyens concernés à contribuer à « modeler le futur ».
De plus en plus de lois, de mesures et d’activités gouvernementales visent non plus à réglementer les rapports des institutions et des citoyens entre eux, mais à susciter de nouvelles forces économiques, à seconder les efforts d’agents économiques de certains secteurs, à pallier certaines carences de la société et à introduire des changements sociaux qui semblent s’imposer mais tardent à se produire.
Par exemple, en agriculture, on dénombre au-delà de quatre-vingts mesures d’intervention gouvernementale. Au cours de la seule dernière session, deux lois nouvelles ont été adoptées en vue de favoriser le développement industriel. Le gouvernement intervient dans le domaine de l’épargne par le Régime des rentes, du bien-être social, de la santé et de l’éducation. Par l’Hydro-Québec, il contrôle le développement des ressources hydrauliques. Par S. O. Q. U. E. M., il s’est introduit dans le secteur minier. L’énumération pourrait être encore longue.
Cette tendance à l’intervention gouvernementale est cependant récente. Le taux de croissance du budget du Québec l’indique; les dépenses gouvernementales ont en effet triplé entre 1963/1964 et 1969/1970, passant de $1,1 milliard à $3.4 milliards. Il est nécessaire de se demander si les diverses interventions de l’État vont toutes dans le sens d’une accélération du développement économique et social québécois et de sa meilleure répartition possible entre les divers groupes qui constituent la collectivité québécoise.
Un plan permettrait de mieux harmoniser ces interventions, de prévoir certains problèmes, d’éviter certaines contradictions. En un mot, un plan donnerait, aux diverses interventions de l’État, une plus parfaite cohérence et, partant, permettrait de maximiser les efforts de l’activité gouvernementale.
Il faut bien réaliser en effet que, dans notre système de libre-entreprise, c’est un peu « à reculons », par bouchées successives, que le gouvernement a étendu son activité au développement économique et social. La notion d’intervention supplétive de l’État s’est surtout élaborée à la faveur de pressions, de revendications et d’aspirations des populations qui n’ont pas bénéficié pleinement du développement économique et social de l’ensemble du Québec.
Mais il n’est pas du tout certain que le gouvernement doive se contenter d’intervenir uniquement dans les cas désespérés, dans les secteurs retardés, dans les zones à problèmes, pas plus qu’il n’est certain que la seule façon d’assurer un partage équitable du progrès consiste uniquement à redistribuer les revenus sous forme sociale. En utilisant d’une autre façon ses moyens et ses ressources, en fonction d’objectifs précis et selon un plan d’action qui lui permette de rationaliser son intervention et de tirer le maximum de ses efforts, l’État ne pourrait-il pas s’ouvrir des possibilités nouvelles et considérables en matière de développement économique ?
Oublions, pour un instant, les déséquilibres qui existent en matière de développement économique et social québécois et examinons la question en sens inverse. En termes de développement économique et social, le Québec et ses diverses régions présentent, à l’heure actuelle, des tendances, des lignes de force que l’on pourrait amplifier. Les Québécois connaissent un accroissement constant de leur niveau de vie. Le Québec s’industrialise.
Le Québec s’urbanise. Il nous semble possible de miser sur ces lignes de force, de les souligner davantage, dans le but de réaliser des objectifs qu’il est difficile de se donner si l’on ne s’attaque qu’aux situations détériorées et non pas à l’ensemble de la réalité sociale et économique.
Dans cette perspective, par exemple, la question à se poser dans le cadre de la mission de planification régionale du Saguenay Lac Saint-Jean n’est pas tant de savoir si cette région peut, avec l’aide de l’État, atteindre un niveau de développement acceptable mais plutôt de savoir comment elle va le mieux participer au développement québécois. En d’autres termes, la question a deux significations distinctes: d’une part, il faut se demander comment faire profiter adéquatement une région du développement québécois et, d’autre part, comment la même région peut le mieux contribuer au développement de l’ensemble dont elle fait partie.
La planification, vue dans sa vraie perspective, ne doit pas uniquement tenter d’assurer une nouvelle efficacité aux politiques de justice distributive de l’État mais doit mobiliser l’ensemble des activités de l’État en vue de réaliser un objectif global de développement dont la lutte contre les inégalités sociales et économiques ne constitue qu’une des multiples facettes.
Enfin, l’entreprise de « planification » apparaît nécessaire devant la multiplicité des institutions politiques, économiques et sociales qui, chacune de leur côté et de leur point de vue, influencent le développement de notre société, devant la rapidité avec laquelle les changements se produisent dans notre société, devant l’absence de points de repères communs aux citoyens et aux groupes qui constituent le Québec d’aujourd’hui; un gouvernement moderne ne peut pas se récuser de proposer, à titre de principale institution d’expression des ambitions collectives une tâche commune, un idéal collectif à la société et à l’économie québécoise. L’alternative c’est de devenir les objets, sinon les jouets, d’un développement fondé exclusivement sur les caprices d’une vaste société de consommation de masse dont le Québec ne constituerait qu’un prolongement. Si tel était le cas, le prix du développement serait la renonciation à toute possibilité de choix volontaire, réfléchi et collectif à l’égard de cet ensemble de changements qu’entraîne le développement.
Connaître notre milieu et le façonner le plus possible à la mesure de nos aspirations, voilà en quelque sorte la tâche que l’on peut commencer à réaliser par la planification. Cette tâche n’incombe pas uniquement au gouvernement. Au contraire, le gouvernement doit être perçu comme un partenaire qui met ses moyens à la disposition des multiples groupes, entreprises et institutions qui peuvent contribuer à mener cette entreprise de planification à bien. En ce sens, je ne saurais trop louer une initiative comme celle à laquelle vous m’avez fait l’honneur de m’associer et qui s’inscrit dans la ligue de la contribution que l’Université doit apporter au développement de son milieu.
<Masse19690325>
<NOTES DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L’ALLOCUTION DE MONSIEUR GILLES GAUDREAULT PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES HOPITAUX DU QUÉBEC
Québec, le 25 mars 1969>
Monsieur le Président,
Je désire informer les membres de l’Assemblée Nationale que le comité patronal de négociation dans le secteur hospitalier, composé de représentants du gouvernement et des hôpitaux, transmet aujourd’hui le 25 mars à Montréal, à chacun des divers organismes syndicaux concernés, les offres monétaires. Ces offres de traitement s’appliquent à 84,000 employés d’hôpitaux.
Ces offres de salaire entraînent des déboursés additionnels de $138,108,000 répartis sur trois ans en deux périodes de dix-huit mois. Au cours de la première étape de dix-huit mois, le déboursé additionnel s’élèvera à $48,592,000 ce qui représente une augmentation annuelle de 7.2 p. 100 s’ajoute au premier montant de $48, 592,000. Au début de la deuxième période, le total des salaires versés annuellement à ce groupe d’employés sera de $406,570,000.
Ces offres sont conformes à la politique salariale du gouvernement, établie pour les secteurs publics et para-publics. Dans un effort de rationalisation de la structure salariale des hôpitaux, six critères principaux ont guidé l’élaboration des offres:
1. Alignement des traitements sur ceux des secteurs comparables;
2. Établissement de lignes de carrière pour diverses catégories d’emploi;
3. Normalisation de la structure salariale;
4. Incitation au perfectionnement;
5. Parité de rémunération pour des fonctions similaires;
6. Élimination des disparités régionales.
À ce stade-ci des négociations, les divers organismes syndicaux et les représentants patronaux ont paraphé ou se sont entendus sur la quasi-totalité des clauses normatives et nous sommes convaincus que la négociation des clauses monétaires se fera avec le même sérieux et le même souci d’efficacité.
<Masse19690418>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE » DÉCLARATION DE LA SEMAINE DES SECRÉTAIRES »
AU CAFÉ DU PARLEMENT Québec, le 18 avril 1969>
Mesdames, Mesdemoiselles,
Il me fait plaisir de présider une fois de plus l’ouverture de la semaine des secrétaires et de contribuer par ce geste à sensibiliser l’opinion publique au rôle que jouent les secrétaires dans la vie économique du Québec. Il est en effet nécessaire de souligner l’importance du travail déployé par toutes les personnes qui assument des fonctions de secrétaire et sans lequel pratiquement aucun bureau de professionnel, aucune entreprise industrielle ou commerciale, aucune administration publique ne saurait fonctionner efficacement.
Le fait que le métier de secrétaire soit en majeure partie exercé par des femmes rend compte d’un phénomène d’insertion de plus en plus profond de celles-ci dans la vie économique québécoise.
Le Québec est en effet l’un des pays où la proportion des femmes sur le marché du travail s’est élevée et continue de s’élever le plus rapidement. À l’heure actuelle, la main-d’œuvre féminine représente 1/3 de la population active du Québec. Cette participation croissante des femmes à l’activité économique de notre société représente un apport considérable et irremplaçable.
L’une des caractéristiques de ce mouvement est qu’il se manifeste surtout dans le secteur tertiaire, c’est-à-dire dans le secteur qui se développe avec le plus de rapidité et de dynamisme dans les sociétés modernes. C’est en effet le secteur des services, dont fait partie le secrétariat, qui regroupe la majorité des femmes qui travaillent.
On les retrouve, en particulier, dans les activités qui demandent outre les qualifications requises, une certaine aptitude à prendre des responsabilités, des qualités d’initiative et un constant effort d’adaptation aux techniques modernes et, en particulier, aux techniques de communication.
En même temps s’est manifesté une tendance croissante à la diversification des métiers qu’exercent les femmes. Un exemple de cet élargissement de l’éventail des occupations féminines est le métier de secrétaire lui-même. Au 19e siècle, le secrétariat était une activité exclusivement réservée aux hommes. Alexandre Dumas jugeait en effet inconcevable que ce métier puisse être exercé par une femme « qui perdrait, disait-il, toute sa féminité en mettant le pied dans un bureau ».
Les idées sur ce point ont évolué et il n’est plus question d’interdire aux femmes un secteur d’activité dans lequel elles font journellement la preuve de leur compétence. Il s’agit, au contraire, de mieux mettre en évidence l’importante contribution des personnes, hommes ou femmes, qui exercent le métier de secrétaire, à la bonne marche de l’industrie, des professions libérales et des services gouvernementaux. C’est l’objectif que s’est proposée la section de Québec de votre Association en organisant la semaine des secrétaires. Il me reste à souhaiter que ce but soit, cette année encore, pleinement atteint.
<Masse19690424>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU IIe CONGRÈS ANNUEL DES AGENTS DE LA PAIX
À L’HÔTEL SHERATON MONT-ROYAL Montréal, le 24 avril 1969>
C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation qui m’a été faite de vous rencontrer ce soir à l’occasion du IIe congrès annuel du Syndicat des Agents de la Paix de la Fonction publique.
Je tiens tout d’abord à féliciter le président et les membres de l’exécutif qui ont été élus au cours de ces assises et à les assurer de mon profond désir de conserver avec eux les relations de bonne entente et de collaboration qui ont toujours existé entre le Syndicat des Agents de la Paix et le gouvernement du Québec.
Je me permets d’utiliser le temps mis à ma disposition ce soir pour faire le point avec vous sur la réforme entreprise par le gouvernement du Québec dans le secteur de la fonction publique, réforme qui vous concerne
directement à titre d’agents de la Fonction publique.
Depuis quelques années, la volonté du Québec de revaloriser la Fonction publique et de lui donner un visage plus moderne s’est surtout manifestée par l’importance accordée aux droits des fonctionnaires et à leur exercice.
Un certain nombre de droits fondamentaux ont été réaffirmés et précisés par des dispositions législatives. Ce sont entre autres le principe du libre accès dans le recrutement des fonctionnaires publics, le droit à une appréciation objective pour l’avancement, à une rémunération égale pour un travail identique, ainsi que le droit de recours contre l’action arbitraire.
La création de corps de fonctionnaires et leur subdivision en classes et en échelons assure mieux le respect du droit de chacun à recevoir le traitement qui correspond au travail qu’il accomplit et à obtenir un avancement déterminé par son mérite et sa volonté de perfectionnement. La rénovation du statut des agents de l’État a également garanti le droit d’appel en matière de classement ou en cas de révocation ainsi que les droits politiques des fonctionnaires qui donnent aux agents de l’État la possibilité de se porter candidat lors d’une élection.
Enfin, le droit d’association des fonctionnaires, ainsi que le droit de négociation de conventions collectives ont été considérablement élargis. Ce développement du syndicalisme a profondément modifié les rapports qui existaient antérieurement entre les fonctionnaires et le gouvernement, même si le droit de grève n’a pas été étendu, pour des raisons évidentes, à tous les syndicats existant dans la Fonction publique.
35,000 fonctionnaires à l’emploi du gouvernement du Québec peuvent maintenant bénéficier d’un régime de droit contractuel applicable à presque tous les domaines: aux heures de travail, aux échelles de traitement, aux congés sociaux, aux vacances annuelles, à l’arbitrage des griefs, au régime syndical, etc…
C’est ainsi que le syndicat des Agents de la Paix, comme tous les autres syndicats de la Fonction publique et peut-être même dans une plus large mesure, a pu obtenir par la négociation, des conditions de travail avantageuses pour l’ensemble de ses membres. Plusieurs exemples peuvent être donnés. À la signature de la première convention de travail, en juillet 1966, les Agents de la Paix ont obtenu des avantages nouveaux, tels que la formule de déduction à la source de la cotisation syndicale, le mécanisme de règlement des griefs comprenant la procédure d’arbitrage obligatoire ou, encore, la liste des congés sociaux préétablis. Lors de la signature de la deuxième convention collective, en octobre 1968, le syndicat des Agents de la Paix a bénéficié de l’établissement d’un régime d’assurance maladie auquel l’État a accepté de contribuer pour la moitié.
Mais ce qui est plus important encore, ce sont les effets de la politique de rattrapage qui a été systématiquement appliquée dans l’établissement des échelles de traitement des Agents de la Paix. Cette volonté de rattrapage constitue l’un des éléments essentiels de la politique salariale que le gouvernement du Québec a établie pour l’ensemble du secteur public et para-public en vue d’instaurer une plus grande cohérence et une plus grande justice dans la rémunération des fonctionnaires. Il était nécessaire, en particulier, d’aligner les traitements de la Fonction publique sur ceux qui sont généralement payés par le secteur privé ou par d’autres autorités administratives pour des emplois analogues. Il s’agit là d’un principe qui relève en fait de la justice sociale la plus élémentaire.
À titre d’exemple, il est possible de prendre le cas des Agents de la Paix. Jusqu’en 1966, le gouvernement du Québec versait aux Agents de la Paix des traitements qui étaient très largement inférieurs à ce que la plupart des autres employeurs paient pour des emplois analogues. Cette situation ne pouvait se maintenir sans porter un préjudice grave à un nombre considérable de personnes qui œuvrent dans ce domaine. Le principe de rattrapage a donc été appliqué dès la première convention collective de travail signée entre le syndicat des Agents de la Paix et le gouvernement (juillet 1966).
En ce qui concerne les surveillants en institution pénale, le principe de rattrapage appliqué à Rétablissement des échelles de traitement a donné lieu à des augmentations de salaire très importantes: le salaire maximum a, en effet, augmenté en moins de quatre ans d’environ $3,000. Dans d’autres catégories d’emploi, telle que celle des gardes-chasse et des gardes-pêche, de classe DI, le salaire maximum aura augmenté de la somme de $2,300. entre juillet 1966 et février 1970.
Le principe de non-discrimination dans les conditions de travail entre les hommes et les femmes pour des emplois similaires a également déterminé certaines hausses de salaire. Ainsi les disparités assez importantes qui existaient jusqu’à récemment entre les traitements versés aux surveillants et aux surveillantes ont été considérables.
Dans l’ensemble, les Agents de la Paix ont donc bénéficié, dans le cadre de la politique salariale du gouvernement, d’augmentations de salaire appréciables et dans une large mesure plus importante que pour les autres catégories de fonctionnaires. La dernière convention de travail a, en effet, prévu des augmentations allant de 20% à 35% et même 36% dans certains cas. Malgré leur impossibilité de se prévaloir du droit de grève, étant donné les risques graves que cela entraînerait pour la collectivité, les Agents de la Paix ont obtenu une convention de travail comportant des avantages considérables. Il est possible de dire qu’ils ont été les principaux bénéficiaires de la politique salariale du gouvernement. Ce n’est pas ici une question de privilège, mais tout simplement une question de justice.
Si l’accent a été mis depuis quelques années sur les droits des fonctionnaires et sur l’établissement d’une plus grande équité dans les conditions de travail, il est possible de se demander, maintenant que ces droits sont acquis et que le rattrapage est pratiquement terminé, où doit-être mis l’accent pour les prochaines années. Les efforts devraient porter essentiellement sur l’amélioration de la qualité du service offert à la collectivité par l’ensemble des personnes travaillant dans le secteur public. Cette responsabilité appartient d’ailleurs aussi bien au gouvernement lui-même qu’aux organisations syndicales qui regroupent les employés du secteur public et para-public.
La société qui constitue la source des revenus publics est en droit d’exiger de l’ensemble du secteur public un service de haute qualité et de grande efficacité. Il est certain que la majeure partie de ce secteur n’a pas une productivité aisément calculable. Mais ce rendement, même s’il n’est pas quantifiable d’une façon précise, doit tendre sans cesse à l’amélioration. Le gouvernement a la responsabilité d’adapter ses structures administratives au rythme du progrès et aux changements sociaux.
Une analyse effectuée par une équipe de hauts-fonctionnaires et de conseillers en administration sur les pratiques de gestion administrative qui ont eu cours jusqu’à présent dans le secteur public a permis de mettre en évidence les déficiences qui existent à l’heure actuelle dans le sens de la motivation et de l’encouragement des individus à fournir un service d’une haute efficacité. L’on ne peut prétendre améliorer la rentabilité des services administratifs si le travail est conçu comme un ensemble de tâches distinctes, morcelées, indépendantes les unes des autres, qui amènent chaque individu à se désolidariser de l’ensemble. Il est au contraire nécessaire que chaque agent de l’État se sente profondément engagé dans son travail et qu’il le perçoive comme faisant partie d’un tout. Il faut qu’il se sente personnellement responsable de l’efficacité globale et concerné par l’amélioration de la productivité du secteur auquel il appartient.
C’est cette nécessité de revalorisation et de motivation du fonctionnaire qui a conduit le gouvernement à étudier de nouveaux principes de gestion qui soient plus aptes à favoriser le dynamisme de l’individu, à stimuler ses initiatives et son activité personnelle et à l’inciter à améliorer ses performances. Il a été nécessaire dans ce but de procéder à une redéfinition des tâches qui sont attribuées à chaque catégorie d’agents publics. Il a fallu repenser les critères à partir desquels le rendement d’un individu peut-être apprécié et définir avec plus d’exactitude les résultats qui sont attendus de l’activité de chacun. C’est également avec le souci d’accroître le degré de rendement des services publics que la formation
et les qualifications des Agents de l’État sont sans cesse améliorées. Dans un monde où l’éducation permanente
devient une nécessité pour chacun, le perfectionnement constitue pour les Agents publics le moyen principal
de progresser rapidement dans leur carrière et de rester à jour sur le plan des connaissances théoriques et pratiques
qu’exige chaque spécialité. Le perfectionnement continu des Agents publics constitue non seulement un facteur
de réussite et de réalisation personnelle, mais également un moyen d’accroître le niveau de compétence de l’ensemble
de la Fonction publique et d’améliorer la qualité du service offert par les administrations à la communauté.
Dans le domaine des institutions pénales, cette nécessité de perfectionnement est d’autant plus urgente
que se manifeste à l’heure actuelle une profonde évolution du système de détention des criminels. L’accent tend à être mis de plus en plus sur la rééducation et la réhabilitation du détenu, ainsi que sur l’extension du système de probation. Il apparaît également nécessaire d’adopter progressivement des mesures visant à individualiser plus nettement le traitement de chaque criminel et à faire de sa période d’incarcération une préparation aussi fructueuse que possible à sa réinsertion dans la société.
Devant ces perspectives, il est certain que les personnes travaillant en institutions pénales ressentiront
de plus en plus la nécessité de perfectionnement et, dans certains cas, de recyclage. Le « Collège des surveillants »
a d’ailleurs préparé la voie en mettant sur pied des cours de perfectionnement et de formation qui doivent permettre
aux fonctionnaires travaillant en institutions pénales d’améliorer leurs connaissances et d’acquérir de nouvelles techniques
de traitement des détenus.
C’est également dans le but d’améliorer continuellement le service offert à la société des fonctionnaires, en les encourageant à accroître leurs performances personnelles et à augmenter la qualité de leur travail, que des possibilités de perfectionnement et de recyclage sont offertes dans les autres secteurs, que ce soit dans celui
de la chasse et de la pêche, dans celui des pêcheries, de la surveillance routière, ou de tout autre domaine du secteur
public.
Mais cet effort dans le sens d’une efficacité accrue du travail des agents publics ne peut être assumé
par les autorités administratives seules. Les organisations syndicales qui regroupent les employés du secteur
public ou para-public possèdent une large part de responsabilités dans ce domaine.
Au cours des négociations de 1966-67 et de la nouvelle série de négociations de 1968-69, l’application
de la politique salariale du gouvernement a permis d’élever considérablement le niveau des traitements offerts
aux différentes catégories d’employés du secteur public. Les traitements ont atteint à l’heure actuelle un niveau
égal ou même supérieur à ce qui est payé pour des emplois analogues dans d’autres secteurs de l’économie; et pour
plusieurs catégories d’emploi, les salaires offerts ont atteint la limite de ce que la société québécoise est en
mesure de payer dans les conditions présentes. Nous sommes à l’heure actuelle dans un contexte où le gouvernement
cherche par la négociation avec les employés du secteur public à parachever, d’une part, la normalisation de la
structure salariale des différentes catégories d’emploi et à assurer, d’autre part, les conditions d’un travail pleinement
efficace. L’on peut donc se poser la question suivante: les syndicats du secteur public doivent-ils consacrer
leurs énergies à accroître indéfiniment les avantages qui leur sont consentis sans tenir compte des implications financières
qu’une telle action peut comporter ? S’agit-il de faire du syndicalisme simplement pour faire du syndicalisme
? Ou s’agit-il de faire du syndicalisme également pour apporter des solutions concrètes aux problèmes précis
qui peuvent se présenter au cours du travail et pour améliorer la qualité du service fourni à l’ensemble de la communauté par des personnes dont le traitement est en fait assumé par cette communauté ?
Il est temps de faire le point. Il est temps de se demander si l’élargissement des droits des syndiqués et les améliorations très avantageuses offertes par le gouvernement sur le plan des salaires ne doivent pas être accompagnés simultanément d’une large prise de conscience par les syndicats du secteur public des responsabilités qui sont les leurs à l’égard de la société.
Le sens des responsabilités, cela signifie entre autre que les syndicats ne s’engagent pas dans une surenchère qui soit à la fois exorbitante sur le plan des coûts et irréaliste quant à son objet. Cela implique également que chaque catégorie d’emplois soit capable de faire preuve d’assez de réalisme et de maturité d’esprit pour admettre que la société québécoise doive progresser simultanément sur tous les plans et qu’elle ne peut pas consacrer toutes ses ressources à un seul secteur, au risque de sacrifier d’autres domaines et de négliger d’autres perspectives de développement et de progrès. Dans le secteur de l’éducation, en particulier, chaque citoyen se rend compte à l’heure actuelle que des efforts gigantesques ont été faits depuis plusieurs années pour tout ce qui a trait à l’enseignement et que le gouvernement a le devoir d’empêcher une montée désordonnée des revendications tout en s’attachant à améliorer la qualité de l’enseignement offert dans les différentes institutions.
Avoir le sens des responsabilités, c’est encore se refuser à employer des moyens de pression et
de boycottage qui ralentissent ou paralysent un secteur vital de la société. Car il faut bien comprendre que chaque
négociation ne met pas simplement en jeu les aspirations personnelles de tel ou tel groupe d’individus, mais d’abord
et avant tout les intérêts de l’ensemble de la communauté. Ainsi, les diverses manœuvres de pression qui ont été
pratiquées dans les écoles depuis quelque temps, ont-elles non seulement nui à la bonne marche des études d’un nombre
considérable d’enfants mais également créé, au niveau des commissions scolaires, un climat d’inquiétude et d’instabilité qui porte préjudice à l’ensemble de la société. Tous les groupes de syndiqués n’ont d’ailleurs pas le même comportement.
Il en est pour lesquels l’importance du service passe avant tout, tel certain syndicat des services hospitaliers
qui déclarait récemment que malgré les difficultés que pouvait comporter la négociation, les malades passaient
en premier.
Si l’on veut que la formule des relations de travail soit viable et fructueuse, il ne suffit pas que les négociations se déroulent conformément à la loi, c’est-a-dire en toute bonne foi. Il faut aussi que les personnes impliquées dans les négociations fassent abstraction de leurs desseins et de leurs ambitions personnelles pour mettre tous leurs talents au service des réalisations concrètes et d’un règlement juste et rapide des vrais problèmes.
Car ce serait se méprendre gravement sur le véritable rôle du syndicalisme que de vouloir en faire un moyen d’action politique ou de fer de lance d’une idéologie. Si certains veulent à tout prix politiser les conflits du travail, il serait préférable pour tous que cela soit dit ouvertement et que cet objectif soit atteint par les canaux normaux que la société met à la disposition de ceux qui veulent lancer des consignes politiques.
Les syndiqués ont d’ailleurs une large responsabilité à cet égard. Dans cette organisation démocratique,
qu’est en principe un syndicat, ce sont à eux d’effectuer le choix en dernière analyse sur les orientations
qui leurs sont suggérées par leurs dirigeants. Dans de nombreux conflits du travail, l’absence d’une information
suffisamment complète et objective de tous les syndiqués, le défaut de participation responsable et active de tous les
membres, constituent les seuls facteurs qui s’opposent au déblocage de situations dont la longue stagnation porte préjudice
à l’ensemble de la société. Ainsi en est-il de la mésentente qui oppose actuellement le gouvernement du Québec
et les enseignants sur un ensemble d’offres qui ne sont pas moins désavantageuses pour ce secteur que pour les
autres catégories d’emploi qui ont déjà signé une entente.
Là encore, il convient de s’en remettre au bon sens des syndiqués qui sont les seuls à pouvoir apprécier, puisque
ce sont eux en fin de compte les premiers intéressés, ce qui est conforme à leur intérêt ou ce qui lui est contraire.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voilà donc les propos que je désirais vous tenir à l’occasion
de cette rencontre. J’ai voulu par ces quelques réflexions mettre en évidence une nécessité majeure des relations
de travail actuelles: celle de faire de la négociation entre le gouvernement et les syndicats du secteur public
un véritable outil de modernisation de ce secteur, un outil qui fasse preuve d’efficacité non seulement lorsqu’il
s’agit d’obtenir pour les syndiqués des droits et des conditions de travail avantageux, mais également lorsque le temps est venu d’assurer une plus grande productivité et une meilleure efficacité des services offerts à la communauté.
C’est là une condition essentielle pour que l’action syndicale ne soit pas perçue par la population comme un
mouvement dirigé contre elle, mais comme une force de dynamisme et de progrès au sein de la société.
<Masse19690504>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À L’OCCASION DU 24ème CONGRÈS ANNUEL
DE LA SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE DE RIMOUSKI Rimouski, le 4 mai 1969>
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation qui m’a été faite de rencontrer les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste de Rimouski à l’occasion de leur 24e congrès annuel.
Je me permettrai d’aborder, cet après-midi, un aspect de l’exécution du plan de développement: celui de la conscience régionale.
Dans le journal « Le Soleil », édition du mardi 29 avril, un journaliste fait mention d’une enquête qui a été menée récemment par un professeur de Caplan, dans le comté de Bonaventure, sur l’exécution du Plan de développement et je cite: « Des réponses du questionnaire, il ressort que … 27.1% (des individus) ignoraient que le plan était sorti, que 35.2% ne croient pas que ce plan va réellement changer leur situation ou celle de leurs enfants et que 32.8% estiment qu’il n’a pas été bien fait ».
Comme je suis optimiste voici ce que j’ai lu: « des réponses du questionnaire, il ressort que 72.9% savent que le plan était sorti, que 64.8% croient que ce plan va réellement changer leur situation ou celle de leurs enfants et que 67.2% estiment qu’il a été bien fait ».
Voilà des pourcentages qui contenteraient plus d’une personne. Qui plus est, le journaliste, qui se trouvait décidément dans une vague de mélancolie, titrait un de ces articles de la façon suivante: « Pessimisme quant à la réalisation du Plan ».
Depuis quelques mois, les opinions et les prises de position fusent de partout. Des inquiétudes, des espoirs, des solutions, des condamnations, des opinions sont proférées de toute part.
Il y a quelques jours à l’Assemblée Nationale, la plupart des députés du territoire ont fait des exposés sur la réalisation du Plan. Tout y a passé! Le Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec, l’Office de développement de l’Est du Québec, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec, la population, etc. Que se passe-t-il ?
Mes fonctions de ministre responsable m’amènent à suivre continuellement le dossier complet du Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec, de l’Entente Générale de Coopération et de l’Office de développement de l’Est du Québec. Tout historien vous affirmera qu’il y a plusieurs façons d’interpréter l’histoire comme il y a plusieurs façons de la vivre et plusieurs façons d’y participer.
Je voudrais vous présenter ce midi, trois « types idéaux » qui expriment trois modes de participation aux changements socio-économiques qui s’opèrent dans votre région. Chacun a sa force et ses faiblesses, chacun s’est incarné dans des attitudes et des comportements précis. Chacun démontre à sa façon que la participation de la population n’est pas une idée vague et que la « conscience régionale » n’est pas une entité mystérieuse qui flotterait au-dessus de la région mais une réalité mouvante, subtile et complexe.
Le premier type pourrait s’appeler le « fataliste ».
Pour lui l’histoire s’écrit de la façon suivante: Formation du BAEQ, 1963: « voilà une entreprise qui n’est qu’une autre façon de faire attendre la population: de toute façon, ce n’est pas dangereux, ça va fermer dans un an avec tous ces barbus ».
Fin 1965: « depuis deux ans qu’ils tournent en rond, ça ne donnera rien, le plan ne paraîtra jamais: encore de l’argent jeté à l’eau ».
Juillet 1966: « Le Plan vient d’être déposé au gouvernement mais tout cela est inutile car les politiciens vont s’empresser de le mettre sur les tablettes ».
Fin 1967: « on parle d’une entente entre le Québec et le Canada pour nous changer les idées; jamais les gouvernements ne réussiront à s’entendre ».
Mai 1968: « l’entente est signée, mais les sommes prévues ne se dépenseront pas ».
Septembre 1968: « l’entente représente des millions, mais elle n’est pas complète et ne respecte pas intégralement le plan du BAEQ ».
Mai 1969: « il y a bien des millions qui se dépensent, mais ce ne sont pas les bons millions ».
On peut même faire des prévisions concernant l’attitude future de ces personnes.
Septembre 1969: « on parle de renégocier l’entente, mais les gouvernements ne s’entendront pas ».
Mars 1970: « nous avons maintenant de l’argent pour la route de ceinture, mais rien pour les routes de l’intérieur ».
Je caricature à peine. Pour ces gens, la notion de participation est confuse: ils ont le sentiment d’être les jouets de forces qui les dépassent et sur lesquelles ils n’ont aucune influence. Ils obligent continuellement les gouvernements et les leaders du milieu à revoir leur méthode de communication, à raffiner le contenu du dialogue. Ce ne sont pas des contestataires, ce sont des non participants.
Pour eux, l’information, de type traditionnel ne « passe pas ». Il devient alors extrêmement difficile d’instaurer un véritable dialogue. C’est avec eux qu’il faut innover dans le domaine de l’information et des techniques d’animation.
Le second type pourrait s’appeler le « catastrophique ».
Si pour le premier, la toile de fond de sa conscience est d’un gris terne, pour le « catastrophique » le noir et le violet dominent.
Pour eux, le BAEQ était une infernale machination de socialistes et de communistes au pire, ou de rêveurs ou de barbus, au mieux. Le plan une fumisterie: l’entente une tromperie: les millions, de faux-millions. Pour ces gens l’équation ne se fait pas entre une programmation qui se veut rationnelle et des problèmes aigus et réels qu’il faut régler demain matin.
Ils sont, souvent avec raison, impatients et le dialogue avec eux doit-être serré et appuyé sur des faits concrets. Que durant la première année d’exécution du Plan, il soit nécessaire de roder certains mécanismes, cela se comprend et se démontre à qui veut écouter. Que pour des tâches nouvelles, il soit difficile de trouver certains types de spécialistes, cela se vérifie. Que le gouvernement du Canada ait refusé d’intégrer un programme de voirie, ou de primes à l’emploi dans l’entente, cela peut être inexcusable, mais cela se négocie. Que l’achat de forêts privées ou de droits de concessionnaires puisse paraître un investissement inutile, cela peut être une opinion pour qui n’est pas au courant de la situation: mais que ce même programme soit une des causes majeures de la création de 500 emplois dans la région de Témiscouata, voilà qui rend inexcusable celui qui ne veut pas admettre certaines interrelations.
Que la mise sur pied d’une Conférence administrative, la création d’équipages de terre en pêcheries, la consolidation des usines laitières, les investissements accélérés dans les rivières à saumons, la préparation professionnelle d’une main-d’œuvre revalorisée, ne soient pas perçus et compris comme des éléments convergents vers des mêmes objectifs, voilà qui est plus grave.
La hâte de ces gens leur fait perdre le sens d’une certaine continuité historique. Un exemple: certaines personnes découvrent aujourd’hui des lacunes dans l’Entente telles que l’absence de programmes de voirie et de primes à l’emploi: il était pourtant clair, au moment de la signature de l’Entente Générale de coopération que tous les problèmes n’étaient pas définitivement réglés et qu’il restait encore des solutions à trouver dans certains secteurs.
Nous avions à faire le choix suivant: ou continuer à discuter pendant un an avec le gouvernement du Canada ou passer à
l’action: nous avons préféré commencer les opérations en 1968, car nous avions conscience qu’il ne s’agissait là que
d’une étape dans le processus général, que d’autres étapes suivraient. De plus, nous estimions qu’il y avait suffisamment
de travail à accomplir à court terme, que ce soit dans le domaine de la consolidation des fermes ou dans celui des
infrastructures municipales. Cette attitude était d’ailleurs partagée par le Conseil régional de développement qui
affirmait en mai 1968: « L’esprit que nous avons donné au dialogue est à ce point positif qu’on nous a associés pleinement à une expérience nouvelle de consultation privilégiée: l’analyse de la programmation gouvernementale de l’exécution du Plan au moment même où elle est négociée. Il est évident qu’une telle expérience ne pouvait être entreprise sans que, de part et d’autre, certaines conditions ou contraintes soient posées, ce sur quoi nous n’insistons pas.
Nous tenons à faire une autre observation générale: elle porte sur l’orientation que nous donnons à ce rapport que nous voulons objectif et réaliste.
Il serait beaucoup plus facile au C. R. D. de critiquer les gouvernements pour le rejet de certains programmes importants qui n’ont pas été retenus et que nous croyons, encore aujourd’hui, indispensables au relèvement de l’économie régionale; de contester le bien-fondé de certaines mesures qui ne répondent pas aux priorités fondamentales dans certains secteurs; nous pourrions disserter longtemps sur la valeur de certains mécanismes d’exécution ou encore sur la nécessité d’organismes spécifiques à l’exécution de certaines actions précises. Cependant, nous estimons qu’aucune de ces remarques
ne contribuerait, seule, à poser véritablement le problème et à faire avancer les discussions. C’est plutôt par le dialogue constant que nous espérons obtenir les ajustements désirés à certains programmes sectoriels. C’est pourquoi nous voulons faire de ce rapport un document de travail ».
Les membres du C. R. D. démontrent par cette attitude leur volonté de dialogue et de participation active. Ils créent en même temps une pression qui peut être un excellent aiguillon pour les structures gouvernementales.
Le troisième type, qu’on pourrait appeler le groupe des « réalistes », est nécessairement plus complexe. Moins prévisible que le premier et moins coloré que le deuxième, il cherche à réaliser un type de participation beaucoup plus riche d’avenir: il refuse d’admettre, comme le premier, qu’il ne peut avoir prise sur son destin, mais il hésite, au contraire du second, à croire que tout peut se régler du jour au lendemain. Alors que le premier risque d’être résigné (« il n’y aura jamais de parc de Gaspé ») et que le second risque de succomber au négativisme (« nous allons vendre l’entente pour un dollar au Nouveau-Brunswick ») le troisième accepte d’analyser, de comprendre et de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre des différents projets que prévoit le plan.
Cette attitude faite d’énergie et de réalisme se manifeste quotidiennement: la cité de Rivière-du-Loup se bat pour un parc en Gaspésie, les gens de Rimouski travaillent à la réalisation de trois stations touristiques; des municipalités se groupent, à Rimouski, Matane, Chandler, New-Richmond, Rivière-du-Loup, Cabano, en des commissions inter-municipales qui vont rassembler dans quelques mois plus d’une centaine de municipalités et qui vont recevoir l’aide technique et financière d’une équipe unique au Québec mise sur pied par les Affaires Municipales; de nombreux industriels, en payant une partie du coût, s’astreignent à revoir leur administration et leur gestion,des cultivateurs d’une municipalité donnée signent un engagement formel d’agrandir leur terre de tant d’âcres et de moderniser leur exploitation; la collaboration interministérielle entreprise au sein de la Conférence administrative,
se concrétise au niveau local par l’introduction d’agents de développement qui seront localisés dans 16 municipalités
du territoire et qui vont inaugurer un nouveau type de relations entre administrateurs et administrés; une région complète,
grande et vaste comme la nôtre, accepte la discipline d’avoir une seule voix, celle de votre conseil régional de développement permettant ainsi au gouvernement d’instaurer un nouveau type de collaboration avec votre C. R. D. telle que la transmission des tranches annuelles d’exécution du Plan avant même que l’Assemblée Nationale en soit saisie; certaines collectivités locales, ayant dépassé le cap d’un certain défaitisme, cherchent lucidement à élaborer un programme
cohérent et juste de relocalisation.
Tout cela ne forme pas une conscience régionale, méfiante et fermée: tout cela constitue au contraire des éléments positifs, réels, concrets d’une participation sans laquelle le plan de développement ne pourrait pas se réaliser efficacement.
Toute cette fermentation d’idées, d’initiatives et de comportements se situe dans le temps: le plan du BAEQ n’a jamais été considéré comme parfait et définitif, mais sans ce plan il n’y aurait pas eu de programmation gouvernementale. L’Entente Générale de Coopération doit être considérée comme un instrument de travail qui, à ce titre, peut, et doit être renégociée dans certains secteurs.
Le développement de votre région ne sera jamais terminé mais il est au moins commencé; le développement de votre région ne sera jamais une danse des millions, ni le résultat de deux ou trois gestes spectaculaires mais l’addition successive de réalisations petites et grandes mises en œuvre par une multiplicité de centres de décision, faibles ou puissants. Une conscience régionale n’est authentique que dans la mesure où une population comprend ces phénomènes et où elle accepte de jouer le jeu.
Les « fatalistes » n’y croient pas. Les « catastrophiques » ne veulent pas le croire ” Espérons que les « réalistes » seront de plus en plus nombreux à vivre cette réalité !
<Masse19690506>
<NOTES DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA COMMISSION PERMANENTE DU CONSEIL EXÉCUTIF
Québec, Le 6 mai 1969>
Monsieur le président,
À la demande du gouvernement, la Commission permanente du Conseil exécutif de l’Assemblée nationale a été convoquée afin que le parlement et la population du Québec, par l’intermédiaire de ses représentants et à l’aide de la presse parlée et écrite, reçoivent un éclairage complet sur la situation des négociations dans le secteur de l’enseignement élémentaire et secondaire. Les participants et intéressés à ces négociations sont présents ici ce matin, et nous aurons, au cours des délibérations de ce comité, l’occasion de les entendre s’expliquer.
Le gouvernement a tenu à réunir cette Commission plutôt que celle de l’Éducation pour un motif bien simple, c’est-à-dire celui du partage des rôles et responsabilités. Je ne vous apprends rien en vous rappelant que les négociations collectives dans le secteur public relèvent directement de la responsabilité du ministre délégué à la Fonction publique.
Les négociations dans l’enseignement durent depuis plus de 22 mois: négociations directes, commission
d’enquête, conciliation et médiation. Un climat d’incertitude règne dans nos écoles; les parents, les contribuables
et la population en général en ont franchement assez de tout cela. Lorsque l’éducation des enfants est en cause,
et lorsque l’activité des différents comités pédagogiques est freinée, on doit s’attendre à de telles réactions.
Le gouvernement est préoccupé au plus haut point par cette situation et ce, pour plusieurs motifs. Tout d’abord, en raison de sa responsabilité générale en éducation qui l’oblige à assurer un fonctionnement normal du système scolaire de même que la protection du droit des enfants à l’éducation. Ensuite, en raison de l’importance des sommes d’argent en cause (environ $400 millions pour les traitements des instituteurs seulement) et pour éviter que l’on oublie l’effort phénoménal exigé du contribuable québécois pour réformer le système d’enseignement, payer ses maîtres et équiper l’organisation scolaire.
Aussi, en raison de la participation directe du gouvernement à ces négociations en vertu d’une disposition du bill 25. Cette participation s’inscrit dans le cadre général des négociations dans le secteur public et est marquée par une recherche constante de la cohérence et d’une plus grande équité sur tout le territoire du Québec. Enfin, en raison de la responsabilité gouvernementale envers le bien général de notre communauté et de l’obligation que lui a donnée le Parlement
de mener à terme les politiques et objectifs de cette même communauté. Il importe que tous soient conscients que l’intérêt général prime l’intérêt particulier, fut-il celui des corporations et syndicats d’enseignants.
Pour la bonne compréhension de tous, il m’apparaît important de faire un peu d’histoire et de rappeler brièvement le mécanisme du financement des commissions scolaires; ensuite je tracerai la trame des événements qui ont conduit à cette négociation provinciale et présenterai les objectifs poursuivis par le gouvernement et les commissions scolaires; alors, nous pourrons aborder les principaux points en litige et entendre les intéressés. Normalisation des finances scolaires. L’intérêt de l’État québécois pour les finances scolaires, de même que pour les salaires et conditions de travail des instituteurs, n’est pas nouveau et remonte à plusieurs années. Cependant, il est vrai que jusqu’à ces toutes dernières années, le contrôle de l’État sur l’administration financière scolaire était plutôt limité.
L’explosion scolaire et la réforme du système d’enseignement se sont traduites par un accroissement fabuleux des dépenses scolaires ($288 millions en 1960/61 et $837 millions en 1967/68) et de la contribution gouvernementale au financement de ces dépenses. Cette dernière qui était de $185 millions en 1962 est passée à $484 millions en 1967/68.
Cette prise de conscience collective a donné lieu à un grand effort de rationalisation et de normalisation du financement des dépenses des commissions scolaires afin de répartir équitablement le fardeau fiscal et de procurer des services adéquats à tous les Québécois.
Ainsi, le financement des commissions scolaires comporte maintenant, depuis 1964, trois éléments complémentaires:
1. Les subventions statutaires du ministère de l’Éducation déterminées par la loi pour chacun des élèves de la commission scolaire; ces subventions totalisaient $220 millions en 1967/68.
2. L’impôt foncier ou les revenus propres des commissions scolaires: ($341 millions en 1967/68).
Parce que le degré de richesse varie d’une commission scolaire à l’autre, le ministère a établi des règles visant
à rendre équivalent l’effort fiscal des contribuables (le taux normalisé). La quasi-totalité des commissions scolaires
impose à leurs contribuables un taux qui correspond à ce taux normalisé. En règles générale, les subventions statutaires
et les revenus locaux ne suffisent pas à assurer des services adéquats aux enfants.
3. Les subventions d’équilibre budgétaire ($264 millions pour l’année scolaire 1967/68).
Cette marge entre le coût de ces services adéquats et de qualité définie par le ministère de l’Éducation et les sources de
revenus statutaires et locaux est financée complètement par le gouvernement au moyen de subventions dites d’équilibre
budgétaire.
Toute dépense additionnelle au-delà des montants déterminés par les règles d’approbation des budgets devient une dépense dite « inadmissible1’ aux subventions d’équilibre budgétaire et doit être financée par le contribuable local.
Il est important de comprendre le financement des commissions scolaires pour bien saisir le reste de la discussion.
Circulaire du 14 octobre 1966 : L’année scolaire 1966/67 allait connaître une crise en raison de l’accroissement anormal des dépenses inadmissibles, des anachronismes ahurissants dans les salaires des enseignants et de l’attitude de certains
syndicats d’instituteurs.
En effet, les standards ou normes de qualité servant à définir l’admissibilité des dépenses sont
vite devenus dans les faits et dans certains esprits des minima ou des points de départ à partir desquels les associations
d’enseignants, qui négociaient alors à l’échelon local, commençaient à discuter. Ces négociations locales,
certaines grèves et des arbitrages historiques ont amené un accroissement rapide de ces dépenses inadmissibles, souvent
en fonction de la richesse du milieu.
De plus, les disparités dans les salaires entre hommes et femmes, laïcs et religieux, de milieu rural ou urbain, et d’une commission scolaire à l’autre devenaient intenables, s’intensifiaient souvent et allaient de toute façon à l’encontre de la philosophie de la normalisation. Certains taux de salaires atteignaient des niveaux plutôt remarquables et causaient des problèmes majeurs au gouvernement dans ses propres négociations avec ses enseignants qui pourtant, avaient, selon les paroles mêmes du chef du gouvernement en poste le 28 janvier 1966, complété leur rattrapage salarial, (voir tableaux des disparités, 1966).
Devant de telles constatations, le ministre de l’Éducation, au nom du gouvernement, émit la lettre circulaire du 14 octobre 1966. Les objectifs de cette directive relative à l’approbation des offres des commissions scolaires étaient clairs: mettre un frein à une concurrence coûteuse et inutile, accélérer le rattrapage de milliers d’instituteurs, alléger le fardeau fiscal du contribuable local surtaxé, en rétablissant un certain équilibre des forces en présence. Le Conseil supérieur de l’éducation, dans ses « Réflexions sur la crise scolaire », commente ainsi l’intervention du ministre: « L’intervention du ministre, écrit-il, était nécessaire dans le conflit sur les traitements des professeurs; mais dans la confusion du moment, divers groupes adoptèrent une position rigide dont ils ne voulurent pas se départir ou encore dont ils furent incapables de se départir » (p. 299, Rapport C.S.E., 1965/66, 1966/67).
Une série de grèves furent déclenchées par des associations d’instituteurs; certaine grève célèbre n’avait cependant aucun lien direct avec cette circulaire (celle de l’Alliance). Au début de février 1967, le chaos était complet et le gouvernement dut intervenir de nouveau.
Bill 25
Le Parlement fut alors saisi d’un projet de loi qui poursuivait à la fois des objectifs à court et à plus long terme: le Bill 25, ou Loi assurant le droit de l’enfant à l’éducation et instituant un nouveau régime de convention collective dans le secteur scolaire.
Cette loi, on s’en souvient, mettait d’abord un terme aux multiples arrêts de travail décidés par les associations d’enseignants; elle suspendait le droit de grève des instituteurs jusqu’en juillet 1967 et prolongeait les conventions collectives existantes jusqu’à cette date; elle permettait à plus de 40,000 enseignants, la plupart des institutrices, d’effectuer un rattrapage salarial
en touchant des hausses de salaire variant de $1,000 à $1,400. De plus, pour pallier cette suspension du droit de grève, un
système d’arbitrage était institué pour régler les conflits d’intérêts; malgré le cadre mis en place par le Bill 25, l’expérience a montré que nombre de sentences arbitrales ont causé un nouvel accroissement des dépenses inadmissibles.
Cependant, l’essence de cette législation était tournée vers la mise sur pied d’un nouveau régime de négociation collective à l’échelle du Québec afin de réaliser cette péréquation et cette plus grande égalité de services que tout État moderne doit donner à ses citoyens.
Un conseil consultatif, « comité de l’article 13 » du bill 25, composé d’enseignants, de commissaires et de parents, avisa le gouvernement sur la nature des clauses à négocier à l’échelle du Québec. La Corporation des enseignants du Québec soutint que tout devrait être négocié à ce niveau.
Le gouvernement décréta ce type de négociation afin: – d’éliminer une concurrence coûteuse, presque toujours inutile et souvent fondée sur la richesse des différentes commissions scolaires;
– de déterminer des conditions de travail équitables pour tous les enseignants, qu’ils soient français ou anglais, catholiques ou protestants;
– d’instituer un nouveau mode de relation entre le gouvernement, les commissions scolaires et les corporations d’enseignants, mode fondé sur un respect mutuel et une mise en commun d’expériences.
Le bill 25, pour reprendre une expression du Conseil supérieur de l’éducation, doit être considéré comme « un point de départ pour un nouveau style de collaboration » et non pas comme « une mesure restrictive ».
Négociations provinciales
Le 17 juillet 1967, se tenait la première séance de négociations provinciales, à l’École Normale Laval.
Depuis ce temps, il s’est écoulé près de 22 mois et il s’est tenu plusieurs centaines de rencontres. Je me bornerai à
mentionner les grandes étapes de cette négociation, (quitte à vous remettre un calendrier plus détaillé par la suite), et à
vous présenter certaines de ses caractéristiques.
Principales étapes
La période allant de juillet 1967 à décembre 1967 a été consacrée à des discussions préliminaires sur les formes et les modes de négociation, et à la préparation du projet syndical.Le 21 décembre 1967, les corporations d’enseignants soumettaient un volumineux projet de plus de 720 clauses. (Voir document).
– De janvier à juin 1968, les séances de négociations se multiplient à un rythme rapide; avril et mai voient le juge Jean-Charles Simard procéder à son enquête; la première opération « démission » est alors en cours.
– Au début d’août 1968, le gouvernement et les commissions scolaires présentaient un projet global de plus de 400 clauses (voir document); quelques jours après la réception de cette offre, les enseignants réclamaient la conciliation; le juge Jacques Bousquet, conciliateur spécial, choisi en dehors des cadres de la fonction publique, préside les réunions de septembre et octobre et les quelques rencontres de novembre et de décembre 1968.
– Ensuite il y eut une série de grèves tournantes et, aussi, le rejet des dites grèves par nombre d’instituteurs; enfin l’intervention du juge René Lippé, de la mi-février à la fin de mars 1969.
Caractéristiques
Cette longue négociation comporte certaines caractéristiques intéressantes et a permis à la population de jauger les attitudes de certaines organisations.
– En premier lieu, cette négociation touche près de 1.5 million d’élèves et environ 65,000 maîtres;
les sommes d’argent en cause sont capitales (environ $400 millions pour les salaires d’instituteurs seulement.)
– La représentation des parties à la table est la suivante: 10 personnes de chaque côté; le gouvernement
compte 2 représentants, la Quebec Association of Protestant School Boards, 2, et la Fédération des Commissions
scolaires catholiques du Québec, 6. Du côté des enseignants, la Provincial Association of Catholic Teachers, 2, et la Corporation des enseignants du Québec, 6.
– Le volumineux document syndical présenté le 21 décembre 1967 et à partir duquel la négociation a été conduite, comportait des demandes et exigences astronomiques et incalculables, allant de la négociation du calendrier
scolaire au stationnement couvert, en passant par le paiement du temps supplémentaire au taux de 1/25,000e du salaire annuel par période – élève additionnelle.
– Les séances de négociations furent enregistrées sur bobines ou sténographiées et dactylographiées
par la suite (voir pièces); les journalistes ont même été invités aux séances de négociations, en mai dernier.
– De mémoire de négociateurs, la durée, l’intensité des rencontres entre les parties ne retrouvent nulle part leur équivalent au Québec et au Canada; les pourparlers se sont poursuivis durant plus de 8 mois à un rythme moyen de 3 jours par semaine; quatre mois entiers ont été consacrés à la conciliation du juge Bousquet et à l’intervention du juge Lippé; le juge Simard a lui-même enquêté durant plus d’un mois.
– Les rencontres se sont tenues aux endroits suivants: École Normale Laval (Québec), Manoir du Lac Delage, Fontainebleau (Montréal) , Motel Universel (Québec) et ministère du Travail (Québec).
– La partie gouvernement- commissions scolaires s’est efforcée d’informer et le public et les enseignants; elle a publié et distribué à tous les enseignants, en septembre 1968, l’état de ses propositions (cahier vert); elle a publié pour ces mêmes instituteurs, en décembre 1968, un document corrigeant les erreurs et interprétations abusives relativement à ses offres (le cahier comparatif); elle a tenu en septembre et octobre 1968, une série de réunions publiques à travers le Québec; cette semaine, elle distribuera à tous les enseignants la dernière version de ses offres et nouvelles propositions effectuées en conciliation et en raison de l’intervention du juge Lippé.
– Bon nombre d’écoles du Québec ont subi un « boycott » systématique, organisé par les syndicats d’enseignants, des différents comités ou conseils pédagogiques et de certaines activités professionnelles, telles les rencontres avec les parents; nous avons nous-mêmes qualifié d’anti-professionnel et d’abus de droit l’usage collectif de certains privilèges reconnus à l’individu par la convention collective (v.g., refus collectif d’effectuer de la suppléance et des périodes excédentaires); la population a pu constater elle-même l’indifférence de certains leaders syndicaux envers la
réalité et les problèmes d’ordre pédagogique.
– En bref, la dépense d’énergie a été phénoménale; et, à force d’entendre certaines personnes, on a l’impression qu’il n’y a qu’un problème au Québec, celui des enseignants, et que le gouvernement devrait tout monopoliser (argent, hommes et équipement) pour donner à ces derniers des conditions d’emploi encore meilleures que celles actuellement offertes et qui se situent souvent au plus haut niveau en Amérique.
Objectifs du gouvernement et des commissions scolaires
Le gouvernement et les commissions scolaires, dans la préparation de leurs offres, ont veillé à réaliser nombre d’objectifs qui étaient la raison d’être de ces négociations.
– Nous avons voulu développer un nouveau mode de relations entre les parties, mode fondé sur la coopération, la collaboration et le respect mutuel. Tout cela, il va de soi, repose sur une conscience des responsabilités des divers groupes, ne s’effectue pas sans heurt, et demande un certain cran de la part des dirigeants.
– Essentiellement, et je le répète, les propositions du gouvernement et des commissions scolaires visent à fournir, compte tenu des ressources disponibles, des avantages adéquats et équivalents à l’ensemble des instituteurs, où qu’ils se trouvent au Québec. On appelle cela la péréquation et nous avons voulu que ces avantages se situent à un niveau plus que raisonnable.
– Nous avons voulu éliminer la concurrence inutile et coûteuse; nous avons cherché à définir des conditions pour une meilleure répartition des maîtres au Québec.
– Nous avons voulu modifier le style des négociations dans ce secteur et tenter de raisonner à l’échelle du Québec en oubliant les situations de privilège ou abus. Nous croyons au système de négociation et nous regrettons de ne pas avoir encore un règlement négocié. Nous sommes conscients que la négociation dans le secteur public exige parfois une bonne dose de courage et un sens développé des responsabilités.
– Nous avons axé nos propositions sur le règlement numéro 1 du ministère de l’Éducation et la réalisation des objectifs d’éducation en tentant d’introduire une certaine souplesse afin de permettre aux pédagogues et enseignants de faire preuve d’initiative; nous avons voulu profiter des connaissances et conseils des instituteurs et, c’est pourquoi tout un mécanisme de consultation a été mis sur pied. Et nous continuons de croire qu’une éducation de qualité exige la présence des maîtres auprès de leurs élèves. Nous avons tenté de penser aux « exigences du service », aux administrateurs et aux principaux d’école; nous savons que, souvent, les meilleurs éléments du Québec se dirigent vers ce type de carrière et nous nous refusons à ce qu’une convention collective limite l’exercice de leurs responsabilités propres: ce n’est pas en détruisant l’initiative de ces hommes qu’on pourra obtenir une meilleure gestion scolaire.
– Nous avons voulu offrir à nos enseignants des conditions de travail et de rémunération conformes à la place et au rôle qu’ils doivent occuper dans notre société; nous avons recherché l’abolition du privilège et tenté de traiter équitablement les enseignants, (v.g. parité de salaire, classification identique, etc.). Les offres faites aux enseignants j’y reviens, les placent à l’avant-garde de leurs confrères canadiens et parfois même américains.
Récifs et écueils
Au cours de ces négociations, nous nous sommes heurtés du côté des enseignants à une multiplicité
de forces centrifuges qui non seulement rendaient difficile la réalisation de ces objectifs, mais avaient plutôt tendance
à nous en éloigner. Ces forces, elles étaient de différentes natures: Ainsi, on a constaté un refus de
reconnaître son rôle à la direction pédagogique et administrative des commissions scolaires et du gouvernement.
– Nous avons aussi pris connaissance de la politique des corporations d’instituteurs à l’effet de
considérer comme des minima les ententes provinciales; selon ces corporations, les commissions scolaires plus riches
peuvent aller plus loin.
– Nous avons dé nous rendre à l’évidence que la contestation des corporations d’enseignants qui accompagnait
leur demande de participation était du type corporatif et plutôt exclusive; elle se justifiait tantôt par une sorte de
monopole des connaissances spécialisées (manuels, méthodes…), tantôt par une non-acceptation de certains pouvoirs du ministère de l’Éducation (v.g., négociation du calendrier scolaire).
– Mais surtout, nous nous sommes heurtés, de la part des leaders locaux le plus souvent, à un
rejet de cette péréquation dès qu’elle signifiait la perte d’un privilège ou d’une habitude locale, développés ou obtenus
dans des circonstances particulières. Nous avons aussi remarqué un certain écart entre les grandes déclarations
relatives au perfectionnement et à la négociation de cette question; il a fallu attendre l’intervention du juge Lippé
pour que les représentants des corporations d’enseignants consentent à discuter du perfectionnement.
Malgré tout, l’exercice n’a pas été inutile, loin de là. Il a montré, hors de tout doute, que la négociation provinciale dans ce secteur et la détermination de certaines règles de gestion à cette échelle étaient possibles.
Car, ne nous trompons pas, seul le niveau des concessions empêche le règlement de cette convention. Il vous sera possible,
très bientôt, monsieur le président, de voir si cet écart a raison d’être .
Principaux points en litige
Afin de vous mieux situer dans le débat, je vous soumets une liste non exhaustive des principaux points
en litige de même que la substance de nos positions; ensuite, au cours de la discussion, nous ajouterons les autres questions
non réglées et entendrons les explications sur les positions respectives.
– Au chapitre des prérogatives
syndicales, je remarque que les corporations d’enseignants réclament une sorte d’atelier fermé (closed shop), qui aurait pour effet d’amener le non-rengagement par la commission scolaire d’un enseignant expulsé de son syndicat.
Nous nous refusons à octroyer au syndicat un droit de vie ou de mort sur l’emploi d’un instituteur; point n’est besoin de commenter ce refus. Selon notre offre, cependant, tous les instituteurs devront payer la cotisation syndicale ou son équivalent (formule Rand) et tous les nouveaux instituteurs devront signer une formule d’adhésion au syndicat. Notre porte-parole, Me Jean Cournoyer, fournira les précisions additionnelles.
– Au titre de la consultation, on me rapporte que les Corporations d’enseignants exigent de nouveau je note trois sujets litigieux: la question du droit à l’arbitrage dans les cas de non-rengagement, la place de l’ancienneté dans les promotions, mise à pied…, et les congés-maladie.
Relativement à la question de l’arbitrage dans les cas de non-rengagement, je note que les corporations
d’enseignants exigent que ce droit soit acquis dès la première journée de travail à la commission; l’offre du gouvernement
et des commissions scolaires se réfère à un projet d’amendement de la Loi de l’Instruction publique (bill 44) qui stipule, conformément aux pratiques habituelles, que ce droit est acquis dès le renouvellement du 2e contrat annuel d’enseignement au Québec. En bref, ceci revient presque à dire que les Corporations d’enseignants ne reconnaissent aucune aptitude et compétence aux administrations scolaires pour évaluer l’enseignant en probation.
Quant à la demande des Corporations d’enseignants à l’effet d’accorder une place prépondérante
et souvent décisive à l’ancienneté dans les promotions, transferts, mise à pied . . . , nous ne pouvons l’accepter; car, nous
continuons de croire que la compétence doit être le grand critère lorsqu’il s’agit de l’éducation de nos enfants.
Au sujet des congés-maladie, nous avons cru que notre dernière offre, relative à la caisse de crédit de 15 jours par année, et qui est conforme aux pratiques nord-américaines, aurait réglé la situation. D’autant plus que nous avons consenti à protéger tous les individus qui bénéficient présentement de systèmes différents de protection et ce, tant qu’ils demeurent à l’emploi des commissions scolaires qui les embauchent présentement.
– Dans la section des traitements, j’attire votre attention sur notre offre qui a pour objet de traiter de la même façon et les instituteurs et les institutrices, qu’ils soient de milieu urbain ou rural, de langue française ou anglaise. De plus, nous avons accepté d’introduire un système de protection des traitements pour les détenteurs de certaines qualifications (vieux brevets, nouvelles méthodes) de même qu’un plan de récupération pour ceux qui pourraient subir une certaine déclassification. Je signale aussi le fait que les corporations d’enseignants demandent des traitements supérieurs pour les enseignants de vastes territoires. Nous avons consenti un système d’allocations spéciales pour certains endroits éloignés et isolés; mais nous nous refusons à réintroduire des disparités dans les traitements, cette
fois, à l’inverse de ce qu’elles étaient.
– Au titre du perfectionnement, nous offrons annuellement à plus de 425 enseignants la possibilité d’aller étudier à temps plein avec 80% de leurs traitements.
Nous avons préféré le système d’études à temps plein, contrairement aux Corporations d’enseignants parce qu’il nous apparaît comme une véritable forme de perfectionnement. Cependant, par le versement d’un bonus pour la demi-année de scolarité, nous avons accepté de contribuer au perfectionnement à temps partiel.
De plus, des cours de recyclage (méthodes) seront offerts gratuitement aux instituteurs par les commissions scolaires.
Enfin, toute année d’études est considérée comme une année d’expérience aux fins du traitement.
– Au chapitre des griefs et des mésententes, les corporations d’enseignants exigent que toute mésentente soit arbitrale, i. e. que toute question relative aux conditions de travail et non prévue par la convention puisse être tranchée par un arbitre.
Selon notre offre, tout grief ou toute difficulté d’interprétation et d’application des textes de la convention pourra être tranchée par un arbitre. Cependant, il n’est pas dans notre intention de faire définir par un arbitre les sujets non prévus dans la convention collective (i. e. normes relatives aux bibliothèques, stationnement, etc.).
– Quant à la charge de travail, il y a conflit principalement sur le niveau des rapports élèves-maître (i. e. le nombre de professeurs qu’une commission scolaire doit embaucher, compte tenu des inscriptions) de même que sur la présence des enseignants à l’école.
Nous avons, pour des motifs d’ordre administratif et pédagogique, offert un cadre souple et
conforme à l’esprit de la réforme scolaire. Au niveau de chaque commission scolaire, compte tenu des situations et des objectifs particuliers, il sera possible de définir par négociation les charges plus précises des enseignants de même que leur répartition dans les différentes écoles.
De plus, nous demandons que l’enseignant demeure dans l’école durant le temps de présence des élèves et lorsqu’il y a des locaux pour les recevoir, bien entendu. Nous ne voyons pas comment on peut concilier qualité de l’éducation et absence du professeur en dehors de ses heures de cours, à moins que le bien ou le mieux-être du professeur devienne l’objectif exclusif.
Notre offre sur la charge de travail est à ce point raisonnable que le Québec qui, par rapport à l’Ontario et aux États-Unis jouit d’un revenu personnel de beaucoup inférieur à ces endroits (Québec, $2069, Ontario, $2624 et États-Unis $3127), s’est engagé à donner à ses enfants un plus grand nombre de maîtres par élève que ces mêmes endroits (Québec 1/22.4 (offre), Ontario 1/24.0 et États-Unis, 1/23.3).
Voilà pourquoi, monsieur le président, les offres du gouvernement et des commissions scolaires nous semblent acceptables.
Elles nous semblent acceptables et nous avons, encore une fois, la conviction qu’elles justifient la signature d’une convention collective au terme du jeu normal de la négociation. Les enseignants ont réclamé, à diverses
reprises, l’arbitrage. À cette demande, le porte-parole du gouvernement et des commissions scolaires, Me Jean Cournoyer, répondait, le 4 décembre dernier: « Vous avez proposé l’arbitrage comme moyen de solutionner le conflit entre
vos corporations et les organismes que je représente.
Je dois vous informer que nous sommes dans l’impossibilité d’accepter votre proposition.
La principale raison de cette attitude de notre part réside dans le fait que la nature de la plupart des problèmes
en suspens implique que l’on se prononce soit sur des amendements aux lois existantes ou sur une affectation des
ressources qui seront consacrées à l’éducation. C’est à l’Assemblée législative (nationale), qu’il revient de modifier
les lois et non à un conseil d’arbitrage; de même, il appartient au pouvoir politique de décider du niveau des impôts et des allocations et priorités budgétaires, car vous n’êtes pas sans savoir que l’acceptation de vos demandes
aurait des conséquences phénoménales sur les finances publiques.
Monsieur le président, l’arbitrage dans le cas d’un groupe particulier aurait pour conséquence de limiter le gouvernement et, en dernière analyse, le Parlement lui-même, dans l’exercice de sa fonction d’arbitrage pour tous les groupes, dans son rôle global d’arbitrage quant à l’affectation des ressources publiques.
Dans un cas comme celui qui nous occupe, devons-nous,allons-nous demander à un juge de déterminer le niveau des impôts? Ne nous trompons pas: c’est bien de cela qu’il s’agit, quand nous parlons d’arbitrage en matière de relations de travail dans le secteur public.
Selon le Code du Travail, la négociation collective avec les moyens de pression qui s’y rattachent (grève, lock-out), constitue le régime normal des relations employeurs-employés dans le secteur public à l’occasion de la détermination des conditions de travail. D’après cette même loi, le consentement des deux parties est nécessaire pour utiliser cet autre mode de relations qu’est l’arbitrage.
La plupart des syndicats et associations d’employés du secteur public et para-public, y compris la C. E. Q. ont réclamé instamment le mise sur pied au Québec d’un régime de négociation collective comportant le droit de grève, dans le secteur public. Ce régime a fonctionné normalement au cours des dernières années dans un nombre important de cas: à preuve, la dizaine de conventions collectives signées dans le secteur public au terme d’un processus de négociation.
On évoquera peut-être ici l’exemple de ce qui existe dans la législation fédérale en ce qui concerne
l’arbitrage. Selon cette législation, le syndicat doit décider avant même le début des négociations s’il aura
recours à l’arbitrage ou à la grève en cas d’impasse: ce choix est définitif. Les parties adoptent alors les techniques de négociations appropriées à l’un ou l’autre de ces moyens. Dans le présent conflit, la partie
« patronale » a négocié de façon à éviter une grève et non en fonction d’un éventuel arbitrage. En d’autres termes,
la partie « patronale » a effectué des concessions majeures qui n’auraient jamais été consenties dans un contexte où
l’arbitrage aurait pu devenir possible.
Monsieur le président, je souhaite sincèrement que les travaux de cette commission aient des
effets bénéfiques et qu’ils aident à rétablir le fonctionnement normal du système d’éducation, afin que « les enseignants
enseignent et que les étudiants étudient ».
<Masse19690509>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU CONGRÈS ANNUEL DU CERCLE DE LA PRESSE D’AFFAIRES DU QUÉBEC À L’AUBERGE DES GOUVERNEURS Québec, le 9 mai 1969>
Messieurs,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation qui m’a été faite de rencontrer les membres du « Cercle de la Presse d’Affaires du Québec » à l’occasion de leur congrès annuel. L’on m’a indiqué que deux sujets pourraient être retenus aux fins de notre discussion: « Les relations entre la France et le Québec » ainsi que « la planification ». Je me permettrai de faire tout d’abord un bref tour d’horizon de la situation actuelle dans ces deux domaines.
Les relations France – Québec
Les relations franco-québécoises font de plus en plus l’objet de déclarations, de discours, de commentaires, de louanges et de critiques. C’est un signe évident de la place importante que ces relations ont prise dans notre vie collective. Que nous en soyons là après deux siècles de patience, comme dirait le politicologue Gérard Bergeron, voilà sûrement de quoi nous réjouir, car fondamentalement, le développement des relations franco-québécoises ne peut être qu’une bonne chose pour le Québec.
N’allons pas oublier qu’avant l’époque toute récente de la coopération structurée qui existe maintenant, il y avait relativement peu de contacts entre le Québec et la France. On se ressentait toujours des effets de la séparation brutale qui avait rompu presque toutes les relations entre la mère-patrie et ses anciens territoires américains.
Ce n’est pas à des hommes qui sont en contact quotidien avec le monde technique, industriel et économique
nord-américain qu’il faut démontrer les avantages que les relations franco-québécoises peuvent nous procurer
dans ces domaines. Plusieurs d’entre vous ont effectué des missions dans le cadre des ententes franco-québecoises et
sont, depuis ce temps, devenus les plus fervents propagandistes de cette cause. Il en est de même dans le cas de ceux
qui fréquentent le Centre de diffusion de la documentation scientifique et technique française au Québec.
Je voudrais cependant essayer de cerner d’un peu plus près ce qui, du point de vue de l’homme d’affaires, pourrait être appelé le degré de rentabilité des d’information. Il faut en somme, vu que nous sommes placés dans un monde de collectivités géantes, faire du judo et entrer résolument, par une politique systématique, dans le jeu de l’ouverture à l’extérieur. Il faut nous donner les bouches d’air dont nous avons besoin et nous oxygéner.
Il faut, d’autre part, multiplier les échanges, avec la France principalement, et aussi avec les autres pays de la francophonie car nous pouvons d’ailleurs apporter une contribution positive et originale.
Pour ce qui est des relations franco-québécoises proprement dites, il faut en arriver à ce que la France et le Québec vivent en véritable symbiose, le Québec considérant la France comme un point d’appui dans tous les domaines et la France apportant son aide à la réalisation du destin québécois, qui est celui d’un pari conjoint renouvelé après deux siècles de séparation sur une présence francophone rayonnante en Amérique du Nord.
J’en arrive maintenant à des considérations moins générales. Dans la réalisation concrète de la coopération franco-québecoise, le Québec adopte le comportement de l’homme d’affaires qui recherche la rentabilité. Nous discutons sur un pied d’égalité avec les français à tous les niveaux, nous finançons, à parts égales l’ensemble des opérations et nous sommes convaincus que nous retirons des avantages énormes de ces relations.
Prenons le cas de la fonction et de l’administration publiques. Presque tous les ministères québécois, désormais, trouvent normal de travailler avec les ministères ou organismes français correspondants. Dans plusieurs domaines, on échange des renseignements, on fait des études en commun ou on va jusqu’à réaliser ensemble sur notre territoire des opérations communes. Lorsque nous faisons ce que nous appelons des études conjointes, par exemple en matière de développement régional, de tourisme, de mise en valeur du Nouveau-Québec, d’hydrologie, de géologie, de mines, etc., la France fournit des experts à nos ministères et paie intégralement leurs services. Lorsqu’il s’agit d’opérations qui se font sur notre territoire, les ministères québécois concernés restent les maîtres-d’œuvre.
Dans de nombreux cas, des fonctionnaires québécois font des stages prolongés en France. La France leur verse alors des bourses, ce qui fait que cette sorte de perfectionnement ou de recyclage ne coûte rien au Québec.
Nous profitons par ailleurs, dans nos ministères de la présence de plus d’une centaine de coopérants français. Ils ne prennent
la place de personne, nous rendent d’excellents services puisque ce sont tous des gens très qualifiés. Souvent ils restent chez
nous après leur service national et s’intègrent à notre communauté.
Je ne fais que mentionner en passant les échanges en matière d’éducation, de culture et de jeunesse, car leurs avantages sont bien connus.
Je termine avec la coopération technique dans les domaines de l’industrie et de l’économique. Pour
une foule de raisons, que vous êtes les premiers à connaître d’instinct, le Gouvernement du Québec souhaite une participation de plus en plus grande de la France à la vie économique du Québec. Sans négliger la coopération qui s’impose
dans les autres domaines, le Gouvernement du Québec attache une importance croissante aux questions économiques dans
ses relations avec la France.
Grâce au programme de l’ASTEF qui a pris une expansion énorme, à tel point que le Québec arrive
maintenant en tête dans la liste des pays qui font des échanges avec l’ASTEF (Association pour l’organisation des stages en
France), la coopération technique franco-québécoise s’oriente de plus en plus vers le secteur industriel. Le ministère de l’Industrie et du Commerce conjugue ses efforts avec ceux du ministère des Affaires intergouvernementales
et de l’ASTEF pour susciter et soutenir des projets concrets de coopération industrielle: investissements français au
Québec et investissements québécois en France, cession de licences, accords de fabrication, etc..
Des résultats favorables ont déjà été obtenus en France comme au Québec dans les secteurs de l’électronique médicale, de l’industrie alimentaire, de l’industrie du cuir et de l’industrie du bois.
Un mot enfin au sujet d’un nouveau programme qui intéresse tout spécialement les ouvriers et
les syndicalistes. Pour la première fois, la France a accepté que des ouvriers et des syndicalistes étrangers effectuent des
missions en France. Il y a présentement deux missions québécoises en France, composées d’ouvriers, de syndicalistes,
de contremaîtres et d’ingénieurs. L’un des groupes est formé de personnes qui travaillent dans le secteur de la
fabrication de grosses pièces mécaniques (Marine Industries, Montreal Locomotive Works, Dominion Engineering, Dominion Bridge), l’autre comprend des personnes du secteur des appareils électro-ménagers (Canadian General Electric et
Bélanger), en tout dix-sept (17) personnes (sous la direction de monsieur Gaston Cholette).
Ainsi vous pouvez constater que nous ne voulons pas réserver les avantages des échanges franco-québécois aux élites traditionnelles mais à tous les éléments et agents dynamiques de la vie économique.
Si les résultats de ces deux premières missions pilotes sont satisfaisants, ce nouveau programme
qu’elles inaugurent connaîtra sûrement une grande expansion.
La Planification
Il y a plusieurs façons de concevoir la planification. Certains la conçoivent comme étant essentiellement
l’accroissement du rôle de l’État dans la vie économique et sociale et l’assimilent ainsi à un certain dirigisme. D’autres
croient que la planification doit nécessairement aboutir à un document considérable, analysant toutes les variables en cause
et proposant un ensemble de mesures de toute nature et dans tous les domaines. D’autres, confondant « planification et
« aménagement régional », s’intéressent davantage à la traduction géographique en équipements, en réalisations concrètes.
D’autres, enfin, mettent l’accent sur la coordination des activités gouvernementales qu’ils considèrent comme étant
l’essence même de la planification.
En réalité, la planification est tout cela en même temps, mais il est évident que, compte tenu des ressources limitées dont le gouvernement du Québec dispose, il faudra qu’il choisisse certaines orientations plutôt que d’autres. Ce qui est commun à toute stratégie de planification, c’est l’acquisition d’une certaine attitude mentale et l’utilisation de certaines techniques. Les démarches fondamentales, aussi, ne varient guère: la planification suppose, en effet, une prévision de ce qui surviendrait sans intervention spéciale, et aussi une prévision de ce qui serait désirable. En deuxième lieu, elle doit permettre un inventaire des moyens existants et des moyens qu’il est possible de créer; enfin, toute démarche de planification groupe un certain nombre de propositions mettant précisément les moyens de relation avec les objectifs. Ces moyens peuvent être l’adoption d’une nouvelle loi ou la modification d’une réglementation, l’octroi de crédits budgétaires, la création d’institutions nouvelles, la mise au point de programmes spécifiques, etc.
Ce qui varie, cependant, dans la stratégie de la planification, c’est l’insistance qu’on met soit sur les objectifs à atteindre, à long terme, à moyen terme ou à court terme, soit sur les différents moyens à employer. On peut aussi essayer de mobiliser tous les agents de la vie économique soit du secteur privé ou public ou, au contraire, essayer de concentrer son action sur l’agent privilégié qu’est l’État. On peut aussi, au stade de l’élaboration, confier la plus grande partie du travail à des technocrates ou, au contraire, amener les différents groupes socio-économiques à participer plus ou moins largement à l’élaboration du Plan. On peut proposer aussi un ensemble très hétérogène d’objectifs sans établir de hiérarchie entre eux ou, au contraire, mettre l’accent sur des objectifs vraiment prioritaires, comme par exemple, la croissance économique maximum, ou un meilleur équilibre interrégional, ou l’émancipation économique.
Je voudrais donner, en terminant, quelques considérations qui m’apparaissent importantes. Premièrement, la planification, c’est un processus continu. Je considère à cet égard que la question qu’on nous pose souvent: »Quand le Gouvernement aura-t-il un Plan? » n’a guère de sens. Il faut ici, d’ailleurs, distinguer deux conceptions de la planification: une conception statique par laquelle un groupe d’experts réfléchit en vase clos et sort périodiquement de sa retraite, disons tous les cinq ans, avec un document complet et très élaboré, difficile à cause de cela à déchiffrer et même à accepter. À cette conception, j’en oppose une autre qui est plus dynamique: elle consiste à prendre les institutions existantes, les politiques existantes et à essayer de les améliorer en introduisant de plus en plus de rationalité, en permettant d’identifier clairement les options possibles, en rajustant sans cesse les objectifs fixés. Cette deuxième formule permet d’impliquer, dès le départ, les agents d’exécution et de ne pas isoler ainsi les planificateurs.
En deuxième lieu, la planification doit être d’initiative gouvernementale, étant reliée de très près aux différentes activités de l’État. Il faudrait s’enlever de l’idée que la planification doit être confiée en toute exclusivité à un organisme spécialisé. C’est en réalité la responsabilité de tous. C’est un travail de collaboration, tant au stade de l’élaboration des plans et programmes qu’à celui de l’exécution.
Si un gouvernement juge à propos de créer un organisme spécialisé, comme c’est le cas au Québec, celui-ci ne constitue,
en somme, qu’une équipe technique chargée de faciliter le déroulement du processus, mais cet organisme ne peut
fonctionner en vase clos et ne peut fonctionner isolément des autres organismes gouvernementaux ni du centre de décision
que constitue le Conseil des ministres.
<Masse196905Il >
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU CONGRES RÉGIONAL DES JEUNES CHAMBRES DE QUÉBEC AU MOTEL CARILLON Québec, le Il mai 1969>
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs,
C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation des Jeunes Chambres de Québec, de prendre la parole à l’issue de leur congrès régional.
Lors de la dernière session, le gouvernement du Québec a créé l’Office de planification du Québec dont la fonction principale est: (je cite le texte de la loi) « de préparer, pour le compte du gouvernement, des plans, programmes et projets de développement économique et social et d’aménagement du territoire en vue de la meilleure utilisation des ressources économiques et humaines et en tenant compte des particularités des régions du Québec ».
À titre de ministre délégué à ce nouvel organisme de planification je me permettrai d’utiliser les quelques instants qui ont été mis à ma disposition pour passer en revue avec vous les raisons majeures qui ont amené le gouvernement du Québec à créer cet Office de planification.
Le développement économique qu’a connu le Québec depuis un siècle a été, pour une grande part, l’œuvre de centres de décision localisés hors du territoire québécois. Ce développement, qui a signifié pour le Québec la création d’un volume considérable d’emplois et de revenu, s’est réalisé en dehors des Québécois. Le Québec a atteint un des niveaux de vie parmi les plus élevés au monde en laissant faire les investisseurs de l’extérieur, et parfois même en s’opposant dans une certaine mesure aux valeurs véhiculées par ce développement économique: l’on sait que les canadiens-français ont eu tendance à ne pas valoriser suffisamment, au cours des siècles passés, le rôle de l’industriel et du commerçant.
Notre croissance économique suit le même rythme que celui de l’unité économique nord-américaine. L’interdépendance règne en matière économique, l’indépendance est monnaie rare: par exemple, une région comme celle du Saguenay-Lac Saint-Jean exporte 63% de sa production manufacturière hors du Canada.
L’économie du Québec est une économie ouverte; qu’il suffise de rappeler que 50% de sa production est exportée, que la majorité des grands investissements industriels sont d’origine étrangère et que les grandes métropoles américaines financent une part importante des emprunts que le Québec effectue à l’extérieur.
Cette participation à l’économie américaine, la plus prospère au monde, a favorisé un développement rapide du Québec mais elle a créé en même temps un lien de dépendance à l’égard d’une société dont nous ne partageons pas forcément toutes les valeurs.
Le développement économique venu de l’extérieur a bouleversé la société québécoise qui, de rurale et agricole, est devenue urbaine et industrialisée; à lui seul, le commerce de détail occupe un pourcentage plus grand nouveaux, qui assurent des services de qualité supérieure et qui exercent leur influence sur les territoires environnants.
Le phénomène majeur qui marque l’urbanisation du Québec est sa forte concentration en un seul point: la région montréalaise qui englobe environ 45% de la population totale du Québec. Cette concentration apporte de nombreux avantages mais crée également certains inconvénients. Par sa taille même, Montréal attire un nombre considérable d’activités économiques et d’industries nouvelles et dynamiques; sans Montréal, le Québec aurait une économie à croissance lente comme celles des provinces maritimes.
Par ailleurs, la force d’attraction de Montréal est si forte qu’elle tend à drainer à son profit les ressources humaines et physiques du reste du Québec. Ainsi, les autres villes majeures du Québec connaissent-elles présentement certains problèmes de croissance économique.
La ville de Québec ne réussit pas à créer suffisamment d’emplois pour les immigrants de la zone rurale qui l’entoure. Le
grand Chicoutimi, la quatrième agglomération du Québec, ne parvient pas à conserver son accroissement démographique
naturel.
Ce développement urbain et industriel n’a pas été sans susciter des bouleversements profonds dans notre société. Parce que ce développement est le fruit de centres de décision non concertés, il n’a pas été effectué de façon ordonnée. Il ne tient pas compte de certains objectifs globaux que doit se fixer la collectivité québécoise si elle veut garder et développer son caractère et ses particularités propres. Parce qu’anarchique, ce développement fut cause de disparités profondes que ce soit entre les groupes de travailleurs, entre les groupes ethniques ou entre les différentes régions du Québec. La richesse qui a accompagné le développement a été distribuée de façon inégale. Le revenu personnel per capita du Montréalais est plus que le double de celui du Gaspésien. ($1,444. contre $675. en 1961). Le pourcentage des travailleurs qui reçoivent en revenu moins de $3,000. par an est suffisamment élevé pour constituer une donnée inquiétante de notre économie.
Au cours de la période récente, les Québécois ont pris conscience de ces deux phénomènes majeurs: une économie dominée par des centres de décision extérieurs d’une part et d’autre part l’existence d’inégalités sociales et régionales importantes. Cette prise de conscience s’est traduite au niveau du gouvernement par un ensemble de politiques visant à réduire le plus rapidement possible les disparités existantes. La part des dépenses du gouvernement du Québec qui va à l’éducation, à la santé et à l’assistance sociale, absorbe à l’heure actuelle la grande part du budget et ne cesse d’augmenter.
Mais il y a une limite que l’État ne peut dépasser dans la réalisation de son objectif d’égalité entre les individus et entre les régions; cette limite est l’impossibilité d’aller au-delà d’un certain niveau de taxation supportable par les contribuables. Si nous désirons aller plus loin dans une politique de redistribution et de justice sociale, il faut nous-mêmes créer des richesses nouvelles, des biens et services nouveaux: il nous faut épargner et investir.
Il nous est maintenant impossible au Québec de multiplier les nouvelles mesures de sécurité sociale, d’accroître les salaires et les revenus, sans parallèlement créer des biens et services nouveaux et sans jouer un rôle moteur dans le développement économique.
Nous ne pouvons indéfiniment nous en remettre aux aléas des décisions des investisseurs étrangers pour réaliser nos
politiques de justice sociale.
De plus, le rythme de développement économique actuel semble insuffisant à assurer aux jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail un nombre satisfaisant d’emplois. Il ne faudrait pas que la hausse de scolarisation généralisée que nous avons accomplie à grands frais, aboutisse à un exode hors du Québec, semblable à celui qui a peuplé de québécois les villes textiles de la Nouvelle-Angleterre. Il est donc nécessaire de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande d’emploi. Cela sera possible si la priorité de tous devient le développement économique à la création d’emplois nouveaux. Un tel objectif ne peut être réalisé sans un rôle actif de l’État, Certains éléments d’une politique de développement économique sont déjà en place tels que, la Caisse de Dépôt, Soquem, Sidbec, S.G.F., le Centre de recherche scientifique. Mais ce ne sont là que des outils dont l’efficacité s’accroîtra à mesure que les années s’écouleront. Il faudrait qu’ils soient complétés par d’autres types d’action et par d’autres réalisations. La responsabilité de l’État dans ce domaine est d’ailleurs partagée avec les différents groupes de la société qui ont une influence majeure sur le développement économique. Si trop longtemps, nous nous en sommes remis à l’investisseur étranger, il ne faudrait pas maintenant s’en remettre uniquement à l’État.
Il est certain que l’État a cependant un rôle de premier plan à jouer puisqu’il est le plus grand centre de décision économique du Québec, avec son budget d’environ 3.5. milliards.
Il peut établir certaines règles du jeu; il peut créer les conditions d’une véritable croissance autonome, mais il ne peut cependant tout faire.
Ce dynamisme nouveau de l’État dans le développement économique ne devrait pas pour autant fermer la porte à un certain investissement étranger; il devrait plutôt se traduire par un nouvel apport d’investissements qui viendrait s’ajouter à la masse des investissements étrangers actuels et qui fournirait ainsi ces emplois supplémentaires nécessaires au maintien de l’équilibre entre l’offre et la demande de travail.
Ce rôle nouveau de moteur du développement économique, l’État ne pourra le jouer véritablement sans se donner une planification qui permettra de mieux harmoniser les multiples interventions du gouvernement dans les divers domaines de l’activité socio-économique, de prévoir certains problèmes et d’éviter certaines contradictions. En un mot, cette entreprise de planification donnera aux diverses interventions de l’État une meilleure cohérence et permettra de maximiser les effets de ces interventions.
La fonction première de l’Office de planification est de définir les objectifs majeurs que se propose de réaliser la
société québécoise au cours des années à venir et de préciser les moyens de tout ordre, institutionnels, légaux, financiers et humains, à mettre en œuvre pour atteindre ces fins.
Parmi les multiples objectifs économiques possibles, il en est trois que l’Office de Planification
retient entre autres. D’abord, un objectif de création d’emplois nouveaux afin qu’existe un meilleur équilibre entre
l’offre et la demande de main-d’œuvre. Il n’appartient pas à l’Office de Planification d’effectuer lui-même les investissements nécessaires à la création de ces emplois, mais il lui appartient de définir le nombre d’emplois à créer, les
régions et villes où ils doivent être créés, les secteurs d’activités où les potentiels de développement sont les plus
grands et les moyens à mettre en œuvre pour effectivement les créer, tels les aides techniques et financières de diverses natures, la création d’organismes nouveaux, etc.
Comme deuxième objectif, l’Office de planification veut harmoniser le développement des régions du Québec afin que disparaissent dans la mesure du possible les disparités qui existent actuellement. Une expérience pilote est en cours dans l’Est du Québec où un organisme spécial, l’Office de développement de l’Est du Québec, coordonne l’exécution du plan de développement élaboré entre 1963 et 1966 par le Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec. De plus, l’Office de planification vient de mettre en marche dans la région du Saguenay-Lac Saint-Jean, une mission de planification régionale qui élaborera, au cours des six prochains mois, en collaboration avec tous les ministères concernés, l’esquisse d’un plan régional de développement socio-économique.
Enfin, un troisième objectif est retenu, dont la réalisation est un préalable à la réalisation de tous les autres objectifs: la modernisation des structures gouvernementales du Québec.
La planification doit amener le secteur public et le secteur privé à collaborer au développement économique de façon à tirer le maximum de ressources limitées, tout en sauvegardant certains équilibres fondamentaux. Elle doit permettre une meilleure harmonisation des initiatives des différents agents économiques de la société. Il ne fait pas de doute que les corps publics et les entreprises industrielles et commerciales du Québec sont prêtes à collaborer avec le gouvernement. Mais encore faut-il que leur partenaire gouvernemental ait donné l’exemple de la rationalisation en planifiant ses propres activités. Cette volonté de cohérence est certes plus difficile à appliquer au niveau gouvernemental qu’à celui de l’entreprise privée puisqu’il y a une énorme diversité d’opérations au sein de l’appareil étatique. L’État est en réalité un assemblage d’administrations différentes et complexes qui poursuivent des activités souvent très éloignées les unes des autres. La tâche de l’Office de planification est d’apporter une meilleure cohérence entre les différents programmes ministériels.
