Discours du trône, Québec, 9 mars 1992

Robert Bourassa, 1970-1976 et 1985-1994

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le premier ministre du Québec,
Monsieur le chef de l’Opposition officielle,
Mesdames et Messieurs les députés,
Distingués invités,

Vous êtes réunis aujourd’hui pour entreprendre les travaux de la deuxième session de la trente-quatrième Législature.

Le 17 décembre prochain, il y aura précisément 200 ans que vos prédécesseurs s’assemblaient ici, à Québec, pour la première fois en vue de constituer un Parlement et de veiller aux intérêts et au bien-être de leurs concitoyens du Bas-Canada. Depuis ce premier Parlement, le Québec n’a jamais cessé de témoigner de son attachement profond aux valeurs démocratiques et parlementaires. Permettez-moi, par ailleurs, de profiter de cette occasion pour inviter l’Assemblée à saluer le 350e anniversaire de la fondation de Montréal.

La présente session permettra à la société québécoise de continuer à maîtriser son avenir économique, social et culturel, tant sur le plan législatif que sur celui de la mise en œuvre des politiques du gouvernement.

La question du statut constitutionnel du Québec au sein de la Fédération canadienne occupera sans doute une place centrale dans les travaux de cette Assemblée. Deux importantes commissions parlementaires créées dans le cadre de la loi 150 feront rapport, au terme d’études exhaustives menées sur le renouvellement du fédéralisme et sur la souveraineté.

Le gouvernement poursuivra énergiquement les objectifs qu’il a déjà identifiés et sur lesquels bon nombre de ses actions ont porté sur le chapitre de l’assainissement des finances publiques. La rigueur dans l’administration des fonds publics demeurera tout aussi impérative, de même que la nécessité d’adapter constamment le rôle de l’État aux besoins de notre époque.

Le financement du système de santé traduit les principes du gouvernement à cet égard. A la lumière du débat public qui a eu lieu en commission parlementaire et des grandes orientations de la réforme, le gouvernement prendra des dispositions dans le but d’assurer un financement équitable des services de santé et des services sociaux. Tenant compte de considérations économiques et budgétaires de même que des besoins des citoyens, le gouvernement, à la lumière d’études récentes, entend revoir l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique québécoise avec des objectifs renouvelés d’efficacité, de productivité et d’équité des services publics.

Tous les pays du monde traversent une période de mutation majeure tant sur le plan politique qu’économique, et le Québec est nécessairement concerné par ces nouveaux défis de notre temps. Et la seule voie qui s’offre au Québec pour sortir gagnant de cette période de changements accélérés réside dans la poursuite d’une stratégie économique axée sur le relèvement de la compétitivité. Dans cette optique, le gouvernement a proposé récemment une stratégie de développement industriel facilitant le passage du Québec vers une économie à valeur ajoutée. Basée sur le concept des grappes industrielles, elle vise à accroître la compétitivité des industries québécoises et à renforcer le partenariat.

Donnant suite aux propositions énoncées dans la politique des Affaires internationales, c’est par la concertation véritable que des Québécois et Québécoises devront relever les défis de la concurrence internationale, de la modernisation des entreprises, de l’innovation de la compétence également, car le gouvernement doit accentuer ses efforts pour attirer des investissements étrangers et inciter nos entreprises à accroître leurs exportations de biens et de services tout en stimulant le rayonnement du Québec, notamment dans les pays francophones.

Economic success is thus achieved through free markets, productivity, compethive enterprises, and the active participation of workers. One of the main elements for achieving this goal is quality training in school, as much as in our working force.

Notre système d’éducation doit accroître sa performance éducative. Actuellement, 64 % de la clientèle du secondaire obtient un diplôme. D’ici à 10 ans, 2 emplois sur 3 qui se créeront au Canada exigeront une scolarité minimale de 12 ans et 50 % de ces nouveaux emplois exigeront 17 ans de formation. Un plan d’action sur la réussite éducative sera mis de l’avant avec l’objectif d’augmenter de 3 % par année, pendant 5 ans, le taux de diplomation à la fin des études secondaires. Ce plan indiquera notamment les voies de coopération de développement qui engagent l’ensemble des partenaires de l’éducation. Aussi, un projet de loi modifiant la Loi sur l’instruction publique, de même que d’autres initiatives, sera soumis à l’Assemblée nationale. L’accent sera mis sur la décentralisation et la formation des professionnels de l’enseignement. Cette Assemblée sera aussi invitée à poursuivre la discussion du projet de loi proposant des modifications à la Loi sur l’enseignement privé visant à moderniser et à rationaliser la loi actuelle ainsi qu’à soutenir les établissements privés.

L’année 1992 marque le 25e anniversaire de la création des CEGEP. Il importe d’apprécier le chemin parcouru, de réactualiser les choix de société qui ont été faits et, surtout, de préciser la façon dont il convient d’orienter l’avenir. Cette Assemblée sera donc invitée à confier à la commission parlementaire de l’éducation le mandat de procéder à une consultation générale sur l’avenir de l’enseignement collégial.

Un autre volet cible de l’intervention du gouvernement est sans aucun doute la formation de la main-d’œuvre. Le gouvernement entend doter le Québec d’une véritable politique de développement et de main-d’œuvre. A cet égard, tout en affirmant la compétence constitutionnelle du Québec en la matière, vous serez appelés à instituer la Société Québécoise de Développement de la main-d’œuvre regroupant des représentants du patronat, des syndicats et du gouvernement. Un projet de loi modifiant la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre vous sera également soumis.

Le gouvernement amorcera, par ailleurs, une réflexion en profondeur sur les relations du travail et leurs impacts sur le marché du travail en vue de dégager des voies d’avenir pour la collectivité. Il portera également une attention particulière a l’administration de l’ensemble du régime de santé et de sécurité au travail.