Dans cette perspective, le premier travail de l’Office a tout d’abord été de déterminer son orientation pour l’année en cours et d’élaborer la programmation à court terme et à long terme qui découle de cette orientation générale. Parallèlement, l’Office a mis sur pied le comité inter-ministériel prévu par l’article cinq de la loi.
Ce comité regroupe au sein d’une même structure les différents organismes de coordination qui s’étaient créés spontanément
dans les ministères au cours des années.
Il existe en effet à l’heure actuelle une multitude de groupes de travail au sein desquels les fonctionnaires sont appelés à collaborer sur le plan administratif.
La commission inter-ministérielle permet de systématiser cette collaboration et d’accroître l’efficacité du travail
d’harmonisation des politiques gouvernementales.
Le premier rôle de l’Office consiste à recueillir l’information dans tous les ministères sur les
projets et les programmes prévus. Dans ce but se constitue à l’heure actuelle au sein de l’Office une équipe multidisciplinaire
qui sera en quelque sorte l’interlocuteur des ministères, et qui aura la responsabilité de rassembler le matériel
d’information et les données qui existent dans chacun des services gouvernementaux. En second lieu, l’Office a la
responsabilité de coordonner les études et les recherches qui sont faites par les ministères lors des lancements de
programmes gouvernementaux. Jusqu’ici, les politiques ont été élaborées dans les ministères puis soumises au conseil des ministres isolément les unes des autres. La tâche de l’Office est d’établir un lien entre ces différentes
politiques, de veiller à ce qu’elles se complètent les unes les autres et d’assurer un maximum de cohérence à l’ensemble.
La réalisation d’un objectif tel que la stimulation des investissements nouveaux, pour prendre un exemple, peut relever de la compétence conjointe de plusieurs ministères: le ministère de la Voirie, celui des Affaires municipales, celui de l’Industrie et du Commerce, celui des Terres et forêts, celui de l’Éducation et plusieurs autres peuvent être impliqués dans la mise en œuvre du programme.
C’est le rôle de l’Office de servir en quelque sorte de carrefour entre les diverses structures gouvernementales, de rassembler
les forces, de dresser un plan d’action et d’imaginer les moyens à mettre en œuvre. Cette façon de procéder amène inévitablement certaines transformations dans l’élaboration traditionnelle des budgets. L’on tendra à créer de plus en plus
des budgets-programmes plutôt que des budgets par ministère. Cela ne s’oppose d’ailleurs pas à ce que l’on retrouve à
l’intérieur de la comptabilité gouvernementale une redistribution ministérielle des sommes affectées à la réalisation
de tel ou tel objectif. Mais le programme en lui-même sera élaboré de façon globale et permettra de regrouper l’action
de plusieurs services gouvernementaux. C’est à partir de l’ensemble des travaux de l’Office et de ses recommandations que le Conseil des ministres déterminera les orientations gouvernementales et prendra les décisions concernant les
programmes ainsi élaborés.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voilà les propos que je désirais vous tenir à l’occasion de cette rencontre. J’ai voulu par ces réflexions mettre en évidence quelques-unes des responsabilités de l’Office de Planification du Québec.
Jouer un rôle moteur dans le développement économique, réduire les disparités régionales, assurer une plus grande justice sociale, tout cela fait partie des objectifs que le gouvernement québécois a entrepris de réaliser : tout cela nécessite une meilleure harmonisation des politiques gouvernementales. C’est dans cette perspective que l’Office de planification du Québec a déjà commencé à travailler.
<Masse19690519>
<NOTES DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA COMMISSION PERMANENTE DU CONSEIL EXÉCUTIF Québec, le 19 mai 1969>
Monsieur le président,
À ce stade-ci des travaux de la Commission permanente du Conseil exécutif, et en raison des événements que l’on connaît et des déclarations de certaines personnes, il m’apparaît capital de faire le point sur ce qui semble, et j’insiste sur le mot « semble », être la pierre d’achoppement de toute cette négociation avec les enseignants, c’est-à-dire la charge d’enseignement de nos maîtres. Vous me permettrez aussi de vous faire part de quelques réflexions et interrogations de façon à situer cette question dans son vrai contexte.
Les offres du gouvernement et des commissions scolaires: Il importe de répéter que non seulement les offres du gouvernement et des commissions scolaires ne freinent pas la réforme scolaire mais qu’elles sont de nature
à créer un climat favorable à la réalisation de nos objectifs en ce domaine. C’est pourquoi il faut dénoncer ouvertement
ceux qui utilisent à toutes les sauces, pour galvaniser et rallier leurs troupes, des slogans du type « mort de la
réforme » ou « faillite du système ». Ne nous leurrons pas, la grande difficulté à propos de la charge de travail des
enseignants se résume à une question d’heures de travail et à rien d’autre.
Que comporte donc l’offre faite aux enseignants?
a) Elle détermine d’abord le nombre de professeurs que chaque commission scolaire devra embaucher, compte tenu du nombre d’inscriptions d’élèves; ce sont les rapports maître/élèves qui définissent ce nombre d’enseignants: 1/40 à la maternelle, 1/27 à l’élémentaire, 1/17 au secondaire, 1/8 et 1/5 dans le secteur de l’enfance inadaptée.
Le rapport Parent avait lui-même avancé certains de ces rapports; l’offre du gouvernement et des commissions scolaires a même substantiellement amélioré celui de l’élémentaire en le portant de 1/29 à 1/27.
Cette détermination indirecte de la tâche des enseignants constitue en même temps un contrôle administratif essentiel à la bonne gestion des fonds publics.
b) En second lieu, l’offre rend possible la combinaison de certains de ces rapports pour permettre à des commissions scolaires et associations d’enseignants d’effectuer, par exemple, un transfert du secondaire à l’élémentaire (comme on le fait dans le secteur protestant), afin de réaliser des objectifs particuliers.
c) troisièmement, l’offre stipule qu’au niveau de chaque commission scolaire, il sera loisible aux enseignants et aux administrateurs qui le désirent de décider conjointement, par la voie des négociations à ce niveau, d’établir des règles plus précises de répartition des enseignants entre les différentes écoles, ou de fixer des minimums ou des maximums de périodes d’enseignement, des nombres d’élèves par classe, etc. . .
Cette opération locale permettra aux intéressés de tenir compte de situations ou habitudes particulières et d’effectuer certaines expériences pédagogiques.
d) quatrièmement, l’offre prend pour acquis que la présence des maîtres à l’école va de soi et qu’elle ne peut faire l’objet d’un troc à l’occasion des négociations (quant il y a des conditions matérielles qui permettent cette présence bien entendu).
e) En cinquième lieu, un mécanisme de rattrapage progressif a été prévu pour les commissions scolaires dont les rapports maître/élèves sont inférieurs à ceux proposés, que ce soit en vertu d’une plus grande richesse ou d’une convention collective locale ou sentence arbitrale en tenant lieu. Nous sommes disposés à réaménager et à reformuler ce processus de récupération.
f) Enfin, devant un consensus certain des membres de cette commission et afin d’éviter qu’un enseignant puisse être l’objet d’un abus de la part de la commission scolaire ou de ses confrères, le gouvernement et les commissions scolaires ont accepté d’introduire une règles dite « d’abus » (au secondaire, un maximum de 22 heures d’enseignement hebdomadaire avec une certitude additionnelle d’une heure libre par jour).
Voilà ce que nous offrons aux corporations et syndicats d’enseignants.La difficulté, quelle est-elle et d’où vient-elle?
Tout d’abord, nous sommes en face d’un refus ou rejet de la négociation locale pour préciser la tâche de chaque instituteur de même que les règles de répartition de cette tâche dans les écoles. Cependant, d’un même souffle, les corporations et syndicats d’enseignants exigent que soient maintenus les privilèges acquis dans le passé à ce même niveau et qui rendent souvent impossible la réalisation des rapports maître/élèves proposés.
De plus, il est demandé que soit défini au niveau provincial un maximum de 24 périodes de 40 minutes (18 heures par semaine) pour ceux dont les maximums sont actuellement supérieurs à ce nombre. Ces charges maximales légères proviennent d’une part de conventions collectives locales particulières et surtout de sentences arbitrales qui ont réduit, substantiellement, et souvent sans tenir compte des ressources du Québec en argent et en hommes les
charges de travail des enseignants.
D’une façon générale, ces sentences et conventions locales avaient pour but principal, non pas de créer des conditions propices à la réforme, mais plutôt de réduire les heures de travail des enseignants.
Il est clair et net que bon nombre de ces maximums que l’on retrouve dans ces conventions collectives ou sentences arbitrales rendent illusoire la réalisation des rapports maître/élèves offerts, et situent à un niveau prohibitif et injustifié l’ampleur et le coût de l’effectif enseignant au Québec.
Réforme scolaire et offres du gouvernement et des commissions scolaires Dès que la négociation devient difficile, j’entends certaines personnes proclamer que la réforme scolaire est en cause; je ne peux cependant oublier que les leaders syndicaux nous ont maintes fois rappelé qu’ils avaient pour seule mission de négocier des conditions de travail pour les membres de leurs associations.
Les éléments principaux de cette réforme scolaire, je les connais par les politiques et règlements du ministère de l’Éducation qui ont fait suite au rapport Parent et qui servent de base à la mise sur pied d’un système d’éducation adapté aux réalités de l’ère industrielle et technologique. Pour le ministère de l’Éducation, il ne fait aucun doute que le projet d’entente que vous avez entre les mains est approprié à la réalisation de ce système.
Et je me demande qu’est-ce qui, dans ce projet, empêche, à l’élémentaire ou au secondaire, selon le cas:
– le groupement des élèves selon l’âge et d’autres critères établis par le personnel de l’école;
– le progrès continu;
– la promotion par matière;
– les programmes individuels;
– le décloisonnement;
– le travail en équipe?
La consultation des maîtres n’est-elle pas assurée par le règlement numéro 1 du ministère de l’Éducation?
Comment peut-on décemment à la fois parler de mort ou de faillite de la réforme scolaire et en même temps accepter avec réticence sinon refuser la présence des maîtres à l’école, de même que le nombre des rencontres entre le personnel de l’école?
Comparaisons avec l’extérieur
Voyons maintenant, à l’aide de comparaisons avec l’Ontario et les États-Unis, deux sociétés qui, dans leur ensemble, possèdent une expérience certaine du monde industriel et technique, si les offres faites à nos enseignants sont appropriées à notre société et à ses moyens.
Le seul fait que notre situation puisse soutenir une comparaison avec les ensembles ontarien et américain devrait suffire à provoquer notre réflexion.
Quelle que soit la méthode utilisée, rapport maître/élèves, charge individuelle, jugements d’enseignants, la conclusion est toujours la même: les Québécois traitent bien leurs enseignants.
1. Rapport maître/élèves
Le Québec, par rapport à l’Ontario et à l’ensemble des États-Unis, vient au dernier rang en terme de revenu personnel per capita, un indice de richesse incontestablement très significatif:
1) revenu personnel Québec Ontario États-Unis per capita (1967) $2,069. $2,624. $3,137. (en dollars américains)
Cependant, ce même Québec, consent avec le projet d’entente, à offrir plus de maîtres à ses enfants que l’Ontario et les États-Unis.
A moins de soutenir que l’enseignement est de piètre qualité en Ontario et aux États-Unis, il faut se rendre à l’évidence. Nous sommes conscients que le rapport maître/élèves actuel est inférieur à celui qui est proposé. Cependant, nous sommes aussi conscients du fait qu’une minorité de commissions scolaires desservant une faible partie de la clientèle scolaire explique en grande partie ce surplus de personnel et que ces commissions scolaires sont en général, soit plutôt riches, soit enfermées dans des charges maximales trop basses.
Je profite de l’occasion pour rappeler qu’aucun instituteur ne sera mis à pied, en raison de l’application
des rapports M/E et que l’attitude du gouvernement et des commissions scolaires signifie tout simplement qu’ils
ne peuvent plus maintenir le même rythme d’accroissement de leurs dépenses au titre de l’effectif enseignant.
2. Charge individuelle.
Une seconde méthode de comparaison consiste à mesurer la tâche d’enseignement des individus.
En Ontario, par exemple, la majorité des enseignants du secondaire qui enseignent selon un horaire qui ressemble au
nôtre (35 périodes de 47 minutes) ont une charge d’enseignement qui se situe entre 26 et 30 périodes d’enseignement par
semaine.
Quant à l’instituteur du secondaire à Chicago, par exemple, en plus bien entendu d’être présent
à l’école (33.8 heures par semaine) et d’effectuer du travail de surveillance, il enseigne normalement 30 périodes de 40
minutes par semaine, c’est-à-dire l’équivalent de 26.6 périodes de 45 minutes.
3. Témoignages.
Relatant leur expérience d’enseignement au Québec, voici ce que rapportent des instituteurs d’autres provinces:
< « We are amazed at that light load… » Dale and Bob Anderson, Bulletin, Canadian Éducational Éducation,
janvier 1968, pp. Il et 12 . – « Instead of teaching a nearly full timetable, as I did in
Peterborough, I find myself witIl twenty-one periods and fourteen to plan and mark work ».
Douglas H. Devolin, même référence. – « My firm reply is that teachers work mucIl harder in B. C. »
Florence Wilton, même référence.>
Quant aux professeurs québécois qui ont enseigné dans d’autres provinces, à la suite des échanges d’instituteurs francophones et anglophones, ils trouvent d’une façon générale qu’ils ont beaucoup plus de travail dans les provinces anglaises; les anglophones par contre, constatent qu’ils ont moins d’heures d’enseignement ici. Tout commentaire additionnel devient superflu!
D’autres postes de cette convention collective placent aussi nos enseignants à l’avant-garde de leurs confrères canadiens.
– Au chapitre de la consultation, où trouve-t-on ailleurs qu’ici, des mécanismes de consultation obligatoire et au niveau de l’école et au niveau de la commission scolaire?
Au titre du perfectionnement, où trouve-t-on un système de congé pour études à temps plein aussi généralisé et libéral?
– Quant aux traitements, même s’ils sont déjà acceptés par les enseignants, on ne peut s’empêcher de les trouver intéressants et de constater qu’ils sont l’objet d’envie.
Qualité et productivité de l’enseignement:
Nous croyons sincèrement que les offres du gouvernement et des commissions scolaires sont de nature à donner aux enfants québécois une éducation de qualité et plus que conforme à nos moyens. Si cette qualité est fonction du nombre de maîtres, nous avons cette qualité; cependant nous ne croyons pas que celle-ci sera accrue par la seule addition d’un nombre de maîtres ou par une réduction de la charge de travail.
La qualité de l’éducation, c’est une notion très relative; mais elle est d’abord fonction de la qualité des maîtres et de leur sens du devoir, et non pas de l’accumulation pure et simple de personnes trop souvent insuffisamment qualifiées; elle est aussi fonction d’une atmosphère calme et non pas agitée. Voudrait-on plaider que l’addition d’un élève par professeur ou l’addition d’une heure d’enseignement ici et là aurait pour effet de diminuer cette qualité? Le ministre de l’Éducation de l’Ontario,
l’hiver dernier, croyait-il diminuer la qualité de l’éducation lorsqu’il a demandé l’addition d’un élève par classe?
II est à peu près temps que tous ensemble, nous nous interrogions sur la productivité de notre système d’enseignement et sur le partage des bénéfices surtout à l’aube de l’introduction des méthodes audio-visuelles; les salaires et les investissements en homme et en matériel consentis par les contribuables québécois suffisent, à mon avis, à justifier une étude de cette question afin que, par exemple, le double emploi en homme ou en temps supplémentaire ne s’étende pas dans ce secteur.
Efforts du contribuable:
Qu’en coûtera-t-il aux contribuables québécois en raison de cette convention? Sur la base des effectifs de septembre dernier, il a été estimé que le gouvernement aurait à débourser au cours de la période couverte par la convention environ $215 millions en trois ans: plus de $160 millions en salaires, dont 41 si la rétroactivité était accordée (pour l’année scolaire 68-69); près de $36 millions en raison de la diminution du rapport M/E à l’élémentaire et de l’exclusion des adjoints aux deux
niveaux, et près de $20 millions en raison du transfert éventuel au budget gouvernemental de certaines dépenses
inadmissibles assumées directement en taxes additionnelles par les contribuables des commissions scolaires locales
(suppléance, bénéfices marginaux).
Tout ceci doit s’ajouter aux sommes astronomiques déjà consacrées cette année aux enseignants ($400 millions en salaires seulement) et aux autres postes de l’éducation en général ($1 milliard) en 1969-70 afin de hausser encore la scolarité de la population du Québec.
Nous traitons nos enseignants mieux que nos voisins et nous n’en sommes pas fâchés; cependant, il ne faudrait pas exagérer et exaspérer la population. Nous estimons que les enseignants ont reçu leur juste part et que toute autre addition s’effectuerait au détriment d’autres citoyens ou d’autres priorités.
Le président de la C. E. Q. parviendrait-il à démontrer que des sommes inscrites au budget de l’État pourraient être affectées à meilleur escient qu’il n’en découlerait pas que ces sommes devraient être canalisées vers les salaires ou les conditions de travail des enseignants.
Ceux-ci sont rémunérés de façon déjà très convenable et leur charge de travail n’a vraiment rien d’exagéré, nous l’avons
vu. Si des sommes pouvaient être économisées à certains postes du budget, l’État non seulement serait justifié de le
faire, mais il devrait les affecter en priorité à des activités créatrices d’emplois plutôt qu’à l’octroi de nouveaux avantages
à des groupes déjà très adéquatement dotés.
Il ne faudrait pas, pour des motifs égoïstes de classe ou qui débordent le cadre des relations de travail, détruire cet effort fantastique consenti par une population de travailleurs qui, elle, n’a pas bénéficié des avantages de la scolarisation devenue accessible à tous ses enfants.
Parlons net. Négocier avec le gouvernement, c’est « un geste politique », a-t-on dit la semaine dernière à l’occasion d’une manifestation des enseignants. Admettons-le, mais il faut admettre en même temps, si la notion de politique a un sens, qu’en l’occurrence, c’est avec la collectivité toute entière qu’on négocie – avec les travailleurs de toutes catégories, avec les agriculteurs, avec les pêcheurs, avec les syndiqués, les non-syndiqués, avec tous les contribuables. – Selon cette logique,
on devrait admettre que la négociation trouve ses limites, son cadre, dans une perception commune du bien public,
non pas dans une perception toute entière axée sur les intérêts d’un groupe particulier. Dans le cas qui nous occupe, le groupe particulier reçoit, de la part de la collectivité, un traitement plus que convenable. On peut, sur d’autres
plans, contester l’action de l’État: qu’on le fasse selon les mécanismes démocratiques appropriés, le présent gouvernement
ne s’y objectera pas. Mais le présent gouvernement n’entend pas faillir à son devoir d’interprète de l’intérêt
public. Je serais, pour ma part, très heureux qu’on ait compris que négocier avec le gouvernement est « un geste
politique », si l’on a compris en même temps que ce geste est posé par l’une et l’autre parties dans sa véritable perspective,
celle qui correspond aux exigences du bien commun de l’ensemble de la collectivité du Québec. Le terrain d’entente
est là – il ne saurait y en avoir d’autre. – Le Gouvernement, pour sa part, ne renoncera pas à se situer sur ce terrain.
Et il sait que les administrateurs des commissions scolaires sont, sur ce point, solidaires avec lui.
<Masse19690523>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À CFCM-TV ENTENTE CANADA-QUÉBEC SUR LE
PARC DE GASPÉ Québec, Le 23 mai 1969>
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
A titre de ministre responsable de l’Office de Développement de l’Est du Québec, j’ai tenu à annoncer directement à la population de cette région que la négociation spéciale en vue de créer dans la presqu’île de Forillon, en Gaspésie, un important parc touristique est maintenant terminée à la satisfaction de toutes les parties intéressées.
La population de l’Est du Québec, qui a pu vivre quelques semaines d’incertitude à ce sujet, peut maintenant compter que ce parc qui constitue une pièce importante de l’ensemble des aménagements touristiques de la région-pilote, sera mis en chantier dans un temps relativement court.
La construction d’un parc dans la presqu’île de Forillon constituait une recommandation du plan de développement préparé par le Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec.
Dans l’entente de Coopération Canada-Québec, qui libérait les fonds nécessaires à la réalisation dm plan de développement, un article prévoyait une négociation spéciale entre les deux gouvernements pour régler les conditions d’aménagement du parc mentionné.
L’article 55 de l’entente de Coopération stipulait en effet, et je cite: « .., Le Canada entreprendra l’aménagement d’un parc dans la presqu’île de Forillon. Le Québec se chargera de l’achat du terrain puis le cédera à bail libre de charge au Canada pour une période et à des conditions acceptables par les deux parties ».
J’insiste sur cette dernière phrase (« … pour une période et à des conditions acceptables par les deux parties ») parce qu’il s’agissait là, précisément, du sujet des négociations qui viennent de se terminer. Ces négociations devaient se faire: l’entente de Coopération Canada-Québec y obligeait les deux gouvernements, comme ils étaient obligés de rechercher de part et d’autre les meilleures conditions.
Je passe sous silence certaines interprétations qui ont pu être données aux gestes posés par les gouvernements durant cette période. En plus, souvent, de prendre l’allure de procès d’intentions, ces interprétations ont eu comme origine, semble-t-il, un certain sentiment de panique de la part de gens qui se sont persuadés que le parc échappait à la région.
Maintenant que la tempête est passée, je puis dire que les personnes directement impliquées dans
la négociation, en plus de rechercher ces meilleures conditions de réalisation stipulées par l’entente de Coopération
Canada-Québec, n’ont jamais perdu de vue l’objectif de créer le parc. En d’autres mots, les négociateurs ont constamment eu à l’esprit les aspirations et les droits à une vie meilleure de la population régionale.
Parmi les conditions de l’entente survenue tout récemment en vue de la création du parc, j’aimerais insister sur celle qui, à titre de ministre québécois, me réjouit particulièrement: l’aménagement et l’administration du parc reflètent particulièrement le caractère français du Québec.
Une autre condition, ayant d’ailleurs déjà fait les frais d’une certaine publicité, a trait à la durée du bail: ce bail a une durée de 99 ans. Cependant, dans 60 ans, le Québec pourra mettre fin à l’entente et, moyennant remboursement accompli selon certaines modalités, reprendre possession complète de ce site.
Plus personne n’ignore l’importance, pour la région de l’est du Québec, du développement touristique pour atteindre les objectifs du développement régional global. Plus personne ne devrait maintenant ignorer l’importance dans le développement touristique qu’aura le parc de la presqu’île de Forillon.
Étape suivante du touriste venant de la station touristique de Mont Saint-Pierre, le parc de Forillon devrait retenir durant plusieurs jours les visiteurs avant qu’ils ne décident de se rendre à la station suivante de Percé. Tous ces arrêts contribueront à la prolongation des séjours, donc à une augmentation des revenus en provenancede la clientèle touristique.
Le développement touristique est donc d’une importance primordiale dans tout le développement régional, et le parc sur lequel on vient de s’entendre, pour sa part, tient une large place dans la stratégie du développement touristique.
En résumé donc, on aura bientôt le parc de la presqu’île de Forillon. On obtient du même coup de forts investissements dont on est sûr que la région profitera pleinement.
Si, pour arriver à ces résultats, on a dû passer par de laborieuses négociations, on n’en a que mieux prouvé que tout le monde tient à s’entendre pour que la région-pilote se développe.
<Masse19690601>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU Xle CONGRÈS ANNUEL DE LA CHAMBRE DE COMMERCE RÉGIONALE DES LAURENTIDES Saint-Donat, Le 1er juin 1969>
Mes chers amis,
Je crois qu’il est remarquable que les Chambres de Commerce des Laurentides se posent cette question: le tourisme dans les Laurentides, réalité ou fiction?
Le tourisme a contribué en majeure partie à la réputation des Laurentides. À son tour, cette région a fait connaître le Québec aux nord-américains de façon plus importante, à mon avis, que toute autre partie du Québec.
Le tourisme au Québec, plus particulièrement celui de cette région, fait face à l’heure actuelle à des conditions nouvelles. Les ressources humaines, culturelles et naturelles du Québec ont toujours attiré un nombre grandissant de visiteurs étrangers. Ce qui est particulier, c’est que dans le passé ce flux s’est imposé de lui-même sans que des organismes publics interviennent de façon décisive et systématique.
Or l’évolution du tourisme pose des problèmes nouveaux; elle nécessite une réévaluation de cette activité, une orientation cohérente et harmonieuse de son développement, une politique de promotion d’accueil et de propagande. En résumé: un tourisme moderne au service des Laurentiens, voire, du Québec tout entier. Ce n’est que depuis peu que le Québec tente de se donner les instruments de travail nécessaires à une semblable planification. Peut-être avons-nous enfin compris l’importance du tourisme, importance sur le plan social, culturel, historique, mais aussi sur le plan économique.
Les seuls échanges internationaux donnent une image assez impressionnante de son importance
économique. En 1967, les visiteurs du monde entier dépensaient à l’étranger 15 milliards de dollars. Le nombre de ces
visiteurs équivalait à 40 fois la population du Québec. Et depuis dix ans, le taux de croissance varie entre 10 et 15%
par année. De plus, le tourisme national, c’est-à-dire, les citoyens visitant leur propre pays engendrait quelque 60
milliards. Les Américains, à eux seuls, dépensent 36 milliards à l’intérieur des frontières de leur pays.
Ceci est l’expression en termes économiques d’un fait social majeur, de ce que André Siegfried décrit comme: « le fils de la démocratie et de la vitesse ».
Au moment où Stendhal inventait le terme « touriste », les déplacements se caractérisaient par un caractère d’oisiveté
et de luxe, de curiosité et d’aventure.
Aujourd’hui il s’agit d’un fait social: le tourisme est une source de détente, de dépaysement ou de libre épanouissement de l’individu au sein de la société.
C’est à partir de l’époque de la révolution industrielle que les masses ont pu bénéficier de moyens
matériels suffisants pour consacrer une partie de leurs loisirs à des activités touristiques. C’est ainsi que le XXe siècle a
vu les plus grands déplacements pacifiques de l’histoire du genre humain.
L’histoire du Québec reflète cette évolution. Dès 1760, les habitants des colonies britanniques,
aujourd’hui les États-Unis, ont commencé à pratiquer la pêche le long du Saint-Laurent. Et en 1969, leurs descendants
pratiquent au Québec de,s sports touristiques, exercent diverses activités de plein air, y dépensent temps et argent.
C’est ainsi que la société québécoise participe doublement au phénomène touristique. D’une part, le tourisme constitue la forme de loisir la plus importante pour les québécois eux-mêmes, importante par le nombre de ceux qui y participent, par sa durée, par la séduction qu’elle exerce.
D’autre part, la partie du revenu personnel consacrée, au Québec, autant par les québécois que par les étrangers marque de façon déterminante la vie économique de notre société. En 1968, on estime que les revenus du tourisme international se chiffraient au Québec à 500 millions de dollars. C’est là un témoignage éloquent de l’importance commerciale et économique du tourisme.
Les Laurentides occupent à cet égard une place de choix parmi les régions touristiques du Québec.
Déjà au début des « années vingt », les Laurentides montréalaises s’animaient pendant l’été. Dès 1925, des « trains de neige »
quittaient la métropole; les fins de semaines les plus achalandées exigeaient jusqu’à quinze trains de douze voitures chacun
pour transporter souvent plus de trente mille skieurs vers Saint-Sauveur, Shawbridge, Piedmont, Val-Morin, petits
villages qui s’animaient soudainement les samedis et dimanches.
Depuis une quinzaine d’années, l’activité touristique des Laurentides s’est intensifiée au point que la région se range aujourd’hui en tête des régions touristiques québécoises, tant au point de vue de la variété des attractions que de la quantité d’équipement d’hébergement et du nombre de touristes qui les fréquente.
Qu’il suffise pour mettre ce fait en évidence, de donner quelques chiffres. Sur un territoire qui
ne couvre qu’une infime fraction du Québec habité, les Laurentides possèdent le tiers de la capacité d’hébergement
du Québec. Alors que le Québec, dans son ensemble, dispose d’un équipement capable d’héberger, un dixième de sa
population, la seule région des Laurentides peut loger 1,2 fois sa population fixe. Elle détient 58% de la capacité des
camps de jeunesse du Québec, 40% de celle des résidences secondaires, 20% de celle des établissements hôteliers
situés hors de Montréal et de Québec; pourtant sa population fixe n’est que 3% de celle du Québec.
Si, comme l’indique une étude récente, l’hôtellerie crée 386 emplois par 1,000 « nuitées » et le camping
86 emplois pour le même nombre de « nuitée », si d’autre part on calcule les emplois créés dans les commerces ou
les services sous influence touristique, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l’artisanat, de la construction, il n’est
pas exagéré de dire que le tourisme constitue la meilleure source d’emplois de la région.
Les Laurentides possèdent les trois éléments qu’une région doit avoir pour offrir des possibilités de développement touristique:
– d’abord, les ressources touristiques naturelles, un territoire offrant la montagne, l’eau et des activités
saisonnières variant du ski à la pêche;
– puis, un équipement dont la gamme s’échelonne de l’hôtel de luxe à la modeste pension, de l’établissement
gastronomique au restaurant le plus simple.
Et enfin, une clientèle dont l’importance a augmenté d’années en années. Il importe maintenant non plus de l’attirer, mais de la retenir et la développer.
L’intensité de la demande qui est à l’heure actuelle par ordre de grandeur, montréalaise, américaine et ontarienne, pourrait s’accentuer grâce à l’augmentation de la population de l’agglomération montréalaise, à la hausse des revenus personnels, à la diminution de la semaine de travail, à la popularité croissante du ski, du camping et du tourisme de plein air, ainsi qu’à l’amélioration des communications.
Pour illustrer le rôle du tourisme dans la vie économique des Laurentides, on peut prendre comme exemple le cœur de la région, c’est-à-dire le territoire, qui se situe dans un rayon d’une quinzaine de milles de Val-Morin. Cet espace, à peine grand comme l’île d’Orléans, dispose de plus de 3,100 chambres d’hôtel et de plus de 7,000 résidences secondaires pour une population fixe d’environ 15,000 personnes. Il s’y trouve 30 centres de ski munis de 75 remontées mécaniques. Le tourisme en est la principale fonction économique puisqu’il occupe la majorité de la population active de façon permanente ou intermittente et qu’il constitue pour les entreprises du secteur tertiaire, la principale source de revenus.
Quant aux entreprises secondaires et primaires, y compris l’agriculture, elles n’occupent, dans l’ensemble, qu’une
faible proportion de la population active.
Mais la marque du tourisme est encore plus évidente lorsqu’on considère l’utilisation spatiale de la
région. Les équipements touristiques établis sur tout son territoire ont ouvert des zones qui seraient restées inaccessibles
s’il n’y avait pas eu de mise en valeur touristique.
La prédominance des résidences secondaires, des hôtels, motels, restaurants et pavillons de ski dans le paysage, témoigne également de la fonction de la région. La presque totalité de ces constructions se trouvent non pas groupées dans les villages mais alignées au bord même des cours d’eau et surtout des lacs. C’est là, sur les rives de centaines de lacs des Laurentides, que l’on trouve les quelques 125,000 résidences secondaires de la région.
Or par sa forme, son site, ses matériaux, son orientation et son entourage immédiat, la résidence secondaire porte la marque de sa fonction et du genre de vie de ses occupants et constitue l’élément fondamental de la géographie humaine des régions touristiques.
Le problème du tourisme dans les Laurentides ne se pose pas tellement en termes de « réalité ou fiction », mais plutôt en termes de « perspectives et expansion ».
Partout au Québec, les différentes régions manifestent un désir de s’ouvrir au tourisme.
Devant un marché croissant, la concurrence se fait de plus en plus vive à tous les niveaux: international, national
et régional. On devra donc sélectionner et chercher à développer pour chaque région le type de clientèle touristique
qui soit le mieux adaptée à ses équipements et à ses ressources.
Sur ce plan, la région des Laurentides est très bien placée: la diversité de ses ressources et la variété de ses équipements en font un pôle touristique de premier ordre aussi bien l’hiver que l’été.
C’est une région où il y a une large place pour l’entreprise privée comme pour l’État qui se doit d’aménager des zones récréatives de plein air où les touristes du Québec ou d’ailleurs pourront pratiquer durant toute l’année des activités complémentaires de celles offertes par l’entreprise privée; qu’il s’agisse de pêche, de pique-niques, de promenades dans des sentiers, de randonnées en moto-neige, de camping, etc . . .
Du point de vue des ressources humaines, le tourisme souffre d’une grave carence de main-d’œuvre qualifiée. Depuis un siècle, on a considéré le tourisme comme un fait acquis, une ressource naturelle, une panacée à toutes les difficultés. La réalité moderne impose de nouvelles conceptions. Le tourisme est devenu une activité majeure de la vie nationale et cette activité requiert une politique rigoureuse.
Aujourd’hui, la mise en valeur touristique d’une région doit faire appel à des économistes, des programmateurs, des planificateurs et des spécialistes en tourisme.
Or il n’y avait pas encore jusqu’à récemment de possibilité de formation pour les jeunes même s’ils avaient voulu s’y astreindre. L’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie récemment institué comblera un vide au niveau collégial et secondaire. Il s’agit là d’une initiative heureuse du ministère du Tourisme qui portera des fruits au niveau de la valorisation de l’entreprise
touristique privée.
Plus récemment, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche, a élaboré un programme de recherche et d’enseignement supérieur.
Des pourparlers sont en cours entre ce ministère et l’Université du Québec qui administrerait ce Centre d’Études du
Tourisme.
Nous croyons que ce Centre pourrait constituer un instrument indispensable pour une organisation
moderne du tourisme au Québec. Le ministère espère en faire le foyer principal de la recherche en matière touristique
et de la formation de spécialistes. Le travail serait multidisciplinaire et porterait sur toutes les régions du Québec.
Le Québec s’est également doté d’un « Office de planification et de Développement » qui, en plus d’agir comme agent de liaison entre les ministères dans la mise en œuvre de plans de développement économique et social, pourra assumer la direction et l’exécution de certains projets. Par la création de cet organisme, le Québec s’est donné un instrument de travail qui aura une action déterminante dans le secteur du tourisme.
Le travail de collaboration entre l’Office de planification et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche se poursuit en vue de réaliser l’objectif suivant: maximiser l’apport touristique dans le cadre d’une saine distribution de l’espace national en fonction des ressources et de la clientèle.
L’un des dangers auxquels il est nécessaire de veiller est celui de « l’influence sociale ». Le va-et-vient continuel d’une clientèle étrangère et hétérogène dans une région touristique comme celle des Laurentides peut écraser la population fixe sous une masse d’étrangers. Il faut éviter à tout prix que la région des Laurentides ne perde son cachet particulier de région touristique à caractère français car ceci serait à brève échéance, au désavantage de l’industrie elle-même.
L’accueil touristique doit maintenant faire face à un tourisme de masse. Ce n’est plus l’hospitalité traditionnelle envers quelques visiteurs temporaires. Comme un journaliste de tourisme du Québec l’écrivait: « L’accueil, c’est donner aux touristes l’envie de revenir ».
Il s’agit vraiment d’un accueil professionnel qui complète l’hospitalité et qui ne doit pas altérer ou atténuer notre personnalité de peuple canadien-français.
Il appartient, entre autre, aux Chambres de Commerce de comprendre l’importance commerciale et culturelle de ce problème et de le bien faire comprendre dans le milieu dans lequel elles œuvrent.
En tout dernier lieu, je me permets d’insister sur un facteur humain qui a parfois nui au tourisme dans les Laurentides: le manque de coordination et de cohésion entre organismes intéressés.
Le tourisme laurentien est vital pour le Québec. La concertation des pouvoirs publics avec les corps intermédiaires est la condition essentielle de l’expansion touristique.
Je félicite les Chambres de Commerce des Laurentides de s’en occuper; elles peuvent jouer un rôle de coordination important dans ce « pays de tourisme » que sont les Laurentides.
<Masse19690606>
<NOTES DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À L’ASSEMBLEÉE NATIONALE 2e lecture du projet de loi 28, modifiant la loi de l’Office de planification du Québec Québec, le 6 juin 1969>
Monsieur le président,
Le projet de loi qui est maintenant soumis à l’examen et à l’approbation de l’Assemblée nationale
vise essentiellement à réunir dans une seule et même loi les dispositions de la loi actuelle de l’Office de
planification du Québec ainsi que celles du Bill 53 déjà déposé l’an dernier pour créer un Office de développement
et d’aménagement, mais qui n’a pas encore été adopté.
De ce fait, l’Office assumera non seulement des tâches d’étude et d’élaboration de projets
de planification et de développement économique, mais il coordonnera aussi l’activité des ministères et organismes
gouvernementaux engagés dans leurs propres programmes de planification et d’action, en même temps qu’il présidera
lui-même à l’exécution de tout plan, programme ou projet de développement économique et d’aménagement du territoire
dont la réalisation lui sera confiée par le gouvernement.
Il nous semble, en effet, qu’il n’existe qu’un moyen de sortir la planification du domaine des théories
plus ou moins fumeuses et des abstractions plus ou moins désincarnées, c’est de la mettre en prise directe sur l’objet
même de la démarche intellectuelle qu’elle constitue, c’est-à-dire l’orientation du développement. Il est essentiel de ne
pas créer de divorce entre, la planification théorique et ses applications pratiques; voilà pourquoi l’Office aura non seulement à entreprendre des études, mais également à assurer l’application des plans qu’il aura élaborés et dont
il assumera la réalisation. De la sorte, s’établira à l’intérieur même de l’Office, un dialogue constant entre la théorie
et la pratique, entre la pensée et la réalité, entre les experts et les hommes d’action.
Par ailleurs, le présent projet de loi vise aussi à enraciner davantage les efforts de planification et de développement entrepris par le gouvernement, dans les organismes mêmes qui sont chargés, au premier chef, de l’administration des affaires de l’État, en particulier les ministères. En effet, la planification constitue autant, sinon davantage, une mentalité qu’une technique. Il est essentiel que cette mentalité pénètre dans tous les rouages de l’administration publique, si l’on veut espérer que l’action planificatrice de l’État soit finalement efficace. Il n’est pas possible de faire de la planification en vase clos au sein d’un office, si compétent soit-il. Au contraire, il faut que la planification devienne, d’abord et avant tout, l’œuvre concertée des ministères eux-mêmes par le canal de leurs propres services de planification pour les secteurs dont ils ont la responsabilité, en même temps que de l’Office comme instrument et agent de coordination et de liaison, et, à la rigueur, comme agent supplétif, de l’action des ministères.
Voilà pourquoi, le rôle de la Commission interministérielle de planification a été modifié pour qu’en certaines matières, l’Office ait non seulement la possibilité, mais l’obligation, avant d’agir comme agent de liaison pour la mise en œuvre d’un programme, d’indiquer à la Commission la façon dont il entend s’acquitter de cette fonction et de lui demander son avis. Par conséquent, l’Office n’a pas pour mission de se substituer à l’activité des ministères, mais plutôt de l’animer et de la
replacer dans le contexte plus général des priorités gouvernementales. Il s’agit, là encore, non pas de l’énoncé d’un
principe théorique, mais bien d’une réalité quasi brutale à laquelle se heurte tout effort de planification si l’on n’y
prend pas garde: l’application d’un plan est impossible sans la collaboration même des organismes qui sont chargés de le réaliser. Or, la seule façon vraiment efficace en définitive d’obtenir cette collaboration, c’est de confier à des
organismes la tâche d’élaborer le plan pour le secteur qui les concerne, puisque ce n’est pas tellement par des exhortations,
mais plutôt dans l’action, que s’opèrent les changements d’attitudes.
Une des principales tâches de l’Office sera donc de faire en sorte que le souci de la planification et
du développement devienne la préoccupation majeure de tous les ministères et organismes gouvernementaux.
Il convient aussi d’assurer la continuité des démarches entreprises par l’État dans le domaine de la
planification et du développement. On se plaint trop souvent et parfois à juste titre, il faut le reconnaître, que de nombreux
projets n’aboutissent jamais, faute de trouver un canal approprié pour la prise de décision par les autorités compétentes,
et leur mise en application. Désormais, nous croyons que les modifications que nous apportons maintenant à la loi
de l’Office, créeront justement cet instrument de continuité qui a peut-être fait défaut jusqu’à présent. D’une part, l’Office
sera non seulement chargé de faire des études, mais aussi de passer à l’action lui-même et, d’autre part, il agira comme
agent de liaison auprès des ministères dans leurs activités de planification et de développement, au lieu de coordonner simplement les recherches et les études qui sont faites dans ces mêmes ministères. Cependant cette continuité ne sera pas
assurée seulement au seul niveau gouvernemental, mais elle s’étendra auprès des autres gouvernements, organismes, sociétés ou corporations qui doivent être aussi impliqués dans un effort de planification globale.
L’Office entretiendra des relations constantes et étroites avec tous les agents externes qui influencent
d’une façon ou d’une autre la planification et le développement économique du Québec. Ces relations, certes, ne seront pas
exclusives et les autres ministères, y compris le ministère des Affaires intergouvernementales, devront continuer, et
continueront d’ailleurs, à entretenir des relations étroites et combien nécessaires dans une économie ouverte, avec la
population et les organismes concernés et avec les autres gouvernements. Cependant, la réciproque sera aussi vraie et l’Office de planification assumera, à ce niveau, dans le domaine qui lui est propre, un rôle d’agent de liaison et de
coordination. Ce rôle est en effet essentiel, si l’on veut que l’État puisse avoir dans ce domaine une action efficace, unifiée
et suivie auprès des divers corps publics et privés.
C’est dans cette perspective que le gouvernement pourra autoriser l’Office à conclure des accords
avec tout gouvernement ou organisme ou corporation en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre de plans de
développement plus ou moins vastes, en liaison étroite, il va sans dire, avec les autres ministères qui pourraient être
concernés.
Cette disposition est d’autant plus importante que le Gouvernement du Canada a mis sur pied un
ministère de l’expansion économique régionale chargé de fonctions similaires. Ce ministère peut, en collaboration
avec les autres gouvernements du Canada, élaborer un plan d’expansion économique dans une région particulière,
de même que désigner comme zone spéciale, après consultation avec le gouvernement impliqué, une région où des
mesures spéciales destinées à favoriser l’expansion économique doivent être prises.
Telles sont, monsieur le Président, brièvement exposées, les principales raisons qui nous amènent à modifier la Loi de l’Office de planification du Québec. La mission que nous voulons ainsi lui donner dépasse
de beaucoup le simple aspect technique des choses. En même temps que nous désirons lancer la planification au Québec, sur
des bases pragmatiques et concrètes et tout en élaborant les objectifs globaux que doit avoir tout effort de planification, il
nous apparaît primordial d’accorder une large place aux changements de mentalité afin que tous ceux qui ont la responsabilité de travailler à l’avenir du Québec soient pleinement conscients des exigences d’efficacité que cette tâche comporte.
<Masse196906Il >
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LE CLUB KIWANIS SAINT-LAURENT
A L’HOTEL RITZ-CARLTON Montréal, Le 11 juin 1969>
J’ai choisi, messieurs, de vous entretenir d’un sujet qui fascine aisément tous ceux qui l’abordent et y réfléchissent à cause même de l’influence énorme qu’il exerce sur les masses et, par conséquent, sur l’évolution de l’humanité.
Vous-mêmes qui m’écoutez en utilisez les ressources et en subissez l’impact tour à tour dans vos gestes d’hommes d’affaires et dans votre comportement de citoyens. Je veux parler du monde à la fois merveilleux et mystérieux des communications sociales, de ses techniques, de son fonctionnement et des spécialistes qui y travaillent.
Que vous le vouliez ou non, les communications dominent l’époque actuelle dont elles sont une des grandes caractéristiques. Imaginez un peu: les sociologues estiment que chaque nord-américain subit chaque jour en moyenne mille six cents (1600) impulsions publicitaires bien comptées. C’est la ritournelle entendue à la radio, la manchette qui a frappé l’imagination, le panneau réclame qui a arrêté le regard, l’empaquetage de vos cigarettes, la marque de commerce qui identifie à elle seule toute une gamme de produits. À partir du moment où vous identifiez, même inconsciemment, le « S » de la chaîne Steinberg ou le « D » de la chaîne Dominion, vous avez subi une impulsion publicitaire.
Or, tout cela n’est qu’un commencement dans un monde qui trouvera son aboutissement dans l’implantation de satellites de communications capables de relayer instantanément aux quatre coins du monde les messages de ceux qui les contrôleront. Ce monde de communication, un état moderne n’a pas le droit d’y rester indifférent. Il y va de la survie des peuples et de l’avenir des institutions démocratiques.
L’information est une justice que l’État doit à ses administrés. En effet, un gouvernement mis en place selon toutes les règles de la démocratie moderne n’a-t-il pas, avec le mandat de gouverner, le mandat très net d’expliquer son action et ses décisions? La démocratie n’est plus aujourd’hui une délégation de pouvoir qui se fait à tous les quatre ans à coup de poignées de mains et de discours flamboyants. La démocratie est devenue une délégation de pouvoirs dont les citoyens exigent des comptes chaque jour.
Ils n’attendent plus quatre ans pour dire au ministre du Travail ou à celui des Finances ce qu’ils pensent de leurs politiques.
Les travailleurs et les assistés sociaux n’attendent pas quatre ans pour discuter de leurs conditions de travail et de bien-être .
Les contribuables n’attendent plus quatre ans pour connaître le bien-fondé d’une augmentation de taxes. L’État est poussé à
l’action tous les jours et constamment, un groupe ou l’autre de citoyens lui demande de justifier son action.
A l’heure actuelle, on exige tellement de l’État qu’il est devenu omniprésent. Votre condition physique nécessite-t-elle l’hospitalisation, songez-vous à voyager, devez-vous vous marier, faire instruire vos enfants, faire inhumer un parent et régler sa succession, désirez-vous acquérir une maison ou vendre un terrain, chaque fois l’État intervient plus ou moins. Avec un peu d’imagination, vous pourriez allonger cette liste à l’infini: circulation routière, accréditation des h™tels et restaurants, fréquentation des cinémas, etc. ; même les loisirs n’y échappent pas: pensez à la chasse, à la pêche, au camping,
etc.
Or, comment l’État, concerné par tant de domaines qui affectent la vie quotidienne de la population, pourrait-il gouverner sans expliquer chaque fois le sens, la nature et la portée de ses décisions administratives, donc sans recourir aux techniques les plus modernes de l’information? Ce qui suppose qu’il mette sur pied ses propres services de presse et d’information, ses services de publicité et de relations publiques, ses services de recherche et de documentation. Pour y arriver, il embauchera
des équipes de spécialistes des communications à qui il laissera le loisir d’imaginer puis d’organiser les services
techniques les plus aptes à satisfaire les besoins particuliers d’une administration publique soucieuse d’engager le dialogue
avec un milieu donné.
On dira que l’entreprise privée possède, dans le domaine de l’information, des structures et des moyens
plus souples que ceux de l’État. Peut-être ! Mais il reste que, structurée comme elle est, selon les normes du libéralisme économique -donc animée par la règles du profit – l’entreprise privée a délaissé des régions immenses où le
peu de densité de la population ne justifiait pas les énormes investissements que requièrent les techniques modernes de
communication sociale.
Or, si l’information officielle est une justice que l’État doit à ses administrés, elle doit atteindre
tous les coins du territoire et non plus les seuls citoyens des grands centres urbains. En d’autres termes, l’État doit suppléer
aux carences de l’entreprise privée, en particulier dans les régions périphériques peu favorisées.
J’irai plus loin: l’entreprise privée ne saurait s’ériger en porte-parole du gouvernement. Dès le moment où le peuple demande à son gouvernement l’instauration de mesures sociales, dès le moment où le peuple demande l’élaboration de projets communautaires, dès le moment où le peuple demande une politique quelconque, un gouvernement doit prendre position mais il n’a pas le droit de prendre position sans s’expliquer. Le gouvernement n’a pas le droit d’agir sans dire du même coup pourquoi il agit et comment ses administrés peuvent profiter des mesures qu’il décrète.
Ce sont là, il me semble, des réflexions qui permettent de comprendre la nécessité d’une action très énergique du gouvernement dans le domaine de l’information. Le récent rapport remis au gouvernement sur les communications ne conclut pas autrement et je cite: « La nécessité d’informer, cela fait partie, à notre avis, des obligations du gouvernement.
Autant que d’administrer, l’État se doit de faire connaître et d’expliquer au public les raisons qui motivent son action, de donner au peuple dont il est le mandataire tous les moyens de bien utiliser les législations qu’il adopte, de
présenter de la collectivité qu’il incarne une image honnête, fidèle ».
L’importance même de l’information officielle telle qu’elle est définie exige que les organismes esprit d’invention que peu de gouvernements ont eus jusqu’ici.
Cette orientation de l’Office d’information et de publicité est jeune puisqu’elle date de 1968 seulement, mais nous croyons qu’elle a déjà porté fruit et que les services de l’Office se sont améliorés considérablement, tant sous l’aspect publicité que sous l’aspect information.
Le rapport d’enquête sur les communications du gouvernement nous a d’ailleurs indiqué une infinité
de moyens par lesquels nous pourrions améliorer les structures de l’Office d’information et par conséquent, son
utilité: utilisation systématique des techniques audio-visuelles, redéfinition du statut, du rôle et des fonctions du
directeur de l’information, de l’agent d’information et de l’attaché de presse, mise sur pied de services bien organisés
de relations publiques et de relations internes, extension des réseaux de communications à tout le territoire
québécois de manière à atteindre et à desservir les régions les plus éloignées, etc.
Mais quels sont au juste le rôle et la fonction de l’Office d’information et de publicité dans l’état
actuel des choses. Pour gouverner, l’État doit établir des communications valables et efficaces avec la population.
Comme la gouverne de l’État est entre les mains du Conseil Exécutif, c’est à ce dernier qu’il appartient de prendre les
moyens de communiquer avec les citoyens. Et l’un de ces moyens, c’est l’Office d’information et de publicité.
Selon les termes mêmes de la Loi adoptée en 1964, l’Office d’information est en effet au service
du pouvoir exécutif et non du pouvoir législatif. En effet, la Loi de l’Office d’information et de publicité du
Québec affirme très clairement qu’il s’agit d’un organisme chargé de l’information et de la publicité des ministères et
des services gouvernementaux désignés par le gouvernement.
Les ministères et services gouvernementaux sont des entités administratives découlant immédiate
ment du pouvoir exécutif. Le législateur a voulu séparer l’Office d’information et de publicité des pouvoirs législatif et
judiciaire qui, avec l’Exécutif, forment le gouvernement.
Dans la pratique, le principe n’est pas d’application facile, car le législateur et l’administrateur
se confondent souvent dans la personne du ministre qui, au surplus, est membre d’un parti ayant une discipline et
des objectifs politiques. C’est la règles administrative qui doit servir de guide et de frontière. L’Office d’information
limite son champ d’action aux opérations administratives qui entourent l’exercice du pouvoir. Toute décision administrative
peut, devrait même, être diffusée. Une déclaration ministérielle faite dans le but de renseigner la Chambre sur
une pratique ou une décision administrative, de même qu’un projet, une étude ou un travail d’ordre administratif, sont
sujets à l’action de l’Office d’information. Il en est de même du dépôt officiel de documents à l’Assemblée Nationale comme
de toute déclaration faite par un ministre en temps qu’administrateur et chef d’un secteur d’administration publique.
L’information gouvernementale a en somme pour tâche de renseigner le public sur les gestes du pouvoir.
L’information officielle doit servir le pouvoir exécutif et non le parti au pouvoir. Elle doit être impartiale.
même si c’est un art difficile, c’est un idéal vers lequel il faut tendre. Bien renseigner le public est un devoir
de justice sociale sur lequel on ne saurait trop insister. Surtout lorsqu’il s’agit de replacer les décisions administratives
dans leur véritable contexte. De nombreux organes de presse n’ont pas toujours les moyens d’obtenir l’information complète
qui leur permettrait de le faire.
C’est une tâche surhumaine pour une entreprise privée de presse que de « couvrir », comme disent
les gens du métier, tous les services gouvernementaux. Encore ne s’agit-il ici que d’aller chercher la nouvelle. L’information
officielle, vous le savez, est loin de se limiter aux communiqués officiels. Le directeur et l’agent d’information
des services gouvernementaux d’information doivent faire des recherches sur les sujets les plus divers, préparer des dépliants et des brochures, prendre le pouls de l’opinion publique à travers la presse écrite et parlée, répondre aux demandes
de renseignements du public, organiser des conférences de presse, mettre sur pied des campagnes d’information, rédiger des rapports annuels, des bulletins et des revues, produire des films, des films fixes ou des présentations audiovisuelles,
etc, etc. L’agent d’information est à la fois un journaliste, un relationniste, un publicitaire, un communicateur,
un recherchiste et un documentaliste.
C’est ce qui permet à l’Office d’information et de publicité de donner en même temps la dimension
d’un problème et sa solution, la nature d’une décision et ses répercussions. La teneur d’un projet et son ampleur. En
présentant aux citoyens tous les aspects et tous les effets d’un geste gouvernemental, par l’intermédiaire de l’Office,
le pouvoir exécutif favorise l’éducation politique des citoyens et, en ce faisant, il contribue à le libérer comme à se libérer
lui-même des mesquineries politiques.
C’est dans la mesure où le citoyen connaîtra au fur et à mesure et le plus complètement possible
toutes les décisions administratives qui le concernent qu’il sera à même de juger objectivement les actes du pouvoir. Une
opinion publique éveillée est la meilleure garantie contre les atteintes aux libertés démocratiques. Ainsi conçue, l’information officielle éclaire l’esprit du citoyen, forme son jugement et éduque sa conscience civique. Elle le prépare à mieux jouer son rôle dans cette démocratie de participation que réclament les contestataires, les travailleurs, les jeunes et tous ceux que l’instruction accrue a ouverts aux problèmes de l’évolution sociale et technologique. Le rôle de plus en plus grand qu’une population de plus en plus instruite fait jouer à l’État dans tous les domaines oblige celui-ci à rendre de ses actes un compte de plus en plus complet et immédiat, et, par conséquent, à perfectionner ses services d’information. La démocratisation de la société est directement liée à la libéralisation de l’information.
Évidemment, il faudra du temps pour roder un instrument qu’on veut aussi complexe et précis. Il
faudra que l’information gouvernementale couvre des secteurs d’activité qu’elle ne couvre pas encore. Il faudra qu’elle utilise
les canaux de l’entreprise privée là ou ces canaux fonctionnent bien; il faudra qu’elle prenne les moyens d’atteindre
les territoires que l’entreprise privée n’atteint pas par suite des faibles densités de population. conçue comme
un service essentiel à la portée de tous, l’information sera alors un instrument de culture politique qui se retournera
infailliblement contre ceux qui voudront l’utiliser à des fins partisanes.
Voilà dans quelle optique le gouvernement du Québec voit l’information officielle. Il y a place
à discussion et à amélioration, cela est sûr. Nous sommes conscients que dans ce domaine comme dans bien d’autres
qui sollicitent quotidiennement notre attention, le progrès se fera dans la mesure où le public l’exigera et où les fonds
publics le permettront, « L’absence d’information – et tout aussi bien une mauvaise information – peuvent tuer un
gouvernement. Un État trop engagé dans l’information, sans bornes rigidement définies peut être , en retour, un
fossoyeur des libertés démocratiques, » a affirmé monsieur Claude Ryan dans son éditorial du 9 mai dernier.
Je conclus messieurs, que, malgré les difficultés que cela comporte, le gouvernement continuera
d’accorder une importance grandissante au secteur de l’information, tout simplement parce que les citoyens ont
droit et parce que l’information constitue un outil de culture politique nécessaire à la santé de la démocratie.
<Masse19690611 b>
<ALLOCUTION DE L ‘HONORABLE MARCEL MASSE À LA SIGNATURE DE LA CONVENTION
COLLECTIVE DU CEGEP DE RIMOUSKI Rimouski, Le 11 juin 1969>
Messieurs,
Je suis heureux de signer au nom du Gouvernement du Québec cette première convention
collective entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel de Rimouski, le conseil
d’administration et le Gouvernement.
La maturité des interlocuteurs, la compréhension de leurs problèmes respectifs ont permis
un dialogue fructueux et une entente raisonnable entre les deux parties.
Si administrer est l’art du possible, la convention collective doit être un reflet de cette vérité.
Nous avons quant à nous, offert les meilleures conditions possibles qui permettent aux enseignants de dispenser une éducation de valeur, compte tenu des exigences du milieu d’une part, tels que, mécanismes
de consultation, charge d’enseignement, etc…, et des réalités économiques et sociales qui nous pressent au
niveau de toute la population québécoise d’autre part.
Cette première convention que nous venons de signer n’est en fait qu’une première étape dans
les relations de travail entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel de Rimouski, l’administration du Collège et le Gouvernement. Nous sommes conscients que de part et d’autres des améliorations seront désirées, mais nous savons tous que d’autres négociations et d’autres conventions suivront.
Nous souhaitons qu’alors un climat semblable à celui qui a permis cette entente régnera et que nous pourrons à nouveau féliciter les négociateurs des deux groupes de leur compréhension et de leur sens des réalités.
<Masse19690619>
<MOT DE BIENVENUE DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU CONGRÈS DE L’UNION NATIONALE 69
Québec, le 19 juin 1969 >
Mesdames, Messieurs,
Il me fait plaisir, de souhaiter la bienvenue, à titre de Président, aux délégués qui sont arrivés au cours de la journée pour se joindre au congrès de l’Union Nationale 1969.
Hier déjà, des milliers de militants de l’Union Nationale, élus par leurs concitoyens dans chaque
comté du Québec ont participé à l’ouverture de ces assises. L’ampleur de cette réunion et l’enthousiasme qui
s’y manifeste témoigne de la vitalité de l’Union Nationale et de l’appui dont elle bénéficie parmi la population.
Aujourd’hui, l’Union Nationale a fait le point avec les délégués, au sein de sept ateliers d’information sur les réalisations qu’elle a effectuées depuis trois ans dans tous les secteurs de la vie sociale, politique et économique du Québec. Les programmes et les mesures qui seront mis en œuvre prochainement ont également été expliqués aux participants. Nous pensons en effet, dans l’Union Nationale, que c’est par ce dialogue constant entre les représentants de la population et les
Cadres de l’organisation, que l’Union Nationale demeurera le parti qui correspond plus que tout autre à la personnalité
des Québécois et à leurs besoins, c’est-à-dire le parti du Québec 100%.
<Masse19690619b>
<ALLOCUTION D’OUVERTURE DE L’HONORABLE MARCEL MASSE PRESIDENT DU CONGRÈS
UNION NATIONALE Jeudi, le 19 juin 1969 >
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d’ouvrir à titre de président les séances de ce congrès 1969 de l’Union Nationale.
Je voudrais vous rendre hommage à vous tous qui êtes ici pour représenter vos concitoyens.
La responsabilité que vous assumez est importante. Vous aurez au cours de ces assises à participer au grand effort
de réflexion que s’est imposé l’Union Nationale en faisant le point, dans les sept (7) ateliers d’information de ce congrès,
sur ce que notre parti a réalisé depuis trois (3) ans.
Vous aurez également à élire un chef.
Cela entraîne parfois des divisions, et nécessairement des prises de position et des luttes passagères au sein d’une organisation politique. Ces divergences sont normales. Elles sont à la fois la source et la justification de la démocratie
vivante et quotidienne que nous avons choisi de vivre dans l’Union Nationale.
Mais nous ne devons pas oublier qu’au delà de ces opinions diverses, de ces options contradictoires
qui se manifestent à l’occasion de ce congrès, nous ne devons pas oublier, dis-je, que nous sommes tous membres d’une
même équipe, d’une même famille, au service d’un même idéal, entièrement et exclusivement québécois.
Au seuil de ces journées décisives au cours desquelles l’Union Nationale doit prendre un nouveau
départ et se tracer une nouvelle ligne d’avenir, il convient de rappeler la mémoire de celui qui a consacré toute
sa vie et toutes ses forces, qui a voué toute son énergie et tout son talent aux intérêts du Québec, à son avenir, à son
rayonnement culturel et à son essor économique, l’honorable Daniel Johnson, vingtième premier ministre du Québec.
Député, ministre, puis chef de l’opposition, il fit preuve de dynamisme et de qualités exceptionnelles
de tacticien. Chef de gouvernement, il n’a cessé de travailler pour que les Québécois aient le droit de rester
eux-mêmes.
Avec Daniel Johnson à sa tête, l’Union Nationale a prouvé une nouvelle lois, durant trois (3) ans,
qu’elle est avant tout le parti des Québécois et l’instrument politique par excellence de leur mieux être individuel et collectif.
Cet homme si peu révolutionnaire mais si épris de progrès, si conciliant et si large d’idée mais si ferme dans sa propre fois et si opiniâtre dans la lutte qu’il a menée ne fut pas seulement un grand chef de l’Union Nationale, il fut aussi l’un des grands leaders politiques de son temps.
Ce fut un visionnaire; il sut toucher du doigt la crise aiguë dans laquelle se débat le fédéralisme canadien et formuler d’une façon claire et frappante la volonté du Québec d’être traité en peuple adulte. Sa pensée
politique eut un énorme retentissement non seulement au Québec mais à travers tout le Canada.
Daniel Johnson est aussi l’homme qui a su donner au Québec tout le prestige d’un véritable
État national. Saisissant dans toute son amplitude ce grand courant des temps modernes qui pousse les peuples
à coopérer entre eux, et les pays à collaborer, il a donné aux relations avec la France une impulsion nouvelle
et décisive, il a fait participer notre gouvernement à plusieurs conférences internationales, il a accueilli au Québec des chefs d’État de toutes les parties du monde.
Cette volonté de promouvoir d’abord et avant tout les intérêts du Québec, cette ambition de construire
grand et vaste qui marque l’œuvre de Daniel Johnson, nous les retrouvons à travers toute l’histoire de l’Union Nationale.
Cette histoire, nous devons la regarder aujourd’hui avec un intérêt particulier puisque nous en vivons
ce soir l’un des grands moments. C’est à travers elle que nous retrouvons les idées-forces, les lignes maîtresses qui
nous permettent de mieux comprendre notre parti dans le présent et de mieux le situer dans l’avenir.
Il faut nous souvenir tout d’abord que l’un des premiers traits caractéristiques de l’Union Nationale est qu’elle n’a jamais constitué une chapelle fermée. Il a toujours eu dans notre parti des individus appartenant à tous les milieux sociaux, formés à des écoles de pensées différentes venant d’horizons politiques divers, mais qui se rejoignaient tous sur un point: assurer
le maximum d’épanouissement et d’autonomie à la nation canadienne-française.
Dès la fondation de l’Union Nationale, Maurice Duplessis rassemblait autour de lui des hommes de
traditions et d’affinités politiques diverses mais qui avaient en commun une même volonté, une même ambition: donner
pour la première fois aux Québécois un parti qui leur appartienne en propre, qui soit à leur image et qui puisse défendre leurs intérêts.
Conscients de former en Amérique du Nord une communauté de langue et de culture originale ayant comme les autres le droit de se développer et d’être elle-même, les Canadiens français se reconnaissaient dans ce nouveau parti parce qu’il correspondait, plus que tout autre, à leur personnalité et à leurs besoins.
Et c’est là, la seconde caractéristique de l’Union Nationale: les idées qu’elle a défendues ont toujours coïncidé avec lés aspirations des Canadiens français et leur conception du bien Commun.
Les Québécois le comprirent si bien que l’Union Nationale fut portée au pouvoir l’année même de sa fondation.
Ce n’est pas un hasard si elle fut mandatée depuis, durant plus de 22 ans sur 33, mais c’est parce qu’elle a toujours su répondre à ce que les citoyens du Québec attendent d’un parti politique et parce qu’elle ne les a pas déçus.
Ils firent appel à l’Union Nationale en tant que parti profondément enraciné dans le peuple parce qu’ils voulaient un programme qui soit le reflet de leurs propres aspirations et de leurs propres espoirs.
L’Union Nationale est née de la volonté populaire de mettre fin à l’emprise désinvolte d’une élite de privilégiés qui méprisait ses besoins les plus essentiels, et elle n’a jamais accepté de renier cette origine.
Ils firent appel à l’Union Nationale en tant que parti profondément enraciné dans le peuple parce qu’ils voulaient un programme qui soit le reflet de leurs propres aspirations et de leurs propres espoirs.
L’Union Nationale est née de la volonté populaire de mettre fin à l’emprise désinvolte d’une élite de privilégiés qui méprisait ses besoins les plus essentiels, et elle n’a jamais accepté de renier cette origine. Elle a su au contraire adapter au cours des années ses structures aux transformations de la société.
Si l’Union Nationale est un parti formé d’hommes venant de différents horizons politiques, si son
programme a toujours coïncidé avec les aspirations des Québécois,
elle se caractérise également par sa volonté d’atteindre
l’idéal démocratique.
L’idéal démocratique, particulièrement dans un parti politique n’est pas facile à atteindre. Et personne
parmi nous ne prétend l’avoir réalisé. Il n’en demeure pas moins que la charte que nous nous donnions en 1965 marquait
une volonté ferme d’ouvrir largement l’Union Nationale à tous les citoyens du Québec afin d’en faire un véritable instrument
de participation politique.
Cet esprit démocratique, il vous appartient de le maintenir vivant. Un parti politique ne peut se
contenter de l’action de ses parlementaires. La garantie de sa vitalité interne comme de son rayonnement à l’extérieur
réside dans la participation active, quotidienne de ses militants.
Ce parti vous appartient, il sera ce que vous voulez qu’il soit. C’est à vous d’exprimer vos choix,
de marquer vos préférences, de proposer vos points de vue et vos idées. La vigueur de la démocratie dans l’Union Nationale
ne sera assurée que dans la mesure où vous saurez faire preuve de dynamisme et d’initiative, et dans la mesure où vous maintiendrez un contact direct avec le milieu dont vous êtes issus afin de garder une connaissance profonde et quotidienne
des problèmes et des besoins de vos concitoyens. Car, si le peuple québécois se sent à l’aise avec l’Union Nationale
c’est parce qu’elle puise son programme à la source populaire et qu’elle ne craint pas d’établir un dialogue constant avec la
population pour élaborer avec elle les objectifs qu’elle veut mettre en œuvre.
Notre parti a toujours su privilégier une certaine conception proprement québécoise de l’homme,
un ensemble de valeurs communes qui constitue l’avoir collectif amassé et transmis de générations en générations par
ceux qui se sentent profondément enracinés dans la communauté où ils sont nés. L’Union Nationale fait avancer les
Québécois dans leur optique et selon leur manière de vivre parce qu’elle a, en fin de compte, la même conception qu’eux
de leur avenir collectif.
Cet avenir collectif, les Québécois pensent qu’ils n’ont pas besoin d’être dirigés de l’extérieur pour le forger.
Ils s’estiment capables, en tant que nation de prendre eux-mêmes la responsabilité de leur épanouissement
dans les domaines qui affectent directement leur vie collective. Que ce soit en matière de culture, d’éducation,
d’organisation familiale ou sociale, de structure juridique, ils croient que personne mieux qu’eux-mêmes n’est en mesure
de savoir ce qu’ils ont à faire.
Aussi se sont-ils tout naturellement tournés vers l’Union Nationale lorsqu’il leur a fallu, au cours
des dernières années, lutter contre la tendance du gouvernement fédéral à restreindre leur liberté et à empiéter sur leurs
droits.
L’Union Nationale a su être dès sa fondation, l’instrument politique par excellence de la lutte des
Québécois pour leur autonomie, voilà la quatrième caractéristique fondamentale qui distingue notre parti des autres organisations politiques.
L’Union Nationale est le parti qui, de puis trente ans, a sans cesse fait passer les intérêts du Québec en premier.
Parce qu’elle n’est ni le valet ni l’allié des partis extérieurs au Québec, elle n’a jamais courbé l’échine
devant l’autorité d’un gouvernement centralisateur, elle n’a jamais accepté de mettre en veilleuse l’initiative et la vitalité
du Québec dans les champs d’activités qui lui appartiennent et, elle n’a jamais obéi en définitive à d’autres volontés qu’à celles des Québécois.
L’Union Nationale s’est au contraire battue avec énergie chaque fois que la personnalité des Canadiens
français a été brimée, chaque fois que leurs droits collectifs ont été méconnus.
Québec d’abord, Québec 100% telle a toujours été la ligne de force, l’orientation profonde de l’Union Nationale.
Québec 100%, qu’est-ce que cela signifie à notre époque qui est essentiellement celle du CHANGEMENT:
changement permanent auquel ni les individus, ni les sociétés ne peuvent désormais échapper?
Politiquement, nous sommes de par l’histoire membre d’une association d’États qui prit naissance
dans des conditions et pour des raisons qui, depuis longtemps, n’existent plus. Or, on a depuis toujours refusé d’ajuster cette
association aux conditions nouvelles et de la rendre suffisamment souple pour répondre aux besoins nouveaux de notre
époque.
Être Québécois à cent pour cent signifie, pour nous aujourd’hui, dans l’ordre politique, de forcer
l’adaptation de la Confédération aux impératifs de notre temps. Cette adaptation ne peut se réaliser que par une refonte complète et radicale d’un texte vieillot et dépassé afin de faire place aux aspirations profondes de notre collectivité. Quoiqu’il en soit de notre avenir politique, il est plus que temps de tirer les choses au clair. Être Québécois cent pour cent c’est aussi, surtout en 1969, une ouverture généreuse sur le monde et, en particulier mais non exclusivement, une ouverture
sur la francophonie, car les Québécois sont eux-mêmes les mieux placés pour assurer leur présence.
Or, ces relations avec les autres nous les avons développées et intensifiées depuis 1966. Et nous entendons
bien poursuivre dans cette voie, car pour nous Québécois, pour nous francophones, c’est l’air de nos poumons et le
sang de nos veines. Notre vie même en dépend et sous aucun prétexte – ni, cela va sans dire, sous aucun texte – nous n’acceptons de mettre un frein à cette activité.
A notre époque de communication instantanée, refuser ces liens étroits, constants et permanents ou
ne pas nous en donner les moyens, seraient pure folie et abdication honteuse.
L’Union Nationale n’a en ce domaine aucun monopole, mais notre action depuis trois (3) ans, donne à tous les Québécois, la certitude que nous ne céderons pas. Dans ce domaine, plus que dans tout autre peut-être ,
c’est selon le mot de Paul Sauvé, la politique du DESORMAIS: désormais, être Québécois à cent pour cent, c’est être un
homme ouvert au monde.
Personne mieux que nous, n’ayons crainte de le dire, n’offre aux Québécois la certitude qu’après leur
pays, le monde est leur patrie et que francophones, ils participent à la civilisation universelle.
Mais il n’est pas que la politique et l’universel qui importent. Notre parti est un symbole de progrès
et incarne le Québécois en 1970 dans d’autres domaines essentiels pour les Québécois.
En effet, nous ne serons pleinement nous-mêmes que le jour où notre infrastructure économique et sociale
répondra aux véritables besoins de notre époque. Et cette rénovation dans le domaine économico-social, cela aussi ressort
du Québécois à cent pour cent.
Aujourd’hui la voie est clairement tracée. L’agriculture, l’immigration – dont nous venons de créer le
ministère – le travail, la santé, le bien-être , la justice, le développement régional, l’éducation, la fonction publique –
structure fondamentale de l’État – voilà autant de domaines où nous œuvrons sans relâche depuis trois (3) ans.
Par son thème même, ce congrès qui débute ce soir se situe au-delà des partis et des hommes puisque c’est de notre devenir collectif qu’il s’agit et de notre destin qu’il décide.
Dans l’ordre politique, économique et social, notre collectivité, notre peuple n’a d’autre choix que
d’être lui-même, de développer ses valeurs culturelles propres, de mettre en valeur sa personnalité et d’utiliser tous
ses talents et son énergie à se réaliser.
« Québécois cent pour cent » ne constitue une menace contre personne. C’est une exigence de la
géographie et de l’histoire, une nécessaire fidélité envers nous-mêmes, un défi collectif que nous nous devons de relever
collectivement.
<Masse19690629>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE DÉVELOPPEMENT DE L’EST DU QUÉBEC AU CONGRÈS ANNUEL DU CONSEIL RÉGIONAL DE DÉVELOPPEMENT DE L’EST DU QUEBEC Rivière-du-Loup Le 29 juin 1969>
Mesdames, Messieurs,
On me permettra tout d’abord d’exprimer tout le plaisir que je ressens de m’adresser directement, pour la première fois, aux membres de l’assemblée générale du Conseil régional de Développement de l’Est du Québec.
Cette rencontre m’est d’autant plus agréable que j’ai eu de fréquents et très fructueux contacts avec le Conseil régional depuis ma nomination à titre de ministre responsable de l’Office de développement de l’Est du Québec.
Je tiens à féliciter les membres sortant de votre conseil d’administration. Sous l’habile direction de M. Jourdain et avec l’assistance des fonctionnaires du C. R. D., ils ont accompli un excellent travail. Quant à ceux qui prendront la relève, je les assure déjà de la pleine collaboration du gouvernement du Québec.
Je me permettrai cet après-midi de faire le point sur la situation existante à l’heure actuelle dans l’Est du Québec, sur ce que l’on peut prévoir pour l’avenir, ainsi que sur le rôle des structures de consultation œuvrant dans la région.
Il existe dans une partie de la population, une certaine confusion face aux termes et sigles employés: O. D. E. Q., C. R. D., conférence administrative ne désignent pas des réalités bien précises mais des organismes qui vaquent à de mystérieuses occupations de planification.
On constate chez d’autres une connaissance un peu plus approfondie mais malheureusement empreinte
de pessimisme ou de méfiance assez inexplicables: pour ces gens, le C.R.D. et le gouvernement, ne réussissent qu’à
retarder ou à endormir la population.
En d’autres milieux enfin, gouvernementaux ceux-là, l’on se demande comment l’État peut se permettre
de subventionner des conseils régionaux alors que ces organismes se permettent de critiquer à l’occasion les décisions
gouvernementales.
Exception faite du premier de ces trois (3) cas, où il s’agit d’une confusion dans les termes (situation qui s’améliorera avec le temps), excepté donc pour ce premier cas, on se trouve devant des gens qui n’ont pas suffisamment compris les rôles différents, mais complémentaires, du gouvernement et de la population dans l’entreprise de développement.
Que l’on refuse de comprendre que le cheminement de certaines prises de décisions doive demeurer
confidentiel jusqu’à ce que les obstacles aient été éliminés, cela peut à la rigueur être excusable.
Que l’on s’en tienne à de vieilles notions en persistant à croire qu’un organisme subventionné doive se livrer pieds et poings liés à l’autorité gouvernementale, libre à chacun de le penser. Mais que l’on ne réalise pas l’apport indispensable qu’une population mobilisée peut procurer à un effort de développement régional, voilà qui relève d’un paternalisme inqualifiable et d’une méconnaissance profonde de la force de la participation.
Aussi est-il nécessaire de rappeler une nouvelle fois que, pour le gouvernement, le C. R. D. est et demeurera l’organisme privilégié de consultation dans la région de l’Est du Québec.
La représentativité de cet organisme lui permet de traduire adéquatement les opinions de la population,
de maximiser les efforts des individus impliqués dans la réalisation du plan et de coordonner l’activité des
divers centres de décision de la région.
Le Conseil régional de développement remplit des tâches de participation, d’animation et de représentation
indispensables. Il permet à la population de s’associer pleinement à la recherche du mieux-être collectif et de
s’adapter plus facilement aux transformations des structures économiques et sociales de la région ainsi qu’aux profonds
changements de mentalité et de mode de vie que cela implique. Dès sa première année d’existence, votre organisme fournissait des avis sur une programmation d’exécution qui devait aboutir à la signature l’an dernier de l’entente générale de coopération Canada-Québec.
A ce même congrès où MM. Johnson et Sauvé signaient le document libérant une somme de plus
d’un quart de milliard de dollars, le C. R. D. soumettait un rapport d’appréciation des programmes de cette entente:
ce rapport, et les autres avis exprimés depuis sa remise, serviront de base l’an prochain à la renégociation de l’entente.
Cette année, les structures d’information représentant la population et les nouvelles structures
déconcentrées mises en place par l’État ont fait pour la première fois l’expérience d’un travail de collaboration.
On s’est habitué à l’autre et il ne fait pas de doute que le mécanisme est maintenant suffisamment rodé pour fonctionner avec un maximum d’efficacité au cours de la prochaine année.
Il est certain que tout ne saurait être parfait et que certaines structures d’animation et d’information pourraient encore être perfectionnées.
Mais il ne fait pas de doute que le C.R.D. a bien rempli son rôle jusqu’à présent et tout indique que son action est appelée à devenir de plus en plus fructueuse et positive.
Si le gouvernement attache une grande importance au travail d’un organisme tel que le Conseil régional de développement, il est également sensible à l’impact de l’effort de développement dans la région elle-même.
Pour le Québec, la région de l’Est est à la fois désavantagée et avantagée du fait qu’elle ait statut de région-pilote.
Désavantagée en ce sens qu’il ne lui est plus permis maintenant d’agir irrationnellement: finis les projets merveilleux où on se lançait à l’aveuglette sans savoir trop où on irait aboutir.
La région de l’Est du Québec ne peut se contenter de solutions faciles qui n’en sont souvent pas, de réaménagements superficiels et de demi-mesures.
L’Est du Québec est engagé dans un processus qui ne permet plus le repos, un processus dont la durabilité n’a d’égale que sa difficulté.
Mais les avantages de cette situation compensent largement cette part d’efforts que la région s’est imposée.
Comparativement d’abord à d’autres régions en développement, la Gaspésie, le Bas Saint-Laurent
et les Iles de la Madeleine détiennent une avance assez grande. Elles disposent d’une certaine somme d’argent, somme
qui devrait s’accroître à l’issue de la révision prochaine de l’entente. Il est certain que le mouvement entrepris au
cours de ce premier plan fera qu’au cours du deuxième, les budgets réguliers de tous les gouvernements impliqués
porteront la marque de l’efficacité optimale.
En plus de certains montants d’argent, la région possède déjà le savoir-faire. Les structures que
l’on retrouve ici seront éventuellement implantées ailleurs au Québec: mais l’avance que possède déjà l’Est du Québec
dans le fonctionnement de ces structures sera maintenue puisque la mise en marche des rouages ne se fera pas plus
magiquement ailleurs qu’ici. Il faudra, là encore, beaucoup de patience pour s’habituer aux changements … Cela nécessitera
du temps, beaucoup de temps pour y arriver. Voilà pourquoi la région de l’Est est en mesure de garder l’avance
qu’elle détient déjà en ce domaine.
Certains penseront ici: « C’est beau de dire qu’on a de l’avance dans le fonctionnement de structures nouvelles, mais comment cela se traduit-il en termes de revenus et d’emplois? »
Il suffit, pour y répondre, de citer l’exemple du réaménagement forestier du territoire du Grand-Portage.
Après l’incendie de l’usine de Cabano, il y a quelques années, il aurait été facile de contenter momentanément
tout le monde en laissant une entreprise construire immédiatement une petite scierie créant une cinquantaine
de petits emplois peu stables.
Au lieu de ça, on a choisi la voie difficile: repenser l’aménagement forestier dans tout le Grand-Portage. Résultat: un an de plus de travail, mais aussi trois (3) usines permettant la création de 500 nouveaux emplois
et la consolidation de 600 autres, la création du premier complexe forestier au Québec dans le Kamouraska, et
l’éventuelle consolidation de deux (2) autres entreprises de transformation du bois dans Rivière-du-Loup. Voilà, ce que
permet le développement planifié. Et l’on pourrait donner des exemples semblables pour plusieurs autres secteurs
d’activité économique.
La situation régionale, en ce qui a trait aux prises de décisions est donc la suivante: la région
a acquis une avance qu’elle est en mesure de garder au cours des prochaines années. Et le domaine des prises de décisions
quand on y pense bien, est celui qui compte, il est celui qui permet de construire solidement pour l’avenir.
Que sera votre région dans le Québec de demain?
Le demain le plus rapproché est celui d’après la renégociation de l’entente de coopération Canada-
Québec, l’an prochain. Déjà, les parties en cause dans cette négociation conviennent de certaines additions importantes
à faire à l’entente que nous possédons déjà. Un des thèmes de votre congrès stipule d’ailleurs que les priorités devraient alors être l’industrialisation, le transport et les infrastructures.
Le gouvernement du Québec est d’accord avec ces objectifs et il y a tout lieu de croire que le
gouvernement du Canada est également sensibilisé à ces questions.
Encore ici, la structure de consultation de la région de l’Est du Québec sera appelée à collaborer
avec les gouvernements pour l’adoption de mesure qui favoriseront le développement de ces secteurs.
Pour le gouvernement du Québec, le C.R.D. devrait continuer à fonctionner avec la même largeur
de vue dont il a fait preuve jusqu’à présent. Outre les priorités qu’il s’est fixées pour l’an prochain, il devra continuer à accroître ses efforts dans les autres domaines, que ce soit celui de la réforme agricole comme celui du
réaménagement forestier.
Face à certaines constatations qui sont d’actualité, la renégociation de l’entente devrait également
fournir l’occasion au C.R.D. d’envisager des politiques draconiennes visant à faire du secteur des pêches
un domaine dynamique et auto-suffisant.
Compte tenu de la complexité des tâches de revalorisation de la main d’œuvre et des contraintes
de temps pour atteindre les objectifs, le C.R.D. pourrait profiter de la renégociation pour s’interroger
sur certains moyens modernes à prendre pour accélérer l’aptitude à l’emploi des travailleurs de la région.
Ce qui serait déplorable, en somme, c’est que l’on fasse de la réalisation des objectifs proposés
par le C.R.D., objectifs qu’approuve le gouvernement du Québec, la seule condition au développement régional.
Ce qui serait grave, ce serait que l’on donne une importance telle à cette infrastructure qu’on
oublie les autres facettes du développement régional global, et que dans la recherche de perfectionnement des moyens
de développement, on mette de côté l’essentiel des grandes politiques devant permettre le rattrapage.
Un demain un peu plus éloigné, c’est celui de l’après premier plan de la région de l’Est du Québec.
Pour le Québec, cette région aura déjà atteint un pallier de développement intéressant de sorte que les efforts spéciaux actuels deviendront déjà peu à peu des actions normales.
A ce moment, la région aura effectué une partie du rattrapage nécessaire et sera devenue plus
concurrentielle face aux autres régions du Québec.
Dans bon nombre de zones, on aura regroupé les efforts au niveau municipal et les citoyens auront
accès à des services plus nombreux et surtout meilleurs.
La déconcentration de l’administration gouvernementale aura atteint un degré suffisamment avancé
pour qu’il devienne monnaie courante pour le citoyen, quand il aura besoin de l’aide étatique, de se tourner vers les
fonctionnaires établis dans la région elle-même.
Les assistés sociaux habitant jusque là des localités sans ressource auront bénéficié des opérations
de développement social visant à la mise au travail et à la relocalisation de la main d’œuvre.
Et l’on pourrait continuer longtemps ainsi à prévoir ce que sera la région dans quelques années.
Disons seulement que les revenus y seront meilleurs et le bien-être plus grand. Rappelons-nous aussi qu’il faudra
alors recommencer… vers de nouveaux objectifs.
En conclusion, j’aimerais vous rappeler une nouvelle fois que votre organisme est celui sur lequel le Québec se fie pour traduire les aspirations de la population régionale et pour en défendre les intérêts, tout en secondant l’effort gouvernemental en matière de développement.
Pour ceux que j’ai appelé les pessimistes, la région de l’Est du Québec est défavorisée parce
qu’elle est une région-pilote, donc une région où les centres de décision importants n’acceptent d’agir que rationnellement.
Mais elle est favorisée pour les optimistes qui voient bien qu’il ne saurait décemment y avoir d’autre
façon de se comporter.
Enfin, la vie sera bientôt meilleure ici. Mais à plus court terme, le C. R. D., tout en faisant valoir la nécessité d’améliorer l’entente de coopération existant déjà, ne devrait pas perdre de vue le globalisme que doit continuer d’avoir l’effort de développement.
<Masse19690717>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LES DIPLÔMÉS DE L’École NATIONALE
D’ADMINISTRATION D’ALGÉRIE AU CAFÉ DU PARLEMENT Québec, Le 17 juillet 1969>
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Je suis heureux de vous souhaiter au nom du gouvernement du Québec la plus cordiale bienvenue dans notre pays.
Cette visite que vous effectuez ici constitue pour nous, Québécois, un motif de joie et de fierté parce qu’elle nous permet de renforcer les liens d’amitié qui ont toujours existé entre les citoyens du Québec et ceux de l’Algérie.
Notre communauté se trouve par sa situation géographique isolée culturellement et linguistiquement au sein du continent anglo-saxon, aussi attache-t-elle une extrême importance aux relations et aux échanges qu’elle peut entretenir avec les citoyens des autres nations de culture française; cela est d’autant plus vrai lorsque les visiteurs
qu’elle accueille sont comme vous des diplômés d’une école aussi prestigieuse que l’École Nationale d’Administration d’Algérie.
Au Québec, l’École Nationale d’Administration n’existe que depuis moins d’un mois. C’est dire qu’elle est encore en pleine organisation et que, si je me permets de vous en parler ce soir, c’est beaucoup plus pour vous faire part des perspectives dans lesquelles le gouvernement a décidé sa création, que pour vous en décrire le fonctionnement.
Il nous faut reconnaître que trop souvent, les pouvoirs publics n’attachent pas suffisamment d’importance
aux impératifs d’efficacité dans l’administration gouvernementale et que peu d’efforts sont déployés pour la formation des fonctionnaires à quelque stade que ce soit de leur carrière.
Les gouvernements se sont souvent contentés d’accueillir tels quels les diplômés des universités dans
les diverses branches professionnelles, et de leur confier des tâches correspondant aux sphères d’activités de l’État. Les résultats ne laissaient pas trop à désirer lorsqu’il s’agissait de tâches techniques, supposant une spécialisation bien identifiable: comptabilité, agronomie, droit, recherches économiques, travaux publics.
Mais il en allait tout autrement des tâches dites administratives, où l’on recherche beaucoup plus
la polyvalence que la spécialisation, et où, en outre, l’excellence se définit non pas tellement par la connaissance approfondie d’un secteur ou d’une science, mais par l’aptitude à prendre des décisions rationnelles, à manier des hommes, à
contrôler les résultats d’une opération, toutes responsabilités qui sont celles d’un gestionnaire.
C’est dans cette perspective, que le Gouvernement du Québec a décidé la création d’une École Nationale d’Administration.
Après avoir hésité entre plusieurs formules, le Conseil des Ministres a opté pour un compromis
entre une École d’État, qui aurait été gérée par le ministère de la Fonction publique, et une nouvelle faculté d’université
existante ou, encore, une simple extension d’un enseignement actuellement dispensé. Cette dernière formule avait été proposée en raison de la similitude qu’offre l’administration publique, soit avec l’administration des entreprises, soit avec
les sciences politiques, soit même avec le droit public. On a jugé qu’il était préférable que l’École soit définie plutôt par
sa clientèle que par rapport à une discipline de base, dont l’administration publique n’aurait été qu’une extension.
Cela ne veut pas dire que l’École doive développer son enseignement en vase clos, d’une façon autonome sur le plan pédagogique. Au contraire, il serait souhaitable qu’elle fasse appel à la collaboration de professeurs
appartenant aux autres universités du Québec ainsi qu’aux autres écoles d’administration publique qui existent
à l’heure actuelle à travers le monde.
L’École Nationale d’Administration du Québec dispensera un enseignement de deuxième cycle.
En d’autres termes, l’École exigera un premier diplôme universitaire: droit, économie, psychologie, génie, sociologie,
lettres… mais elle sera également ouverte aux fonctionnaires qui ont déjà deux ou trois ans d’expérience dans l’administration publique.
Quelques mots maintenant de l’enseignement de l’École. Il sera essentiellement pratique n’empruntant aux théories que ce qui est absolument nécessaire. Voilà pourquoi on a prévu qu’une partie importante du corps professoral sera constituée de fonctionnaires qui possèdent une longue expérience de l’administration. Ils seront appelés à transmettre des expériences vécues, à faire état des contraintes propres à l’administration publique et à exposer comment des solutions précises ont été trouvées aux problèmes qu’ils ont rencontrés.
Il convient d’ajouter que pour ce qu’on pourrait appeler la partie académique de l’enseignement, les professeurs seront autant que possible empruntés à l’extérieur.