A la suite des consultations tenues en commission parlementaire, vous serez invités à adopter des modifications à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. La mise en application du plan d’action qui prévoit notamment la formation d’un groupe de travail paritaire sur le champ d’application de la loi sera poursuivie.

The overall economic situation has been a challenge to our financial institutions. Recent experience has shown that the climate of confidence towards Québec’s financial service enterprises must be protected and maintained.

Le gouvernement, de concert avec l’industrie financière, se propose de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir le leadership dans le développement des institutions, en donnant priorité à la sécurité des épargnes du public.

Le développement scientifique et technologique du Québec doit se poursuivre. Le gouvernement a posé plusieurs jalons déterminants, soit le Fonds de développement technologique, les abris fiscaux en recherche et en développement le fonds de développement de technologie en environnement et, plus récemment, une nouvelle initiative, le fonds Innovatech Grand Montréal au sujet duquel un projet de loi vous sera soumis.
Le projet de développement d’Hydro-Québec demeure un élément moteur de l’économie du Québec. Le gouvernement entend prendre les mesures nécessaires pour maximiser les retombées économiques qu’il génère et pour que les travaux se poursuivent dans le respect des exigences de l’environnement, comme cela a été démontré lors de la signature de l’entente avec les autochtones et le gouvernement fédéral dans le dossier Grande-Baleine.

Vous serez appelés aussi à vous prononcer sur le plan de développement d’Hydro-Québec de 1993 à 1996, après une consultation auprès du public. Le gouvernement entend se doter d’une stratégie d’efficacité énergétique globale, au sujet de laquelle des groupes intéressés et des partenaires industriels seront consultés.

Le Québec des régions, voilà une autre réalité prioritaire pour votre Assemblée. C’est en comptant sur la concertation et le partenariat de tous les intervenants que le gouvernement met en place sa stratégie de développement régional. Cette stratégie repose sur la concertation permanente et le dynamisme des milieux régionaux. Elle privilégie des actions qui s’inscrivent à l’intérieur d’axes de développement précis et qui reflètent les forces et les avantages spécifiques à chacune des régions.

La forêt est au cœur de l’économie de plusieurs régions du Québec. Des milliers d’emplois y sont reliés. Le potentiel de croissance économique de plusieurs villes et villages en dépend directement. En s’appuyant sur les principes de partenariat économique mis de l’avant par le rapport du groupe de travail sur l’industrie des produits forestiers, l’ensemble des intervenants, dont le gouvernement, verra à prendre les moyens pour réduire plus particulièrement les coûts de production de l’industrie. Les difficultés présentes de l’industrie de la forêt doivent être surmontées. De nouvelles perspectives d’avenir doivent être esquissées. A cet égard, le gouvernement adoptera une stratégie de protection des forêts, tenant compte à la fois des résultats de la consultation menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et de sa volonté d’assurer la pérennité d’une forêt saine, et ce, dans le respect de la réalité économique. L’ensemble de ces orientations nécessitera des amendements importants à la Loi sur les forêts.

Par ailleurs, une méthodologie de gestion intégrée des ressources forestières faisant intervenir en concertation les ministères des Forêts, de l’Environnement et du Loisir, de la Chasse et de la Pêche sera mise en application. De même, en matière d’affectation des terres publiques, le gouvernement définira ses orientations en vue de les concilier avec les schémas d’aménagement des municipalités régionales de comté. En outre, le gouvernement se propose d’approuver un guide de villégiature et de confectionner des plans régionaux de développement de la villégiature sur les terres publiques. Enfin, un projet de loi poursuivant la réforme du cadastre vous sera soumis.

Des régions entières dépendent du développement minier. Aussi le financement de ce secteur sera réévalué et des mécanismes d’assistance au développement vous seront proposés dans le but de fournir de nouveaux moyens pour stimuler l’activité minière.

Pour les régions, également, le gouvernement vous proposera d’actualiser ses orientations de rationalisation, de consolidation et de rentabilisation de toutes les activités de l’industrie des pêches et fera preuve d’une vigilance accrue dans le partage de ressources. Suite à une consultation, un projet de loi concernant les pêcheurs commerciaux pourrait être présenté pour assurer, entre autres, la reconnaissance des mécanismes de représentation de l’industrie québécoise des pêches.

Avec la mondialisation des marchés, la libéralisation du commerce, les nouvelles conditions qui se dessinent en agriculture impliquent des modifications au mode d’intervention du gouvernement. L’ajustement des programmes de financement agricole et d’encadrement technique des agriculteurs s’impose pour répondre à ces nouvelles conditions de l’économie moderne. L’organisation d’un sommet sur l’avenir des politiques agricoles portant sur toutes ces questions permettra de dégager un consensus à cet égard. Le gouvernement renouvelle devant cette Assemblée sa solidarité envers le monde agricole du Québec en ce qui concerne les négociations du GATT.

C’est dans ce même esprit de solidarité et de participation que des modifications législatives touchant le financement des entreprises agricoles auprès des institutions prêteuses seront proposées. Vous serez appelés, de plus, à discuter d’un projet de loi régissant la nature des interventions en matière de financement agricole, de même qu’une révision des programmes de sécurité du revenu. Dans le but de promouvoir la régionalisation des programmes, une réorientation des programmes d’aide aux exploitations agricoles sera envisagée, de même qu’une nouvelle façon d’encourager la formation, d’encourager la recherche et les transferts technologiques ainsi que la gestion et la préparation de la relève.

Le gouvernement, par ailleurs, entend intégrer les politiques de l’environnement et de l’agriculture dans le cadre d’une stratégie québécoise sur le développement durable en agriculture. Le gouvernement mettra également en place une stratégie de protection des cours d’eau en milieu agricole afin d’améliorer de façon substantielle leur qualité d’ici à l’an 2000. Des mesures seront prises pour réduire de 50 % l’usage des pesticides. Un règlement favorisant une approche intégrée eau-air-sol pour mieux tenir compte des préoccupations environnementales en milieu agricole est également prévu. Une politique d’intervention en matière de gestion de la faune sera instaurée afin d’encourager une implication accrue des intervenants extérieurs dans l’offre d’activités et de services.

The National Assembly will be called upon to study amendments to the Act respecting the conservation and development of wildlife in order to improve and protect wildlife habitats.

En ce qui a trait au transport, le gouvernement entend poursuivre l’effort entrepris au chapitre de la conservation et de l’amélioration du réseau routier. Un projet de loi visant à moderniser la Loi sur la voirie et à préciser les responsabilités des municipalités dans ce domaine vous sera soumis. Pour améliorer notre bilan en matière de sécurité pour l’ensemble des véhicules motorisés, des modifications seront proposées au Code de la sécurité routière et à sa réglementation. L’encadrement législatif des secteurs du camionnage, du transport par taxi, des traversiers du Québec, sera également amélioré.

Le gouvernement entend prendre les moyens pour assurer la mise en œuvre de son plan d’action touchant le tourisme par des mécanismes de concertation avec l’industrie et les partenaires publics.

Québec’s economic development must be carried out along with protection of the environment. The Government’s action in this field will continue to be based on two general principles: the liability of those responsible for pollution and the search for a constant balance in the use and exploration of resources so as to ensure lasting development.

Cette Assemblée suivra les étapes législatives nécessaires à la mise en place de l’Office de protection de l’environnement. En outre, le gouvernement donnera la suite appropriée aux recommandations de la commission parlementaire qui a étudié le régime d’évaluation de l’environnement. Une politique sur la qualité de l’air définira des objectifs qualitatifs et des propositions de réglementation en découleront.

Également, un projet de règlement sur les CFC sera proposé afin de donner suite au protocole de Montréal. La réglementation sur les déchets dangereux sera révisée. Elle touchera désormais toutes les matières dangereuses. De plus, le gouvernement continuera de favoriser, par diverses mesures, la récupération et le recyclage. Par ailleurs, une étude sectorielle sur l’industrie québécoise des produits et services de l’environnement sera réalisée dans le but de favoriser la conception au Québec d’équipements nécessaires à la manipulation, au traitement et au recyclage des rejets et des déchets.

Le soutien aux entreprises et aux travailleurs et travailleuses, la qualité de la formation des ressources humaines, le développement du potentiel des régions et la protection de l’environnement ne sont que quelques-uns des instruments majeurs de développement qui feront l’objet des travaux de votre Assemblée au cours de la présente session.

La recherche de l’amélioration de la qualité de la vie a été inscrite au cœur de la réforme majeure du système de santé et des services sociaux. L’Assemblée nationale a déjà été associée à cette imposante réforme. Le gouvernement vous invitera à poursuivre votre travail en étudiant un projet de loi précisant les modalités d’application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. L’implantation de cette réforme s’inscrit dans la perspective d’une politique de santé et de bien-être qui vise à rassembler tous les intervenants autour d’objectifs centrés sur la réduction des problèmes de santé et de bien-être. Elle a pour but de mieux faire prendre conscience des facteurs agissant sur la santé et le bien-être et des possibilités de créer des conditions plus favorables à leur amélioration.

A la suite des travaux du comité chargé d’analyser la situation des personnes âgées, un plan d’action les concernant sera élaboré. Ce plan proposera un conseil des aînés ainsi qu’un ensemble de mesures visant à améliorer leurs conditions de vie et rendre disponibles ou bonifier différents services, notamment les services à domicile, le nombre de lits de courte durée et la rénovation fonctionnelle des logements.

L’année 1992 marquera la fin de la décennie des personnes handicapées, décrétée par l’Organisation des Nations unies. Outre sa participation à un forum national où seront discutés les progrès accomplis et les perspectives d’avenir, le gouvernement révélera les règles d’admissibilité au programme d’aide au transport adapté afin de favoriser un plus large accès à celui-ci.

La famille constitue la cellule de base de notre société et c’est toutefois l’une des institutions qui a connu les plus profondes mutations au cours des dernières décennies. Compte tenu de l’importance vitale de la famille, un deuxième plan d’action triennal sera rendu public. Axé sur la prévention, la conciliation du travail et de la vie familiale, l’amélioration du milieu de vie et le respect des valeurs familiales, il apportera un soutien accru aux jeunes parents. Les services de médiation en matière familiale seront implantés dans toutes les régions du Québec et les modifications nécessaires au Code de procédure civile vous seront soumises.

En matière de pension alimentaire, le gouvernement verra à modifier les mécanismes de perception et simplifiera les procédures d’exécution à l’encontre du débiteur en défaut. Parce qu’ils constituent un instrument indispensable à la participation des parents sur le marché du travail, les services de garde continueront de recevoir une attention toute spéciale du gouvernement.

Vous serez saisis d’un plan d’action qui viendra soutenir le développement optimal des jeunes, protéger l’enfant ou l’adolescent dont la sécurité ou le développement est compromis et accroître les chances de réinsertion sociale des jeunes en difficulté. Le gouvernement mènera une étude sur les jeunes d’âge scolaire qui sont en même temps sur le marché du travail. Il analysera l’impact de ce phénomène sur l’abandon scolaire de même que pour toute notre collectivité, dont le développement et l’avenir dépendent de la qualité de ses ressources humaines. Enfin, un projet de loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse sera soumis à l’Assemblée nationale.