L’E.N. A. compte à cet égard sur la collaboration des universités qui ont développé, depuis de nombreuses années,
des départements spécialisés dans les diverses disciplines qui feront partie de son programme. L’École donnera cependant
une importance plus particulière à un département qui lui appartient en propre et qui est celui de l’administration
publique. De plus, comme complément important à sa tâche d’enseignement, l’E.N. A. s’est vue confier par le gouvernement
la responsabilité de la recherche dans les matières connexes à l’administration publique.
Voilà, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, très brièvement exposées les grandes lignes de ce que sera l’École Nationale d’Administration dont vient de se doter le Québec.
J’ai pensé que ces quelques réflexions pouvaient vous intéresser puisque vous êtes vous-mêmes diplômés
d’une institution qui a déjà acquis une certaine expérience de fonctionnement.
Je souhaite que la création effective de l’E.N.A. du Québec vous soit un motif supplémentaire de revenir
prochainement parmi nous. Je crois en effet qu’il serait extrêmement enrichissant pour l’École Nationale d’Administration québécoise de se créer des liens étroits avec l’institution algérienne et d’établir avec elle un courant d’échange des
connaissances et des ressources en capital humain.
Il me reste à souhaiter que votre séjour en terre québécoise vous soit agréable et contribue, dans toute la mesure du possible, à resserrer les liens qui unissent nos deux pays.
<Masse19690724>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA VENUE DE L’AMBASSADEUR DE BELGIQUE, SON EXCELLENCE MONSIEUR LOUIS-GHISLAIN DELAYE Québec, le 24 juillet 1969>
Excellence,
Il m’est très agréable de me faire l’interprète du Premier ministre du Québec et du Gouvernement
pour vous souhaiter la bienvenue à l’occasion de votre visite dans notre capitale.
Je désire vous assurer, monsieur l’Ambassadeur, de la grande admiration et de la grande
amitié que nous ressentons au Québec, pour votre pays.
Cela s’explique par le dynamisme économique de la Belgique, par l’apport prestigieux que
votre pays a toujours assuré au monde des Arts et des Lettres et surtout par l’attachement millénaire d’une partie importante
de sa population à la langue et à la culture française.
La visite dont vous nous honorez nous fournit l’occasion de souhaiter que la Belgique et le Québec,
qui ont tant en commun, améliorent encore la connaissance qu’ils ont l’un de l’autre en renforçant les liens culturels et
économiques qui les unissent déjà et en développant une collaboration plus intense et plus diversifiée entre leurs deux
peuples.
Messieurs, c’est avec joie que je lève mon verre au nom du Gouvernement du Québec et du peuple
québécois, à la prospérité d’un pays qui nous est cher et au bonheur de ses habitants.
<Masse19690724b>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION COLLECTIVE Avec les différents Collèges d’enseignement général et professionnel et le gouvernement À LA SALLE DU CONSEIL DES MINISTRES Québec, le 24 juillet 1969>
Messieurs,
C’est avec plaisir que je signe aujourd’hui, au nom du Gouvernement du Québec, cette convention
collective intervenue entre le Gouvernement et les différents Collèges d’enseignement général et professionnel ici présents
et leurs enseignants. C’est également avec une certaine fierté que je reconnais la maturité et le sens des responsabilités
des négociateurs des deux parties dans la conclusion de cette entente, la première entente entre un groupe appréciable de
Collèges, réunis à une même table de négociations et leurs enseignants.
Il nous apparaît nécessaire de souligner l’importance de cet accord, dans la poursuite du système d’enseignement général et professionnel que vous avons élaboré. La signature de cette convention collective qui finalise
les négociations dans ce secteur avec la majorité des syndicats d’enseignants affiliés à la C. S. N., permettra la reprise
normale de l’enseignement général et professionnel en septembre prochain.
Le réalisme des représentants des deux parties à cette négociation a permis la réalisation d’une
convention collective qui rejoint certains des objectifs poursuivis par les deux parties.
Nous avons quant à nous, offert les meilleures conditions possibles qui permettent aux enseignants de dispenser une éducation de valeur, compte tenu des exigences du milieu d’une part, et des réalités économiques et sociales qui nous pressent au niveau de toute la population québécoise d’autre part.
La charge de travail qui se stabilisera au cours des deux prochaines années pour en arriver à la norme
prévue pour l’enseignement collégial et professionnel d’un enseignant pour quinze étudiants, une échelle de traitement
basée sur la scolarité et l’expérience, échelle qui procurera aux enseignants des revenus compatibles avec la politique de
traitement du Gouvernement, des mécanismes nouveaux de consultation sur les plans administratifs et pédagogiques
sont autant d’exemples des réalisations que peut apporter une négociation où les deux parties cherchent ensemble des
solutions à des difficultés communes.
Cette première convention que nous venons de signer n’est en fait qu’une première étape dans les relations de travail entre les enseignants des Collèges d’enseignement général et professionnel partie à cette convention, les administrateurs de ces Collèges et le Gouvernement. Nous sommes conscients que de part et d’autres des améliorations seront désirées, mais nous savons tous que d’autres négociations et d’autres conventions suivront.
Nous souhaitons qu’alors un climat semblable à celui qui a permis cette entente régnera et que
nous pourrons à nouveau féliciter les négociateurs des deux groupes de leur compréhension et de leur sens des réalités.
<Masse19690724c>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE LA 15e
EXPOSITION RÉGIONALE COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DE TROIS-PISTOLES Trois-Pistoles, Le 24 juillet 1969>
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
C’est un honneur et un plaisir pour moi de présider l’ouverture officielle de la 15ième exposition régionale commerciale et industrielle de Trois-Pistoles.
Aux responsables de cette exposition, je désire offrir mes félicitations pour l’esprit d’initiative et la compétence avec lesquels ils ont organisé cette grande manifestation. Je leur souhaite, ainsi qu’à tous les participants de Trois-Pistoles et de la région, que cette année encore l’Exposition soit pleinement réussie. Je crois que l’Exposition industrielle et commerciale de Trois-Pistoles peut apporter beaucoup à 1’essor économique de la ville et des environs. Elle est en quelque sorte le symbole du progrès constant que connaît cette région et que l’Office de développement de l’Est du Québec s’est donné comme but de favoriser depuis bientôt
deux ans.
Trois-Pistoles est le cœur de la région agricole la plus prospère du Bas Saint-Laurent. Aussi est-ce plus particulièrement vers le domaine de l’industrie dérivée des productions agricoles que nous avons tourné nos efforts en construisant une usine de transformation des produits laitiers.
L’O. D. E. Q., vous le savez, doit réaliser prochainement d’autres projets dans le secteur du tourisme, cette fois, en aménageant un terrain de camping et le parc du Bic.
Ainsi, au dynamisme des agents économiques de votre région, de ses agriculteurs, de ses commerçants,
de ses industriels, de ses corps intermédiaires, qui a rendu possible cette exposition, correspond, au niveau
du gouvernement, une même volonté de progrès, un même désir de favoriser l’essor du Bas Saint-Laurent en y menant
une expérience unique au Québec de développement planifié.
Je crois qu’il ne peut en résulter qu’un accroissement de prospérité et bien-être pour les habitants de cette ville et pour ceux de toute la région.
C’est ce que je souhaite, en formulant à nouveau mes vœux de plein succès pour cette 15ième exposition régionale commerciale et industrielle de Trois-Pistoles.
<Masse19690724d>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À TROIS-PISTOLES Trois-Pistoles, le 24juillet>
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Étant donné la place importante de l’agriculture dans la vie économique du Québec et plus particulièrement de la Région de Trois-Pistoles, cœur de la zone agricole la plus prospère du Bas Saint-Laurent, je me permettrai aujourd’hui de faire le point sur les réalisations
que l’Office de développement de l’Est du Québec a accomplies depuis près de deux ans dans ce secteur et sur les projets qui y seront entrepris à court terme.
L’objectif fondamental du Plan de développement rural que met en œuvre l’O.D. E.Q. est l’augmentation du niveau de vie de la population demeurant à l’heure actuelle dans la Région, en procédant à une modernisation du secteur agricole pour en faire une activité rentable apte à concurrencer les autres domaines économiques.
L’une des caractéristiques essentielles de cette planification est la place très importante donnée au développement des ressources humaines.
Tous les programmes de rationalisation des ressources matérielles tels que la modernisation des fermes, l’accroissement de la productivité ou le développement des productions spécialisées sont en effet complétés par des investissements considérables en matière d’éducation, de formation et de perfectionnement des hommes.
Ces programmes s’adressent plus particulièrement aux jeunes qui prennent l’option agricole afin qu’ils puissent bénéficier d’une formation académique complète en 9ième, l0ième et 11ième année, de façon à ce que les problèmes posés par le faible rendement et le faible revenu ne continuent pas à se transmettre de génération en génération. À ceux qui choisissent d’abandonner l’agriculture et qui préfèrent se diriger vers d’autres activités, l’Office de Développement de l’Est du Québec offre un programme de formation professionnelle et d’orientation visant à les préparer à exercer une occupation qui leur convient et à leur donner les moyens d’y parvenir.
Les cultivateurs de la Région ont à leur disposition un vaste programme de formation technique et administrative
qui vise à les aider à utiliser au maximum les ressources matérielles dont ils disposent. C’est ainsi qu’au
cours du dernier exercice financier, 18 agronomes et 5 technologistes agricoles ont donné 1534 heures de cours à 336 agriculteurs de la Région.
C’est avec une ampleur nouvelle que ce programme de formation continuera en septembre prochain
puisque les commissions scolaires régionales ont accepté de dispenser ces cours par moyens audio-visuels en utilisant des
bandes magnétoscopiques avec le concours de moniteurs animateurs.
Afin de fournir aux agriculteurs de la Région les services d’un personnel compétent, 100 moniteurs-
animateurs seront formés à l’Université Laval, dont 22 seront disponibles pour la zone pilote. En outre, on travaille à l’heure
actuelle à l’organisation de cours à l’intention d’animateurs qui œuvreront auprès des associations féminines du territoire
et des cercles de jeunes agriculteurs en collaboration avec le comité des Loisirs de l’Est de Québec.
C’est également dans le domaine de la gestion appliquée que l’ODEQ cherche à aider les cultivateurs.
L’agriculture est devenue, dans le monde moderne, l’un des métiers les plus techniques et les plus exigeants qui
soient. L’exploitant agricole ne doit pas seulement posséder des qualifications en matières agricoles comme telles, il
doit également être en mesure d’utiliser les techniques de gestion modernes afin d’administrer sa ferme de la façon
la plus rationnelle et la plus rentable.
En plus du programme de formation intensive en gestion agricole offert à ceux qui décident de
rester dans l’agriculture et qui veulent recevoir une formation
professionnelle, l’ODEQ a travaillé à la formation de groupes de gestion. Au cours de l’année écoulée, les conseillers
en gestion de la Région ont mis sur pied 34 groupes d’étude de rentabilité agricole groupant 800 agriculteurs et
agissant comme instrument de formation continue et permanente. Au niveau local 23 équipes de gestion ont été organisées; on estime qu’en 1971, plus de 2,000 agriculteurs feront partie des groupes d’études et de rentabilité agricole.
En plus de se charger de la programmation, l’équipe régionale collabore à l’exécution des projets et fournit une aide technique et administrative aux exploitants agricoles.
Des dépenses de l’ordre de $264,000 sont prévues pour l’engagement de personnel supplémentaire de gestion agricole pour l’année en cours.
Les conseillers agricoles, comme les cultivateurs de la Région, ont à leur disposition un ensemble
de données et de références provenant de différents organismes tant privés que gouvernementaux. Ces données, d’un
caractère théorique, sont cependant difficilement utilisables dans la gestion concrète et journalière d’une exploitation agricole. Aussi, l’Office de Développement de l’Est du Québec a-t-il entrepris de mettre sur pied des fermes-normes
pratiquant différents types de culture. Ces exploitations seront en mesure de fournir aux conseillers de faire des recommandations appuyées par des données et des chiffres provenant du milieu. Les exploitants agricoles seront, ainsi, mieux en mesure de prendre les décisions qui impliquent des changements d’ordre technique, économique et financier.
Un comité consultatif a été formé pour la recherche des exploitations agricoles qui peuvent jouer le rôle de fermes-normes. Ce comité est composé d’un représentant du bureau régional, de l’agronome préposé aux fermes -normes, d’un représentant de l’U. C. C. et d’un conseiller local des équipes de gestion.
Au cours de l’année écoulée, l’établissement de 26 fermes-normes a déjà été réalisé dans
la Région; l’équipe responsable de ce projet voit à la programmation technique et à l’établissement des mesures et
des contrôles permettant de recueillir les références nécessaires. Elle se tient en relation étroite avec le Comité
consultatif, l’Institut de Technologie agricole, l’Université et les Centres de Recherches qui servent d’encadrement
scientifique et technique aux fermes-normes.
Des investissements de $85,000, sont prévus pour l’année en cours afin d’accroître le nombre de fermes-modèles dans la zone pilote.
En plus des programmes de formation technique et administrative des agriculteurs et de l’établissement
de fermes-normes, l’Office de Développement de l’Est du Québec procède à l’heure actuelle à une rationalisation de
l’affectation des terres dans la région du Bas Saint-Laurent.
Un inventaire des possibilités agricoles des sols, de la structure des fermes et des variétés de production
agricole démontre qu’une augmentation de la superficie des terres cultivées peut contribuer à accroître de façon sensible
les revenus du secteur agricole.
Les terres actuellement cultivées, mais dont le rendement n’est pas suffisamment élevé, pourront être consacrées à d’autres fins. Dans bien des cas, ces terres sont situées dans des endroits où le coût des services, des améliorations et de la protection est trop élevé par rapport aux avantages qui découlent de ces dépenses. Un budget de $400,000.00 prévu pour l’année en cours sera en partie utilisé au rachat, par le gouvernement du Québec, des terrains impropres à la culture mais qui ne sont pas susceptibles d’être vendus à des particuliers; il permettra également d’aider les agriculteurs qui désirent profiter des
programmes de réorientation de la main-d’œuvre et qui choisissent de mettre leurs terres en vente.
En libérant une certaine superficie de sol cultivable, ces mesures permettront de regrouper et d’agrandir les fermes commerciales qui existent à l’heure actuelle dans la Région et de créer éventuellement de nouvelles exploitations agricoles.
C’est enfin dans le domaine de la culture spécialisée et dans celui de la mise en marché que l’O. D. E. Q. travaille actuellement à mettre sur pied de nouvelles formules qui soient à la fois plus efficaces et plus rentables.
L’on sait que la région du Bas Saint-Laurent est désignée comme le centre de culture sur grande échelle de pommes de terre de catégorie élite, produite par la Station de semence du Québec. Pour conserver ce monopole et réussir avec efficacité la culture de cette variété
de tubercule, les producteurs de la Région recevront l’aide d’une équipe de sélectionneurs qui rendront visite aux différentes
plantations et qui travailleront à enrayer toute progression de maladies à virus ou à bactérie de la plante.
Dans le secteur de la transformation des produits agricoles, la construction d’usines laitières s’est imposée comme l’un des objectifs essentiels du plan de développement rural du Bas Saint-Laurent.
A la suite de recommandation des dirigeants du mouvement coopératif agricole de la Région,
l’on a prévu l’implantation d’un important réseau d’usines laitières. Ces usines seront construites en fonction de la
localisation actuelle des différents bassins laitiers et des prévisions concernant la production à court terme et à long
terme du lait.
Des usines de transformation du lait sont actuellement en opération ou construites à Trois-Pistoles et Mont-joli, ainsi qu’à Amqui et Maria. Elles sont complétées par des manufactures de mise en marché de lait nature à la Pocatière, Rivière-du-Loup, Rimouski, Matane, Mont-Joli, Cabano et Amqui.
Le projet de la coopérative de la Côte-Sud visant à compléter ce réseau par la construction d’une nouvelle usine à Saint-Pacôme de Kamouraska a été accepté et les études et les plans de ce nouvel établissement industriel sont terminés.
Voilà, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, le bref tour d’horizon que je voulais faire aujourd’hui avec vous sur les objectifs et les réalisations de l’Office de Développement de l’Est du Québec dans le secteur agricole.
Un grand nombre de programmes sont déjà en marche et commencent à donner des résultats concrets.
Mais la véritable réussite de cette expérience de développement planifié de l’agriculture se mesurera avant tout sur le plan humain.
Lorsque les exploitants agricoles auront acquis un niveau de revenu et un mode de vie comparables
à ceux des autres classes sociales du Québec, lorsqu’ils auront bénéficié d’une formation académique et technique de
haute qualité et pu choisir, le cas échéant, le nouveau secteur d’activité économique dans lequel ils désirent exercer une pro
fession, alors nous aurons véritablement atteint nos objectifs dans la région de l’Est du Québec. Tout cela ne peut se faire
qu’avec l’aide de toute la population. Aussi, me permettrai-je de lancer un appel à chacun de vous afin que vous collaboriez,
dans toute la mesure de vos possibilités, au succès d’une entreprise de développement planifié qui n’est pas seulement
l’affaire du gouvernement du Québec, de ses hommes politiques, de ses fonctionnaires et de ses techniciens.
<Masse19690818>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE
DE SPÉCIALISTES SUR L’Éducation INTERCULTURELLE EN RÉGIONS NORDIQUES L’HOTEL BONAVENTURE
Montréal, le 18 août 1969>
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs,
Ce n’est pas une conférence gouvernementale que la vôtre. Je tiens cependant à vous apporter les salutations du Gouvernement du Québec et les meilleurs vœux de succès de son premier ministre, monsieur Jean-Jacques
Bertrand, que je représente ici.
Puisque votre conférence est une confrontation entre individus, éducateurs du Nord d’une part
et d’autre part tenants de diverses disciplines humaines particulièrement intéressés aux Autochtones du Nord, ces êtres
humains qui furent les premiers habitants des régions les plus septentrionales des pays circumpolaires, je ne me permettrai pas de prononcer un exposé mais de faire simplement à titre personnel quelques réflexions sur ce sujet. Qu’il soit
rassuré celui qui dans sa communication pré-conférence se moquait de ce titre de spécialiste du nord dont aiment à
s’affubler généreusement bien des gens, et avec une prétention inversement proportionnelle à la durée de leurs activités et de
leur travail dans le Nord. Quant à moi, je ne suis allé dans ces régions qu’une trop courte journée – que la température,
il est vrai, s’est chargée de prolonger (ce qui m’a initié quand même un peu à l’un des aléas du Nord) et n’entends pas jouer
le moindrement du monde au spécialiste sur l’une ou l’autre des questions nordiques qui constituent le sujet de vos discussions et de vos analyses.
Mais qui ne s’intéresserait pas aux questions d’éducation interculturelle en cette période de l’histoire humaine qui voit les œuvres d’art des Autochtones nordiques glorifiées en même temps que sont menacées d’extinctions leurs cultures et certaines valeurs fondamentales de civilisation hautement avancée qu’elles recelaient.
Au fur et à mesure que l’homme va transférer sur les problèmes humains les énergies qu’il a
historiquement déployées à des fins militaires – comme cela semble être le cas avec la grande œuvre de la conquête
scientifique de l’Espace -, il faut espérer que les problèmes qu’engendre le gouffre entre les civilisations majoritaires
et minoritaires feront l’objet d’analyses sincères et de solutions pratiques, dont l’efficacité sera largement fonction
de leur intelligence des caractères les plus profonds de la personne humaine. C’est là un souhait qu’ont émis vos
travaux pré-conférence. Il faudra que le fossé soit comblé d’abord à l’intérieur même des pays où se côtoient pauvreté
et surplus, même lorsque l’un des deux membres de l’équation à réaliser, comme c’est fréquemment le cas des
Autochtones du Nord par rapport à leurs concitoyens au sud, se trouve fort éloigné de l’autre… dans l’espace et
dans le temps. Peut-être surtout dans le temps.
L’éducation n’est évidemment pas un phénomène nouveau, c’en sont les formes qui varient. Il est frappant de voir par exemple que les Esquimaux du Grand Nord Canadien – en tout cas ceux du Québec septentrional
d’après ce que j’en sais – enseignaient systématiquement à leurs enfants, dès le bas âge et dans le cadre familial, à
lire et à écrire… longtemps avant que les écoles n’y viennent offrir, peut-être plus exactement « imposer » un enseignement formel et systématique. C’est cette sorte de systématisation qui est nouvelle, mais il s’agit d’une forme
d’enseignement qu’on a probablement à tort identifiée avec l’Éducation.
Le concept de l’éducation, qui englobe une série d’éléments dont la pédagogie scolaire n’est que l’un des véhicules, comprend aussi l’aspect d’interculturalité, surtout lorsqu’il s’agit de la promotion de groupes marginaux
en voie d’intégration sociale et économique – et dont la culture, l’un de vous l’a rappelé, puise à des profondeurs aussi
mystérieuses et cachées que les sections submergées des icebergs – au sein d’une société dominante qui a en définitive
les moyens théoriques d’améliorer le sort et d’augmenter le bonheur du groupe minoritaire.
C’est peut-être là l’un des nœuds de la question. Toutes proportions gardées, on peut dire que
les pays circumpolaires sont des pays riches, capables d’affecter le ressources nécessaires à l’aménagement de leurs
techniques, que le difficile développement nordique viendra par surcroît améliorer, sur des structures éprouvées de
gestion et d’administration sans doute capables d’ajustement au milieu nordique, et sur une opinion publique de plus en
plus sensibilisée aux problèmes des grands espaces et parfois même susceptible d’engouement pour cette terre de l’Immaha qui fait partie de son patrimoine. Ils peuvent aussi compter – vous en êtes la preuve vivante – sur un réservoir
de chercheurs dont une importante caractéristique est que récemment les spécialistes motivés par les questions sociales
et humaines y sont venus rejoindre les professionnels des sciences physiques et les calculateurs de rentabilité financière.
Là où il y a carence, en face des problèmes particulièrement difficiles du Nord, c’est probablement
dans le domaine des idées précises et des objectifs qui soient à la fois vrais et possibles. De l’ensemble de vos
travaux pré-conférence, dont vous avez aujourd’hui esquissé et discuté les synthèses, on m’a rapporté qu’il se dégageait,
entre autres dénominateurs communs, celui de la nécessité d’une participation réelle des autochtones nordiques dans
l’aménagement de leur territoire. En tant que membre du Gouvernement d’un État qui est constitué en majorité par
son territoire nordique, je veux rappeler à ce sujet – comme l’a souligné une contribution québécoises pré-conférence
qu’il est dans notre intérêt que par leur participation nos Autochtones nordiques jouent un rôle-clef dans la mise en
valeur de ce que nous appelons notre Grand Nord. Il semble bien que ce soit là un objectif auquel souscriront tous
ceux qui ont à exercer à l’intérieur des Gouvernements des pays nordiques, des responsabilités de planification ou d’exécution vis-à-vis le développement nordique, Il est facile de souscrire à des postulats d’une évidence telle que personne
ne songerait à les contredire. Ce qui est difficile, c’est d’accepter d’y accorder étroitement nos politiques de développement
humain, celles qui précisément peuvent favoriser ou compromettre la réalisation de cet objectif.
C’est sans doute sur l’éducation des Autochtones qu’on entend généralement s’appuyer pour réaliser les prérequis de la participation. En d’autres mots je veux suggérer que l’éventuelle participation-clef des Autochtones
au développement du territoire nordique doit être considérée comme l’un des buts les plus importants de l’Éducation
des Autochtones, peut-être même le plus important. Si cela est vrai, il conviendrait dès lors de juger de la rentabilité
de l’Éducation d’une manière fort différente de celle que nous employons pour les régions à forte densité démographique.
Autrement dit, dans le calcul de la rentabilité de systèmes scolaires destinés aux Autochtones du Nord, il faudra assigner une valeur primordiale au paramètre de la participation effective. Ce n’est pas en rendant de moins en moins dispendieux le système scolaire nordique qu’on en accroîtra automatiquement la rentabilité même financière, mais bien en lui assurant une dimension, une méthodologie, un personnel qui garantissent, par leur authenticité et leur étroite communication aux réalités sociologiques, la réalisation des objectifs. Comme l’a suggéré l’un de vous, il faudra y mettre le prix, mais si la
rentabilité même minimale de l’éducation en dépend il faudra bien l’accepter ou fermer boutique en avouant que nous
sommes incapables de planifier pour les Autochtones une éducation rentable… Tout ça n’empêchant nullement que soit scrupuleusement scruté remploi des deniers publics; au fond, dans bien des cas, il s’agit peut-être d’abord et
avant tout d’une meilleure allocation des ressources humaines et financières déjà affectées à l’éducation des Autochtones
nordiques ou sur le point de l’être , que d’investir de nouveaux montants d’argent.
Toujours selon vos travaux pré-conférence les résultats de l’éducation auprès des Autochtones nordiques restent fort aléatoires dans la plupart des cas. En procédant à cette éducation sous le signe de la non-ségrégation, et en pleine bonne foi, on a peut-être trop envisagé les formes de notre éducation et ses objectifs comme la denrée par excellence due à ceux qu’on voulait considérer comme des égaux. Nous avons trop cherché aussi à imputer à un personnel déficient les piètres résultats de ce système. Il est temps, je crois, qu’on se demande si la conception même de ce que doit être l’éducation en face de circonstances données, dans un milieu donné, auprès de populations à civilisation et culture données et en vue d’objectifs précis à atteindre dans un avenir immédiat, ne doit pas être sérieusement scrutée et périodiquement remise en question.
Il est bien certain qu’à long terme ces objectifs vont rejoindre les objectifs que le reste du pays s’est
donné dans le domaine de l’éducation, mais proposer ces derniers comme immédiats risque fort de limiter au mieux l’éducation des Autochtones à un très petit nombre, ce qui va en soi à l’encontre du principe de promotion de l’ensemble de
la population, sans compter que ces quelques « privilégiés », s’ils ont personnellement bénéficié du système, ne rejoignent
pas toujours la communauté autochtone nordique dont ils sont membres pour y jouer sur les plans politique, social
et économique le rôle auquel leurs études les auraient préparés.
Une présence aussi diverse de spécialistes à cette première conférence internationale d’éducation
interculturelle nordique dénote évidemment qu’on ne veut plus ramener l’éducation à son seul champ de l’enseignement
scolaire. En réalité c’est tout autant par un ensemble de mesures de promotion que par l’enseignement formel que
pourra s’effectuer l’évolution des populations autochtones du Nord à la condition, comme il a déjà été dit ailleurs (6),
que les valeurs nouvelles leur soient proposées chaque fois que possible sur le prolongement même de leurs valeurs
traditionnelles. Je pense aux coopératives et aux caisses populaires, par exemple, qui peuvent contribuer de façon très
significative à une éducation d’ensemble dont l’objectif est la participation. Au Québec, les Esquimaux du Nord ont adhéré
à cette formule qui rejoint certaines habitudes inscrites dans leur culture traditionnelle. Ils semblent en voie d’y
jouer un véritable rôle-clef, même à l’étape de la conception économique des entreprises à mettre sur pied ou des projets de développement à mettre en route.
En ce qui concerne l’enseignement formel, je suis certain que les sujets que vous débattrez au
cours des prochains jours permettront de faire la lumière sur plusieurs aspects de cette difficile question. J’espère
que vos travaux permettront de dégager certaines normes élaborées au creuset polyvalent des disciplines humaines
qui seront utiles aux gouvernements, dont celui du Québec, qui veulent bien assumer leurs responsabilités, mais auront
toujours besoin, pour s’en acquitter le mieux possible, de recourir aux idées émises par des groupes extérieurs. En
conséquence, nous serons fortement intéressés à obtenir les résultats des travaux de votre conférence,
Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci et bon succès.
<Masse19690820>
<NOTES DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LA COMMISSION DE LA PRÉSIDENCE DU
CONSEIL EXÉCUTIF Québec, Le 20 août 1969>
La fonction publique peut être considérée comme l’ensemble des emplois et fonctions relevant du gouvernement. Mais le terme de fonction publique peut également s’appliquer à l’ensemble des hommes et des femmes qui exercent ces emplois au sein du gouvernement.
D’où deux sortes de problèmes à considérer: ceux relatifs aux activités mêmes de l’administration et ceux concernant
son personnel.
La première partie de cet exposé permettra une analyse de la fonction publique entendue dans le premier sens; viendra en second lieu le problème spécifique de la gestion du personnel.
Depuis quelques années, des enquêtes et études ont été menées sur plusieurs secteurs d’activité
gouvernementale. Il y eut successivement des enquêtes sur les problèmes constitutionnels, sur l’assistance publique,
sur l’enseignement technique et professionnel, sur l’éducation des adultes, sur l’enseignement en général et sur la
fiscalité.
Mentionnons encore les rapports sur l’urbanisme, celui du B. A. E. Q. et enfin plusieurs documents importants préparés par le Conseil d’Orientation économique dont un mémoire sur le chômage saisonnier et un autre sur la régionalisation administrative.
Des commissions d’enquête sont en cours sur la santé et la sécurité sociale, sur l’expropriation, sur l’intégrité du territoire, la justice, l’agriculture, les institutions financières, les eaux et la constitution.
D’autres secteurs ont aussi fait l’objet d’examens en comité dont les relations de travail, la fonction publique, etc…
En fait, depuis une douzaine d’années presque tous les champs d’intervention de l’État, presque tous les domaines d’activité publique ont fait l’objet d’enquêtes. À la suite de ces études en profondeur, diverses lois ont été passées, diverses décisions ont été prises telles que la création des ministères des Affaires culturelles, des Affaires intergouvernementales, de l’Éducation, de l’Immigration, des Institutions financières et du Tourisme.
D’autres mesures ont regroupé l’ancien département des mines et celui des ressources hydrauliques, ont scindé celui des Finances pour créer celui du Revenu, ont redéfini les rôles du Secrétariat, du ministère du Conseil exécutif, du ministère de la Famille et de celui de la Voirie.
Durant la même période, d’autres organismes ont vu le jour: Régie des Eaux, Société d’Habitation du Québec, Office d’information, Régie des Rentes, Office du Crédit industriel, Régie de l’Assurance-récolte, Université du Québec pour n’en nommer que quelques-uns.
L’Hydro-Québec pour sa part a pris une nouvelle dimension. Des directions générales ont été créées
dans plusieurs ministères, non seulement pour regrouper des services mais pour donner un accent particulier à des questions
importantes: diffusion de la culture, relations fédérales-provinciales, enseignement supérieur, Nouveau-Québec,
assurance-maladie, main-d’œuvre, relations de travail, etc.
Des ministères et organismes sont actuellement en voie de transformation: Affaires municipales,
Agriculture, Travail, Travaux publics: d’autres sont en train de mettre sur pied leurs structures internes: Office
de Planification et de Développement, Immigration, par exemple.
Bref, l’une des caractéristiques fondamentales du Gouvernement du Québec depuis ces dernières
années est la croissance rapide de ses différents services administratifs. Le Québec compte aujourd’hui cent
onze (Il 1) organismes statutaires, je dis bien cent onze organismes distincts dont vingt-deux (22) ministères, cinq (5)
bureaux, treize (13) comités, vingt-cinq (25) commissions, douze (12) conseils, dix (10) offices, onze (Il ) régies, quatre
(4) sociétés et neuf (9) autres corporations publiques.
Je déposerai la liste de ces organismes que nous avons groupés de diverses façons: une classification
par titre, une seconde par ministre responsable, une troisième par nature de rôle, administratif ou consultatif.
Sans vouloir pousser bien loin l’analyse de ces documents, on peut se permettre ici quelques remarques: a) la première, c’est que notre terminologie juridique n’est pas standardisée: il y a des commissions à caractère consultatif, d’autres à caractère administratif, certains organismes s’appellent régie mais ont des pouvoirs analogues à d’autres appelés offices. Les appellations utilisées nous laissent donc en pleine confusion sur le rôle des organismes dont au moins trente-trois ont comme fonction de conseiller tandis que quarante-deux autres ont fonction de réglementer ou de procéder à des adjudications;
b) Tous les ministres, sauf celui des Affaires intergouvernementales, celui du Revenu et celui des Travaux publics, rendent compte de l’activité de certains organismes en plus de leur ministère.
Six ministre sont responsables de plus de six organismes chacun: le ministre des Affaires culturelles, le ministre des Affaires municipales, le ministre de l’Agriculture, celui de l’Éducation, celui des Finances et celui du Travail. Dans ces circonstances, le rôle des autorités administratives ne peut qu’être extrêmement complexe.
c) Chaque organisme est le résultat d’un geste qu’a déposer le parlement pour faire face à une situation donnée, dans le temps, de sorte qu’on chercherait en vain, une quelconque standardisation des régimes administratifs. Pourtant, il serait intéressant d’élaborer une loi de l’administration financière comportant des critères quant à la détermination du degré d’autonomie administrative laissée aux divers types d’organismes, soit en matière de gestion financière ou budgétaire, ou
soit en gestion de personnel. Ces normes seraient très importantes si l’on visait à institutionnaliser d’une façon plus efficace les relations entre le gouvernement et ses organismes;
d) Plus le nombre d’organismes est considérable, plus complexe est le problème du partage des rôles et, par conséquent, plus est difficile la coordination des activités gouvernementales. En effet, l’organisation administrative du gouvernement est ainsi structurée qu’elle favorise l’autonomie des organismes axés chacun sur un secteur d’intervention;
e) Un appareil administratif aussi diversifié augmente de façon considérable les cadres supérieurs de l’État
qui se chiffrent déjà à plus de quatre cent cinquante, sans compter les sous-ministres, les présidents et membres des commissions, offices et régies. Or, cette fonction publique est elle-même polarisée dans chaque ministère autour d’une profession dominante avec tout ce que cela implique de spécialisation du personnel, de langage technique
et de traditions particulières; f) Il faut bien reconnaître qu’à chaque fois que l’on crée un organisme statutaire en dehors des ministères l’on rétrécit d’autant la sphère de responsabilité ministérielle effective sur les gestes des fonctionnaires; g) Force nous est de constater qu’il naît plus d’organismes qu’il en meurt, si bien que le problème administratif va sans cesse croissant et qu’il est de plus en plus difficile de définir des instruments de mesure uniformes d’efficacité administrative applicables à des organismes qui, par définition, ne sont pas sujets aux lois du marché. La règles impitoyable des prix, des coûts et des profits ne joue pas ici pour déterminer si une administration peut continuer à fonctionner en même temps qu’un instrument précieux au service d’une collectivité ou si elle doit être supprimée.
A cette prolifération d’organismes qui fait de l’État moderne une lourde machine administrative, s’ajoutent d’autres problèmes qui rendent la situation encore plus complexe:
a) Le premier de ces problèmes est celui des structures mêmes de l’administration. L’absence de spécialisation des tâches au niveau du Cabinet sauf en ce qui concerne le travail de législation et celui de trésorerie en constitue un exemple concret.
Il est évident qu’il faudra en venir à travailler en comité. Mais cela n’est possible que si le support administratif est disponible. Une amélioration est cependant prévisible dans ce domaine grâce à l’établissement du Secrétariat général du Conseil exécutif et à la création de l’Office de Planification et de Développement du Québec. Au sein de cet Office et à la suggestion de la Commission interministérielle de planification, elle-même formée de sous-ministres, le gouvernement a groupé un certain nombre de hauts-fonctionnaires appartenant à divers ministères. Les tendances centrifuges des ministères qu’explique une longue tradition d’autonomie seront ainsi contrebalancées par la perception des conséquences « interministérielles » des programmes que préparera l’Office de Planification et de Développement du Québec, b) Autre phénomène d’organisation: la déconcentration régionale de l’administration. Pour être efficace, tout organisme administratif doit non seulement bien connaître la population et en comprendre les besoins, il doit également la rejoindre par l’intermédiaire des bureaux installés dans les divers milieux à desservir. C’est l’effort que tentent présentement
une douzaine de ministères dont les politiques ont une incidence particulière sur le territoire: Agriculture, Famille, Travail, Éducation, etc… Ce phénomène de régionalisation administrative oblige, en même temps, à repenser la plupart des structures centrales des ministères et la coordination interministérielle, au plan régional.
À ces exigences s’en ajoutent deux autres très importantes:
a) Il s’agit, d’une part, des relations à entretenir avec le reste du monde par l’intermédiaire de bureaux à l’étranger et de la participation aux grandes réunions internationales;
b) D’autre part, de la participation des groupes à l’élaboration des décisions gouvernementales qui les concernent. Cela entra”ne la création de quelques douzaines d’organismes consultatifs auprès
des divers ministères.
Au plan des structures, on pourrait croire la question vidée. Ce n’est pas le cas! Tout le
secteur décentralisé de notre régime administratif doit également retenir notre attention: partage des rôles entre le gouvernement du Québec et les administrations locales (municipalités et commissions scolaires), définition
des territoires et des clientèles, nature, normes et distribution des services, financement et fiscalité correspondante,
regroupements, zones métropolitaines, régionalisation scolaire, voilà autant de questions d’organisation administrative
qui sont à l’étude.
Aux situations énumérées, et qui décrivent la complexité de l’appareil administratif, s’ajoutent
les problèmes de gestion de cette vaste organisation. Les modes et le style de gestion sont en effet trop souvent de
type « familial » ou « artisanal » et ici, je pense à chacun des secteurs de la gestion administrative: gestion du personnel,
gestion budgétaire; gestion de l’équipement; gestion de l’approvisionnement; gestion des documents; processus de décision et mode de délégation des pouvoirs et responsabilités.
L’extension des rôles de l’État et la croissance correspondante des activités gouvernementales se traduisent par un certain nombre d’indices très précis.
a) La croissance du budget: en 1954, le budget du Québec était d’environ 100 millions de dollars; en 1955, il n’atteignait pas encore 500 millions; en 1960, moins d’un milliard (750 millions); en 1965, moins de 2 milliards; en 1969, près de 3 milliards.
b) La croissance des effectifs qui émergent au budget de l’État en 1969:
– près de 50,000 personnes dans la fonction publique, même en excluant l’Hydro (18,000);
– environ 100,000 dans le monde de l’Éducation;
– environ 120,000 dans le monde de la Santé et des services sociaux;
En pourcentage, plus de 12% de la main-d’œuvre du Québec.
c) La part des salaires du secteur public, dans le budget: – 50% soit environ 1 milliard 250 millions.
Devant des données statistiques comme celles-là, chacun se pose le même genre de question: a) Se peut-il que cent onze organismes coordonnent vraiment leur action? Que dire de leur effet au plan local et au niveau de chaque citoyen; b) Quant aux trois milliards, leur rentabilité est-elle maximale?
c) Et les 275,000 employés, quel est leur rendement?
Leur nombre n’est-il pas trop élevé par rapport aux besoins réels de l’État? Quand on pense que, le gouvernement, à lui seul, emploie trois mille cinq cents « professionnels » de toute discipline, l’on est tenté de se demander si toute cette science est bien utilisée? Et que dire des cadres, aussi bien dans la fonction publique que dans le secteur hospitalier et dans celui de l’enseignement?
Bref, une telle fresque nous fait vite réaliser, je pense, l’ordre des problèmes:
1. spécialisation des tâches, partage des rôles, coordination des activités;
2. efficacité des secteurs de gestion;
3. rentabilité des investissements;
4. productivité du personnel.
Autrement dit, nous avons commencé à prendre la mesure de notre taille et nous nous sommes regardés
marcher. Nous y avons découvert des problèmes de planification, des problèmes d’organisation administrative et
des problèmes de gestion proprement dite.
La conclusion, je pense, s’impose: une réforme administrative est nécessaire dont l’objectif est d’apporter dans toute la mesure du possible des solutions appropriées.
Ce besoin, bien sûr, était ressenti depuis quelques années et, effectivement, des gestes ont déjà
été posés pour améliorer la situation. Il n’est pas question de laisser entendre ici qu’il faille faire table rase de toutes
les structures administratives existantes pour tout reconstruire à neuf.
Mais il est impérieux pour l’avenir du Québec que nous nous donnions une fonction publique qui réponde
pleinement aux exigences de notre société.
L’utilisation maximale des ressources humaines et financières doit devenir une préoccupation de
tous les instants.
Maintenant que les droits syndicaux sont acquis aux employés du secteur public et que leurs conditions
de travail peuvent se comparer à celles du secteur privé, on est en droit de s’attendre à une efficacité et à une
productivité comparables dans les deux secteurs.
Les phénomènes que nous avons décrits jusqu’ici ne sont d’ailleurs pas propres au Québec. D’autres
pays ont dé faire face à des situations semblables à celle que nous connaissons au Québec dans la Fonction publique. Les
rapports Hoover aux États-Unis, Glassco au Canada, Plowden et Fulton en Angleterre et celui en France du comité central
d’enquête sur le coût et le rendement des services publics en témoignent.
Au Québec, nous nous sommes mis à la tâche il y a plus d’un an. Je dois dire que les organismes
et leurs responsables dans l’administration n’ont pas fait obstacle à nos travaux, bien au contraire. Ils étaient aussi
désireux que nous d’améliorer la situation et ils collaborent étroitement à la bonne marche des projets.
En effet, dès l’automne 1966, mon collègue, le ministre des Finances et moi-même recevions d’un
groupe de hauts-fonctionnaires un mémoire concernant une étude des structures et pratiques administratives du gouvernement. Les objectifs et le champ de l’étude suggérés sont exactement ceux décrits précédemment. Les négociations
qui débutèrent à ce moment-là nous amenèrent à définir d’une façon précise la politique du gouvernement à l’égard
des conditions de travail dans la fonction publique.
Faute de procéder à une étude d’ensemble dès 1967, nous retenions les services de firmes de
conseillers en gestion pour faire un premier diagnostic précis de la situation dans un secteur spécifique: celui de la
gestion du personnel. J’ai déjà fait état des principales constatations qui nous furent soulignées. Disons, en résumé,
qu’elles justifiaient pleinement une étude plus poussée du secteur.
A cette fin, des mandats furent donnés à deux groupes: Urwick, Currie et SEMA. Le second groupe s’attaquant au problème de la prévision et de l’analyse des besoins de personnel, c’est-à-dire la question très
importante des effectifs de la fonction publique; le premier groupe abordant les autres problèmes d’administration du
personnel à l’exception de quelques-uns que se réservaient les services en place. Je vous réfère ici aux mandats approuvés
par le Conseil de la Trésorerie.
Étant donné, croyons-nous, l’intérêt exceptionnel que revêtent ces études, j’ai demandé aux responsables
de se mettre à la disposition des membres du Comité, ici, afin qu’ils nous informent eux-mêmes des objectifs
visés, des principes mis de l’avant, des équipes de travail à l’œuvre, des étapes envisagées, des résultats escomptés et des progrès déjà réalisés.
Avant d’entreprendre la partie de l’exposé qui tentera de situer le projet de loi numéro 23 dans le
contexte de cette réforme et d’en expliquer les principes, on peut souligner que les études et les améliorations en cours
dans le secteur de la gestion du personnel s’ajoutent à celles déjà entreprises dans le secteur de l’approvisionnement et
vont de pair également avec celles de la firme SGI, sur la mécanisation des services comptables et avec les travaux
que dirige monsieur Richard Mineau sur les structures gouvernementales et la gestion administrative en général. Cette
dernière étude, dont monsieur Dozois avait fait état dans son budget de 1969 et dont le mandat est très vaste, comprend
elle aussi plusieurs équipes de travail dont une qui examine la question de l’informatique au gouvernement et une autre
qui fouille à fond le problème de la budgétisation par programme et le contrôle budgétaire.
J’ai demandé aussi à ces messieurs de se tenir à la disposition du comité pour expliquer leur mandat, les recherches qu’ils mènent et ce qu’ils comptent réaliser en collaboration avec nos fonctionnaires.
Nous tenons à ce que les équipes de travail groupent à la fois des fonctionnaires et des conseillers de l’extérieur pour plusieurs raisons: la participation externe nous parait désirable pour assurer aux études encours un caractère d’impartialité aussi parfait que possible et la participation interne pour permettre la coopération des responsables à la formulation et à la mise en application des recommandations.
En second lieu, cela nous semble nécessaire que ceux qui ont une expérience dans l’administration publique puissent souligner aux experts extérieurs les exigences propres à ce milieu particulier.
Parmi les fonctionnaires qui collaborent à ces travaux, certains appartiennent à des organismes centraux et d’autres viennent des ministères, car on sait que les philosophies administratives peuvent diverger selon qu’elles s’inspirent du principe de l’autonomie départementale ou de celui des normes applicables à l’ensemble des organismes gouvernementaux. L’équilibre entre la responsabilité du gestionnaire et l’uniformité administrative demande une attention continue.
Mais quels que soient les perspectives et les champs d’étude, les objectifs de cette réforme administrative sont clairs: planification et contrôle de l’action administrative, coordination interministérielle, réduction des coûts, amélioration du rendement.
Au-delà de tout cela, cependant, la réforme administrative comme la réforme de toute institution vise à adapter l’Administration au Québec de 1969.
Bien sur, les carences administratives varient selon les secteurs et ce qui caractérise aujourd’hui l’administration budgétaire se compare difficilement à la situation qui prévaut au niveau de l’organisation gouvernementale, de la gestion
du personnel des procédés administratifs. Chaque champ d’étude devra comporter des solutions propres mais toutes
les solutions devront avoir comme but de favoriser l’existence d’une administration publique outillée pour voir clair dans la
réalité complexe de 1969 et pour y faire face. Pour cela, le gouvernement ne doit pas se contenter « d’opérer » des services
mais il doit les orienter vers la réalisation des objectifs essentiels que se donne notre collectivité.
Ces objectifs sont aussi nombreux et aussi variés que l’accès des Québécois à la gestion des entreprises, la reconversion agricole, la qualité de la vie urbaine, l’adaptation de la main-d’œuvre aux tâches d’aujourd’hui, la révision de la sécurité sociale, l’habitation, la salubrité des eaux, la participation au développement scientifique et technologique.
On a souvent reproché aux Québécois d’avoir négligé d’exercer et d’employer les pouvoirs de leur
État. N’a-t-on pas jadis parlé de l’anti-étatisme des Canadiens français? Les temps ont bien changé. Aujourd’hui
le citoyen exige de plus en plus de l’État, Il appartient en effet à celui-ci de veiller au progrès des sciences et des
arts, d’assurer l’équilibre social, d’organiser le territoire, de réglementer, de protéger et d’animer l’économie, en
somme de veiller au mieux-être collectif.
C’est dans une optique aussi largement « humaniste » qu’il faut envisager la réforme administrative: établir et maintenir un heureux compromis entre, d’une part, l’efficacité économico-administrative des allocations budgétaires et d’autre part les exigences et les responsabilités d’un État moderne.
C’est dans ce cadre de réforme que se place le projet de loi numéro 23 portant sur la création du
ministère de la Fonction publique. Nous nous situons ici, plus particulièrement, dans la seconde dimension de la
fonction publique que je mentionnais au début de cette intervention: celle de la gestion du personnel.
Nous allons ici expliquer pourquoi il faut un ministère, et quels sont les rôles que nous lui
proposons. Nous discuterons donc des problèmes d’organisation c’est-à-dire des structures de la gestion, des problèmes
de prévisions des besoins de main-d’œuvre et d’analyse des effectifs, des problèmes de conditions de travail
(politique salariale, etc.., ) et de relations de travail, de formation des cadres (E. N. A. P. ), de procédures et de
l’utilisation de l’informatique dans la gestion.
Afin d’aider à la compréhension du projet dont le caractère technique peut paraître complexe à bien des esprits, il nous a semblé opportun de rappeler, à larges traits, les principaux événements qui ont marqué la Fonction publique au cours des dernières années.
La naissance officielle du syndicalisme dans la Fonction publique et la nouvelle loi de la Fonction publique se situent en 1965. Les droits et obligations des fonctionnaires, le régime syndical qui leur était applicable et les structures d’administration des programmes de gestion du personnel furent définis à cette époque.
En 1966, débutèrent les premières négociations dans la fonction publique. C’est également à
partir de cette année là que le recrutement par concours publics des agents de l’État fut organisé de façon systématique.
1967 fut marqué par une nouvelle classification des fonctionnaires et par une systématisation des concours d’avancement.
En 1968, une nouvelle ronde de négociations débute tandis que sont entreprises les études sur les divers secteurs de gestion.
Durant ces dernières années, dans les secteurs para-publics de l’Éducation, du Bien-Être, de
la Santé et de l’Hydro, des négociations de grande envergure ont amené le gouvernement à définir une politique salariale
qui assure autant de cohérence que possible dans les niveaux de rémunération des agents de l’État. J’ai déjà eu l’occasion
d’exposer les différents principes qui constituent le fondement de cette politique salariale.
Où allons-nous maintenant ? Quels objectifs doit-on viser ? Quelles améliorations recherche-t-on ? Quels résultats escomptons-nous atteindre ? En somme, pourquoi un ministère de la Fonction publique ?
1. La Fonction publique, chacun le comprend parfaitement, est un secteur important de notre société:
a) d’une part un capital humain extraordinaire: quarante-cinq mille employés dont quatre mille professionnels, constituent une ressource exceptionnelle qui doit être bien gérée;
b) d’autre part, une dépense annuelle de deux cent cinquante millions en salaire environ.
2. La Fonction publique représente un cinquième du secteur public et sa gestion influence et est influencée par les autres quatre-cinquième qui sont constitués par les corporations, comme l’Hydro-Québec, le monde de l’enseignement et celui
de la Santé et du Bien-Être. Au total, nous avons affaire en effet à plus de 250,000 personnes dont les salaires s’élèvent à environ $1,250,000. J’y reviendrai tout à l’heure plus en détail.
Sans une sérieuse coordination des négociations dans tout le secteur public, sous la responsabilité immédiate d’un ministre, une surenchère risque de s’établir entre des groupes qui ont comme caractéristique de tout émarger directement ou indirectement au budget de l’État.
Il est donc nécessaire, pour assurer une saine gestion des finances publiques et pour garantir à l’ensemble de la population la qualité des services publics auxquels elle a droit, de coordonner les échelles de salaires et les conditions de travail
dans la fonction publique, les agences du gouvernement et les institutions de service public subventionnées
par l’État.
3. Dans un contexte de syndicalisme organisé, il est devenu nécessaire qu’un membre du Cabinet se
fasse le porte-parole du gouvernement face à des syndicats qui eux coordonnent leur action. La présence du syndicalisme dans la fonction publique oblige le gouvernement à se définir comme employeur, d’une façon claire. Dans notre système
de Cabinet responsable, l’employeur doit être identifié dans la personne d’un ministre et ce ministre doit avoir, dans les matières d’administration du personnel, des responsabilités d’initiative, de leadership, de coordination et d’inspection. Avec le syndicalisme, la gestion du personnel devient une matière politique. Non seulement de politique administrative, mais de politique tout court, car le gouvernement est appelé à rendre compte publiquement de l’action administrative centrale, ministérielle ou régionale. Par conséquent, la politique de gestion du personnel est l’affaire du gouvernement. Cette dernière devient un Service spécialisé dans les examens et elle certifie l’admissibilité des candidats à la Fonction publique.
Par politique de gestion du personnel, on entend ici les rôles suivants:
– l’étude de l’organisation administrative du gouvernement;
– l’étude des besoins quantitatifs de personnel (effectifs);
– la détermination des besoins qualificatifs en personnel (classification);
– l’analyse des conditions de travail (recherche);
– la définition des conditions de travail (négociations);
– le recrutement et le déroulement de la carrière;
– le perfectionnement du personnel;
– l’éthique et la discipline et finalement,
– l’inspection de la gestion du personnel.
Bien sûr, notre projet ne va pas si loin que cela. Il faut tenir compte du milieu. Nous ne sommes pas en Angleterre. Là-bas le rapport Fulton a recommandé que tous ces rôles soient désormais exercés sous la direction du ministre de la Fonction publique.
4, Dans une perspective d’efficacité administrative, il est devenu nécessaire d’affecter des administrateurs,
sous la direction d’un ministre, à la tâche essentielle de définir une politique de gestion qui assure l’allocation maximale des ressources humaines de l’État, étant donné les masses d’employés en cause et le fait qu’une part importante du budget y passe.
Et, il est administrativement sain que ce groupe soit distinct du ministère des Finances.
5. La dispersion actuelle entre dix autorités distinctes ne peut pas rendre possible une politique cohérente de gestion du personnel laquelle est nécessaire si l’on veut une fonction publique efficace, compétente et dévouée au service de l’État, lui-même au service de toute une population.
En effet, plusieurs organismes se partagent actuellement les rôles de gestion du personnel dans la fonction publique:
a) Le Conseil exécutif approuve les règlements de la Commission de la Fonction publique, nomme les fonctionnaires permanents, décrète les révocations de nomination ou les destitutions, peut autoriser un ministre à signer une convention collective;
b) Le Conseil de la Trésorerie agit comme comité du Conseil exécutif en ce qui concerne les estimations
budgétaires, les engagements financiers, la nomination et la rémunération des fonctionnaires employés;
c) La Commission de la Fonction publique s’occupe du recrutement et de la sélection préliminaire à l’établissement de listes d’éligibilité et, à cette fin, doit réglementer tout ce qui porte sur les examens et les périodes de stages, est responsable de l’établissement de la classification, doit diriger les programmes de perfectionnement, recommander au Cabinet des plans de salaire du personnel de la gérance et tenir des enquêtes sur les demandes de révocation ou de destitution;
d) La Direction Générale des Relations de Travail rattachée au Conseil exécutif doit négocier avec les diverses unités syndicales et coordonner l’administration des conventions collectives;
e) La Direction de l’Analyse des Effectifs, rattachée au Conseil de la Trésorerie, examine les demandes d’effectifs contenues dans les propositions budgétaires des ministères et fait rapport de ses constatations au sous-ministre adjoint des Finances responsable du budget;
f) La Direction de l’Analyse des Conditions de Travail fait les recherches et études préliminaires aux négociations ou décisions du Gouvernement concernant les conditions de Travail dans les services publics émargeant au budget de
g) L’administration du fonds de pension des fonctionnaires et employés relève d’une division du ministère des Finances;
h) Depuis avril 1966, l’agent du contrôleur de la Trésorerie dans chaque ministère vérifie avant engagement la régularité des propositions d’engagement du ministère en matière de personnel;
i) Dans chaque ministère, il y a un bureau de personnel qui doit conseiller le sous-ministre dans la gestion courante du personnel, c’est-à-dire les prévisions de besoins de personnel, le choix parmi les candidats déclarés éligibles par la Commission de la Fonction publique, les affectations des employés, leur classement, les mesures disciplinaires et l’administration des conventions collectives;
j) Enfin, le vérificateur des comptes qui, comme son nom l’indique, vérifie les dépenses en matière de personnel.
Nous avons donc une dizaine d’unités administratives qui se trouvent à participer actuellement à l’administration
du personnel dans la Fonction publique.
Nous proposons par conséquent, comme première étape, que les rôles majeurs exercés en b), d), e),
f), ci-dessus soient intégrés au ministère de la Fonction publique de même que le perfectionnement.
6. Enfin, nous avons vu dans la première partie de cet exposé la complexité de l’organisation gouvernementale.
Nous croyons qu’elle est telle qu’il y a lieu de confier à une autorité le soin d’en étudier et d’en réviser
constamment les problèmes de structure et de gestion administrative de façon à améliorer le rendement
et la productivité. Si on a besoin depuis longtemps d’un vérificateur des comptes, on a aujourd’hui
autant besoin d’un inspecteur de l’administration, d’un « auditeur administratif » si je puis me permettre
l’expression.
Maintenant que nous avons exposé les raisons qui ont amené le gouvernement à vouloir créer un ministère de la Fonction publique, je poursuis en expliquant sommairement les rôles qu’il sera appelé à jouer et les principes que nous mettons de l’avant dans le projet qui vous est soumis pour étude.
Une demi-douzaine de mandats sont précisés dans la loi et au sujet desquels le ministre devra répondre devant la Chambre.
Le premier de ses devoirs sera de proposer au gouvernement des mesures visant à accroître l’efficacité du personnel. Une administration publique c’est d’abord un service et, comme tel, son coût dépend de la productivité des ressources humaines dont dispose ce service. Il appartiendra donc au ministre de la Fonction publique d’être le moteur de l’innovation dans la technologie administrative. De ce point de vue, des études et des recherches devront être entreprises dans toute l’Administration de façon que certaines analyses statistiques comparées, par exemple, puissent permettre au gouvernement de déterminer des critères de mesure de l’efficacité de son action. Ces critères serviront à mesurer la performance et le rendement des services là où les lois du marché sont inapplicables. De ce point de vue, les études actuellement entreprises
par les conseillers et les fonctionnaires constituent de bons laboratoires d’entraînement des équipes ministérielles
et centrales appelées à revoir de façon continue les modes de gestion du gouvernement.
Seconde fonction du ministre: conseiller le gouvernement sur les conditions de travail du personnel du secteur public tel que le décrit le tableau statistique que nous déposerons qui, incidemment, indique, au surplus, les structures de négociations.
Nous avons déjà des équipes préposées à l’analyse des traitements et des autres conditions de travail du personnel: heures, vacances, frais de déplacement, primes, pensions, assurances, congés, etc…
Le ministre doit avoir juridiction sur ce Bureau d’études des traitements qui est à la fois le fichier
central des salaires payés, des conditions de travail et des bénéfices marginaux, en même temps que l’unité de recherches qui compare ce qui est négocié dans le secteur public du Québec avec ce qui est négocié dans d’autres secteurs publics
du Québec ou dans d’autres secteurs publics analogues par l’Ontario ou le gouvernement du Canada, par exemple,
de même que dans le secteur privé. De la qualité du travail de cet organisme dépendent essentiellement les offres qui
sont faites à l’occasion des négociations et l’orientation de la politique des salaires dont on sait l’influence sur l’économie
de tout le Québec.
Troisième responsabilité du ministre: négocier au nom du gouvernement des conventions collectives
régissant les conditions de travail des personnes qui occupent des emplois relevant du gouvernement et d’en coordonner l’application. C’est là le rôle de la Direction Générale des Relations de Travail qui, loin de disparaître comme on l’a cru en certains milieux, prendra toute la place qui lui revient dans le nouveau ministère.
Autre rôle du ministre: prévoir les besoins de main-d’œuvre des organismes gouvernementaux
et analyser les effectifs requis ainsi que la répartition et l’utilisation de ces effectifs. C’est là une tâche d’analyse
et de planification essentielle à la mise en application d’une véritable politique de main-d’œuvre. Il est normal que le
plus gros employeur du Québec et dont, au surplus, le personnel émarge aux fonds publics, se soucie en permanence de la façon dont ce personnel est utilisé.
Cela conduit d’une part à revoir les modes d’organisation du travail dans l’Administration et, en second lieu, à évaluer le potentiel du personnel lui-même.
Cette logique nous a conduit à dégager la Commission de la Fonction publique de certaines responsabilités
pour les remettre au ministre qui est appelé à représenter la direction du personnel gouvernemental: c’est
ainsi que les programmes de perfectionnement et la gestion des « pools » de personnel excédentaire seront désormais
assumés par le ministre. J’aurais aimé ici vous parler de la création de l’E.N. A. P. (voir Hebdo-Éducation No 50 du
29 juillet) et de nos activités en matière de coopération avec les pays francophones. Nous y reviendrons peut-être au cours de la discussion.
Je m’empresse ici d’apporter une précision en ce qui concerne les rôles de la Commission de la Fonction publique qui conservera ses pouvoirs actuels en ce qui a trait à l’admissibilité dans la Fonction publique, la classification et la promotion du personnel qui en fait partie.
Dans les pays occidentaux, la formule mise au point depuis 75 ans pour enrayer le « patronage » a été
de constituer une commission indépendante du pouvoir exécutif pour établir l’admissibilité des candidats à la Fonction
publique. C’est là l’origine des commissions dites du « service civil ». Peu à peu, l’idéologie dominante a obscurci la
distinction pourtant élémentaire entre le « principe » – toujours valable – du mérite et le « système » du mérite institutionnalisé
par ces commissions quasi-indépendantes.
En Amérique du Nord, on a ajouté à ces commissions d’autres rôles concernant la gestion du
personnel, si bien qu’il y a un partage de ces rôles entre les commissions et les ministères. Puis, à mesure de la croissance
du nombre des employés dans la Fonction publique, les ministères de Finances se sont mis à examiner plus sérieusement
les demandes budgétaires d’effectifs si bien que le partage des rôles s’est fait depuis quelques années entre ces trois types d’organismes.
De nombreuses commissions d’étude sur l’organisation gouvernementale ont étudié ce problème et toutes sont unanimes pour dire qu’il y a lieu de distinguer entre un travail de coordination (normes) qui peut être imparti
à un organisme central et un travail d’application ou de gestion quotidienne qui doit demeurer dans les mains de
la gérance immédiate, c’est-à-dire dans les ministères.
Essentiellement, ce que nous proposons ici, c’est de faire du ministère de la Fonction publique,
l’organisme central. Mais, nous ne mettons pas de côté pour autant la Commission de la Fonction publique qui conservera
donc les rôles perçus dans notre milieu comme nécessaires au maintien du régime de mérite lors de l’entrée
et de l’avancement dans le service.
Au chapitre des nominations, nous avons décidé de dégager le Conseil des ministres de la routine administrative en ne lui réservant que les nominations aux postes supérieurs. même principe au niveau des ministères où le ministre pourra déléguer son pouvoir de nomination à ses fonctionnaires.
En ce qui concerne l’éthique et la discipline, il appartiendrait au ministre de recommander au gouvernement des règlements applicables au personnel de la Fonction publique. Cela nous parait tout à fait normal que l’employeur exerce ses droits de gérance, mais il devra le faire par règlement de sorte que les normes seront connues de tous.
Jusqu’ici, les obligations des fonctionnaires étaient limitées à l’accomplissement de service et au respect des serments. Nous introduisons en plus des règles de discrétion et d’impartialité déjà comprises dans ces serments, une interdiction de nature à sauvegarder l’intégrité du personnel: personne ne devra avoir un intérêt personnel dans les devoirs de sa fonction.
Autre règles: le service exclusif des professionnels au service de l’État. Ce principe est déjà inscrit dans la convention collective des professionnels. Les suspensions et destitutions des employés régis par une convention collective de travail ne
seront plus de la juridiction de la Commission de la Fonction publique; les conventions pourvoient aux arbitrages. La
Commission de la Fonction publique garde sa juridiction toutefois quant au personnel non syndicable.
Enfin, un nouveau régime administratif est prévu en ce qui concerne le personnel des cabinets
de ministre. Désormais, les personnes nommées à l’un de ces postes devront le quitter trente jours après la date
à laquelle la personne qui les a nommées a cesser d’occuper la fonction qui l’autorisait à les nommer; toutefois, si
une telle personne est alors fonctionnaire ou avait antérieurement établi qu’elle possédait les qualités requises pour
devenir fonctionnaire, elle aura droit, dans l’année qui suivra, d’être nommée à tout emploi dans la fonction publique auquel elle a été déclarée admissible, et dans l’intervalle, elle sera intégrée au ministère de la Fonction publique
et y sera rémunérée.
Voilà, monsieur le Président, ce que je voulais souligner comme introduction à l’étude de ce projet
de loi, première et modeste étape d’une vaste réforme administrative dont les objectifs ont été décrits précédemment,
objectifs qui, s’ils sont réalisés, devraient faire de notre Administration une institution efficace au service de toute
la collectivité québécoise.
<Masse19690902>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE DEVELOPPEMENT DE L’EST DU QUÉBEC SUR LA MESURE GOUVERNEMENTALE
DE RELOCALISATION DE POPULATION LORS D’UNE CONFERENCE DE PRESSE À RIMOUSKI Rimouski, le 2 septembre 1969>
I – INTRODUCTION
Le Conseil des Ministres vient d’ordonner en vertu de l’Arrêté en Conseil numéro 2525 du 27 août 1969, la mise en œuvre dans la région de l’Est du Québec, d’une mesure de fermeture à l’habitation de territoires marginaux et de relocalisation de population.
Le programme tient compte de certaines recommandations contenues dans le Plan du B. A. E. Q., présenté
au gouvernement en juillet 1966, et s’inscrit dans le cadre de l’Entente générale de Coopération Canada-Québec,
signée le 26 mai 1968.
Les localités faisant l’objet de cette décision seront les suivantes: deux municipalités: Saint-Thomas-de-Cherbourg,
Comté de Matane, Saint-Octave-de-l’Avenir, Comté de Gaspé-Nord, neuf localités: Cap-des-Méchins,
Comté de Matane Saint-Octave de l’Avenir, Comté de Gaspé-Nord, Sacré-cœur-des-Landes, Comté de Gaspé-Nord.
Saint-Bernard-des-Lacs, Comté de Gaspé-Nord, Sainte-Bernadette de Pellegrin, Comté de Gaspé-Sud. Saint-Charles-Garnier-de-Pabos-Nord, Comté de Gaspé-Sud, Saint-Edmond-de-Pabos, Comté de Gaspé-Sud, Saint-Gabriel-de-Rameau,
Comté de Gaspé-Sud, Saint-Jean-de-Brébeuf, Comté de Bonaventure.
De 300 à 350 familles seront touchées par le programme, soit un peu plus de 2,000 personnes. Les
territoires énumérés se caractérisent tous par des traits communs: de peuplement récent (la plupart ont été colonisés au
plus fort de la Crise, de 1935 à 1939), ils n’offrent plus aucune perspective de développement économique, la seule ressource jadis disponible, le bois, ayant été épuisée. L’agriculture n’y a aucun avenir et les possibilités d’industrialisation sont milles. Les populations locales ont pris conscience du cul-de-sac économique dans lequel elles se trouvent: beaucoup ont déjà émigré à l’extérieur, surtout parmi les jeunes, plus mobiles, laissant derrière eux des communautés de plus en
plus désorganisées, isolées, découragées. Ceux qui restent encore, par crainte de l’inconnu ou simplement par
incapacité financière à déménager ailleurs, font de plus en plus pression pour que le gouvernement intervienne afin de
les tirer de cette situation précaire. déjà des pétitions contenant la signature de la totalité des citoyens de certaines
localités, des résolutions adoptées par les conseils municipaux, de nombreuses lettres d’individus intéressés, sont
parvenues à l’O. D. E. Q. au cours des derniers mois: dans l’ensemble le dossier est très explicite: la population s’interroge sur les modalités d’un éventuel transfert de population, elle ne remet jamais en question le principe même de
la relocalisation.
II – OBJECTIF
C’est pourquoi le gouvernement a décidé d’appliquer un programme dont l’objectif est clair: essentiellement, la réintégration de populations marginales dans les circuits économiques de la production et de la consommation; et comme corollaire, la réaffectation de territoires qui coûtent cher de maintien à l’État, à des fins plus économiques parce que plus conformes à leur vocation naturelle.
On postule ici qu’un milieu urbain hospitalier et bien organisé est beaucoup plus propice que les territoires marginaux des « colonies » au développement d’une vie simplement décente pour leurs citoyens. La relocalisation
vise donc à rapprocher les individus à la fois d’un travail effectif ou possible, et de services personnels ou sociaux
qu’ils sont en droit d’attendre dans une société où la consommation est organisée, mais que la distance et la dispersion
géographique ne leur permettent d’atteindre qu’à dose réduite et nettement insuffisante.
Il va de soi que l’opération ne sera pas simple. Mais toutefois, comme processus intégré et minutieux
de reclassement, la relocalisation des populations peut constituer une occasion exceptionnelle de réhabilitation de certains types d’assistés sociaux, solutionner le problème de l’éloignement géographique pour de nombreux pères de famille
qui travaillent souvent plusieurs mois à l’extérieur du foyer, accélérer la consolidation et le développement d’équipement
urbains qui pourront ainsi être mieux utilisés et surtout fournir aux jeunes, particulièrement nombreux dans ces territoires
marginaux, un cadre beaucoup plus propice à leur développement et à leur insertion à part entière dans une société
modernisée.
Pour l’État, enfin, l’opération peut représenter une économie appréciable à court et à moyen terme: outre une assistance sociale possiblement diminuée, les gouvernements peuvent escompter des économies dans la suspension de services quril leur fallait de toute façon dispenser: entretien des routes, construction d’écoles, subventions
aux efforts agricoles, etc…
III – MODALITÉS D’APPLICATION
Nous avons tenu à respecter trois principes de base dans l’élaboration du programme: d’abord,
l’entière liberté des communautés vis-à-vis la décision finale concernant la fermeture ou le maintien de la colonie; ensuite,
l’indemnisation des populations pour les pertes immobilières encourues et les dépenses occasionnées par la relocalisation;
enfin, la conception de l’opération comme processus intégré, devant assurer aux populations déplacées tous les services nécessaires à une intégration sans trop de heurts aux différents points d’arrivée.
a) La liberté dé décision
Le gouvernement agira avec et non contre les populations concernées, il répondra à des demandes
émanant des localités éligibles à l’application de la mesure. Toutes les précautions ont été prises en ce sens: ainsi,
aucune action de fermeture ou de relocalisation ne sera entreprise avant qu’une demande en ce sens n’ait été entérinée par
au moins 50% des chefs de famille et de ménage de la localité concernée. Une fois la demande reçue, la première action,
indispensable et antérieure à toute autre, consiste en la formation d’un comité de citoyens de cinq membres dément mandatés comme représentants de la population et interlocuteurs auprès des responsables de la relocalisation. Ainsi, dès le départ, les populations concernées seront étroitement associées à la programmation et aux modalités de la fermeture du territoire et de la relocalisation. De plus, aucune opération collective de relocalisation ne sera entreprise à moins que 80% des chefs de ménage et de famille impliqués ou leur délégué, ne se soient prononcés par vote en faveur d’une telle opération. Ce vote sera d’ailleurs pris en connaissance de cause: chacun des chefs de ménage et de famille, et chacun des travailleurs de la localité sera informé des montants exacts qui lui seront offerts comme indemnisation pour les biens immobiliers laissés sur place ou pour les dépenses occasionnées par la relocalisation, et cette estimation devra de plus être accompagnée d’un projet de relocalisation du ménage ou de la famille spécifiant le plus précisément possible la localité d’accueil, l’habitation, le mode de subsistance et les services mis à la disposition des candidats à la relocalisation pour une bonne
intégration dans leur nouveau milieu de vie.
Toutes ces mesures, qui pourraient paraître lourdes et tatillonnes à certains, ne visent en fait
qu’un seul objectif: assurer que cette opération délicate que constitue la fermeture d’une localité soit pleinement assumée
par une majorité importante de la population concernée. Nous sommes persuadés que de telles exigences, une fois rencontrées offriront les plus grandes garanties de succès de l’opération de relocalisation.
b) L’indemnisation financière
Il n’est que juste que des populations qui ont investi un effort de plusieurs années et des sommes
relativement importantes dans l’acquisition et l’entretien de biens fonciers soient indemnisées lorsqu’elles consentent à
les laisser derrière elles pour s’inscrire dans un processus de relocalisation. De même, il est normal que l’État les aide
financièrement à absorber les coûts de réinstallation impliqués par le déménagement. C’est pourquoi, nous avons prévu
l’un et l’autre dans le cadre de l’opération.
c) Indemnisation foncière
Le montant-limite fixé par l’Entente générale de Coopération Ottawa-Québec pour le rachat des terres marginales est de $100.00 l’âcre, Il nous faudra respecter cette contrainte. L’évaluation des immeubles sera faite par les fonctionnaires du ministère de l’Agriculture et de la Colonisation pour les biens immobiliers agricoles, aidés à l’occasion par des fonctionnaires du ministère des Terres et forêts pour les biens immobiliers forestiers; des fonctionnaires du ministère de la Voirie feront l’évaluation des autres biens immobiliers. On utilisera pour ce faire la « méthode des données du marché » déjà éprouvée et utilisée par l’Office du Crédit Agricole du Québec. Ainsi, pour leurs immobilisations agricoles, les propriétaires
fonciers recevront le prix de vente d’une ferme de type comparable (quant à la superficie totale, la superficie en culture, la valeur du boisé, la qualité du sol, les dimensions, la valeur et la condition des bâtisses, etc… ) située dans la
zone agricole la plus rapprochée. À cette fin, il s’agira de rechercher et d’étudier dans ces zones agricoles, des ventes
de date récente et de valeurs comparables. Cette méthode comparative favorisera, nous le réalisons bien, les
cultivateurs des paroisses marginales, puisqu’à proprement parler, leurs propriétés n’ont aucune valeur de rachat. Mais
nous croyons que les prix ainsi obtenus constituent une compensation minimum pour le travail investi.
Quant aux immeubles des non-cultivateurs, ils seront évalués à leur valeur réelle.
2) Deux types d’aide à la relocalisation
Aux fins d’indemniser les individus pour les frais encourus par la relocalisation, deux types
d’allocations ont déjà été prévus. L’une pouvant aller jusqu’à concurrence de $2,400,00 et l’autre plafonnée à $1,000.00;
toutes deux soumises à des conditions d’éligibilité précises dont les principaux éléments sont le lieu de destination des
candidats à la relocalisation, le nombre de leurs dépendants et le caractère collectif ou individuel de la relocalisation.
En fait, l’allocation de $2,400,00 progressive selon le nombre de personnes à charge, vise essentiellement,
d’une part à stimuler et à accélérer le processus d’urbanisation déjà amorcé dans la Région de l’Est du Québec, et
d’autre part à favoriser la rationalisation des activités économiques basées sur l’exploitation des ressources régionales. Elle sera versée à ceux qui, dans le cadre d’une opération collective, auront choisi comme nouveau lieu de résidence
dans la région, l’un ou l’autre des dix-sept centres désignés comme lieux privilégiés de l’urbanisation, également
à ceux qui s’orienteront vers des centres à vocation particulière (Mont Saint-Pierre, Percé, Rivière-au-Renard) pour
y exercer une activité directement reliée à cette vocation.
Des conditions similaires sont attachées à ceux qui quittent la région pour d’autres cieux. L’allocation de $1,000.00 uniforme pour tous ( à l’exception des personnes seules qui n’auront que $500.00), sera attribuée à ceux qui n’auront pas rempli l’une ou l’autre des conditions attachées à la subvention de $2,400.00.
De telles compensations monétaires devraient largement contribuer, croyons-nous à faire lever de
nombreux obstacles à la relocalisation, notamment l’attachement à des biens modestes mais difficilement acquis au prix
d’efforts considérables, et la crainte d’un avenir d’autant plus incertain qu’aucune économie ne peut être utilisée pour
parer à des éventualités que l’on aurait mal prévues,
c) La relocalisation comme processus intégré. La fermeture de territoires marginaux constituerait une opération relativement simple si elle se résumait à un programme de rachat des terres et de réaffectation des sols à des usages plus rationnels. conçue comme un cadre général d’opération visant la revalorisation de l’élément
humain qui y vit, elle pose des problèmes extrêmement complexes.
C’est pourquoi elle doit prendre la forme d’un processus intégré visant à solutionner non seulement les problèmes
de sortie, de départ, mais également les problèmes d’entrée, d’insertion, d’intégration dans un nouveau cadre de vie;
un tel cadre d’action implique, on le soupçonne, l’intervention concertée et cohérente de nombreux agents, gouvernementaux
ou autres.
La formation des équipes de développement social, regroupant dans un effort soutenu au niveau local les représentants des ministères dits « sociaux (Éducation, Santé, Famille et Bien-Être Social, Travail), nous apparaît comme une solution valable à ces problèmes de coordination. Ces équipes seront les principaux artisans de l’ensemble des opérations impliquées par la relocalisation: recensement des populations concernées, calcul des indemnisations d’aide à la relocalisation, évaluation des aptitudes et des projets de chaque cellule familiale, de chaque individu apte au travail, établissement dans certains cas de
programme de recyclage scolaire et professionnel pour faciliter l’accès aux nouveaux marchés de travail, recherche de
débouchés pour les nouveaux arrivants, préparation avant le départ aux us et coutumes du nouveau milieu de vie, place
ment des invalides en institutions spécialisées si nécessaire, solution des problèmes d’habitation en collaboration avec les
organismes concernés, autant d’opérations toutes aussi importantes les unes que les autres et qui devront être coordonnées
par les équipes de développement social, sous l’inspiration des fonctionnaires de 1’0. D. E. Q. et en particulier, des
agents de développement social.
Pour bien s’assurer que le cas de chaque famille ou ménage aura été examiné avec soin, la décision
du Conseil des ministres prévoit qu’aucune action de relocalisation ne sera entreprise, et qu’aucune somme d’argent
ne sera versée à un candidat à la relocalisation, avant qu’une entente n’ait été signée entre le candidat et l’État. Cette entente devra établir, entre autre, le montant exact des allocations prévues, les modalités de versement de ces allocations,
la nouvelle localité de résidence et la future adresse du candidat, la nature du travail ou à défaut le mode de subsistance
prévu, s’il y a lieu, la nature du programme de recyclage scolaire et professionnel de même que les objectifs
visés par ces études, enfin s’il y a lieu, une attestation de l’inscription du candidat aux différents services (Centres
de Main-d’œuvre, Agences de Service social) susceptibles de lui être de quelque secours, une fois engagé dans l’opération de relocalisation.
Cet effort de coordination représenté par les actions des équipes de développement social sera
également facilité par l’établissement de nouvelles tâches confiées à des fonctionnaires d’un type nouveau: des agents
d’accueil, localisés dans les nouveaux lieux de résidence, en particulier dans les centres désignés comme éléments du réseau
urbain régional, s’occuperont de la réception des nouveaux arrivants, et leur faciliteront l’intégration dans leur
nouveau milieu de vie. Également des agents de valorisation sociale prendront en charge les cas jugés difficiles et tenteront
en particulier d’insuffler un nouveau dynamisme à certains types d’assistés sociaux qui, stimulés et encouragés,
pourraient éventuellement, dans le cadre de programmes spéciaux de travail, redevenir des membres actifs de la
société.
Tout ce programme de mobilité et de mobilisation de population a d’autant plus de chance de réussir qu’on le fixe à l’intérieur de périodes de temps limitées. Il faut éviter ici la précipitation, mais également l’étiolement des énergies par d’inutiles traînées en longueur. C’est pourquoi nous avons fixé certains délais à la
durée de chaque expérience locale: aucune d’elle ne devra déborder les trente mois qui suivent la demande formelle
d’étude d’un projet de relocalisation entériné par 50% des chefs de famille et de ménage; de même la période prévue
entre le vote favorable de 80% des chefs de famille et de ménage et le départ du dernier résident est de dix-huit mois.
Dans le cas de conflit entre ces deux échéances, c’est celle de trente mois qui aura priorité. Ces échéances écoulées, ceux qui n’auront pas déménagé ne pourront plus se prévaloir des sommes d’argent offertes en guise d’indemnisation
foncière et de support à la relocalisation. Nous croyons, de cette façon, stimuler le processus de décision de la population
sur l’avenir de la localité, et favoriser l’établissement de procédures rapides du côté des responsables de la relocalisation,
tout en respectant parfaitement un rythme de transfert de population qui soit réaliste. Il est bien évident que
les trois cent cinquante familles impliquées dans l’opération ne déménageront pas demain; tout au plus, estimons-nous
que de cinquante à soixante-quinze familles exécuteront leur projet avant l’hiver; mais une fois les décisions prises
par les populations concernées, nous sommes convaincus qu’elles voudront que le transfert s’effectue promptement.
IV – EN GUISE DE CONCLUSION
Rappelons ici, Gaspésiens, que ce programme de relocalisation de population a été long à
venir, qu’il s’est fait durement attendre, en particulier dans certains secteurs de la population les plus directement
concernés, qui ont trop longtemps souffert de l’insécurité dans laquelle les mettait l’absence de décision concernant
l’avenir de leur localité. Le caractère éminemment complexe d’une telle opération, le nombre considérable d’agents
impliqués dans le processus et la nécessité de les mettre d’accord avant de commencer à agir, peuvent expliquer en partie les délais apportés à l’établissement du cadre d’opération. Ces délais auront peut-être eu un avantage, malgré tout: celui de sensibiliser tous les impliqués, de leur faire prendre conscience de l’urgence du problème et des solutions à y apporter. déjà, je l’ai mentionné plus haut nombreux sont les résidents des localités qui ont écrit pour faire pression sur l’O. D. E. Q. ; des pétitions de citoyens sont aussi parvenues de même que des résolutions de municipalités; les autorités religieuses des deux diocèses de la région ont également accordé leur appui au projet, détachant même un curé de ses devoirs coutumiers pour le mettre à la disposition des responsables de la relocalisation; enfin, les ministères les plus directement impliqués dans
le processus ont également eu l’occasion de discuter et de préciser les modes d’approche les plus susceptibles d’accélérer les actions à entreprendre. Tout le monde est suffisamment préparé: c’est peut-être là le meilleur gage du succès de cette expérience, la première du genre à être entreprise ici, au Québec.
Soulignons, enfin, que cette opération s’inscrit particulièrement dans le cadre du Plan de
Développement de l’Est du Québec, et des objectifs qu’il vise; elle concourt en effet à la rationalisation non seulement
dans l’exploitation des ressources physiques, mais également dans l’occupation de l’espace régional, en accélérant
les tendances à l’urbanisation du territoire; sur tout, elle vise à la revalorisation de l’élément humain, et peut être considéré, de ce point de vue, comme un des programmes importants mis en œuvre dans le secteur du développement social.
On peut très bien concevoir que si l’application d’une telle mesure s’avère un succès à
l’intérieur du cadre géographique restreint auquel nous l’avons volontairement limité, dans une première étape
de rodage des mécanismes administratifs, on pourra l’étendre assez rapidement à d’autres localités partageant
actuellement le même sort que celles qui font l’objet de la présente opération.
<Masse19690923>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION COLLECTIVE Avec le Collège d’enseignement général et professionnel de Saint-Hyacinthe et le gouvernement
À LA SALLE DU CONSEIL DES MINISTRES Québec, le 23 septembre 1969>
Messieurs,
Il me fait plaisir de signer aujourd’hui au nom du gouvernement du Québec cette convention collective
entre les administrateurs du Collège d’enseignement général et professionnel de Saint-Hyacinthe, le gouvernement et
le syndicat représentant les enseignants de ce Collège.
Cette convention, une des dernières à être signée dans la présente ronde de négociations entre le
gouvernement et les Collèges d’enseignement général et professionnel et des syndicats d’enseignants affiliés à la
C. S. N., est conforme aux politiques d’éducation et de traitement appliquées dans les autres conventions collectives
de travail.
Cette entente entre les deux parties a voulu répondre, dans la mesure du possible, aux exigences
de chacun des groupes en présence. Des mécanismes de consultation ont été prévus pour permettre à l’enseignant d’exprimer
son point de vue sur toute matière à caractère pédagogique, administratif et contractuel. Une échelle de traitement
basée sur la scolarité et l’expérience procurera aux enseignants des revenus compatibles avec la politique de traitement
du gouvernement et favorablement comparable à ce qui existe ailleurs.
Cette première convention que nous signons aujourd’hui, n’est en fait qu’une première étape dans les relations de travail entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel de Saint-Hyacinthe partie à cette convention, les administrateurs du Collège et le gouvernement. Nous sommes conscients que de part et
d’autre des améliorations seront désirées, mais nous savons tous que d’autres négociations et d’autres conventions suivront.
Nous souhaitons qu’alors un climat semblable à celui qui a permis cette entente régnera et que
nous pourrons à nouveau féliciter les négociateurs des deux groupes de leur compréhension et de leur sens des réalités.
<Masse19691006>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DU DINER AVEC LA MISSION FRANCO-BELGE
D’HISTORIENS-GÉOGRAPHES AU RESTAURANT « LA CHAUMIÈRE » Québec, le 6 octobre 1969>
Mesdames, Messieurs,
C’est à la fois à titre de ministre des Affaires intergouvernementales et professeur d’histoire que je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce soir.
Le ministère des Affaires intergouvernementales attache beaucoup d’importance à vos travaux.
Contribuer à la naissance d’une Association internationale d’historiens et de géographes de langue française
est en effet un geste riche de conséquences pour l’avenir de la francophonie. Ne vous appartient-il pas en tant
que géographes de situer et de présenter les diverses communautés francophones et en tant qu’historiens de les
expliquer. Vos travaux sont en somme indispensables à la définition même de la francophonie.
Nous pouvons envisager que votre association provoquera une prise de conscience qui nous
sera salutaire. Non seulement historiens et géographes de langue française apprendront à se mieux connaître, mais
ils contribueront aussi à mieux faire connaître leur pays respectif. Il est à espérer en particulier que les programmes
d’étude des pays concernés traiteront – grâce aux divers échanges à prévoir – avec plus de justesse du monde
francophone. Je ne vous étonnerai pas en souhaitant, par exemple, que l’Amérique française soit bien présentée et peut-être même mieux connue.
Dans cette perspective, vous me permettrez, je l’espère, de redevenir quelques instants professeur d’histoire et de vous brosser à grands traits un tableau des origines des français d’Amérique du Nord.
Bien sûr, il faut tout d’abord mentionner Jacques-Cartier, arrivée sur les bords du Saint-Laurent en 1534. Vous le savez, c’est cependant avec Samuel de Champlain – dont nous fêterons l’an prochain le 400e anniversaire de naissance – que débute réellement la colonisation française sur notre territoire. Il s’est écoulé 75 ans entre Cartier et Champlain, preuve que le territoire découvert intéressait peu la France ou encore que celle-ci avait plus à faire ailleurs, en Europe en particulier.
Les débuts de Québec sont modestes. 28 habitants en 1608. Au même moment, les Anglais – au nombre de 210 – s’installent à Jamestown, dans l’actuel État de la Virginie. La culture du tabac favorise le développement de cette colonie et sa population réalisera de rapides progrès.
En Nouvelle-France, rien de tel. En fait, seules les fourrures attirent vraiment les Européens et encore la traite des fourrures invite-t-elle à la dispersion. Ce sera d’ailleurs la marque de la Nouvelle-France de chercher à prendre les dimensions d’un continent. Pourtant ce continent est immense et pendant 150 ans, soit jusqu’à 1760, les deux systèmes coloniaux – l’un issu de la France, l’autre de l’Angleterre – pourront se développer sans se heurter trop gravement.
Mais le choc final est inévitable. dès 1629, un premier affrontement s’était produit. Québec
se rendait à des pirates anglais lesquels, par surcroît, étaient de souche française. La France recouvre pourtant
son territoire en 1632. C’est l’occasion d’un nouveau départ. Pendant trois générations l’Anglais se tiendra à distance:
il arme plutôt l’Iroquois qui harcèle sans cesse la colonie française. En 1690, l’Anglais se montre et tente
même de gagner Québec. La flotte de Phipps doit cependant rebrousser chemin. Quelques années plus tard,
la guerre de succession d’Espagne permettra enfin à l’Angleterre de commencer le démembrement de la Nouvelle-France. Cette dernière, sans avoir perdu un seul combat en Amérique, laisse aller Terre-Neuve, l’Acadie,
la Baie d’Hudson et surtout se voit dans l’obligation de tolérer la présence anglaise dans le centre ouest du continent.
La Nouvelle-France se trouve coupée en deux: le Canada au nord, soit la vallée du Saint-Laurent et la Louisiane au sud.
Pour les Canadiens, le traité d’Utrecht de 1713 annonçait le traité de Paris de 1763.
La guerre de sept ans allait permettre l’assaut final. Cette fois les deux systèmes coloniaux – anglais
et français – se font face. L’un compte 1,610,000 habitants, l’autre à peine 70,000, Tandis que les français ont peu émigré – il n’avaient guère de raison de le faire – les Anglais ont cherché par milliers refuge dans les colonies.
Ils l’ont fait à l’occasion des révolutions de 1648 et de 1688 avec Cromwell et Guillaume d’Orange. Les treize
colonies naissent successivement de ces luttes intérieures de l’Angleterre. Il est d’ailleurs significatif de voir se former
treize colonies anglaises à côté d’une Nouvelle-France.
Malgré tout, ces treize colonies procèdent d’une même métropole – elles en sont en quelque sorte la projection en Amérique – et il en est découlé, en 1760, un système colonial assez fort pour effacer de l’Amérique la présence française.
Avec 1763, l’Amérique du Nord est donc devenue anglaise. Il n’y aura plus de colonisation française, il n’y a plus de Nouvelle-France, Il reste bien quelque 65,000 colons français: vestige d’une colonisation française qui a échouée. Us survivront d’ailleurs dans cette nouvelle colonie acquise par l’Angleterre, la 14e – qu’on appellera la colonie de Québec ou la province de Québec.
Tels les Hollandais de New York, eux-mêmes vaincus vers 1660, les français de Québec auraient pu être assimilés. Pourquoi ont-ils survécu? On a longtemps parlé du miracle de la survivance. Le rythme d’accroissement de la population canadienne-française est même devenu légendaire. Qu’en est-il exactement?
Retenons d’abord que ce noyau de population est homogène et contenu dans un territoire, somme toute, assez restreint, soit principalement sur les deux rives du Saint-Laurent entre Québec et Montréal. De plus, cette population est isolée et le restera longtemps. 500,000 milles de forêt la séparent de New-York. Enfin, l’Église demeure un lien organique et un lieu de ralliement.