L’équité en emploi constitue l’un des grands volets de la politique de la condition féminine qui sera déposée prochainement. De plus, la lutte contre la violence conjugale et familiale demeurera au cœur des priorités gouvernementales.

L’évolution de la pauvreté préoccupe le gouvernement au plus haut point. Il entend poursuivre ses efforts pour en limiter les effets. Entre autres, un plan d’harmonisation des politiques d’habitation et de sécurité du revenu avec le régime fiscal permettra de mieux cibler l’aide consentie, compte tenu de l’ampleur des besoins de logements, et assurera une répartition équitable de cette aide entre les clientèles à faibles revenus. Des mesures seront également adoptées afin de venir en aide aux familles monoparentales.

L’ensemble des ministères sera appelé à examiner une réallocation de leurs ressources en fonction d’une lutte concertée contre la pauvreté. Dans le prolongement du premier Sommet de la justice, le gouvernement déposera devant votre Assemblée un projet de loi visant à instituer un cadre et des règles de base pour mieux assurer l’indépendance et l’impartialité des organismes administratifs, tout en continuant d’augmenter leur efficacité.

Le nouveau Code civil du Québec entraînera des amendements au Code de procédure civile ainsi qu’à d’autres lois. Vous serez invités à adopter un projet de loi sur l’hypothèque mobilière. Vous serez également appelés à poursuivre l’étude du projet de loi sur l’institut de la réforme du droit. Les victimes d’actes criminels verront leur situation améliorée par la réforme du régime d’indemnisation et de développement du réseau des centres d’aide aux victimes.

L’admissibilité à l’aide juridique des Québécois dits économiquement défavorisés fera l’objet de modifications. Également, la juridiction de la Cour des petites créances sera élargie et le processus judiciaire en matière d’infractions pénales sera allégé.

En matière de communications, le gouvernement déposera à cette Assemblée un projet de loi touchant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. La commercialisation des banques de données publiques fera l’objet d’une politique gouvernementale. Des amendements seront proposés à la Loi sur l’accès à l’information pour tenir compte des consultations publiques auxquelles plusieurs des membres de cette Assemblée ont été associés. Par ailleurs, le gouvernement entend compléter l’élaboration d’une politique intégrée des communications.

L’émergence du Québec comme société distincte est redevable en grande partie à l’explosion culturelle qu’il a connue au début des années soixante, la très grande vitalité de la culture québécoise contemporaine. Au terme d’un processus élaboré de consultation, le gouvernement est en mesure de déposer à cette Assemblée une politique culturelle. La réalisation de cette politique amènera le dépôt devant cette Assemblée de plusieurs projets de loi qui toucheront de nombreux aspects de nos institutions culturelles.

The Government has the responsibility to work with the English-speaking community to reestablish trust, to strenghten its base and to encourage participation in our collective life as Quebeckers. English-speaking Quebeckers have developed a vibrant network of institutions that is the cornerstone of their community. Our Government wants to see this relation grow and believes it should be increased in order to strenghten the community. In particular, the Government will continue its leadership role and support of English language in health and social service institutions. The Government recognizes the concerns of the English-speaking community with respect to its future and the prospect of its youth leaving Québec.

Québécoises et Québécois de langue anglaise ont été appelés à examiner, au cours des derniers mois, les services éducatifs qui leur sont offerts. Le groupe de travail sur le réseau scolaire anglophone, présidé par Mme Greta Chambers, vient de remettre son rapport. Les nombreux aspects de ce rapport seront analysés attentivement et le gouvernement y donnera la suite appropriée.

L’accueil et l’intégration des immigrants à la collectivité québécoise constituent l’un des défis majeurs que relèvent le Québec. Dans la foulée de son énoncé de politique sur l’immigration et de l’entente fédérale-provinciale de 1991, le gouvernement soumettra à l’Assemblée le premier projet de loi sur l’immigration et l’intégration, confirmant ainsi la compétence québécoise en cette matière et apportant surtout une amélioration considérable des programmes d’intégration économique, sociale et culturelle des immigrants. Ce projet viendra illustrer la prise en charge progressive par le Québec d’un important levier de son développement.

La poursuite de l’harmonisation des relations avec les différentes nations autochtones du Québec demeure au cœur des préoccupations de notre société. Aussi, le gouvernement continuera les démarches entreprises en vue de l’élaboration d’une politique autochtone.

La gestion du territoire, son exploitation, son développement passent par la synergie des moyens développés par le gouvernement et les municipalités, et ces dernières dispensent un nombre croissant de services à leurs citoyens. Il importe que se poursuive un dialogue constructif à la table Québec-municipalités. Le gouvernement entend profiter de la reprise des travaux de cette table pour consolider les relations et les échéances avec les partenaires municipaux, dans un esprit d’étroite collaboration et d’ouverture. La révision et la modernisation des structures municipales, de même que le regroupement de services à la population, seront entreprises de concert avec les représentants du monde municipal. Un projet de loi prévoyant des modifications à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme sera déposé en vue d’améliorer le processus d’élaboration et de révision des schémas d’aménagement et de favoriser la pratique de l’urbanisme dans les municipalités. La révision de l’ensemble des lois municipales se poursuivra.

Le gouvernement entreprendra une réflexion approfondie sur l’exercice des fonctions municipales et sur l’organisation du territoire de Montréal et de sa région. Un groupe de travail recommandera des voies d’action touchant l’ensemble des questions reliées au développement de Montréal, dont l’aménagement du territoire, ses structures politiques et ses fonctions comme métropole et comme ville centre. Par ailleurs, le gouvernement mettra en œuvre le plan d’action stratégique pour le redressement durable du Grand Montréal.

Montréal holds a key position given its metropolitan status and its contribution to the economic and social development of Québec as a whole.