La révolution américaine qui éclate vers 1775 oblige l’Angleterre à des compromis pour ne pas s’aliéner la population de la province de Québec, sa nouvelle colonie. Une suite de concessions amène l’Angleterre à y reconnaître officiellement l’existence d’une population française et catholique.
Au lendemain de 1783, avec la victoire des indépendantistes américains, on se retrouve en présence de deux Amériques, l’une républicaine, les États-Unis et l’autre loyaliste, le futur Canada. Les Canadiens français se retrouvent donc dans cette partie de l’Amérique du Nord qui a choisi de demeurer britannique. Ils y reçoivent d’ailleurs comme premiers compatriotes les loyalistes américains qui préfèrent l’exil à la république. Ces derniers seront plus de 30,000 à gagner l’Amérique britannique du Nord. Ils s’installeront surtout dans les provinces maritimes et dans le Haut-Saint-Laurent, future province d’Ontario.
Ces événements des années 1775-1783 sont très importants pour bien comprendre l’histoire de notre pays. La principale façon, sinon la seule pour le Canada de se définir vis-à-vis des États-Unis, ce fut longtemps par une fidélité à l’Angleterre: d’où en particulier, cette reine que nous partageons toujours avec la Grande-Bretagne.
Cependant, dans ce Canada, devenu colonie anglaise en 1763, et qui plus est colonie loyaliste en
1783, un problème fondamental subsistait pour le conquérant. Cette colonie anglaise est peuplée principalement de
colons d’origine française. Cette question va devenir pendant plusieurs générations le point névralgique de la politique
canadienne.
50 ans après la conquête anglaise, soit vers 1810, les représentants de Londres constatent que l’Amérique britannique du Nord demeure peuplée d’une majorité de Canadiens français. Bien plus, plutôt que de retenir
sous un même gouvernement les diverses parties de ses possessions nord-américaines, l’Angleterre les a morcelées
en plusieurs gouvernements – sans doute pour régner plus facilement… – Ainsi trouve-t-on côte à côte: Terre-
Neuve, le Cap Breton, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Haut-Canada et le Bas-Canada.
Aussi vers 1810 un mouvement contraire s’amorce dans la colonie. Plusieurs Anglais se disent
chauds partisans d’une réunion des colonies anglaises, à commencer par le Haut et le Bas-Canada, c’est-à-dire
les provinces de l’Ontario et de Québec. Le but avoué: donner à l’élément anglais, par une représentation faussée
si nécessaire, une majorité à la Chambre d’Assemblée.
Ce mouvement unioniste triomphera en partie en 1840 avec l’union du Haut et du Bas-Canada et
de fait, en 1867, avec la fédération des quatre principales provinces: le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et
la Nouvelle-Écosse.
Le problème n’était pas que national d’ailleurs. Il s’agissait aussi de déterminer les pouvoirs réels des élus du peuple. Ces luttes à la fois politiques et nationales devaient aboutir à la rébellion de 1837-38 qui, dans le Bas-Canada, c’est-à-dire l’actuelle province de Québec, sera réprimée durement.
A partir de 1840 donc, une majorité est assurée à l’élément anglais, de telle sorte que l’on peut sans crainte accorder la responsabilité ministérielle.
En fait, l’important pour l’élément anglais c’était d’avoir la majorité: d’abord au gouvernement et
par la suite dans la population. Voilà d’ailleurs l’essentiel de l’histoire du Canada depuis 1760: « faire du Canada un
pays anglais par le fait comme il l’est de nom . Au lendemain de la conquête, la proportion des Canadiens français
au Canada est de près de 99%; vers 1800 peut-être de 75%; vers 1840 – au moment de l’union des deux Canadas –
d’environ 45%; à l’époque de la Confédération de 35%. Actuellement on évalue la proportion des Canadiens français
à 28% et on prévoit que d’ici la fin du siècle elle sera d’environ 20% ou 18%.
Évidemment cette régression peut inquiéter. Sommes-nous engagés dans la voie de la disparition?
Pour être complet et ramener un peu d’optimisme, il faut dire que la proportion des Canadiens français par
rapport à l’ensemble de la population nord-américaine n’a guère chargé depuis deux siècles. Par exemple, en 1867,
les Canadiens français du Québec sont environ 1,000,000 par rapport à 40,000,000 d’anglophones en Amérique du
Nord, soit 2. 5%. Aujourd’hui, ils sont d’environ 5,000,000 pour 200,000,000 soit toujours 2. 5%.
Dans le Québec même, les Canadiens français ont progressé. En 1867, ils étaient environ 75% et
maintenant ils sont un peu plus de 80%. Donc au Québec les Canadiens français constituent la majorité et malgré une
baisse du taux de natalité ajoutée à une immigration qui favorise l’élément anglophone, leur position demeure assez
stable.
C’est par rapport à l’ensemble du Canada que la situation est critique. Comme nous l’avons
souligné ils y sont de plus en plus minoritaires. Si le Québec est un peu plus francophone, il faut en déduire que le
reste du Canada l’est un peu moins. Le plus bel exemple serait sans doute le Manitoba. Les Québécois se consolent
toutefois en se disant qu’être minoritaires à 45, 30 ou 20%, dans l’ensemble du Canada, ça change peu de chose. De
toute façon, ils se sont tournés de plus en plus résolument vers le Gouvernement du Québec.
Déjà la constitution fédérale de 1867 reconnaît aux gouvernements provinciaux, dont l’État du Québec, un certain nombre de pouvoirs qui ont pris de plus en plus d’importance. C’est le cas de l’éducation par exemple.
Le Québec est jaloux de ses compétences et entend les exercer non seulement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur,
n entend fixer lui-même l’ensemble de sa politique dans les sphères qui sont de sa juridiction.
Bien entendu, nous sommes entrés dans une ère d’interdépendance: il n’est pas question, pas plus ici qu’ailleurs, de rechercher une forme d’isolement ou de repli sur soi. Bien au contraire, la collectivité québécoise
– contrairement d’ailleurs au Canada anglais – se sent différente de toute autre collectivité et se sait^distincte
aussi. Il est inévitable qu’une volonté d’agir s’ensuive.
En somme, le peuple québécois désire ni plus ni moins que la possibilité d’agir selon son être propre, selon son
génie propre. C’est d’ailleurs la condition de son progrès, de la réalisation comme peuple, comme collectivité (distincte et autonome).
<Masse19691010>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA
CONVENTION COLLECTIVE Avec le Collège d’enseignement général et professionnel de
Joliette et le Gouvernement À LA SALLE DU CONSEIL DES MINISTRES Québec, le 10 octobre 1969>
Je suis heureux, à titre de ministre délégué à la Fonction publique, de procéder au nom du gouvernement du Québec, à la signature de cette première convention collective entre le gouvernement, les administrateurs du Collège d’enseignement général et professionnel de Joliette et le syndicat représentant les enseignants de ce Collège.
Les débats qui ont abouti sur une entente valable pour les deux parties n’ont certainement pas été faciles, ni de tout repos, mais le résultat n’en est pas moins appréciable.
Toutefois, conforme aux politiques d’éducation et de traitement du gouvernement, cette entente se doit de répondre aux exigences de chacun des groupes en présence.
Des mécanismes de consultation sont prévus pour permettre à l’enseignant d’exprimer son point de vue sur toute matière à caractère pédagogique, administratif et contractuel.
Nous signons avec vous, aujourd’hui, une première convention qui n’est en fait que l’étape servant de base à l’établissement de relations de travail entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel de Joliette d’une part, les administrateurs de cette institution d’autre part.
Nous savons tous que les textes ne peuvent pas pressentir ce qui est imprévisible dans un domaine qui est en pleine révolution, mais d’autres négociations et d’autres conventions apporteront les correctifs que les parties en cause jugeront nécessaires pour répondre aux problèmes qui surviendront.
Nous souhaitons qu’un climat d’entente régnera pendant toute la durée de cette convention et que lors de la reprise des prochaines négociations, les deux groupes pourront se rencontrer dans une atmosphère de cordialité et de compréhension, conscients de leur sens des réalités.
<Masse19691010b>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION COLLECTIVE Avec le Collège d’enseignement général et professionnel d’Ahuntsic et le gouvernement
À LA SALLE DU CONSEIL DES MINISTRES Québec, le 10 octobre 1969>
Je suis heureux de signer, au nom du gouvernement du Québec, la première convention collective
entre le gouvernement, les administrateurs du Collège d’enseignement général et professionnel d’Ahuntsic et le
syndicat représentant les enseignants de ce Collège.
Les négociations qui aboutissent aujourd’hui par la signature d’une entente valable ont certainement été difficiles par certains moments.
Je suis toutefois convaincu que la maturité des interlocuteurs et leur compréhension ont permis un dialogue fructueux et une entente raisonnable.
Il était à prévoir que les négociations seraient longues et ardues, surtout dans un domaine aussi complexe que celui qui met en cause l’avenir des jeunes Québécois.
Les idées qui devaient être mises sur papier ne pouvaient pas se traduire par des textes irréfléchis et comme c’était une première convention, tout était à bâtir.
Cependant, cette entente se devait de répondre, dans la mesure du possible, aux exigences de chacun des groupes en présence.
Des mécanismes de consultation sont prévus pour permettre à l’enseignant d’exprimer son point de vue sur toute matière à caractère pédagogique, administratif et contractuel.
L’échelle de traitement, qui est établie selon la scolarité et l’expérience de chacun, procurera aux enseignants des revenus compatibles avec la politique salariale du gouvernement et favorablement comparable à ce qui existe ailleurs.
Nous signons avec vous une première convention qui n’est en fait que l’étape de base à l’établissement de relations de travail entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel d’Ahuntsic d’une part, les administrateurs de cette institution et le gouvernement d’autre part.
Nous sommes conscients que de part et d’autres des améliorations seront désirées, mais d’autres négociations et d’autres conventions viendront apporter les correctifs qui s’imposeront.
Nous souhaitons que le climat d’entente qui a régné tout au cours de ces négociations se prolongera
et qu’à la reprise des prochaines négociations, les deux groupes pourront se rencontrer dans une atmosphère de cordialité et de compréhension.
<TEXT OF ADDRESS BY MR MARCEL MASSE TO THE QUEBEC ASSOCIATION OF PROTESTANT SCHOOL BOARDS AT WINDSOR HOTEL Montreal, October 17, 1969
Mr Chairman, Ladies and Gentlemen,
Since I had the pleasure of accepting your kind invitation to address this gathering – more than
three months ago – the Prime Minister of Quebec has placed me in charge of the Intergovernmental Affairs Department.
I find it a rather heavy responsibility, but I am glad that I accepted because it offers a fascinating, if complex, field
of action. More than any other, this department has a direct part to play in presently redefining Quebec. In fact, this is
now its fundamental task, carried out at home by the Federal-Provincial and Interprovincial Relations Branch, and abroad
by the International Relations BrancIl and the Services for Cooperation witIl other governments.
Accordingly, this is the department charged witIl constitutional negotiations and also witIl the
immediate preparation for federal-provincial conferences.
Does the fact of having assumed responsibility for the Intergovernmental Affairs portfolio somehow
turn me into an expert on the subject of whicIl I am to address you this evening ? Have I suddenly become an authority qua-
lifed to speak on every aspect of « Quebec and Canada Today »?
In all sincerity, I do not think so. It would be presumptuous indeed for anyone to claim to have
definitive answers to all the questions whicIl come to mind in reflecting on Quebec’s future. EacIl of us may have his
preferences as to what that future should be, but nobody can validly propose any simple, magic formula for solving the
problems of orientation witIl whicIl Quebec will have to cope in the years immediately ahead. There are solutions, of
course. If there were none, the situation would be desperate.
However, the possible solutions must be more thoroughly explored to ensure that eacIl element is part of a coherent
whole, and this is one of the assignments of the department for whicIl I bear responsibility.
However, it is important that solutions be found without undue delay. It is surely no secret that our
people, and particularly our youth, are beginning to show signs of impatience. Also, there is an increasing tendency among members of older generations to question the use fulness of constitutional talks and federal-provincial meetings.
Personally, I feel it is a mistake to lose patience. Tremendous strides have been taken in the past few years, as a new
awareness has grown up among Quebekers.
One need only think back to the passiveness so characteristic of us a few short years ago, even witIl
respect to problems whicIl affected us directly, or reflect on the modest part our citizens took in solving their own
difficulties. This type of concern rarely extended beyond the bounds of a sort of traditional elite whicIl did not have
the strengtIl to undertake any major action.
Now, hardly a day goes by without a stand being taken on some leading issue by an association,
a political party, a trade union federation or a group of businessmen.
Leaf througIl any newspaper and you will see the many opinions expressed on sucIl subjects as Quebec’s place
in Canada, language questions, Quebec’s role on the international scene, her functions as a state, the divisions of
powers between the federal and Quebec governments, and a host of other topics. This phenomenon has taken on a
completely new dimension. To employ a popular expression, Quebec’s future has now become everybody’s business.
This is the way it should be. The major decisions affecting our people can no longer be taken
behind closed doors by a select few, representing mainly political, financial and managerial interests. The formulation
of constitutional and other policies will naturally be made more difficult by the fact that more people are and will become more involved in the process. But in my view this is preferable to a lack of interest whicIl would show that our population is not mature enougIl to take control of its own destiny.
But the growing awareness to whicIl I just alluded was accompanied by another new development: Que-
bekers have become more self-reliant. As recently as ten years ago, they gave little if any evidence of sucIl conficence
in their own ability. I take this as an interesting and encouraging sign, because the first requisite for the self-assertion
of a people is that it be convinced of its power to assert itself.
Of course this does not mean that Quebec citizens have be come confident to the point of rashness: in fact, they still
have not fully overcome certain artificial fears whicIl hampered their action of years, even for generations. In this
respect at least, we are moving in the right direction.
However, new obstacles keep cropping up in our path. Whereas our birtIl rate used to be sucIl that
population growtIl from this source enabled us not only to survive but to offset the increase from immigration whicIl
we now know to have worked to our great disadvantage, from the numerical standpoint, the present birtIl rate in Quebec
is lower than that for Canada as a whole. The result has been a sense of insecurity whicIl is easy to understand, particularly when one considers that the five million French-speaking citizens of Quebec are surrounded by the two hundred
and twenty million people in NortIl America who use English.
For generations, we lived on the land, largely cut off from the surging mainstream of urban life.
This isolation enabled us to keep our culture almost intact and adhere to our traditional ways of thinking. Our window
on the world was on the small side but we had complete control over the view. Today, most of our people live in
cities, where the population continues to mount. In this setting, they have had to withstand what might be termed the
onslaught of North American civilization. In the old days, lack of communications witIl the outside world kept us
remote from a good many questions, problems and concerns not immediately connected witIl our environment. Now all
this has changed, as television, radio, magazines, newspapers and publications of all sort, travel and contact at home
and abroad witIl people holding different opinions have brought us into close toucIl witIl other cultures. Without turning our
back on our origins, we have become quite unlike our traditional image as an inwardlooking people, somewhat cautious
and conservative by nature, and prone to seek guidance in the time-tested values of the past rather than in the less certain
promises of the future. Anyway most people were convinced that the future was in the firm grip of an elite witIl whom they had nothing in common.
We used to be taught that material wealth was secondary in importance and should be subordinated to
spiritual, intellectual or cultural pursuits by any Quebeker who cared about his culture and traditions. Today, we all
know full well that power is what counts in the modern world, above all, that economic power in whicIl we are at times so
tragically lacking, and whicIl can only be obtained by recourse to political and cultural forces. Otherwise, why maintain a
Canada facing the United States ?
To round out this brief outline of the rapid evolution of whicIl Quebekers have botIl witnesses and subjects,
let me add that the changes affecting language and religion have been just as sweeping. In matters of religion, our former
unanimity, that sort of monolithism whicIl so characterized us that we were known as « the most Catholic p?ople on earth »,
has disappeared. As for language, you are as aware as I am that it has become a source of major concern in Quebec, especially in Montreal. À few years, or even a few months ago, if anyone claimed that the FrencIl language was in danger
in Montreal, the second largest FrencIl city in the world, the reaction would have been amusement and disbelief. Today,
an impressive number of people take this peril seriously.
To me, this is still another indication of the new awareness to whicIl I alluded earlier. We are now alert to the language
problem, whereas few people used to give it a thought.
You are probably wondering what all this has to do witIl the subject of my talk: « Quebec and Canada
today ». I began by saying that Quebekers have come through a period of soul-searching and that in their new awareness
they were more confident in themselves than at any time in their history. I also mentioned a number of problems, some
of whicIl can be considered worrisome indeed, and which developed out of Quebec’s recent evolution. All this way
seem contradictory. In fact, there is an apparent contradiction between what we once were, what we have become and
what we want to be.
Everyone knows what we used to be: a quiet people, clinging to tradition and our past, concerned
witIl safeguarding our time-honoured cultural values, living in a rural environment, deeply religious, in some ways
hard-headed but resigned at the same time.
A good many persons now see what we have become as a result of the social-economic change whicIl
has taken place in the last few years. We are now primarily an urban people, conscious of forming a distinct entity in
Canada, concerned for our language, convinced that we have a great many shortages to make up, but at the same time
certain that we have within ourselves untapped stores of energy and inventiveness. The people of Quebec are aware
of their individuality; they feel different and they want their collective action to reflect that difference.
However, there are still very few Quebec watchers who know what we want.
Any attempt to answer the question « What do we want to become ? » raises the mucIl broader question
of the relations whicIl should exist between Quebec and the rest of Canada, for the future of Quebekers simply cannot
be dissociated from that of Quebec as a political entity. As you are aware, Quebec differs from the other Canadian provinces
in that it is the heartland and mainstay of French Canada. Only in Quebec is there a true French-speaking
society, complete witIl its own history, its own institutions, its own political structures and its own aspirations. If
Quebec did not have a French-speaking society constituting a majority, there would be no FrencIl Canada. This is a
sociological and demographic reality whicIl cannot be denied.
That society, and in this sense it can properly
be called a nation, is now endeavouring to provide itself
witIl the instruments still needed in order to assert itself. In
the past few years, it has required its government to take
specific action in the administrative, economic and cultural
fields, as well as in Éducation. Positions taken by the Quebec
Government, particularly those headed by Mr Johnson and
Mr Bertrand, were instrumental in setting in motion the
process of constitutional review. Not many years ago, very
few people believed a day would come when every government
in the country would set out to reconsider the present constitutional system; that review is now in progress. Finally,
acting within the limits of its present powers, the Quebec Government took certain initiatives in the international sphere
because they had become essential as outgrowths of our earlier struggles to ensure the survival of the FrencIl language.
All the steps whicIl I have just mentioned are part of an effort being made within the existing constitutional
framework. But this is not all. The constitutional review now in progress will soon lead to a thorougIl discussion
of the distribution of powers between the federal and provincial governments. In this connection, Quebec has already
made known in broad outline those powers to whicIl she feels she must have clear title under the new constitution in order
to help Quebec society to come into its own and give its government the means of becoming not merely a provincial
administration, but the powerful and effective government of a modern state.
Quebec is asking for the powers she feels are necessary for herself, and witIl intention of exercising
them. If the governments of all the other provinces should want identical powers, that would be perfectly agreeable to
Quebec. However, in case a province does not want to assume them, our constitutional proposals provide for delegating
the administration of sucIl powers to the central government. In short, we are not trying to oblige eacIl and every province
in Canada, whose needs and objectives will not necessarily be the same as ours, to take on all the responsibilities and
functions whicIl we feel are essential in building Quebec and the future of our community.
Viewed in this light, it becomes obvious that the relationship whicIl will result between Quebec and
the rest of Canada, as between Quebec and the federal government,
will largely depend on the attitude eventually taken by
the other provinces on this important question of the distribution
of powers. This explains why the subject has sucIl great
significance for us. We realize that the way in whicIl powers
are divided between Quebec and the central government, and
between that government and the other provinces, will in
fact determine the status of Quebec in the Canada of tomorrow or, if you prefer, Quebec’s place in the world.
Our position is clear. For historic and sociological reasons, we are seeking to establisIl in the
country a highly decentralized organization for government.
We have no desire to force any province to take the same
attitude as we do. However, we know what we need now and
what we shall need in the future. Our policies are formulated
witIl these needs in mind. Admittedly, their inner logic –
I would even say their coherence – is not always easily
grasped. MucIl of the difficulty is attributable of the many
superficial interprÉtations placed on these policies from time
to time in certain circles, whether in good faitIl or otherwise.
Even so, as French-speaking Quebekers, we are acting out of a genuine and unshakable conviction
transcending mere partisan politics and rooted in something which, for us, is essential, normal and vital: the will to
assert ourselves as a people, as a society.
The task before us is not and will not be an easy one. To some it may even seem impossible. However,
we are confident because we are counting botIl on ourselves
and on our English-speaking fellow countrymen.
I would like all those listening to me this evening to know that our action, today, as yesterday and tomorrow,
is not directed against anyone at all. You should make an effort to understand that we cannot act otherwise and that if
you were in our place you would do exactly what we are doing.
I am not making an appeal for « bonne entente » as we used to understand the term. I have in mind
something mucIl more profound: acceptance of a Quebec
resolved to take full responsibility for her own destiny, and
whicIl in this respect is no different from every other people
in the world that feels the need to be itself and to have the
means required to do so.
We would like this evolution to take place in peace and understanding. We do not want to destroy but to
build. Every person who shares this motivation is our ally. The Prime Minister of Quebec has asked us to work to create
a new Quebec. This new Quebec should be your Quebec as well as ours. We must get together and build it.>
<Masse19691019>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU BANQUET ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE DU COMTÉ DE MONTCALM Le 19 octobre 1969>
Chers amis,
Alors que nous vivons dans un monde agité, où nous voyons des gens contester, s’adonner malheureusement
parfois à la violence, vous avez réussi messieurs les agriculteurs du comté de Montcalm, à prendre vos responsabilités
et à procéder à votre propre évolution sans bruit.
Je voudrais ce soir vous rendre hommage, vous qui avez eu le courage, la persévérance et certainement l’amour de votre travail, pour parvenir à relever le niveau de votre profession.
Ce qui est plus admirable encore, c’est que ce tour de force, vous l’avez réussi sans tambour ni trompette.
Lorsqu’on m’a invité à venir vous rencontrer, ma réponse a été spontanée. Je constate avec joie que vous avez
fait de l’agriculture, non plus un mode de vie, mais une industrie. Vous êtes devenus des travailleurs spécialisés.
Vous jouissez aujourd’hui, grâce à vos efforts concertés, d’une compétence à tous points de vue; que ce soit: sur le plan technique, sur le plan économique ou social.
Pour comprendre l’évolution de l’agriculture, il nous faut partir de sa situation au tournant du siècle.
Nous savons tous que la ferme était alors essentiellement une ferme de subsistance, exploitée presque uniquement pour l’autoconsommation des membres de la famille.
C’est pourquoi, il fallait se procurer de l’argent liquide.
Cet argent provenait de l’exploitation des industries secondaires; comme le « bois de chauffage », les catalognes et l’étoffe du pays.
Ce n’est que vers 1910, que l’agriculture connut sa première révolution, soit dans l’industrie laitière.
En effet, cette transformation s’opéra non seulement dans le domaine de la vente du lait, mais indirectement par la vente des produits et des sous-produits liés à la production laitière. Mais ce n’est que durant la première Grande Guerre et durant les années 1920, que l’agriculteur connut sa première chance.
Il y eut hausse des prix provoquée à la fois par les exportations de produits agricoles vers l’Europe et par une conjoncture favorable dans l’industrie du bois de construction.
La plupart des lots, à cette époque, étaient encore très fortement boisés, ce qui permit a l’agriculteur d’y retirer une source très importante de revenu monétaire liquide.
Toutefois, avec la crise de 1930, cet âge d’or de l’agriculture devait prendre fin par un fléchissement considérable des prix agricoles, aussi bien que ceux du bois de construction, ce qui entraîna obligatoirement un retour à l’agriculture de subsistance.
La deuxième Grande Guerre par ailleurs, opéra une nouvelle révolution dans le milieu rural.
Du jour au lendemain, on se vit dans l’obligation d’alimenter l’Europe en produits agricoles.
La demande était telle que le jeu normal de l’offre et de la demande fut annulé forçant, plus ou moins, les agriculteurs à produire au maximum, peu importe le prix.
Mais dé à un manque de planification, l’agriculteur investit son argent dans les techniques traditionnelles
plutôt que dans les techniques nouvelles; perdant ainsi la chance d’accroître, non pas seulement sa production, mais
aussi sa productivité.
Comme il fallait s’y attendre, une telle situation de prospérité artificielle ne pouvait pas durer longtemps.
Après la guerre, les prix des produits agricoles furent à nouveau assujettis au jeu de l’offre et de la demande.
Dans tous les secteurs, les revenus et la consommation augmentaient; en agriculture, le revenu diminuait, occasionnant un écart entre les besoins et les moyens disponibles pour les satisfaire.
Étant donné l’état de prospérité des au très secteurs d’activités économiques, plusieurs solutions s’offraient aux agriculteurs.
La première consistait à abandonner le modèle traditionnel de l’agriculture de subsistance, pour s’orienter définitivement soit: vers l’agriculture commerciale, soit vers la production spécialisée.Pour ce faire, il fallait mécaniser la ferme, y introduire des innovations propres à augmenter la productivité par âcre, ainsi que la productivité par homme.
Ce fut une révolution complète dans la conception de l’agriculture, qu’un certain nombre seulement réussit à effectuer.
La majorité des agriculteurs cherchèrent une solution en apparence moins révolutionnaire, soit le travail extérieur à temps partiel ou le travail saisonnier.
Étant donné que les autres secteurs de l’économie étaient en expansion, les agriculteurs pouvaient facilement trouver à l’extérieur de la ferme, une occupation complémentaire, garantissant un revenu intéressant.
Plusieurs s’orientèrent vers l’industrie forestière, pour s’assurer ce supplément de revenu.
On se souvient que durant les années 1950, l’industrie forestière connut une expansion très considérable, permettant à l’agriculteur qui, traditionnellement, avait une expérience de forestier, de trouver là une source inespérée de revenu pour assurer la satisfaction des besoins de sa famille.
Soit dit en passant, le cas n’était pas unique dans le comté de Montcalm, mais se retrouvait à des
centaines d’exemplaires dans tout le Québec. Cette situation anormale ne pouvait qu’entraîner à plus ou moins brève échéance l’abandon complet de l’agriculture, par ceux qui se trouvaient ainsi dans une situation d’équilibre très instable.
Le travail salarié apparut donc à plusieurs comme étant la solution idéale. Pour la population plus jeune, cet abandon
de l’agriculture signifiait le renoncement du milieu rural lui-même, en faveur d’une migration vers les centres urbains.
Bon nombre, on les retrouve surtout parmi les plus âgés, se contentèrent d’emploi saisonnier, soit: du travail en forêt, travail dans la construction ou sur les routes.
Ils devaient donc compter, durant les périodes tranquilles, sur l’assurance-chômage et plus récemment sur l’assistance-chômage. Ce n’est heureusement pas le cas pour vous messieurs qui, par votre persévérance et votre courage, avez su trouver le remède aux problèmes aigus qui se posaient.
Ce n’est certes pas avec des solutions de cataplasmes et des demi-mesures que vous avez réussi, sur un territoire où l’économie était retardataire, à devenir des travailleurs spécialisés.
Vous avez compris que l’importance du monde rural était prédominante.
En définitive, si l’agriculture a semblé dormir dans le comté de Montcalm pendant un certain temps, c’est que nous cherchions des solutions à apporter aux problèmes.
Le gouvernement du Québec a d’abord pensé aux cours de rattrapage, aux cours d’éducation aux adultes, au recyclage et au reclassement. L’aménagement touristique de certaines parties du comté fournit aujourd’hui des revenus substantiels à tout un secteur de la population qui vit de cette industrie.
Mais pour l’agriculteur, il fallait offrir des réponses spécifiques à l’agriculture.
Certaines expériences pilotes nous ont déjà prouvé que l’agriculture devait être considérée comme une industrie.
C’est pourquoi il faut donc, pour garder l’agriculteur de demain chez nous, le rendre compétent sur le plan technique, sur le plan économique et sur le plan social.
Il faut qu’il connaisse, comprenne et sache utiliser les techniques de production éprouvées qui lui permettront de produire de la façon la plus efficace et la plus économique possible.
L’agriculteur doit également comprendre les conditions économiques générales, connaître les mécanismes de mise en marché, de transformation et de distribution des produits de la ferme.
L’agriculteur d’aujourd’hui et plus encore celui de demain, doit en plus des notions d’administrateur et de comptable être capable de travailler en équipe, participer avec dynamisme à une entreprise et même à une négociation. L’agriculteur ne peut d’ailleurs influencer les décisions de sa coopérative que s’il est capable de discuter rationnellement avec le gérant et autres responsables.
Pour sa part, le gouvernement actuel a déjà donné le ton à ce qu’il pouvait faire pour l’agriculture, et je peux vous assurer que rien ne sera négligé pour donner la meilleure orientation possible à l’agriculture dans mon comté.
Par sa politique d’aide à l’agrandissement, le gouvernement du Québec a contribué à donner à l’agriculteur qui avait le sens des affaires, la possibilité de faire fructifier son entreprise.
C’est ainsi, qu’en 1956, alors qu’on comptait 1288 fermes en exploitation dans le comté, dont une grande partie ne réussissait même pas à fournir à son possesseur le minimum vital: en 1969, environ 750 fermes sont
exploitées mais permettent à leur propriétaire de vivre avec des revenus considérablement accrus.
Jusqu’à maintenant, vous avez prouvé que vous étiez capables et disposés à coopérer avec les agronomes du ministère de l’Agriculture, et la marque d’appréciation que vous venez de rendre à monsieur Paquin est certainement le plus grand témoignage de votre désir de continuer à progresser dans la voie du succès.
Grâce à votre réalisme, vous avez compris que les responsables du ministère de l’Agriculture et ceux des coopératives – coopératives dont vous êtes les propriétaires – étaient là pour vous aider.
Depuis trois ans, votre participation aux concours agricoles et aux journées d’études innovés par votre société d’agriculture a apporté de grands résultats.
Le gouvernement pour sa part, ne pouvait pas faire le travail pour vous, mais avec les études
faites par nos spécialistes et votre coopération, l’expérience a prouvé que par la modernisation de l’industrie laitière,
l’amélioration des troupeaux, la construction de plusieurs laiteries et la reconversion de certaines cultures vers l’horticulture,
on pouvait augmenter le rendement des fermes même les plus modestes.
En finançant le drainage souterrain, le gouvernement a contribué à améliorer le rendement de la culture, surtout la culture industrielle tel que celles des fèves, des pois et du maïs à grain.
Dans cette dernière, alors qu’en 1968, seulement 300 âcres étaient utilisés pour ce genre de culture, cette année on en comptait mille âcres.
Si la culture du mais à grain a été un succès, il n’en est pas de même pour toutes les cultures;
– je veux parler de la plus ou moins mauvaise expérience qu’ont eu à faire face cette année certains agriculteurs dans
la culture du concombre.
Pour éviter de telles mésaventures, il va sans doute falloir que vous ayez des communications plus constantes avec les responsables du ministère et ceux de vos coopératives afin qu’une meilleure planification existe pour le plus grand bien de tous.
Pour solutionner certains problèmes, le ministère et votre société ont mis de l’avant un projet d’accélération s’inscrivant dans le cadre d’un plan régional d’aménagement.
L’objectif principal de leur travail a été et demeure: la consolidation des fermes et l’orientation nouvelle de plusieurs d’entre elles pour une augmentation du revenu.
Par l’adaptation de nouvelles cultures au sol – en considérant le climat et le marché – on pourra augmenter la rentabilité de nos fermes.
Ce projet, qui se réalisera seulement avec votre participation, permettra de développer les productions
horticoles en qualité, en quantité et en variété.
Ce même projet vous permettra de perfectionner vos connaissances dans les techniques de production
et de commercialisation des cultures tel que: fraises, framboises, haricots, pois, concombres, choux-fleurs, navets,
asperges, choux de Bruxelles, brocoli et éventuellement de la laitue pommée et du poireau.
Dès la semaine prochaine, vous recevrez un questionnaire préparé par les instigateurs de ce projet. Pour en tirer le meilleur profit, nous vous demandons d’y répondre avec sincérité, de façon franche et honnête, afin que l’on puisse déterminer les problèmes qui sont prioritaires.
Enfin, vous serez éventuellement invités à étudier avec nous les solutions plausibles et réalistes dans l’exécution de ce plan qui a déjà fait l’objet d’études de la part de nos spécialistes.
Je suis bien conscient que cette accélération ne se réalisera pas dans le cadre normal des politiques actuelles mais je puis vous assurer que je serai toujours prêt à envisager avec les autorités concernées les mesures spéciales qui s’imposeront pourvu qu’elles soient dans le meilleur intérêt de tous.
Les agriculteurs doivent participer à la construction de votre société; les Québécois comptent sur eux, ils ont dans le passé fait leur preuve. Leur action est nécessaire et le Québec ne sera pas déçu.
<Masse19691022>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT L’ASSEMBLÉE NATIONALE (Accord entre les négociateurs des Enseignants et ceux du gouvernement et des Commissions Scolaires) Québec, le 22 octobre 1969>
Monsieur le Président,
Je suis heureux d’annoncer aux membres de l’Assemblée Nationale qu’un accord est intervenu ce matin entre les négociateurs des Enseignants d’une part, et ceux du gouvernement et des commissions scolaires d’autre part.
Cette entente porte sur les conditions de travail des enseignants à l’emploi des commissions scolaires sur tout le territoire québécois.
Je désire de plus souligner que toutes les clauses en sont paraphées et qu’il y a de ce fait accord définitif sur chacune d’elles entre les représentants des divers groupes à la table des négociations.
Ce texte concrétise les accords de principe intervenus en août dernier. Nous sommes conscients que nous avons atteint le but que nous nous proposions lorsque nous avons amené à une même table de négociations les diverses parties à cette convention collective soit de normaliser les conditions de travail pour les enseignants du territoire québécois qui sont à l’emploi de Commissions Scolaires.
Cette convention permet de plus, de solutionner divers problèmes qui se sont posés entre certains enseignants et les Commissions Scolaires qui les emploient, et elle rétablira sans doute un climat propice à la diffusion de l’enseignement et aux jeunes Québécois.
<Masse19691104>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA
CONVENTION COLLECTIVE ENTRE LA CORPORATION DES ENSEIGNANTS DU QUÉBEC
LA PROVINCIAL ASSOCIATION OF CATHOLIC TEACHERS LA PROVINCIAL ASSOCIATION OF PROTESTANT TEACHERS À FEDERATION DES COMMISSIONS SCOLAIRES CATHOLIQUES DU QUEBEC
LA QUEBEC ASSOCIATION OF PROTESTANT SCHOOL BOARDS ET LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
À LA SALLE DU CONSEIL DES MINISTRES Québec, le 4 novembre 1969>
Messieurs,
Nous vivons aujourd’hui un moment décisif dans l’histoire des relations de travail du secteur para-public et plus particulièrement dans le monde de l’enseignement.
En effet, une étape est franchie par la conclusion officielle, à l’échelle du Québec, d’une première
entente collective régissant les conditions de travail de plus de 65,000 enseignants. Ces instituteurs dispensent
leur enseignement à environ 1. 5 million d’élèves répartis sur tout le territoire québécois. Cette entente, remplace
plus de 300 conventions collectives disparates et différentes et s’insère dans une action planifiée. Elle contient, nous
le croyons fermement, tous les éléments nécessaires permettant un nouveau départ dans les relations enseignants-commissions scolaires, départ fondé sur la collaboration soutenue de tous les participants à l’enseignement, qu’ils s’agissent des professeurs, des syndicats, des administrateurs, des commissaires ou du gouvernement.
Permettez-moi de souligner que cette entente est consécutive à une législation du gouvernement
du Québec et est conclue entre les organismes qui œuvrent à l’échelle du territoire québécois, c’est-à-dire, la Corporation
des Enseignants du Québec, la Provincial Association of Protestant Teachers d’une part, et la Fédération des
Commissions scolaires catholiques du Québec, la Quebec Association of Protestant School Boards et le gouvernement
d’autre part.
Cette entente est le résultat de longues mais fructueuses négociations. Elle a exigé plus de 2 ans d’efforts et de discussions. Cette période a été difficile et exigeante pour tous ceux qui ont participé à l’opération: elle a aussi requis beaucoup de patience et de compréhension de la part des parents et des élèves.
Au cours de ces négociations, les rapports entre les parties ont été souvent tendus et difficiles et les moyens de pression utilisés ont été variés.
Des personnes de l’extérieur nous ont à certains moments apporté leurs précieux concours: les honorables juges Jean-Charles Simard, à titre de commissaire-enquêteur en mai 68, Jacques Bousquet, comme conciliateur spécial à l’automne 68 et René Lippé, à titre de médiateur en mars 69.
Enfin, les parties furent invitées à expliquer leurs positions respectives devant la Commission Permanente du Conseil exécutif en mai, juin et juillet dernier.
L’entente est intervenue comme il se doit au niveau des instances normales de négociations et avec la participation de tous les intéressés.
La durée de cette négociation qui a souvent été qualifiée d’excessive ne doit pas nous surprendre, si on considère le présent règlement dans sa vraie perspective, c’est-à-dire, en longue période.
L’entente que nous allons conclure s’inscrit, je dois le répéter, dans une planification des conditions de travail et des dépenses dans ce secteur d’activité; aussi, certaines notions telles la péréquation, le territoire québécois…, ont dé être assimilés non sans heurts par les participants. Tout cela exige du temps et, parfois, du dépassement. C’est pourquoi, je demeure convaincu que ces 28 mois qui séparent ce jour de la première séance de négociation seront vite oubliés par tous, y compris les négociateurs, en raison même des réalisations et de la mise en ordre contenues dans ce document.
Durant toute la durée de ces pourparlers et ce depuis l’adoption d’une législation prévoyant de nouveaux mécanismes de négociations dans le domaine de l’enseignement, nous avons maintes fois esquissé les objectifs que nous poursuivions. Et, je crois que cette entente consacre notre réussite en ce domaine.
Ainsi nous avons voulu modifier le style de négociations dans ce secteur et tenter de raisonner à l’échelle du Québec dans une perspective de cohérence.
Nous avons cru au système de négociation comme seul mode adulte des règlements des difficultés résultant d’intérêts
différents.
Nous avons recherché l’abolition du privilège et visé à traiter équitablement les enseignants peu importe où ils se trouvent sur le territoire québécois et qu’ils soient de langue anglaise ou française, hommes ou femmes, ruraux ou urbains.
Nous avons constamment visé à l’élimination de cette concurrence coûteuse, presque toujours inutile et trop souvent fondée sur la richesse de certaines commissions scolaires.
Nous avons axé nos efforts vers l’établissement d’un cadre propice à l’application du règlement numéro 1 du ministère de l’Éducation et à la réalisation des objectifs poursuivis dans la réforme de notre système d’éducation. Nous avons également cherché à introduire une certaine souplesse qui permet aux administrateurs et aux enseignants de faire preuve d’initiative. De plus nous avons voulu profiter des connaissances et de l’expérience des enseignants par le truchement de mécanismes de consultation au niveau et de l’école et de la commission.
Enfin nous avons offert à nos enseignants des conditions de travail et de rémunération conformes au rôle et à la place de choix qu’ils doivent occuper dans notre société.
Si on analyse la situation de même que le contenu de l’entente, je crois qu’on peut être fier de notre réussite collective.
Nous sommes parvenus par la voie normale des négociations à une entente qui comporte, compte tenu des ressources
disponibles, des avantages adéquats et équivalents pour l’instituteur québécois indépendamment du degré de richesse
ou de pauvreté du milieu dans lequel il œuvre; une entente qui réalise la parité de salaire sans égard
au sexe de l’enseignant et quelle que soit la région où il enseigne et qui contient un système de primes d’éloignement;
une entente qui élimine la concurrence inutile et les disparités ahurissantes au niveau des salaires et des
conditions de travail; (à ce point, je me permets de signaler que le respect de l’entente constituera une condition sine qua non du financement de certaines dépenses.) une entente qui stimule l’initiative pédagogique dans
le cadre du règlement numéro 1 du ministère de l’Éducation par exemple la consultation, rapport maître/élèves;
une entente qui place nos enseignants à l’avant-garde de leurs confrères nord-américains, aussi bien en
ce qui a trait à la charge de travail et aux salaires qu’en ce qui concerne la consultation et le perfectionnement;
une entente qui contient les bases nécessaires à l’établissement d’un nouveau mode de relations entre les
parties tant au niveau local que québécois, fondé sur la coopération, la collaboration et le respect mutuel. Il
faut souligner particulièrement les différents comités de travail et surtout le mécanisme de négociation permanent, sur une base volontaire, contenus dans l’entente.
Signalons de plus certaines caractéristiques plutôt inédites, définies par les parties à cette négociation:
tels que le Bureau québécois de Placement des Instituteurs, un organisme conjoint chargé d’orienter les demandes
et offres d’emploi, le tribunal d’arbitrage à l’échelle du Québec, un mécanisme d’échanges permanents entre les
parties à cette entente et les rapports maître/élèves, eux-mêmes éléments de détermination de la tâche d’enseignement
et de contrôle des effectifs.
En bref, cette entente est avantageuse pour les enseignants en raison des bénéfices monétaires et autres qu’ils en retirent, elle est intéressante pour les administrateurs scolaires en raison de la souplesse contenue dans de nombreuses clauses et elle est un actif de premier ordre pour le système d’éducation et le contrôle des dépenses.
Elle a aussi pour effet de compléter l’effort du gouvernement dans la normalisation du système d’éducation et permet aux enfants du Québec, où ils se trouvent, de bénéficier des services des maîtres de plus en plus compétents et mieux répartis sur le territoire.
Dès demain cependant, c’est-à-dire, dès que l’entente aura été signée localement par les différents syndicats et commissions scolaires, il nous faudra mettre en vigueur les dispositions de l’accord et faire en sorte que les mécanismes et avantages qui y sont contenus soient appliqués selon l’esprit et les objectifs qui ont présidé à leur élaboration.
Cette démarche relative à l’application de l’entente, qui fait déjà l’objet de l’attention et de la curiosité
de nos différents voisins, est aussi capitale que la négociation elle-même des accords. Aussi, nous invitons les
corporations et syndicats d’enseignants, de même que les commissions scolaires et leurs fédérations, à la compréhension
mutuelle dans la mise en place des différents mécanismes prévus et dans l’application des différents chapitres de
l’Entente.
Enfin, nous demandons instamment, au nom du gouvernement et des fédérations de commissions
scolaires, aux enseignants et aux administrateurs, de redoubler d’ardeur à la tâche afin d’être à la hauteur des efforts
financiers fantastiques consentis par la population du Québec désireuse d’obtenir pour ses enfants une éducation toujours
meilleure.
Merci.
<Masse19691107>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA CONFÉRENCE SUR LES RELATIONS INDUSTRIELLES DANS LE SECTEUR PARA-PUBLIC À L’HOTEL SHERATON MONT ROYAL Montréal, le 7 novembre 1969>
L’époque que nous vivons est toute faite de défis et d’entreprises gigantesques. Nous vivons à l’époque de la conquête des planètes. L’humanité se transporte vers ces planètes, dans une marche ininterrompue vers l’amélioration de son état et une poursuite inlassable d’un idéal de dépassement jamais atteint.
L’homme dans l’espace, c’est grandiose et stimulant. Cependant, il n’est pas qu’en ce domaine où l’homme rencontre des défis. Chaque jour est jalonné d’obligations de dépassement. Le contexte social dans lequel nous vivons en Amérique du Nord, et surtout au Québec, est générateur de situations paradoxales qui exigent un ajustement constant des orientations.
Situations paradoxales que celles que nous connaissons depuis quelques années. À mesure que l’homme franchit les époques industrielles, électriques, atomiques ou technologiques, il se crée des besoins nouveaux, nés des différentes techniques d’une part et, d’autre part, les techniques elles-mêmes ouvrent des perspectives jusque là inconnues auxquelles il importe de savoir s’adapter.
Et si ce ne sont là que des constatations élémentaires, il est cependant extrêmement important de toujours les conserver en mémoire lorsque se présente la minute de vérité où il faut œuvrer dans ce domaine des définitions sociales.
Le Québec est désormais irrémédiablement sur la voie du développement. C’est son avenir qu’il joue chaque jour. Pourtant, il arrive que face aux impératifs du moment, cet avenir apparaisse comme une valeur bien lointaine et de peu de poids.
Le rôle du Gouvernement intervient précisément à cet instant. Si le contexte social justifie des demandes, des revendications, des oppositions, même des conflits, il n’a jamais été et ne sera jamais pour un Gouvernement sérieux une justification valable d’oublier ses responsabilités.
Situation délicate, je l’admets, qui place le gouvernement en face du tableau suivant: d’une part, des problèmes immédiats urgents, majeurs, qui exigent des solutions immédiates; d’autre part, le devoir de planifier, d’ajuster, selon les données les plus précises, une politique générale qui soit un outil utile à la fois dans l’immédiat et dans l’avenir.
Quand, il y a quelques années, le Parlement remania la loi du Service civil qui devint la loi de la Fonction publique, le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de négocier les conditions de travail de ses employés avec les syndicats.
Le fait était là: le gouvernement allait devenir l’employeur d’environ 250,000 personnes réparties sur tout le territoire.
La ligne d’action était du même coup toute tracée. Le Québec se devait de choisir la voie de la responsabilité et de la logique qui, croyez-moi, n’offrait pas les alléchantes tentations de la voie facile auxquelles d’autres ont succombé.
Responsables, nous l’avons été en jetant immédiatement les bases d’une politique salariale qui soit juste et réaliste. Parallèlement, le gouvernement du Québec se devait aussi d’agir avec responsabilité devant le peuple du Québec.
Voilà un mariage de raison qu’il fallait compléter. Mariage honnête basé sur ces actes officiels. Nous devions alors élaborer une politique salariale, basée sur des études et des expérimentations sérieuses.
Comme employeur, l’État doit donc évoluer dans le cadre de la législation votée par l’Assemblée nationale.
Bien qu’il comporte quelques différences pour le secteur public, les mécanismes de négociations et les matières
négociables demeurent sensiblement les mêmes que dans le secteur privé. Seule la loi de la Fonction publique
fait mention d’un sujet non négociable, soit la classification des emplois. Quant au droit de grève, il est accordé à tout
le secteur public à l’exception des policiers, des pompiers et des agents de la paix. Naturellement, l’exercice de ce
droit est assorti de règles plus sévères tel que l’avis préalable de huit jours, la possibilité du recours à l’injonction
pour retarder le déclenchement d’une grève lorsque la santé publique, la sécurité publique ou encore l’éducation d’un
groupe d’élèves est compromise. Pour la fonction publique, la loi oblige de plus à déterminer en négociations les services
essentiels à maintenir avant de se prévaloir de ce droit.
En bon administrateur des fonds publics, comment l’État-Employeur pouvait-il jouer son rôle dans
le cadre mentionné ci-haut ? dès 1966, au fur et à mesure du déroulement des négociations, il lui est apparu impératif
de mettre au point une politique salariale. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer antérieurement, cet instrument
ne vise pas à établir une politique de revenus pour l’ensemble de l’économie mais une politique salariale pour les emplois du secteur public et para-public. Elle vise tout simplement à apporter autant de cohérence que possible dans
la fixation des traitements qui émargent au budget de l’État. Elle s’applique donc non seulement au personnel de la fonction
publique mais également au secteur para-public subventionné, notamment à la santé, au bien-être et à l’éducation.
Cette ligne de conduite doit également s’appliquer aux sociétés d’état, entre autres, à l’Hydro-Québec et à la Régie des Alcools. S’il est vrai que ces deux sociétés ne bénéficient pas de subventions gouvernementales, il faut reconnaître toutefois que la première émarge à son budget d’emprunts et que la seconde contribue aux revenusde l’État.
Cette politique est d’abord fondée sur un certain nombre de principes dont certains relèvent de
la justice sociale et d’autres d’une politique économique concertée. Elle reflète, croyons-nous, le souci du gouvernement
d’établir un système juste envers tout le monde, y compris les contribuables eux-mêmes qui sont les véritables
patrons.
Ces principes, permettez-moi de les rappeler, sont les suivants:
1 – Alignement des traitements offerts par le gouvernement sur ceux que versent des employeurs du même genre que lui, pour des emplois comparables, en tenant compte des autres conditions de travail en vigueur;
2 – Fixation de taux de rémunération sensiblement les mêmes pour des emplois qui ont les mêmes caractéristiques;
3 – Établissement d’écarts important entre des emplois non spécialisés et des emplois spécialisés;
4 – Élimination des différences régionales dans les taux de rémunération;
5 – Organisation de lignes de carrières professionnelles.
Ce sont là des énoncés de principe. Nous devons cependant faire la distinction entre le principe lui-
même et son application dans un secteur donné. Le principe constitue en fait un objectif que le gouvernement s’est fixé.
Cependant, tout en admettant cette orientation, et compte tenu de ses disponibilités financières, le gouvernement, en
bon administrateur, peut être dans l’obligation de répartir l’effet de son application sur une période plus ou moins
longue.
La première phase de la politique salariale consiste donc dans la normalisation des structures de
traitement. Une fois cette structure mise en place, il reste à déterminer un rythme de croissance des augmentations compatible avec la croissance des revenus de l’ensemble de la population.
La ronde de négociations dans les différents secteurs, entreprise depuis 1968, n’a pas été sans soulever un certain nombre de problèmes et de réactions divers. Il n’en reste pas moins qu’après des périodes de négociations plus ou moins longues, le gouvernement a signé environ une trentaine de contrats de travail avec différents
groupes d’emplois. Soulignons entre autres, la signature, cette semaine, de la première convention collective à l’échelle
du Québec couvrant 65,000 enseignants des commissions scolaires. Actuellement, la négociation dans le secteur
hospitalier se déroule d’une manière telle que nous pouvons aujourd’hui être optimistes sur la possibilité d’un règlement
prochain. Fait à souligner, la population n’a eu à subir que les effets d’une seule grève, et ce, de la part des
employés de la Régie des Alcools, impliquant environ 3,000 personnes.
De ce bilan assez positif tout de même, nous pouvons dire que la négociation dans le secteur public
et para-public a été en quelque sorte un succès. Je ne voudrais toutefois pas créer ici l’impression que nous concluons
qu’il n’y a pas matière à amélioration. L’expérience acquise nous amène à nous poser un certain nombre de questions
auxquelles nous devrons réfléchir avant d’entreprendre une prochaine ronde de négociations. Permettez-moi de
vous en signaler quelques-unes:
1 – Il m’apparaît qu’il faudrait repenser le nombre et la composition des unités de négociations. À titre d’exemple,
il y a actuellement six tables de négociations distinctes dans le secteur hospitalier. Le tout se complique par l’affiliation à des centrales différentes qui n’ont pas toujours la même philosophie et ne poursuivent pas, parfois, les mêmes objectifs.
La classification des emplois pose aussi de nombreux problèmes. Pour un même type d’emploi, le titre de la classification, le contenu des tâches de même que les conditions d’admission recouvrent assez souvent des réalités qui n’ont parfois rien en commun. Nous avons pu le constater par l’analyse et la comparaison d’environ 600 occupations ou classes d’emplois.
Le critère du profit et ses sanctions économiques ne jouant pas dans les secteurs public et para-public, il m’apparaît important de contrôler le taux d’accroissement des effectifs. Cette question est intimement liée à celle de la productivité et du perfectionnement du personnel.
Si les points énumérés précédemment ont un caractère plutôt technique, nous relevons aussi certains autres points qui semblent remettre en cause certains aspects de la négociation dans le secteur para-public.
Bien que notre législation du travail, comme je l’ai souligné au début, peut être considérée comme étant à l’avant-garde par rapport à celle de bien d’autres États, elle reste, à mon avis, trop fortement influencée par les critères du secteur privé, et ne semble pas apporter, sur tous les points, une réponse satisfaisante. Le régime des relations de travail, dans ce secteur, devra trouver sa propre originalité. Si le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans notre tradition politique doivent être séparés, il n’en reste pas moins que l’État législateur se doit d’apporter des solutions nouvelles pour faciliter les rapports entre l’État-Employeur et ses employés.
Dans le secteur de la fonction publique proprement dit, nous faisons face actuellement à un éparpillement
des centres de décisions. La Direction générale des relations de travail relève du Conseil exécutif, la Direction
de l’analyse des conditions de travail relève du Conseil de la trésorerie et la Direction générale du perfectionnement
de la Commission de la Fonction publique. Le projet de loi portant sur la création du ministère de la Fonction publique,
en reconnaissant sous une même autorité tous ces centres de décisions, rendra possible une politique cohérente de gestion de personnel et facilitera, entre autre, le dialogue entre le gouvernement et ses employés. Cette amorce de solution
pour la fonction publique m’amène à croire qu’il y a possibilité de trouver des solutions aussi satisfaisantes pour
le secteur para-public.
Telles sont, messieurs, les considérations que j’avais à vous livrer, face à la politique salariale
du gouvernement.
Tout n’est pas solutionné pour autant. Il reste encore des étapes majeures à franchir. Mais le Québec les franchira. Tant de travail abattu, tant d’espoirs, ne peuvent être déçus.
Le jour où nous posséderons d’une façon plus complète les outils dont nous avons besoin m’apparaît
comme prochain. Ces outils fourniront à tous les travailleurs québécois à l’emploi de leur gouvernement des conditions
de vie raisonnables et avantageusement comparables à celles d’autres États.
<Masse19691111>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE AU DÉJEUNER CAUSERIE HEBDOMADAIRE
DE LA CHAMBRE DE COMMERCE DU DISTRICT DE MONTRÉAL À L’HOTEL SHERATON MONT-ROYAL
Montréal, le 11 novembre 1969>
Monsieur le Président,
Je vous remercie de l’invitation que vous m’avez faite et qui me donne l’occasion de m’adresser aux membres de la Chambre de commerce du district de Montréal, organisme qui depuis longtemps joue un rôle important dans la vie économique du Québec.
C’est à titre de ministre responsable de l’Office de Planification et de Développement du Québec que j’ai accepté votre invitation. Vous me permettrez donc de me concentrer sur la planification au Québec et de laisser de côté mes responsabilités à titre de ministre des Affaires intergouvernementales et de ministre responsable de la Fonction publique du Québec.
Depuis plusieurs années, le Québec s’est donné trois organismes auxquels il a demandé de planifier son développement:
– Le Conseil d’Orientation économique;
– L’Office de Planification, en 1968 (O. P. Q. );
– L’Office de Planification et de Développement du Québec (O. P. D. Q., en 1969.
Et pourtant, si on en juge par ce qui se dit et ce qui s’écrit sur le sujet, l’impression générale dans les divers milieux, c’est que la planification n’en est qu’à ses débuts.
Un tel jugement est-il fondé? Je répondrai à la fois oui et non à cette question. Oui, parce que la planification n’a pas
encore pris le tournant décisif qu’elle doit prendre si nous voulons orienter le développement du Québec de façon réaliste.
Non, parce que précisément si nous pouvons espérer prendre ce tournant décisif, c’est grâce aux jalons posés par les divers organismes qui ont œuvré avec les moyens du bord dans le champ de la planification.
DEUX PRIORITÉS: l’Éducation et là Fonction publique.
À cet égard, il est important de rappeler que, depuis quelques années, le gouvernement du Québec, conscient que les ressources dont il dispose ne sont pas illimitées, s’est imposé des priorités dans les actions qu’il a entreprises. C’est ainsi que les programmes mis en œuvre depuis quelques années ont nettement mis l’accent sur deux secteurs: celui de l’Éducation et celui de la Fonction publique. Certes, tous les problèmes dans l’un et l’autre de ces deux domaines ne sont pas complètement réglés: il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, le Québec peut s’enorgueillir des structures qu’il s’est donné.
Le temps est venu, tout en consolidant les actions entreprises en matière d’éducation et de fonction publique, de nous engager résolument dans l’orientation du développement économique.
Les ministères organisent leur planification sectorielle: Il ne faudrait cependant pas croire que, pendant la même période, rien ne s’est fait.
Au moment où le Québec faisait porter le gros de ses efforts sur l’Éducation et la Fonction publique, il commence à s’intéresser de façon précise à la planification de son développement économique.
C’est ainsi qu’au cours des dernières années, un grand nombre de ministères québécois se sont équipés de personnels affectés à la planification et se sont dotés de direction générale de planification. Cet effort de planification sectorielle n’a peut-être pas fait la manchette des journaux, mais il a connu une ampleur qui est loin d’être négligeable. Je n’en veux pour preuve que le fait suivant: 17 ministères se sont dotés d’équipes de fonctionnaires affectés à des tâches de planification. Toutes ces équipes ne se sont pas constituées au même moment; elles n’ont pas toutes la même ampleur, mais c’est leur présence au sein des ministères qui, dans certains cas, expliquent l’orientation plus rigoureuse donnée aux politiques des ministères en cause et qui, dans les autres cas, permet d’espérer dans un avenir prochain une plus grande rationalisation de l’action gouvernementale.
Mise en place d’instruments d’orientation du développement:
Je tiens également à mentionner qu’au cours de la même période, le gouvernement du Québec mettait
en place certains instruments dont l’objectif premier visait à orienter la croissance économique du Québec.
La Sidérurgie du Québec (SIDBEC), le complexe scientifique de Sainte-Foy, voilà autant d’instruments à caractère public
ou semi-public que le Québec s’est donné pour infléchir son développement dans le sens des besoins de la collectivité
sans, pour autant, renoncer au dynamisme de l’entreprise privée. Dans la même perspective, le Québec se dotera
bientôt de la Société québécoise d’initiative pétrolière (SOQUIP), de la Régie d’exploitation forestière (REXFOR)
et d’un centre de recherche industrielle.
Planification du développement régional:
Par ailleurs, la dimension régionale du développement n’a pas échappé aux préoccupations du gouvernement.
Je ne mentionnerai à cet égard qu’une opération majeure, la plus importante et la plus connue, celle
de l’Office de Développement de l’Est du Québec (ODEQ), qui est sortie des études de planification du Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) et qui a donné lieu à la signature d’une entente entre le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral, en mai 1968. L’Office de Développement de l’Est du Québec, dont la première
responsabilité est de voir à l’administration de l’entente, œuvre donc dans la région du Bas Saint-Laurent depuis
près d’un an et demi. Je ne crains pas d’affirmer que celui-ci a permis d’étonnantes réalisations.
Participation du milieu:
C’est au cours de la même période qu’un phénomène important a fait son apparition dans à peu près
toutes les régions administratives du Québec. Ce phénomène a abouti dans nombre de ces régions à la mise sur pied
de Conseils économiques régionaux. L’apparition de ces structures, de caractère très nouveau, ne s’est pas faite
et ne pouvait se faire sans une prise de conscience des milieux concernés. Je me dois de dire, toutefois, que le
gouvernement en a encouragé la création et maintient son attitude à ce point de vue, avec des réaménagements qui
font en ce moment l’objet de consultation avec les intéressés.
Devant cet ensemble d’efforts réels de planification, l’impression si souvent exprimée dans notre milieu à l’effet que la planification ne fait que commencer, impression que j’ai moi-même éprouvée lorsque le Premier ministre m’a confié ce secteur de l’administration gouvernementale, il y a environ un an, doit donc être pondérée.
Tout en reconnaissant le mérite de ceux qui ont œuvré à cette tâche extrêmement complexe et difficile
au cours des dernières années, tout en reconnaissant l’effort qu’ils ont fourni et pour lequel je leur rends hommage,
les observations que j’ai pu faire, le bilan que j’ai tenté d’établir m’ont amené à cette conclusion réaliste: dans les voies où elle s’est engagée jusqu’à maintenant, la planification a peu de chance de déboucher sur des résultats pratiques
vraiment significatifs; le temps est venu de circonscrire son champ d’action et de définir plus clairement ses
instruments et ses modalités d’action.
C’est dans cette perspective que j’ai tenté d’orienter ma réflexion et celle de mes principaux collaborateurs au cours des derniers mois. Je suis loin de prétendre que nous avons clarifié toutes les questions qui se posent dans cette matière: nous sommes encore loin d’avoir dissipé toutes les équivoques qui entourent la notion de planification dans un milieu comme le nôtre et sans doute aussi, dans tous les milieux.
Je crois, toutefois, que certaines idées dominantes, certains principes si vous voulez, commencent à se dégager, que nous mettons progressivement en application et que nous tentons de transposer depuis quelques mois dans l’action concrète.
Quels sont ces principes, ces modalités d’action ?
C’est ce que je voudrais vous indiquer brièvement:
Le premier principe, le plus fondamental, c’est la définition, le choix de l’objet, du matériau sur lequel doit porter en priorité l’effort de planification.
Cet objet, ce matériau, ce sont les actions gouvernementales sur le territoire du Québec. Je dis bien les actions gouvernementales, toutes les actions gouvernementales, que ces actions soient fédérales aussi bien que provinciales, ou que ces actions portent directement sur la prise en charge d’un secteur d’activité, ou qu’elles consistent uniquement dans la stimulation ou le support d’activités assumées par d’autres agents du développement.
La planification consistant essentiellement dans un effort de rationalisation de l’action, les actions gouvernementales que le Québec est intéressé à rationaliser directement ou à la rationalisation des quelles il est intéressé à collaborer, c’est tout autant les actions du gouvernement fédéral que les siennes propres.
Bien sûr, nous tenons en tant que gouvernement du Québec à demeurer maître des options qui nous concernent en propre, tout autant que le gouvernement fédéral doit tenir à l’être des siennes.
Mais nous reconnaissons en même temps qu’il serait illusoire, de sa part comme de la nôtre, de nous ignorer réciproquement dans l’effort de cohérence et de rationalisation qui, du point de vue des citoyens du Québec, doive marquer l’action de tous les gouvernements dans le territoire québécois.
Pour éviter toute équivoque dans ce que je viens de dire, je rappelle que je parle en ce moment de planification et d’une planification de type occidental, c’est à-dire de planification indicative et non pas d’une planification coercitive. La concertation, que je propose et qu’il faut tenter de réaliser entre les deux paliers de gouvernements, doit d’abord être une concertation des efforts de compréhension objective et rationnelle des exigences véritables du développement du Québec. C’est ensuite une volonté de réflexion conjointe sur les grandes options qu’un tel développement comporte de toute nécessité.
La concertation, ainsi définie et placée dans l’ordre de la réflexion objective sur les données réelles du développement du Québec, me paraît parfaitement conciliable avec le respect des compétences respectives de chaque palier de gouvernements au stade où la décision, qui amorcera l’action concrète de chacun, se prendra.
A mon sens, si le fédéralisme doit avoir une signification c’est dans la mesure où il réussira à concilier cette double exigence de la concertation de la réflexion positive d’une part et de l’autonomie des actions d’autre part.
En ce qui concerne de façon très spécifique la planification du développement économique, nous sommes précisément en train de faire l’épreuve d’un tel fédéralisme à l’occasion de l’élaboration conjointe de plan de développement pour les zones spéciales.
Ceci dit, au sujet de l’intérêt évident que le Québec a de participer au stade de la réflexion positive, à la rationalisation des actions du gouvernement fédéral dans le territoire du Québec, j’en viens maintenant aux conséquences que nous devons tirer du principe que la planification doit d’abord prendre pour objet les actions du gouvernement du Québec lui-même.
Pour l’instant, je me contenterai de mettre en relief deux conséquences dont la première touche l’administration gouvernementale elle-même et dont la seconde intéresse plus directement les organismes qui structurent les milieux socio-économiques.
En ce qui concerne l’administration gouvernementale, c’est la définition même de l’organisme de planification qu’il faut mettre en cause: ce sont les liaisons opératoires à établir entre cet organisme et les ministères qu’il faut ici préciser: la planification dans un cadre gouvernemental est placée dans l’alternative suivante:
– Ou bien elle opère en vase clos, dans le cadre d’un organisme comme l’Office de Planification et de Développement
du Québec, autrefois le Conseil d’orientation économique du Québec, et se donne pour mission
d’élaborer des plans abstraits théoriques, dégagés sans doute des aléas de l’administration courante au
risque de rester enfermé dans des schémas parfaitement ordonnés et séduisants mais sans impact sur
l’évolution réelle des choses;
– Ou bien elle accepte la tâche, plus difficile mais peut-être moins satisfaisante pour l’esprit, de s’insérer au cœur de l’action pour y introduire le maximum de cohérence conciliable avec les impératifs du quotidien et dans ce cas, elle ne saurait se faire sans la participation directe, organique et constante des administrations ministérielles.
Devant une telle option, nous avons carrément choisi la seconde au cours des derniers mois. L’instrument
privilégié qui nous permet de concrétiser ce joint, c’est la Commission interministérielle de planification et de
développement dont les membres sont précisément les sous-ministres, et à travers eux, selon les modalités que nous
préciserons dans les prochaines semaines. les responsables de planification dans chaque ministère.
Un exemple concret illustrera la façon dont ces mécanismes d’action conjointe de l’Office et des ministères peuvent fonctionner m’est fourni par l’une des modalités mise en place par mon collègue, le ministre des Finances, Me Mario Beaulieu, pour l’étude du budget 1970-71.
Dans le cadre du groupe économie-finance, qu’il a constitué pour l’aviser sur divers aspects
de la conjoncture budgétaire 1970-71, le ministre des Finances a chargé un sous-groupe présidé par le directeur général de l’Office de Planification et de Développement du Québec, d’évaluer en fonction de critères économiques, les
nouveaux programmes soumis par le ministère. Les documents, où sont exposés à la fois les critères en question
et la façon de les appliquer au nouveau programme, ont fait l’objet d’une consultation continue de la Commission interministérielle de Planification avant d’être soumis au ministre des Finances lui-même. Voilà comment il est possible, me semble-t-il, d’appliquer de façon concrète le principe que je formulais tantôt.
De la même façon, il me parait également possible d’aménager une participation efficace et productive
des divers agents de développement socio-économique en dehors de l’administration gouvernementale. C’est dans
le cadre du Conseil de Planification et de Développement, prévu par la loi de l’Office de Planification et de Développement
du Québec et dont je pourrai bientôt annoncer la création, qu’une telle participation prendra place mais à
condition, j’en suis convaincu, que ce conseil soit constitué de façon appropriée et que les avis sollicités de sa
part par l’Office de Planification et de Développement du Québec portent sur des matières réellement significatives.
Comment faut-il donc constituer ce Conseil pour atteindre un tel objectif ?
Tout d’abord, il ne devra pas être un autre conseil parmi ceux que se sont donnés certains ministères au cours des dernières années. Ces conseils ont été eux-mêmes composés de façon à s’enraciner dans un éventail assez large de groupes socio-économiques. Il ne faudrait pas que, par une sorte de mimétisme, le Conseil aille se constituer sur la même base et se juxtaposer aux autres.
Il me parait beaucoup plus réaliste que le nouveau Conseil offre aux conseils existants un lieu de rencontre où ils pourront concerter leurs perspectives sectorielles de la même façon que pour l’administration gouvernementale, la Commission interministérielle de Planification permet la coordination des points de vues de chaque ministère.
Voilà pourquoi le principal noyau des membres du Conseil sera constitué de représentants des conseils existants.
Quelle que soit sa composition, le Conseil n’aura de véritable impact sur l’orientation des actions gouvernementales que si le sujet ou les matières sur lesquels il sera consulté se conforment à certaines conditions: Il faudra d’abord que la question soumise corresponde à des problèmes qui engagent aussi bien à court terme qu’à long terme le développement du Québec;
Il faudra aussi que ces questions ne répètent pas simplement celles qu’on peut se poser dans certains secteurs comme l’Éducation, mais qu’elles aient un caractère réellement intersectoriel global;
Il faudra enfin qu’elle soit posée non seulement en termes généraux de façon à permettre simplement l’expression de bonnes intentions, mais qu’elle donne lieu à des choix et à des implications clairement identifiables, même si ces choix et ces implications engagent le milieu tout autant que le gouvernement.
Il n’est pas facile d’identifier des problèmes qui répondent à cette triple exigence. L’Office de Planification et de Développement ( O.P.D.Q. ), en liaison avec la Commission interministérielle de Planification, sera appelé au cours de prochaines semaines à identifier quelques problèmes de ce genre.
Je m’adresse en ce moment à un groupe que le choix, qui sera fait de la première question soumise à l’avis du Conseil, devrait intéresser au plus haut point.
Pourquoi ne participeriez-vous pas à ce choix très spécifique actuellement en voie d’élaboration ?
Pourquoi des groupes analogues au vôtre, qu’il s’agisse de groupes patronaux ou de groupes syndicaux, n’y participeraient-ils pas ?
C’est l’invitation que je vous fais et, qu’à l’occasion de cette conférence, j’adresse également à tous les groupes socio-économiques du Québec. Je puis vous donner l’assurance que toutes les suggestions qui me parviendront avant la mi-décembre seront considérées dans la perspective que j’ai indiquée tantôt.
L’Office de Planification et de Développement du Québec est de création récente. Il ne remonte qu’à juin de cette année.
Je suis confiant qu’à cause du travail déjà amorcé, de la collaboration des divers ministères et organismes du gouvernement, de la participation des agents qui encadrent la réalité socio-économique et du nouvel élan que l’Office a pris au cours des derniers mois, nous serons en mesure, tout en poursuivant l’excellent travail déjà amorcé, de présenter à la population du Québec, dans un délai raisonnable des programmes concrets de développement qui indiqueront jusqu’à quel point le gouvernement s’est définitivement engagé dans la voie de la planification.
<Masse19691113>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À L’OCCASION DE L’ACCORD DE PRINCIPE
DANS LE SECTEUR HOSPITALIER Montréal, le 13 novembre 1969>
Il me fait plaisir de m’associer au comité patronal du secteur hospitalier au moment où un accord de principe intervient sur le renouvellement des conventions collectives de travail des 85,000 employés d’hôpitaux du Québec.
La signature prochaine de ces divers contrats de travail mettra ainsi fin à une ronde de négociations
du secteur public et para-public, au cours de laquelle nous avons, tant du côté du gouvernement que du côté des
syndicats, planifié des conditions de travail et de salaires de plus de 250,000 salariés. Ce tour de force a été accompli
non sans difficultés inhérentes à cette mise en place, d’autant plus, que pour la première fois, le gouvernement se donnait une politique salariale qui apportait une cohérence essentielle dans la fixation des traitements qui émargent
au budget de l’État.
La première phase de cette politique salariale consistait à normaliser les structures de traitements dont l’une des composantes était le rattrapage des salaires.
Une structure de salaires bien comprise devait normalement prévoir que dans certains secteurs il y aurait accélération du rythme de rattrapage pour des fonctions équivalentes. C’est dans cette optique que le gouvernement a injecté une somme additionnelle dans le secteur hospitalier suivant les principes de sa politique salariale.
En dépit du fait que nos offres étaient justifiées, puisque fondées tant sur la politique salariale que sur les disponibilités budgétaires, nous avons, pour accroître le rythme de rattrapage, versé des sommes additionnelles.
L’entente prévoit un rapprochement des traitements des employés d’hôpitaux vers ceux des fonctions comparables dans le secteur de la fonction publique.
Les différentes centrales syndicales insistaient sur un alignement plus prononcé à l’intérieur de la politique salariale. Quant à nous, il nous fallait en outre songer aux disponibilités budgétaires. Nous avons cru bon que la façon la plus économique et la plus réaliste d’en arriver à cet alignement plus poussé consistait à créer une troisième période qui nous conduira, dans les derniers six mois des conventions collectives, à un niveau où l’employé d’hôpital aussi bien que celui de la Fonction publique aura un traitement équivalent pour une tâche similaire.
Il est peut-être souhaitable d’en arriver à une structure unique de traitement en respectant, comme nous le faisons présentement, l’identité des secteurs et celle des quelques 250,000 personnes qui composent les effectifs du secteur public et para-public du Québec.
Grâce à leurs conventions collectives, les employés d’hôpitaux du Québec bénéficieront de conditions de travail et de salaires qui se comparent avantageusement non seulement à celles du secteur public et para-public du Québec mais également à celles de leurs collègues des autres provinces.
Le gouvernement était présent à ces négociations dès le début comme partenaire de l’Association des
hôpitaux du Québec. Si le conseil des ministres, placé devant des faits nouveaux, a demandé au responsable des négociations dans le secteur public de participer directement à la phase finale des pourparlers, c’est qu’il a jugé qu’il était
dans l’intérêt public de procéder ainsi.
Cette intervention n’avait rien d’exceptionnel puisque, je le répète, le gouvernement et les hôpitaux sont des participants depuis le début de ces négociations.
La participation actuelle du gouvernement n’est qu’une continuation logique du processus de négociations dans le secteur hospitalier et même si elle comprend des parlementaires, elle ne fait que s’inscrire dans une procédure normale.
Permettez-moi de souligner l’esprit de collaboration qui a régné chez les négociateurs de la partie patronale et de remercier personnellement monsieur Gilles Gaudreault, président du comité de négociations. La compréhension des dirigeants syndicaux a également contribué à trouver une solution honorable. Mes remerciements vont également à mon collègue de l’Assemblée Nationale, Me Jean Cournoyer, qui fut un inlassable collaborateur. Comment ne pas insister pour reconnaître les mérites et l’esprit de dévouement du Juge Jean-Charles Simard, qui n’a ménagé aucun effort pour rapprocher les parties depuis trois mois, à titre de conciliateur.
<Masse19691118>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT L’ASSEMBLÉE NATIONALE Sujet: Loi du ministère de la Fonction publique Québec, le 18 novembre 1969>
Le 20 août dernier, à l’occasion d’une séance de la Commission de la présidence du Conseil exécutif,
j’ai exposé les raisons qui militent en faveur d’une réforme administrative au Québec. J’ai également souligné
les gestes que nous avons posés dans ce sens depuis quelques années et, dans ce cadre de réforme, j’ai expliqué
pourquoi il faut un ministère de la Fonction publique et quels sont les rôles qu’il devrait remplir.
Je voudrais aujourd’hui, monsieur le président, rappeler brièvement où nous en sommes en matière de gestion de la fonction publique et indiquer ce vers quoi nous tendons.
On peut se poser une foule de questions sur le personnel qui est employé directement par le gouvernement.
En fait, cfest de tout un monde dont il s’agit : près de cinquante mille personnes dont cinq cents cadres supérieurs
et autant d’adjoints, et au-delà de trois mille autres diplômés universitaires œuvrant dans une trentaine de disciplines
différentes, sans oublier des milliers de techniciens, d’inspecteurs, d’agents de bureau et d’hommes de métier.
Outre les concentrations majeures de Québec et de Montréal, on retrouve des fonctionnaires dans toutes les villes du Québec
et dans une foule de petites localités, exerçant les activités les plus diversifiées pour le compte de plus d’une
centaine d’organismes: ministères, commissions, offices, régies, etc…
Depuis quelques années, on a surtout entendu parler de la fonction publique comme partenaire au processus
de détermination de ses propres conditions de travail. C’est une question qui est maintenant en bonne partie réglée:
le syndicalisme y est reconnu et les conditions de travail sont de plus en plus considérées comme comparables à celles
qu’offrent l’entreprise privée ou les autres gouvernements. Il ne s’agit pas ici de laisser entendre que tous les
problèmes sont entièrement résolus. Tout le monde sait qu’en matière de relations employeur-employé, rien n’est
jamais définitivement fixé. La loi des relations humaines, c’est l’évolution constante des rapports entre les hommes.
L’expérience que nous dégageons des situations vécues ces dernières années dans les relations de
travail au sein de la fonction publique proprement dite, c’est que le syndicalisme apporte un élément nouveau dans la dynamique administrative. La gestion du personnel devient objet de débats sur la place publique, les faits et gestes des agents de tous les niveaux de la hiérarchie administrative à partir du contremaître jusqu’au sous-ministre sont passés au crible par les leaders syndicaux, locaux, régionaux et autres. Ce fait et l’anonymat du personnel des cadres appellent, comme il se doit en régime de Cabinet responsable, la présence dans ce forum d’un représentant de la direction politique. C’est une des premières raisons d’être du Ministère de la Fonction publique dont le titulaire sera l’interlocuteur normal auprès des divers corps concernés et ce, selon le désir même des serviteurs de l’État.
Je voudrais de plus rappeler ici que cinquante mille personnes c’est important, tout comme l’est deux cent cinquante millions de salaires. Mais, il convient de noter que, malgré tout, ce n’est là que le un cinquième du secteur public émargeant au budget de l’État. En effet, il y a plus de cent mille personnes dans l’enseignement, plus de cent mille autres également dans le secteur hospitalier et une quinzaine de mille à 1’Hydro et autant dans les services sociaux. Le budget total de ces salaires est de l’ordre de un milliard deux cent cinquante millions. Il est extrêmement important, au plan des finances publiques comme à celui de la qualité des services publics, que le gouvernement soit juste et cohérent dans ses décisions touchant ces personnels. C’est au ministre de la Fonction publique qu’il appartiendra, au premier chef, de conseiller le
Cabinet à cet égard.
La Fonction publique a aussi fait l’objet de débats publics relativement aux méthodes de recrutement
qui y ont cours. Sur ce plan, monsieur le président, une révolution profonde s’est opérée dans les façons de faire
depuis quelques années. Chacun n’a qu’à lire son journal pour constater que l’emploi public, au Québec, est devenu,
dans une société qui se démocratise et qui accepte le principe de l’égalité d’opportunité, un objet de saine concurrence
entre les plus méritants.
Le même principe fonde la carrière des fonctionnaires qui doivent concourir entre eux pour obtenir de l’avancement. Il s’agit là, croyons-nous, d’une normalisation raisonnable du déroulement des carrières. Cela nous parait administrativement sain et, en définitive, aussi bien l’employé que le public y trouve son compte et son profit.
Ces tâches continueront d’être la responsabilité de la Commission de la Fonction publique.
La Fonction publique a aussi été discutée d’un autre point de vue ces dernières années, je dirais même ces derniers jours: je veux parler, monsieur le président, de son influence dans la marche des affaires de notre société.
Tout le monde sait bien que de grands changements se sont produits dans les rôles joués par la Fonction publique d’autrefois
et dans ceux qu’elle joue aujourd’hui. Le Québec a traversé une longue période d’hésitation dans ce domaine.
Cela tenait plus d’ailleurs à la définition même de l’État québécois qu’à une mentalité particulière de notre population.
Nous pouvons remonter aussi loin qu’au début du Gouvernement royal en 1663, alors que l’État métropolitain
décida d’assumer directement ses responsabilités dans le développement de la Nouvelle-France. L’Intendant Jean Talon devait comprendre mieux que quiconque les responsabilités et les possibilités de l’État. grâce à lui, un travail énorme fut amorcé sur tous les plans. Il n’hésita pas à faire intervenir l’État qui se substitua aux régimes des compagnies privées, ou même à l’action de l’Église qui s’était vu forcée de jouer un rôle de suppléance, précieux certes mais insuffisant.
Qu’on retienne seulement l’exemple de l’immigration. Sous Talon, en l’espace de sept ans, la population de la Nouvelle-France devait tripler. Sans Talon et l’action de l’État, nous ne serions sans doute pas ici aujourd’hui.
Cette tradition du rôle de l’État s’est perdue avec 1760 alors qu’un nouvel État métropolitain entreprit un travail de colonisation tournée vers les intérêts supérieurs de l’Empire britannique. De là date l’anti-étatisme de notre population dont a souvent parlé l’historien Michel Brunet.
Maintenant que l’État québécois entend exercer pleinement les pouvoirs que lui confère la constitution canadienne et que la population exige une action de plus en plus grande et efficace, il est urgent de se donner les moyens d’assurer un rendement maximum de ces milliers de serviteurs de l’État mentionnés précédemment.
Or, il faut bien reconnaître que le législateur confie de plus en plus de mandats au gouvernement et
que celui-ci doit faire appel à son personnel pour la mise en œuvre diligente des mesures votées. Dans une société de
participation où les groupes sont invités constamment à donner leur avis sur les questions qui les concernent, il
Il n’est pas surprenant que les fonctionnaires eux aussi aient voix au chapitre. On ne peut pas à la fois vouloir une fonction
publique de haut calibre et en même temps se surprendre que les fonctionnaires aient des idées. C’est une mesure
de leur compétence tout autant que de leur éthique que de constater le degré de compréhension qu’ils ont des volontés
de leur Parlement et de leur Gouvernement.
Bien sûr, plus le rang des fonctionnaires est élevé, plus leur mandat est large et plus leur compétence
doit être grande. Permettez-moi, monsieur le président, de rappeler ici qu’il appartient au Gouvernement du Québec et à
notre Fonction publique d’évaluer l’objectivité, l’honnêteté et la compétence des serviteurs de l’État québécois.
Certaines déclarations récentes de politiciens étrangers au Gouvernement du Québec tentaient d’amener
la population à douter de l’intégrité et de la probité intellectuelles de certains hauts-fonctionnaires de l’État québécois.
Ces déclarations sont carrément inadmissibles et constituent, à nos yeux, une intervention inacceptable. Il est temps qu’on
sache à Ottawa, et dans certains milieux, qu’il ne m’est pas nécessaire d’identifier que le Gouvernement du Québec ne
juge pas de la compétence de ses fonctionnaires sur leur soi-disante fidélité à un Parti ou sur des options constitutionnelles
qu’on tente de leur prêter. Il est temps qu’on sache que Québec a choisi d’aller au-delà de la partisanerie politique, ou pire, du chauvinisme constitutionnel. Pour nous, il y a d’abord les intérêts supérieurs de la collectivité québécoise.
À titre de ministre délégué à la Fonction publique, je ne peux pas permettre et ne permettrai pas qu’on porte atteinte à la réputation de certains de nos meilleurs hauts-fonctionnaires, surtout si la principale accusation qu’on leur porte, en fin de compte, c’est d’être résolument pro-québécois et dévoués à la cause du Québec.
Ainsi, monsieur le président, assurer la qualité des dirigeants de la Fonction publique, s’en préoccuper à plein temps, voilà une autre tâche du ministère de la Fonction publique du Québec qui sera aussi responsable de définir les besoins et programmes de perfectionnement du personnel.
En ce qui concerne certaines catégories de cadres, le ministère de la Fonction publique collaborera particulièrement avec l’École nationale d’Administration publique qui vient d’être mise sur pied à l’intérieur du réseau de l’Université du Québec.
La Fonction publique a aussi fait parler d’elle, monsieur le président, comme une institution omniprésente, comme d’une grosse machine complexe, lourde et relativement inefficace.
Aussi longtemps que le personnel du secteur public, disons-le franchement, n’était pas très bien rémunéré,
personne ne se plaignait trop de la qualité des services qu’il en recevait. Mais maintenant que les salaires
sont décents et que les conditions de travail se comparent avec celles qui prévalent dans les entreprises, la question
que se posent, et avec raison, beaucoup de gens, c’est la suivante: comment le contribuable va-t-il être protégé contre
la hausse rapide et constante des coûts de ces services ? Tous ces talents sont-ils utilisés à pleine capacité ? Est-ce
que chacun a la chance de donner toute sa mesure au service du public ? Est-ce qu’il y a une certaine équation entre les
travaux à exécuter et les ressources humaines disponibles ? Y a-t-il trop de monde dans les écoles, les hôpitaux, les
services gouvernementaux ? Ce sera l’œuvre de ce nouveau ministère de mettre au point et d’appliquer des méthodes de
prévision des besoins de personnel qui devraient permettre de mesurer avec une certaine exactitude les effectifs requis
d’ici quelques années.
Le ministère devra aussi promouvoir l’application des techniques les plus modernes d’organisation et
de gestion, de façon à développer des normes de rendement de même que des instruments de mesure de l’efficacité.
Il lui reviendra de plus d’examiner constamment les structures administratives du gouvernement.
Nous avons déjà rappelé qu’actuellement l’appareil gouvernemental comprend au-delà de cent organismes distincts.
Les régimes administratifs ne sont pas standardisés. Nous avons des problèmes de concentration d’effectifs et d’équipement dans certains territoires. Par ailleurs, il faudrait déconcentrer certaines administrations centrales pour les rapprocher
de leur clientèle.
Dans d’autres secteurs, il faudrait peut-être faire jouer de nouveaux rôles par les collectivités locales ou régionales.
En matière de politique d’administration financière, il faudrait développer des critères nous permettant de jauger le degré de contrôle et le degré d’autonomie requis vis-à-vis divers types d’organismes.
Des problèmes nouveaux de coordination interministérielle se posent en matière d’aménagement des territoires, aussi bien au niveau central que régional, et je ne fais qu’énumérer les points d’analyse qui sautent aux yeux de tout le monde. Cela est suffisant je pense, monsieur le président, pour montrer le travail énorme qui reste à faire pour que notre Fonction publique assume pleinement les tâches qui l’attendent.
Enfin, l’éparpillement des responsabilités en matière de gestion du personnel constitue, en soi, un cas
classique où une réforme administrative s’impose. J’ai décrit, en août, le rôle des nombreuses autorités centrales
distinctes en cette matière. Il y a lieu d’unifier cela. Le ministère en absorbant la Direction générale des Relations
de Travail et trois ou quatre autres services centraux, constitue une première étape dans cette voie.
La création d’un ministère de la Fonction publique permettra d’assurer un meilleur rendement et une plus grande efficacité des divers corps de fonctionnaires, donc de l’État lui-même.
Déjà le Québec peut compter sur des secteurs qui ont fait l’objet de réorganisation profonde et qui sont mieux contrôlés par les Québécois – on peut donner pour exemple le secteur des assurances le monde de l’enseignement, etc… -.
Dorénavant, le ministère de la Fonction publique permettra de mettre l’accent sur la productivité et le rendement.
<Masse19691119>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE SUR LE PROJET DE LOI 63 À L’ASSEMBLÉE NATIONALE Québec, le 19 novembre 1969>
Monsieur le président,
Je voudrais prendre quelques minutes pour exprimer mon opinion sur un projet de loi dont l’adoption aura donné lieu à de multiples échanges de vue et dont la présentation même a provoqué un intérêt considérable au sein de notre population.
Quelle est la raison de cet intérêt ?
La réponse est bien simple : le présent projet de loi est important. Il contient des principes dont l’application même
influence l’avenir du Québec car ils touchent un des éléments majeurs, je dirais même l’élément le plus substantiel de la culture québécoise: la langue.
Tous les Québécois portent un intérêt considérable à ce projet de loi. Certains y sont favorables, d’autres expriment des craintes à son sujet, d’autres enfin y sont violemment opposés.
En fait, à mon avis, le projet de loi favorise le français et cela de multiples façons. Il peut être utile d’énumérer les raisons qui militent en faveur de la loi car, après tout, avec la troisième lecture nous sommes en quelque sorte au seuil de l’action.
Premièrement, l’intérêt de tous les membres de l’Assemblée nationale vis-à-vis ce projet de loi s’est
manifesté dans la même direction. Tous ont insisté sur la nécessité de donner au français la place qui lui revient au Québec et tous ont été d’accord pour affirmer que le français doit être une langue comprise, parlée et utilisée par tous les Québécois, quelle que soit leur origine. L’unanimité s’est faite à ce sujet. Personne ne met en doute le rôle que le français doit jouer. C’est tout de même réconfortant car, en définitive, l’objectif fixé est accepté par tous et les divergences n’apparaissent qu’au niveau des moyens.
Deuxièmement, d’après le premier article de la loi, le français devient pour tous une langue d’usage, La loi prévoit que le ministre de l’Éducation doit prendre les mesures voulues pour que, par les programmes d’enseignement, tous la connaissent de façon suffisante.
Et quand je dis ici » de façon suffisante » je tiens à souligner que je ne songe pas à cette vague connaissance du
français qui fait de certains anglophones trop nombreux des Québécois vaguement bilingues. Les anglophones devront
connaître le français et le parler couramment.
troisièmement, le projet fournit les éléments d’une politique linguistique qu’il nous faudrait de toute façon mettre en vigueur même si le Québec était souverain à moins évidemment que, dans une telle éventualité, nous n’abolissions totalement l’usage de l’anglais au Québec, ce qui serait ni juste, ni raisonnable, ni réaliste.
Le projet de loi est une étape. Le Premier Ministre a lui-même donné un sens précis à l’étape parcourue et il lui a imprimé une direction finale en affirmant, le jour où la loi a été déposée, que dorénavant le Québec se construirait en français. Sinon, et nous le savons tous, nous continuerons peut-être d’exister, mais uniquement comme communauté folklorique perdue dans le vaste continent nord-américain à travers une immense majorité anglo-saxonne. C’est donc dire que d’autres mesures nécessaires suivront qui viendront compléter la politique linguistique que nous avons absolument besoin de mettre en œuvre au Québec. Par la présentation même de ce projet de loi, le gouvernement actuel du Québec est soumis à l’élaboration et à l’application d’une telle politique de la langue. Il ne peut plus s’y dérober.