Le gouvernement déposera un plan d’action établissant les priorités de mise en valeur du territoire de sa capitale, Québec.

Au terme de cette présentation et des initiatives du gouvernement à l’égard desquelles vous consacrerez de très nombreuses heures, je vous souhaite des débats empreints de générosité, de rigueur et de tolérance. Ce que la population attend de vous, c’est ce rôle privilégié, mais particulièrement exigeant qu’il vous a confié pour faire cheminer le Québec dans la voie du progrès social et du progrès économique. Je prie la Divine Providence de bénir tous vos travaux. Je vous remercie.

M. Bourassa:

Monsieur le Président, je voudrais souligner l’importance et le grand intérêt de respecter ces orientations et de réaliser ces mesures qui viennent d’être énoncées, au nom du gouvernement, dans le discours du lieutenant-gouverneur.

On doit constater les très nombreux programmes d’action, près d’une centaine de mesures, dans tous les grands secteurs de l’activité gouvernementale: évidemment, la culture et l’éducation dont les objectifs se complètent et sont convergents, le développement social, l’environnement et tous les secteurs de l’activité économique.

Je voudrais traiter, dans mon exposé, principalement de l’environnement: l’environnement économique, financier et constitutionnel qui, nécessairement, pourra influencer et encadrer la réalisation de ces objectifs. C’est évidemment un aspect strictement essentiel pour obtenir des résultats concrets.

Auparavant, je me permettrai de souligner, comme l’a fait le lieutenant-gouverneur, le Bicentenaire de nos institutions parlementaires. Nous sommes, dans cette Assemblée nationale dans la maison de la démocratie, l’une des toutes premières en Amérique du Nord. Nous sommes aussi dans la maison de la francophonie en Amérique du Nord, puisque notre gouvernement est le seul qui est responsable à un peuple majoritairement francophone.

L’Assemblée nationale, très souvent, a été à l’avant-garde, en Occident, de la qualité de vie démocratique. On n’a qu’à penser à la loi sur le financement des partis qui a été et qui reste un modèle pour tous les pays démocratiques. C’est évident que nous devons demeurer vigilants. Il ne faut pas oublier que, même après deux siècles, la liberté et la démocratie exigent un effort permanent.

C’est clair qu’il y a plusieurs centaines de députés qui ont siégé, qui ont eu le privilège de siéger en cette Assemblée nationale, mais nous, nous avons le privilège d’avoir parmi nous le député qui a siégé le plus longtemps, le député de Bonaventure. Il y a bien quelques députés qui ont également obtenu une longévité parlementaire – son prédécesseur, Monsieur Alexandre Taschereau – mais il y a un avantage remarquable dans le cas du député de Bonaventure. C’est que, lui, il a été élu après que les femmes eurent obtenu le droit de vote.

Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa:

Monsieur le Président, l’économie est normalement une priorité fondamentale. Avec le ralentissement économique que nous connaissons, c’est encore plus clair. Après cinq ans ou six ans de croissance économique très importante, nous devons assumer, depuis environ 20 mois, un ralentissement économique très prononcé, avec toutes les conséquences que cela comporte, très dures, sévères, brutales, dans certains cas. Qu’on pense, notamment, à l’accroissement du chômage chez les jeunes, à l’insécurité, à l’anxiété pour tous ceux qui sont menacés de chômage, à l’appauvrissement collectif de notre société qui résulte inéluctablement d’une réduction du taux de croissance économique.

Cette situation, on le sait, n’est pas particulière au Québec. Tous les continents en sont frappés; les voisins immédiats du Québec aussi, comme l’Ontario, l’État de New York, la Nouvelle-Angleterre, les Maritimes. Comme le Québec exporte, on le sait, 40 % de sa production et qu’une bonne partie de ces exportations sont faites chez nos voisins immédiats, le ralentissement prend une allure incontournable, puisque nous ne pouvons pas vivre dans un monde séparé de ceux qui nous entourent. Mais la responsabilité très ferme du gouvernement du Québec, c’est d’en limiter l’impact.

Donc, nous avons agi avec une multiplication de mesures, que ce soit dans le budget de 1990, dans le budget de 1991, dans les programmes comme Mon taux, mon toit, qui a eu un succès exceptionnel. Dans le plan d’accélération des investissements publics, 600 projets ont été devancés; dans le cas de la relance des PME avec la Société de Développement Industriel, plusieurs centaines de projets ont été facilités.

Évidemment, le gouvernement a aussi développé, et c’est un objectif fondamental, la concertation économique entre les différents agents: patrons, travailleurs et gouvernement. Nous avons développé cette concertation à un niveau inégalé au Québec, au Canada et, je dirais même, en Amérique du Nord. On a pu le constater avec l’accueil qu’a reçu la politique de développement industriel du ministre de l’Industrie et du Commerce, avec l’accueil qu’a reçu par presque tous les intervenants la politique de formation de la main-d’œuvre par le ministre de la main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu. On le constate aussi par cette paix industrielle que nous connaissons et qui se reflète par les prolongements des conventions collectives. Cette paix industrielle est un atout très important dans la promotion de nos investissements, mais il y a d’autres atouts aussi qui sont bien connus, comme la qualité exceptionnelle de notre main-d’œuvre, qu’on souligne régulièrement dans toutes les discussions qu’on peut avoir avec ceux qui sont intéressés à investir dans le Québec et qui est une source de confiance pour notre avenir.

Il y a aussi cette fiscalité des entreprises qui doit demeurer très concurrentielle. On parle beaucoup de réforme de la fiscalité et nous sommes ouverts pour en discuter, mais il ne faut pas oublier la réalité des choses. Dans le cas des entreprises, les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain, sans compter les emplois qui sont créés avec les investissements.