Toutefois, et j’aimerais insister sur cet aspect de la situation justement parce que nous sommes au seuil de l’action, le projet de loi qui sera adopté en troisième lecture ne réglera pas à lui seul le problème de la langue française au Québec. Il y aura d’autres mesures à prendre, et pas seulement dans le domaine linguistique.
Car une loi s’insère dans un milieu donné. Par son application elle peut, selon les circonstances,
être efficace ou l’être moins. Tout dépend du milieu. Pour ma part, je suis convaincu que le projet qui sera adopté en troisième lecture sera favorable au français parce que nous avons aussi l’intention de modifier le milieu dans
lequel il s’insérera. Si je ne croyais pas pouvoir aider la cause du français au Québec je devrais, en conscience, voter contre le projet de loi.
Ce milieu sur lequel nous devons agir est multiple et varié. Je voudrais retenir deux aspects de la réalité qui me préoccupent particulièrement à titre de ministre délégué à l’Office de Planification et de Développement du Québec et de ministre des Affaires intergouvernementales.
D’une part, le milieu constitutionnel lui-même devra évoluer. Pour protéger le français et permettre
son épanouissement il faut que le Québec exerce tous les pouvoirs dont il dispose actuellement et qu’il acquière ceux
dont il a besoin. Je n’ai pas l’intention aujourd’hui d’entrer dans les détails à ce sujet: le débat ne s’y prête pas. Je tiens simplement à exprimer ma ferme intention de participer activement et fermement à la poursuite du débat constitutionnel car, contrairement à ce que s’imaginent certains, il ne s’agit pas là d’une vague question juridique, mais d’un
problème fondamental.
Il est évident d’ailleurs qu’à titre de ministre des Affaires intergouvernementales, je continuerai à
m’intéresser de très près, tout comme l’ensemble du gouvernement, à ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la
francophonie. Car nous ne sommes pas seuls au monde à parler le français. Cent cinquante millions d’autres être s
humains en font autant et, ne l’oublions jamais, le rapprochement avec les autres pays de langue française est une
des conditions essentielles de notre épanouissement tant linguistique que culturel.
D’autre part, comme ministre directement intéressé aux problèmes de la planification économique
au Québec, je considère qu’il est vital de doter le Québec des structures et aussi des institutions économiques et
financières qui lui font encore défaut. Cela exige une action concertée d’un certain nombre de ministères mais
cette action – et c’est là-dessus en définitive que je veux insister – doit conduire à une plus grande maîtrise de
notre économie.
En somme – et je termine par là – une politique linguistique, même globale, ne suffirait pas à résoudre tous les problèmes. Le projet de loi actuelle ment en troisième lecture n’y parviendra certes pas à lui seul, et personne n’a jamais prétendu le contraire. Ce qu’il importe de retenir c’est qu’il faut également agir au niveau constitutionnel et économique. Si nous sommes forts constitutionnellement et économiquement, si nous agissons sur le plan de la langue, nous avons toutes les raisons d’être optimistes quant à l’avenir.
Le projet de loi 63 constitue un défi pour le Québec. Ou bien le Québec, qui ne s’est jamais démenti jusqu’à maintenant en ce qui a trait à sa langue, maintient ses attitudes et sa fermeté historique, ou bien il se laisse aller passivement à l’assimilation. Quant à moi, j’accepte de relever ce défi. Nous serons fidèles à nous-mêmes parce que plus que nos attitudes, ce qui est mis en cause, c’est notre conscience collective, je dirais même notre instinct. J’ai confiance en l’instinct de conservation du peuple québécois et c’est pourquoi je parie gagnant.
<Masse19691120>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LE CLUB DES RELATIONS NTERNATIONALES DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Québec, le 20 novembre 1969>
Après avoir parcouru l’Europe, les États-Unis et bientôt l’Amérique Latine, votre Club vient pour la première fois à Québec. C’est là un événement significatif qu’il me fait plaisir de signaler en vous recevant aujourd’hui à titre de ministre des Affaires intergouvernementales.
Si la vocation internationale du Québec se manifeste avec autant de dynamisme, c’est surtout grâce à la sensibilisation plus poussée de la population québécoise vis-à-vis cette nouvelle affirmation de nous-mêmes. Au niveau universitaire le rôle d’un Club comme le vôtre n’est certes pas négligeable et vous n’avez qu’à vous en féliciter.
Par sa participation à diverses conférences internationales, à certains organismes et par ses ententes avec la France et la francophonie en général, le Québec s’affirme. Les résultats de la coopération, de l’aide bilatérale et multilatérale sont intéressants. Nous nous devons de souligner combien les contacts sont nombreux et jusqu’à quel point le Québec est maintenant présent à l’extérieur de ses frontières.
L’utilité de ces échanges n’est plus à démontrer. Nous apprenons et nous échangeons. Il y va de l’intérêt du Québec, de la vie quotidienne des Québécois, de participer, selon nos moyens et les objectifs que nous nous sommes fixés, à l’élaboration d’une société internationale plus juste et plus fraternelle.
Notre splendide isolement des temps passés n’est plus de mise, si nous voulons synchroniser nos montres à l’heure du vingtième siècle. Toute notre vie communautaire est touchée, bouleversée par l’évolution des rapports entre nations, par le rapprochement international qui se produit sous nos yeux. Nous ne pouvons pas continuellement laisser à d’autres la responsabilité de représenter les Québécois.
Aucun peuple ne peut se développer normalement sans s’ouvrir au monde. Le gouvernement québécois l’a compris et ira nécessairement plus avant dans la voie de l’affirmation de notre dimension internationale.
<Masse19691127>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE À LA SIGNATURE DE LA CONVENTION
COLLECTIVE DU COLLÈGE D’ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL DE BOIS DE BOULOGNE
À LA BIBLIOTHÈQUE DE LA JUSTICE Québec, le 27 novembre 1969>
C’est une tâche particulièrement agréable que de signer, aujourd’hui au nom du Gouvernement du
Québec, cette convention collective entre les administrateurs du Collège d’enseignement général et professionnel
de Bois de Boulogne, le gouvernement et le syndicat représentant les enseignants de ce Collège.
Inutile de vous dire que cette entente entre les deux parties a voulu répondre, dans la mesure du possible, aux exigences de chacun des groupes en présence.
Cette première convention collective entre le gouvernement et vous, comme celles déjà intervenues avec des groupes similaires à travers le Québec, répond en tous points aux politiques d’éducation et de traitement appliquées dans les autres conventions collectives de travail.
Cette convention, qui constitue l’heureux dénouement de longues semaines de négociations, témoigne du sérieux et de la bonne foi des négociateurs ainsi que du sens des responsabilités des dirigeants syndicaux de votre Collège, des administrateurs et des représentants du gouvernement.
Nous avons prévu des mécanismes de consultation pour permettre aux enseignants d’exprimer leur point de vue sur toute matière à caractère pédagogique, administratif et contractuel.
Une échelle de traitement basée sur la scolarité et l’expérience procurera aux enseignants des revenus compatibles avec la politique de salaire du gouvernement qui est favorablement comparable à ce qui existe ailleurs.
Cette convention que nous signons aujourd’hui n’est à mon sens qu’une première étape et constitue
l’établissement d’un code des relations de travail entre les enseignants du Collège d’enseignement général et professionnel
de Bois de Boulogne partie à cette convention, les administrateurs du Collège et le gouvernement.
Il est réconfortant de constater qu’il nous est maintenant possible, chez nous, d’en venir à une entente entre employeur et employé par un dialogue ferme et serré, mais toujours dans une même optique, soit le désir de comprendre le point de vue de l’autre partie.
Nous sommes bien conscients de part et d’autre que la perfection n’est pas de ce monde et que des améliorations seront désirées, mais d’autres négociations et d’autres conventions suivront qui viendront modifier certaines lacunes qui pourraient se présenter.
Nous souhaitons que le climat de bonne entente qui a régné tout au long des négociations et qui a
permis cette entente se prolongera pendant toute la durée de la convention et que nous pourrons entreprendre les
nouvelles négociations dans un esprit de compréhension et avec le même sens des réalités.
<Masse19691130>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE SUR LES RETRAITES DANS LE COMTE DE MONTCALM
Saint-Donat, le 30 novembre 1969>
Mesdames, Messieurs,
Depuis quelques années, les travaux de la Chambre se poursuivent à un rythme accéléré. C’est ainsi que d’importantes lois sont approuvées sans obtenir toute l’attention qu’elles méritent de la part du public.
Parmi celles-ci, j’aimerais mentionner la « Loi modifiant le régime de retraite des fonctionnaires », sanctionnée le 13 juin dernier.
Nous considérons cette loi comme très importante, caractéristique de l’impulsion que nous voulons donner à la fonction publique. Je suis très heureux de vous en faire connaître plusieurs modalités, à vous qui vous intéressez à tout ce qui touche à la vie de l’État.
Nous croyons sincèrement qu’il s’agit là d’une législation progressive, moderne, je dirais même, sans équivalent dans le domaine de l’administration publique au Canada.
Depuis quelque temps, déjà, le gouvernement étudiait le régime de retraite. Après de nombreuses discussions, notamment avec un comité patronal-syndical tel que prévu au moment de la signature des conventions collectives avec les fonctionnaires, nous sommes arrivés à plusieurs conclusions. Voici les principales:
– Majoration des pensions des fonctionnaires déjà à la retraite, ou qui le seront dans l’avenir, nécessitée par l’augmentation du coût de la vie;
– Augmentation de la protection pour tous les enfants des fonctionnaires décédés;
– Protection aux enfants orphelins des fonctionnaires;
– Réduction de l’âge requis pour l’obtention d’une pension;
– Réduction du nombre d’années de service requis pour l’obtention d’une pension;
– et plusieurs autres points d’intérêt particulier.
C’est dans cet esprit que nous avons conçu cette loi qui a été approuvée par l’Assemblée nationale. Je tiens à vous souligner les améliorations les plus importantes impliquées par cette loi.
Le dernier rajustement des pensions a eu lieu en 1962. Depuis lors, l’indice du coût de la vie a sensiblement
augmenté. Partant de ce fait, nous avons décidé d’accorder une revalorisation de 2% par année sur toutes
les pensions accordées jusqu’ici et d’indexer les pensions qui seront accordées dans l’avenir, selon l’indice du coût
de la vie tel qu’établi par le Régime des rentes du Québec. C’est ainsi que toutes les pensions accordées avant 1962 sont,
depuis le 13 juin dernier, majorées de 2% par an, soit 16%. La pension minimum qui était de $900.00 passe maintenant
à $1,044.00. L’augmentation du montant des pensions accordées entre 1962 et 1968 étant de 2% par année, une pension
accordée en 1962 est augmentée de 14%, en 1963 de 12% et ainsi de suite. Ce même barème d’augmentation s’applique également aux pensions des veuves des fonctionnaires.
Par exemple, un fonctionnaire qui a été mis à sa pension en 1961, et qui recevait $4, 500.00 par année
jusqu’ici, recevra désormais $5,200.00. J’attire votre attention sur le fait que malgré l’augmentation des frais entra”nés par cette garantie de protection accrue, les fonctionnaires ne subiront aucune majoration de leur participation. Il est bien évident que les fonctionnaires déjà à leur retraite n’ont payé que 5% de leur salaire et qu’ils profitent d’une majoration importante aux frais du gouvernement. Il en va de même pour ceux qui paient actuellement leur cotisation. Elle ne sera absolument pas
augmentée, malgré les nouveaux avantages.
Nous avons voulu dans l’élaboration de cette loi mettre sur pied un mécanisme qui pourra, par la suite, tenir
compte des fluctuations du coût de la vie. Toutes les pensions accordées jusqu’ici, et celles qui le seront dans l’avenir,
seront ajustées automatiquement chaque année selon l’indice du coût de la vie établi par le Régime des rentes du Québec.
Ce rajustement pourra aller jusqu’à une augmentation de 2% par année. Si l’augmentation de l’indice du coût de la vie
dépasse ce maximum de 2%, la fraction qui n’aura pu être ajoutée à l’augmentation de l’année en cours sera ajoutée à
l’ajustement de l’année suivante, toujours dans le cadre d’un maximum de 2% par année.
Il s’agit là, c’est incontestable d’une loi progressive et sans exemple dans le domaine des affaires publiques au Canada.
Un autre point sur lequel nous nous sommes attardés est celui de la protection des enfants au moment
du décès d’un fonctionnaire. Jusqu’ici, lors de la disparition du pensionné, la veuve (ou le mari invalide selon le cas) recevait
la moitié de la pension. Si elle mourait ou si elle se remariait, le pension était payée aux enfants jusqu’à ce qu’ils
aient atteint 18 ans.
Dans la nouvelle loi qui, je vous le rappelle, est actuellement en vigueur les enfants de la veuve d’un fonctionnaire recevront 10% de la pension chacun, jusqu’à concurrence de quatre enfants, soit 40%.
C’est donc dire qu’une veuve avec quatre enfants ou plus recevra d’abord 50% de la pension tel que prévu
par la loi précédente, plus 40% de la pension pour les quatre premiers enfants, soit un total de 90% de la pension.
Cette amélioration de la loi s’applique à tous les enfants de moins de 21 ans s’ils sont encore aux études.
Nous sommes même allés plus loin. Lorsque la veuve d’un fonctionnaire décédait, les enfants recevaient
seulement une demi pension et, cela, seulement jusqu’à l’âge de 18 ans. Maintenant, chacun des enfants recevra 20% de la
pension de leur père, jusqu’à concurrence de quatre enfants. Les tuteurs ou gardiens pourront donc disposer de 80% de la
pension.
Là encore, les enfants éligibles doivent avoir moins de 18 ans, ou moins de 21 ans s’ils sont encore aux études.
Ces dispositions, il va sans dire, s’appliquent à tous ceux qui reçoivent actuellement des pensions ou qui répondent aux conditions requises.
Nous croyons, par ces mesures sociales, prouver l’intérêt que le gouvernement prend pour la protection de la famille de ses fonctionnaires.
Une autre amélioration progressive prévue par la nouvelle loi a trait à l’âge où un fonctionnaire peut prendre sa retraite.
La loi autorisait la retraite à l’âge de 65 ans, ou après 35 années de service. Les fonctionnaires de sexe féminin devaient, pour leur part, avoir atteint l’âge de 60 ans avant de pouvoir bénéficier de leur retraite.
Il nous a semblé qu’une telle législation était devenue désuète devant la tendance moderne qui prévoit
la retraite à un âge moins avancé, alors qu’une personne ou qu’un couple est encore en mesure de profiter pleinement
de cette période de sa vie.
Désormais, depuis le 13 juin 1969, le fonctionnaire peut prendre sa retraite s’il a atteint l’âge de 55 ans, à condition qu’il ait 32 ans de service sans considération de sexe. Nous avons même ajouté un autre avantage. Un fonctionnaire qui a atteint 55 ans, pourra même prendre sa pension après 22 ans de service. Pour les dames cette limite a été abaissée à 50 ans. Il est bien évident que dans ce dernier cas, des ajustements sont prévus pour fixer le montant de la pension.
Je vous fais remarquer que ces dispositions ne constituent pas une obligation pour les fonctionnaires:
c’est un choix qui leur est proposé.
Nous croyons que cette législation va dans le sens de l’avenir. Il nous a semblé normal qu’après une
grande partie de sa vie consacrée au service de l’État, un fonctionnaire puisse profiter pleinement de sa retraite à un moment où sa santé, ses activités, son expérience lui permettent de poursuivre une vie active.
Notre nouvelle loi comporte de multiples autres détails et avantages pour les pensionnés actuels et
futurs. Par exemple, les années passées dans les services armés du Canada ou celles passées en congé sans solde seront
désormais ajoutées aux années de service actif dans la fonction publique pour justifier l’ouverture de la pension.
De toute façon les fonctionnaires ou leurs ayants-droit sont assurés de recevoir le remboursement intégral
de tout le montant déboursé au régime de retraite « soit par voie d’une pension ou par remboursement ».
Pour faciliter l’établissement plus souple des budgets familiaux, les articles 5 et 24 permettent de décréter que les pensions seront payées sur la base de 26 versements au lieu de 12.
Je pourrais parler longtemps des autres aspects de cette loi: mais, je crois en avoir souligné les principaux.
Nous sommes fiers de cette législation. Nous avons la ferme conviction qu’il s’agit là de mesures sociales des plus efficaces, de mesures qui placent l’État du Québec à l’avant-garde des employeurs. Nous savons que cette loi contribuera grandement à poursuivre l’élan qu’au cours des dernières années nous avons voulu donner à la fonction publique du Québec.
<Masse19691203>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA RENCONTRE DES PRÉSIDENTS ET DES PERMANENTS DES CONSEILS ÉCONOMIQUES RÉGIONAUX À L’ÉDIFICE DELTA Québec, le 3 décembre 1969>
Messieurs,
C’est la première fois que j’ai l’occasion de rencontrer les présidents et les permanents des Conseils économiques régionaux.
Je suis particulièrement heureux que cette rencontre ait lieu à l’occasion de l’étude d’un projet qui engage tout l’avenir de l’action conjointe et coordonnée de l’Office de planification et de développement du Québec et des organismes régionaux qui ont pour fonction d’encadrer la participation du milieu à la planification du développement.
Il y a déjà plusieurs années que se sont établis des liens étroits entre des organismes responsables au palier québécois de la planification et des organismes comme les vôtres.
Il y a tout lieu de nous réjouir des progrès accomplis jusqu’à ce jour. Je tiens tout spécialement à vous féliciter et à vous remercier d’avoir contribué de façon aussi positive à la mise en place des structures de la participation du milieu aux orientations du développement du Québec.
Le temps est venu, cependant, de consolider ces efforts et de définir plus clairement nos modes d’action commune.
Vous êtes au courant que, depuis plusieurs mois, j’ai demandé à l’Office de procéder à une sorte de bilan de la situation et de mettre au point les éléments d’une politique cohérente de l’Office à l’endroit des Conseils économiques régionaux. Il y a plus d’un mois, d’ailleurs, le président de l’Office rencontrait les permanents des Conseils économiques régionaux en journées d’étude, à Lévis.
Le document qui vous est remis pour discussion a déjà été soumis à la Commission interministérielle de planification et de développement qui, comme vous le savez, réunit les sous-ministres en titre des divers ministères québécois ainsi que d’autres milieux gouvernementaux.
Toutes ces démarches ont abouti à la formulation d’une proposition pour une nouvelle politique qui doit maintenant faire l’objet d’une discussion franche et honnête.
Parallèlement à cette question des Conseils économiques régionaux, j’ai aussi demandé à l’Office
de procéder aux démarches susceptibles de conduire à la mise en place du Conseil de planification et de développement.
Vous êtes donc également appelés à vous pencher sur la question de la représentation des Conseil économiques
régionaux à ce Conseil. Le mécanisme de cette représentation reste à établir, et c’est en collaboration avec vous
que nous aimerions le mettre au point. Le président de l’Office vous fera part de l’ensemble de ce problème au moment propice au cours de cette journée.
Je termine en faisant appel à votre collaboration et en vous assurant de celle du gouvernement
du Québec et, plus particulièrement, de celle de l’Office de planification et de développement du Québec. Je cède
maintenant la présidence de cette réunion au président-directeur général de l’Office de planification et de développement
du Québec, en étant convaincu que vos délibérations seront fructueuses et permettront, dans l’avenir, une coopération de plus en plus étroite.
<Masse19691205>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION COLLECTIVE AVEC LES MEMBRES DE LA FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS DU QUÉBEC Québec, le 5 décembre 1969>
Il me fait plaisir de signer, aujourd’hui au nom du gouvernement du Québec, ces conventions collectives
de travail impliquant quelque 12,000 salariés, membres du Syndicat canadien de la Fonction publique et le Local 298
de l’Union des employés de services d’édifices, affiliés à la Fédération des Travailleurs du Québec, les administrateurs
d’hôpitaux du Québec et le gouvernement.
La signature de ces contrats de travail constitue l’aboutissement d’une ronde de négociations dans
le secteur public et para-public, au cours de laquelle nous avons planifié des conditions de travail et des salaires pour
plus de 250,000 travailleurs.
Cette ronde de négociations constitue la moins cent cinquante classifications d’employés réparties dans deux cents hôpitaux du Québec.
Les augmentations ont donc été accordées à partir d’impératifs propres au milieu hospitalier
québécois, mais il n’est pas superflu de préciser que les salaires se comparent très avantageusement avec ce qui
est accordé ailleurs au Canada et, notamment,avec ce qui est payé en Ontario, pour des fonctions analogues et des
périodes comparables.
Nous avons tenu à respecter les principes de la politique salariale même si ces principes étaient lourds d’implications financières.
Il va sans dire qu’éliminer le différentiel entre les hommes et les femmes dans un secteur où la concentration féminine est aussi forte requiert des investissements très grands.
Permettez-moi de souligner que les quelques cas de disparité, qui restaient dans les hôpitaux depuis la dernière convention collective de juillet 1966, sont à toute fin pratique éliminés avec la signature de celle-ci.
Par cette convention collective, le gouvernement a surtout voulu procéder à l’élimination des
écarts régionaux et permettre à tous les salariés du secteur hospitalier de recevoir une rémunération identique, d’où
la réalisation complète et intégrale d’un principe important de la politique salariale.
J’aimerais remercier les négociateurs des parties à ces conventions qui, par leur esprit de collaboration,
ont permis d’en venir par un dialogue ferme et serré à une entente juste et favorable pour le bien de tous
les Québécois.
Je veux également souligner l’inlassable collaboration de monsieur Gilles Gaudreault, président
du comité de négociations, et de ses collègues qui ont, par leur compétence tout autant que par leur éthique, rempli
leur mandat avec objectivité et honnêteté.
Nous avons fait un effort de rationalisation dans les pourparlers qui nous ont amenés dans les conclusions de ces conventions. Leur application nous permettra certes d’apporter lors de prochaines négociations d’autres améliorations. Nous souhaitons toutefois que le climat de bonne entente qui a régné pendant les négociations
se prolongera et que nous pourrons entreprendre les nouvelles négociations dans le même esprit de compréhension
et avec le même sens des réalités.
Il serait à souhaiter cependant que nous puissions trouver ensemble des mécanismes qui nous évitent
une multiplicité de tables de négociations qui entraînent automatiquement des pertes de temps et des dépenses d’argent
très élevées pour toutes les parties en cause.
Le contribuable québécois a consenti aux employés d’hôpitaux des conditions de travail et de salaire justes et raisonnables. U est donc en droit de s’attendre à un rendement amélioré de la part de ses salariés.
Les administrations hospitalières pour leur part bénéficient d’une latitude de gestion qui leur permet
d’atteindre l’efficacité qu’elles souhaitaient. Quant au gouvernement, il ne peut que se réjouir du règlement de
cette longue négociation et qu’on soit parvenu à des ententes complètes sans mettre en danger la santé et la sécurité
publiques.
<Masse19691205
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION COLLECTIVE AVEC LES MEMBRES DU SYNDICAT PROFESSIONNEL DES INFIRMIÈRES DU QUÉBEC
Québec, le 5 décembre 1969>
C’est une tâche particulièrement agréable que de signer, aujourd’hui au nom du gouvernement du Québec, cette convention collective entre le Syndicat professionnel des Infirmières du Québec, les United Nurses of Montreal, les administrateurs des hôpitaux du Québec et le gouvernement.
Inutile de vous dire que cette convention entre les deux parties a voulu répondre, dans la mesure du
possible, aux exigences de chacun des groupes en présence. La signature de ce contrat de travail constitue l’aboutissement
d’une ronde de négociations dans le secteur public et para-public, au cours de laquelle nous avons planifié des
conditions de travail et des salaires pour plus de 250,000 travailleurs.
Dans votre cas, je tiens à souligner votre sens des responsabilités en me référant à une de vos déclarations
alors que vous disiez que vous ne feriez pas de grève, préférant faire passer les préoccupations d’ordre professionnel
avant les intérêts syndicaux. Cela ne vous a pas pour autant été défavorable, puisque vous obtenez aujourd’hui des
conditions de travail équivalentes et des salaires semblables aux autres. Pour notre part, nous devions nous en tenir à
l’application de la politique salariale du gouvernement et ce n’était pas chose facile dans le secteur hospitalier puisque
nous devions tenir compte d’au moins cent cinquante classifications d’employés réparties dans deux cents hôpitaux du
Québec.
Le gouvernement a voulu d’abord aligner les traitements sur ceux que versent des employeurs du même
genre pour des emplois analogues; éliminer les différentiels de salaires pour des emplois identiques, indépendamment
du fait que ces emplois soient exercés par des hommes ou des femmes; encourager la spécialisation; éliminer les
écarts régionaux; et favoriser l’organisation de carrières professionnelles.
J’aimerais remercier les négociateurs des parties à cette convention qui, par leur esprit de collaboration,
ont permis d’en venir par un dialogue ferme à une entente juste et favorable pour le bien de tous les Québécois.
Permettez-moi de souligner la collaboration de monsieur Gilles Gaudreault, président du comité
de négociations, et de ses collègues qui ont, par leur compétence, rempli leur mandat avec objectivité et honnêteté.
Je ne voudrais pas non plus passer sous silence la part importante qu’a prise à ces négociations le
docteur Rock Boivin, ministre d’État à la Santé, ainsi que le rôle déterminant de mon collègue à l’Assemblée nationale,
Me Jean Cournoyer, député de Saint-Jacques.
La compréhension des dirigeants syndicaux a également contribué à trouver une solution honorable. Si cette convention vient répondre aux désirs de chacune des parties, il ne faut pas penser que le travail soit pour autant terminé.
Nous considérons que le travail d’infirmières nécessite pour elles une adaptation des techniques
qui se renouvellent constamment.
C’est la raison qui nous a motivé à accorder dans ce secteur de l’activité hospitalière des facilités
de perfectionnement que nous jugeons des plus valables. Il serait cependant à souhaiter que nous puissions trouver
ensemble des mécanismes qui nous évitent une multiplicité de tables de négociations qui entra”ne automatiquement des
pertes de temps et des dépenses d’argent très élevées pour toutes les parties en cause.
Le contribuable québécois a consenti aux employés d’hôpitaux des conditions de travail et de salaire
justes et raisonnables. Il est donc en droit de s’attendre à un rendement amélioré de la part de ses salariés.
Les administrations hospitalières pour leur part bénéficient d’une latitude de gestion qui leur permet
d’atteindre l’efficacité qu’elles souhaitaient.
Quant au gouvernement, il ne peut que se réjouir du règlement de cette longue négociation et qu’on
soit parvenu à des ententes complètes sans mettre en danger la santé et la sécurité publiques.
<Masse19691205b>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA SIGNATURE DE LA
CONVENTION COLLECTIVE AVEC LES MEMBRES DU CONSEIL DES SYNDICATS NATIONAUX
Québec, le 5 décembre 1969>
Je suis particulièrement heureux de signer aujourd’hui au nom du gouvernement la convention
de travail concernant les quelques 50,000 salariés membres de la Fédération nationale des services, affiliés à la C.S.N.,
les administrateurs des hôpitaux et le gouvernement.
La signature de ce contrat de travail constitue l’aboutissement d’une ronde de négociations dans
le secteur public et para-public, au cours de laquelle nous avons planifié des conditions de travail et de salaires pour
plus de 250,000 travailleurs.
Ce tour de force n’a pas été accompli sans difficultés, et si j’ai personnellement pris parti à la dernière phase des négociations, c’est que le Conseil des ministres a pensé qu’il était dans l’intérêt public de procéder ainsi.
Cette participation, de toute façon, n’était que la continuation logique du processus de négociations
dans le secteur hospitalier, puisque le gouvernement et les hôpitaux étaient des participants depuis le début des pourparlers.
Permettez-moi de vous rappeler que l’application de la politique salariale du gouvernement, en
ce qui concerne le secteur hospitalier, n’était pas chose facile puisqu’elle devait tenir compte d’au moins cent cinquante
classifications d’employés réparties dans deux cents hôpitaux du Québec.
Le gouvernement a voulu d’abord aligner les traitements sur ceux que versent des employeurs du même
genre pour des emplois analogues; éliminer les différentiels de salaires pour des emplois identiques, indépendamment
du fait que ces emplois soient exercés par des hommes ou des femmes; encourager la spécialisation; éliminer les
écarts régionaux; et favoriser l’organisation de carrières professionnelles.
Les augmentations de salaires ont donc été accordées à partir d’impératifs propres au milieu hospitalier
québécois, mais il n’est pas superflu de préciser que les salaires accordés se comparent très avantageusement
avec ce qui est versé ailleurs au Canada et, notamment, avec ce qui est payé en Ontario, pour des fonctions analogues
et des périodes comparables.
Dans cette convention, le gouvernement a tenu à respecter les principes de la politique salariale, même si ces principes étaient lourds d’implications financières. Il va sans dire qu’éliminer le différentiel entre les hommes et les femmes, dans un secteur où la concentration féminine est aussi forte, requiert des investissements très grands.
Toutefois, les quelques cas de disparités, qui restaient dans les hôpitaux depuis la dernière convention collective de juillet 1966, sont à toute fin pratique éliminés avec la signature de celle-ci.
Par cette convention, la partie patronale a voulu encourager la spécialisation et favoriser l’organisation de carrières professionnelles.
L’encouragement à la spécialisation est un principe qui était déjà reconnu dans le secteur hospitalier,
mais nul plus que vous ne sait que le fait que dans chacun des grands services de ce secteur on retrouve plusieurs classifications qui viennent cataloguer et particulariser la situation des gens les uns par rapport aux autres selon leur plus
ou moins grande spécialisation. Quant à l’élimination des écarts régionaux, la signature de la présente convention collective
permettra à tous les salariés du secteur hospitalier de recevoir une rémunération identique d’où la réalisation complète et intégrale d’un principe important de la politique salariale.
C’est ce qui explique que le gouvernement a jugé bon, sans déroger à sa politique salariale,
d’injecter une somme additionnelle dans le secteur hospitalier, même si nos offres précédentes étaient justifiées.
J’aimerais remercier les négociateurs des parties à cette convention, qui par leur esprit de collaboration,
ont permis d’en venir, par un dialogue ferme et serré, à une entente juste et favorable pour le bien de
tous les québécois.
Permettez-moi de souligner l’inlassable collaboration de monsieur Gilles Gaudreault, président du comité de négociations et de ses collègues qui ont, par leur compétence tout autant que par leur éthique, rempli
leur mandat avec objectivité et honnêteté.
Je ne voudrais pas non plus passer sous silence la part importante qu’a prise à ces négociations le
docteur Rock Boivin, ministre d’État à la Santé, ainsi que le rôle déterminant de mon collègue à l’Assemblée nationale,
Me Jean Cournoyer, député de Saint-Jacques.
La compréhension des dirigeants syndicaux a également contribué à trouver une solution honorable.
Cette convention qui constitue l’heureux dénouement de longs mois de négociations est pour une bonne part
due à l’esprit de dévouement du juge Jean-Charles Simard qui n’a ménagé aucun effort pour rapprocher les parties,
à titre de conciliateur. Si cette convention vient de répondre aux désirs de chacune des parties, il ne faut pas penser que
le travail soit pour autant terminé.
Nous avons fait un effort de rationalisation dans les pourparlers qui nous ont amené dans les conclusions
de cette convention. Son application nous permettra certes d’apporter lors des prochaines négociations d’autres
améliorations.
Nous souhaitons toutefois que le climat de bonne entente qui a régné pendant ces négociations se
prolongera et que nous pourrons entreprendre les nouvelles négociations dans le même esprit de compréhension et avec le même sens des réalités.
Il serait à souhaiter, cependant, que nous puissions trouver ensemble des mécanismes qui nous évitent
une multiplicité de tables de négociations qui entraînent automatiquement des pertes de temps et des dépenses d’argent
très élevées pour toutes les parties en cause.
Le contribuable québécois a consenti aux employés d’hôpitaux des conditions de travail et de salaire
justes et raisonnables. Il est donc en droit de s’attendre à un rendement amélioré de la part de ses salariés.
Les administrations hospitalières pour leur part bénéficient d’une latitude de gestion qui leur permet d’atteindre l’efficacité qu’elles souhaitaient. Quant au gouvernement il ne peut que se réjouir du règlement de cette longue négociation et qu’on soit parvenu à des ententes complètes sans mettre en danger la santé et la sécurité publique.
<Masse19691205c>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA CÉRÉMONIE D’INAUGURATION
DE L’AGRANDISSEMENT DE L’USINE DES TRICOTS EXCEL À MONT-JOLI Mont-Joli, le 5 décembre 1969>
Je remercie d’abord le Président des Tricots Excel de son aimable invitation. Cette délicate attention démontre son appréciation de la part du gouvernement au nouvel élan que prend son industrie et je l’en
remercie.
Le succès de l’entreprise de monsieur Bertrand Dandonneau est un sujet d’admiration à plus d’un
titre: d’abord parce que depuis des années le monde du textile est aux prises avec des difficultés en apparence insurmontables: difficultés dans l’approvisionnement en matière première, problèmes aigus de main-d’œuvre spécialisée
et concurrence acharnée de l’extérieur. Qu’une usine, malgré ces conditions défavorables, puisse grandir et prospérer à ce point démontre clairement la compétence et l’énergie de l’homme qui la dirige.
Le gouvernement du Québec est heureux d’avoir contribué dans la mesure de ses moyens au succès
de l’entreprise de monsieur Dandonneau et il me semble que cette réussite s’inscrit dans un effort d’ensemble mis en vigueur
par le gouvernement du Québec pour promouvoir le développement industriel des régions périphériques. Cet
effort s’est manifesté, notamment, par une prime plus élevée que le ministère de l’Industrie et du Commerce accorde
aux entreprises de ces régions et par des services de consultation mis à leur disposition dans le cadre de la Conférence
administrative régionale. Cette Conférence administrative régionale, c’est l’organisme de coordination composé du
coordonnateur régional de chacun des ministères impliqués dans l’exécution du plan, lequel plan est mis en œuvre par
l’Office de Développement de l’Est du Québec. La concertation de ces moyens aboutira à un développement accéléré
de ces régions.
Je sais pertinemment qu’une des raisons pour laquelle monsieur Dandonneau se réjouit d’avoir installé
son usine à Mont-Joli et qui a permis en même temps une expansion considérable, c’est l’excellence de la main-
d’œuvre disponible dans la région. Je considère que c’est là un facteur primordial pour le chef d’entreprise lorsqu’il
étudie la possibilité de s’établir hors des grands centres.
Puisque je parle de main-d’œuvre, je veux mentionner la contribution importante que représente cette nouvelle expansion
du point de vue de la création d’emplois. En effet, la main-d’œuvre qui sera employée doublera, passant de
245 à 485. Il faut bien voir également que l’installation d’une entreprise dans une région périphérique du Québec
n’empêche pas celle-ci d’avoir accès à tout le marché nord-américain. L’entreprise dont nous inaugurons aujourd’hui
une nouvelle section en fait la preuve convaincante. J’éprouve donc un sentiment d’admiration pour la Direction de la
compagnie auquel s’ajoute un sentiment de fierté à l’endroit de l’équipe gouvernementale.
Fierté de voir la réussite de l’aide technique apportée par le groupe d’experts en développement industriel mis en place par suite d’une recommandation du plan du B. A. E. Q. et au moyen de l’Entente de coopération Canada-Québec.
Fierté de constater que l’aide financière gouvernementale à l’industrie est génératrice d’emplois.
Fierté d’assister à ce succès dans cette région, laquelle s’est donnée des instruments efficaces de développement, instruments qu’elle continue de perfectionner comme en fait foi l’effort en cours dans la zone urbaine où nous sommes actuellement.
Fierté d’ajouter une nouvelle pièce au dossier pour convaincre ceux qui ne croient pas encore à certaines formes de-industrialisation des régions périphériques.
Fierté d’apporter cet exemple additionnel dans la renégociation de l’entente afin d’obtenir les moyens
de répéter souvent des réalisations comme celle d’aujourd’hui.
En conclusion, je m’en voudrais de ne pas louer à nouveau l’esprit d’entreprise de la Direction des
Tricots Excel, cette firme est la démonstration toute faite que les Québécois peuvent réussir dans les affaires et
le font effectivement.
<Masse19691213>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE LORS DE LA RÉUNION DU CONSEIL POUR LE DÉVELOPPEMENT DU FRANÇAIS EN LOUISIANE Natchitoches, le 13 décembre 1969>
Au nom du gouvernement du Québec, je remercie chaleureusement le Conseil pour le Développement
du français en Louisiane d’avoir invité une délégation québécoise à participer à ces importantes assises. Il nous
fait par ailleurs plaisir de nous trouver à Natchitoches, lieu historique en Amérique du Nord, fondé par les Français en
1714.
Je veux saluer monsieur James Domengeaux, président du Conseil pour le Développement du français
en Louisiane, qui accompagnait monsieur le gouverneur McKeithen à Québec en septembre dernier. Monsieur Domengeaux est l’âme dirigeante du mouvement qui nous rassemble aujourd’hui et je veux le remercier d’avoir provoqué cette réunion car il nous plaît toujours de venir chez vous; la chaleur de votre accueil témoignant de vos origines
françaises et de vos traditions américaines.
Nous aimerions sans aucun doute venir vous visiter en simples touristes, mais il nous est encore
plus agréable d’être ici à un autre titre, celui de membre de la francophonie mondiale. En effet, la délégation québécoise
se trouve en Louisiane parce que le Québec, comme vous, trouve normal de prendre ses responsabilités
et de jouer son rôle dans la communauté des peuples francophones.
Le gouverneur McKeithen déclarait à Québec : <« there has been a generation gap in Louisiana in the sense
that we nearly lost the french language ».> Heureusement vous avez réagi avant qu’il ne soit trop tard et aujourd’hui
vous voulez rattraper le temps perdu. Le Québec, quant à lui, est conscient qu’une langue se maintient et s’épanouit
seulement lorsqu’un peuple développe des relations avec d’autres peuples parlant sa langue. Ce bien commun exprime
des cultures différentes mais qui se fondent en un tout au niveau de la communication. L’avantage de ces
contacts entre francophones est que tous y gagnent et personne n’y perd. Il est donc important que chacun prenne
conscience de l’existence de ce grand ensemble que constitue la francophonie et dont on retrouve les membres en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique du Nord. Le rapprochement des francophones est davantage fondé sur une étroite solidarité culturelle que sur une coalition d’intérêts matériels. Cependant, il n’est pas interdit d’espérer
qu’aux avantages tirés des échanges culturels s’ajouteront des avantages matériels. déjà au Québec la coopération
avec la France s’accompagne de relations accrues dans le domaine économique.
Partout dans le monde, les collectivités francophones sortent de leur isolement. Séculairement
tourné vers lui-même le Québec, pour sa part, entretient maintenant, depuis quelques années, des relations nombreuses
et fructueuses avec la France et il est aussi de plus en plus présent en Afrique. Il est significatif que les francophones de l’Amérique du Nord en viennent à multiplier les contacts avec le reste de la francophonie.
Dans cette perspective, nous avons suivi au Québec, avec le plus grand intérêt, la mission accomplie
tout récemment en France par monsieur Domengeaux au nom du Conseil pour le Développement du français en Louisiane.
Les échos qui nous en sont parvenus sont à la fois flatteurs pour les Louisianais et encourageants pour ceux
qui s’intéressent à la cause de la langue française dans cette partie de l’Amérique.
Comme le soulignait, en septembre dernier, monsieur le gouverneur, votre gouvernement a pris
conscience du problème posé par l’affaiblissement et même la possibilité de disparition du français en Louisiane. Dès lors il a proposé les solutions et les moyens appropriés pour améliorer la situation. Vous savez désormais que le
Québec est prêt à faire avec vous, pas à pas, le long chemin qui conduira au redressement qui est souhaité par les
autorités de la Louisiane et du Québec. Nous sommes prêts, nous Québécois, à examiner avec vous les conditions
de réussite de cette opération et à participer avec vous à la définition du programme à mettre au point.
Il y a un an, nous avons commencé à établir avec le Conseil pour le Développement du français
des liens qui depuis n’ont fait que se renforcer. À l’occasion de la visite à Québec du gouverneur McKeithen les
deux États sont convenus que le Québec apporterait sa collaboration à la Louisiane dans la définition et la réalisation
de son programme d’enseignement du français. Dans la pratique, cela signifie la venue le plus tôt possible en Louisiane
de spécialistes québécois et d’autres pour des missions de plus longue durée afin de concerter avec vous les moyens
à prendre et les modalités à définir pour favoriser le développement du français. Soyez assurés que les experts, les
professeurs, les animateurs nous les avons et que, par conséquent, la question du personnel à mettre à votre disposition
ne devrait pas constituer un obstacle à notre coopération. De plus, nous devons collaborer en hydrologie, dans
les domaines du pétrole et des pêcheries.
Afin d’assurer la mise en œuvre de ces opérations, mon ministère sera constamment présent à
Lafayette par Léo Leblanc que les animateurs du Conseil connaissent bien et qui est ici le chargé de mission du
Québec. Dans le même sens, le gouvernement du Québec a constitué un comité de liaison qui maintiendra les rapports
entre le Québec et la Louisiane. Il me fait plaisir de vous présenter les membres de ce comité présidé par
monsieur Guy Frégault, commissaire général à la Coopération.
Il s’agit de monsieur Louis Rousseau, directeur général de l’Enseignement supérieur au ministère de l’Éducation,
de monsieur André Giroux, sous-ministre adjoint au ministère des Affaires culturelles et de monsieur Claude Courville, directeur du Perfectionnement à la Fonction publique. Dès que la partie louisianaise du Comité sera constituée, nous préciserons ensemble le programme d’action à appliquer au cours des prochaines années. Nous
espérons qu’une réunion se tiendra à cet effet au début de 1970. De plus, l’esprit de collaboration dont fait preuve la
France constitue un appui supplémentaire et indispensable pour la poursuite de nos objectifs et est prometteur quant
à la réussite des échanges dans la période à venir.
Nous en sommes donc à la phase concrète de la réalisation de nos objectifs. L’ordre du jour
de la présente réunion concernant la jeunesse et l’enseignement élémentaire en fait foi. Ces choix me paraissent
indicatifs de vos priorités. La jeunesse est l’élément sur lequel il faut travailler pour assurer l’avenir et c’est en
grande partie par l’enseignement que vous atteindrez vos buts. Pour travailler plus étroitement avec vous dans ces
domaines, le Québec a tenu à ce que des spécialistes de ces trois champs d’activités soient membres de la délégation
et participent aux séances des ateliers de travail.
françaises de par leur origine, nord-américaines de par leur position géographique, c’est par
nécessité autant que par choix que nos deux communautés doivent s’entraider. Il n’en tient qu’à nous pour que
les promesses faites de part et d’autre en raison du passé se transforment en réalités garantes de l’avenir.
<Masse19691215>
<ALLOCUTION DE L’HONORABLE MARCEL MASSE DEVANT LE CONSEIL ÉCONOMIQUE RÉGIONAL DU
SAGUENAY LAC SAINT-JEAN À JONQUIÈRE Jonquière, le 15 décembre 1969>
Je voudrais d’abord remercier le président du Conseil économique régional de son aimable invitation à partager avec vous ce moment de répit dans vos discussions. Nous nous retrouvons ainsi presque jour pour jour, un an après la rencontre que nous avons eue le 19 décembre 1968 et qui constituait le lancement de la Mission de planification régionale du Saguenay – Lac Saint-Jean.
Le moment est propice, il me semble, pour dresser rapidement le bilan des travaux de la Mission et pour indiquer dans leurs grandes lignes les prochaines étapes de notre projet de planification régionale au Saguenay -Lac Saint-Jean.
La Mission, c’est essentiellement quinze ministères qui, sous la coordination de l’Office de planification et de développement, définissent ensemble leur programme d’action des prochaines années dans la perspective d’une accélération du développement socio-économique de la région.
Cette équipe de représentants des ministères concernés a pu préparer, au cours de l’été et de
l’automne, l’esquisse d’un plan de développement régional et ce, à partir des travaux déjà effectués dans la région
par votre conseil et d’autres organismes, et grâce aussi aux nombreuses recherches entreprises dans les divers
ministères.
Il est fondamental que, par l’intermédiaire de ses porte-parole, la population participe à la
définition des objectifs du développement. La planification doit être l’œuvre conjointe du Gouvernement et de la population.
n ne peut en être autrement si nous voulons que le résultat de nos efforts corresponde aux réalités économiques
et sociales de la région et tienne compte de ses besoins particuliers.
La présence ici aujourd’hui des membres des dix comités consultatifs régionaux et du conseil d’administration
du C. E.R. m’indique que la participation du milieu à l’effort de planification s’est organisée d’une manière efficace. Les comités de travail que vous avez formés ont siégé durant de nombreuses journées et vous avez reçu aujourd’hui le résultat de cette réflexion approfondie. Il vous appartient maintenant, à partir des nombreuses recommandations
qui ont été déposées, d’établir les priorités qui s’imposent.
Les liens étroits de collaboration qui se sont établis entre les fonctionnaires des différents ministères et les comités consultatifs ont produit un dialogue fructueux.
Sans porter de jugement de valeur sur les recommandations des comités, qui s’adressent d’ailleurs
au Conseil économique régional, je tiens à vous remercier de l’empressement que vous avez mis à collaborer avec notre équipe. Votre participation à la planification du développement de votre région ne doit pas s’arrêter là et
se poursuivra au cours des prochaines phases de l’entreprise commune dans laquelle nous nous sommes engagés.
Le 23 décembre prochain, le document de l’Esquisse du plan sera remis aux députés de la région,
au Conseil d’Administration du Conseil économique régional et à la direction de l’Office de planification et de développement.
Votre conseil sera alors en mesure, grâce au travail des derniers mois, de fournir son avis
officiel vers la mi-janvier. En même temps que s’effectuera cette consultation formelle du Conseil économique
régional, l’Esquisse du plan sera soumise à l’examen de la Commission interministérielle de planification, qui regroupe
l’ensemble des sous-ministres des ministères du Gouvernement.
A la suite des avis ainsi exprimés à la fois par le Conseil économique régional et par la Commission
interministérielle, l’Office de planification mettra au point le document que le ministre responsable de l’Office
sera appelé à soumettre au Conseil des ministres.
Une fois que le Gouvernement aura pris les décisions pertinentes vers février-mars, nous procéderons
à la mise en place des mécanismes plus permanents qui facilitent l’exécution des programmes approuvés.
Nous souhaitons que la participation aux prochaines étapes de la planification régionale soit imprégnée du même esprit de collaboration et d’enthousiasme qui a marqué les travaux de ces derniers mois.
<Masse19691219>
<CONFERENCE DE PRESSE DE L’HONORABLE MARCEL MASSE MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA FONCTION PUBLIQUE Au Parlement, à la chambre 122 Québec, le 19 décembre 1969>
Messieurs,
Une évolution positive s’est manifestée au Québec sur le plan des relations de travail dans les secteurs publics et para-publics depuis 1966.
C’est la conclusion que nous pouvons tirer à la fin de ce qu’il est convenu d’appeler la seconde ronde de négociations à laquelle a participé le gouvernement et qui se termine à toute fin pratique par l’accord intervenu dans le secteur hospitalier.
Lorsqu’on veut tracer le bilan de la dernière période de négociations, il nous faut retourner en arrière et constater dans quelle situation ce domaine de l’activité gouvernementale se trouvait à l’été de 1966.
On se rappelle qu’à cette époque le gouvernement faisait face à une grève de ses professionnels,
grève qui durait depuis plus de deux mois, et qu’en juillet les employés d’hôpitaux débrayaient pour une période de
trois semaines malgré, dans plusieurs cas, les injonctions prises selon le code du travail pour assurer la sécurité des
patients. De plus, à l’automne les négociations entre les commissions scolaires et leurs enseignants étaient dans
une situation des plus chaotiques.
Devant tous ces conflits le gouvernement a du adopter des méthodes fermes pour pouvoir en arriver à des règlements.
Qu’il suffise de rappeler, plus particulièrement, les négociations entre l’Association des hôpitaux du Québec et les employés de ce secteur où le gouvernement a défaire appel à un médiateur dont l’intervention n’a pu être fructueuse qu’après la mise en tutelle des hôpitaux. À ce moment, le médiateur a pu en leur nom signer une convention collective en tant qu’administrateur délégué.
Dans le domaine de l’enseignement, l’analyse des budgets des commissions scolaires pour l’année
1965-66 démontrait que les dépenses inadmissibles aux subventions d’équilibre budgétaire étaient principalement
attribuables aux conditions de travail du personnel, c’est-à-dire 60.2% dans les commissions scolaires locales et
66.9% dans les commissions scolaires régionales. Pour cette raison et tenant compte de la conjoncture économique, le gouvernement décidait le 14 octobre 1966, de maintenir sa participation aux dépenses résultant
de hausses de traitements, à condition que les offres de salaires par les commissions scolaires à leur personnel
enseignant aient reçu une approbation de la direction générale du financement du ministère de l’Éducation et que la décision
d’une commission scolaire d’accepter le recours à l’arbitrage soit approuvée au préalable par les mêmes services
du ministère.
Les objectifs poursuivis par le gouvernement dans ces directives étaient d’abord de réduire les disparités régionales de salaires, deuxièmement d’assurer un rattrapage rapide dans le cas des groupes d’enseignants dont les traitements étaient encore inférieurs, troisièmement de freiner la croissance des salaires dans les catégories les plus élevées pour les ramener à un rythme de croisière comparable à celui appliqué dans l’ensemble du secteur public et adapté au rythme de croissance de l’ensemble de l’économie.
Cette directive avait pour but de maintenir le fardeau du contribuable à un niveau supportable.
Or, certaines associations d’enseignants ayant interprété ces textes comme une négation de la libre
négociation, nous nous retrouvions, en février 1967, avec plusieurs grèves en cours et d’autres qui menaçaient de se
déclencher.
Le gouvernement se devait donc de présenter une loi qui permettrait de corriger la situation en assurant
un nouveau régime de convention collective dans le secteur scolaire. Cette loi prévoyait des conditions particulières
de travail jusqu’au 30 juin 1968 et décrétait le régime de la négociation à l’échelle du Québec pour l’année
scolaire 1968-69. Elle contenait de plus en annexe une échelle de traitement selon laquelle les enseignants seraient
rémunérés pour une période déterminée.
Laisser les négociations locales ou régionales suivre la voie désordonnée qui les caractérisaient
depuis quelque temps n’était plus acceptable et faisait courir des risques insupportables à l’équilibre financier du Québec. Laisser l’escalade des salaires se produire chez les enseignants c’était du même coup drainer les enseignants
les plus qualifiés dans les commissions scolaires les plus riches et ouvrir la porte à une escalade entre tous les groupes
du secteur public.
Le gouvernement, en réglant le conflit qui l’opposait à ses professionnels, en signant par l’intermédiaire
de l’administrateur délégué en vertu de la loi des hôpitaux une convention collective dans le secteur hospitalier
et en plaçant la négociation à l’échelon de tout le Québec avec les instituteurs, venait de prendre en main une situation
qui lui avait toujours échappé depuis la syndicalisation de ses employés ou encore depuis la participation financière accrue qu’il s’était imposé dans le domaine des hôpitaux comme dans celui de l’enseignement.
Il restait alors à préparer, fort de l’expérience vécue, l’étape suivante de négociations avec tous
les employés des secteurs publics et para-publics.
La fin de l’année 1967 et le début de l’année 1968 ont marqué clairement cette intention du gouvernement
de s’acquitter pleinement de ses responsabilités en cette matière et de coordonner ces différentes négociations
à l’intérieur d’un cadre précis qui, sur le plan budgétaire, correspondait à la politique salariale du gouvernement.
Celui-ci reconnaissait déjà que la prochaine ronde de négociations allait être importante et très lourde de conséquences.
En décembre 1967, le président du Conseil exécutif, monsieur Daniel Johnson, rappelait que le
gouvernement du Québec ne pourrait assumer, sans augmenter les taxes, de nouvelles obligations trop lourdes tant au
niveau des salaires qu’à celui de l’augmentation de la main-d’œuvre dans les secteurs publics. Les déboursés du gouvernement en traitements et salaires de plus de 250,000 employés, précisait-il, sont déjà de l’ordre de 1 milliard
cent million de dollars. Dès ce moment, par conséquent, le gouvernement était conscient de la portée budgétaire de
la masse salariale et de ses deux composantes: les taux de traitements et les effectifs.
L’importance des sommes d’argent impliquées et les conséquences possibles pour les contribuables
québécois d’avoir à assumer des augmentations d’impôts justifiaient le gouvernement de confier à un membre du cabinet
la direction et la coordination des négociations à venir dans les secteurs publics et para-publics.
C’est ainsi que le Premier Ministre confiait à un ministre d’État un nouveau mandat soit celui de
s’occuper au nom du Cabinet non seulement de la négociation des nouvelles conventions collectives avec les fonctionnaires,
mais de toutes celles où le gouvernement se sentait parti.
S’ajoutait à cette tâche pour le ministre d’État délégué à la Fonction publique celle de définir les structures
du futur ministère de la Fonction publique et d’assumer la législation à cet effet.
Un mois plus tard, sur la recommandation du ministre responsable, le gouvernement mettait
sur pied un comité de coordination des relations de travail qui avait pour but de coordonner les négociations et les mandats
ayant rapport aux conditions de travail et aux salaires au sein de la Fonction publique et dans les institutions de
service public et para-public.
Ce comité avait pour mandat de conseiller le cabinet quant aux mesures à prendre pour assurer la coordination
et l’application de la politique gouvernementale à l’égard des employés de la Fonction publique et des diverses
institutions de service public: hôpitaux, commissions scolaires et établissements de sécurité sociale; le comité devait aussi proposer au gouvernement, en temps opportun, les alternatives possibles relativement aux mandats à suivre
par les porte-parole patronaux siégeant aux tables de négociations et l’assurer que les négociations ne compromettront
pas le développement et la mise en œuvre des politiques d’éducation et de sécurité sociale.
Le gouvernement par la nomination d’un ministre responsable et par la création d’un comité de coordination
des relations de travail venait de se donner des structures lui permettant d’accorder aux employés des services
publics des conditions de travail équitables et de mettre un frein à la surenchère d’un secteur par rapport à l’autre et d’assurer la population québécoise que les diverses offres patronales aux tables de négociations seraient conformes
aux disponibilités budgétaires du gouvernement.
Quant à la politique salariale elle-même, elle ne visait pas à établir une politique de revenu dans l’ensemble
de l’économie du Québec, mais à apporter autant de cohérence que possible dans l’établissement des salaires de
ceux dont le niveau de rémunération affecte directement ou indirectement le budget gouvernemental.
Cette politique devait influencer les négociations internes dans certains organismes para-gouvernementaux tels l’Hydro-Québec et la Régie des Alcools.
En effet, que ce soit en raison des garanties que le gouvernement doit offrir à l’occasion sur les emprunts
de ces sociétés comme dans le cas de l’Hydro-Québec, l’influence que peut avoir la politique de traitement de ces organismes ou de ces sociétés peut être déterminante.
Nous n’avons pas l’intention d’énumérer les principes de la politique salariale du gouvernement, mais
nous désirons simplement rappeler que la structure des salaires dans le secteur public devait correspondre à certaines
normes relevant de la justice sociale et d’autres de la politique économique concertée.
L’application de cette politique salariale et cette normalisation des conditions de travail des employés des services publics ne pouvaient certes se faire sans heurt.
Comment concilier en effet dans l’esprit des syndiqués et de leurs dirigeants certains ralentissements des augmentations pour des groupes d’employés particuliers alors que pour d’autres il nous fallait garantir le rattrapage ?
Comment au niveau des mécanismes de règlements des différends déjà connus, aurait-on pu consentir à leur arbitrage lorsque celui-ci devient un moyen de déterminer le niveau des impôts. Le gouvernement ne pouvait renoncer à des décisions de cet ordre, puisqu’en définitive, il est responsable devant le parlement et devant les contribuables de la saine administration, de la saine gestion des deniers publics.
Cette responsabilité rendait donc nécessaire sa participation à une multitude de tables de négociations, dans des secteurs aussi variés que ceux du fonctionnarisme, de l’éducation, de la santé et même, comme nous l’avons expliqué précédemment, dans celui des régies gouvernementales.
Dans la fonction publique proprement dite, le gouvernement se devait de négocier des conventions collectives, avec ses employés de bureau et techniciens, ses ouvriers, ses professionnels ainsi qu’avec les agents de la paix.
Dans le secteur de l’éducation, il était directement impliqué dans les négociations avec les enseignants des institutions gouvernementales de technologie et d’écoles de métiers, ainsi qu’avec ceux des écoles normales.
Ë cela s’ajoutait sa participation aux négociations dans le secteur des institutions privées avec les enseignants des Collèges
classiques, de même qu’à celle des institutions publiques avec les enseignants des CEGEP. Au niveau de l’enseignement
élémentaire et secondaire, il était partenaire des commissions scolaires dans les négociations avec leurs enseignants
selon les prescriptions de la loi assurant le droit de l’enfant à l’éducation et instaurant un nouveau régime de négociations
de convention collective dans le domaine scolaire.
Dans le secteur hospitalier, en raison de la proportion importante prise dans le budget par les traitements et les salaires, le gouvernement se devait aussi de participer à cette négociation. Dans ce seul secteur, pas moins de six tables de négociations existaient et les pourparlers devaient se faire concurremment de façon à ne point négliger un syndicat par rapport à l’autre, pour des raisons dont nous avons déjà fait état.
Il se devait encore de participer activement à la négociation de la Régie des Alcools, à celle de l’Hydro-Québec et de ses employés, comme il a dé le faire dans une entreprise gouvernementale dépendant du ministère de l’Agriculture: la Raffinerie de Sucre de Saint-Hilaire.
Le nombre d’employés ainsi visés dépasse les 250,000.
Qu’on imagine seulement que la négociation des conventions collectives dans le secteur hospitalier touche plus de 84,000 employés que celle avec les enseignants à l’emploi des commissions scolaires touche à elle
seule plus de 65,000 enseignants: qu’on ajoute à ce nombre les 15,000 employés de l’Hydro-Québec, les 3,000 employés
de la Régie des Alcools; sans oublier ceux qui sont directement à la charge de l’État, tels les 40,000 fonctionnaires-
ouvriers et agents de la paix.
L’enjeu était donc très grand au plan des ressources humaines et monétaires en cause. Une augmentation
d’un dollar du salaire hebdomadaire de chacun de ces employés ou même d’un cent de l’heure, totalise comme
coût pour une année d’exercice financier, dans un cas comme dans l’autre, des millions de dollars.
Nous étions prêts. La direction générale de l’analyse des conditions de travail nous procurait les données
permettant de comparer nos taux de traitement avec ceux de l’industrie et avec d’autres gouvernements tel celui
du Canada et celui de l’Ontario.
La direction générale des relations de travail de son côté, avait déjà procédé à la cueillette et à
l’analyse des renseignements nécessaires à la négociation avec les employés de l’État. Par ailleurs le ministère de
la Santé en collaboration avec l’Association des hôpitaux, et le ministère de l’Éducation en collaboration avec les
commissions scolaires poursuivaient un travail identique.
Sur réception des demandes syndicales, nos équipes de négociations ne tardaient pas à faire l’évaluation de ces
demandes et parallèlement à préparer des propositions à soumettre, par l’entremise du ministre délégué à la Fonction
publique au Conseil des ministres.
Ayant formé des équipes de négociations et défini leur mandat tant sur le plan des offres que sur celui
de la stratégie, la direction générale des relations de travail devait s’acquitter de la négociation des conventions
collectives des fonctionnaires et ouvriers à l’emploi du gouvernement et celle des employés professionnels de l’État.
Elle était aussi responsable de la négociation des conditions de travail des agents de la paix et des professeurs à l’emploi
du gouvernement.
Face à ce nombre considérable d’employés et aux sommes d’argent que leurs traitements impliquaient
au budget gouvernemental, nous étions prêts à l’automne 1967 et au début de l’année 1968 à entreprendre des négociations
avec les divers groupes d’employés du secteur public et para-public.
Mieux équipés qu’auparavant nous disposions à ce moment d’une quantité de données statistiques valables.
L’informatique nous permettait maintenant d’obtenir instantanément les renseignements et les projections
sur lesquels s’appuyait l’élaboration de la politique salariale et ses modalités d’application dans chacun des secteurs. De
plus, l’expérience acquise dans la négociation et dans l’application des conventions collectives ainsi que les mécanismes de gestion et de coordination que nous avions élaborés nous permettaient de diriger ces négociations de façon beaucoup
plus rationnelle et de devenir l’interlocuteur valable représentant les intérêts du gouvernement.
La politique salariale de la fonction publique devait devenir à des degrés différents le principal objet
de discussions dans toutes ces négociations. L’autre sujet très important concernait la sécurité de l’emploi.
Avec ses fonctionnaires et ouvriers le gouvernement signait le 19 juillet 1968, après un peu plus de cinq mois de négociations, une convention collective qui assurait la sécurité de Remploi à tous les fonctionnaires qui après avoir complété leur période de probation sont nommés à titre permanent et aux ouvriers réguliers qui en date
du 28 mars 1968 avaient terminé leur 15 mois de probation dans un emploi autre qu’occasionnel ou à temps partiel.
En plus d’une augmentation de traitement de 7 % pour les 18 premiers mois de la convention et de 7 %
pour les 18 autres mois pour les fonctionnaires, et de 7% annuellement pour les ouvriers, le gouvernement réduisait
dès novembre 1968 la semaine de travail des ouvriers à 40 heures et ceci avec pleine compensation sur le plan du traitement.
En octobre 1968, nous signions une convention collective avec le syndicat des agents de la paix. Cette convention collective, dont la première séance de négociations s’était tenue en juillet 1968, prévoyait comme chez
les fonctionnaires une augmentation de 71% pour deux périodes de 18 mois. Cependant, pour certaines catégories d’employés (surveillants en institutions pénales, garde-chasse) le pourcentage a été plus élevé en raison du rattrapage nécessaire.
Avec les syndicats des professionnels, le gouvernement a négocié pendant plus de 10 mois. S’il en
a été ainsi c’est parce qu’en cours de négociations les divers syndicats de professionnels se sont fusionnés en un seul.
Conforme elle aussi à la politique du gouvernement l’échelle de traitement comportait des réajustements dus au rattrapage
nécessaire pour la première période de 18 mois de cette convention.
Dans le secteur de l’éducation, un groupe d’enseignants était encore à l’emploi du gouvernement. Ce
sont ceux qui œuvrent dans les écoles technologiques, les écoles normales et les écoles de Beaux-Arts non encore intégrées
au réseau public. Le 1er juin 1968, le gouvernement signait avec ces enseignants une convention présentant
une structure de rémunération dont les caractéristiques peuvent être considérées sur deux plans: d’abord au plan horizontal;
la scolarité qui a pour effet d’encourager l’enseignant à se spécialiser; et au plan vertical; l’expérience qui a pour objectif d’encourager l’enseignant à poursuivre sa carrière dans le domaine de l’enseignement. Ces deux
principes ont d’ailleurs présidé à l’élaboration des grilles de traitement pour tous les enseignants avec lesquels nous
avons eu à négocier. De plus, en raison des changements dans le système d’éducation, nous avons prévu dans cette
convention une procédure d’intégration pour le professeur transféré au Collège d’enseignement général et professionnel
ou dans une commission scolaire. Ces négociations du gouvernement avec ses employés n’étaient cependant pas
les seules que nous avions à mener. Tel qu’expliqué précédemment nous avons dé aussi négocier dans d’autres secteurs
publics, comme dans le cas des enseignants à l’emploi des commissions scolaires ou encore de ceux qui œuvrent dans les Collèges d’enseignement général et professionnel, Il fallait intervenir dans certains cas, à cause des implications
financières des règlements de certaines conventions.
Deux négociations ont surtout attiré l’attention du public au cours de cette ronde. La première est
celle conduite par la Régie des Alcools du Québec, où nous étions partenaire des administrateurs, et l’autre, il va sans
dire, est celle concernant les enseignants à l’emploi des commissions scolaires où de droit nous étions un négociateur patronal conjointement avec les commissions scolaires. L’une de ces négociations, celle de la Régie des Alcools, a débouché sur le déclenchement d’une grève, la seule que la population ait eu à subir. Dans l’autre négociation nous nous sommes servis de presque tous les mécanismes prévus dans le secteur des relations de travail. Considérons d’abord la négociation
avec les employés de la Régie.
Les négociations avec les employés de la Régie des Alcools du Québec commencèrent le 6 novembre
1967 et dans l’impossibilité d’en arriver à une entente ceux-ci se mirent en grève le 26 juin 1968 jusqu’au 26 novembre
de la même année. La négociation de cette convention collective avait donné lieu à une période de conciliation, à plusieurs
séances du comité parlementaire responsable de l’étude de la question, et à un nombre considérable d’interventions de la part des leaders syndicaux contestant la politique salariale du gouvernement. Les mécanismes prévus au code du travail
furent appliqués mais P intervention d’un conciliateur ne réussit parties en cause. Les réunions de la commission des régies
gouvernementales de l’Assemblée nationale, devant qui était maintenant référé le problème, permirent au gouvernement
d’exposer les principes de sa politique salariale et aux syndicats d’en contester l’application. Durant cette période on
invita même les journalistes à la table de négociations pour qu’ils puissent connaître de façon plus détaillée les arguments
mis de l’avant par les négociateurs des deux parties. Le conflit étant d’ordre public, il était normal que la population soit renseignée quant à l’objet du litige. Les média de communications permirent aux parties de présenter leurs vues à la population. Certaines séances de négociations se sont même déroulées en présence de membres de l’Assemblée
nationale et d’employés autres que ceux mandatés aux fins de la négociation. À la mi-novembre, les négociateurs
de la Régie des Alcools du Québec présentaient une offre conforme à la politique salariale mais comportant une augmentation des heures de travail, ce qui avait pour effet d’augmenter le salaire hebdomadaire des employés Cette offre fut finalement acceptée par un vote de l’Assemblée générale des syndiqués et le retour au travail s’effectuait le 26 novembre
après plus d’un an de négociations et une grève de cinq mois.
Le gouvernement avait pris ses responsabilités pour que le principe de sa politique salariale soit respecté. De plus, nous avons innové en acceptant de débattre en comité parlementaire l’objet et les implications d’une
politique gouvernementale en litige lors d’une négociation.
On devait se servir à nouveau de ce mécanisme quelques mois plus tard dans le cadre de la négociation avec les enseignants
à l’emploi des commissions scolaires.
Nous abordons maintenant la négociation qui fit la manchette le plus longtemps non seulement à cause
de sa durée mais à cause de ses conséquences et du caractère public que lui ont donné l’information et les moyens de
pressions utilisés.
Il faut remarquer que cette négociation a duré 28 mois et qu’elle constituait la suite logique d’une loi spéciale. L’entente qui en est résultée a été conclue entre des organismes qui de part et d’autre œuvrent à l’échelle
du territoire québécois. Elle a exigé plus de deux ans d’efforts et de discussions et des personnes de l’extérieur
nous ont, à certains moments, apporté leur concours soit comme commissaire enquêteur, soit comme conciliateur,
soit à titre de médiateur. Nous avons voulu modifier le style de négociation dans le secteur de l’enseignement et tenter
de raisonner à l’échelle du Québec, dans une perspective globale et de façon cohérente. Ceci nous a mené à fondre
en une seule convention collective plus de trois cents conventions locales ou régionales comportant des avantages considérés par les syndicats ou les associations d’enseignants comme des droits acquis mais qui dans une perspective de planification et de coordination ne pouvaient être transposés à l’échelle du territoire. Nous avons plutôt recherché à abolir
des situations privilégiées ou défavorables et visé à traiter équitablement les enseignants peu importe leur lieu de travail,
leur langue ou leur sexe, Il nous fallait éliminer certaines disparités injustifiées dans les salaires et les conditions de
travail, résultant de négociations locales, si nous voulions atteindre l’objectif que nous nous étions fixés de procurer une
plus grande égalité dans les services éducatifs quelle que soit la richesse du milieu. Cette négociation a vu l’application
de tous les mécanismes prévus pour tenter d’en arriver à un règlement. Comme dans le cas de la négociation avec
les employés de la Régie des Alcools du Québec, nous avons cru bon de convoquer un comité parlementaire où les parties
en cause ont eu la possibilité de présenter leurs positions respectives aux membres de l’Assemblée nationale.
Des séances de la Commission parlementaire de la présidence du Conseil exécutif ont aidé à trouver
des solutions à certains problèmes et à éclairer davantage et de façon objective la population vis-à-vis certains points
en litige entre les enseignants et les commissions scolaires. Des grèves sporadiques, des ralentissements de travail,
des campagnes d’information, des congés spéciaux, des démissions massives, des débats parlementaires; voilà autant de moyens qui ont été employés à l’occasion de cette négociation.
Chaque groupe a utilisé au maximum les média d’information pour atteindre le public et lui faire part
de ses positions. Finalement, quelques semaines avant la reprise des cours, soit en août1969, les négociateurs des
deux parties en venaient à une entente quant aux principes de la convention. Il restait alors à se mettre d’accord sur
le texte même de cette convention et à régler le cas de ceux qui dans un geste collectif avaient remis leur démission à la
commission scolaire qui les employait. Nous avons alors demandé au président du Conseil supérieur de l’Éducation,
monsieur Léopold Garant, de bien vouloir agir en tant que mandataire spécial et voir à la réintégration dans les cadres
scolaires des enseignants démissionnaires. Le 4 novembre dernier, nous signions au nom du gouvernement le texte qui
allait devenir, après ratification au niveau local, la convention collective tant espérée de part et d’autre régissant les
conditions de travail des enseignants jusqu’en juin 1971.
A cette même date un autre secteur de l’activité para-gouvernementale se trouvait en négociations,
celui des hôpitaux. Depuis 18 mois déjà et avec six organismes syndicaux différents les administrateurs d’hôpitaux
et gouvernementaux étaient en pourparlers en vue du renouvellement d’une convention collective couvrant tout le territoire québécois. On se rappelle que la première tentative du genre avait été effectuée en 1966. Cette convention collective qui touche déjà plus de 85,000 employés d’hôpitaux a des répercussions sur plus de 100,000 employés. Mieux
structuré que lors des précédentes négociations, un comité patronal composé de représentants de l’Association des hôpitaux
du Québec et du gouvernement se voyait confier par les administrations hospitalières et les autorités gouvernementales,
le mandat de négocier une nouvelle convention collective avec tous les syndicats impliqués. Il est à remarquer
qu’aucune législation ne rend obligatoire la négociation à l’échelle du territoire québécois dans ce secteur et que seule
la bonne volonté des participants en permet la réalisation.
A partir de mai 68, les négociations se déroulèrent normalement compte tenu de la multiplicité des tables de négociations
et, à la fin de mars 1969, les représentants patronaux déposaient une offre salariale qui comportait des augmentations
de traitement de l’ordre de près de $140,000,000; à cette offre viendrait s’ajouter les correctifs jugés nécessaires
et acceptables. En juillet, les syndicats affiliés à la C. S. N., en désaccord avec le gouvernement, demandaient au ministre
du Travail l’intervention d’un conciliateur. Ce geste devait être d’ailleurs suivi quelques semaines plus tard par
les syndicats affiliés à la Fédération des Travailleurs du Québec. De son côté, devant cette offre, les représentants
syndicaux alléguèrent qu’une somme de $120,000,000 les séparaient encore de l’offre patronale. La première offre
déposée comportant déjà des sommes affectées à un rattrapage jugé raisonnable, le gouvernement et ses partenaires
des hôpitaux envisagèrent la possibilité d’accélérer ce rattrapage.
Au début de novembre, les négociations devenaient de plus en plus intenses et la décision d’accélérer le rattrapage
et de verser à cette fin une somme additionnelle de $18,000,000, de dollars permettait de conclure une entente
avec les divers groupes impliqués. Le 13 novembre, nous annoncions un accord de principe entre le comité patronal
de négociations du secteur hospitalier et les divers syndicats d’employés. Cet accord représentant pour nous, à toute fin
pratique, la dernière étape dans l’accomplissement du mandat qui nous avait été confié; de diriger et de coordonner
cette série de négociations dans les secteurs publics et para- publics.
D’autres négociations se sont déroulées dans les autres secteurs de l’activité gouvernementale ou para-
gouvernementale. Soulignons par exemple les négociations entreprises entre les Collèges classiques et leurs enseignants,
celles entre les agences sociales et leurs employés, et aussi celles ou le gouvernement est directement impliqué par la loi
concernant les administrations et les enseignants des Collèges d’enseignement général et professionnel. Se sont déroulées
aussi concurremment aux diverses négociations dont nous venons de parler, celles entre l’Hydro-Québec et les syndicats
représentants ses employés, de même que celle de la Sûreté du Québec. Nous ne voulons pas entrer dans les détails de toutes ces opérations, mais nous avons surtout voulu vous faire connaître le déroulement de certaines d’entre elles.
Il est à remarquer qu’une dimension nouvelle, outre la politique salariale et son application, est apparue lors du
déroulement de diverses négociations, celle de l’information.
En effet, toutes ces négociations sont en relation directe avec le budget gouvernemental et le contribuable
qui en définitive paie la note et a le droit de connaître quels sont les principes et les modes d’application
d’une politique gouvernementale en matière de traitement de ses employés. Comme à tout droit correspond un devoir,
le gouvernement, comme le syndicat, se devait d’informer le contribuable. Ce qui fut fait. Les deux parties en cause
ont été entra”nées vers une diffusion plus poussée des informations jugées utiles à la compréhension des problèmes qui
les opposent.
L’information doit s’orienter vers des fins précises: expliquer clairement aux membres des divers
syndicats et à la population les raisons qui motivent telle ou telle attitude de la part de l’employeur et du syndicat.
De plus, elle doit avoir pour effet de renseigner le public sur les conséquences sociales possibles des moyens de
pression utilisés par les parties concernées. Nous avons même, en quelques occasions, remarqué la présence de journalistes à la table de négociations. Nous avons bien vu cette présence; nous désirions que la lumière soit faite sur
le déroulement des négociations en cours. Nos négociateurs ont accepté à maintes reprises de participer à des discussions
devant les caméras de télévision où chacun faisait valoir son point de vue. Nous avons cru de notre devoir
d’aller nous-mêmes, à certaines occasions, expliquer la position du gouvernement à la population québécoise. Le
comité parlementaire constitue un autre moyen pour éclairer le débat et permettre d’écarter toute attitude non sérieuse.
Nous croyons fermement que la population désirera de plus en plus d’information lors de la prochaine ronde de négociations. Cette information doit se faire soit par l’une ou l’autre des parties ou encore conjointement.
C’est une des avenues à explorer lorsque nous envisageons l’avenir des relations de travail dans les secteurs
publics et para-publics. D’autres facteurs plus techniques doivent aussi être révisés.
Quelle sera, lors de la prochaine série de négociations, l’orientation que prendra la politique salariale
du gouvernement ? Parviendra-t-on à améliorer le processus de négociations de façon à en diminuer si possible
la durée ? Serait-il convenable de penser aux regroupements de certaines unités syndicales pour le besoin de la négociation de façon à éviter une répétition des discussions qui nous amènent souvent à des conclusions identiques ?
Ces questions nous nous les sommes déjà posées. Des spécialistes tentent de trouver des solutions
aux diverses difficultés que nous avons rencontrées lors de la dernière ronde de négociations.
dès maintenant, nous sommes préoccupés par les négociations qui débuteront incessamment dans
les mêmes secteurs publics et para-publics. Nous comptons beaucoup sur la collaboration de nos partenaires patronaux
et sur celle des centrales et des différents groupes syndicaux dans la recherche des mécanismes qui nous permettront
d’arriver à des conclusions respectant les désirs et les aspirations légitimes de leurs membres en même temps qu’elles permettront au gouvernement d’assurer à la population une administration efficace à un coût que le contribuable québécois peut absorber.
<Masse19700100>
<VOEUX DE MONSIEUR MARCEL MASSE À LA POPULATION DU QUÉBEC Janvier 1970>
Au terme de l’année qui s’achève qu’il me soit permis de souhaiter que le Québec s’affirme et se développe en 1970 dans la paix et l’harmonie.
L’année 70 devrait être pour chaque Québécois l’occasion d’assumer sa part de responsabilité pour permettre à ses gouvernants de persister dans les efforts entrepris en vue de bâtir une société plus conforme aux rêves et aux énergies de notre nation.
En 1960, le Québec qui est encore jeune en matière de planification, a quand même réussi à poursuivre la rationalisation des domaines économiques essentiels à son épanouissement individuel et collectif.
Je formule le vœu que chaque Québécois où qu’il demeure et quelles que soient ses opinions politiques, garde toujours à l’esprit que nous sommes tous membres d’une même communauté, d’une même famille et que nous devons tous vivre avec le même idéal et la même volonté dans un Québec fort et respecté comme peuple adulte.
Je souhaite qu’en 1970, chacun prenne la responsabilité de son épanouissement dans le domaine
qui affecte directement sa vie collective, et que tous nous participions dans la mesure de notre talent et de
nos responsabilités à l’édification d’un Québec plus riche et plus fort qui réponde aux besoins de notre époque.
À tous les Québécois, je formule pour la nouvelle année des vœux de bonheur et de prospérité dans la paix et la bonne entente.
<Masse19700108>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE À L’INSTITUT DE SOCIOLOGIE DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES SUR LES ORIGINES DU QUÉBEC CONTEMPORAIN LE 8 JANVIER 1970>
Le monde a particulièrement entendu parler du Québec depuis quelques années, mais l’histoire québécoise
est déjà ancienne. Elle remonte en fait à plus de trois siècles et demi.
Lorsque le Saintongeais Samuel de Champlain fonde Québec en 1608, c’est tout un continent qu’il ouvre à
l’exploration française. La métropole cherchait non seulement à installer des comptoirs de commerce sur les rives
du St-Laurent, mais aussi à créer une colonie viable. Ces deux préoccupations, commercer et amener des colons, ont
toujours été présentes dans l’histoire de la Nouvelle-France, mais n’ont jamais pu se concilier complètement. Le goût
de la traite des fourrures détournait souvent Immigrant français de l’implantation de communautés rurales. Ce fut
même l’objet d’une tension persistante, perpétuelle, que ce conflit entre les objectifs que recherchaient d’une part les
commerçants et nommément la Compagnie des 100 Associés détentrice du monopole royal en matière de commerce, et
ceux auxquels visaient, d’autre part, les administrateurs et le clergé, soucieux de fonder un pays et de le peupler.
Chu peut attribuer, en partie, à ces dissensions, les lenteurs du peuplement, l’engouement pour le
métier de coureur de bois et d’explorateur, et notamment le peu de succès de l’émigration de colons français, dont
le nombre ne dépassera pas 10,000 pendant un siècle et demi. Le territoire conquis est vaste, mais le peuplement est lent. Au même moment, des colonies anglaises s’installent au sud, sur les côtes de l’Atlantique. Elles sont peuplées
de Britanniques en quête de liberté politique et religieuse. Ceux-ci tendent à se concentrer sur le littoral, contrairement
aux français que l’attrait du commerce et de l’espace pousse dans toutes les directions à la découverte
d’un continent.
Il y a déjà dans la croissance de ces colonies anglaises une menace virtuelle pour la vie des établissements
français, advenant un conflit entre les métropoles. Malgré leur petit nombre – ils seront 60,000 en 1760 – les colons
français réussissent à constituer une société originale, hiérarchisée selon un modèle assez proche de l’ancien régime français et que dominent les administrateurs, le clergé, les militaires et les seigneurs. C’est avant tout une société
commerçante, basée sur l’exploitation de ressources primaires, tel les fourrures et le bois. Cette société amorce
même au commencement du XVIIIième siècle un début d’industrialisation, dont les Forges de St-Maurice, près de
Trois-rivières, sont un exemple.
Le régime seigneurial a, quand même, favorisé l’enracinement des colons par le défrichement et la
culture des terres. Ces occupations menées dans un milieu physique et humain nouveau, à la fois rude et bien différent
de celui de la France, ont forgé un type distinct d’homme et de femme qui doit, pour résoudre des difficultés insoupçonnées dans leur Normandie et leur Poitou natal, inventer des manières originales de bâtir, de se vêtir, ainsi que de
se nourrir et se récréer. En un mot, les colons français doivent apprendre un nouveau mode de vie.
Lorsque la guerre des sept ans, au milieu du XVIIIième siècle oppose les puissances européennes
dont la France et l’Angleterre, le conflit se répercute naturellement dans leurs établissements d’Amérique, Il dresse
les treize colonies anglaises contre le territoire immense de la Nouvelle-France, depuis la Louisiane jusqu’à Québec.
Dans ce combat inégal (1,600,000 contre 60,000), la Nouvelle-France perd plus qu’une guerre; elle y perd, en étant
dorénavant coupée de sa métropole, la source de sa substance et de sa vie; elle y perd également la liberté de se
développer normalement, selon ses caractéristiques propres.
La conquête anglaise a un effet marqué pour ses colons français, un changement complet de destin. À la faveur des relations privilégiées qu’ils entretiennent avec leur métropole et les colonies du sud, les occupants britanniques peuvent facilement s’emparer du commerce, ne laissant aux français de la colonie que le choix de se vouer à des occupations autarciques, comme l’agriculture et la chasse, à moins de rentrer en France, possibilité qui leur était d’ailleurs offerte. Voici comment s’exprime à ce sujet l’historien montréalais Michel Brunet: « La nationalité canadienne ne possédait plus, trente ans après la Conquête, les cadres nécessaires pour se développer normalement. C’était l’un des résultats de la Conquête: un phénomène nullement dû à la malignité des hommes. Ce peuple colonial avait prématurément perdu sa métropole nourricière. Réduit à ses ressources, il était voué à une survivance anémique. Il ne bénéficierait plus de la direction d’une bourgeoisie économiquement indépendante, dévouée à ses intérêts comme groupe ethnique et capable de bâtir un ordre économique, social et culturel entièrement à son service. Il ne lui restait que quelques institutions et la force relative et inerte que donne le nombre et l’instinct grégaire ».
A partir de ce moment là, les « Habitants », ainsi que commencent de s’appeler les français au Québec,
s’attachent au sol pour survivre, en occupant d’abord les terres riveraines du Saint-Laurent, où ils se groupent en
paroisses, autour de leur clergé. De commerçante qu’elle était, la Société de la Nouvelle-France, par la perte de sa
métropole, devient agricole, abandonnée à une économie de subsistance et sans autres véritables dirigeants que ses
prêtre s. Plus qu’une évolution, la tendance que prend la société québécoise est en rupture totale avec le passé et constitue purement et simplement un recommencement, dans la survivance et l’inconnu.
Il m’a paru nécessaire de rappeler brièvement ces faits passés pour mieux vous faire saisir la suite de notre
histoire. Je n’en retiendrai que deux étapes parce qu’elles m’apparaissent chronologiquement s’imposer et résumer
l’ensemble. Je veux parler d’abord de la période qui s’étend de 1867 à la dernière guerre et ensuite de celle
qui a depuis fait entrer le Québec dans l’ère moderne. Il en est des collectivités comme des individus: on ne change
pas leur vocation sans en préparer du même coup des tensions, des conflits, des insatisfactions et du ressentiment.
C’est donc par la force des événements que les français, passés sous la couronne britannique, se replient
dans les campagnes où ils étendent les espaces défrichés en créant en quelque sorte de la terre à même la forêt
et le sol inculte. Ainsi réunis entre eux, ils peuvent, à l’écart, en marge de l’administration anglaise et protestante,
continuer à parler leur langue et à pratiquer leur religion, sans subir trop de tracasseries de la part du pouvoir
étranger.
Mais tant de cultivateurs souvent improvisés ont vite fait d’épuiser et les sols arables et les possibilités
d’établissement sur les basses terres du St-Laurent. Ce pendant, les Américains loyalistes, restés fidèles en 1775 à la Couronne britannique à l’occasion de la guerre d’indépendance de leur pays, gagnent les terres fertiles du sud
du Québec (Cantons de l’Est) à la faveur des privilèges que leur accordent les Britanniques. Ainsi, les premiers, pauvrement
équipés et peu au courant des techniques agricoles, ne tirent qu’un rendement réduit de leur terre, alors que
les seconds, mieux adaptés à l’agriculture, se livrent déjà à la spécialisation et trouvent leurs débouchés sur le marché
américain voisin. Il y a là, une première cause de ressentiment de la population francophone contre les Anglais.
Cette population francophone, par ailleurs, à cause de sa natalité élevée, double tous les trente ans et est ainsi acculée
à une pénurie d’établissements et de métiers. Les seules carrières qui lui sont accessibles se réduisent en effet
aux professions libérales traditionnelles: le droit, la médecine, et les ordres. Là réside aussi une source d’insatisfaction
qui devint une des causes de l’insurrection de 1837, qu’on peut caractériser comme la première tentative des Canadiens
français pour secouer le joug de l’occupant, sous la direction de son élite que l’accession à la bourgeoisie n’avait pas
encore déracinée de ses origines paysannes. Il y a conjonction entre les intérêts des uns et des autres, de la classe
paysanne et de la bourgeoisie: la première réussit à peine à subsister durant la crise économique de 1837-38, et la
seconde est frustrée de ne pas participer davantage à l’exercice du pouvoir politique dont la réalité appartient aux anglophones détenant, à toutes fins utiles, les postes de responsabilité et édictant les décisions qui concernent la collectivité
française. Le caractère improvisé de cette rébellion joint à la défection rapide de ses meneurs conduisent
à l’échec et à la répression par l’occupant, fort de sa supériorité militaire. Une fois conquis, deux fois défaits, les
français de la colonie anglaise n’ont plus à retourner à leurs terres ingrates et à leur isolement.
C’est de cette période que date ce sentiment d’infériorité et d’impuissance qui devait si fortement marquer
toute la suite de notre évolution. Il fallut bien donner à cette histoire un sens, l’auréoler en quelque sorte pour
se trouver une raison collective de vivre. Ce fut donc l’apparition, sous l’influence de l’élite clérico-bourgeoise réconciliée, des thèmes qui ont façonné la société québécoise durant plusieurs générations. On idéalise d’abord la
terre, la seule chose qui reste à ces colons, pour ses vertus de subsistance individuelle et familiale et de survivance
collective. On méprise les affaires et l’argent qui sont aux yeux de nos compatriotes des valeurs anglo-saxonnes. On
finit même par redouter les effets de l’instruction publique car elle risque, croit-on, de porter atteinte à l’homogénéité
sociale et à la conservation des traditions. On concentre donc toute la vie sociale sur la famille et la paroisse, sous
l’autorité du curé du village et des élites professionnelles.
Tels furent les fondements de la société canadienne-française durant plus d’un siècle. S’appuyant sur
la famille qui contrôle étroitement ses membres, une telle société a favorisé l’homogénéité et la cohésion du groupe en
habituant chacun à adopter les pensées et à répéter les gestes de ses prédécesseurs à l’encontre des velléités d’autonomie
et d’innovation. Les normes et les valeurs sont fortement intégrées, les pratiques sociales, institutionnalisées, les
individus, socialisés, phénomène d’ailleurs animé par un nombre restreint de personnes.
L’Église imbibe tellement la société qu’elle doit forcément placer au plus haut rang les valeurs d’ordre
religieux et développer des idéologies à caractère messianique. Contrairement aux anglo-saxons qui possèdent le pouvoir et l’argent, les Canadiens-français sont amenés à se croire porteurs d’une mission spirituelle, consistant à
diffuser la lumière de l’esprit et de l’évangile aux autres.
D’après Monseigneur Paquet, évêque de Montréal au début du XXième siècle: « Notre mission est moins de manier des capitaux que de remuer des idées; elle consiste moins à allumer le feu des usines qu’à entretenir et à faire rayonner au loin le foyer lumineux de la religion et de la pensée ». Leurs élites tirent même de la religion une théorie providentialiste en guise de consolation contre les événements malheureux qui frappent la collectivité.
Après les insurrections de 1837-38, s’élaborent graduellement des rationalisations et des justifications de la situation d’infériorité politique et économique des Canadiens français. Cette idéologie unitaire dont les principaux traits viennent d’être résumés, régnera pratiquement incontestée au Québec jusqu’en 1945. La société globale est identifiée à la nation et la liberté devient celle de la collectivité.
« Nous sommes pauvres, catholiques et français ». Voilà les trois principaux termes qui ont marqué la conscience
collective des Québécois francophones pendant des générations. Cette définition d’eux-mêmes, consacrant leur structure sociale traditionnelle, les Canadiens français ont cependant commencé à se la donner au moment où le
Québec est encore une société à 80% agricole, c’est-à-dire vers 1840.
Afin de régler le conflit ayant opposé les Canadiens français à leurs administrateurs britanniques,
la nouvelle métropole, soit la Grande-Bretagne, envoie au pays Lord Durham, juriste et homme de progrès, avec le
mandat de recommander au Parlement impérial des solutions appropriées. Durham fait longuement enquête. Dans
un rapport demeuré à juste titre célèbre dans l’histoire du Québec, il constate tout d’abord que le problème est ethnique,
voire racial. L’infériorité économique des Canadiens français lui parait provenir du fait qu’à la conquête ils
n’ont pas été assimilés et qu’en 1774, par l’Acte de Québec, on a reconnu officiellement l’existence de la collectivité
canadienne-française, en lui accordant une plus large liberté de culte, en acceptant le régime seigneurial et en donnant
la possibilité aux Canadiens-français d’être jugés selon les lois civiles françaises. Ce statut particulier leur
a nui puisqu’il leur a permis de vivre en marge et de s’isoler. Durham en conclut: « Devrions-nous perpétuer la nationalité
canadienne-française pour le seul avantage de ce peuple ? » Sa réponse est nette: « Je ne connais pas de
distinction nationale qui marque et continue une infériorité plus irrémédiable… Les Canadiens français sont destinés à occuper une position inférieure et à dépendre des Anglais pour se procurer un emploi… C’est pour les tirer
de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais ». Durham y voit là le seul moyen de faire
participer, à longue échéance, les francophones, une fois anglicisés, aux privilèges attachés à la nationalité britannique
et à la prospérité du continent.
L’Acte d’Union de 1840 est la réponse apportée par le pouvoir politique britannique au rapport de Lord
Durham. Cette loi réunissait le Bas-Canada (Québec) et le Haut-Canada (Ontario), jusqu’alors séparés et régis
par des parlements distincts. L’égalité de représentation au sein d’un parlement commun est conçue pour permettre
aux Ontariens, moins nombreux, de dominer la colonie canadienne en s’associant à la minorité anglaise de Montréal.
Le but de la loi, cela semble évident, est de mettre les Canadiens français en état de subordination politique,
tout en tentant de les angliciser, en imposant, par exemple, l’anglais comme seule langue officielle dans les débats, les
textes juridiques, etc…
La ligne dure adoptée ne portera pas fruit puisque les Canadiens français réagissent et avec Lafontaine,
leur principal leader à l’époque, obtiennent des concessions. Ainsi, dès la première session du nouveau parlement
uni, l’usage du français est toléré et bientôt rétabli. L’Union, en tant que régime constitutionnel unitaire, fait assez rapidement faillite et on lui substitue dans les faits le principe plus souple du fédéralisme et même celui des
États associés. De la sorte, dès 1857, l’on peut dire qu’il y a deux gouvernements au pays; un pour le Haut-Canada
et un autre pour le Bas-Canada. Ce dédoublement administratif et législatif permet à l’Union de durer vingt-cinq ans,
malgré une instabilité ministérielle chronique.
Cependant, en 1864, l’impasse politique et les changements socio-économiques survenus en cette période
de prospérité nord-américaine amènent les dirigeants politiques des deux Canada à songer à se donner, avec
l’accord de la Grande-Bretagne, une nouvelle constitution.
Les leaders canadiens-anglais cherchent essentiellement à unir les colonies anglaises du nord du continent afin d’assurer leur suprématie tout en les préservant de l’influence du régime républicain mis en place dans
le sud, soit aux États-Unis. Leur meilleur instrument paraît être un gouvernement unitaire. Mais ils se heurtent
à l’opposition des chefs canadiens-français, donc ceux du Québec, qui veulent conserver l’administration de leurs propres
affaires, particulièrement en matière de droit civil et d’enseignement.
Le British North America Act est sanctionné par le Parlement impérial de Londres et mis en vigueur le
1er juillet 1867. C’est la Confédération. Le Canada moderne est dès lors créé. Il est à l’époque formé de quatre provinces, une francophone et trois autres anglophones. Chacune possède son propre gouvernement. De plus, à Ottawa, nouvelle
capitale du nouveau pays, un gouvernement central doit siéger. Le partage des pouvoirs se fait selon les lignes
de force de l’époque: le gouvernement fédéral se réserve les compétences s’étendant à l’ensemble du développement
économique, les gouvernements provinciaux conservent ce qui touche à l’humain en général et aux questions de nature
locale. Le partage financier suit ces mêmes principes; on donne au gouvernement central les plus grandes sources de
revenus parce qu’il doit, semble-t-il, assumer les dépenses les plus fortes. Les Pères de la Confédération ne pouvaient pas, malgré leur bonne volonté, prévoir dans la perspective de leur temps l’importance que les problèmes socio-économiques et les relations internationales ont prise depuis lors, ainsi que l’évolution des ressources fiscales et
de la répartition des revenus dans un État moderne. C’est pourquoi, aux yeux de plusieurs, dont la majorité des Québécois,
la Constitution canadienne actuelle n’est plus maintenant qu’un anachronisme.
Les Canadiens français qui n’eurent jamais à se prononcer sur une constitution qu’on leur imposa à
partir de Londres accueillent le fait accompli sans grand enthousiasme, mais avec confiance dans l’avenir, dans la
mesure où ils y voient un moyen de développement autonome pour l’ensemble des colonies en même temps que l’occasion
d’obtenir l’égalité.
Le réveil est d’autant plus brutal. En 1870 on abolit les droits du français au Nouveau-Brunswick, en
1890, on fait de même au Manitoba et, entre-temps, on pend Louis Riel, chef des Métis de l’Ouest, coupable de vouloir
défendre ces droits français ainsi que tous ceux de son peuple. Le rêve d’égalité commence ainsi à s’effondrer et les
Canadiens français se replient sur le Québec, seul territoire où ils sont en majorité et où ils peuvent espérer s’administrer
eux-mêmes. La possibilité de développement économique que la Confédération avait suscité est également
battue en brèche. Certes, la construction du chemin de fer transcontinental en reliant les colonies d’est en ouest facilite leur commerce et leurs échanges, mais l’ensemble de la politique économique du gouvernement fédéral n’a jamais
favorisé le Québec, parce qu’elle a toujours été conçue essentiellement au bénéfice du Canada anglais. Il y a l’exemple
bien connu de l’Ontario qui put construire une industrie lourde, tandis que le Québec ne recevait en partage qu’une
industrie textile assez artificiellement maintenue à la faveur de tarifs douaniers. Comme à l’époque précédente,
les Canadiens français, vivant dans la Confédération, ne trouvèrent pas de débouchés pour leur main d’œuvre sur
leur territoire et ils émigrèrent massivement (soit 500,000 d’entre eux de 1850 à 1900) dans les États de la Nouvelle-Angleterre, pour y travailler dans les industries du textile, du cuir, et dans les briqueteries.
Une autre cause d’insatisfaction provient des interprétations différentes que Canadiens francophones et
anglophones donnèrent à leur constitution, particulièrement pour la solution de cas litigieux. Les francophones cherchaient,
dans la décentralisation des pouvoirs, conformément au principe confédéral, le moyen de s’administrer eux-mêmes plutôt que de laisser l’autre groupe décider de leur sort, tandis que les seconds, les anglophones, tendaient
à ramener la fédération au vieux rêve de l’état unitaire de John A. MacDonald, un des Pères influents de la Confédération.
C’est entre ces deux pôles que se situent toutes les péripéties de l’histoire de la fédération canadienne, l’épreuve des forces jouant tantôt en faveur de la décentralisation, tantôt au profit de la centralisation. Ainsi, les exigences
de la dernière guerre mondiale et ses suites fournirent au gouvernement fédéral une excellente occasion de
s’attribuer les principaux pouvoirs fiscaux et légaux pour la gouverne de l’ensemble du pays. Par la suite, les États
fédérés durent, pour affronter leurs responsabilités grandissantes en matière d’éducation, de santé publique et d’assistance
sociale, obliger le gouvernement fédéral à s’accommoder d’un nouveau partage de ressources fiscales et des pouvoirs
administratifs. Aujourd’hui, il semble que le gouvernement fédéral entende imposer sa prédominance dans tous les secteurs
importants de l’activité socio-économique, et même culturelle, en réduisant le rôle des États fédérés à celui
d’une administration régionale.
Comment le Québec peut-il, à l’intérieur d’une fédération ainsi comprise, trouver le moyen de répondre aux aspirations propres de sa population, comme un État moderne doit le faire ? Tel me parait être pour les Québécois l’enjeu des prochaines années.
Cette question Canada-Québec ne se pose plus du tout dans les mêmes termes en 1970 qu’en 1867. Le
Québec n’est plus aujourd’hui comme alors un complexe de paroisses rurales dispersées, sans guère de communications
entre elles. L’effort de production du temps de guerre et l’évolution économique et technologique de l’après-guerre ont amené à l’usine bien des ruraux qui ne regagnèrent plus leur campagne par la suite. L’attrait de salaires
élevés dans les usines et les incitations de la vie urbaine l’ont emporté sur le peu de goût que beaucoup de Québécois,
malgré un siècle de résistance terrienne, avaient de l’agriculture. Déjà amorcé au début du siècle, le courant d’urbanisation a pris dès lors une allure irréversible puisque la population québécoise, dont 80% vivait en milieu rural
en 1850, était, pour plus des trois quarts, installée en milieu urbain en 1960. Il faut voir dans ce mouvement d’urbanisation
le fait dominant du Québec d’aujourd’hui, ou plutôt le point de départ vers des transformations dont on ne peut encore déceler toutes les conséquences. L’urbanisation du Québec dans l’après-guerre a d’abord augmenté la proportion de la
population de langue française dans des villes comme Montréal et Québec; celle-ci y a fourni longtemps une main-
d’œuvre à bon marché que les employeurs anglo-saxons trouvaient à la fois laborieuse et docile.
Ainsi s’est constitué un prolétariat qu’on a vite fait de repérer dans les quartiers défavorisés de nos
grandes villes. Comme l’explique l’historien Maurice Séguin: « Le vrai mal qui ronge la vie économique des Canadiens
français de l’époque n’est pas… de ne pouvoir rester une heureuse population agricole, mais plutôt de ne pouvoir sortir de l’agriculture autrement qu’en prolétaire, serviteur de l’occupant ». De la même façon s’est effrité plus ou moins
rapidement le système de valeurs qu’avait développé la société rurale fondée sur les vertus de la terre, de la famille
et de la religion. L’urbanisation a de plus entra”né un inquiétant déclin de la natalité dont le taux est passé de 48.4
en 1851 à 18.2 par 1,000 habitants en 1967. Mais sans cette concentration dans les villes et sans les facilités de communication qu’elle a entra”nées, les Québécois n’auraient pas été gagnés par ce bouillonnement d’idées, ces aspirations
au renouveau et ce désir d’affirmation nationale qui ont caractérisé la dernière décennie.
Il ne m’appartient pas de qualifier les conséquences sociales d’une urbanisation, d’un éveil à la civilisation
moderne, qui a rendu les Québécois méconnaissables aux yeux de ceux qui les ont observés par étapes, en les visitant
une fois tous les dix ou quinze ans. Mais il faut simplement souligner que chacun de ces effets a lui-même des
facettes souvent complexes. D’un côté, si les migrations vers les villes ont assuré la prédominance française de
Montréal et de Québec, elles ont aussi poussé les francophones à devoir apprendre de plus en plus la langue anglaise
pour se trouver un emploi, au point qu’un bon nombre d’entre eux, d’après le recensement de 1961, se sont assimilés
au groupe anglophone dans une ville comme Montréal. D’autre part, l’abandon des valeurs de la société traditionnelle
a creusé un fossé si profond entre les générations et créé un vide si béant que bien des jeunes énergies risquent
de s’y perdre si elles ne trouvent pas très vite le moyen de se canaliser dans la recherche d’un nouveau destin collectif.
De même, en renonçant aux idéologies de l’agriculturisme et du messianisme, les Québécois ont levé des obstacles
au progrès socio-économique de leur milieu, sans cependant participer activement à l’industrialisation et marquer
l’économie de leur empreinte.
Ce serait certes naïveté de s’étonner que des gens si longtemps condamnés à la réclusion sur leurs terres n’aient pas acquis du jour au lendemain l’esprit d’entreprise, le savoir-faire et les capitaux nécessaires pour
se tailler une place dans la grande entreprise. Aussi, ont-ils été les témoins plutôt que les acteurs de leur propre
industrialisation. Ils n’auront, à quelques exceptions près, créé que de petites et de moyennes entreprises de type artisanal
et familial, se contentant de fournir le plus souvent la main-d’œuvre aux grandes entreprises d’origine étrangère
qui exploitent les ressources naturelles de leur territoire, comme le bois et les substances minérales.
Après plus d’un demi siècle d’industrialisation, s’est constituée au Québec une économie dualiste où
d’un côté l’entreprise autochtone confinée à la satisfaction des besoins locaux est souvent restée à l’écart des progrès
techniques et administratifs indispensables à son expansion. De l’autre, la grande industrie étrangère à forte concentration
capitalistique s’est contentée la plupart du temps de tirer des ressources du territoire québécois, sans y engendrer
d’autres richesses pour répondre aux besoins d’une industrie secondaire. Les résultats sont aujourd’hui évidents
: l’industrie primaire à capital étranger, comme celle du minerai de fer par exemple, n’a pas donné naissance
au Québec à une industrie secondaire articulée, mais a contribué plutôt à alimenter l’aciérie américaine où elle a créé des emplois stables et bien rémunérés, confirmant par la la théorie qui veut que dans une telle économie les firmes étrangères apportent plus d’effets d’entraînement à l’économie d’où proviennent les capitaux qu’à celle du pays
où elles s’implantent.
Il se trouve même que les Québécois francophones, malgré les efforts faits pour apprendre la langue
des employeurs, sont au bas de l’échelle des salariés dans leur propre territoire, ainsi que l’a révélé récemment une
enquête instituée par le gouvernement fédéral canadien lui-même.
Il y est démontré notamment qu’il existe un écart très grand entre le revenu du francophone et de l’anglophone au Québec. Par exemple, les anglo-saxons qui ne forment que 15% de la population active du Québec atteignent la proportion de 30% pour l’ensemble des salariés gagnant $5,000. et plus, 61% de ceux qui touchent entre $10,000. et
$15,000, et 77% des salariés gagnant $15,000. et plus.
A Montréal, les francophones forment 60% de la main-d’œuvre dans les entreprises, mais ils ne constituent
que 37% des salariés gagnant $5,000. et plus, et seulement 17% des cadres supérieurs. Il y a pis encore. D’après
les renseignements fournis par cette commission d’enquête, dans un pays comme le Québec où 82% de la population
est de langue française, 96% des gens gagnant plus de $5,000. par année sont astreints à connaître l’anglais pour
exécuter leur travail, alors que 41% des anglophones les mieux rémunérés peuvent ignorer le français. Lorsque l’on ne considère que la seule région de Montréal, cette proportion de francophones qui doit être bilingue s’élève à
78% et plus du tiers des entreprises font un usage exclusif de l’anglais comme langue de travail.
Voilà qui confirme, dira-t-on, les prévisions de Lord Durham en 1840 sur la nation française du Québec,
lorsqu’il affirmait qu’elle devait dépendre pour son travail des employeurs anglais. Mais il attribuait alors cette infériorité
qui nous distinguait à notre ignorance. On ne peut plus pourtant alléguer cette raison pour expliquer notre infériorité
actuelle, car depuis quelque temps le Québec a réalisé des progrès considérables en matière d’enseignement secondaire, technique, professionnel et universitaire.
Toutefois, malgré ces progrès, les Québécois ne peuvent individuellement contrebalancer l’influence
d’un secteur économique qui leur échappe, à moins de pouvoir disposer d’un instrument capable d’assurer la promotion
des francophones au Québec. C’est à l’État que ce rôle revient. Cet État, pour nous, le gouvernement du Québec, est
la seule institution puissante que nous contrôlons vraiment. Ceux qui ont dirigé les derniers gouvernements au Québec
semblent l’avoir compris, puisqu’ils ont entrepris de doter la collectivité de quelques outils indispensables à son progrès :
par exemple, législation instaurant un impôt québécois sur le revenu des particuliers. façon positive de défendre l’autonomie du Québec par le rapatriement de nos droits fiscaux, instrument indispensable à la création de leviers économiques
nécessaires à un État moderne. Nationalisation de l’ensemble du réseau d’électricité; mise sur pied de la
Société générale de Financement qui s’emploie à grouper des entreprises dispersées de manière à les raffermir et à accélérer
leur croissance ainsi qu’à créer des entreprises nouvelles dans des secteurs dynamiques; mise sur pied aussi
d’une Régie des Rentes servant à procurer aux Québécois un complément de sécurité sociale et l’institution jumelle qu’est
la Caisse des dépôts et de placements dont le réservoir d’épargne fournit déjà un apport substantiel aux investissements
publics; création d’une société québécoise d’exploration minière en vue d’assurer une croissance ordonnée de notre
industrie minière.
Plus récemment l’État a commencé à participer à l’entreprise sidérurgique en mettant en route la société SIDBEC qui pourra, à moyen terme, utiliser le minerai de fer extrait du sous-sol québécois. Deux autres institutions
d’État ont été créées au cours des derniers mois, l’une, la Société québécoise d’initiative pétrolière, pour faire
notamment l’exploration du pétrole que nous devons présentement importer et l’autre, la Régie d’exploitation forestière,
en vue d’assurer une utilisation plus rationnelle de nos forêts.
Tous ces instruments devraient contribuer, à plus ou moins longue échéance, à faire davantage participer les Québécois à leur propre développement, tout en assurant à la langue de la majorité, la place qui lui revient dans
la vie de l’entreprise.
Mais il ne faudrait pas que l’État s’arrête après avoir posé ces jalons, comme si la partie était déjà
gagnée. Il lui reste essentiellement, avec le concours des outils qu’il s’est forgé, à orienter le développement selon
un plan global axé sur les ressources de notre territoire et sur les secteurs de pointe, compte tenu des possibilités
de décentralisation industrielle au bénéfice de l’ensemble du territoire québécois. À cet effet, le gouvernement s’est
doté d’un outil essentiel: l’Office de Planification et de Développement du Québec. Le gouvernement du Québec devra
mieux adapter ses structures administratives et dans ce sens il a déjà franchi une première étape en créant, il y a
un mois, le ministère de la Fonction publique. Il se doit également de canaliser et de faire servir au développement
interne les épargnes du milieu dont une très grande partie glisse, sous forme d’assurance ou de placements mutuels,
dans le circuit de l’économie étrangère. Il doit aussi associer le capital étranger à celui des Québécois, en vue de
notre croissance économique et finalement hâter la préparation de plus en plus de Québécois à la direction de leurs affaires.
Sous ce rapport, le Québec attend beaucoup de la coopération avec les autres nations, particulièrement celles qui sont de langue française. Les échanges qu’il a institués depuis 1964 avec la France, notamment dans le
domaine de la coopération technique, tendent à favoriser la mise en commun et la confrontation de connaissances et
de méthodes propices à l’éclosion de l’esprit d’initiative et d’entreprises qui manque encore souvent au Québec. À
entrer en rapport avec des étrangers de même culture qu’eux, les Québécois ne peuvent qu’être amenés à prendre la mesure
de leur taille, à retrouver confiance en eux-mêmes et à découvrir sur le continent nord-américain, la valeur toujours
actuelle de la science et de la technique européenne.
Malgré tout, cette société canadienne-française décapitée en 1763 et privée des instruments nécessaires à son développement, a parcouru depuis, beaucoup de chemin. Les Canadiens français se sont d’abord multipliés;
leur nombre original de 60,000 est passé à plus de 6,000,000 dont 5,200,000 environ vivent actuellement au
Québec. Us ont donné naissance à de nombreuses colonies francophones dans l’ensemble du Canada et dans les États
de la Nouvelle-Angleterre. Repliés sur eux-mêmes dans une économie agricole de subsistance, ils ont lutté pour
maintenir leur langue et leur religion. Us ont développé une société bien distincte en Amérique du Nord, mais ils
ont toujours eu le sentiment de vivre dangereusement dans ce continent anglo-saxon dont ils ne constituent qu’une
faible partie de la population totale, soit 6 millions de francophones par rapport à plus de 200 millions d’anglophones.
Proportion d’ailleurs qui se maintient depuis deux siècles.
Faut-il s’étonner que dans ce contexte, sociologique et démographique, les Québécois aient pendant
plusieurs générations nourri des sentiments d’infériorité, d’impuissance et de peur, comme si le sort les avait fait
na”tre pour un petit pain, ainsi qu’ils le disent eux-mêmes si couramment.
L’urbanisation et l’industrialisation leur a toutefois permis de s’initier au monde industriel et d’apprendre,
comme les autres peuples du monde, a construire des autoroutes et des barrages hydro-électriques, à diriger de grandes entreprises comme l’Hydro-Québec avec la satisfaction de sentir qu’ils pouvaient réaliser quelque chose de valable et de façon aussi compétente que les autres. À cet égard, l’histoire de la dernière décennie du Québec semble
être un tournant vers une nouvelle orientation de son destin. L’éveil au monde, grâce aux grandes facilités de
communication, l’affluence des jeunes générations dans les maisons d’enseignement technique et universitaire, l’apparition
de nouvelles élites plus solidaires de la communauté que le furent les précédentes, la remise en question des
institutions, des structures et de certaines valeurs anciennes, l’apprentissage des techniques industrielles et administratives
tant européennes qu’américaines, tous ces signes me paraissent porter la promesse d’un avenir nouveau.
Après s’être si longtemps renfermés dans leurs frustrations, après s’être si longtemps nourris d’un
passé idéalisé, les Québécois sont maintenant déterminés, non seulement à survivre, mais à vivre et à vivre pleinement
comme une communauté francophone authentique dans une Amérique du Nord où se présentent des défis qu’ils ont
accepté de relever. Ils ont entrepris de construire une société qui allie à leurs traits culturels français hérités
du passé, le progrès technique et humain de l’époque moderne.
Il leur appartiendra de décider s’ils peuvent réaliser ces aspirations à deux à l’intérieur de la fédération
canadienne ou s’ils devront choisir d’assumer seuls leur destin.
<Masse19700111>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE AU PALAIS DES CONGRÈS DE ROYAN SUR LES RELATIONS FRANCO-QUÉBÉCOISES
LE 11 JANVIER 1970>
Aujourd’hui on constate le développement et l’ampleur particuliers qu’ont pris les échanges franco-québécois. Mais des liens ont toujours existé. Ils sont à l’origine de notre histoire et, durant des siècles, ils en ont conditionné le déroulement. Il ne s’agit pas là du rappel pur et simple d’un passé maintenant révolu, mais bien d’une donnée fondamentale de notre évolution nationale.
Même après la séparation brutale et prématurée intervenue, vers le milieu du 18ième siècle, entre notre pays et la France, celle-ci est restée présente non seulement dans notre souvenir, mais dans notre culture, c’est-à-dire dans notre façon particulière d’interpréter l’homme et le monde. Il est significatif, par exemple, que nous nous soyons toujours sentis atteints
et concernés par les grands débats qui ont passionné le peuple français. Qu’aujourd’hui, des français, de plus en
plus nombreux, se montrent préoccupés de nos propres débats, voilà qui nous apparaît comme simplement normal.
A une époque où les idées aussi bien que l’information font le tour du monde à la vitesse de la lumière, il faut nous
attendre à ce que l’isolement relatif, fait de lenteur plutôt que d’absence, que nous avons connu au cours des deux
derniers siècles, prenne définitivement fin et fasse place à une intensification croissante de nos échanges.
Car même si nous bénéficions d’un niveau de vie relativement élevé et d’une structure économique en
pleine expansion, nous, Québécois, sommes conscients qu’assurer l’avenir d’une communauté francophone dynamique
en Amérique du Nord pose maintenant et posera toujours des défis exaltants. Ces défis, nous sommes prêts à les
relever. Et selon que nous connaîtrons le succès ou la défaite, la communauté francophone tout entière en sera affectée.
Car nos destins sont irrémédiablement liés.
Par conséquent, le combat de chaque instant que nous livrons au Québec ne peut et ne doit vous laisser
indifférents. Si le Québec ne réussit pas à faire la preuve qu’un peuple de langue et de culture françaises a sa place
dans l’aventure du vingtième siècle, l’avenir de la France elle-même sera de plus en plus compromis.
Mais face à ce défi, que constitue la proximité du géant américain, le Québec ne s’est pas replié sur
lui-même. En effet, depuis une quinzaine d’années, le Québec a connu une mutation qui n’a laissé intacte aucune des
grandes certitudes grâce auxquelles il avait pu résister durant deux siècles. Passant en quelques années d’une économie
rurale à une économie industrielle, il s’appliquait à mettre en place de grands leviers économiques utilisant
pour cela des formules absolument originales en Amérique du Nord; parallèlement, il menait une réforme complète de son système d’éducation et s’ouvrait sur le monde.
Naturellement, une fois de plus, le Québec s’est tourné vers la France. Il l’avait déjà fait, à diverses reprises, mais avec plus ou moins de succès. Ainsi, dois-je rappeler que le Québec avait déjà son représentant à Paris à la fin du l9ième siècle, et cela bien avant que le Canada ait lui-même des liens avec la France, puisque c’est à notre représentant, monsieur Hector Fabre, qu’Ottawa devait offrir en 1882 de représenter tout le Canada.
Les Québécois se rappellent aussi le célèbre voyage en France du Premier Ministre du Québec, l’honorable
Honoré Mercier, en 1891, alors que celui-ci fut accueilli avec tous les égards réservés à un chef d’État. Malheureusement, ce renouveau des relations France-Québec resta à peu près sans lendemain.
Bien sûr les conditions ne sont plus les mêmes, car le Québec n’a plus comme autrefois la hantise d’une France
laïque et républicaine qui constituait à ces yeux une menace pour sa cohésion sociale et ses traditions religieuses. L’industrialisation et l’urbanisation ont compté pour beaucoup dans cette vision qu’ont maintenant les Québécois de la
France.
C’est pourquoi, comme l’a démontré le passé récent, les relations franco-québécoises ont pris une tournure nouvelle, tournure que profondément je crois irréversible.
L’accélération des mouvements d’échange a eu en fait pour point de départ la dernière décennie. C’est au cours de cette période qu’on a assisté à l’établissement de la Délégation générale à Paris, à la visite au Québec du
ministre d’État chargé des Affaires culturelles, monsieur André Malraux, rendant à titre de représentant du Président
de la République, la visite que le chef du gouvernement québécois avait faite en France à l’occasion de l’inauguration
de la Délégation générale. Durant cette période aussi le premier accord a été conclu entre la France et le Québec
qui portait sur la coopération technique, et il fut suivi d’ententes en matière d’éducation et d’échanges culturels et artistiques.
Je n’oublie pas, bien sûr, la visite historique du général de Gaulle au Québec, en juillet 1867, qui reçut
l’hommage unanime de tout un peuple.
Depuis, plusieurs autres visites ministérielles ont donné lieu à la signature de nouveaux protocoles d’entente.
La dernière en date, celle de mon collègue et ami Jean de Lipkowski, a permis à la France de manifester une fois de
plus son intérêt dans la coopération franco-québécoise.
Le bilan de nos échanges est à la fois impressionnant quantitativement et qualitativement. Le volume des
échanges est caractérisé par une expansion constante dans tous les domaines. Le nombre des secteurs d’intervention
s’accroît d’une année à l’autre et le nombre des opérations augmente dans chaque secteur.
Un des exemples les plus frappants du succès de notre coopération est l’Office franco-québécois pour la Jeunesse. Depuis sa mise en place, en février 1968, six mille jeunes Québécois et français ont participé dans nos deux pays à des stages d’étude et d’information. De plus, au cours des trois dernières années, un millier de professeurs d’université ont effectué des séjours d’étude, d’enseignement ou de recherche en France ou au Québec. Les missions d’experts dans les deux sens se sont chiffrées par milliers. Actuellement soixante jeunes maîtres québécois enseignent en France et un nombre égal de jeunes maîtres français enseignent au Québec. Dès l’an prochain, ce nombre sera multiplié par quatre. Il s’agit là d’une expérience originale et audacieuse.
Les échanges avec la France, notamment dans le domaine de la coopération technique tendent à favoriser, de part et d’autre, la mise en commun et la confrontation de connaissances et de méthodes propices à l’éclosion de l’esprit d’initiative et d’entreprise nécessaire à l’épanouissement de la communauté francophone. Plus particulièrement pour les Québécois, ces échanges ne peuvent que les amener, en les mettant en rapport avec des étrangers de même culture qu’eux, à prendre la mesure de leur taille, à retrouver confiance en eux-mêmes et à découvrir sur le continent nord-américain la valeur toujours actuelle de la science et de la technique européennes. Inversement, le Québec constitue pour les français une porte ouverte sur des techniques administratives des plus efficaces et le dynamisme nord-américain. En somme, un vaste effort a été entrepris pour favoriser une meilleure compréhension entre les deux peuples.
Les Québécois ont entrepris de construire une société en Amérique du Nord, une société qui allie le
progrès technique et humain de l’époque moderne à leurs traits culturels français. C’est dans cette perspective que
nous envisageons la coopération entre nos deux États, c’est ce qui lui donne tout son sens et toute sa dimension.
En livrant son combat, le Québec livre celui de tous les francophones. Un Québec progressiste, moderne
et fort est essentiel à l’épanouissement de la civilisation et du génie français dans le monde. Le succès ou l’échec de l’aventure québécoise pèsera lourd lorsqu’il s’agira de mesurer le rôle joué par la civilisation française dans l’édification du monde de demain.
<Masse19700112>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE DEVANT L’ASSOCIATION DE LA PRESSE DIPLOMATIQUE DE FRANCE SUR LA VOCATION INTERNATIONALE DU QUÉBEC LE 12 JANVIER 1970>
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le Québec manifeste sa présence sur le plan international. Elle était
si bien inscrite dans les faits constitutionnels qu’au début de la Confédération et pour quelques décennies, le Québec
y fut même encouragé par celui qui aujourd’hui conteste cette volonté d’affirmation avec la plus grande virulence :
je veux dire le gouvernement canadien.
On oublie facilement que le premier représentant du Canada en France fut d’abord le représentant du Québec.
Dans un mémoire daté d’octobre 1911 , le sous-secrétaire d’État canadien aux Affaires extérieures, monsieur Joseph Pope, écrivait : « Monsieur Hector Fabre ayant été choisi par le gouvernement de la province de Québec pour résider à
Paris dans le but de promouvoir les intérêts financiers, commerciaux et autres de la province, le
gouvernement du Canada s’est prévalu de la présence de monsieur Fabre à Paris pour utiliser ses services ».
Aujourd’hui le Québec a de nouveau un représentant à Paris. Car le gouvernement du Québec croit
normal d’assumer lui-même les responsabilités qui lui ont été confiées par la constitution canadienne, tant sur le plan
intérieur que dans leur prolongement naturel, la plan international. Je voudrais, aujourd’hui, en tant que ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, vous exposer notre position en ce qui concerne le rôle international
du Québec. Pourquoi et comment le Québec entend-il développer sa politique dans ce domaine ?
La collectivité québécoise constitue une société originale en Amérique du Nord. Différente, elle l’est
et elle entend se comporter comme telle. Qu’y a-t-il de plus naturel pour un peuple qui se sent et qui se sait différent
que de vouloir se comporter différemment, c’est-à-dire agir selon son être propre.
La volonté du Québec de participer à la vie internationale est une nécessité qui s’appuie à la fois sur
les exigences du monde moderne et sur le droit international.
D’une part, il n’est plus possible aujourd’hui de vivre replié sur soi-même ou de rechercher l’isolement.
Surtout dans ce contexte mondial où tous les domaines font désormais l’objet de rapports entre les États. L’exemple
des associations professionnelles et ouvrières, des entreprises commerciales, industrielles et financières, des
institutions d’enseignement qui doivent s’ouvrir sur le monde pour échapper à la médiocrité, illustre bien l’interdépendance
croissante des peuples.
D’autre part, comme l’ont si justement rappelé des professeurs de droit du Québec, toutes les compétences qui ont été attribuées au Québec par la constitution canadienne ou par l’interprétation qui en a été donnée par les
tribunaux, font l’objet, depuis une trentaine d’années, d’accords et d’échanges entre États. Qu’il s’agisse de richesses
naturelles, de culture, d’enseignement, de santé, de droits de l’homme ou même de droit civil, on assiste à une
internationalisation de tous les domaines, sous forme de normes élaborées par des conférences internationales, codifiées
dans les traités et mises en œuvre par les organisations mondiales et régionales. Aucun État ne peut refuser
ce processus engendré par les communications toujours plus faciles et par l’évolution des mentalités.
Et ceci est d’autant plus vrai pour le Québec qui, pour vivre comme communauté authentiquement francophone en Amérique du Nord, a accepté de relever des défis exaltants. Plus que bien d’autres États, il a besoin
d’échanges, de contacts avec l’extérieur. N’est-ce-pas l’actuel premier ministre du Canada, Pierre Eliott Trudeau,
qui déclarait lui-même il y a une dizaine d’années, parlant des Québécois : « Ouvrons les fenêtre s, ce peuple meurt d’asphyxie ».
On ne répétera jamais assez que l’activité du Québec dans ces domaines ne devrait poser aucun problème
particulier, puisque le droit international ne fait que s’en remettre en la matière au droit interne du pays concerné.
De plus, au Canada, il n’y a aucune disposition constitutionnelle, ni aucune autorité judiciaire qui puis se affirmer l’exclusivité du pouvoir fédéral en matière de traité. Le silence de la constitution à ce sujet reporte donc
tout le débat au niveau de l’interprétation de la jurisprudence.
Des précédents existent. Il y a, en effet, deux décisions judiciaires qui portent spécifiquement sur
le partage de la prérogative royale entre les deux ordres de gouvernement du Canada, et toutes les deux mènent à
la conclusion que les États fédérés peuvent conclure des traités dans les matières qui tombent sous leur responsabilité
législative.
Notre position c’est que les États fédérés du Canada possèdent le droit et le pouvoir de s’occuper d’affaires étrangères dans les domaines qui leur sont réservés par la constitution. En somme, le Québec entend assurer le prolongement à l’extérieur de ses compétences internes.
Si le Québec a choisi d’exercer ces pouvoirs, c’est qu’il a compris, un peu tard certes, qu’il ne pouvait
remettre son destin au gouvernement central du Canada dont les préoccupations et les aspirations sont souvent différentes
des siennes et dont les décisions antérieures n’ont pas toujours été favorables, loin de là, à l’épanouissement
de la culture française au Québec et encore moins dans le Canada tout entier.
Comment le Québec francophone peut-il accepter de confier la discussion et la gestion de ses intérêts sur le plan international à un gouvernement nécessairement plus représentatif de la majorité, donc des neuf États anglophones lesquels ont tous, à un moment quelconque de leur histoire, – et encore aujourd’hui – soit interdit l’enseignement du français à l’intérieur de leur frontière, soit dépouillé de tous leurs droits les minorités francophones pour mieux les assimiler ?
Quel crédit le Québec peut-il accorder à un État canadien qui n’a vraiment commencé à porter une attention aux pays francophones du monde que le jour où le Québec a manifesté le désir de s’en approcher ?
Enfin, comment le Québec peut-il croire en la volonté de changement du présent gouvernement canadien
lors qu’encore aujourd’hui les organismes d’État canadiens, même en France, reflètent trop souvent le caractère anglophone
de l’État central.
Le Canada est et reste un État majoritairement anglophone. Et la situation serait devenue dramatique
si le Québec n’avait pas décidé d’assumer ses responsabilités. Mais elle reste encore critique : les récentes enquêtes
sur l’évolution démographique, sur l’assimilation lente et continue des Canadiens-français, sur le niveau de
leur revenu, ne nous laissent pas trop optimistes. L’espoir réside cependant dans la détermination de la population actuelle, non plus de survivre, mais de vivre : détermination qui anime également les dirigeants québécois.
Aussi ne faut-il pas s’étonner que le Québec ait éprouvé ces dernières années, le besoin d’assurer pleinement
ses attributions et ses responsabilités. Le Québec a ainsi été amené à organiser avec certains pays – principalement
ceux de langue et de culture françaises – des échanges jugés indispensables à son existence et à son
épanouissement.
Les liens ainsi établis et les accords que le Québec a signés ont un rôle important à jouer dans le
développement du Québec et, en particulier, de ses ressources humaines. Ils sont, en fait, devenus un instrument important de la politique québécoise en matière de culture et d’éducation. D’autre part, ils constituent un effort concret
pour briser l’isolement culturel dans lequel les circonstances ont enfermé le Québec pendant deux siècles.
Le caractère même de ces ententes explique pourquoi le gouvernement du Québec doit y participer directement,
sans accepter l’intermédiaire du gouvernement fédéral; tous ces échanges exigent une connaissance intime
de l’appareil gouvernemental et des institutions d’enseignement. Il s’agit d’abord d’évaluer les besoins, puis de fixer
les priorités et, pour cela, d’engager des discussions avec les ministères et les institutions d’enseignement; il faut
ensuite négocier l’ensemble et enfin pourvoir aux dépenses et évaluer les résultats. Or, seul le gouvernement du Québec
est compétent en droit et en fait, pour remplir cette tâche, puisque par exemple, il n’y a pas et ne peut y avoir
de ministère canadien ni de l’éducation, ni de la culture.
Ces efforts du Québec face à ses responsabilités en matière internationale ne sont qu’une des préoccupations
qu’il doit affronter dans sa volonté d’affirmation nationale et de recherche du mieux-être collectif.
Cette lutte s’inscrit dans le cadre des besoins d’une nation jeune et dynamique qui a accédé très rapidement
à l’univers industriel du vingtième siècle. Et elle n’a sa raison d’être que dans la mesure où elle correspond et répond
aux modifications socio-culturelles que subit actuellement le Québec. Et le gouvernement du Québec est en mesure dévaluer ces changements et les mesures à prendre pour y faire face.
Cette responsabilité, le gouvernement du Québec est déterminé à l’exercer.
<Masse19700114>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE AU DEJEUNER OFFERT PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE FRANCE
MONSIEUR MAURICE SCHUMANN LE 14 JANVIER 1970>
Vous me permettrez d’abord, monsieur le Ministre, de vous dire à quel point je suis sensible à l’honneur
que vous me faites aujourd’hui en m’accueillant au quai d’Orsay. Je sais que, en m’invitant, c’est tout le Québec
que vous avez voulu honorer et je vous en remercie très sincèrement.
Ce geste, de même que les paroles éloquentes que vous venez de prononcer constituent une nouvelle manifestation
du caractère exceptionnellement chaleureux des relations franco-québécoises; le seul caractère qui convienne
en fait aux rapports entre deux peuples aussi étroitement liés que le sont les nôtres.
A qui ne possède pas une connaissance intime du Québec; ni vous, monsieur le Ministre, ni vos éminents
collaborateurs ne sont de ceux-là, le cheminement des Québécois vers leur destin risque parfois de ne leur être révélé
que par quelques événements épisodiques saisis au hasard de l’information.
Certes, le Québec, à l’instar des autres nations, connaît ses soubresauts. Ce qui n’échappera pas à l’observateur attentif, c’est que chez nous, ces péripéties sont plus souvent qu’autrement les reflets d’un phénomène très positif, soit l’entrée accélérée du Québec dans l’ère moderne.
Depuis une quinzaine d’années, le Québec a connu une mutation qui n’a laissé intacte aucune des grandes certitudes grâce auxquelles il avait pu résister pendant deux siècles. Passant en quelques années d’une économie
rurale à une économie industrielle, il s’est appliqué à mettre en place des leviers économiques utilisant pour cela des
formules souvent originales en Amérique du Nord. Parallèlement, il a mené une réforme de son système d’éducation
et il s’est ouvert au monde.
Ces bouleversements d’une population consciente de ses retards et déterminée à entrer de plein pied
dans le vingtième siècle doivent apparaître, à qui sait les comprendre, comme le symptôme même du dynamisme du Québec.
Le Québec est une société en mouvement et il l’est grâce à l’élan intérieur qui l’anime. Toutes ces mutations,
sociale, économique et politique, constituent notre réponse aux problèmes de croissance et de développement
et sont une manifestation de notre progrès.
Dans cette marche irréversible vers un Québec nouveau, nous nous réjouissons de ce que la France soit à
nos côtés. Elle y trouvera certainement son avantage, car nul ne doit ignorer que nos destins sont communs. Aussi,
ai-je besoin de rappeler que le bastion le plus exposé de la civilisation française ne saurait tomber sans qu’il en coûte
terriblement à toute la communauté francophone et au premier chef, à la France.
Notre entreprise commune déborde la seule question de la langue. D’ailleurs, comme monsieur Jean-Jacques Bertrand, Premier Ministre du Québec, l’affirmait « S’il est important pour les héritiers des premiers Canadiens de pouvoir s’exprimer en français, il est plus fondamental encore de pouvoir vivre en français ».
C’est donc une manière commune de penser, d’agir et d’être qui est en cause. Aux français qui ont choisi et choisiront de
travailler avec nous, nous apportons en plus du sentiment profond d’appartenance à une même famille, le modernisme
de plusieurs de nos techniques et la richesse incalculable de notre territoire. Cette conjonction de phénomènes doit
fournir l’occasion de nouvelles amitiés et d’une coopération à tous les niveaux de plus en plus intense et profitable.
Je lève donc mon verre à la France: dynamique, confiante et audacieuse, ainsi qu’à la vigueur nouvelle de l’amitié franco-québécoise.
<Masse19700127>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION DU QUÉBEC À L’OCCASION DE L’ANNONCE DE L’INSTALLATION À MONT-JOLI DES ENTREPRISES « PALLEON ELECTRONICS LTDIl AUBERGE DES GOUVERNEURS, QUÉBEC LE 27 JANVIER 1970>
Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à monsieur Louis Emard, ainsi qu’à « Palléon Electronics
Limited » l’industrie qu’il dirige avec succès et qui s’installe aujourd’hui à Mont-Joli, dans le comté de Matane.
L’établissement de son entreprise dans la région de l’est du Québec est accueilli avec enthousiasme par la population
et je ne crains pas d’affirmer que monsieur Emard peut compter sur l’appui chaleureux et empressé des individus
qui la composent.
L’implantation d’une nouvelle industrie dans une région périphérique comme celle de l’est du Québec est un événement important. Il mérite d’autant plus d’être souligné que la population de la région s’efforce activement de promouvoir son industrialisation depuis quelques années.
A ce propos, je voudrais dire combien la prise de conscience de la population qui a saisi la nécessité
de l’effort collectif et de ses incontestables avantages sur le développement régional, a joué un rôle essentiel dans la
venue des entreprises « Palléon Electronics » à Mont-Joli.
En effet, ce sont surtout les représentants de cette population qui ont œuvré sans relâche pour arriver aux résultats
que nous apprécions aujourd’hui. Bien sur tout ceci s’est fait avec le concours de l’administration gouvernementale
et a été grandement facilité par les mécanismes qu’elle a créés sur place, spécifiquement depuis la signature de l’Entente de mai 1968 sur le développement du Bas du Fleuve, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Néanmoins, sans l’effort des représentants locaux, nous ne serions pas ici aujourd’hui.
J’ajouterai que je vois dans cet élan de la collectivité désireuse de collaborer à son propre épanouissement,
la forme la plus réussie de participation. Ce mot « participation » est sur toutes les lèvres depuis quelques années.
Nous avons la preuve en ce moment même qu’il n’est pas qu’une simple vue de l’esprit, puisque le voici transformé
en une réalité dynamique par la volonté d’une poignée de citoyens que la confiance dans l’avenir de leur région n’a
jamais abandonnés.
Je m’empresse donc de féliciter et de remercier les personnes qui ont travaillé pour que se réalise le
projet d’implantation à Mont-Joli de « Palléon Electronics. Ce sont les véritables auteurs du succès dont nous sommes
témoins aujourd’hui.
Je veux saluer aussi ces autres véritables responsables de la réussite industrielle de ce jour, les
travailleurs eux-mêmes. La renommée de leur compétence, la stabilité et la volonté énergique dont ils font preuve
ont contribué, comme aux « Tricots Excel » dont nous inaugurions récemment, à Mont-Joli encore, les nouvelles installations,
à séduire l’industriel. Je dirais même qu’ils ont été les facteurs décisifs de l’établissement de l’entreprise « Palléon Electronics » dans cette localité.
Enfin, il me reste à mettre en lumière la part du mérite qui revient aux administrateurs du plan de
développement de la région, celle des membres de la Conférence administrative régionale et, plus spécialement, du
représentant du ministère de l’Industrie et du Commerce.
L’application d’un plan régional de développement ne va pas sans soulever certaines difficultés d’adaptation.
Je me permettrai simplement de rappeler que le plan de l’est du Québec a été pensé en fonction d’une échéance à
moyen et long termes et qu’il n’y a que 18 mois qu’on s’applique à l’exécuter. Il est évident, et ceci en dépit de la
collaboration et des efforts notés chez les deux partenaires, il est évident, dis-je, que la situation ne peut être transformée
radicalement en si courte période. L’heureux événement qui nous rassemble ici cet après-midi permet de
rappeler à certains prophètes de malheur qu’il est possible d’industrialiser nos régions périphériques, et possible de
consolider la situation économique générale du Québec. L’exode massif des industries québécoises vers l’Ontario
n’est pas pour demain et le fait que le contraire se produise nous autorise aux plus grands espoirs.
Je veux répéter en terminant les mots de bienvenue que j’adressais tout à l’heure à monsieur Emard
et je désire lui dire combien nous sommes heureux d’avoir contribué à l’implantation de son entreprise à Mont-Joli.
Je salue chez monsieur Emard les qualités d’industriel clairvoyant qui a su faire confiance à la région bas laurentienne. Je veux enfin me faire le porte-parole de la population en l’assurant que la main-d’œuvre de la région est
désireuse de participer à l’essor économique et qu’elle fait les efforts nécessaires pour bâtir une société moderne
dont elle sera la première à bénéficier.
<Masse19700202>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEVANT LES MEMBRES DU CLUB RENAISSANCE DE MONTRÉAL À L’OCCASION DU DÎNER-CAUSERIE HEBDOMADAIRE LE 2 FÉVRIER 1970>
Les événements qui se produisent dans tous les domaines depuis plusieurs mois indiquent jusqu’à quel point la décennie qui commence est éminemment importante pour l’avenir du Québec.
L’année 1970 doit en effet marquer pour le Québec le moment d’un second départ et la population québécoise
aura bientôt à décider dans quelles directions il se prendra, puisqu’elle sera appelée à se rendre aux urnes
au cours de 1970. Ce faisant, elle décidera, en toute liberté, et en pleine lucidité, des orientations fondamentales
dans lesquelles le Québec s’engagera au cours de la prochaine décennie.
De là l’importance que nous fassions ensemble, un bref retour vers notre passé récent et abordions avec franchise et sincérité notre avenir immédiat.
Je voudrais, ne serait-ce que pour un bref moment, revenir quelques années en arrière. Le 6 juin 1966, l’Union Nationale se voyait confier la responsabilité de diriger le Québec. Cette victoire, souvenons-nous, de nombreux observateurs la qualifièrent d’inattendue, voire de surprenante. Elle ne l’était pas pourtant, car elle trouvait son explication dans
la volonté de renouvellement dont l’Union Nationale sut faire preuve à compter de son congrès de 1961.
Rappelons-nous que de 1961 à 1966, l’Union Nationale parvenait à transformer radicalement ses structures
et à se doter d’une constitution qui ouvrait largement le parti à tous ceux qui étaient prêts à y militer. Elle organisait
au printemps de 1965 des Assises qui permettaient à tous ses militants de participer à l’élaboration de son
programme.
L’année 1965 a marqué deux tournants importants pour l’Union Nationale : les Assises qui se tinrent à
Montréal au mois de mars et l’assemblée constituante du Conseil National qui eut lieu à Québec au mois de juin.
C’est au cours de la réunion de Québec que notre parti réorganisa ses structures de manière à réglementer démocratiquement
la vie interne de notre mouvement.
Je voudrais m’arrêter plus particulièrement à cette expérience que constituait les Assises du printemps
*65. Je crois pouvoir affirmer que, pour la première fois dans les annales politiques du Québec, un parti politique
décidait, sous une forme jusque là inédite, de se livrer à une analyse sérieuse des problèmes auxquels le Québec
faisait alors face.
Cette prise de conscience, l’Union Nationale acceptait de la faire avec l’ensemble de ses militants et
permettait à la population entière d’en suivre la démarche en ouvrant les Assises à la presse tant écrite que parlée.
Au surplus, elle ne craignait pas de faire appel à des personnalités reconnues et n’ayant aucun lien avec elle, à des
personnes qui s’étaient, et se sont depuis, montrées parfois en désaccord avec elle.
Les résultats immédiats des Assises 1965 furent multiples. Je veux surtout souligner que la presse
et les observateurs politiques en général furent unanimes pour constater le sérieux des délibérations, la qualité des
interventions, la participation active et réelle des militants à la vie du parti. Bref, tous reconnurent que nous avions
réussi à relever un défi auquel beaucoup nous croyaient incapables de faire face.
Je vous renvoie à un document qui s’appelle « OBJECTIFS ’66 ». Ce document, issu des Assises 1965,
présente le programme que l’Union Nationale soumettait au peuple québécois lors de la campagne électorale de 1966.
Je vous y renvoie parce qu’en le lisant, vous vous rendrez compte de la qualité et du réalisme des objectifs que les
partisans de l’Union Nationale avaient extraits des délibérations du mois de mars de l’année précédente. De plus,
comme le notait ici même la semaine dernière mon collègue, l’honorable Fernand Lafontaine, vous constaterez que
les gouvernements Johnson et Bertrand ont réalisé la quasi totalité de notre programme.
L’exercice démocratique des Assises 1965 ne fut donc pas inutile. Bien au contraire. Je viens de rappeler le renouvellement
dont nous sûmes faire preuve à partir de 1965, Devons-nous nous en montrer satisfaits et croire que le travail est terminé.
Certes non. M’adressant à vous, au Club Renaissance, en octobre 1966, j’insistais plus particulièrement sur deux
points: une ouverture toujours plus grande de l’Union Nationale à toutes les forces vives de la nation et une intensification
des relations entre les dirigeants du parti et la base.
La structuration et la mise sur pied des associations de comté a permis à l’Union Nationale d’élargir considérablement ses cadres et de s’enraciner plus profondément encore dans la population. Par ailleurs, la très large représentation des associations de comté au Conseil National et au Bureau du Conseil National permet aux militants de notre parti de faire entendre leur voix auprès des instances supérieures et d’exercer une influence réelle sur l’orientation de nos politiques et sur nos activités en général.
En ce qui concerne la participation de la population à la vie même de notre parti ce n’est pas, à mon sens, au niveau des structures que le problème se pose.
Ce qu’il nous faut développer sans cesse et encourager sans relâche, c’est le recrutement constant de
membres pour nos associations de comté. Nous ne devons pas craindre de faire appel à tous ceux qui sont prêts à œuvrer au sein de l’Union Nationale, de recruter au sein de toutes les classes, toutes les générations et toutes les catégories de citoyens. Car comme le disait monsieur Jean-Jacques Bertrand, le 29 novembre 1969: « Ce fut toujours
la vocation bien particulière de notre mouvement politique de rassembler, au-dessus des cloisonnements politiques
et idéologiques, tous les Québécois de bonne volonté ».
A la fin du mois de novembre 1969, le Conseil National se réunissait à Sherbrooke. En demandant aux
membres du Conseil National de se prononcer sur l’opportunité de tenir, avant les élections, des Assises semblables
à celles de ’65, monsieur Bertrand disait: « Quelle que soit la formule utilisée, l’important à mon sens, est de jouer
franchement et résolument le jeu de la démocratie ».
Le Conseil National décidait alors de répondre positivement à la question du Premier Ministre en décidant,
pour une seconde fois dans l’histoire de notre parti, de tenir des Assises.
Le Premier Ministre annonçait, il y a quelques jours, après une réunion tenue à Québec et à laquelle
assistaient également les honorables Mario Beaulieu, Jean-Guy Cardinal et Jean-Paul Cloutier, qu’elles auraient lieu
à Montréal les 17, 18 et 19 avril. Dans peu de temps, le Bureau du Conseil National se réunira afin de mettre au
point tous les détails de la procédure des Assises.
En tant que Chef de notre parti et Président du Conseil National, monsieur Bertrand assume la présidence des Assises. C’est à ce titre que le Premier Ministre m’a demandé d’accepter la responsabilité de coordonner les opérations.
C’est donc comme responsable ou coordonnateur des Assises que je veux maintenant m’adresser à vous.
Entre les Assises de 1965 et celles d’avril prochain, l’Union Nationale se trouve dans une position très
différente. En 1965, nous étions dans l’opposition: en 1970, nous sommes au pouvoir. Ce fait doit-il signifier que la
méthode et la formule que nous avons choisies pour les Assises de 1965 n’est plus valable et que nous ne puissions
jouer franchement et résolument ce jeu de la démocratie ? ». Je ne crois pas.
On a prétendu que si nous avions accepté en 1965 de procéder de manière aussi démocratique, en faisant
appel à des experts de l’extérieur, en laissant nos partisans élaborer le programme, en ouvrant les Assises à la
presse, c’est que notre situation en tant que parti d’opposition nous permettait de le faire.
Notre intention est de montrer clairement que l’Union Nationale est capable de permettre encore à ses partisans de formuler le programme des années à venir et qu’après quatre ans de pouvoir elle ne craint pas, même si la formule comporte des risques, d’être toujours à l’écoute de la population.
C’est ainsi que nous avons décidé, à toutes fins pratiques, d’utiliser la même méthode, de procéder de la même façon, de sorte que notre programme émane de la base, de nos militants.
Nous faisons à l’heure actuelle appel à des spécialistes de tous milieux, de toutes tendances et de toutes
disciplines, afin d’élaborer des documents d’orientation dans tous les secteurs de l’activité gouvernementale. Ces
documents feront le point de la situation dans un secteur donné et projetteront, pour la décennie 70, les grandes orientations
que l’État du Québec devra prendre.
Lors des Assises du mois d’avril prochain, près de 3,000 délégués siégeront dans l’une ou l’autre des commissions de leur choix. Dans chacune d’elles, ils entendront des personnalités reconnues pour leur indépendance d’esprit, qui
leur diront comment ils entrevoient, dans ce secteur, le développement du Québec pour les prochains dix ans.
A la lumière de ces exposés, ils analyseront les documents préparés à leur intention, en discuteront librement
et formuleront toutes les suggestions susceptibles de guider le Conseil National et le comité politique dans l’élaboration
d’un programme valable, dynamique et réaliste, c’est-à-dire d’un programme capable de répondre aux exigences
et aux besoins d’une société contemporaine.
Les Assises constituent un congrès d’orientation. Elles dégageront d’abord les objectifs pour 1970 – 1980, pour en extraire ensuite le programme du prochain mandat parlementaire. En d’autres termes, d’objectifs décennaux, nous tirerons un programme quinquennal.
Il n’est pas dit d’ailleurs, comme cela se fait pour un programme de planification et de développement
économique, que nous ne devrions pas, en fonction des circonstances, réviser de temps à autre ces objectifs.
Il s’agira également au cours des Assises, de nous tourner résolument vers l’avenir, Ce que nous
demandons aux membres de l’Union Nationale c’est de dire comment ils voient l’avenir de notre collectivité et quels
sont les moyens à prendre pour y parvenir.
Je souligne enfin que le programme que nous présenterons à l’électorat doit s’inscrire dans le contexte
historique du Québec, puisque c’est lui qui permet de dégager les grandes options que nous prendrons dès maintenant.
C’est par un choix éclairé de ces options que notre collectivité déterminera la place qu’elle entend tenir dans le
monde contemporain.
Les changements que notre société a connus n’étaient que l’amorce des changements véritables qui s’annoncent. Si nous avons modernisé et consolidé notre système d’éducation, par l’organisation du réseau de Collèges
d’enseignement général et professionnel, par la création de l’Université du Québec et par la loi de restructuration scolaire de la région montréalaise actuellement devant l’Assemblée Nationale, si nous nous sommes donné de nouveaux
instruments collectifs de développement économique – Sidbec, Soquip, Rexfor – si nous avons amorcé une planification
rationnelle par la création en juin 1969 de l’Office de Planification du Québec, si nous avons rendu plus efficace
encore notre législation sociale – je note entre autre l’instauration des allocations familiales du Québec –
si nous avons repensé notre législation du travail – à preuve l’ensemble des lois votées par l’Assemblée Nationale –
si nous avons renforci la Fonction publique par la création du ministère de la Fonction publique et celle de l’École
Nationale d’Administration du Québec, si nous avons rationalisé le développement urbain par la création de la Société
d’Habitation du Québec et la mise sur pied des communautés urbaines, si nous avons créé le Haut-Commissariat aux
Loisirs et aux Sports et l’Office Franco-québécois pour la jeunesse, enfin si nous avons favorisé le recours contre
l’injustice administrative par l’instauration du protecteur du citoyen, il n’en demeure pas moins que des efforts doivent
maintenant être faits afin de lancer le Québec dans la voie de la société post-industrielle.
Cette énumération n’est certes pas exhaustive. Elle indique certaines de nos réalisations et éclaire la voie à suivre.
Pour ce faire, nous avons besoin d’audace, de courage, de dynamisme, d’intelligence et de sang-froid.
Ces qualités, nos militants ont montré en 1965 qu’ils les avaient. C’est vers eux, en toute confiance, que nous nous
tournons encore une fois.
Aujourd’hui plus que jamais, l’Union Nationale est le seul parti réellement et profondément enraciné
dans toutes les couches de la population québécoise: de ce fait, il est le seul qui puisse répondre aux aspirations profondes
de notre peuple, qui puisse le lancer sur la voie du progrès et de la fierté, le seul qui ayant déterminé les objectifs
qui feront du Québec un pays moderne ne s’en laissera distraire par personne, le seul qui laisse toutes les avenues ouvertes en refusant que quiconque lui dicte sa ligne de conduite dans quelque domaine que ce soit, le seul
enfin capable d’assurer notre devenir collectif.
Je lance donc un appel.
Aux jeunes, aux ouvriers, aux professionnels, et aux éducateurs, aux industriels et aux hommes d’affaires,
aux agriculteurs et aux étudiants, aux hommes et aux femmes d e notre pays, à tous ceux qui croient au Québec, à un
Québec moderne, ouvert au monde. Consciente de ses responsabilités, l’Union Nationale ouvre ses portes.
Ce parti n’est pas seulement le nôtre, il est le vôtre, à vous tous Québécois, qui voulez bâtir ce pays.
Dans des temps aussi cruciaux personne n’a le droit de rester indifférent ou de se taire.
<Masse19700209>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
SUR LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC ET LA CONSTITUTION AU COLLÈGE GLENDON DE TORONTO
LE 9 FÉVRIER 1970>
Pour la majorité des Québécois et un certain nombre de Canadiens, la constitution actuelle n’est plus
maintenant qu’un simple anachronisme. Non seulement elle ne répond pas aux besoins de l’heure, mais encore elle
est source de heurts et de problèmes de plus en plus graves et de plus en plus nombreux. La réforme constitutionnelle
est donc devenue une nécessité. D’ailleurs, le Premier Ministre du Canada, maintenant devenu conscient de ce problème,
présentait à Ottawa, à la Chambre des Communes, le 26 janvier dernier, une proposition portant création d’un
comité mixte de révision de la constitution.
Cette réforme constitutionnelle a-t-on dit, les Anglophones en discutent en fumant doucement leur pipe,
alors que les Québécois le font assis sur une barrique de poudre. Il est vrai que, pour ces derniers, la situation n’est
pas exactement la même que pour les autres Canadiens. L’honorable John Turner, ministre de la Justice, à Ottawa,
soulignait récemment le désintéressement grave de ses compatriotes concernant ce problème de la révision constitutionnelle.
fl déclarait à la Chambre des Communes, le 27 janvier: « Il y a, on doit le reconnaître, bien des gens au Canada et je dirais même dans cette chambre, qui ne se rendent pas compte de l’importance de la constitution en tant
que document fondamental en vertu duquel nous menons nos affaires au sein d’un État fédéral et de son importance en
ce qui concerne les problèmes quotidiens. Ils ne comprennent pas que l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique est
un document fondamental et primordial qui touche les relations entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Du
fait même de la révision de ce document, nous touchons aux questions clés qui affrontent le Canada; les questions du
pain quotidien de la Nation ».
Avant même que l’on ait commencé à rédiger le nouveau texte de la constitution, on voit une opposition
très nette entre les prises de position du fédéral et celles de certaines provinces, en particulier du Québec.
Le gouvernement fédéral, par la bouche de son Premier Ministre, Pierre Elliott Trudeau, veut avoir le maximum de pouvoirs alors que le Québec, lui, veut posséder tout ce qui lui semble nécessaire à l’affirmation de sa personnalité
propre. Alors que dans certains milieux anglophones, on prête à monsieur Trudeau l’intention de modifier la
constitution pour autant qu’elle spécifiera les droits des Francophones du Canada et leur permettra de parler leur
langue uniformément dans toutes les régions du territoire; pour notre part, nous croyons que la réforme doit être
beaucoup plus considérable que celle-là; car autrement on n’aura fait que manifester encore une fois une incompréhension
vis-à-vis la situation du Québec.
Comme le déclarait monsieur Daniel Johnson ici même, à Toronto, en novembre 1967, à l’occasion
de la conférence sur la constitution de demain: « Nous en sommes pratiquement arrivés aujourd’hui où un bon nombre
de Canadiens d’expression française croit que, devant l’incompréhension persistante, il ne vaut même plus la peine
de faire état de leurs aspirations auprès des Canadiens de langue anglaise. Nous découvrons également que plusieurs
de ces derniers satisfaits du régime politique actuel sont d’avis qu’il ne faut pas céder aux exigences confuses
de ce qu’ils croient être une minorité d’extrémistes vociférateurs ».
Il est vrai qu’on s’est plu dans certains milieux à présenter le Québec comme une province arriérée et Ottawa comme le gouvernement le plus progressif qui soit. Et pourtant on peut se demander pourquoi le Québec a cette attitude face à la réforme constitutionnelle ? Ce n’est certes pas, comme on l’affirmait dernièrement, parce qu’on a méconnu le fédéralisme au Québec. Bien au contraire . Car c’est là qu’en 1867 s’est développée la constitution canadienne actuelle; c’est encore là qu’on en a le plus éprouvé les bienfaits et les méfaits.
Le Québec est différent des autres provinces, par sa langue, c’est vrai; mais ce n’est pas le seul point
de différenciation.
Aucune province n’est semblable à l’autre. Il n’y a point de similitude quant à la population, les ressources naturelles, le climat ou même la superficie.
Il est quand même des points communs à toutes les provinces, comme le faisait encore remarquer
monsieur Johnson. « Si l’on pense, par exemple, aux mesures destinées à combattre la pollution des eaux, à la construction
des routes, à certains arrangements financiers entre gouvernements, à la perception des taxes de ventes, il existe entre le Québec et les autres provinces, un dénominateur commun ».
En quoi le Québec est différent? Il y a, par contre, des différences réelles.
D’abord la langue. 83% de la population québécoise est francophone et plus de 76% de tous les francophones du
Canada vivent au Québec. Cette concentration des Francophones en un lieu géographique donné justifie le fait que le
Québec soit considéré comme porte-parole de la francophonie au Canada.
Si la langue est différente, la culture le sera aussi, car la langue est le principal véhicule de la pensée.
La culture québécoise est quelque chose de particulier: elle n’est ni anglaise ni française, bien qu’elle soit apparentée
par plusieurs points à cette dernière. Elle est foncièrement nord-américaine. La mentalité québécoise est,
elle aussi, différente de celle du reste du Canada. Cela explique pourquoi, entre autres, le système d’éducation québécois est différent de celui établi dans les neufs autres provinces.
Tout ceci, l’art, la culture, la mentalité, l’éducation, a des influences marquées sur la politique, la technique et l’économie.
Dans l’introduction générale du rapport de la Commission d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme,
on insiste sur ce point.
81. « Voyons enfin une autre dimension de l’égalité entre les deux communautés: la dimension politique.
C’est la faculté laissée à chacune de participer pleinement aux décisions politiques prises dans des
cadres partagés avec l’autre communauté ».
82. « L’aspect collectif de la notion d’égalité est encore plus évident ici. Il ne s’agit plus du développement culturel et de l’épanouissement des individus, mais du degré d’autodétermination dont dispose une société
par rapport à l’autre. On a alors en vue le pouvoir de décision, la liberté d’action de chacune,
non seulement dans sa vie culturelle, mais dans l’ensemble de sa vie collective. Il ne s’agit plus de
traits qui distinguent qualitativement les deux communautés, ni encore de leur situation économique
ou sociale respective, mais de la maîtrise plus ou moins complète de chacune sur le ou les gouvernements
qui la régissent. C’est ici que se situe la discussion du cadre constitutionnel dans lequel chacune des deux sociétés peut vivre ou aspirer à vivre: la formule unitaire ou la formule fédérative, un statut particulier pour une province dans laquelle
est concentré le groupe minoritaire, ou encore pour cette portion du territoire, le statut d’État associé
ou enfin d’État indépendant.
Le Québec n’est donc pas une province comme les autres. Puisqu’il doit non seulement survivre mais
encore vivre, il faut en tenir compte dans la refonte constitutionnelle. Sans la présence de Francophones, sans la
présence du Québec, rien ne distinguerait, ou presque, le Canada du reste de l’Amérique du Nord.
Un Québec fort
Ceux qui veulent que le Canada se développe intégralement, doivent donc respecter les aspirations du
Québec. Et pour que le Québec se développe normalement, il y aurait deux solutions possibles: une fausse et une vraie.
La première consisterait à s’en remettre complètement à Ottawa pieds et poings liés. Mais nous croyons que ce serait
dangereux de se désintéresser d’un gouvernement que l’on contrôle pour tenter d’en conquérir un autre où nous
ne présenterions toujours au maximum que le tiers des préoccupations. Le vieux proverbe a toujours raison:
« Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ». La seconde solution: avoir un Québec dynamique nous apparaît la meilleure et la plus réaliste.
C’est dans ce sens que l’honorable Turner déclarait le 27 janvier dernier: « Si j’étais Canadien français
vivant au Québec, j’insisterais sur le principe que le Québec doit être fort, disposant des ressources suffisantes pour
s’acquitter de ses responsabilités en vertu de la constitution, et jouissant d’assez de pouvoirs constitutionnels pour
mobiliser les forces de son identité, ce qui entraîne toujours un conflit d’intérêts entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ».
Quelle constitution veut le Québec?
On peut alors se demander ce que veut le Québec, quel genre de constitution il désire ? Nous ne sommes pas intéressés au rapiéçage de la constitution actuelle. S’il faut, dans une nouvelle constitution, sanctionner les empiétements du fédéral, nous ne sommes pas d’accord ! Nous croyons que c’est là établir à la base une exigence
inacceptable. La constitution d’un pays n’a pas seulement pour objet d’en établir les structures politiques et
la forme de gouvernement. Elle doit être construite à partir de certaines propositions fondamentales auxquelles puissent
adhérer spontanément les citoyens et les gouvernements eux-mêmes. Nous voulons donc dans la nouvelle
constitution chercher à atteindre quatre buts: définir clairement les principes devant guider la
vie politique canadienne; établir un nouveau partage de pouvoirs et des ressources qui permette l’épanouissement de la nation canadienne-française et la libre évolution du Canada anglais; institutionnaliser ou instaurer certains mécanismes
intergouvernementaux de consultation, de coordination et d’action; modifier le fonctionnement de certaines structures
et institutions canadiennes actuelles, en moderniser d’autres, en créer de nouvelles, de façon à ce que
dans l’ensemble elles puissent refléter la réalité bi-nationale du Canada.
Un travail sérieux a déjà été fait sur le contenu de la nouvelle constitution. En juillet 1968, le gouvernement du Québec présentait à la conférence fédérale-provinciale un document de travail condensant sa pensée sur le sujet.
L’éducation
Dans cette constitution de demain, les juridictions doivent être très précises.
L’éducation sous toutes ses formes, à tous les niveaux, et par tous les moyens, doit relever exclusivement
des provinces. En partant d’une distinction parfois un peu spécieuse entre culture et éducation, le gouvernement
central a eu tendance, depuis quelques années, à grignoter le secteur de l’éducation en commençant par le niveau le plus élevé. Ce furent les universités et le secteur technique; tranquillement, ce sera le niveau collégial, de sorte, à ce rythme, que les provinces n’auraient plus dans quelques années que le secteur élémentaire. L’éducation des adultes, d’après le fédéral, devrait relever surtout de ses soins, la culture populaire aussi. Ce qui signifie que l’éducation, en somme, ne relèverait plus des provinces.
Mais, dans la nouvelle constitution, il faut que ce soit différent. Le Québec veut avoir le contrôle exclusif
de son éducation à tous les niveaux. Il ne doit y avoir aucun doute que l’université, l’éducation des adultes, la
télévision scolaire ne sont que des secteurs particuliers du domaine général de l’éducation. On a vu dernièrement
le gouvernement fédéral retirer in extremis un projet de loi concernant la télévision scolaire. Nous avions alors
affirmé que le projet fédéral était un empiétement grave dans la juridiction des provinces.
Sécurité sociale
Actuellement, un des points d’accrochage majeur entre les gouvernements des provinces et le gouvernement
central, c’est tout le secteur de la sécurité sociale. Dans une nouvelle constitution, il faudrait que la
sécurité sociale, y compris toutes les allocations sociales, les pensions de vieillesse, les allocations familiales, la
santé, les hôpitaux, le placement et la formation de la main-d’œuvre, soient du ressort exclusif des États. Le fait qu’aujourd’hui les deux secteurs de gouvernements s’occupent de sécurité sociale empêche une planification
administrative efficace. Cela permet aussi la contradiction entre les divers programmes et mène immanquablement
à un double emploi administratif, causant ainsi un important gaspillage de deniers publics qui est grave. contrôler
la sécurité sociale c’est contrôler en quelque sorte la vitalité de la nation, en tant que société, parce que, comme
l’affirmait en 1956 une commission québécoise sur les problèmes constitutionnels, la Commission Tremblay:
Si la province de Québec veut remplir efficacement sa mission constitutionnelle de gardienne de
la culture canadienne-française, elle ne peut se dispenser de concevoir et d’organiser sa vie sociale, conformément aux exigences permanentes de cette culture. Il lui faut donc à tout prix préserver
sa juridiction constitutionnelle en la matière et essayer de reprendre seule l’initiative des mesures
dont, bousculée par les événements, elle a accepté en ces dernières années de partager la régie avec
le gouvernement fédéral ». Ce texte date déjà de 14 ans, mais il n’en garde pas moins toute sa brûlante actualité.
Le surplus budgétaire d’Ottawa
Le gouvernement fédéral actuel, s’appuyant sur le fait qu’il jouit d’un surplus budgétaire, veut en profiter pour occuper tout le secteur social, entre autres celui de l’assurance-santé. Ottawa perçoit trop d’argent, d’accord; mais, par contre, les provinces ont les pouvoirs et les responsabilités. On peut se demander: est-ce qu’il faut donner les droits et les pouvoirs à ceux qui perçoivent de l’argent ou l’argent ne doit-il pas être perçu par ceux qui ont des responsabilités accrues ?
Le partage des pouvoirs semble vouloir se faire aujourd’hui à partir de la faculté qu’a un secteur de
gouvernement de financer un projet. Tout récemment encore, dans ce qu’on appelle maintenant l’affaire de Niamey, c’est-
à-dire à l’occasion de l’affrontement Québec-Ottawa au sujet de la fondation de l’Agence de développement culturel
et technique des pays francophones, un porte-parole du gouvernement fédéral a laissé entendre qu’il a prépondérance
sur le Québec dans les domaines qui sont du ressort quasi exclusif de la province, en affirmant qu’il serait le seul
à pouvoir vraiment verser substantiellement les argents nécessaires pour que l’agence prenne forme, car le Québec,
a-t-on dit, est dans une situation financière précaire.
En partant de ce principe que celui qui a de l’argent doit occuper les champs de ceux qui n’en ont pas,
à cette brève échéance, tout le secteur de l’éducation, tout le secteur de la sécurité sociale passera nécessairement
entre les mains d’Ottawa, qui, on l’a vu lors de la dernière conférence des ministres des Finances, n’a pas voulu
redistribuer aux provinces son surplus budgétaire. Comme le disait le Premier Ministre actuel du Québec, monsieur
Jean-Jacques Bertrand, lors de la conférence constitutionnelle d’Ottawa en février 1969, le manque de responsabilités
dans ce qui concerne le partage des impôts autant que l’intrusion du gouvernement fédéral dans les domaines de
compétence provinciale et en particulier celui de la santé, conduit directement, nous le croyons, à la ruine du régime
fédéral ».
Québec désire que, dans la nouvelle constitution, il soit clairement indiqué que l’urbanisme, le développement
urbain, l’habitation, l’organisation municipale, la récréation, les loisirs et les sports, soient de la juridiction exclusive des États.
S’il n’y a pas une nouvelle répartition des juridictions, le gouvernement des provinces ne sera plus
bientôt qu’un simple gouvernement municipal et le pouvoir central deviendra l’unique dirigeant du Canada. Alors à ce
moment-là, le Québec considérera qu’il n’aura plus les moyens nécessaires de protéger son identité propre et
qu’il devra les prendre à son propre chef.
Les pouvoirs que réclament le Québec, d’autres provinces peuvent ainsi les revendiquer de sorte que
l’attitude québécoise ne conduit pas, en principe, au statut particulier. Mais ceci ne signifie pas que les provinces
autres que le Québec soient obligées nécessairement d’utiliser ces droits. Au moyen d’accords à la suite de négociations, les différentes provinces pourraient remettre au pouvoir central l’administration de secteurs qu’elles ne désirent
pas administrer elles-mêmes. Ceci permettrait une plus grande souplesse à l’intérieur de la constitution et
cela éviterait en quelque sorte une lutte continuelle entre les provinces et le pouvoir central. Une telle répartition
des champs d’action est beaucoup plus claire que ce qui existe actuellement.
Compétence conjointe
La constitution actuelle stipule que l’agriculture et l’immigration sont matières de compétence conjointe.
Le Québec est d’accord pour qu’il continue à en être ainsi dans une nouvelle constitution. Par contre, la radio et la télédiffusion sont actuellement, par suite d’une décision des tribunaux, du ressort exclusif du fédéral et cette
situation est inacceptable au Québec. La radio et la télévision ont une influence énorme sur la culture. Le Québec
ne peut pas être tenu à l’écart dans ce domaine, car autrement, ce qu’il veut protéger, il ne pourrait le faire adéquatement.
Il lui manquerait alors un des outils les plus importants.
Relations internationales
Le Québec, plus peut-être que d’autres provinces, et pour des raisons qui tiennent à son identité propre,
veut posséder sur le plan international l’extension des droits dont il a la jouissance exclusive à l’intérieur de ses
frontières, Il veut avoir le droit de signer lui-même avec les gouvernements étrangers des ententes sur des matières
relevant de sa compétence interne, et ceci afin de sauvegarder les droits qu’il possède. Ainsi, en matière d’éducation
qui est du domaine exclusif des États, il ne peut s’en remettre purement et simplement au pouvoir central pour le
représenter à l’étranger à des conférences qui portent sur ces matières, car alors, les décisions qui seraient prises,
même s’il participe en tant que délégué, peuvent impliquer des changements importants à l’intérieur de ses frontières.
De sorte que, s’il ne peut exprimer lui-même ses idées, ses conceptions, s’il ne peut participer au vote sur des questions qui le concernent, il n’a plus alors juridiction exclusive dans le domaine précité. Si le Québec revendique
ce droit aux relations internationales, c’est tout simplement qu’il le considère juste, nécessaire et normal. Le Québec
d’aujourd’hui veut être ouvert au Canada et veut être ouvert au monde entier. On ne peut plus l’accuser de se replier
sur lui-même.
Lés sources de revenus
Un Québec ne peut exister sans des ressources financières adéquates. La distinction que l’on a fait et
que l’on fait encore entre le champ de la taxation directe et celui de la taxation indirecte est devenue très mince.
La nouvelle constitution doit prévoir que les deux secteurs de gouvernements doivent avoir accès à toutes les sources
de revenus fiscaux. Ce point est peut-être un des plus importants, mais il faut s’entendre au plus t™t sur une nouvelle
répartition des champs d’imposition. Autrement, les États, pour éviter les déficits, devront nécessairement augmenter
les impôts sans pour autant équilibrer leur budget.
A monsieur Trudeau qui affirmait, il y a une dizaine de jours, voulant ainsi justifier probablement la
bonne administration du gouvernement fédéral qu’entre 1954 et 1964 les dépenses du fédéral ont augmentées de 56%
alors que celles des gouvernements provinciaux y compris celles des municipalités se sont accrues de 204%, le député
de York Sud, monsieur David Lewis a répondu : « Si la hausse des dépenses fédérales est relativement plus faible, ce
n’est pas à cause de la sage administration du gouvernement fédéral. L’escalade des dépenses provinciales, précise-
t-il, tient au fait que la constitution charge les provinces de l’éducation, de la construction routière, des services
de santé, de bien-être et des problèmes inhérents à la société technologique contemporaine ». Et il affirmait un peu
plus loin: « C’est la constitution actuelle qui en est la cause ». Pour expliquer cette situation, il est trop facile d’accuser
les provinces d’incurie, il est trop facile de leur dire « taxez plus; augmentez les impôts ». Il est trop facile pour
le gouvernement fédéral d’aller offrir directement aux municipalités et à certains organismes de l’argent sous prétexte qu’il est riche. Il lui est trop facile d’accuser les gouvernements provinciaux de ne pas vouloir remplir leurs obligations.
Les champs d’imposition
Les provinces ont de la difficulté à emprunter, mais le gouvernement central n’est pas dans la même
position, car il est en relation directe avec la banque centrale. Pour régler le problème financier des provinces, il
faut donc de toute urgence élaborer une nouvelle répartition des champs d’imposition. Le gouvernement fédéral doit,
peut-être , avoir l’exclusivité quant aux revenus de la douane; par contre, les provinces, elles, doivent posséder en exclusivité les impôts fonciers et les droits successoraux. Quant au droit de dépenser, il faudrait que le gouvernement central
ne puisse s’en servir que dans les matières de sa compétence. Il pourrait verser aux provinces des subventions
inconditionnelles, en référant à la péréquation en vue de la stabilisation des revenus des États.
Ceci n’indique pas que le gouvernement central doive se désintéresser de la croissance économique,
au contraire. Car ce secteur de gouvernement a une responsabilité importante dans la croissance économique équilibrée
du Canada dans son ensemble, la réalisation d’une certaine égalité économique entre les provinces et la répartition
globale de richesse entre celles-ci au moyen de la péréquation. Quant aux provinces, elles devraient être les premières responsables de la croissance économique équilibrée des diverses régions qui composent leur territoire, de la réalisation du plus grand degré possible d’égalité économique de ces régions les unes par rapport aux autres
et de la répartition entre les citoyens de leur territoire, des richesses et des services collectifs notamment grâce à
la sécurité sociale, à l’éducation accessible à tous et à la diffusion de la culture.
Depuis une dizaine d’années il est de plus en plus question de réforme constitutionnelle. Nous en sommes
rendus maintenant à une époque où il faut que cette réforme se fasse. On ne peut plus continuer à taillader dans la constitution actuelle, à l’interpréter à toutes les sauces, à créer des précédents dangereux surtout pour les provinces.
<Masse19700223>
<EXTRAIT D’UN EXPOSÉ PRONONCE PAR MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE
L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC DEVANT LES MEMBRES DE LA
CHAMBRE DE COMMERCE DE SAINT-DONAT LE 23 FEVRIER 1970>
On se plaît souvent – trop souvent – à traiter des organismes gouvernementaux dans une perspective
purement institutionnelle. Ainsi, à l’égard de l’Office de planification et de développement du Québec, que je dirige,
on parlera volontiers de sa structure, de ses relations avec les ministères, des mécanismes qu’il se donne ou
peut se donner pour coordonner les activités du gouvernement et même des particularités de sa loi constituante.
Pourtant, on devrait d’abord et avant tout relier la création de cet organisme à un effort pour combler un déficit
d’emplois qui, sans intervention gouvernementale, risque d’être important au Québec au cours de la décennie que nous entamons.
Le prochain budget de l’Office de planification témoignera d’ailleurs sans doute de cette préoccupation
constante du gouvernement d’assurer, par un niveau d’emplois satisfaisant, un standard de vie à la mesure des
aspirations légitimes des Québécois. Ce budget permettra, en effet, de constater que, malgré une période d’austérité
inévitable, d’une part, et malgré la date récente de la mise en place de cet organisme, d’autre part, l’Office
n’a ménagé aucun effort pour accroître le niveau des investissements productifs du gouvernement québécois.
En ce sens, tirant partie tant des ressources financières et techniques des ministères québécois que des ententes fédérales-provinciales à frais partagés, l’Office présente un programme d’actions qui, toujours sous l’angle
de l’objectif de création d’emplois, couvre un éventail fort impressionnant de projets de développement économique.
Ce programme est axé sur deux séries d’entreprises largement complémentaires l’une de l’autre: les actions de
relèvement et de consolidation économiques dans les régions dites défavorisées, comme le Bas Saint-Laurent, la Gaspésie, le Saguenay – Lac St-Jean et l’Abitibi, d’une part, et les actions visant à la création de pôles de croissance
économique, d’autre part. Nous serons bientôt en mesure de rendre public les principaux éléments de ce programme
de création de pôles de croissance économique. Nous désignerons des zones et dévoilerons les projets que nous
entendons y réaliser pour en faire, après la zone de Montréal, des zones d’expansion industrielle et économique,
capables d’absorber les surplus de main-d’œuvre dont disposent certaines régions du Québec.
La bonne marche de ces projets absorbera une large part des énergies de l’O. P. D. Q. au cours de l’année
qui vient. Mais cela n’est pas suffisant. L’Office doit également prendre les mesures nécessaires pour que
le Québec tire un profit maximum de l’implantation d’un nouvel aéroport international dans la région de Montréal.
Il doit, comptant sur des effets de moyen terme extrêmement prometteurs, miser sur le développement du complexe scientifique, Il doit enfin tenter d’accélérer le processus de développement des ressources inestimables du
Nord du Québec, dont on n’a peut-être pas assez fait état au cours des récentes années. En période de transformation
ou de mutation économique, le Québec a sans aucun doute besoin de ce dernier apport pour maintenir une stabilité
souhaitable de son rythme de croissance.
L’ensemble de ces préoccupations témoigne d’un souci réel de faire de l’Office un outil de développement
économique et de création d’emplois.
Cela peut sembler éloigné de la théorie de la planification. Mais cette voie d’approche colle aux besoins
réels du Québec. Elle permet en outre, grâce à la complexité des questions traitées et à rapport de travaux de recherche, de prévision et de coordination administrative qu’elle déclenche, une élaboration graduelle du cadre de référence sociologique et économique nécessaire à toute entreprise permanente de planification.
<Masse19700224>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE LORS DE LA VISITE DE MONSIEUR ALAIN PEYREFITTE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE AU CAFÉ DU PARLEMENT LE 24 FEVRIER 1970>
Je ne saurais exprimer toute la joie qu’éprouvent les Québécois à vous accueillir. Président de la
Commission des Affaires culturelles à l’Assemblée nationale française, président d’honneur de l’Association nationale
France-Québec, vous demeurez pour nous un animateur efficace de la coopération franco-québécoise, à laquelle
les décisions que vous avez concertées avec le regretté Daniel Johnson, en septembre 1967, ont donné une impulsion
dont nous ressentons toujours les effets.
A nos yeux, la coopération franco-québécoise est plus qu’un moyen d’organiser des échanges avec une
grande nation dont les réalisations dans le domaine des sciences, des techniques, des arts et des lettres ont fait et continuent de faire l’admiration du monde. Sans doute est-elle aussi cela, et c’est pourquoi nous veillons de part
et d’autre à ce qu’elle nous soit mutuellement avantageuse. Mais pour qu’elle produise les résultats concrets dont nous
pouvions, à juste titre, escompter la progression méthodique, nous l’avons définie, nous l’avons structurée et nous
avons mis en place des mécanismes qui fonctionnent avec la plus grande régularité.
Nous disposons maintenant, avec la Commission permanente et les organismes qui en relèvent ou qui y
sont associés, d’un ensemble de moyens d’action commune dont le rendement se révèle de plus en plus important.
Ce n’est pas par hasard que le rapprochement qui s’accentue depuis une décennie entre le Québec et la France se soit effectué et continue à se développer sous le signe de la coopération.
D’une part, les Québécois prennent de plus en plus conscience qu’ils constituent une nation. Ils ont un territoire
et des ressources humaines, ils ont une conscience collective et un gouvernement, des objectifs communs et une
culture: en un mot, ils ont une patrie et un État. D’autre part, cette nation n’est ni grande ni puissante et, même si
elle représente la plus nombreuse communauté d’origine française hors de France, elle ne dispose que de moyens proportionnés à ses dimensions.
C’est dire qu’elle a besoin d’appuis. Sans doute peut-on observer que toutes les communautés nationales
éprouvent la nécessité de ne pas se laisser isoler. Elles prennent aussi le plus grand soin d’établir des rapports privilégiés
avec les nations auxquelles elles sont déjà liées par l’histoire et auprès desquelles elles recherchent un complément
de sécurité, de développement matériel ou de richesse culturelle. Dans cette perspective, la formule de la coopération,
entre nos deux nations, est la plus valable car elle nous met à même de concerter des échanges qui soient mutuellement
avantageux.
Notre coopération est véritablement efficace dans le domaine de l’éducation: trois ou quatre chiffres permettent, sans entrer dans les détails, de le prouver: je pense, par exemple, au millier de professeurs d’université
qui ont effectué des séjours d’étude, d’enseignement ou de recherches dans nos deux pays depuis 1964; je pense aux
stages pédagogiques qui se sont chiffrés par cent en cinq ans; je pense aux coopérants au titre du service national,
dont le nombre se stabilise à quatre cents par année; je pense à l’échange des jeunes maîtres, opération qui se situe
ici dans le cadre d’une politique linguistique; je pense enfin à la reconnaissance des diplômes que nous sommes
parvenus à établir.
Dans le domaine des échanges culturels, on a vu nos écrivains et nos artistes non plus seulement aller
en France pour parfaire leur formation, mais s’y rendre pour exposer leurs œuvres, lancer leurs livres et participer
à des colloques. Un centre de diffusion du livre canadien-français existe maintenant dans une grande librairie de Paris,
qui a des correspondants dans toute la France. Vous aviez prévu avec Daniel Johnson, en 1967, que les deux Gouvernements prendraient « les dispositions nécessaires au dépôt légal réciproque des livres à leurs bibliothèques nationales »; c’est maintenant chose faite.
En ce qui concerne la coopération technique, vous aviez encore prévu, avec le Premier Ministre Daniel
Johnson, que des études seraient « menées conjointement dans des spécialités choisies en commun, notamment dans les domaines suivants: hydrologie, énergie électrique, énergie nucléaire, agronomie, études polaires, grand
nord québécois, pêcheries, sciences forestières, géophysique, électronique et informatique ». Ces études ont été
entreprises et d’autres encore, en matière de télécommunications, par exemple, de techniques commerciales, de
méthodes bancaires, de recherches pétrolières, de procédés aérothermodynamiques, et j’en passe. En 1969, la
coopération technique a déterminé, entre le Québec et la France, l’échange de 681 personnes, non compris 169 coopérants
au titre du service national, soit 370 dans le sens Québec-France et 311 dans le sens France-Québec. Ces chiffres marquent, pour 1969, un progrès de 35% sur ceux de 1968, qui eux-mêmes représentaient une augmentation
de 165% sur 1967. Or ces échanges, en plus de préparer un courant d’investissements au Québec, donnent lieu à des
améliorations dans les techniques de fabrication ou de commerce, occasionnent des commandes et favorisent des investissements qui, bien que relativement faibles encore, sont sûrement destinés à se développer: un courant comme
celui auquel nous pensons ne s’accélère qu’avec le temps, mais nous sommes, de part et d’autre, déterminés à le
favoriser de toutes nos forces.
Nous avons ensemble, monsieur le Président, passé en revue les 28 articles du procès-verbal des décisions
arrêtées le 14 septembre 1967 entre vous-même, représentant le Gouvernement français, d’une part, et d’autre part, le Premier Ministre Daniel Johnson, monsieur Jean-Jacques Bertrand, alors vice-président du Conseil,
monsieur Jean-Noël Tremblay et moi-même, représentant le Gouvernement québécois. Nous avons constaté
que, de ces 28 articles, vingt ont été l’objet d’une réalisation complète et que tous les autres, sauf trois, ont été
partiellement mis en œuvre. Trente mois se sont écoulés depuis que nous avons mis au point ce programme d’action.