Plus directement, l’État peut jouer un rôle à travers les sociétés d’État. On le sait, Hydro-Québec, cette année, investit 4 000 000 000 de dollars ; la SGF est intervenue dans le cas de Domtar; les alumineries et d’autres projets. J’ai parlé de la SDI. On pourrait parler du rôle de la Caisse de Dépôt, de REXFOR, de SOQUIP dans le cas de Soligaz. On voit que le gouvernement, directement par ses politiques fiscales et financières, de même que par les instruments que l’État québécois s’est donnés depuis le début de la Révolution tranquille, s’implique de la façon la plus efficace possible.

Il y a d’autres projets qui sont envisagés. On peut certainement mentionner celui dont on a beaucoup parié, le projet de la Grande-Baleine, qui demeure un objectif du gouvernement. Mais, là aussi, le calendrier est lié aux forces économiques, le développement est lié notamment, pour une certaine période très courte mais existante quand même, à l’exportation qu’on peut faire dans des États voisins comme dans l’État de New York. Et même si on a beaucoup d’imagination, on ne peut pas blâmer le gouvernement du Québec de la récession qui existe actuellement dans l’État de New York, qui a perdu l’an dernier près de 200 000 emplois. Donc, il y a des phénomènes comme ceux-là, des contraintes que nous devons respecter.

Toutes ces actions de l’État, Monsieur le Président, sont situées dans un contexte de plus en plus influencé par l’évolution du commerce international. On en a des exemples tous les jours, notamment dans nos relations commerciales avec les États-Unis. Dans un simple rapport de force à cet égard, la situation du Québec et du Canada n’est pas toujours facile, surtout avec le développement du commerce international, d’où l’importance vitale pour le Québec et le Canada d’accepter de participer à ces ententes, comme nous l’avons fait dans le cas du libre-échange ou dans le cas du GATT. C’est la seule façon concrète, réelle de circonscrire ou de limiter les abus de pouvoir économique des plus forts à cause de l’existence de ces mécanismes de différends qui nous permettent d’avoir dans les décisions qui sont prises des décisions qui respectent le mérite du dossier.

Sous ce rapport le gouvernement du Québec suit de très près les négociations du GATT pour protéger sa force concurrentielle dans la conquête de nouveaux marchés, mais aussi pour protéger le développement de l’agriculture québécoise. On a eu l’occasion de souligner les batailles qui ont été faites par le gouvernement et par le ministre responsable pour le renforcement de l’article 11, et toutes les discussions qui ont été tenues, que ce soit au Québec, en Europe et avec nos partenaires canadiens. Comme on le voit, le combat économique est un combat de tous les jours. Le gouvernement l’assume pleinement et en fait sa principale priorité.

Que nous réserve l’avenir immédiat? L’expérience récente a fait de la prudence en matière de prédictions économiques une venu bien légitime. Toutefois, on doit mettre en relief plusieurs éléments encourageants: l’inflation est la plus basse depuis plusieurs décennies; le dollar canadien a subi une baisse depuis quelques mois qui permet d’augmenter plus facilement nos exportations; le taux d’épargne est quelque peu plus élevé que la normale; le niveau des inventaires aussi permet d’espérer une plus grande production; les taux d’intérêt sont relativement modestes par rapport à ceux qui existaient il y a un an ou il y a deux ans. Et on veut souhaiter à cet égard, le réalisme de la Banque du Canada puisque le Canada a l’un des taux d’inflation parmi les plus bas de tous les pays industrialisés. Il y a là une marge de manœuvre pour ceux qui ont à décider de la politique monétaire, de tenir compte du niveau d’activités économiques que connaissent actuellement toutes les régions du Canada.

Donc, à la lumière de plusieurs indicateurs, l’optimisme n’est pas interdit, bien au contraire, et on peut être assuré que le gouvernement est fermement déterminé à poursuivre résolument son travail en tenant compte des nouveaux paramètres qui existent, des règles du jeu du commerce international. Nous avons fait beaucoup, nous continuons d’agir en faisant notre première priorité et, dans quelques semaines, le discours sur le budget pourra compléter d’autres mesures qui ont déjà été annoncées.

De façon pratique, on ne peut pas parler de l’évolution de l’économie sans traiter de son impact sur la fiscalité et les finances publiques. En effet, le ralentissement économique a créé de sérieux problèmes budgétaires. Avant le ralentissement de l’économie, nous avions presque atteint l’équilibre dans les finances publiques, c’est-à-dire que les dépenses courantes et les revenus courants étaient à peu près en équilibre. Mais, depuis, la situation s’est détériorée. Même si elle n’est pas dramatique, comme l’a souligné hier le ministre des Finances, elle est préoccupante et exigeante.

D’abord, on doit savoir que nous ne pouvons pas compter, dans l’augmentation des revenus, sur l’inflation. Nous ne pouvons pas compter sur une croissance très forte. Je crois que, pour 1992, le taux nominal de croissance devrait se situer à environ 4%; c’est le plus bas depuis 1961. Nous ne pouvons pas compter – et, là-dessus, tout le monde va être d’accord – sur l’augmentation des impôts. Le gouvernement a dû augmenter plusieurs taxes, évidemment, mais pas les impôts directs. Je tiens à le souligner, l’impôt sur le revenu n’a pas été augmenté depuis sept ans. Il n’y a pas beaucoup de gouvernements qui peuvent présenter un tel bilan sur le plan des impôts directs. Quant au niveau des taxes, nous sommes bien près d’atteindre la loi des rendements décroissants, et c’est pourquoi on ne peut pas escompter une augmentation de revenus avec ce type d’accroissement.

Le gouvernement a dû, il l’admet, assumer des décisions difficiles à ce niveau-là. Ceux qui sont tentés parfois de nous accuser de gouverner par sondages devraient constater que, sur le plan fiscal, ce n’est pas précisément ce que nous avons fait. Mais nous avons essayé d’être responsables en tenant compte de la protection de l’avenir ou des droits des générations futures en n’augmentant pas le déficit d’une façon inconsidérée. C’est vrai que ce déficit est plus élevé que prévu, mais si nous regardons son poids dans le produit intérieur brut, si nous voyons le niveau des déficits, encore là, chez nos principaux concurrents, nos voisins immédiats, que ce soit à l’est, au sud et à l’ouest, on doit réaliser que c’est très comparable.

C’est vrai qu’il y a un endettement élevé pour le Québec. Le service de la dette est d’environ 16% en 1991-1992. Il était de 4%. Le poids du service de la dette dans les dépenses budgétaires était de 4%, d’un peu plus de 4 % quand j’ai fait mon discours, comme ministre des Finances, en juin 1970. Il a quadruplé depuis 1970. Je n’ai pas l’intention, Monsieur le Président, d’être désobligeant et d’expliquer avec quel gouvernement ce service de la dette s’est accru le plus rapidement.

Donc, si la marge de manœuvre est étroite, à cause de la baisse du taux de croissance des revenus et du déficit, qu’en est-il du côté des dépenses? Nous avons eu la collaboration de nos partenaires, notamment avec l’acceptation d’un gel. Mais nous sommes obligés – je disais tantôt jusqu’à quel point le taux nominal de croissance était relativement peu élevé – de vivre avec la réalité de tous les jours et on sait que la masse salariale du personnel syndiqué est l’une des composantes les plus importantes du budget. Or, en 1992-1993, si l’on tient compte de l’équité salariale – il y a eu gel, d’accord – mais il y a l’équité salariale, il y a la progression dans les échelons, il y a les contributions d’employeur, le gel des offres plus les propositions qui ont été faites par le président du Conseil du trésor vont conduire à une augmentation de 3,4% pour 1992-1993.

Il y a un autre secteur qui est très important, comme on le sait, dans les dépenses, le principal programme, celui de la santé. Il est bien connu que ce programme augmente au taux d’inflation plus 3%. Les raisons sont également bien connues: le vieillissement, l’alourdissement, les développements des clientèles, le développement des technologies. Et le gouvernement et le ministère et le ministre font tous les efforts nécessaires, notamment avec la réforme qui a suivi l’adoption de la loi 120, mais c’est un défi très exigeant puisque les dépenses de la santé sont des dépenses qui sont liées aux progrès de notre civilisation. La tâche est rendue plus difficile par la réduction des transferts fédéraux, par l’endettement dont je parlais tantôt, par la croissance économique plus faible. Ces trois facteurs n’aident pas au financement de plusieurs programmes établis dans une conjoncture beaucoup plus favorable.

Bref, dans le domaine des finances publiques comme dans le domaine de l’économie, nous vivons dans une autre époque. L’État-providence manque de souffle, ici comme ailleurs, y compris en Suède où le célèbre modèle suédois est actuellement sérieusement remis en question. Car la question est bien simple: Jusqu’où peut-on hypothéquer l’avenir pour développer l’État providence comme dans le passé? Ce n’est pas une question d’idéologie, c’est une question pratique. C’est dans cet esprit que plusieurs groupes, notamment des députés libéraux, dans un comité présidé par le député de Chauveau, Monsieur Rémy Poulin, des hauts fonctionnaires, dans un comité présidé par le secrétaire général, Monsieur Morin, les membres également de mon parti, ont examiné et proposé des voies de solution que le gouvernement a reçues avec grand intérêt et avec toute la confiance de pouvoir agir à cet égard. Ces propositions sont réalistes et tiennent compte des contraintes que l’État se doit d’assumer.

Je sais, par ailleurs, Monsieur le Président, que certains proposent des réductions de taxes tout en proposant en même temps des augmentations de dépenses, tout en critiquant l’augmentation du déficit. Bref, ils proposent de réaliser la quadrature du cercle. Je dis simplement à ces honorables amis que ceux qui font de telles promesses de réduire les taxes, d’augmenter les dépenses et de réduire le déficit prennent un risque énorme avec leur crédibilité.

Mutation industrielle, nouveau modèle de développement social, on doit constater que le vent du changement s’applique également dans le secteur constitutionnel. En novembre 1989, j’avais souhaité la ratification de l’accord du lac Meech. On connaît la suite. Vingt mois après, on constate que le Canada, sur le plan constitutionnel, est dans l’une des situations les plus difficiles de son histoire. Ce qu’on appelait « la ronde Québec », qui faisait suite à un engagement unanime – ce qu’on a appelé « la déclaration d’Edmonton », en août 1986 – et qui avait pour but de corriger l’injustice de 1982 a été suivi par la ronde Canada, et cela sans que l’iniquité de 1982 ait été rectifiée. Le résultat: l’Assemblée nationale a fait adopter la loi 150 suite à la parution du rapport de la commission Bélanger-Campeau. Comme on le sait, cette commission proposait deux voies: celle de la souveraineté et celle du fédéralisme renouvelé.

Le gouvernement fédéral a accepté l’échéancier de la loi 150 et a institué différentes commissions: Spicer, Beaudoin-Dobbie afin de présenter des propositions en étroite collaboration avec les partenaires canadiens. A plusieurs reprises, le gouvernement a fait part de ses grands objectifs pour la réforme constitutionnelle, ses objectifs pour un fédéralisme renouvelé. Encore hier, Monsieur le Président, l’Assemblée presque toute entière a appuyé cet objectif du fédéralisme renouvelé.

Des voix: Bravo!
M. Bourassa:

Monsieur le Président, les textes parlent par eux-mêmes de même que les votes. Si j’ai bien lu, on a adopté une résolution approuvant le fédéralisme renouvelé.