L’action n’a pas manqué. Elle s’intensifiera encore.
Les Québécois ont entrepris de construire en Amérique du Nord une société qui allie le progrès technique
et humain de l’époque moderne à leurs traits culturels français. C’est dans cette perspective que nous envisageons
la coopération entre nos deux États, c’est ce qui lui donne tout son sens et toute sa dimension. En livrant son combat,
le Québec livre celui de tous les francophones. Un Québec en progrès, moderne et fort est essentiel à l’épanouissement
de la civilisation et du génie français dans le monde.
Monsieur le Président, vous avez fourni un concours décisif au développement de la coopération franco-
québécoise et vous continuez à la faire bénéficier de votre lucidité, de votre dynamisme, de votre action et de votre
sens aigu de sa nécessité. Vous dire le prix que nous attachons à l’œuvre commune entreprise par le Québec et la
France, c’est vous exprimer notre appréciation.
<Masse19700227>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC RPONONCÉE LORS DU DÎNER ANNUEL DES GOUVERNEURS DE LA JEUNE CHAMBRE DU DISTRICT DE MONTRÉAL LE 27 FÉVRIER 1970>
Au-delà de l’intérêt que représente pour moi la participation au dîner annuel des gouverneurs d’un organisme
comme le vôtre dont la mission touche de si près à l’orientation du développement, j’ai accepté votre invitation
pour deux raisons bien précises.
La première est de vous entretenir d’un projet auquel nous attachons de part et d’autre une grande importance:
le concours qui prolongerait celui que vous avez institué l’an dernier sur le thème de la planification.
La seconde est de poursuivre avec l’un des principaux organismes qui visent à sensibiliser les jeunes aux exigences du développement économique, le dialogue que j’ai amorcé l’automne dernier avec d’autres groupes sur la façon d’encadrer la participation du milieu à la planification de ce développement.
A – Concours Québec An 2000
Sur le premier point, je m’empresse d’abord de féliciter les initiateurs du concours de l’an dernier et
ceux qui ont assuré sa réalisation, que ce soit par leur contribution à son financement ou par leur participation à sa
mise en œuvre.
Je veux également souligner la qualité des ouvrages primés. Si j’en juge par l’un d’entre eux qui est
parvenu à l’Office de planification et de développement, cette qualité est incontestable et voici dans quelles circonstances un peu particulières nous avons pu nous en rendre compte. Votre secrétaire ayant informé le président de
l’Office qu’un des lauréats avait précisément choisi pour sujet les orientations que devrait prendre le développement
de la région de Québec, nous lui avons demandé de nous remettre un exemplaire de son texte.
Vous serez peut-être aussi agréablement surpris d’apprendre que nous-mêmes l’avons été de découvrir
que ce travail, d’une envergure fort respectable, contenait des analyses et des suggestions qui coïncidaient de
façon étonnante avec plusieurs des conclusions auxquelles nous en étions nous-mêmes arrivés dans nos travaux de programmation pour la zone de Québec.
N’est-ce point là la preuve que si nous faisons appel à la motivation profonde, à l’intérêt véritable
des jeunes, les œuvres qu’ils produisent peuvent atteindre à un niveau de qualité auquel les procédés ordinaires de
l’enseignement ne nous ont pas encore habitués. Devant de telles constatations, vous comprendrez facilement que nous
ayons d’emblée réagi favorablement à la démarche de votre secrétaire auprès du président de l’Office, l’automne dernier.
Cette démarche a été pour nous, comme pour vous, je l’espère, le point de départ d’une réflexion qui nous permettra de donner au prochain concours toutes ses dimensions.
Je suis heureux de vous l’annoncer dès maintenant; nous donnerons suite à la demande de collaboration qui nous a été formulée par votre secrétaire au nom de votre exécutif.
En ce qui nous concerne, la décision est prise, l’Office de planification et de développement sera l’un des partenaires de cette entreprise dont il faut assurer la permanence.
Et c’est précisément à titre de ministre responsable de l’Office que je me permets de vous communiquer
les réflexions auxquelles nous a menés un examen attentif du projet.
Un thème prospectif: Québec An 2000
Le premier concours portait sur la planification elle-même, Il invitait donc les participants à s’interroger
sur l’instrument et sur la méthode susceptibles d’orienter le développement du Québec.
La notion de prospective se trouvait déjà implicitement suggérée par ce premier thème.
Le thème du prochain concours devrait, nous semble-t-il, conserver la même orientation de base, mais
en la prolongeant, au-delà des instruments et de la méthode, jusqu’aux contenus des anticipations qu’on peut avoir de
l’avenir du Québec.
Dans cette perspective, le thème du concours 1970 pourrait porter sur le Québec dé l’an 2000.
Les jeunes auxquels le concours s’adressera seraient ainsi appelés a définir le contour de l’image du Québec qu’ils auront eux-mêmes constitué.
Une prospérité centrée sur l’orientation personnelle des participants
Quelle valeur un thème de ce genre peut-il avoir pour des jeunes de vingt ans ?
Comment peut-on, à cet âge, se représenter une société, même la sienne, autrement que de façon très
globale et très abstraite ?
Est-il réaliste d’espérer qu’un jeune de vingt ans pourra donner un contenu réel à un futur aussi lointain
sans déboucher sur la science fiction ?
De telles questions et combien d’autres du même genre que le thème proposé évoque spontanément,
montrent bien les impasses auxquelles il peut conduire.
Il faut donc de toute nécessité trouver le moyen de l’associer aux préoccupations personnelles des
concurrents, à leurs motivations individuelles.
Les jeunes qui bâtiront le Québec au cours des trente prochaines années contribueront à son édification
d’abord et avant tout par le métier qu’ils exerceront, la carrière qu’ils embrasseront.
Voilà, croyons-nous, les deux termes qu’il faut joindre et associer: les projets d’orientation ou les
orientations déjà prises des participants et le Québec de l’an 2000.
Que le futur médecin choisisse comme sujet la médecine au Québec en l’an 2000 ou quelque secteur connexe. Que le futur ingénieur en électricité tente d’imaginer ce que sera le Québec de l’an 2000 en matière de ressources
hydroélectriques, ou tout simplement d’énergie dans son sens large. Que l’artiste, le musicien, l’écrivain
essaie de définir le rôle de sa discipline dans la société de l’an 2000 .
Telle pourrait être la voie d’une réconciliation entre une approche réellement prospective et une approche
incarnée et motivée par l’option personnelle de chacun des candidats.
Concours ouvert à tous les jeunes de 18 à 25 ans
Le Québec de l’an 2000 sera-t-il l’œuvre exclusive de l’élite des jeunes, si je puis m’exprimer ainsi, des jeunes les plus scolarisés, de ceux qui sortiront des Collèges et des universités ?
L’idée de concours est à ce point liée dans notre esprit à celle d’examens et d’enseignements qu’on ne pense à prime abord qu’aux étudiants comme participants éventuels.
Doit-il en être ainsi lorsque le thème choisi réfère à l’ensemble de la société, à tous ces partenaires et à tous ces artisans.
Sans doute notre concours devrait-il atteindre des étudiants des CEGEP et des universités.
Mais pourquoi ne pas y convier également la jeunesse ouvrière, la jeunesse agricole, déjà engagées
dans la vie active ?
Pourquoi ne sera-t-il pas ouvert à tous les jeunes de 18 à 25 ans ?
Le problème technique d’une certaine inégalité des chances au départ entre des concurrents d’origines
aussi diverses pourra facilement être résolu en constituant des catégories appropriées pour l’attribution des prix.
Le concours 1970 : une entrepris coopérative
J’en viens maintenant à une question qui nous concerne plus directement, vous et nous, à titre d’organisateurs du concours. Quels devraient être les partenaires d’une entreprise dont les dimensions seraient celles que je viens de décrire ? Pour l’instant, nous sommes deux à être clairement identifiés: la Jeune Chambre de Commerce
du district de Montréal et l’Office de planification et de développement.
Je me demande s’il n’y aurait pas lieu d’élargir le cercle des partenaires. De toute évidence, le ministère
de l’Éducation est directement intéressé à une démarche de ce genre. Des mouvements de jeunes qui encadrent
divers groupes, la jeunesse ouvrière par exemple, ou la jeunesse agricole, seraient probablement intéressés
à se joindre à l’équipe. J’imagine par ailleurs que la Jeune Chambre du district de Montréal pourrait aisément mobiliser les autres jeunes chambres du Québec. Je n’exclus pas non plus que le ministère du Travail et de la Main-
d’œuvre soit lui aussi motivé à cet égard.
C’est dans cette perspective que nous pourrions constituer une sorte de Comité d’orientation du concours
Québec An 2000 où nous viserions à grouper des représentants des principaux organismes qui œuvreront auprès
des jeunes.
Les suites à donner au concours
Dans une toute autre perspective, celle des suites à donner au concours, nous pourrions même solliciter
l’appui de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.
La façon habituelle de concevoir la sanction d’un concours se limite à l’attribution de prix. À cet égard,
des démarches déjà entreprises auprès de la direction de l’Office franco-québécois pour la jeunesse me permettent
de croire que celui-ci serait disposé à organiser un certain nombre de stages en France pour les lauréats du concours.
Cette participation de l’Office franco-québécois pour la jeunesse nous fait déboucher sur une manière de donner
suite au concours d’une façon plus authentique encore que la simple attribution d’un prix.
Le seul fait de grouper dans un stage en France des lauréats qui selon les conditions mêmes du concours que
j’ai décrites tantôt, seraient de disciplines ou d’orientations diverses, consisterait pour chacun d’eux une expérience
particulièrement enrichissante, où la confrontation de leur point de vue « sectoriel » les forcerait à se « décloisonner »
en quelque sorte et à percevoir leur solidarité et leur complémentarité dans l’œuvre commune de bâtir le Québec de
demain.
Nous pourrions même aller plus loin. Cette confrontation possible dans le cadre de l’Office franco-québécois
pour la jeunesse, pourquoi ne lui donnerions-nous pas un prolongement interne au Québec ? Pourquoi ne prendrions-
nous pas les moyens pour que les lauréats du concours poursuivent en commun leurs réflexions dans des rencontres
ou des séminaires organisés à leur intention ?
Il y aurait là sûrement un investissement extrêmement rentable puisque, je le souligne, il s’agit là
de jeunes qui ont à la fois le talent et la motivation pour construire le Québec de demain.
Ce concours que nous organiserons ensemble, j’y attache personnellement une importance considérable
pour plusieurs raisons.
Aux jeunes eux-mêmes d’abord, qui cherchent manifestement leur voie dans un monde en pleine transformation,
il offrira l’occasion de tourner leurs réflexions vers l’avenir, leur propre avenir, plutôt que de l’employer exclusivement
à la mise en cause et à la contestation du passé ou du présent.
Pour l’Office de planification ensuite, ce concours sera l’occasion d’associer la jeunesse à ces travaux et
à ces recherches.
Pour un groupe comme le vôtre enfin, j’espère qu’il sera l’illustration d’une attitude fondamentale de l’Office,
celle d’une participation active des organismes qui encadrent le milieu à la concertation nécessaire de tous les efforts de
planification de notre développement.
Pour être fructueuse, une telle concertation doit cependant être structurée et aménagée de façon adéquate
non seulement à l’échelon provincial dans le cadre du Conseil de planification et de développement qui sera mis en place à
brève échéance, mais aussi à l’échelon régional dans le cadre des conseils régionaux de développement.
B – Politique à l’égard des C. R. D.
L’exposé que j’ai fait en décembre de la politique de l’Office de planification et de développement à
l’égard des conseils régionaux de développement a soulevé, dans certains milieux et dans certaines régions, des inquiétudes
qui m’apparaissent démesurées.
Pour l’essentiel on pourrait résumer cette politique aux grandes caractéristiques suivantes. L’Office
encouragera la création de conseils régionaux de développement qui, à l’exception de la vaste région de Montréal, couvriront les territoires des régions administratives. L’Office s’assurera que ces conseils soient représentatifs des
divers centres d’intérêts et de décisions des régions concernées. L’Office, enfin, considérera ces conseils régionaux
de développement comme des interlocuteurs privilégiés en matière de planification régionale. Pour concrétiser cette
politique, l’Office de planification et de développement reconnaîtra les conseils régionaux de développement qui répondront
à ces exigences, leur fournira une certaine assistance technique et une assistance financière.
Les critiques qui nous ont été formulées à la suite de l’annonce de cette politique font principalement
état de l’exclusivité que l’Office accorde à ces organismes régionaux, de l’unité territoriale élargie que l’on veut imposer
comme cadre d’action, du manque de représentativité des conseils régionaux et de la situation de concurrence
que ces derniers introduisent dans le domaine des organisations socio-économiques.
Il est vrai que l’O. P.D. Q., en s’en tenant à la politique énoncée à l’égard des C. R.D., leur accorde un
certain statut privilégié. Ce statut ne leur est cependant accordé qu’en matière de planification. Les conseils régionaux
ne sont pas considérés comme des interlocuteurs gouvernementaux, mais bien comme des interlocuteurs auprès
d’un organisme qui, au sein du gouvernement du Québec, a des préoccupations de planification économique et sociale.
En ce sens, l’Office n’a pas beaucoup d’alternatives. Il pourrait donner l’illusion d’un dialogue occasionnel avec
toute une kyrielle de groupes locaux, zonaux, sous-régionaux, régionaux et provinciaux. Un tel dialogue pourrait vite devenir un dialogue de sourds où chacun des partenaires poursuivrait la logique qui lui est propre. Par contre, la création
et la reconnaissance d’un interlocuteur régional représentatif forcent les dirigeants régionaux à aborder les questions
de développement économique et social sous l’angle même où l’on peut provoquer un dialogue fructueux entre
un organisme comme l’O.P.D.Q. et les centres d’intérêts régionaux.
En ce qui a trait à la dimension territoriale que l’Office de planification favorise en vertu de sa nouvelle
politique, il nous apparaît inévitable, toujours dans une perspective de planification, de faire le choix que nous proposons. Les régions choisies peuvent, en effet, constituer des niveaux valables d’analyse de la situation socio-économique
et des niveaux valables d’organisation d’une action gouvernementale plus cohérente. Une telle option ne nie
pas, au contraire, l’existence d’autres niveaux d’interventions et d’actions, mais favorise un mode d’organisation
plus compatible avec certaines des exigences de la planification.
Quant à la représentativité des actuels C.E.R. comme celle des futurs C.R.D., elle est, sous
réserve de l’application de certaines règles et normes de représentativité, le résultat des choix que font les organismes des milieux concernés d’accorder une plus ou moins grande importance à la planification du développement
social et économique et, en conséquence, aux mécanismes qui s’y intéressent. On peut donc en quelque sorte relancer
la balle à ceux qui mettent en doute cette représentativité.
Enfin, il est sans doute indéniable que le fait de favoriser des conseils régionaux de développement
introduit une certaine concurrence en matière de recrutement des dirigeants et des membres des associations de
même qu’en matière de financement des divers organismes agissant dans une région donnée. Mais je ne crois pas que
le Québec soit à ce point dépourvu, tant en ressources financières qu’en ressources humaines, qu’il ne puisse se permettre de mobiliser quelques-uns des meilleurs éléments de sa population pour les amener à se préoccuper de la planification du développement.
En fait, dans les critiques formulées à l’égard de cette politique de l’Office de planification, on ignore
trop souvent que le mouvement des C. E. R. est en très grande partie un mouvement spontané. En ce sens, les conseils
régionaux s’inscrivent dans l’évolution normale du Québec comme des organismes voulus par une certaine partie de
la population comme mécanismes nécessaires au progrès du Québec. Le défi que posent de tels organismes aux groupements plus anciens, plus ancrés, est celui de la révision et de l’ajustement des rôles pour tenir compte de transformations sociales et économiques inévitables.
D’ailleurs, organismes nouveaux ayant des tâches encore imprécises et un rôle non encore défini dans
toutes ses dimensions, les conseils régionaux de développement
ont à faire la preuve de leur utilité véritable. Qu’ils soient contestés, tant mieux Une existence trop paisible
leur éviterait sans doute d’avoir à faire cette preuve et les inviterait fatalement à sombrer dans la médiocrité.
<Masse19700303>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
DEVANT LES MEMBRES DE LA JEUNE CHAMBRE DE DRUMMONDVILLE SUR LE QUÉBEC FACE À L’INFLATION ET AU CHÔMAGE LE 3 MARS 1970>
Je veux d’abord remercier les organisateurs de cette rencontre et les assurer que j’éprouve beaucoup
de plaisir à me retrouver à Drummondville, invité par la Jeune Chambre à vous adresser la parole.
Si j’ai choisi de parler de la situation économique, canadienne et québécoise, c’est que le sujet semble
s’imposer de lui-même. En effet, le gouvernement fédéral a présenté son budget, il y a quelques semaines, et le gouvernement du Québec s’apprête à faire de même bientôt. Depuis le mois de décembre, il y a eu deux conférences
des ministres des finances, une à Ottawa et l’autre à Québec, ainsi qu’une conférence fédérale-provinciale, tenue
à huis-clos à Ottawa dernièrement et qui a porté en grande partie sur les problèmes économiques. Des dissidences
profondes entre Ottawa et Québec s(y sont manifestées et ont été exposées au public. Qu’on pense, par exemple, au
problème de l’inflation ou à celui de la récupération par le Québec du $200 millions recueillis par le Fédéral, comme
taxe dite de progrès social.
Je voudrais donc, ce soir, aborder ces deux thèmes, d’ailleurs reliés entre eux, en vous exposant l’argumentation
présentée par le gouvernement du Québec, en ce qui touche l’application de mesures anti-inflationnistes, et la récupération des $200 millions auxquels nous avons droit. Selon Ottawa, le Canada se trouve dans une situation économique inflationniste tellement grave qu’il faut la juguler rapidement. Une hausse annuelle des prix
d’environ 5%, ce depuis quelques années, ne peut évidemment être tolérée sans danger pour là croissance économique,
la balance des paiements, la valeur de la monnaie et l’équilibre social. Ottawa veut combattre l’inflation. Il
tente donc de se donner des instruments pour y parvenir.
Il faut cependant souligner que, dès 1966, les signes de l’inflation étaient présents à la fois dans les
statistiques concernant la hausse des prix du produit national brut et dans le taux de chômage. En 1967, grâce à une baisse dans le taux de croissance des investissements, ces poussées inflationnistes ont diminué, pour reprendre cependant
l’année suivante. Or, en 1968, Ottawa, loin de chercher alors à enrayer l’état de surchauffe, alla même jusqu’à
l’aggraver en présentant un budget déficitaire de $576 millions et en augmentant la masse monétaire de 13.7% par
rapport à l’année précédente.
Subitement conscient du désastre qui pourrait résulter d’une telle politique économique alors que la situation
réclamait clairement des mesures restrictives, le gouvernement fédéral renverse soudain la vapeur en 1969.
Ottawa prévoit maintenant, pour l’année financière 1969-70, un surplus qui sera d’environ $500 millions. Cette restriction des dépenses du secteur public n’est pas la seule mesure prise par Ottawa pour combattre l’inflation. L’augmentation de la masse de monnaie, dont l’offre globale croissait, depuis 1966, de plus de 13% par année, ira diminuant; ainsi la politique monétaire est orientée vers la diminution des poussées inflationnistes. Le crédit est restreint, le taux d’intérêt est élevé, tandis que diminue l’accroissement des prêts bancaires destinés aux entreprises.
Il faut aussi souligner, dans la ligne de la lutte anti-inflationniste étendue à l’ensemble du Canada,
l’initiative de la Commission fédérale des prix et revenus qui a convoqué de nombreux chefs d’entreprises dans l’espoir que ceux-ci y collaboreraient. À la conférence nationale sur la stabilité des prix, les participants ont pris deux engagements conditionnels, à savoir, premièrement, que les entreprises, si elles y sont invitées, réduiraient
le nombre et l’ampleur des augmentations de prix qu’elles décréteraient normalement en 1970; deuxièmement,
qu’elles seraient prêtes à collaborer avec la Commission des prix et revenus aux examens d’augmentation
de prix qu’on pourrait décider d’effectuer.
Les mesures monétaires et budgétaires adoptées par Ottawa ont pour but d’influer sur la demande,
de la rendre moins dynamique. La précaution que doit prendre le gouvernement fédéral consiste, dans ces conditions,
à doser avec justesse ces restrictions et à mesurer leurs effets, de façon que la lutte entreprise contre l’inflation
ne dégénère pas en véritable récession.
Comme mon collègue, le ministre de l’Industrie et du Commerce, monsieur Jean-Paul Beaudry, le
faisait remarquer, en janvier dernier: « les politiques économiques adoptées par le gouvernement fédéral sont toujours
fondées sur la situation globale de l’économie canadienne; elles peuvent donc aller à l’encontre des éléments
de solution aux problèmes régionaux ». Il en va ainsi du problème de l’inflation. Le gouvernement du Québec, chiffres
à l’appui, a démontré à la dernière conférence fédérale provinciale que la situation économique au Québec n’était
pas tellement inflationniste, mais au contraire requérait une politique expansionniste. En effet, le taux d’augmentation de l’indice des prix à la consommation décroit au Québec depuis trois ans alors que l’on note une tendance contraire
dans le reste du Canada; le Québec possède une structure économique particulière et, bien qu’influencé par
les mêmes facteurs que les États-Unis ou l’Ontario, ceux-ci n’agissent pas ici de la même manière .’ Une analyse à
long terme révèle que le Québec, en période d’expansion, est plus lent à emboîter le pas et que, selon la même logique,
il est moins touché lors d’une récession. Ainsi, « la reprise amorcée à l’automne ’68 au Canada, n’apparaît
que dans les premiers mois de ’69 au Québec et elle n’atteint pas la même ampleur puisqu’elle est freinée par des
mesures anti-inflationnistes ».
Il y a donc au Canada de l’inflation à l’ouest de l’Outaouais, mais pas à l’est, il ne faut pas oublier non
plus que le principal responsable de l’inflation a été le gouvernement fédéral lui-même qui a pratiqué jusqu’en ’69 une
politique économique inappropriée aux besoins existants et qui a imposé certains programmes-conjoints qui obligent
les provinces à de nombreuses dépenses, souvent beaucoup plus considérables qu’initialement prévues.
Les mesures prises par Ottawa, pour la plupart uniformes, sont souvent néfastes à l’économie du Québec qui n’est pas un foyer d’inflation; mais qui au contraire nécessite croissance et investissements. Le gouvernement
central a reconnu à quelques reprises que des mesures sélectives devraient être adoptées vis-à-vis les
régions les moins prospères. Mais, jusqu’à maintenant, tout ce que ce gouvernement a édicté se rapporte à un refus
des dégrèvements fiscaux aux investissements commerciaux s’effectuant dans des localités de plus de 50,000 habitants
en Ontario, Colombie Britannique et Alberta. Cela est nettement insuffisant. D’ailleurs, plus que des mesures
sélectives, il faudrait que des mesures compensatoires s’appliquent aux régions défavorisées.
Il faudrait aussi qu’Ottawa régionalise les effets de sa politique fiscale et qu’il se rende compte qu’au Québec tout resserrement de crédit tend à aggraver la situation de l’emploi et à amoindrir le pouvoir d’achat, sans
restreindre pour autant la hausse des prix qui est de toute façon moins forte que dans le reste du Canada.
Les $200 millions prélevés au Québec ($125 millions en 1969 et $75 millions jusqu’au 1er juillet
1970) au titre de la taxe de progrès social, sans qu’il y ait de dépenses correspondantes de la part du gouvernement
fédéral, expliquent au moins une partie des surplus fédéraux prévus, surplus qui serviront, dit-il, pour combattre
l’inflation. Or, du point de vue québécois, cette taxe additionnelle est condamnable sous le rapport à la fois de la
justice, de la politique économique et du fédéralisme.
Parce que ses dépenses augmentent nécessairement plus vite que ses revenus – à cause notamment
du transfert de la santé, du bien-être social et de l’éducation du secteur privé au secteur public depuis un peu plus
d’une décennie – c’est le Québec qui a le plus besoin de ressources fiscales additionnelles. En augmentant ses
taxes et en occupant le champ, le gouvernement fédéral empêche le Québec d’agir et s’approprie des ressources dont
il a moins besoin que le Québec. De la sorte, le gouvernement fédéral non seulement dé-balance mais contredit son
propre système de péréquation et ses autres politiques d’aide économique.
Une partie du chômage au Québec peut être attribuée à la taxe de progrès social qui est venue réduire
le pouvoir d’achat des Québécois à un moment où il aurait fallu, au contraire, l’augmenter; c’est ainsi que notre activité
économique a été restreinte alors qu’il aurait fallu l’intensifier. Le Québec, qui ne cause pas l’inflation, porte
donc la plus grande partie du fardeau de la lutte contre l’inflation.
Il faut récupérer cet argent et l’injecter dans l’économie pour qu’il serve à la relance économique du
Québec, touché par des mesures restrictives adoptées à Ottawa. L’argument selon lequel le Québec devrait tenter
d’obtenir la somme réclamée par le biais du ministère fédéral de Développement régional n’est pas valable, par ce que les politiques de ce nouveau ministère ont pour but de résoudre des problèmes à long terme. Elles ont peu
d’effet à court terme car les provinces, à l’intérieur de ce cadre, doivent souvent investir pour assurer l’infrastructure
nécessaire.
Par ailleurs, Ottawa a levé cet impôt dit de progrès social pour réaliser un programme de juridiction
provinciale. Pour éviter que la taxe soit classée comme inconstitutionnelle, le gouvernement fédéral ne l’a pas
rattachée explicitement à l’assurance-maladie. Mais personne n’est dupe de cette tactique; il est évident que la
taxe perçue l’a été pour mettre en œuvre un programme de compétence provinciale.
A toutes fins utiles, ce programme conjoint, comme plusieurs autres, a été imposé au Québec et aux
autres provinces par Ottawa. En agissant ainsi, le gouvernement fédéral a faussé les priorités du Québec. Parce
que nous refusons cette ingérence indue dans nos affaires internes, nous en arrivons à la situation absurde dans laquelle
nous nous trouvons aujourd’hui: c’est-à-dire, à réclamer des sommes qui nous appartiennent et pour lesquelles
nous n’avons reçu en retour aucun service.
Par son attitude et son comportement, Ottawa fait éclater la notion de fédéralisme. Il nous impose à
des moments inopportuns des programmes qui sont pourtant de notre ressort et il refuse de rechercher des mécanismes de transfert direct de ressources qui nous appartiennent. Au train où évoluent les choses à Ottawa, il est
à craindre qu’une fois la situation économique du pays stabilisée, le gouvernement fédéral, à cause de ses surplus,
ne se retrouve avec des disponibilités budgétaires lui permettant encore une fois d’imposer ses priorités et d’intervenir
dans les juridictions provinciales au moyen de nouveaux programmes. Il aura l’argent pour le faire.
Certaines provinces n’auront peut-être pas d’objection à ce qu’il en soit ainsi, mais quant à lui le Québec ne peut
que qualifier d’inacceptable cette menace grave qui pèse sur ses droits les plus fondamentaux reconnus par la constitution.
Est-il nécessaire de rappeler que le Québec est différent, que plus de 80% de la population francophone
du Canada y vit, qu’il est le foyer national des Canadiens d’expression française et que par conséquent son gouverne
ment, le seul qui soit vraiment contrôlé par des Canadiens français, assume des responsabilités particulières vis-à-
vis la collectivité qu’il représente; responsabilités dont il ne peut, sans faillir à sa tâche, sans trahir sa mission,
se décharger sur un autre ordre de gouvernement dont les francophones ne représenteront jamais plus que le tiers
des préoccupations.
Il n’y a pas, il ne pourra jamais y avoir de véritable liberté culturelle et politique sans contrepartie,
sans assise économique pour la supporter. C’est pourquoi nous devons tendre vers une plus grande maîtrise de notre
destinée économique. C’est pourquoi nous devons contester au gouvernement fédéral des droits qu’il n’a pas, mais qu’il
s’arroge, grâce à des arrangements fiscaux désuets ne tenant aucun compte de la réalité et grâce à son pouvoir illimité
de dépenser, principe que nous n’acceptons pas.
Il est clair que la taxe de progrès social va à l’encontre de l’esprit de la constitution puisqu’elle est
imposée pour des fins provinciales. Lentement mais sûrement, le fédéral tente de la sorte de grignoter les juridictions
provinciales, de s’infiltrer dans tous les secteurs, pour finalement imposer ses choix budgétaires dans des
domaines relevant de l’autorité des états fédérés. La taxe de 2% n’est qu’un signe, parmi plusieurs autres, reflétant
la nouvelle offensive néo-centralisatrice d’Ottawa. Que l’on songe par exemple à:
– l’affirmation du rôle prépondérant du gouvernement fédéral en matière de sécurité sociale;
– la remise en question des arrangements jusqu’ici acceptés pour certaines conférences internationales;
– la primauté fédérale proposée dans le domaine des pensions;
– la politique fédérale des eaux, celle de la pollution, etc. . .
Nous sommes menacés d’une opération qui fera pâlir la centralisation de l’époque de guerre et qui,
maintenant, peut être dramatiquement décisive pour le Québec. Ottawa entend visiblement, avec toutes les précautions
oratoires qui s’imposent, instituer un gouvernement fédéral super-centralisateur qui nous mènera, en
pratique, vers l’État unitaire.
Les Québécois, fidèles à eux-mêmes, ne peuvent que s’opposer de toutes leurs forces aux empiétements
d’Ottawa. Positivement, nous exigeons la remise par le gouvernement fédéral des $200 millions qu’il est
venu chercher dans les poches de chaque contribuable québécois sans rien lui donner en retour. Nous demandons
aussi un nouvel aménagement fiscal rendant mieux compte de la réalité présente. De surcroît, les priorités du secteur
public dans les années ’70 seront de nature provinciale : l’aménagement régional, les problèmes urbains, la
pollution, etc… Le comité du régime fiscal, qui est formé des ministres des Finances, a fait rapport lors de la dernière
conférence fédérale-provinciale. Il constate que les dépenses des provinces augmentent depuis 1956, plus rapidement
que celles du fédéral, étant donné les responsabilités assumées par chaque secteur de gouvernement. Pourtant
le gros morceau de l’assiette fiscale appartient encore à Ottawa, qui refuse d’admettre la gravité de la situation.
C’est le monde à l’envers. Les Québécois n’accepteront peut-être pas éternellement de vivre dans un monde à
l’envers.
<Masse19700303b>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
PRONONCÉE AU COLLEGE JEAN-DE-BREBEUF DE MONTRÉAL DANS LE CADRE DU PARLEMENT MODÈLE » SUR LA LOI DES REFERENDUMS LE 3 MARS 1970>
Il nous apparaît que toute conception moderne de la démocratie doit faciliter le plus possible l’expression
de la volonté populaire. Le référendum constitue l’un des instruments qu’il faut utiliser pour permettre cette
expression. Il devient même l’instrument idéal au moyen duquel le peuple peut être consulté sur l’orientation de certaines
grandes politiques gouvernementales.
A l’heure actuelle, les institutions parlementaires québécoises ne sont que le reflet de vieilles institutions
britanniques. Or le cheminement de l’évolution de la démocratie britannique démontre que les institutions anglaises
ne sont venues que tardivement à reposer sur l’expression d’une volonté populaire universelle. Au départ, les députés anglais n’étaient que les élus d’une minorité de privilégiés. C’est à coup de modifications aux lois électorales
qu’on en est finalement venu au suffrage universel.
Bien que certains principes du droit constitutionnel britannique dont nous sommes tributaires reposent
encore sur la souveraineté parlementaire, nous croyons qu’en 1970, il est temps que les Québécois inscrivent dans
leurs institutions politiques un moyen de consultation populaire qui permette à chaque citoyen de s’exprimer directement
sur les principes fondamentaux des politiques que doivent suivre les gouvernements. L’utilisation du référendum sera donc la véritable consécration du principe de la souveraineté populaire et de la démocratie de participation.
Nos institutions n’offrent présentement aucun moyen de consulter directement la population sur une
question donnée. Il est faux de prétendre qu’une élection générale puisse jouer ce rôle. Lors d’une élection générale,
le peuple se prononce sur certains hommes ou certains partis politiques. Il sanctionne ou rejette une administration
passée et se donne une administration pour les années à venir. Mais on ne peut pas prétendre qu’une élection générale
permette de prendre le pouls de la population sur chacun des points de chacun des programmes des partis.
La complexité des programmes de chacun des partis ainsi que la variété des hommes qui les composent empêche de
conclure avec certitude à ce que pense la population de tel ou tel problème qui fait l’enjeu de l’élection. D’ailleurs
les enjeux sont souvent locaux ou régionaux.
Cela est vrai à un point tel que, même lorsqu’une élection est déclenchée sur un thème précis, il est
difficile d’analyser la réaction populaire à propos de ce thème. Par exemple, en 1962, peut-on vraiment affirmer
que la population du Québec s’est massivement prononcée en faveur de la nationalisation de l’électricité ? Remarquez
que je ne vous donne pas ici mon opinion personnelle sur l’opportunité de cette nationalisation. Je me permets toutefois de constater, à la suite des études entreprises sur l’élection de 1962, que la population s’est alors engagée davantage en faveur d’un gouvernement et d’une administration que sur le thème de l’électricité. Il est dès lors
d’autant plus évident que les gouvernements n’obtiennent presque jamais des mandats clairs et précis sur certaines
politiques bien définies qu’ils ont pu proposer lors des campagnes électorales. Ainsi, les gens qui ont voté pour le
crédit social à Ottawa ont-ils vraiment tous voté en faveur d’une doctrine monétaire farfelue ? Ceux qui hier encore
ont voté par monsieur Trudeau ont-ils tous désiré l’écrasement de certaines aspirations que le Québec avait manifestées
au cours des années antérieures ? Ceux qui s’aventureront à voter demain pour le Parti québécois acceptent-ils tous certains éléments du programme de ce parti ? L’on pourrait ainsi multiplier les exemples à l’infini.
Or, il nous apparaît être de plus en plus important, dans le contexte politique actuel du Québec, qu’un gouvernement puisse connaître l’état de la pensée populaire sur des sujets précis. Si on en venait bientôt à une véritable période de révision constitutionnelle, quel gouvernement pourrait prétendre représenter les Québécois à la table de négociation ? Un référendum pourrait donner une idée du sentiment populaire. Bien sûr, il ne serait pas question que la population par voie de référendum se prononce sur toutes et chacune des modalités d’une négociation constitutionnelle. Mais cette population pourrait facilement donner à un gouvernement québécois la ligne de l’orientation dans laquelle elle voudrait qu’il la représente.
Il pourrait arriver, d’autre part, qu’un éventuel gouvernement québécois n’ait pas la majorité des votes exprimés après des élections générales. Ainsi, un tel gouvernement pourrait avoir un intérêt évident à consulter la population sur certains problèmes fondamentaux. La position de ce gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, serait alors d’autant plus forte qu’elle pourrait s’appuyer sur les résultats d’une consultation populaire.
En présentant une loi-cadre des référendums, le gouvernement ne fait en cette matière que mettre à la
disposition de la population québécoise un instrument déjà utilisé abondamment à l’extérieur du Québec.
En Suisse, par exemple, les référendums sont obligatoires pour toute modification à la constitution fédérale. Us peuvent également être provoqués dans plusieurs autres circonstances. Depuis cent ans, plusieurs
dizaines de référendums ont été tenus en Suisse.
En France, l’article II de la constitution de 1958 stipule que le président de la République peut soumettre
à référendum « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation
d’un accord de communauté, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
Bien qu’on se soit posé toutes sortes de questions sur l’interprétation à donner aux termes de l’article
Il de la constitution française, l’utilisation qui a été faite des référendums en France depuis 1958 a réussi à
désamorcer plusieurs crises et à assurer la stabilité gouvernementale. C’est à la suite de référendums que
s’est terminée la guerre d’Algérie et qu’a été acquise l’indépendance de l’Algérie. Les résultats des référendums
étant présents pour faire éclater la volonté populaire, le peuple français n’a pas pu avoir l’impression que ses représentants
le trompaient sur des enjeux aussi fondamentaux.
En Australie, la constitution fédérale peut être modifiée par une loi qui a reçu l’approbation par référendum
d’une majorité de tous les votants du pays et d’une majorité d’électeurs dans une majorité d’États. La constitution
fédérale peut donc être modifiée au détriment de l’un ou l’autre des États. Évidemment, le Québec n’aurait guère
intérêt à ce qu’une telle procédure soit adoptée au Canada. Retenons tout simplement que le principe de démocratie
directe a été également retenu en Australie.
Ailleurs, dans plusieurs États américains, de même qu’en Italie, des référendums peuvent être tenus
suivant diverses modalités pour des objets variés. Je n’ai pas l’intention d’entrer plus avant dans les détails, mais
je voudrais quand même constater que plusieurs autres communautés ont avant nous ressenti le besoin des consultations
populaires.
Même au Canada, les référendums ne sont pas nouveaux. Tous savent, au moins pour en avoir entendu
parler, que le 5 mars 1942, le gouvernement fédéral a sanctionné une loi ordonnant la tenue d’un plébiscite dans
tous les districts électoraux du Canada pour le relever des promesses qu’il avait faites au sujet de la conscription.
C’est au moyen d’un référendum, à la suite d’une loi adoptée le 27 avril 1948, que les citoyens de
Terre-neuve ont accepté d’entrer dans la confédération canadienne.
Il existe actuellement, dans les lois électorales de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, des dispositions
permettant aux gouvernements de ces deux provinces de tenir des plébiscites en vue de connaître l’opinion
populaire sur certains problèmes.
De son côté, le Manitoba avait, en 1913, adopté une loi des référendums dont je reparlerai plus loin.
Plus près de nous, les municipalités du Québec tiennent des référendums très fréquemment. Les
électeurs de la ville de Montréal ont été amenés à se prononcer il y a quelques années sur l’opportunité d’une carte
d’identité obligatoire. Dans plusieurs villes, certains emprunts municipaux ne peuvent être contractés sans que le
règlement municipal autorisant cet emprunt ne soit ratifié par une majorité des contribuables à l’occasion d’un référendum.
Comme on peut s’en rendre compte, l’idée des référendums est loin d’être nouvelle. Le gouvernement
québécois a cependant l’intention d’en faire un instrument nouveau et original à la disposition de la démocratie québécoise.
Les modalités des référendums au Québec ne seront pas nécessairement copiées sur l’une ou l’autre des
institutions analogues existant ailleurs dans le monde.
En regard de certains exemples étrangers, il me faut immédiatement corriger une impression qui semble
être partagée par certains Québécois. Il n’est absolument pas question d’après le texte actuellement à l’étude à
l’Assemblée Nationale, de soumettre des projets de loi à l’approbation populaire. Il n’est pas question que le gouvernement
demande au peuple s’il est d’accord ou non avec tel ou tel projet de loi, ladite loi n’entrant en vigueur que
si le texte qui en est proposé reçoit l’assentiment de la majorité. Ce, pour deux raisons, d’abord, il nous semblerait
hasardeux de soumettre de longs projets de loi au processus de référendums. Si par exemple, la population
était majoritairement d’accord avec le principe d’un projet et ne s’opposait qu’à un détail, il pourrait lui arriver de
voter contre le projet et le jeu de démocratie directe serait faussé. Nous croyons nécessaire de consulter la population sur des principes généraux, sur les orientations globales qu’elle veut donner à certaines politiques gouvernementales.
Nous ne fixerons jamais par référendum les politiques gouvernementales dans les moindres détails.
La seconde raison est qu’il serait juridiquement impossible pour le moment de tenir des référendums
pour sanctionner des textes de loi. Une telle démarche serait prohibée par le droit constitutionnel actuel qui a été
établi en cette matière en 1919 par le Conseil privé d’Angleterre qui a déclaré invalide une loi du Manitoba rendant
obligatoire la soumission de certains projets de loi au référendum populaire. Tant que le droit constitutionnel demeurera
ce qu’il est – qui sait combien de temps il le demeurera encore – il faudra bien s’en accommoder.
On nous objectera peut-être qu’il eût été préférable d’utiliser pour nos fins le terme « plébiscite »
plutôt que celui de « référendum ». Il est exact que le terme plébiscite est parfois utilisé pour désigner une consultation
par opposition au terme référendum qui désigne le moyen de sanction populaire d’une loi. Toutefois, il est
également vrai que les deux termes sont souvent utilisés l’un pour l’autre à travers le monde et que rien ne s’oppose
à ce que nous nous arrêtions au terme « référendum ». D’ailleurs, le dictionnaire Robert explique qu’on peut
parler de référendums consultatifs et même, par extension, de « référendums auprès des lecteurs d’un journal ».
Il serait donc avantageux, à notre avis, que la démocratie québécoise soit dotée d’un instrument nouveau,
le référendum. Quant aux modalités d’application et aux techniques d’utilisation, il est possible d’en imaginer
plusieurs. La commission de la constitution se penche actuellement sur ce problème. Le projet de loi tel que
déposé prévoit que la population sera consultée par voie de questions qui lui seront posées et dont le texte devra
être préalablement soumis par le gouvernement aux députés de l’Assemblée Nationale. On pourrait entrevoir
la possibilité que le texte de cette question soit d’abord soumis à un conseil constitutionnel, formé d’un certain nombre de députés choisis par leurs collègues. On pourrait tout aussi bien songer à un « conseil des référendums »
qui aurait pour rôle de contrôler le texte des questions soumises de même que le déroulement de la consultation.
Dans un autre ordre d’idées, le problème des dépenses à l’occasion d’un référendum peut se poser.
C’est notamment à cause du contrôle éventuel de ces dépenses que la commission de la constitution a retenu le
principe qu’un référendum ne devrait jamais être tenu à l’occasion d’élections générales. Car, à cette occasion,
les dépenses des partis politiques et les dépenses des candidats sont sévèrement contrôlées par la loi électorale et
il pourrait éventuellement y avoir risque de confusion entre les dépenses des candidats et des partis pour l’élection et les dépenses de ces mêmes partis ou des autres groupements relativement à l’objet spécifique du référendum. Il
y aurait danger évident que les dispositions de la loi électorale soient transgressées.
Les référendums seront donc tenus en dehors des campagnes électorales pour que la population puisse
concentrer son attention sur la question posée et pour que les dépenses des différents groupes s’intéressant au
référendum puissent être contrôlées. Ceux qui craignent qu’un gouvernement soit alors en position favorisée par
rapport à l’opposition éventuelle n’ont qu’à se rappeler l’exemple de 1969 où le peuple français a dit « non » au Général de Gaulle bien que ce dernier ait été au pouvoir.
Ils peuvent également se rappeler le plébiscite canadien de 1942 à l’occasion duquel le gouvernement libéral au pouvoir
à Ottawa a subi un échec retentissant au Québec malgré toute la publicité dont il pouvait jouir. Nous croyons
en outre qu’aujourd’hui la diversité des médias d’information assure une objectivité telle que tous les groupes intéressés
auraient l’occasion de se faire entendre et qu’ils pourraient facilement faire connaître leur point de vue.
Pour que le concept même de démocratie prenne toute son extension, pour que la fonction démocratique
soit exercée en totalité, il est nécessaire dans le Québec de 1970, de recourir à d’autres moyens que les moyens classiques. En effet, aujourd’hui la population veut entrer dans la démocratie et participer davantage au jeu qu’elle implique. Le citoyen veut s’engager, se sentir responsable, c’est une tendance manifeste de la société
québécoise, surtout évidente chez vous, la jeunesse qui aurez bientôt la responsabilité de continuer à bâtir ce pays.
Bien que certains principes de droit constitutionnel britannique reposent encore sur la souveraineté
parlementaire, le fait que le fondement de l’autorité réside dans la collectivité, le fait que la souveraineté appartienne
au peuple s’impose à nous Québécois concrètement. En conséquence, la population doit disposer de moyens efficaces
d’influencer les grandes options, les grandes orientations nationales. Un de ces moyens devant favoriser la
manifestation de la souveraineté populaire, n’est-il pas le référendum qui permet à chacun de participer mieux et plus
à l’exercice du pouvoir, en se prononçant sur les options fondamentales de la politique québécoise. C’est parce qu’il
répond affirmativement à cette interrogation que le gouvernement actuel, soucieux d’innover en matière institutionnelle,
a soumis dernièrement à l’approbation de l’Assemblée nationale, un projet de loi sur les référendums.
<Masse19700304>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUEBEC PRONONCÉE À L’HOTEL DE VILLE DE SEPT-ÎLES SUR QUELQUES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION DE LA CÔTE-NORD LE 4 MARS 1970>
Je voudrais, tout d’abord, remercier les autorités de la ville de Sept-Îles et celles du Conseil régional de développement qui me fournissent l’occasion de venir vous rencontrer ce soir.
Nous nous sommes déjà rendus dans le Nord-Ouest québécois et dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean;
demain nous serons à Trois-rivières; la semaine prochaine à Québec. L’objectif de ces rencontres est clair:
il s’agit d’amorcer avec les gens du milieu, un dialogue sur les problèmes de développement des régions du Québec.
Toutefois, malgré son apparente simplicité, cet objectif représente un défi redoutable; en effet, il est assez paradoxal de constater qu’à une époque dite de participation, il devient de plus en plus difficile d’entamer de véritables
dialogues constructifs. L’éclatement des structures traditionnelles, l’influence et la diversification des moyens
de communication et la prolifération des groupes d’intérêts transforment souvent les tentatives de dialogue en
des affrontements stériles.
Le nœud du problème réside probablement dans le fait qu’un véritable dialogue exige que l’on s’entende
au préalable sur certaines conditions indispensables: – en premier lieu, il faut définir un contenu qui
présente un cadre de références compréhensibles; – en second lieu, il importe que les interlocuteurs soient clairement identifiés; – en troisième lieu, le dialogue doit provoquer l’application de mesures concrètes.
Durant les prochaines minutes, et surtout au cours du forum qui suivra mon exposé, je voudrais examiner avec vous ces trois conditions préalables au dialogue.
Le cadre de références
Pour l’Office de Planification et de Développement, le cadre de références du dialogue avec la population
régionale est, évidemment, le développement socio-économique. Le développement se traduit par des riches ses naturelles de plus en plus et de mieux en mieux exploitées, des villes organisées et équipées, la création d’emplois plus nombreux et mieux rémunérés, des loisirs mieux organisés. Cela est vrai, me direz-vous, pour n’importe quelle région, la Côte-Nord comme la Gaspésie, Montréal comme New-York.
Il est donc essentiel d’expliciter un peu plus ce concept de développement et surtout il faut lui donner
une signification qui traduise la réalité régionale. En effet, dans votre région, ce développement socio-économique
prendra une orientation spécifique et un rythme différent de celui des autres régions. Ce rythme de développement
dépendra en partie de votre dynamisme, mais aussi, et en large part, de la réalité de votre région, de son passé,
de son espace, de son climat…
En d’autres mots, nous en venons à nous demander comment peut-on esquisser les contraintes et les chances du développement de la Côte-Nord ?
Prenons d’abord conscience de l’immensité du territoire désigné sous l’appellation de moyen et grand
nord québécois, dont la géologie est pratiquement seule à pouvoir différencier les composantes régionales. Face à
cet espace immense, quelques zones faiblement urbanisées marquent la présence de l’homme.
Il faut donc être conscient que tout effort de développement sera assujetti à un déterminisme géologique
et économique dont les principaux éléments sont les suivants: – une région dont les dimensions sont à l’échelle
d’un continent et les distances démesurées; – des conditions climatiques particulièrement rigoureuses, – un grand éloignement par rapport aux marchés de production et de consommation; la présence de ressources naturelles très importantes, mais insuffisamment inventoriées.
Il ne suffit malheureusement pas de disposer de réserves hydrauliques et forestières et de sites
minéraux sans nombre, aussi vastes soient-ils; encore faut-il pouvoir procéder à leur mise en valeur. Pour la
Côte-Nord et le Nouveau-Québec, la véritable richesse ne peut s’évaluer qu’en termes d’accessibilité aux ressources
naturelles et, en conséquence, la mise en place de moyens de transport et de communication adéquats devient une condition
première du développement économique et social de ce territoire.
L’essor de la Côte-Nord a pris place, il y a quelque vingt ans, avec la construction des chemins de
fer reliant Sept-Îles à Shefferville et Port-Cartier à Gagnon. Trois sociétés minières se partagent l’exploitation des
gisements de la région: Quebec Cartier Mining Co., WabusIl Co. et Iron Ore of Canada.
Je n’ai pas besoin d’insister sur les grands ouvrages hydro-électriques de la région. Du point de vue économique, la Côte-Nord est caractérisée par une croissance accélérée: de 1951 à 1966, l’indice du produit intérieur régional, pour l’ensemble
des secteurs industriels, s’est accru de 100 à 667, soit à un rythme supérieur à toutes les autres régions du Québec.
Cette croissance accélérée présente toutefois des discontinuités dans le temps; elle procède par bonds suivis
de paliers plus ou moins longs au rythme des investissements massifs requis pour la mise en exploitation des
nouveaux gisements. La place qu’occupe la région dans l’économie québécoise n’en demeure pas moins modeste:
en 1966, elle ne contribuait que pour 2.1% de la valeur ajoutée de l’ensemble des industries québécoises. Elle
est restée, depuis ses origines, une région de mono-industrie extractive.
La main-d’œuvre de la région est particulièrement mobile: la plupart des travailleurs n’y séjournent que quelques années avant de se déplacer, munis d’une épargne forcée, accumulée grâce à des emplois miniers bien rémunérés.
Toutefois, ce phénomène de grande mobilité semble s’appliquer de moins en moins à quelques zones
de fixation du peuplement situées le long du littoral et, notamment à Sept-Îles, Port-Cartier et Baie-Comeau. Entre 1951 et 1966, à titre d’exemple, la population de Sept-Îles est passée de 2,600 à 19,000 habitants; cette population se caractérise par son extrême jeunesse; environ 40% des habitants avaient moins de 15 ans en 1966 (à comparer à 30% pour Trois-rivières et à 25% pour Québec).
Ailleurs, le long du littoral de la Basse Côte-Nord, la population est disséminée dans de petits villages, isolés les uns des autres, et organisés autour des activités traditionnelles de subsistance qu’offrent la mer et la forêt.
Si l’on admet que l’arrière-pays formé par le Nouveau-Québec conditionne le développement de la Côte-Nord et, dans une bonne mesure, l’urbanisation du littoral en certains points privilégiés, il faut reconnaître que le rythme d’expansion de Sept-Îles et de Port-Cartier dépend essentiellement: – de l’exploitation des ressources primaires (principalement minières mais aussi ligneuses); – de l’implantation d’industries de transformation de ces ressources; – de la disponibilité de services divers, tant industriels que récréatifs et communautaires; – de la concentration de la population dans la zone urbanisée de Sept-Îles – Port-Cartier.
Deux orientations maîtresses
Il apparaît donc souhaitable de privilégier deux orientations maîtresses de développement dans cette
région: il s’agit en premier lieu de faciliter l’implantation de grandes unités de production axées sur la transformation
des ressources naturelles, par des incitations financières et fiscales appropriées.
Les ressources forestières et minières sont considérables et il faut encourager leur exploitation commerciale
et dans toute la mesure du possible leur transformation dans des usines situées dans la région.
Cela est d’ailleurs confirmé par le genre de projets dont l’étude, en particulier par le ministère de l’Industrie
et du Commerce et par le ministère des Terres et forêts, est déjà très avancée pour cette région:
a) projet d’usine de pâtes et papiers;
b) projet d’usine électro-métallurgique;
c) projet d’usine de ferro-manganèse.
L’existence de programmes d’aide à l’investissement consentis par les gouvernements (Québec et
Ottawa), représente une condition capitale pour le succès de ces projets. Toutes les entreprises concernées comparent,
en effet, l’importance de nos appuis avec ceux que d’autres pays peuvent leur accorder. Par conséquent, il
est vital que ces types d’industries puissent recevoir une aide spéciale.
La décision du gouvernement du Québec de réserver, à cette fin, un bloc de 500,000 KW d’énergie hydro-électrique à un prix très avantageux constitue une réelle incitation pour les entreprises qui exigent une grande
quantité d’énergie. La vocation électro-métallurgique de cette région s’en trouve renforcée d’autant.
Par ailleurs, le développement industriel pose le problème des structures d’accueil tant sur le plan
des grandes infrastructures (quais, chemins de fer, aéroport, terrains industriels) que sur celui des équipements
sociaux, et de la préparation d’une main-d’œuvre qualifiée: il s’agit là de la deuxième orientation de base. Plus
clairement, cela revient à dire que nous devrons: – développer des installations portuaires nouvel les dans la rade de Sept-Îles en vue d’accueillir les minéraliers et autres navires à très grand tirant d’eau; – améliorer le réseau routier;
– élaborer des schémas directeurs d’urbanisme dans lesquels seront privilégiées les interrelations
entre les centres urbains de la région.
Ce cadre de références forcément incomplet est, je le répète, la première condition d’un dialogue
fructueux; il devra être précisé et surtout il devra conduire à l’action concrète. Cela nous amène tout naturellement
à discuter les deux autres éléments que je vous ai mentionnés il y a quelques instants: les interlocuteurs en
présence et les actions concrètes.
Les interlocuteurs; la population
L’ensemble de la population est préoccupée par les problèmes de développement: toutefois, il est impensable
pour le Gouvernement et pour l’Office de planification et de développement de discuter, en même temps,
avec tous les individus et tous les groupes d’intérêt ou de pression.
L’exposé que j’ai fait en décembre de la politique de l’Office de planification et de développement à
l’égard des conseils régionaux de développement a défini les principales orientations que pourrait prendre la participation
des milieux régionaux dans un contexte de planification du développement régional.
Pouf l’essentiel, on pourrait résumer cette politique aux grandes caractéristiques suivantes:
– l’Office encouragera la création des conseils régionaux de développement qui, à l’exception de la vaste région de Montréal, couvriront les territoires des régions administratives;
– l’Office s’assurera que ces conseils soient représentatifs des divers centres d’intérêt et de décision des régions concernées;
– l’Office, enfin, considérera ces conseils régionaux de développement comme des interlocuteurs privilégiés en matière de planification régionale.
Pour concrétiser cette politique, l’Office de planification et de développement reconnaîtra les conseils
régionaux de développement qui répondront à ces exigences, leur fournira une certaine assistance technique
et une assistance financière.
A ce propos, je dois vous féliciter de l’empressement que vous avez manifesté à élargir les cadres
de votre conseil économique régional. Je suis heureux de signaler que l’adhésion de la municipalité de Sept-Îles nous
permet maintenant de considérer votre organisme comme un interlocuteur valable auprès de l’Office de planification
et de développement du Québec.
Il appartient maintenant à votre assemblée générale d’entériner la décision des dirigeants de transformer factuel C. E. R. en un véritable Conseil régional de développement. Je souhaite que cette dernière étape
se franchisse le plus tôt possible, car elle est la dernière condition de reconnaissance officielle de l’Office à l’égard
de votre C.R.D.
Je profite également de l’occasion pour vous annoncer la nomination de monsieur Lucien Métras comme
responsable de l’application de la politique de l’Office à l’égard des C. E. R. et comme agent de liaison entre l’Office
et les conseils régionaux de développement.
Un deuxième interlocuteur dans cette entreprise de développement régional est, évidemment, le gouvernement du Québec. Par l’ensemble de ses programmes sectoriels administrés par les ministères du Québec, par ses structures régionales, par les responsabilités qu’il détient en propre dans les programmes de développement régional, le gouvernement du Québec a évidemment de grandes responsabilités et il entend bien les assumer entièrement. Que l’on parle de régionalisation municipale ou scolaire, que l’on parle d’équipement ou d’infrastructure, le gouvernement du Québec a dans la plupart des cas l’autorité et les moyens nécessaires pour agir de façon coordonnée et efficace. Nous reviendrons dans quelques instants
sur les modalités de ses interventions possibles.
Un autre interlocuteur dans le problème du développement de votre région est le gouvernement fédéral qui possède, de par la constitution, certains éléments de base pour orienter le développement socio-économique
(comme les ports, aéroports, etc…).
De plus, depuis quelques mois, le ministère de l’Expansion économique régionale peut, en accord avec les provinces, déterminer des pôles prioritaires, des « zones spéciales » qui offrent, à condition d’y accélérer certains investissements, des possibilités réelles de développement. Dans ce cadre, le gouvernement du Québec a demandé formellement, il y a quelques mois, à Ottawa de désigner dans une première étape Sept-Îles et Port-Cartier comme zone spéciale.
Les négociations se sont poursuivies normalement et nous espérons que d’ici quelques semaines,sinon quelques jours, un accord officiel sera signé entre les deux gouvernements, qui déterminera l’ampleur et la localisation des investissements.
Le développement de votre région, on le conviendra facilement, sera cohérent dans la mesure où ces trois partenaires, la population par la voix du C. R. D., et les gouvernements de Québec et d’Ottawa assumeront leurs responsabilités respectives.
Que votre Conseil économique régional soit, d’abord et avant tout, un interlocuteur dans la définition
des objectifs et des grands moyens de développement, cela implique que son rôle n’est absolument pas identique à celui des groupes particuliers d’intérêt ou de pression, qu’il doit précisément coordonner.
De même, entre les deux gouvernements québécois et canadien, la concertation nécessaire à leur action ne sera possible que dans la mesure où ils réussiront à clarifier les équivoques qui, trop souvent, font obstacle
à une coopération efficace.
D’abord, pour le gouvernement du Québec, cette loi des zones spéciales est un instrument parmi d’autres,
dans l’ensemble des moyens qui assureront le développement régional. Nous entendons utiliser à fond pour
le développement de votre région cet instrument monétaire qu’est le ministère de l’Expansion économique régionale.
Nous ne négligerons pas pour autant le recours à d’autres instruments de développement, soit de compétence québécoise,
soit de compétence fédérale.
En second lieu, même s’il est valable de concentrer dans l’immédiat nos efforts de développement
sur la zone spéciale, identifiée pour votre région, il faudra nous préoccuper sans délai de la mise en valeur de l’immense réservoir de ressources naturelles que contient votre arrière-pays.
C’est dans cette perspective que nous avons demandé à l’Office de planification et de développement d’élaborer,
en collaboration avec les ministères concernés, une stratégie de développement de ce vaste territoire, afin d’accélérer au maximum la connaissance et l’exploitation des richesses qui s’y trouvent. À cette fin, l’Office est
à mettre au point le projet d’un Bureau d’orientation du développement du Nord québécois qui aurait précisément pour principale fonction de coordonner l’action des ministères en cause, et de tracer les voies que pourraient prendre le développement de toute la région qui va de l’arrière-pays, de Sept-Îles jusqu’à la Baie James.
Toutefois, l’utilisation de l’instrument des zones spéciales, aussi bien que des autres instruments
mis à notre disposition, ne devra pas bouleverser le jeu des priorités que requiert le développement équilibré des
territoires en cause et il se trouve qu’à cet égard le Québec veut assumer pleinement son rôle.
Nous avons esquissé brièvement au cours de cet exposé le contenu de notre dialogue, les rôles et les
fonctions des interlocuteurs en présence et les modalités d’action qui doivent donner à ce dialogue toute sa signification.
Le défi que représente la mise en valeur de votre immense territoire est à la mesure du Québec d’aujourd’hui
et la population de la région doit y jouer à la fois un rôle d’acteur et de témoin privilégié.
Il est une certaine façon de concevoir le développement qui suppose un examen lucide des contraintes
et des besoins et qui propose des objectifs et des défis.
Toutefois, le développement n’est pas un acte contemplatif. Il suppose des interactions et souvent même des confrontations entre les partenaires dont les intérêts sont parfois divergents. Enfin, le développement suppose des choix souvent difficiles entre divers moyens. Le véritable dialogue doit permettre la cohérence entre tous ces éléments; c’est cette forme de dialogue que j’ai voulu vous proposer ce soir.
<Masse19700305>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC AU CENTRE CULTUREL DU CAP-DE-LA-MADELEINE SUR LES ORIENTATIONS DU DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION DE TROIS-RIVIÈRES
LE 5 MARS 1970>
Je suis heureux de me retrouver une fois de plus dans cette région que l’on désigne habituellement
sous l’appellation de « cœur du Québec » et je m’en voudrais de ne pas remercier les autorités municipales de
même que la direction du Conseil régional de développement qui me fournissent l’occasion de cette visite.
Hier à Sept-Îles, nous avons rencontré les autorités municipales et celles du Conseil régional de développement.
Auparavant, il y a quelque temps, nous avons fait de même au Saguenay-Lac St-Jean, région où
l’Office a entrepris un travail de développement régional; la semaine prochaine, nous serons à Québec.
L’esprit qui anime ces réunions en est un de dialogue. Nous désirons rencontrer les personnes responsables
de chaque milieu pour nous entretenir avec elles des principales orientations du développement de leur région.
Nous savons que ces questions vous intéressent et c’est pour établir un dialogue fructueux que nous avons
fixé un cadre à nos discussions. Notre démarche intellectuelle comprendra donc trois étapes:
– en un premier temps, nous déterminerons le plus précisément possible le contenu sur lequel
doit porter notre réflexion, ceci afin de la rendre aussi fructueuse et précise que possible;
– en second lieu, nous allons nous arrêter à identifier clairement les interlocuteurs en présence;
– enfin, nous tenterons de dégager les applications concrètes de l’effort de réflexion qui aura précédé.
L’objet dé notre réflexion
Pour l’Office de planification et de développement, la préoccupation première véritable est celle du
développement socio-économique des régions et c’est évidemment cet objectif que nous tentons d’atteindre en ouvrant
le dialogue avec les éléments dynamiques de chaque région.
Mais qu’entendons-nous au juste par développement ? Nous voulons ainsi désigner l’exploitation de
mieux en mieux organisée des richesses naturelles, l’équipement plus complet et plus efficace de nos villes, la
création d’emplois plus nombreux et mieux rémunérés et enfin, l’organisation plus rationnelle des loisirs.
Cette notion du développement, elle s’applique à chaque région du Québec, qu’elle soit rapprochée des
grands centres ou qu’elle s’en trouve éloignée, qu’elle soit prospère ou que sa croissance économique se fasse à un
rythme moins rapide.
Toutefois, il est évident que la forme de ce développement socio-économique sera différente d’une région
à l’autre, dépendant en grande partie de la réalité inscrite dans leur géographie physique et humaine.
Ainsi, Trois-rivières et Cap-de-la-Madeleine sont situées à mi-chemin des pôles de croissance de
Montréal et de Québec. Les trois principaux éléments qui composent son territoire sont Bécancour, sur la rive-sud;
Trois-rivières et Cap-de-la-Madeleine, sur la rive-nord et dans son prolongement Shawinigan et Grand-Mère. Ils
englobent 185,000 personnes, soit environ 45% de la population de la région administrative de Trois-rivières.
L’agglomération urbaine de Trois-rivières – Cap-de-la-Madeleine regroupe environ 100,000 personnes.
Elle joue un rôle de métropole régionale qui sera accentué par l’utilisation du nouveau pont Laviolette, faisant de Bécancour
une banlieue de Trois-rivières, et par la création d’une constituante de l’Université du Québec.
La zone est dotée d’une vocation industrielle prédominante que le projet-pilote de la Société du parc industriel
du centre du Québec viendra accentuer, mais nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet.
Ce territoire, auquel il faut adjoindre Shawinigan – Grand-Mère avec ses 69,000 habitants et dont le
dynamisme industriel est encore très marqué, forme un ruban urbain et économique dans Taxe du Saint-Maurice.
Du point de vue démographique, le rythme de croissance de l’agglomération trifluvienne, qui a été
de 6.2% entre 1961 et 1966, est relativement faible et celui de Shawinigan-Grand-Mère fut pratiquement nul au cours
de la même période, puisqu’il s’est confiné à 1.5%.
La part relative de la population de la région par rapport à l’ensemble du Québec est décroissante,
passant de 7.8% en 1961 à 7.3% en 1966 et à seulement 6.9% en 1968. Dans le même ordre d’idée, l’apport de
la région à la valeur ajoutée par la production diminue constamment. En effet, si elle représentait en 1951 8.3%
de celle de l’ensemble du Québec, elle était réduite en 1966 à 6.1%.
Du point de vue économique, la région se caractérise, d’une part, par une forte activité manufacturière.
Région d’ancienne industrialisation, les activités traditionnelles sont celles des pâtes et papiers, de l’électro-métallurgie, des produits chimiques industriels et des textiles. Ces secteurs qui ont engendré le développement rapide du territoire dans la première moitié du 20e siècle, lui permettant ainsi d’occuper une place enviable
dans ces domaines particuliers à l’échelle du pays, ne démontrent plus la vigueur d’antan. On notera que, de 1951
à 1966, la valeur ajoutée manufacturière est passée de l’indice 100 à 220. La région est toutefois l’une de celles
qui croissent le moins rapidement par rapport aux autres. Ce rythme de développement est insuffisant pour satisfaire
l’augmentation de la main-d’œuvre.
D’autre part, les activités dotées du plus grand dynamisme relèvent toutes du secteur tertiaire.
Ainsi sur la base de 100 en 1951, la valeur ajoutée par la production atteignait en 1966, 538 pour le commerce de gros, 396 pour les services, 309 pour le commerce de détail et seulement 180 pour la fabrication, à peine 109 pour
l’agriculture.
De cette toile de fond se dégagent certaines orientations de développement:
Premièrement, la restructuration régionale; Pour que l’intervention des deux gouvernements
profite à la région, il faut la restructurer d’une manière telle que nous soyons en mesure de préparer et d’appliquer
un plan directeur d’aménagement visant à une intégration réelle des éléments constituant la zone.
En second lieu, là restructuration industrielle
Cette région détient une fonction industrielle importante. Les entreprises qui l’ont créée traversent
une période d’adaptation. Il faut s’assurer leur maintien par leur modernisation et leur consolidation. Il faut procéder
immédiatement à l’identification précise des problèmes qui confrontent la structure industrielle traditionnelle,
formuler des solutions concrètes et mettre celles-ci en application.
Les effets d’entraînement des industries existantes sont limités, mais la création d’activités nouvelles
peut contribuer à une reprise. Par des moyens appropriés, il faut viser premièrement l’utilisation optimale
du potentiel que représente ce territoire, pour l’expansion de l’industrie montréalaise et, deuxièmement, il faut favoriser l’implantation d’industries reliées aux groupes majeurs dits de pointe.
C’est pour répondre à ce double objectif que nous avons entrepris un effort de restructuration urbaine
dans votre région. Quant à l’industriel désireux de venir s’installer, nous lui offrons une excellente structure d’accueil
grâce à la Société du parc industriel du centre du Québec.
Nous touchons là un point majeur en terme de développement économique: si les grands espaces inexplorés
et inexploités du Grand nord offrent des possibilités précises pour Sept-Îles, le problème du développement du Centre du Québec est d’abord une question d’industrialisation à un double point de vue, comme nous venons de le
constater. Il s’agit de réorganiser ce qui existe d’une part et de parfaire les structures d’accueil d’autre part.
Cette orientation exige une stratégie précise; quelle est-elle ?
D’une part, grâce à la réduction systématique des contraintes qui limitent l’expansion actuelle des
activités manufacturières dans les zones industrielles de la rive nord, elle consiste à assurer la mise en valeur des
potentialités réelles de la région, d’abord par l’implantation d’industries appartenant à des secteurs d’activités dotés
de bonnes perspectives de croissance à moyen et à long terme. En second lieu, d’autre part par la conversion des industries anciennement installées dans la région (et dont les facteurs de localisation ont subi de profonds changements
depuis) en activités modernes, plus productives et plus rémunératrices; enfin, par la mise en place de
grands équipements régionaux et urbains dits « d’accompagnement » sans lesquels il serait vain d’escompter un développement réel, ample et durable sur une longue période.
D’autre part, cette stratégie repose sur la consolidation, mieux, la consécration de la vocation du
Parc industriel du centre du Québec situé à Bécancour, comme lieu géographique de la création de nouvelles activités
industrielles déconcentrées par rapport au pôle de Montréal et travaillant en liaison, en amont ou en aval, avec les industries localisées dans celui-ci.
Déjà, le Québec, plus particulièrement le ministère de l’Industrie et du Commerce, a rendu des décisions
concrètes et pris des dispositions irréversibles quant au choix et à la vocation de Bécancour. J’en veux
pour preuve:
– la création de la ville de Bécancour résultant de la fusion de 11 municipalités (octobre 1965);
– l’ouverture du pont Laviolette, au coût de $40,000,000, reliant Béancour à Trois-rivières (1967);
la création de la Société du parc industriel du centre du Québec (décembre 1968);
– l’acquisition de terrains au coût de $3,300,000 par la Société du Parc (juin 1969);
– l’élaboration d’un plan d’aménagement et d’équipement du parc (septembre 1969);
– l’ouverture de divers chantiers sur l’emplacement même du parc et à ses abords immédiats,
dès l’été 1969, et notamment en matière de voirie régionale et intérieure, ainsi que de réseau
d’aqueducs et d’égouts.
Le Québec entend accélérer, dans toute la mesure de ses moyens, la réalisation des travaux d’aménagement
de Bécancour. Le ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec y consacrera des crédits de l’ordre de $2,000,000, pour l’année à venir.
L’effort consenti commence déjà à porter ses fruits puisque, une société belge de fabrication de verre
industriel, Glaverbel, dont l’installation a été annoncée voici quelques semaines, doit entrer en production dès le
printemps 1971.
Cette stratégie, dont les éléments sont complémentaires, c’est la base de la proposition que nous avons faite au fédéral lorsque le gouvernement du Québec, par l’entremise de l’Office de planification et de développement,
a suggéré la désignation de Shawinigan, Trois-Rivières et Bécancour comme zone spéciale.
Il est réconfortant de constater que l’ensemble de la population des diverses régions du Québec est intéressée
aux problèmes du développement et préoccupée des solutions à y apporter.
Vous conviendrez facilement qu’il est impensable pour le gouvernement et, en particulier, pour l’Office
de planification et de développement, d’entreprendre une discussion avec tous les individus et tous les groupes
d’intérêt ou de pression. Cette situation nous mènerait rapidement à un dialogue de sourds et provoquerait des
affrontements stériles.
Voilà pourquoi l’Office de planification et de développement a énoncé une politique à l’égard des
conseils régionaux de développement qui définit les modalités de la participation des milieux régionaux au développement
du territoire. Pour l’essentiel, cette politique se résume ainsi:
– l’Office encouragera la création des conseils régionaux de développement qui, à l’exception de la vaste région de Montréal, couvriront les territoires des régions administratives;
– l’Office s’assurera que ces conseils soient représentatifs des divers centres d’intérêt et de décision des régions concernées;
– l’Office, enfin, considérera ces conseils régionaux de développement comme des interlocuteurs privilégiés en matière de planification régionale.
Pour concrétiser cette politique, l’Office de planification et de développement reconnaîtra les conseils
régionaux de développement qui répondront à ses exigences, leur fournira une certaine assistance technique et une assistance financière.
Parlant des C. E. R., je profite de l’occasion pour vous annoncer la nomination de monsieur Lucien
Métras comme responsable de l’application de la politique de l’Office à l’égard des C, E.R, et comme agent de liaison
entre l’Office et les conseils régionaux de développement.
Le gouvernement du Québec constitue évidemment un deuxième interlocuteur dans cette entreprise
de développement régional. Il a à ce propos de grandes responsabilités qu’il entend assumer pleinement par l’ensemble
des programmes administrés par les divers ministères et qui constituent autant de secteurs de même que
par les structures régionales qu’il a mises en place. De fait, le gouvernement du Québec détient en propre les responsabilités
du développement régional et il entend bien les assumer pleinement.
Le Québec a l’autorité et les moyens nécessaires pour coordonner cet effort d’une manière efficace,
que ce soit dans le domaine de la régionalisation municipale ou scolaire tout autant que dans celui des équipements qui constituent l’infrastructure d’une région. Nous préciserons les modalités de ces interventions dans quelques
instants.
Pour le moment, je voudrais mettre en présence un autre interlocuteur qui dispose, de par la constitution,
de certains éléments de base pour orienter le développement socio-économique, comme les ports et les aéroports.
Je veux parler du gouvernement du Canada.
Le ministère de l’Expansion économique régionale a été investi, depuis quelques mois, de pouvoirs
qui lui permettent de désigner, en accord avec les provinces bien entendu, des pôles prioritaires, des « zones
spéciales » qui présentent des possibilités réelles de développement à condition qu’on y effectue certains investissements
supplémentaires. C’est dans ce cadre que le gouvernement du Québec a proposé au gouvernement du Canada
que la zone de Trois-rivières – Cap-de-la-Madeleine et ses prolongements soit considérée comme une « zone
spéciale ».
Les négociations se poursuivent et nous devrions être en mesure d’ici quelques semaines, sinon
quelques jours, de vous annoncer la signature d’une entente entre ces deux gouvernements, entente portant sur l’ampleur et la localisation des investissements à effectuer. Vous serez sans doute d’accord avec moi pour convenir que le rôle et l’identité de chacun des trois partenaires de cette entreprise doivent être identifiés très
clairement. C’est ainsi, par exemple, qu’on peut trouver au Conseil économique régional une mission toute particulière
dans la définition des objectifs et des grands moyens de développement. Ce rôle n’est pas forcément identique
à celui des groupes d’intérêt ou de pression qu’il doit précisément coordonner.
Vous comprendrez également que les deux gouvernements doivent concerter leur action pour éviter
qu’elles mènent à des situations équivoques et stériles. Ce que je voudrais faire clairement ressortir cependant, c’est que le gouvernement du Québec dispose d’un ensemble de moyens susceptibles d’assurer le développement
régional et qu’à ce point de vue, la loi des zones spéciales ne constitue qu’un des leviers mis à notre disposition.
Vous pouvez être assurés que nous utiliserons au mieux l’instrument monétaire que constitue le ministère
de l’Expansion économique régionale.
Toutefois, nous ne devons pas remettre en cause les grandes orientations du développement de la région,
centré sur une industrialisation poussée et concrétisée particulièrement dans le parc industriel du centre du Québec.
Vous pouvez être assurés que le Québec fera tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre au mieux cet objectif.
Nous voici rendus au terme de cet exposé au cours duquel, après avoir défini le contenu de notre
dialogue, nous avons tenté de déterminer clairement les rôles et les fonctions des interlocuteurs en présence. Il
s’en dégage certaines modalités d’action qui constituent un défi engageant pour le Québec. Nous le relèverons ensemble
parce que le dialogue que nous avons ouvert nous conduit à concevoir le développement comme une discipline
dynamique qui suppose un examen lucide des besoins et qui propose des objectifs concrets.
<Masse19700310>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUEBEC AU MOTEL DES LAURENTIDES DE BEAUPORT SUR QUELQUES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION DE QUÉBEC LE 10 MARS 1970>
Je voudrais d’abord exprimer toute la satisfaction que j’éprouve à me trouver parmi vous, en présence
de plusieurs maires de la région de Québec et des dirigeants du Comité provisoire du Québec métropolitain.
Je suis heureux d’amorcer avec vous le dialogue sur les grandes orientations du développement
de votre région, comme je l’ai fait la semaine dernière successivement à Sept-Îles et à Trois-rivières. Dans
les deux cas, nous avons procédé à un fructueux échange de points de vue qui est un gage de succès pour l’avenir.
J’imagine que nous sommes tous d’accord pour dire combien des réunions de ce genre sont importantes et à quel point nous devons nous efforcer de multiplier ces occasions de dialogue afin d’en arriver à ce grand objectif que constitue pour nous la participation. Cet objectif, il est redoutable toutefois, si l’on tient compte de certaines contraintes que nous impose la société actuelle: l’éclatement des structures traditionnelles, l’influence et la diversification des moyens de communication ainsi
que la multiplication des groupes d’intérêt.
C’est pourquoi nous devons prendre toutes les précautions pour que ce dialogue que nous voulons le
plus constructif possible ne se métamorphose pas en affrontement stérile. C’est précisément pour cette raison
que je voudrais m’entendre avec vous avant d’aller plus loin, sur les grandes lignes de mon exposé qui vous révé le véritable sens du dialogue que je suis venu vous proposer ce soir.
En premier lieu, nous devons nous situer dans le temps et dans l’espace pour définir un cadre de
références qui soit compréhensible à tous les participants; nous devons ensuite nous assurer que les interlocuteurs
sont clairement identifiés; enfin, l’effort de réflexion que nous aurons mené ensemble devra déboucher sur la proposition
de mesures concrètes.
Le cadre de références Il n’y a qu’un seul sujet véritablement important pour l’Office de planification et de développement,
lorsqu’il amorce le processus de dialogue avec la population régionale, et c’est celui du développement socio-économique
de cette région. S’il est relativement difficile de définir le développement en soi, on peut assez facilement
cerner la réalité en examinant les effets qu’il produit. Partant du sol, nous évoquerons des richesses naturelles
de plus en plus et de mieux en mieux exploitées, pour atteindre l’homme, pour qui nous devons nous efforcer de
bâtir des villes organisées et équipées, de créer des emplois plus nombreux et mieux rémunérés, et d’organiser
enfin des loisirs adéquats. Ces aspirations fondamentales que cache le mot »développement », elles s’appliquent tout
aussi bien à la Côte-Nord qu’à la région du centre du Québec, à Montréal qu’à New-York.
Il importe donc de nous pencher davantage sur la réalité régionale pour donner un sens un peu plus
spécifique à notre notion de développement. Chaque région se développe d’une façon particulière, comme un individu,
selon un rythme différent à chaque région et à partir d’un dynamisme qui lui est propre. Il faut toutefois
tenir compte et largement des contraintes imposées par la réalité géographique, qu’elle soit due à l’espace lui-
même ou au climat.
Il importe donc de définir assez rigoureusement quelles sont les caractéristiques de la région et de la zone de développement de Québec. Québec, situé géographiquement au centre même du territoire québécois, est un point de jonction du fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent. On y retrouve une agglomération urbaine majeure de plus de 400,000 habitants, ce qui la situe au septième rang des villes canadiennes par ordre d’importance.
Cette région présente toutefois les caractéristiques d’une économie à croissance lente, animée
d’un dynamisme démographique et industriel insuffisant; depuis quinze ans, la place relative qu’occupe cette région
dans l’ensemble québécois, est en constante régression.
Jugeons-en d’après les données qui suivent.
De 1951 à 1966, la part relative de la population de la région pour l’ensemble du Québec a décru de 13.1% à 12.1%.
Sur la base de l’indice 100 en 1951, la valeur ajoutée pour l’ensemble des industries de la région
est passée à l’indice 258 en 1966; au cours de la même période, l’ensemble québécois s’est accru de l’indice 100
à l’indice 274. L’originalité, et sans doute l’une des faiblesses de cette économie, réside dans la composition de
la structure industrielle de Québec et dans la concentration continue de la production intérieure brute régionale
au sein des activités économiques relevant du secteur tertiaire.
Ce secteur tertiaire, il représentait en 1966, 71.6% de la valeur ajoutée des industries de la région alors que
le secteur manufacturier n’y contribuait que pour 19.5% et que le secteur primaire n’y représentait que 8.9%. Si nous nous reportons en 1951, nous constatons que le secteur primaire a déchu de 23.3% de ce qu’il était, que
le secteur manufacturier s’est maintenu approximativement à son niveau d’alors, soit 20.5%, mais que le secteur tertiaire
lui, a connu un accroissement important, passant de 56.2% à 71,6%, comme je le mentionnais tout à l’heure.
La ville de Québec, pour sa part, demeure essentiellement un centre de services et n’est qu’en second
lieu une ville industrielle. Ainsi, la fonction industrielle du port apparaît-elle bien mince comparée aux fonctions
commerciales et de transbordement des marchandises qui y transitent.
Québec réussit difficilement à élargir l’éventail de ses activités manufacturières et tend à se
spécialiser de plus en plus dans des activités de services de type traditionnel, là où les gains de productivité sont
potentiellement faibles.
Cinq orientations de développement
A l’opposé de Sept-Îles, dont le développement s’appuie énormément sur celui de son arrière-pays,
le développement de l’agglomération québécoise ne pourra se faire en tenant compte de cet arrière-pays qui apparaît
toujours limité, tant en ressources naturelles qu’humaines. L’organisation de l’espace régional nous semble donc devoir
s’élaborer à partir d’une prise en compte des facteurs et des contraintes de l’expansion inhérente à l’agglomération de Québec afin de porter celle-ci au rang d’une véritable métropole régionale commandant à tout l’Est québécois.
Québec, devenu pole de croissance industrielle, noyau de main-d’œuvre spécialisée, de revenus
élevés et d’activités économiques hautement productives, sera alors en mesure de rayonner, par voie centrifuge,
sur sa périphérie; grâce à quelques spécialités technologiques choisies, ces régions pourraient s’ouvrir au développement
économique par l’animation de petits centres manufacturiers déconcentrés par rapport à la métropole,
mais techniquement liés à des industries motrices localisées dans le pôle. Il nous apparaît donc souhaitable de
privilégier, comme je l’ai dit tout à l’heure, cinq orientations maîtresses de développement de cette région dont
voici la première: faire de Québec un centré portuaire majeur du front Atlantique-Nord.
I – Les progrès récents accomplis par la technologie des transports maritimes vont dans le sens d’un accroissement
spectaculaire des capacités de transport par unité navigante, réalisant ainsi une baisse substantielle
dans le coût du fret maritime par tonne de marchandise transportée.
Québec peut devenir, moyennant l’aménagement adéquat de son infrastructure fluviale et portuaire, le point de rupture de charge des océaniques gros porteurs d’un tirant d’eau supérieur à 40 pieds et ce point de rupture serait situé le plus profondément au sein du continent de tous les ports du front Atlantique-Nord ouverts à la navigation tout au long de l’année.
De là, pourraient na”tre de nouvelles fonctions portuaires:
a) centre de transbordement du vrac liquide et solide à destination des marchés de production et de consommation
de l’ouest et de l’est;
b) poste de manipulation des containers permettant l’acheminement accéléré des cargaisons jusqu’à destination finale;
c) aux opérations de transbordement des matières brutes et semi-ouvrées en provenance de l’extérieur
de la région pourrait s’associer, en aval, un certain nombre d’industries de première ou de seconde transformation
trouvant sur place les matières premières de leur propre production: que ce soit l’industrie chimique
utilisant les dérivés du pétrole, l’industrie de transformation du métal primaire, ou des minoteries.
II – La deuxième orientation maîtresse de ce développement pourrait s’exprimer ainsi: concevoir l’aménagement d’un grand parc industriel intégré à l’infrastructure portuaire.
La fonction portuaire de Québec, qui fut à l’origine de l’épanouissement de la ville, ne constitue plus de nos jours un facteur prépondérant de localisation et d’expansion industrielle spontanée. Il apparaît donc nécessaire de pourvoir aux conditions préalables à une implantation manufacturière par l’aménagement, en anticipation de la demande probable, d’un parc industriel pré-équipé comportant notamment les équipements techniques, soit l’eau, les égouts et l’énergie;
ainsi que le raccordement de ce parc industriel aux moyens de communication de la ville, de la région
et même du continent.
La multiplicité des parcs industriels existants et la faiblesse de leur taux d’occupation ne constituent pas une condamnation de ce type d’infrastructure pour la région de Québec, pour peu que l’on sache donner à
cette dernière une vocation liée à celle du port et que son site lui corresponde. Il importe également qu’une
promotion industrielle sélective soit effectuée, appuyée sur des incitations financières et fiscales appropriées,
ce que le ministère de l’Industrie et du Commerce a déjà entrepris pour l’ensemble du Québec.
III Nous en sommes maintenant rendus à définir la troisième orientation maîtresse que nous avons évoquée
tout à l’heure: promouvoir la concertation des activités dé l’État, de l’Université et de l’industrie, dans
le domaine dé là recherché et du développement technologique.
Un attrait industriel d’un caractère nouveau sera exercé sur l’Industrie technologiquement avancée par la
création de conditions favorables à l’innovation, la mise au point d’un nouveau produit ou la découverte
de nouveaux procédés de fabrication. Québec possède à cet égard plusieurs atouts: la présence de l’Université
et les chercheurs formés à son sein, un premier noyau d’activité orienté vers la recherche appliquée
grâce au regroupement sur un même toit des laboratoires des ministères techniques québécois, ce qui
constituera le complexe scientifique de Québec.
IV – Notre quatrième orientation du développement s’énonce comme suit: exploiter à fond l’industrie touristique
de la ville comme second atout au développement de là métropole.
Sur la carte des circuits touristiques de l’Amérique du Nord, Québec est une halte unique grâce à la beauté
naturelle de son environnement. Je ne voudrais mentionner que la Cote de Beaupré, l’Île d’Orléans, ainsi
que la falaise de Lévis, de même que l’originalité de son site ajouté au pittoresque du paysage urbain formé
par la vieille ville. Il semble néanmoins, que la vocation touristique de la ville pourrait être considérablement
renforcée par la mise en œuvre d’une politique touristique ambitieuse visant principalement à accroître la clientèle touristique dans son ensemble, à prolonger la durée du séjour des touristes itinérants
et à rompre le caractère trop saisonnier des afflux touristiques. Dans cette perspective, on retiendra,
entre autres, les orientations suivantes:
a) d’abord, le développement du tourisme de vacances, grâce à la conservation, à la restauration et à la réanimation
du Québec historique, à l’extension du secteur hôtelier et à la mise en place d’équipements donnant
lieu à des activités de loisirs mieux diversifiées que sont des musées, des centres culturels ou des auberges
de jeunesse;
b) le développement du tourisme d’affaires a partir d’infrastructure d’accueil du type hôtels de congrès
et palais d’exposition;
c) enfin, le développement du tourisme sportif à proximité de la ville, l’hiver, par l’aménagement de nouveaux
centres de ski ou l’extension des centres existants, alors que l’été nous pourrions accroître cet
afflux touristique par l’établissement de circuits de petite ou moyenne randonnée ou d’escalade ou autre.
V – La cinquième mesure qui nous permettrait d’accroître à un rythme accéléré le développement de la région
fait appel à une action concertée dans divers domaines:
a) la réorganisation municipale:
Effectivement, les chances de développement de l’agglomération de Québec dépendent en partie du succès
avec lequel il aurait été mis fin au morcellement du territoire, à la multiplication des services municipaux
et la faible capacité financière des collectivités locales existantes face à leurs nouvelles responsabilités.
La création de la communauté urbaine de Québec ouvre à cet égard des perspectives prometteuses,
élaboration d’un schéma directeur d’urbanisme de Québec figure déjà en tête des préoccupations de cet
organisme et votre présence ici ce soir en témoigne,
b) le réseau de transport et de circulation dans l’agglomération :
Québec ne possède pas, à l’heure actuelle, un réseau de transport digne des ambitions d’une métropole régionale.
Or, la réalisation d’un système intégrant tous les modes de transport, existants et nouveaux,
peut avoir un effet déterminant sur la configuration de la ville et son expansion future. Ainsi, le réseau,
ferroviaire et routier, urbain et suburbain, sera-t-il appelé à se développer selon les grandes orientations
dégagées sur le plan de circulation de la région métropolitaine, mieux connu sous le nom de rapport Landry;
c) le logement;
A une nouvelle expansion démographique consécutive au développement des activités localisées dans l’agglomération, doit correspondre, simultanément ou en légère anticipation, une extension du capital immobilier
de la ville, soit la disponibilité de logements en nombre et en quantité suffisante pour répondre à la
demande solvable, de même que l’accès aux logements à loyer modique financés par l’État,
d) les liaisons continentales de la métropole:
Enfin, les liaisons interrégionales et continentales de la métropole dans l’armature urbaine nord-américaine
restent à définir et, notamment, l’amélioration de l’aéroport de Québec et les possibilités offertes
par son élévation à une classe supérieure de même que la cadence et la rapidité des liaisons ferroviaires
inter-villes.
Ce cadre de références forcément incomplet est, je le répète, la première condition d’un dialogue
fructueux; il devra être précisé et surtout il devra conduire à l’action concrète. Cela nous amène tout naturellement
à discuter les deux autres éléments que je vous ai mentionnés, il y a quelques instants: les interlocuteurs
en présence et les actions concrètes.
Les interlocuteurs : la population
Il est évident que la population est de plus en plus préoccupée par les problèmes du développement
et souhaite participer aux décisions qui la concernent. Mais il est impensable, pour le gouvernement et pour
l’Office de planification et de développement, d’entreprendre des discussions avec tous les individus et tous les
groupes d’intérêt ou de pression d’une même région.
Ce serait institutionnaliser un dialogue de sourds et provoquer des affrontements stériles.
Voilà pourquoi l’Office de planification et de développement a défini les principales orientations que
pourrait prendre la participation des milieux régionaux dans un conteste de planification. Ces orientations sont
contenues dans un texte qui est actuellement soumis à la consultation auprès des conseils économiques régionaux.
Pour l’essentiel, on pourrait résumer cette politique aux grandes caractéristiques suivantes:
– l’Office encouragera la création des conseils régionaux de développement qui, à l’exception de la vaste région
de Montréal, couvriront les territoires des régions administratives;
– l’Office s’assurera que ces conseils soient représentatifs des divers centres d’intérêt et de décision des régions
concernées;
– l’Office, enfin, considérera ces conseils régionaux de développement comme des interlocuteurs privilégiés
en matière de planification régionale.
Je profite également de l’occasion pour vous annoncer la nomination de monsieur Lucien Métras comme responsable de l’application de la politique de l’Office à l’égard des C. E.R. et comme agent de liaison entre l’Office
et les conseils régionaux de développement.
Un deuxième interlocuteur dans cette entreprise de développement régional est, évidemment, le gouvernement
du Québec. Par l’ensemble de ses programmes sectoriels administrés par les ministères du Québec, par
ses structures régionales, par les responsabilités qu’il détient en propre dans les programmes de développement
régional le gouvernement du Québec a évidemment de grandes responsabilités et il entend bien les assumer entièrement.
Que l’on parle de régionalisation municipale ou scolaire, que l’on parle d’équipement ou d’infrastructure, le gouvernement du Québec a, dans la plupart des cas, l’autorité et les moyens nécessaires pour agir de façon
coordonnée et efficace. Nous reviendrons dans quelques instants sur les modalités de ses interventions possibles.
Un autre interlocuteur dans le problème du développement de votre région est le gouvernement fédéral
qui possède, de par la constitution, certains éléments de base pour orienter le développement socio-économique
(comme les ports, aéroports, etc…).
De plus, depuis quelques mois, le ministère de l’Expansion économique régionale peut, en accord
avec les provinces, déterminer des pôles prioritaires, des zones spéciales qui offrent, à condition d’y accélérer
certains investissements, des possibilités réelles de développement. Dans ce cadre, le gouvernement du Québec
a proposé formellement à Ottawa de désigner la région de Québec englobée dans la communauté urbaine, de même
qu’une partie de la rive sud, comme zone spéciale.
Les négociations se sont poursuivies normalement et nous espérons que d’ici quelques semaines, sinon
quelques jours, un accord officiel sera signé entre les deux gouvernements, qui déterminera l’ampleur et la localisation
des investissements.
Le développement de votre région, on le conviendra facilement, sera cohérent dans la mesure ou ces trois partenaires, la population par la voix du C.R.D. et les gouvernements de Québec et d’Ottawa assumeront
leurs responsabilités respectives.
Que votre Conseil économique régional soit, d’abord et avant tout, un interlocuteur dans la définition
des objectifs et des grands moyens de développement, cela implique que son rôle n’est absolument pas identique à
celui des groupes particuliers d’intérêt ou de pression, qu’il doit précisément coordonner.
De même, entre les deux paliers de gouvernement, la concertation nécessaire à leur action ne sera
possible que dans la mesure où ils réussiront à clarifier les équivoques qui, trop souvent, font obstacle à une
coopération efficace.
Pour le gouvernement du Québec, cette loi des zones spéciales est un instrument parmi d’autres,
dans l’ensemble des moyens qui assureront le développement régional. Nous entendons utiliser à fond pour le développement de votre région cet instrument monétaire qu’est le ministère de 1’Expansion économique régionale.
Nous ne négligerons pas pour autant le recours à d’autres instruments de développement, soit de compétence québécoise,
soit de compétence fédérale.
L’utilisation de l’instrument des zones spéciales, aussi bien que des autres instruments mis à notre disposition, ne devra pas bouleverser le jeu des priorités coopération efficace.
Pour le gouvernement du Québec, cette loi des zones spéciales est un instrument parmi d’autres, dans l’ensemble des moyens qui assureront le développement régional. Nous entendons utiliser à fond pour le développement de votre région cet instrument monétaire qu’est le ministère de l’Expansion économique régionale.
Nous ne négligerons pas pour autant le recours à d’autres instruments de développement, soit de compétence québécoise, soit de compétence fédérale. L’utilisation de l’instrument des zones spéciales, aussi bien que des autres instruments mis à notre disposition, ne devra pas bouleverser le jeu des priorités que requiert le développement équilibré des territoires en cause et il se trouve qu’à cet égard le Québec veut assumer pleinement son rôle.
Nous avons esquissé brièvement au cours de cet exposé le contenu de notre dialogue, les rôles et
les fonctions des interlocuteurs en présence et les modalités d’action qui doivent donner à ce dialogue toute sa signification.
Le défi que représente la mise en valeur de la région de la capitale est à la mesure du Québec d’aujourd’hui
et la population de la région doit y jouer à la fois un rôle d’acteur et de témoin privilégié. Il est une
certaine façon de concevoir le développement qui suppose un examen lucide des contraintes et des besoins et qui
propose des objectifs et des défis.
Toutefois, le développement n’est pas un acte contemplatif, il suppose des interactions et souvent
même des confrontations entre les partenaires dont les intérêts sont parfois divergents. Enfin, le développement
suppose des choix souvent difficiles entre divers moyens. Le véritable dialogue doit permettre la cohérence entre
tous ces éléments; c’est cette forme de dialogue que j’ai voulu vous proposer ce soir.
<Masse19700311>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
LORS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE SUR LA STRATÉGIE FÉDÉRALE ET LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC LE 11 MARS 1970>
« La situation de la province de Québec étant ce que nous venons de décrire, il est de toute première importance
que soient trouvées, et le plus vite possible, des solutions aux différents problèmes qui s’accumulent depuis
au moins la fin de la deuxième guerre mondiale. Nous nous rendons bien compte que l’attente ne pourra se prolonger
indéfiniment: ou la province trouvera elle-même ces solutions, ou elles lui seront imposées par d’autres. La
question est donc de savoir si, au moment où elle est en train de connaître la plus grande transformation de son
histoire, la province se contentera de subir les événements, de suivre le courant et d’accepter de plus en plus de solutions
de rechange que d’autres auront pensées pour elle, ou si elle entend prendre en mains la conduite de son propre
destin et la direction de sa propre histoire, s’organisant selon un idéal inspiré de sa propre philosophie, sachant
ce qu’elle veut et pleinement consciente du but à poursuivre ainsi que des moyens d’y parvenir.
Si la province décide de jouer ce dernier rôle, le seul, à notre avis, qui lui convienne et soit digne
d’elle, il est hors de doute qu’elle doit présenter ses propres solutions, et cela en s’inspirant de la conception de
l’homme, de la vie et de la société qui anime encore l’immense majorité de sa population. D’autre part, la province faisant partie de la Confédération, il est non moins évident qu’il lui faut tenir compte de cette situation de fait et de droit. Toute recherche de solutions aux problèmes du Québec suppose donc, au préalable, une option fondamentale
concernant le cadre politique dans lequel entend vivre sa population.
A cet égard, et théoriquement tout au moins, trois voies lui sont possibles : la voie du séparatisme, la
population cherchant à rompre le lien fédératif et à édifier un État complètement indépendant; la voie de l’unitarisme,
la province acceptant de disparaître comme unité politique et de se fondre dans le grand tout canadien; la voie du fédéralisme, la province acceptant de vivre en associé distinct et autonome dans l’État canadien. L’importance d’un
tel choix saute aux yeux : selon que la province entend se séparer de la Confédération ou y rester, et y rester,
non pas en se dissolvant, mais en se maintenant comme unité politique autonome, tout prendra une allure différente
: c’est pourquoi nous parlons d’une option fondamentale!
Lé Québec définit ses positions
Devant les positions très fermes que le Québec fit valoir à la suite de la présentation en 1956 du
rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (rapport Tremblay), le gouvernement
du Canada a eu recours à des arrangements ad hoc dont il n’est pas certain qu’il ait toujours saisi la portée
administrative et politique; il espérait surtout qu’ils mettraient un terme aux demandes québécoises.
Les demandes québécoises ne cessèrent pas pour autant, car elles se fondaient sur définition nouvelle que le Québec se donnait de lui-même.
Le fédéral durcit son attitude
Devant la cohérence et la constance des positions québécoises, le gouvernement fédéral sentit à la longue le besoin de durcir son attitude. Cette nouvelle attitude débuta vers la fin de 1965. C’est, cependant, au cours des derniers mois que nous venons de vivre, à la suite de certaines études, de nombreux livres blancs, de prises de positions catégoriques et de l’adoption de diverses lois, comme par exemple celle des langues officielles, et grâce également à une majorité parlementaire, que la politique dorénavant bien arrêtée du gouvernement central face au Québec s’est exprimée sous la forme de certains objectifs stratégiques:1) donner au Canada un gouvernement fédéral puissant; 2) parlant au nom de tous les Canadiens, quels qu’ils soient; 3) et constitutionnellement équipé pour faire face aux problèmes des années 1970.
Pour atteindre ces objectifs qui n’excluent pas les autres qu’il peut s’être fixés, par ailleurs, et qui peuvent être objectivement fort valables, le gouvernement fédéral a décidé de:1) réorganiser graduellement toute sa structure administrative et assainir sa situation financière; 2) contester au Québec son rôle de porte-parole et de point d’appui du Canada français;
3) et profiter de la présente révision constitutionnelle pour se voir confirmer ou acquérir les pouvoirs dont il estime avoir besoin dans les années qui viennent.
Le gouvernement fédéral estime que les objectifs qui précédent, surtout les deux premiers, sont d’une telle importance qu’ils transcendent la répartition actuelle des pouvoirs entre secteurs de gouvernements. Il en résulte, pour lui, un besoin actuel d’exercer toute la pression voulue par ses pouvoirs financiers considérables grâce à son interprétation de la constitution.
Il voit aussi à orienter la réforme constitutionnelle pour qu’elle lui garantisse la perpétuation de sa mainmise totale.
En outre, il utilise toutes les occasions propices pour nier au Québec, dans les faits et en principe, sa caractéristique d’être le foyer principal du Canada français.
Enfin, il prend graduellement toutes les dispositions voulues pour rendre visible et frappante la présence fédérale au Québec.
Dans cette perspective, et parce qu’il croit que la réalisation de ses objectifs permettra au Canada,
tel que nous le connaissons aujourd’hui, de survivre – but ultime – le gouvernement fédéral considère instinctivement
comme néfaste et hérétique tout gouvernement ou tout groupement qui préconise une politique différente de
la sienne et qui ne partage pas les mêmes priorités que lui. Il en vient ainsi à une sorte de dogmatisme fondamental
à partir duquel toute déviation de la ligne générale établie par lui peut, à ses yeux, prendre figure d’illogisme,
d’inconscience, de conservatisme ou de velléité sécessionniste.
Comme les gouvernements des États constituants, en particulier celui du Québec, peuvent constituer
de tels obstacles s’ils s’obstinent à vouloir jouer un rôle autre que celui d’administrations régionales dociles, il en
résulte nécessairement des frictions. Selon la constitution actuelle, ces frictions sont inévitables car les provinces
ont tout de même des pouvoirs importants.
Aussi, afin d’atteindre ses objectifs, le gouvernement fédéral présente-t-il ses politiques sous le
jour le plus attrayant possible afin que la population les appuie, tout en manifestant ouvertement son désir de ne
pas s’occuper de domaines provinciaux. Cela vise à couper l’herbe sous le pied des provinces et à donner aux
opposants éventuels figures d’attardés, de pessimistes ou de séparatistes.
Il essaie également de projeter l’image d’un gouvernement préoccupé de l’avenir, contrairement aux
gouvernements provinciaux qui, eux, devraient s’en tenir à la solution de problèmes d’intérêts locaux. De la sorte,
il espère assumer graduellement la conduite globale des affaires au Canada laissant l’intendance et les questions secondaires aux gouvernements provinciaux inférieurs.
Les tendances centralisatrices actuelles sont globales. Malgré le caractère d’apparence rationnelle
et la solide logique interne de l’attitude fédérale qui vient d’être esquissée, il est évident, comme on l’a mentionné,
que le gouvernement central n’atteindra pas facilement les objectifs mentionnés. Il trouvera devant lui un bon nombre
de difficultés de toutes sortes. Mais l’une des plus importantes risque fort d’être la résistance offerte par les provinces,
et surtout par le Québec. Du moins, c’est ce qu’on peut déduire de la façon dont, historiquement, certaines
de celles-ci ont réagi devant des tendances centralisatrices. Cependant, les tendances centralisatrices dont il s’agit maintenant diffèrent des autres en ce sens qu’elles viendront systématiquement de tous les côtés à
la fois. Ainsi, elles viseront, une fois pour toutes, à bien ancrer la prépondérance fédérale sur des bases factuelles
et juridiques indéniables. Dans le passé, de telles tendances se sont manifestées à l’occasion d’une conjoncture
favorable (après-guerre, etc..) et n’ont jamais eu comme motivation constante l’établissement d’un gouvernement
fédéral totalement prépondérant qui aura su au moment opportun se réserver les domaines vraiment vitaux
et déterminants. Certains Pères de la Confédération ont, en 1867, souhaité le faire, mais, pour diverses raisons,
les unes immédiates, les autres ultérieures, n’ont pu entièrement y réussir.
Or, il n’est pas impossible que, d’une part s’appuyant sur des exigences qui découlent de la responsabilité
des administrations modernes et d’autre part sur des techniques de propagande et de lutte politiques directes, le
gouvernement fédéral essaie présentement de réaliser ce vieux rêve.
Opposition des provinces.
Toutefois, aucune administration ne se laisse à prime abord absorber par une autre. Il y a toujours des
résistances. Ces provinces n’auront cependant peut-être pas à poser des gestes dramatiques impliquant un abandon de leurs compétences. Le gouvernement fédéral ne leur demandera pas de pousser l’abnégation jusque là.
Tout au plus verra-t-il, notamment au cours de la présente révision constitutionnelle, à établir dès maintenant les
conditions psychologiques et politiques propices à une centralisation ultérieure qui sera, entre temps, perçue comme
logique et acceptable. Il n’est donc absolument pas nécessaire maintenant que le gouvernement fédéral prenne brusquement la responsabilité exclusive de domaines jusqu’ici provinciaux.
Il n’a qu’à conserver intact son pouvoir de dépenser qui lui a si bien servi dans le passé. Il lui est même loisible,
dans un geste d’apparente générosité, de concéder aux provinces des champs d’action complets envers lesquels
il a pourtant toujours démontré beaucoup d’intérêt.
Pour atteindre son but, il lui suffit tout simplement, en plus de conserver l’essentiel des pouvoirs
qu’il détient déjà, de se réserver constitutionnellement la possibilité de s’associer aux efforts des provinces
« dans des domaines d’intérêt national » (comme l’enseignement supérieur, la recherche scientifique, le développement
régional, les problèmes urbains et les loisirs), de prétendre à une compétence exclusive dans des secteurs
comme les communications, les relations avec l’étranger (économiques, financières, et culturelles) et les pouvoirs
résiduels et de se voir confier une sorte de responsabilité générale quant au respect des droits fondamentaux des citoyens,
à la protection des minorités, à la lutte contre l’inégalité sociale et à l’uniformité de certaines mesures
législatives d’une province à l’autre.
Attitude apparemment conciliatrice d’Ottawa.
Peu de provinces pourront au cours des discussions constitutionnelles ou à l’occasion de pressions fédérales,
trouver des raisons sérieuses de refuser au gouvernement central la possibilité d’intervenir exclusivement
ou partiellement dans les secteurs qui viennent d’être mentionnés. Dans les cas où la responsabilité ne lui sera pas
exclusive, elles seront rassurées par la promesse que le gouvernement fédéral agira en consultation et en coopération
avec elles. De plus, la population de langue anglaise n’a au fond pas d’objection fondamentale à ce genre d’arrangements,
car cela lui parait aller de soi.
Ce qu’il faut absolument comprendre, c’est que, si le gouvernement fédéral, après la négociation constitutionnelle
ou à la suite de son action sur l’opinion publique ou de ses pressions politiques, financières ou fiscales,
dispose en tout ou en partie des pouvoirs mentionnés précédemment, il sera dans une position prédominante et rien
ne pourra empêcher la centralisation graduelle et l’émergence d’un État canadien pratiquement unitaire.
Pour obtenir ce contrôle total ou partiel, le gouvernement fédéral est certes prêt à des échanges. C’est pourquoi il n’hésitera pas à sauvegarder certaines apparences ou à se départir de secteurs d’action que les provinces ont parfois réclamés, mais dont l’importance pour la direction de la société de l’avenir est devenue bien mince.
Réactions du Québec.
Si le gouvernement fédéral, poursuivant l’objectif général décrit précédemment, peut s’attendre à quelques difficultés avec les autres provinces, il est bien évident que c’est du Québec qu’il a à escompter le plus de revers éventuels.
La raison en est bien simple: le Québec ne vise pas seulement à ce que l’administration du pays soit décentralisée; il a toujours tenu à conserver les pouvoirs qu’il a et désire maintenant les accroître pour pouvoir mieux
jouer son rôle de point d’appui du Canada français. Plus précisément, dans la perspective centralisatrice qui a été
esquissée plus haut, il résistera d’autant plus à l’érosion de ses pouvoirs qu’il y verra une atteinte à son essence
même et un mouvement contraire à sa tendance traditionnelle d’autonomie ».
Pourtant, le gouvernement fédéral peut fort bien, et sincèrement, tenter en quelque sorte de « renverser
la vapeur » en donnant l’impression, d’une part, qu’il prend la relève du Québec et, d’autre part, qu’il représente dorénavant de façon adéquate les deux principales cultures du pays. S’il réussit vraiment à faire accepter cette image
d’un gouvernement fédéral biculturel et bilingue, s’il peut aussi démontrer que sa politique a quelques résultats tangibles,
certains seront portés à croire que la destinée du Canada français peut être désormais mieux assurée par
un tel gouvernement fédéral que par un Québec fort. Il pourra s’ensuivre que des gens bien intentionnés accepteront
sans trop de réticence une centralisation qui ne présentera plus à leurs yeux les mêmes dangers d’assimilation
qu’autrefois.
Évidemment, si en fait il y avait de sérieuses raisons de croire en la réussite concrète et définitive
d’une telle politique fédérale, le présent exposé perdrait une bonne partie de sa raison d’être . Mais tel n’est pas
le cas. même s’il est possible et nécessaire que les franco-canadiens vivant dans les autres provinces du pays
voient leur sort s’améliorer, il demeure évident, pour des raisons démographiques, que c’est seulement au Québec
que la société canadienne-française a et continuera d’avoir les chances les plus considérables de s’épanouir. De plus,
face à un Québec qui ne disposerait plus de leviers puissants, on peut se demander si le gouvernement fédéral et
si les autres provinces ne se désintéresseraient pas tranquillement du « fait français ». Cela est d’autant plus plausible que la cause du bilinguisme et du biculturalisme est devenue une préoccupation au Canada lorsqu’on s’est rendu compte que le Québec voulait des réformes sérieuses, et qu’il était décidé à les obtenir. En d’autres termes, sans
le dynamisme du Québec et sans la « menace » qu’y a vu le reste du Canada, quel intérêt aurait soulevé la question
du bilinguisme ? En outre, il reste à prouver qu’au delà des déclarations d’intention, il y a progrès réel, ce qui
n’est pas fait. C’est donc dire que le Québec doit être fort, le demeurer et chercher à le devenir davantage parce
qu’il est le foyer d’une véritable société et parce que sans sa pression rien ne changerait au Canada.
Les objectifs fédéraux mentionnés précédemment dans ce document peuvent toutefois difficilement se réaliser si l’autorité centrale ne tente pas au préalable de corriger une situation de fait à laquelle elle a dû se résoudre au cours des années passées, face à la ténacité québécoise.
Le Québec jouit actuellement d’une espèce de régime particulier qui provoque des différences assez
importantes entre lui et les autres provinces. On peut par exemple penser à son retrait des programmes conjoints,
à l’abattement fiscal qui est plus considérable pour lui que pour les autres provinces, à son système fiscal quelque
peu différent, à l’existence de son Régime de rentes et de sa Caisse de dépôt , aux relations qu’il maintient dans
certains domaines avec d’autres pays et à ses activités internationales en général, etc… On pourrait ajouter de
multiples autres exemples.
Pour l’autorité centrale, ce sont là, à des degrés divers, des obstacles à cette uniformité relative
qu’il cherche, depuis deux ans, à appliquer aux relations provinces – gouvernement fédéral. Il lui importe donc de
s’efforcer habilement de faire disparaître le particularisme québécois, autrement les relations Québec-Ottawa continueront
d’être différentes des relations qui existent administrativement et politiquement entre les autres provinces
et le gouvernement fédéral. Cela freinerait la centralisation visée.
C’est pourquoi le gouvernement Trudeau veut « normaliser » la situation. D’où la lenteur à en arriver,
avec le Québec, à une formule de retrait définitif des programmes conjoints dans l’espoir qu’il puisse avoir le
temps d’imposer la même formule aux autres provinces; d’où proposition, dans son Livre blanc sur la sécurité du
revenu, d’un pouvoir fédéral prépondérant en matière de régime de rentes; d’où offensive concertée et majeure
pour exclure à peu près totalement le Québec du domaine des relations internationales, etc…
»Normalisation » du Québec.
Le Québec court donc présentement le danger de se voir « réduit » par une série de gestes qui, quoique apparemment indépendants les uns des autres, n’en proviennent pas moins de l’application d’une politique systématique
et bien arrêtée. Par ailleurs, cette politique s’applique aussi à la négociation constitutionnelle. Le gouvernement
fédéral voudra profiter de celle-ci pour asseoir son autorité abusive de façon définitive.
A ce propos, on peut se rappeler la réticence initiale du gouvernement du Canada à s’engager dans
la réforme constitutionnelle. Cette réticence tenait en bonne partie au fait qu’il craignait la réforme constitutionnelle
parce qu’il n’était pas prêt. Avec le temps, cependant, il a fini par comprendre que le processus engagé pouvait
tourner à son avantage s’il en résultait pour lui un accroissement de pouvoirs. Il est également significatif qu’il
n’ait accepté de discuter de diverses questions qu’au moment où il était en mesure de publier des livres blancs
énonçant clairement sa politique, c’est-à-dire seulement au moment où il était prêt, peu importe les priorités mises
de l’avant par certaines provinces.
Essentiellement, comme on l’a déjà mentionné, il tient à s’assurer la prépondérance dans les domaines
qui, selon diverses études, seront déterminants de la société des années 1970 et 1980. De plus, il a établi
comme principe majeur du fédéralisme canadien que le Canada devrait être formé d’un gouvernement fédéral
fort et de gouvernements provinciaux forts, ce qui en fait ne veut pas dire un équilibre de forces, mais la prépondérance provinciale dans les secteurs d’intérêt local. Ou, si l’on veut, la prépondérance du gérant dans l’administration
et celle de l’employé dans l’exécution.
Si le Québec se laisse minimiser comme il semble que ce soit présentement l’intention du gouvernement
actuel à Ottawa, et si, au surplus, il abandonne au gouvernement central tous les secteurs d’action où celui-
ci décrète qu’il peut y avoir « intérêt national », il perdra, malgré certaines apparences, toute véritable souveraineté.
Il sera devenu, grâce à la nouvelle constitution, une « province comme les autres ».
Selon la technique de discussion agio-saxonne, il faut éviter de poser des problèmes de principe. Il faut plutôt résoudre les questions à mesure qu’elles se présentent.
De par sa situation minoritaire, c’est fatalement dans ce genre de processus que le Québec s’engage dès lors qu’il entreprend une négociation avec le gouvernement fédéral et les autres provinces. Le processus n’est pas automatiquement mauvais, ni nécessairement dangereux, si le Québec en est conscient.
Ceci dit, il faut savoir que le processus est déjà en marche. Aussi, importe-t-il au Québec dans la présente négociation constitutionnelle de manifester très clairement, le cas échéant, son refus de certaines positions fédérales. Et ce, dès que celles-ci sont dévoilées. Autrement, si le Québec se contente de recevoir passivement des propositions qu’il sait devoir lui être inacceptables, il laissera l’impression qu’il ne s’y oppose pas. Pour ses interlocuteurs,
de là à croire qu’il les accepte, il n’y a qu’un pas. Leur psychologie leur permet de le franchir aisément.
Dans ces conditions, toute opposition ultérieure de la part du Québec même parfaitement fondée prendrait figure de
changement inattendu d’opinion. Cela ne semblerait ni sérieux, ni propice à cette unité canadienne qui, pour les Québécois,
n’exclut absolument pas la présence et l’action au sein du Canada d’un Québec puissant, dynamique, et surtout fidèle à sa vocation historique. Le problème peut donc se formuler ainsi: comment intégrer le Québec nouveau dans le Canada d’aujourd’hui, sans restreindre l’élan québécois, mais aussi sans risquer l’éclatement du pays ».
Offensive fédérale
Pour bien asseoir son autorité sur le Québec, le gouvernement fédéral ne se fiera pas seulement à la réforme
constitutionnelle. Au contraire, comme il a commencé à le faire, il posera des gestes politiques constants,
fréquents, précis et ordonnés, c’est là, dans l’immédiat, qu’est le plus grand danger. Il est rarement arrivé, dans le passé, que
le gouvernement fédéral essaie autant que maintenant de rejoindre directement les citoyens québécois. D’une part,
le Québec, pendant longtemps, posait peu de problèmes quant à l’avenir de la Confédération; d’autre part, il y
avait, à Ottawa, peu de Canadiens français susceptibles d’être écoutés. Aujourd’hui, les choses ont changé sur
les deux plans. C’est ainsi que, peut-être pour la première fois depuis 1867, le gouvernement fédéral tentera de
prendre directement pied sur le territoire du Québec et dans l’esprit des Québécois, et ce par des Québécois.
Toutes les techniques de communication moderne seront utilisées: discours, entrevues télévisées, annonces à la télévision, « petits panneaux » concernant les projets de construction, articles dans les journaux et les revues,
visites sur place de personnalités politiques fédérales, publicité à ces visites et aux déclarations faites alors,
brochures, feuillets, communiqués de presse (bientôt Information-Canada), etc…
Le but d’une telle offensive (car c’en sera une, et elle est déjà commencée) est de démontrer à la
longue que le gouvernement fédéral est partout mieux placé, plus compétent, plus compréhensif, plus efficace que
le gouvernement du Québec pour résoudre les problèmes des Québécois. Cette offensive est motivée par une crainte
qu’entretient actuellement le Premier Ministre Trudeau, à savoir que l’existence d’un gouvernement du Québec
fort et autonome est à tout instant apte à remettre en cause le cadre confédératif lui-même. En effet, un tel
gouvernement, croit-on, peut toujours tomber aux mains de partis politiques plus ou moins nationalistes qui s’en
serviront comme instrument de puissance et qui créeront de la sorte des tensions dans un pays où l’objectif est de
les faire disparaître à tout prix, sous prétexte qu’elles engendreront des préoccupations inutiles dans le monde
moderne. À ce point de vue, pour le gouvernement fédéral actuel, tous les partis politiques québécois sont suspects,
certains plus que d’autres…, et aucun n’est entièrement fiable.
Il est toujours possible, pour atteindre l’objectif mentionné plus haut, de susciter un parti politique
québécois d’obédience fédéraliste ou centralisatrice orthodoxe. Il est possible aussi de noyauter à cette fin un
parti existant. Mais la technique n’est pas absolument sûre. On ne doit jamais oublier, en effet, que les dirigeants
québécois, quels qu’ils soient, ne sont pas seulement les administrateurs d’une province; qu’ils le veuillent
ou non, ils assument un destin, celui du Canada français.
C’est pourquoi, dans sa perspective actuelle, il est essentiel au gouvernement fédéral d’une part de minimiser ce fameux destin et, d’autre part, de se montrer quotidiennement soucieux du bien-être des Québécois.
Aussi, jouant le tout pour le tout, on attaquera par de biais ou directement, honnêtement ou pédagogiquement,
les valeurs nationalistes en les ridiculisant, en les niant ou tout simplement en démontrant qu’elles sont dorénavant
dépassées. On affirmera que les véritables champions du Canada français sont désormais à Ottawa et on
laissera entendre qu’il faut vraiment peu d’envergure intellectuelle pour penser ou laisser croire que le Québec
continue, dans le monde moderne, d’être le point d’appui du Canada français.
On profitera de toutes les circonstances possibles pour montrer que le « nationalisme » a été et est la cause des maux du Québec. On prouvera, chiffres à l’appui, que le Québec se préoccupe de choses peu importantes
comme les questions constitutionnelles et qu’il perd de l’argent à défendre des positions autonomistes désuètes.
On ira faire état, dans toutes les régions du Québec, des largesses que le gouvernement fédéral consentirait à la
population si ce n’était de l’obstination bornée d’un « gouvernement provincial » qui ne veut pas collaborer. On annoncera
que des sommes énormes sont disponibles pour ceci ou cela, mais que le gouvernement du Québec les refuse
pour cause de chinoiseries juridiques ou d’obstruction partisane. On promettra à peu près tout et on blâmera le gouvernement du Québec de planer dans les nuages au niveau de conceptions démodées et de principes qui n’intéressent
pas les gens sensés. On s’adressera directement aux citoyens des villes et aux municipalités et tranquillement
on reprochera au gouvernement du Québec tout ce qui ne va pas. Des exemples de cela sont nombreux: Forillon,
assurance-maladie, habitation, rénovation urbaine, minorités ethniques, etc…
A cette fin, certains ne reculeront pas devant la démagogie ou les slogans faciles. Us tenteront même
de détruire la réputation des personnes qui s’opposent au vaste dessein fédéral. Ils mettront tout en œuvre aussi
bien en influençant les journaux, en faisant discrètement nommer des éditorialistes favorables à l’Orthodoxie, en
encourageant ceux qui sont déjà en place, en contrôlant Radio-Canada, en répercutant la théorie officielle à travers
le monde et en minimisant la place, le rôle et la signification du Québec, et ce tant au Canada qu’à l’étranger.
Et surtout on essaiera, aussi longtemps que possible, de priver le Québec de ressources financières et
fiscales indispensables car un gouvernement du Québec riche est, aux yeux du gouvernement fédéral un gouvernement
dangereux car il a les moyens d’agir et de s’affirmer.
Le Québec, »une province comme les autres
Pourquoi, en définitive, cet acharnement ? D’abord parce que, dans l’optique fédérale actuelle, le Québec ne peut ni ne doit être autre chose qu’une « province comme les autres ; toutes les provinces doivent être sur le même pied, parce qu’elles doivent à la longue devenir dociles. Le Québec n’est pas seulement ici en face d’une stratégie politique; il a affaire à une idéologie.
En outre, il existe à Ottawa une théorie selon laquelle, dans l’avenir, le pouvoir politique s’exercera,
à cause des progrès de l’urbanisation, par l’entremise de grandes communautés urbaines ou métropoles sous la direction
générale d’un gouvernement central. Selon ce point de vue, les gouvernements provinciaux actuels sont des administrations
appelées à perdre graduellement de leur importance. Des liens directs devraient donc désormais s’établir entre le gouvernement central et les agglomérations métropolitaines où vivra la majorité de la population.
Certaines velléités fédérales récentes (intérêt dans les affaires urbaines, par exemple) ne font qu’anticiper sur
cette évolution.
« À partir du moment où, dans une fédération, le pouvoir central décide de faire du développement
des ressources humaines, l’une de ses principales responsabilités, il est amené à élaborer une stratégie à l’échelle
du pays qui fatalement suppose qu’il devienne le grand inspirateur et la dernière instance en matière d’éducation, de
politique de main-d’œuvre, de santé, de sécurité sociale et d’aménagement régional » (J.M. Léger).
Enfin, certains politiciens et fonctionnaires fédéraux se rendent bien compte que c’est dans les domaines actuellement de compétence provinciale qu’il y a le plus de choses intéressantes et constructives. On n’est pas élu au
Québec parce qu’on a réussi à vendre à Chine du blé canadien ” C’est pourquoi, chez plusieurs députés fédéraux
québécois, on aimerait bien, d’une façon ou de l’autre, se mêler de questions qui intéressent de plus près les citoyens.
On en arrive aussi à confondre les mandats: au lieu d’être député fédéral pour s’occuper de sujets fédéraux, on l’est
pour s’occuper de tout puisque, finit-on par croire, le gouvernement fédéral ayant dans son optique une responsabilité
prépondérante dans tout ce qui touche les citoyens. Et quand cette responsabilité n’est pas suffisamment claire, on invoque l’intérêt national ».
Il y a aussi une autre raison et elle est triste à mentionner. Quelques Canadiens français sont
maintenant au pouvoir à Ottawa. La conjoncture leur est favorable et ils ont des moyens d’action à leur disposition.
Ils doivent, devant le Canada anglophone, prouver leur puissance, leur efficacité et leur loyauté. C’est leur façon
à eux d’être « nationalistes ». La plupart sont sincères et compétents, mais le système finit par les opposer fatalement
à d’autres politiciens québécois. Aux yeux des Canadiens anglais, les politiciens fédéraux canadiens français
et les politiciens québécois peuvent difficilement être des alliés, peu importe les partis en cause, et doivent même naturellement s’opposer car les uns œuvrent sur le plan « national », donc illimité, et les autres sur le plan
« local », donc restreint. Lorsqu’on regrette qu’ils ne s’entendent pas, c’est, suppose-t-on, parce que les politiciens
québécois comprennent mal 1′ »intérêt national ». Des politiciens fédéraux se trouvent ainsi amenés, par la force des
choses et par une rationalisation inconsciente, à faire carrière en faveur des Canadiens en général et, à la rigueur,
des Québécois, mais certainement contrôle gouvernement du Québec, obstacle traditionnel à la centralisation et bastion
institutionnel d’un « régionalisme » que certains assimilent volontiers à l’esprit de clocher.
Victimes de curieux méandres politiques et psychologiques, ces politiciens québécois se trouvent ainsi à miner par leurs gestes, leurs attitudes et leurs déclarations, la seule institution qui appartienne vraiment aux Canadiens français: le gouvernement du Québec. Ce faisant, ils ne se rendent pas toujours compte qu’ils s’attaquent
à un gouvernement qui est un instrument imparfait et incomplet peut-être du Canada français, mais un instrument
réel tout de même. En échange, ils proposent un autre gouvernement, celui du Canada, qui n’est « pro-canadien
français. Il que depuis quelques années (et encore), mais qui surtout ne pourra pas toujours le demeurer quoi qu’on espère,
ne serait-ce qu’à cause des mutations qu’entra”ne la succession d’élections. Le Québec pourrait certes jouer le jeu et, par une intégration lucide, accepter désormais Ottawa comme guide, protecteur et levier. Mettre tous ses œufs dans le même panier est peut-être , parfois, un geste de courage; mais dans bien des cas, comme le présent, ce serait sans contredit un geste de témérité ! Il suffit d’un peu de perspective historique et de réalisme pour s’en rendre compte.
Gestes fédéraux récents
Maintenant qu’on a pu cerner la stratégie fédérale sous-jacente aux politiques mises de l’avant par
Ottawa, il faut en voir des manifestations concrètes.
Certains exemples en ont été donnés dans ce qui précède. Il est bon d’y revenir ne serait-ce que pour en montrer l’étendue et la portée en se limitant aux toutes dernières semaines: refus du transfert net de ressources réclamées depuis
longtemps; retard à terminer la période de transition dans le cas des programmes conjoints;
refus de reconsidérer le site du nouvel aéroport international et incertitude quant à l’aménagement
de ses environs; refus de remettre au Québec les $200 millions perçus pour l’assurance-maladie;
refus de reconnaître la primauté des provinces dans le domaine de la sécurité sociale; volonté du gouvernement fédéral de prendre le contrôle dans le domaine de l’assurance sociale, comme le régime des rentes et les pensions, primauté
actuellement exercée par les provinces selon un droit reconnu par la constitution;
négation au Québec du droit de s’exprimer sur la scène internationale dans les domaines de sa compétence;
refus du gouvernement fédéral d’honorer ses engagements en matière de rénovation urbaine, même
lorsque ceux-ci ont été pris par arrêté en conseil en tentant de rejeter le blâme sur le Québec; chantage fait au Québec à même les sommes dues à celui-ci en vertu d’ententes formelles signées par les deux gouvernements;
tentative du gouvernement fédéral de prendre le contrôle des cours d’eau les plus importants sous
prétexte de lutter contre la pollution; intervention directe au niveau des municipalités, sans tenir compte du droit des provinces dans ce domaine.
Cette liste est cependant incomplète pour deux raisons; d’une part, certains gestes fédéraux n’y apparaissent
pas, étant moins facilement identifiables ou moins importants, d’autre part, on n’y mentionne pas la
création d’une atmosphère politique jamais vue jusqu’ici.
Il faut s’y arrêter un instant. Une propagande politique omniprésente. Des ministres et députés fédéraux parcourent
le Québec non pas pour s’attaquer directement au gouvernement du Québec, mais pour évoquer des promesses
qui se réaliseraient si ce gouvernement voulait bien mettre de côté son « nationalisme stérile ». C’est ensuite le
gouvernement du Québec qui doit se justifier. Par ailleurs, le fédéral suscite des expressions d’opinions de divers citoyens
en vue ou d’associations diverses qui vont dans le même sens. Des éditorialistes font la même chose. Des
« porte-parole » fédéraux anonymes font de fréquents « briefings » ou énoncent des vues qui vont aussi dans le même sens, ou
annoncer comme imminent le règlement de difficultés fédérales-provinciales qui, bien souvent, font l’objet de négociations
encore en cours. Dans tous les cas toutefois, c’est le gouvernement du Québec qui parait être l’obstacle
à des politiques fort valables. On crée aussi une opinion publique défavorable au gouvernement du Québec. On n’hésite
pas, selon les besoins de la cause, à présenter ce gouvernement soit comme conciliant (dans le sens de peu
alerte ou naïf), soit comme obstiné (dans le sens de borné ou de négativement nationaliste). On cite même des apparences
de preuve , des contradictions entre ministres québécois, etc… En somme, on n’assiège peut-être pas le Québec, mais il faut se rendre compte qu’on y conduit une propagande subtile, à sens unique, omniprésente, habile et favorable aux objectifs fédéraux qu’on présente comme hautement raisonnables. En petits groupes, ou lors de briefings on attaque même les personnes, ministres ou fonctionnaires québécois, qui paraissent susciter des obstacles.
Et on manifeste peu d’admiration envers ceux qui ne suscitent pas d’obstacles…
Eu surplus, il faut tenir compte de certaines politiques fédérales possibles qui, sans être annoncées officiellement,
sont évoquées soit dans des comités parlementaires, soit dans des discours, soit lors de conférences
fédérales-provinciales techniques: affaires urbaines, sports et loisirs, enseignement universitaire, recherche scientifique, etc… Ici, on provoque des aspirations qui sont ultérieurement transformées en requêtes et qui finissent
par faire l’objet d’un « intérêt national ».
Conclusion
Les velléités centralisatrices viennent de partout et sont diffusées partout, sur le territoire du Québec,
par dessus la tête des dirigeants québécois et dans des domaines relevant la plupart du temps de la juridiction
constitutionnelle du gouvernement du Québec.
<Masse19700313>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC PRONONCÉE LORS DU CONGRÈS ANNUEL DE L’UNION DES MUNICIPALITÉS AU CHATEAU FRONTENAC SUR L’ORGANISATION MUNICIPALE
DÉVELOPPEMENT ET PLANIFICATION LE 13 MARS 1970>
Si j’avais eu à m’adresser à vous à titre de ministre des Affaires intergouvernementales, j’aurais sans doute pu aborder l’aspect constitutionnel du statut juridique des municipalités. Mais étant donné le thème de votre rencontre, j’ai cru que vous vous étiez surtout adressé à moi à titre de ministre de la planification.
C’est pourquoi j’aborderai dans une perspective québécoise, un sujet de portée universelle: celui des relations entre
le développement, la croissance économique, l’urbanisation et les gouvernements municipaux.
Ce sujet est universel en ce sens que le phénomène de développement qui permet la croissance économique semble être accompagné ou précédé, partout dans le monde, d’un mouvement d’urbanisation lequel, entre autres effets, force une révision du rôle, des fonctions, des juridictions et de la structure des gouvernements municipaux. Le Québec n’échappe pas à cette loi de l’évolution des sociétés modernes.
Urbanisation
Le problème pourrait se poser dans les termes suivants. Dans quelques années – tout au plus dix
ans – au-delà de 80 à 85% de la population québécoise sera concentrée dans les villes du Québec. À moins que
l’on adopte des mesures adéquates d’orientation et de développement, il est facile de prévoir que seul Montréal profitera de l’accélération de l’urbanisation; au contraire, une véritable politique de développement profitera non seulement
à Montréal, mais encore à cinq ou six zones urbaines de taille moyenne.
D’un point de vue économique et à la lumière d’indices généraux – par opposition à régionaux, de
comté ou locaux -, ce mouvement traduira ou occasionnera un phénomène de progrès qui se reflétera par des revenus
plus élevés, des loisirs plus longs, des services plus nombreux et mieux organisés, une instruction plus poussée,
etc…
Mais, également d’un point de vue économique, à un niveau de réalités plus microscopique, le même phénomène signifie que des localités pourront disparaître, des occupations deviendront certainement désuètes, des gens auront à émigrer, des adultes se recycleront et des modes d’organisation de la vie communautaire disparaîtront. Si l’urbanisation doit être acceptée comme conséquence même du développement et du progrès et orientée de telle sorte que la population en tire le maximum
de bien-être , il est tout aussi impératif d’en minimiser les coûts sociaux et humains. Dans cette optique,
la planification et, spécialement, l’aménagement du territoire prennent une signification toute particulière.
Gouvernements municipaux
Aucune institution, ni publique ni privée, aucun pays d’ailleurs ne contrôle à lui seul tous les leviers
du progrès, de la croissance et du développement. Dans ce sens, il est impossible pour les municipalités de maîtriser
tous les facteurs d’expansion et de développement du territoire qu’elles administrent. Elles sont donc toutes,
en quelque sorte, plus ou moins reliées à des phénomènes ou à des décisions qui originent de l’extérieur. Une municipalité
de petite taille est très souvent à la merci des changements économiques; une municipalité plus importante
se voit favorisée par les changements dans la mesure où l’environnement dans lequel elle s’inscrit permet un maximum d’échanges économiques.
Le rôle des municipalités, en matière d’aménagement du territoire, se conçoit alors difficilement sans l’encadrement que peut procurer une planification globale. Autrement, ce niveau de gouvernement risque de ne faire porter son action qu’à la consécration de déséquilibres.
Gouvernements municipaux et planification
Ces réflexions sur l’une des caractéristiques majeures du progrès des sociétés modernes – l’urbanisation
– nous conduisent inévitablement à tenter de situer les responsabilités respectives des gouvernements municipaux
et des autres gouvernements dans le domaine de l’orientation du développement et à tenter de formuler des hypothèses
de liaison entre les gouvernements concernés.
Cette formulation est volontairement prudente; car, à cet égard, malgré les poussées majeures
que nous avons réalisées en matière de réorganisation municipale, d’une part, et malgré la mise en place de mécanismes
appropriés de planification au sein du gouvernement québécois, les responsables ont le sentiment que la
tâche n’est pas terminée mais que, de plus en plus, nous possédons les instruments nécessaires à son parachèvement.
Aussi, est-ce plutôt à une discussion, à une recherche sur quelques questions fondamentales que je me propose de vous convier qu’à un savant exposé contenant, implicitement ou explicitement, toutes les réponses aux questions soulevées.
Quelques questions fondamentales
Quelles sont donc ces questions fondamentales?
I – Développement et croissance
La première de ces questions est, nous l’avons vu, celle du développement et de la croissance du Québec. À cet
égard, je crois que nous pouvons être optimistes. Le Québec est nettement sur la voie de la croissance. Pour
en assurer la permanence, il faut sans doute apporter notre appui aux mécanismes mêmes de la croissance et, en
particulier, à celui de l’industrialisation. Mais nos problèmes les plus graves et les plus permanents nous viennent beaucoup plus des changements socio-économiques qu’introduit le phénomène de croissance lui-même que de
l’absence de croissance ou de la faiblesse de son rythme. Par exemple, le chômage au Québec est, pour une large
part, structurel, c’est-à-dire qu’il provient moins du manque à créer des emplois nouveaux que de la disparition
d’un nombre considérable d’emplois dans des secteurs en voie de modernisation. L’une de nos tâches majeures
consiste donc à ajuster la croissance: à minimiser les impacts négatifs qu’elle a dans certaines régions et dans
certains secteurs.
En ce sens d’ailleurs, le phénomène d’urbanisation est un peu le miroir de notre croissance économique
elle-même. Le Québec s’urbanise à un rythme comparable à ce qui se passe ailleurs en Amérique du Nord.
Mais le phénomène prend ici des dimensions particulières par suite, principalement, du degré peu poussé de notre
urbanisation antérieure et de l’existence d’un pôle unique de croissance (Montréal).
Dans cette perspective, il est concevable que nos actions de planification ou d’orientation du développement
soient principalement axées sur les régions les plus négativement touchées par l’urbanisation et sur les
villes, ou les zones, les plus susceptibles de constituer, à moyen terme, des pôles de croissance urbaine.
D’un tableau à grands traits de la situation économique québécoise et de la structure actuelle de l’aménagement
de son territoire, se dégage donc une impression à la fois rassurante et stimulante. Le dynamisme,
les forces sont là; l’orientation que l’on peut tenter de leur donner est relativement claire; mais comme nous
refusons de nous contenter des résultats de la spontanéité de la croissance, il doit y avoir une concertation des efforts,
réunissant les pouvoirs publics et les centres de décision privés.
Concertation et rôle des municipalités
Comment situer la question municipale dans cet effort nécessaire de concertation ?
a) À cet égard, il y a d’abord lieu de constater qu’une réforme de l’organisation municipale s’impose. En effet,
le phénomène de développement décrit il y a un instant a eu ceci de particulier: hormis le cas des très grandes
villes, il a favorisé l’expansion du rôle et des responsabilités des gouvernements outaouais et québécois et réduit
la sphère des interventions des gouvernements municipaux.
Pour une très grande proportion, nos gouvernements municipaux, privés de moyens techniques et financiers
et œuvrant à une échelle territoriale trop restreinte, sont en voie de devenir des groupes de pression et de cesser
d’être des mécanismes administratifs décentralisés.
On doit réaliser cet état de fait et, surtout, envisager les mesures nécessaires à la correction de la situation. Car l’absence de gouvernements locaux efficaces introduirait un phénomène de distance entre les citoyens
et le gouvernement. Les gouvernements locaux sont, en effet, en plus d’être des mécanismes importants d’aménagement
du territoire et d’organisation de la vie communautaire, des instruments indispensables de participation socio-politique.
Doit-on se donner des municipalités régionales ou encore des gouvernements régionaux ? Doit-on
fusionner les municipalités ? Ce que nous suggérons c’est qu’une réforme est nécessaire et qu’elle doit viser à donner à un système de gouvernements municipaux restructuré une part de l’importance que notre système actuel est
en voie de perdre, tant comme mécanisme de participation que comme mécanisme administratif,
b) De plus, cette nouvelle organisation municipale devrait pouvoir intervenir en matière d’aménagement du territoire,
un peu à la manière dont les communautés urbaines récemment créées pourront le faire au niveau de grandes
zones urbaines, c’est-à-dire à une échelle suffisamment large pour constituer une unité géographique et administrative
homogène. Une telle échelle reste évidemment à définir. Est-ce celle des régions administratives ? Est-
ce celle des sous-régions ? Est-ce celle des agglomérations de 10,000 habitants et plus et leur zone d’influence ?
L’Office de planification et de développement du Québec souhaite ardemment que tous les intéressés fassent des
propositions.
c) Enfin, l’effort d’aménagement du territoire déployé par cette organisation municipale restructurée devrait
s’inscrire dans un effort plus global de planification du développement et non pas le contrecarrer. C ne s’agit
pas, en effet, de se donner un système municipal plus approprié pour que du coup, comme par magie, le développement
économique s’ensuive, même là où il n’est pas possible.
Il nous faut donc prévoir des mécanismes de liaison entre le palier municipal et le niveau du gouvernement québécois. Ces mécanismes de liaison devraient avoir pour fonction principale d’harmoniser les exigences
d’un développement québécois le plus rapide et le plus soutenu possible avec celles de l’aménagement de territoires
plus restreints.
Conclusion
Voilà donc quelques réflexions dont le but principal est de vous inviter à collaborer à bâtir le Québec
de demain. Cette invitation s’impose d’autant plus que l’Office de planification et de développement du Québec a
amorcé, dans une perspective de planification, certaines réformes institutionnelles qui ne peuvent pas être indifférentes aux dirigeants des municipalités. S’inscrivent dans dans ces réformes: la régionalisation de l’administration avec la création de conférences administratives, la préparation de plans régionaux et la reconnaissance de conseils
régionaux de développement comme interlocuteurs en matière de planification. Ces organismes ont des rôles
précis à jouer en matière de planification et de développement.
Mais il ne faudrait pas qu’ils s’accaparent, par suite d’un retard à se restructurer de la part des gouvernements
municipaux, un champ d’action que nous avons tout intérêt à confier à ces derniers.
<Masse19700314>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
DEVANT LES MEMBRES DU CLUB DES RELATIONS INTERNATIONALES À L’HÔTEL SHERATON MONT-ROYAL LE 14 MARS 1970>
C’est avec joie que je me trouve aujourd’hui parmi vous. Avec une constance qui rend témoignage de
votre sérieux, vous vous réunissez ainsi chaque année, depuis bien longtemps, pour vous consacrer à l’examen de
questions intéressant aussi bien la vie internationale que la place que doit y occuper le Québec. Je sais fort bien
ce que cette persévérance doit à l’action discrète, généreuse et efficace de votre dévoué conseiller, Me Nicolas
Matte. Mais ce n’est pas diminuer votre mérite que de vous féliciter de suivre ses conseils et de stimuler, par
votre intérêt, son propre désir de vous appuyer.
Depuis une dizaine d’années, le Québec fait parler de lui sur la scène internationale. Il signe des
accords; il participe à des conférences internationales; il possède ses propres agents dans quelques pays; il dispose
même d’un ministère dont l’une des tâches principales consiste à coordonner ses relations avec l’étranger.
On pourrait croire que cette situation – qui est irréversible – bénéficie de l’appui ou du consentement
universels, qu’elle est l’objet d’un intérêt général, que l’opinion publique en reconnaît la nécessité et les avantages.
Malheureusement, tout cela n’est pas encore tout à fait vrai. Parmi les raisons qui rendent compte d’une certaine
attitude d’indifférence, voire d’hostilité à l’égard de la présence du Québec sur la scène internationale, il y en a qui tiennent à une interprétation de la constitution canadienne; il y en a également qui proviennent de l’impression
que tout échange avec l’étranger coûte plus qu’il ne rapporte, et que le Québec possède en son sein assez de richesses
pour pouvoir vivre dans un isolement relatif, laissant à d’autres la tâche de lui procurer ce complément d’existence
qu’il ne peut trouver que chez autrui.
Le gouvernement du Québec a éprouvé, en ces dernières années, le besoin d’assumer la plénitude de
ses attributions. Cette nouvelle politique a naturellement amené le Québec à organiser avec certains pays – principalement
ceux de langue et de culture françaises – des échanges jugés indispensables à l’exécution de son mandat constitutionnel. La présence généralisée du gouvernement canadien au sein des conférences internationales a coïncidé avec l’intérêt nouveau manifesté par le Québec à l’égard des relations internationales. L’activité parallèle des gouvernements
d’Ottawa et de Québec dans les mêmes domaines a, cependant, créé une certaine confusion à l’étranger,
et même au Canada; elle a suscité des tiraillements et des malentendus auxquels le gouvernement du Québec est bien
décidé à mettre fin.
Il convient peut-être de rappeler que le Québec n’est pas le seul État fédéré à réclamer une certaine
capacité internationale. Il y a plus de trente ans, le procureur de l’Ontario affirmait devant le comité judiciaire
du Conseil privé: « II n’existe absolument aucun fondement pour justifier l’affirmation selon laquelle les ministres du
Dominion en seraient venus, d’une manière ou d’une autre, à être les parties qui doivent conseiller
Sa Majesté dans les matières qui relèvent de la juridiction des provinces. La province a le droit de
conseiller la Couronne dans les matières qui touchent son pouvoir législatif. L’Ontario a le droit
de conclure une entente avec une autre partie de l’Empire britannique ou avec un État étranger ».
Depuis près de vingt-cinq ans, des provinces canadiennes se sont mises en rapport avec des gouvernements
ou organismes étrangers pour le règlement de questions relevant de leur juridiction. C’est le cas notamment de l’Ontario et du Manitoba. Nul doute que de tels contacts se répéteront. De nos jours, les relations internationales
s’étendent à de nombreux domaines considérés jusque là comme étant d’intérêt purement local, il sera
ainsi de plus en plus difficile aux États membres de certaines fédérations de pouvoir s’acquitter pleinement de leurs
obligations constitutionnelles sans nouer des relations avec l’étranger.
La vie internationale met en présence des groupements de toutes sortes, dont les rapports et les échanges sans cesse accrus montrent jusqu’à quel point est devenu anachronique l’exercice, suivant les critères traditionnels, de la souveraineté juridique, dont l’État fédéral, au Canada, cherche plus que jamais à s’attribuer l’exclusivité.
Songez qu’il y a aujourd’hui dans le monde plus d’organisations intergouvernementales qu’il y a d’États
souverains. Rappelez-vous aussi que plus de 1,800 organisations non gouvernementales ont à l’heure actuelle
une activité internationale, qui se pratique très souvent au-dessus des États et y conditionne même, dans bien des cas, l’exercice du pouvoir politique. L’influence de certaines de ces organisations internationales non gouvernementales est telle que l’article 71 de la Charte des Nations Unies autorise le Conseil économique et social à les consulter.
Effectivement, plus de 300 de ces organisations envoient des observateurs aux séances publiques du Conseil
économique et social et de ses commissions, alors qu’une centaine d’entre elles peuvent même faire des interventions
lors des réunions de cet organisme des Nations Unies. Vous voyez déjà, en réfléchissant à ces quelques
faits, combien injuste et arbitraire est l’attitude du gouvernement fédéral à l’égard du Québec, lorsque celui-ci
manifeste le désir, en tant que groupement politique et culturel, de rayonner à l’étranger et de nouer des relations avec les États ou organismes qui partagent avec lui une communauté d’origine, de langue ou de destinée.
La position du gouvernement du Québec vis-à-vis la question de la compétence internationale s’inspire de deux principes fondamentaux: l le respect de la juridiction exclusive du gouvernement canadien en matière de politique étrangère; 2 le respect du partage des attributions entre l’État fédéral et les États fédérés, tel qu’il existe actuellement au Canada et tel qu’il pourrait éventuellement exister.
S’il a toujours voulu agir à l’intérieur de la politique étrangère du Canada, le Québec n’a jamais admis, pour autant, que le fédéralisme doit s’arrêter aux frontières. Le régime fédératif repose normalement sur le partage des attributions, et aussi des pouvoirs. Les attributions forment la matière sur laquelle porte la compétence, alors que les pouvoirs intéressent l’étendue des effets de cette compétence. Ainsi, au Canada les articles 91 et 92 de la Constitution non seulement confient à l’État central et aux États fédérés des attributions précises, mais accordent également à leurs interventions, dans les domaines de leur compétence, une force obligatoire. Dans une véritable fédération, on ne peut séparer les attributions des pouvoirs; les gouvernements doivent agir en vertu d’un partage et non d’une délégation.
Il convient sans doute de rappeler ici que le droit international ne s’oppose pas à la jouissance par
les États fédérés d’une certaine capacité internationale. On en trouve la preuve non seulement dans quelques ouvrages
juridiques, mais également dans un document récent, de caractère officiel. Il s’agit du projet de codification
du droit des traités, préparé par la Commission du droit international des Nations Unies, qui dit que « les États
membres d’une union fédérale peuvent avoir la capacité de conclure des traités si cette capacité est admise par
la constitution fédérale et dans les limites indiquées dans ladite constitution » (article 5 et 2).
En réalité, comme le laisse entendre cette affirmation, c’est à la constitution de chaque pays qu’il
appartient d’établir le partage des pouvoirs entre les parties constituantes. Le droit international se borne à prendre
acte de ces dispositions et à tirer les conclusions pratiques qui en découlent. Voyons maintenant ce que veut le
Québec.
Le gouvernement du Québec considère que la négociation et la signature d’un accord ne doivent pas être
dissociées de sa mise en œuvre. Une entente est conclue en vue d’être appliquée. Il n’y a donc aucune raison de
priver les autorités appelées à exécuter un accord du droit de le négocier et de le signer.
Toutefois, dans un État fédératif, il est évident que les parties constituantes sont tenues d’organiser leurs échanges avec l’extérieur dans le cadre de la politique étrangère de la fédération. C’est pourquoi, le gouvernement
du Québec reconnaît qu’il serait normal, avant de conclure un accord avec un autre gouvernement, de s’assurer
que son initiative n’entre pas en conflit avec la politique étrangère du gouvernement fédéral.
Le Québec a conclu quelques accords internationaux. Dans la plupart des cas, Ottawa a voulu intervenir
en signifiant son acceptation auprès de l’État signataire. Même si le Québec n’a point fait d’objection à cette
procédure, il considère que ses ententes avec des États ou organismes étrangers sont pleinement valides, même en
l’absence de l’intervention fédérale, puisque c’est le Québec seul, suivant la Constitution canadienne, qui a le droit
de les mettre en œuvre.
Parallèlement au développement de ses échanges bilatéraux, le Québec a été amené au cours de ces
dernières années, à établir des relations multilatérales dans le cadre de ses rencontres avec les États de langue
française. Nés, pour la plupart, de la décolonisation récente, ces pays, devenus indépendants, n’ont pas tardé à
éprouver le besoin de se regrouper autour des autres États francophones, afin de sauvegarder et de faire fructifier
leur héritage français. En se retournant vers le monde, ces pays ont rencontré le Québec, qui sortait lui-même
d’un long isolement historique; ils ont reconnu en lui l’une des sources vivantes de la culture française et ils
ont manifesté le désir de collaborer avec ce Québec nouveau dans des domaines d’intérêt commun. Et c’est ainsi
que nous avons été appelés à participer à des conférences internationales ou étaient abordées des questions relevant
de notre compétence juridique.
La première de ces réunions internationales a été celle des ministres de l’Éducation des pays francophones,
qui a eu lieu à Libreville en 1968 et à laquelle le Québec a participé pleinement et en toute exclusivité.
D’autres rencontres de même nature ont eu lieu plus tard.
Le gouvernement d’Ottawa a rompu ses relations diplomatiques avec le Gabon et, à la suite d’interventions de toutes
sortes que je ne qualifierai pas, il réussit maintenant à se faire inviter et à associer à la présence du Québec celle
de quelques autres provinces où la culture française est réduite, depuis longtemps, à l’état embryonnaire.
Personne n’est dupe, ni ici, ni ailleurs, devant l’intérêt soudain du gouvernement fédéral à l’endroit
de la culture française et de son rayonnement international. Il s’agit, vous l’avez compris, de tenter de faire échec à
la projection d’un Québec dynamique à l’extérieur de ses frontières; il s’agit de ramener le Québec à la dimension
provinciale qui était la sienne il y a un quart de siècle. C’est ce que le Québec n’accepte pas comme il l’a d’ailleurs prouvé lors des dernières négociations au sujet de la Conférence de Niamey, qui se tiendra au Niger
le 16 mars. Jusqu’à mardi dernier, le gouvernement Trudeau refusait que la présence et l’action du Québec à
cette conférence soient clairement identifiées; que le Québec puisse parler en son nom et prendre ses propres engagements
dans les matières de sa compétence; que les procédures du vote reflètent cette dualité en prévoyant l’abstention
obligatoire en cas de désaccord dans les matières de compétence québécoise.
Or le Québec se rend à Niamey avec les attributions suivantes:
pouvoir s’exprimer en son nom sur les matières de sa compétence; pouvoir nommer sa propre délégation; contrôler le vote de la représentation canadienne lorsqu’il s’agit de domaines relevant de la compétence du Québec; occuper à la Conférence une place proportionnelle à son importance au sein de la francophonie;
enfin, signer la convention qui portera création de l’Agence.
Donc le Québec, non seulement n’a pas reculé, mais il a confirmé avec éclat sa présence sur le plan
international. Depuis 1945, la solidarité internationale dans les domaines social et culturel s’est étendue aussi
bien aux gouvernements et aux peuples qu’aux associations professionnelles et aux individus. Aujourd’hui, il n’y a
plus guère d’État ou d’organisme étatique qui ne cherche à organiser des échanges de toutes sortes avec l’extérieur,
afin d’acquérir des connaissances ou de faire bénéficier autrui de sa propre expérience. La coopération technique
constitue, en réalité, le moyen – devenu classique – d’ordonner l’interdépendance croissante entre les peuples.
Entre États souverains, la coopération technique est un élément de politique étrangère. Elle reflète
généralement des solidarités découlant du voisinage ou de la communauté des intérêts économiques ou politiques.
Elle peut être également, dans certains cas, un instrument de pénétration idéologique ou culturelle. La coopération
est donc, dans les rapports internationaux, un important facteur de rapprochement ou de rivalité entre les États.
Toutefois, l’assistance technique est, à maints égards, l’expression d’une dépendance mutuelle
entre groupements humains issus de la même origine, partageant la même culture ou liés par le même destin.
Au Canada, la coopération technique intéresse les deux secteurs de gouvernement. Pour le fédéral,
elle constitue naturellement un élément de la politique étrangère. Pour cette raison, il est normal qu’Ottawa assume une part de l’aide canadienne aux pays en voie de développement et qu’il en coordonne les modalités à l’échelle
de toute la fédération. Mais cette responsabilité du gouvernement central ne peut faire oublier celle des gouvernements
fédérés, dont certains, du reste, ont déjà leur propre programme de coopération avec l’extérieur.
Il ne faut pas oublier que ce sont presque toujours les ressources humaines et institutionnelles des États
fédérés qui rendent possible la mise en œuvre par Ottawa de sa politique d’assistance technique. Dans la mesure où
les États sont indispensables à la poursuite efficace par le gouvernement fédéral de son œuvre humanitaire à l’étranger,
ils ont évidemment un rôle à jouer dans l’élaboration et l’exécution de la politique canadienne de coopération technique.
C’est pourquoi, le Québec considère qu’il doit être consulté par Ottawa chaque fois que ce gouvernement
élabore des programmes exigeant la collaboration d’un personnel ou d’une institution soumis à sa juridiction.
Ce n’est pas là une exigence excessive. En Allemagne, par exemple, le gouvernement fédéral évite de recruter
directement des enseignants bavarois pour ses programmes d’assistance technique à l’étranger. Tout enseignant bavarois
qui va œuvrer à l’extérieur dans le cadre des programmes fédéraux doit démissionner de son poste et il
perd automatiquement les droits acquis, à moins que son départ n’ait été autorisé par le gouvernement de Bavière.
Au Canada, le gouvernement fédéral ne se gêne pas pour attirer les enseignants par-dessus la tête des gouvernements
provinciaux, surtout dans les domaines de l’enseignement universitaire et technique. Il n’est pas facile pour les provinces, dans ces conditions, de planifier leurs besoins éducatifs. Le Québec entend bien remédier à cette situation dans un court délai.
Le gouvernement du Québec est d’avis que la coopération internationale ne cessera de se développer
et qu’elle constituera bientôt un secteur non négligeable de toute administration étatique. Aussi, attâche-t-il une
importance toute spéciale à la coordination intergouvernementale dans ce domaine. Il cherche essentiellement l’efficacité dans le respect des droits de chacun des deux secteurs du gouvernement, mais il désire, en même temps,
que sa politique d’assistance ne vienne pas en conflit avec ses priorités intérieures.
Devant tout ce mouvement d’échanges vieux comme l’humanité, maintenant étendu à toute la planète, le Québec ne peut rester tranquillement isolé au sein du Canada ou se contenter d’affirmer son particularisme à travers le prisme éternellement déformant de la diplomatie fédérale. Celle-ci est et restera d’inspiration et de structure anglo-saxonne. Nous voulons, à Québec, penser en français, agir en français et surtout nous manifester à l’étranger en français. Nous voulons faire sentir aux
autres peuples que c’est au Québec que se trouve le cœur de la francophonie en Amérique du Nord. En somme, à
l’instar des collectivités et des groupes de toutes sortes qui, depuis la fin de la dernière guerre, sont sortis de
leurs horizons nationaux pour assumer la plénitude de leur vocation humaine, nous voulons à Québec nous unir à d’autres
peuples, afin d’en recevoir la dose d’oxygène qui nous est nécessaire pour vivre et nous épanouir. Nous y parviendrons.
<Masse19700320>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC À LA SARRE SUR QUELQUES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT
DE LA RÉGION DU NORD-OUEST DU QUÉBEC LE 20 MARS 1970>
Je voudrais, tout d’abord, remercier le Conseil économique régional qui me fournit l’occasion de
vous rencontrer ce soir.
Au cours des dernières semaines, nous nous sommes rendus à Trois-rivières, Sept-Îles, Québec
et Rimouski. Demain, nous serons à Arvida, dans la région du Saguenay – Lac Saint-Jean où une mission de planification
vient de terminer ses travaux.
Ces rencontres témoignent de l’intention du gouvernement du Québec d’amorcer avec les gens du
milieu un dialogue constructif sur les problèmes de développement régional. Elles reflètent aussi la volonté de l’Office de planification et de développement du Québec d’intensifier énergiquement le développement économique
du Québec.
C’est d’ailleurs à cette fin qu’au cours de l’année 1968 le gouvernement créa l’Office de planification
et de développement pour coordonner l’action des divers ministères, accroître et rationaliser le développement
socio-économique du Québec. Cet organisme doit être considéré comme un instrument essentiel de planification
et de développement. Les sous-ministres, par la Commission interministérielle de planification, participent
activement aux travaux de l’Office.
Plusieurs régions ont déjà été touchées par l’action de l’Office: le Bas Saint-Laurent et la Gaspésie
font l’objet d’une entente de coopération; Trois-Rivière, Québec, Sept-Îles et le Lac Saint-Jean sont considérées
comme « zones spéciales » et au Saguenay – Lac Saint-Jean, un programme intensif de développement sera mis en vigueur
dès cette année.
Notre effort de réflexion et d’intervention se poursuit dans la région du Nord-Ouest du Québec. Le
temps est venu de s’interroger sérieusement et avec réalisme sur son avenir. Il importe, évidemment, que la
population régionale soit associée à cette opération et c’est dans cet esprit que nous vous rencontrons ce soir.
Le dialogue n’est possible que si, au préalable, on a défini les perspectives de développement. En somme, il faut se demander quelles sont les contraintes et les chances de développement du Nord-Ouest du Québec.
Les perspectives de développement
Depuis dix ans, la région du Nord-Ouest s’est développée à un rythme plutôt lent. En dépit de la
réalisation de nouveaux projets (à Matagami, Joutel, Lebel-sur-Quévillon et La Sarre), la main-d’œuvre n’a pas
augmenté de façon importante dans les deux secteurs moteurs de l’économie régionale, les mines et la forêt. La
main-d’œuvre totale évaluée à 45,000 en 1951 est restée stable depuis ce temps. C’est une des rares régions du
Québec où un tel phénomène se soit produit. Ces difficultés économiques de la région ont amené une diminution de la croissance de la population. De 1951 à 1966, la population n’a augmenté que de 23,000 c’est-à-dire de 6%.
L’histoire et la nature de l’économie régionale, axées sur le développement minier et forestier, se
reflètent dans l’aménagement du territoire et surtout dans l’organisation urbaine: les principales villes sont éparpillées
et leur croissance demeure relativement faible.
La population des cinq principaux centres de services (Rouyn-Noranda, Val d’Or, Amos, La Sarre et Ville-Marie)
augmente très lentement. À cette dispersion s’ajoutent deux autres caractéristiques de l’organisation de l’espace: l’isolement
de la région du cœur du Québec et la proximité de l’Ontario.
Les distances qui séparent le Nord-Ouest de Montréal et de Québec sont considérables. De plus, les gens du Témiscamingue doivent encore passer par l’Ontario pour se rendre à Montréal. Heureusement, cette situation sera bientôt corrigée par la construction de la route Belleterre – le Domaine.
L’éloignement, le faible volume de la population ainsi que son éparpillement sur le territoire expliquent
en partie la pénurie de certains services sociaux, en particulier ceux de la santé.
Voilà brossé, en quelques mots, le tableau des difficultés économiques du Nord-Ouest. Face à une telle situation, il est normal de se demander quelles sont les possibilités de développement de la région pour les cinq et dix prochaines années.
Il serait prématuré de définir, avec précision et pour tous les secteurs, les orientations futures de
la région. La mission de planification du Nord-Ouest, dirigée par l’Office de planification et de développement, a
commencé ses travaux depuis deux mois et se propose de dégager les grands objectifs de développement et d’en programmer la réalisation progressive.
Il est possible, néanmoins, de formuler des hypothèses dans certains secteurs où les études sont assez avancées.
D’une part, le domaine forestier connaîtra d’ici les prochaines années une certaine expansion, mais
l’emploi aura quand même tendance à se stabiliser autour de 6,000 à 7,000 emplois, au primaire et au secondaire.
A la suite de l’application en 1967 d’un programme de réaménagement de la ressource forestière, le ministère des
Terres et forêts a augmenté la proportion de forêt exploitée de 50% à 80%. Il a aussi créé deux forêts domaniales
(La Sarre et Matagami), dans le but de rationaliser l’aménagement et de stabiliser l’approvisionnement en matière
ligneuse d’une vingtaine de scieries. Le ministère a également autorisé l’affermage d’une concession forestière à caractère spécial pour assurer le fonctionnement de la pulperie de Lebel-sur-Quévillon.
Il est à prévoir que le ministère continuera au cours des prochaines années son effort de rationalisation
de l’utilisation de la ressource forestière dans l’ensemble de la région.
En somme, le potentiel forestier étant utilisé à 80%, les possibilités de développement de ce secteur
semblent diminuer, du moins à court terme. Il existe des forêts situées au-delà de la limite nord de la région
administrative mais leurs possibilités d’exploitation économique sont encore mal connues.
D’autre part, le secteur minier continue de fournir un nombre important d’emplois. Il s’est d’abord
développé sur l’axe Rouyn – Val d’Or, mais depuis quelques années les centres d’exploration et d’exploitation se
sont déplacés vers le nord. Malgré la conquête de nouveaux territoires, la production minérale du Québec diminue
et le Nord-Ouest devient ainsi une des régions les plus durement touchées.
De plus, si le gouvernement fédéral supprime les subventions aux mines d’or, près de 2,000 travailleurs
perdront leur emploi. La situation est donc difficile dans ce secteur.
Le ministère des Richesses naturelles a entrepris des actions importantes en vue de relancer l’activité minière dans la région. Ainsi les équipes géologiques du ministère ont commencé la cartographie générale
du territoire et des méthodes nouvelles d’exploration sont actuellement utilisées. En outre, SOQUEM poursuit ses
efforts de recherches minières. En 1967-68, SOQUEM et ses partenaires ont dépensé le tiers de leur budget d’exploration,
évalué à $1,700,000., dans la région du Nord-Ouest. Il y a quelque temps, SOQUEM a découvert un gisement
de cuivre et d’argent dans le canton de Louvicourt sur des terrains qui avaient fait l’objet de recherches depuis
de nombreuses années.
Il est probable, par l’action positive du ministère des Richesses naturelles, que les développements miniers nouveaux auront lieu au nord. Deux gisements de fer importants ont été découverts: ceux de Great Whale Iron Mines et de Duncan Range Iron Mines. Mais leur mise en exploitation pose tout le problème du choix des axes de pénétration dans le Nouveau-Québec. Ces axes auront tendance à suivre les zones favorables à l’exploration et à l’exploitation du minerai. déjà la région de la
C™te-Nord est reliée à Shefferville et le Saguenay – Lac Saint-Jean à Chibougamau. La région du Nord-Ouest, pour
sa part, apparaît comme une des plus prometteuses, principalement parce qu’elle est appelée à assurer la liaison
entre le littoral ouest du Nouveau-Québec et le sud. Ce rôle du Nord-Ouest est susceptible de modifier considérablement la stratégie des communications dans le Nouveau-Québec.
La poussée vers le nord ne s’impose pas seulement pour le secteur minier. Ainsi, l’Hydro-Québec envisage
sérieusement de mettre en valeur les ressources hydrauliques du versant de la Baie-James. En outre, des
études préliminaires doivent être entreprises concernant le projet de dérivation des rivières du versant de la Baie-James
vers celui des Grands Lacs. Il y a aussi les ressources forestières au-delà du 51e parallèle, mais leur valeur commerciale
est encore mal connue.
La réalisation de ces grands travaux pourra intensifier la mise en valeur des ressources au nord de la région et concrétiser graduellement la fonction de liaison à laquelle semble destiner le Nord-Ouest.
En faisant de telles prévisions, il faut éviter le danger de se réfugier dans le long terme et de négliger
le futur immédiat. Pour accélérer l’aménagement du territoire et favoriser l’utilisation rationnelle des ressources
du nord, l’Office de planification et de développement du Québec créera très prochainement un Bureau d’orientation
du développement du nord dont la principale fonction sera de coordonner l’action des ministères impliqués
et de tracer les voies que pourrait prendre le développement de la région qui couvre l’arrière-pays, de Sept-Îles jusqu’à la Baie-James.
Ce bureau sera un instrument fondamental au développement du Nord et son action concerne directement,
vous vous en rendez compte, la région du Nord-Ouest québécois.
Parallèlement, le gouvernement du Québec a l’intention de s’intéresser de près à un problème particulier
du développement minier, celui de la suppression possible de la « loi d’urgence sur l’aide aux mines d’or »,
du gouvernement fédéral. En effet, les suites qui seront données à cette loi pourront conditionner certains aspects
du développement régional lequel relève du Québec.
En somme, l’avenir du Nord-Ouest semble vouloir suivre une double orientation. D’abord, la consolidation et la rationalisation du développement des ressources naturelles, situées à l’intérieur de la région administrative,
surtout dans les secteurs forestier et minier. Ensuite, l’extension de ce développement plus au nord où les ressources sont nombreuses et les possibilités d’exploitations intéressantes.
Peut-on prévoir dans cette perspective de développement, une croissance importante de l’industrie
secondaire dans le Nord-Ouest ? La région n’est sûrement pas favorisée par la distance qui la sépare des grands marchés.
Les développements futurs du secondaire sont difficiles à prévoir mais cela ne doit pas nous empêcher de rechercher tous les moyens d’améliorer la position de ce région et concrétiser graduellement la fonction de liaison à laquelle semble destiner le Nord-Ouest.
En faisant de telles prévisions, il faut éviter le danger de se réfugier dans le long terme et de négliger
le futur immédiat. Pour accélérer l’aménagement du territoire et favoriser l’utilisation rationnelle des ressources
du nord, l’Office de planification et de développement du Québec créera très prochainement un Bureau d’orientation
du développement du nord dont la principale fonction sera de coordonner l’action des ministères impliqués
et de tracer les voies que pourrait prendre le développement de la région qui couvre l’arrière-pays, de Sept-Îles jusqu’à la Baie-James.
Le Québec a l’intention de s’intéresser de près à un problème particulier du développement minier, celui de la suppression
possible de la « loi d’urgence sur l’aide aux mines d’or », du gouvernement fédéral. En effet, les suites qui seront
données à cette loi pourront conditionner certains aspects du développement régional lequel relève du Québec.
En somme, l’avenir du Nord-Ouest semble vouloir suivre une double orientation. D’abord, la consolidation et la rationalisation du développement des ressources naturelles, situées à l’intérieur de la région administrative,
surtout dans les secteurs forestier et minier. Ensuite, l’extension de ce développement plus au nord où les
ressources sont nombreuses et les possibilités d’exploitations intéressantes.
Peut-on prévoir dans cette perspective de développement, une croissance importante de l’industrie
secondaire dans le Nord-Ouest ? La région n’est sûrement pas favorisée par la distance qui la sépare des grands marchés.
Les développements futurs du secondaire sont difficiles à prévoir mais cela ne doit pas nous empêcher de rechercher tous les moyens d’améliorer la position de ce secteur.
Quant au secteur tertiaire, son avenir dépend en grande partie de la croissance de la population des
principales villes. De 1951 à 1961, la main-d’œuvre de ce secteur s’est accrue de près de 7,000 personnes. Elle représentait
51.4% de la main-d’œuvre totale en 1961, comparativement à 36.1% en 1951. Il est possible que le développement
du nord puisse déclencher une certaine croissance du tertiaire dans la zone habitée. Par contre, si l’éparpillement
des agglomérations se poursuit et s’accentue par la course vers le nord, l’essor du tertiaire risque d’être ralenti.
Il importe donc de poursuivre les efforts nécessaires et de faire preuve d’imagination pour renforcer le plus possible l’armature urbaine de la région.
L’ensemble de ces nouvelles orientations de développement devrait amener l’administration gouvernementale
du Québec à témoigner d’une présence constante dans la région par des actions plus dynamiques et plus
audacieuses. Les ministères sont déjà sensibilisés à ces perspectives de développement; il reste maintenant à coordonner
leur politique et à accélérer leurs interventions.
C’est dans cette optique que la mission de planification du Nord-Ouest du Québec fut formée au début
de janvier. Neuf ministères y participent activement. Ce groupe de travail constitue la première phase d’un
processus visant à mettre en place une Conférence administrative dans la région. Et c’est dans le même esprit que sera créé le Bureau d’orientation du développement du Nord. L’ensemble de ces interventions de l’État devrait rapprocher davantage le Nord-Ouest du reste du Québec. Le sentiment d’isolement et même d’abandon qu’éprouve parfois la population du Nord-Ouest est légitime. Il importe maintenant par des actions réalistes de rattacher davantage la région au Québec.
Ces perspectives de développement intéressent grandement les citoyens; plusieurs projets régionaux en font preuve. Comme il est impossible pour le gouvernement et l’Office de planification et de développement de dialoguer en même temps avec tous les individus et les groupes d’intérêt, les conseils régionaux de développement ont été reconnus comme interlocuteurs privilégiés en ce qui a trait à la planification régionale.
La politique du gouvernement à cet égard pourrait se résumer ainsi:
l’Office encouragera la création des conseils régionaux de développement qui, à l’exception de la
vaste région de Montréal, couvriront les territoires des régions administratives;
l’Office s’assurera que ces conseils sont représentatifs des divers centres d’intérêt et de décision des régions concernées;
enfin, l’Office considérera ces conseils régionaux de développement comme les interlocuteurs privilégiés
en matière de planification régionale.
Le regroupement des groupes d’intérêt et centres de décision peut quelques fois poser certaines difficultés.
C’est un phénomène normal de l’évolution rapide de notre société, Il importe, dans cette phase de transition,
que les organismes membres de ces conseils puissent continuer à jouer un rôle actif tout en coordonnant
leurs actions au niveau régional. Il est bien reconnu que l’union des forces socio-économiques d’une région constitue un facteur important de développement. C’est l’idée de base qui a donné naissance aux conseils régionaux et qui doit continuer à les animer.
Il est déjà convenu que le Conseil économique régional du Nord-Ouest du Québec sera consulté sur le
programme d’action que préparera la mission de planification au cours des prochains mois. Tous les organismes et
les associations de la région sont invités à s’unir dans cet effort de développement et de planification.
Les orientations de développement que j’ai dégagées représentent un défi qui doit être relevé. La population
du Nord-Ouest, pour sa part, a déjà démontré l’intérêt qu’elle porte au progrès de la région.
<Masse19700321>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE MINISTRE RESPONSABLE DE L’OFFICE DE PLANIFICATION ET DE DÉVELOPPEMENT DU QUÉBEC LORS DU CONGRÈS ANNUEL DU CONSEIL ÉCONOMIQUE RÉGIONAL DU SAGUENAY – LAC SAINT-JEAN À ARVIDA LE 21 MARS 1970>
Le 9 décembre 1969, l’Office de planification et de développement du Québec annonçait la mise sur
pied d’une Mission de planification au Saguenay – Lac St-Jean à qui étaient confiées ces trois responsabilités:
1 – compiler les connaissances disponibles sur la situation économique et sociale de la région;
2 – dégager les principales avenues de développement;
3 – proposer des projets perçus comme prioritaires.
Ce groupe de travail a remis son esquisse du plan le 23 décembre dernier. Ce rapport comprend
deux parties: un groupe de douze tranches sectorielles, contenant les considérations formulées par les douze
ministères dont les activités influencent de façon marquée le développement régional et un document de synthèse qui
intègre l’ensemble des informations contenues dans ces douze tranches.
Cette esquisse contient les vues de la Mission sur les perspectives de développement de la région
et constitue un excellent dossier pour la concertation des centres de décision, tant publics que privés. Pour le gouvernement,
ce document a d’autant plus de signification que son contenu a été élaboré en fonction des politiques
des ministères impliqués et, en second lieu, qu’il reflète en bonne partie les aspirations de la population régionale,
exprimées par le truchement du Conseil économique régional et de ses comités consultatifs.
Il conviendrait de rappeler que la Mission avait comme but premier d’amorcer le processus de planification
dans la région et qu’à l’intérieur des délais prescrits elle a analysé toutes les facettes de la réalité régionale.
Depuis le 23 décembre, le C. E.R., les députés de la région, la Commission interministérielle de
planification et de développement qui regroupe l’ensemble des sous-ministres, ont été appelés, en collaboration avec
l’Office de planification et de développement (O. P. D. Q. ) à formuler leur avis sur le document.
Ces étapes étaient nécessaires pour permettre au gouvernement de prendre la position réaliste.
déjà, des dizaines de millions sont dépensés dans chacune de ces régions et il importe de s’assurer que ces fonds
sont utilisés efficacement avant de songer à en affecter de nouveaux.
Dans cette optique, la planification régionale doit avoir surtout pour objet de rationaliser les activités
régulières des ministères ou encore d’assurer la programmation des activités des ministères au niveau régional en
fonction d’objectifs de développement.
Les objectifs généraux dé développement
Depuis plus de dix ans, la région connaît un ralentissement de sa croissance économique, ralentissement qui se manifeste par un taux de chômage relativement élevé et par une forte émigration (21,500 personnes ont quitté la région entre 1961 et 1966).
La politique de développement régional que nous préconisons vise à diminuer progressivement les disparités
entre les régions du Québec par une accélération de leur développement économique et social.
L’Esquisse du plan de la Mission de planification prévoit qu’il est possible de créer au cours des
sept prochaines années quelque 18,000 emplois nouveaux dans la région.
Le gouvernement est d’accord avec la stratégie générale de développement proposée par la Mission pour favoriser la création de ces emplois, c’est-à-dire: a) privilégier le développement forestier et le renforcissement de la structure urbaine du Haut-Saguenay;
b) favoriser la rationalisation et la modernisation des divers secteurs, notamment des secteurs agricoles, miniers et touristiques;
c) appuyer ces deux mesures par une politique dynamique de main-d’œuvre de façon à ce qu’elles aient un effet maximum sur le bien-être de la population régionale;
d) assurer une continuité au processus déjà amorcé de planification en créant une conférence administrative.
Nous mettrons en œuvre ces moyens et tous les autres dont nous disposons pour que l’économie
régionale connaisse une croissance qui puisse se traduire par une baisse du chômage et de l’émigration ainsi que par
une hausse des revenus. Le gouvernement ne peut évidemment réaliser seul la création de ces emplois: les centres
de décisions de la région devront se concerter et faire leur part; car l’essor de la région est une responsabilité collective
des agents de développement. Aucune parcelle de l’énergie dont dispose la région ne doit être perdue en luttes
vaines et stériles; les efforts de tous doivent converger vers un ensemble d’objectifs dont la réalisation assurera un mieux-être régional. Dans cette perspective, un des objectifs de développement de cette région doit
être le développement forestier.
Quant à lui, le gouvernement posera tous les gestes nécessaires pour assurer une rapide mise en
exploitation de l’immense potentiel forestier du Saguenay – Lac Saint-Jean, laquelle pourra se traduire au cours des
prochaines années par la création de quelque 5,000 emplois directs. Ceux-ci engendreront un nombre encore plus
grand d’emplois dans le secteur tertiaire. Des implantations nouvelles et des expansions importantes pourront prendre
place dans l’industrie des pàtes et papiers et celle du sciage, principalement dans la zone nord-ouest du Lac Saint- Jean. Parce que rétablissement d’usines de pâtes et papiers est possible dans cette zone et afin d’en assurer la
réalisation prochaine, l’Office de planification et de développement a obtenu que le ministère de l’Expansion économique
régionale désigne la zone du Lac Saint-Jean comme zone spéciale, de sorte que toute industrie de transformation
du bois s’y localisant reçoive une aide financière importante.
Le ministère des Terres et forêts du Québec, en plus de se servir des moyens dont il dispose actuellement,
accentuera de façon marquée sa politique d’utilisation intensive de la forêt par la mise en œuvre d’un programme
nouveau au coût de $225,000 par année. Ce programme implique l’engagement d’une équipe de spécialistes
qui sera affectée à la préparation d’études de rentabilité et à la recherche de promoteurs sérieux. Aussi, ce programme
prévoit la réalisation d’inventaires et de plans d’aménagement forestiers.
Le développement industriel envisagé dans le secteur forestier présuppose la poursuite du programme
de réaménagement de la tenure qui est estimé à $3,500,000 pour les prochaines années. Sa continuation et l’accélération
de la restauration forestière incluant des projets de reboisement et de traitements sylvicoles seront réalisés par
le ministère des Terres et forêts et par l’Office de planification et de développement. Pour assurer une mise en
œuvre rapide et efficace de cette politique, le ministère des Terres et forêts nommera un coordonnateur régional
à titre de membre de la Conférence administrative.
Un deuxième objectif concerne le développement urbain et municipal. La conurbation du Haut-Saguenay qui couvre
la zone de Port-Alfred à Jonquière, regroupe près de 50% de la population régionale. C’est ainsi la quatrième plus
grande agglomération du Québec avec ses 150,000 habitants.
La grande ville sera à la base du développement économique de demain; nous désirons, par conséquent,
en liaison étroite avec tous les intéressés, faire du Haut-Saguenay l’une des grandes zones urbaines et industrielles du Québec. L’effet de cette mesure sur l’emploi sera moins immédiat que le programme de développement
forestier. Mais, à long terme, il apparaît comme essentiel au développement régional.
Les consultations, que le ministère des Affaires municipales a menées dans la région, ont permis
d’identifier un ensemble de problèmes inter-municipaux.
Comme première mesure , nous sommes prêts à recommander la création de la Communauté urbaine du Haut-
Saguenay. Une subvention de $125,000. est inscrite au budget du ministère des Affaires municipales pour assurer le
financement de l’élaboration des premières étapes du schéma d’aménagement de la Communauté urbaine.
Par la mise en place d’un parc industriel bien équipé et d’un service de promotion efficace, la Communauté
pourra, avec l’aide du bureau régional du ministère de l’Industrie et du Commerce, jouer un rôle de premier
plan dans l’industrialisation de la région. Mais, parce que la région doit compter aussi sur ses propres énergies,
les ministères concernés sont disposés à fournir une aide à la création d’un organisme régional de développement
industriel qui grouperait les promoteurs industriels et les institutions financières de la région.
D’autres problèmes municipaux ont été perçus. Pour les résoudre, le ministère des Affaires municipales envisage de créer un organisme municipal régional que l’on pourrait appeler Communauté régionale. Ce groupe, composé de représentants des collectivités existantes, aurait comme première tâche de mettre en place
des municipalités viables. Pour assurer une liaison efficace entre ces organismes nouveaux et le ministère des
Affaires municipales, celui-ci nommera un agent de liaison régional qui siégera à la Conférence administrative.
L’Office de planification et de développement du Québec, de son côté, demandera au ministère de l’Expansion
économique régionale que le Haut-Saguenay soit désigné zone spéciale. Cela permettra le financement d’un
programme accéléré d’infrastructures au Haut-Saguenay, telles que parc industriel, réseau routier, réseau ferroviaire et aménagements portuaires, rénovation et mesures anti-pollution, équipements récréatifs, etc… Un tel
programme visera à mettre en place les structures d’accueil nécessaires à une véritable industrialisation.
En ce qui concerne l’agriculture, il faut d’abord rappeler que l’industrie laitière est la base de l’économie
du secteur agricole: 85% des 3,776 fermes recensées en 1966 produisent du lait. Cette spécialisation régionale
correspond à la vocation herbagère des sols qui, dans leur ensemble, sont de bonne qualité.
Un des principaux objectifs du ministère de l’Agriculture et de la Colonisation est d’accroître la productivité de