Ce que nous disons, Monsieur le Président, c’est que nous recherchons l’accord du lac Meech en substance et un nouveau partage des pouvoirs. La loi 150 prévoit l’examen par deux commissions: la commission sur les offres et la commission sur les implications et les coûts de l’accession à la souveraineté. C’est évident que les recommandations de ces commissions seront une étape très importante dans le processus de décision. Je voudrais souligner ici que la loi 150 propose ces deux objectifs et que nous poursuivons, de notre côté, la recherche de l’application de la voie du fédéralisme renouvelé. J’avoue humblement, pour ce qui a trait à la loi 150 – je ne parle pas de la résolution d’hier – que je comprends difficilement qu’on invoque cette loi aujourd’hui comme étant intouchable, qu’on appelle des centaines de milliers de citoyens à signer une pétition pour l’application de la loi 150 alors qu’on a voté – je ne comprends pas la logique – et en deuxième lecture et en troisième lecture contre la loi 150.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
M. Bourassa:

Monsieur le Président, j’aimerais savoir de mes honorables amis à gauche, à votre gauche, en vertu de quelle liturgie ce qui était hérétique en juin 1991 devient sacré en mars 1992.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo! Bravo!
M. Bourassa:

Monsieur le Président, pourquoi le gouvernement souhaite-t-il le renouvellement du fédéralisme de façon très concise? On peut donner quelques raisons. Le Canada – personne ne peut le nier – est un rare pays privilégié au monde en termes de paix, de liberté, de justice et de niveau de vie.

Des voix: Bravo! Bravo!
M. Bourassa:

Monsieur le Président, on peut également souligner d’autres aspects: les problèmes que comporte la désintégration d’une fédération qui existe depuis 125 ans et dont les liens sont de plus en plus étroits. Le processus paraît long, complexe, coûteux, tout cela, évidemment, sujet aux recommandations de la commission qui examine l’accession à la souveraineté. Dans ce fédéralisme, le Québec vise à obtenir tous les pouvoirs pour gérer son développement social, culturel et économique. Il constate aussi que, dans ce fédéralisme, il conserve son droit à l’autodétermination ou son droit à la souveraineté qu’on lui a reconnu de facto en 1980. Je me souviens très bien, Monsieur le Président, d’un discours que je prononçais en juin 1987, le 18 juin 1987 lorsque j’ai proposé la ratification de l’accord du lac Meech; je mentionnais, ce moment-là, très clairement qu’avec l’accord du lac Meech nous conservions ce droit à l’autodétermination.

Il y a toute la question de la sécurité économique. On invoque la déclaration du 23 juin 1990. Qu’on lise cette déclaration et on verra que le chef du gouvernement, parlant directement à ses compatriotes, leur disait qu’aucun geste ne serait posé de manière à compromettre la sécurité économique des Québécois. Voilà ce qu’on disait en juin 1990. Le fédéralisme économique, Monsieur le Président, consolide l’union économique et monétaire. L’union monétaire se reflète au niveau des taux d’intérêt, au niveau du déficit, au niveau de l’endettement. Elle présume de liens politiques pour être durable. Autrement, si elle n’est pas soutenue par des liens politiques, l’union monétaire se fragilise et, à ce moment-là, devient temporaire dans une situation économique d’une grande volatilité des capitaux.

Qu’on n’oublie pas, Monsieur le Président, qu’actuellement le Canada, ses institutions, ses gouvernements ont 260 000 000 000 dollars de prêts à l’étranger, 260 000 000 000 dollars qui sont prêtés aux différents gouvernements et compagnies, d’où l’importance dans les décisions qu’on prend de tenir compte de la volatilité des capitaux dans un contexte comme celui-là avec les conséquences que ça peut comporter. Monsieur le Président, ce n’est pas une faute d’être réaliste de ce côté-ci de la Chambre.

Sur le plan international, le Canada et le Québec, actuellement, sont des États très respectés. Nous le constatons, que ce soit dans des rencontres avec les représentants de l’étranger, que ce soit ici ou ailleurs. Nous pouvons signer des ententes sans aucune contrainte constitutionnelle, comme je l’ai fait avec le président de la Roumanie. Nous pouvons signer des ententes avec les pays étrangers. Dans le monde francophone, le Québec s’affirme. Je veux rendre hommage au prédécesseur du chef de l’Opposition, Monsieur Pierre-Marc Johnson; je veux lui rendre hommage d’avoir signé cette entente au nom de son gouvernement, à laquelle participaient plusieurs de ses collègues, en octobre 1985, avec Monsieur Mulroney, permettant au Québec d’avoir un rôle distinct au sein de la francophonie internationale. Donc, on doit constater que le Québec, dans le contexte actuel, peut s’affirmer sur ce plan-là, comme nous l’avons démontré à plusieurs reprises.

Monsieur le Président, j’ai souligné que les objectifs du gouvernement étaient de respecter l’accord du lac Meech et de travailler à un nouveau partage de pouvoirs acceptable au Québec. On doit constater à l’égard de l’accord du lac Meech, comme je l’ai dit le 3 mars dernier, qu’il y a un rapprochement pour ce qui a trait à certaines propositions, notamment au droit de veto. Par ailleurs, sur le partage des pouvoirs, la méthode proposée n’est pas acceptable.

Il est vrai qu’on mentionne un nombre relativement élevé de pouvoirs qui seraient accessibles au Québec et il est vrai également qu’il n’y a pas beaucoup de précédents où autant de pouvoirs ont été offerts aux différents gouvernements, notamment au gouvernement du Québec. Mais les textes qui nous ont été soumis ne suivent pas les intentions exprimées, et c’est pourquoi nous avons exprimé notre désaccord. Si c’est exclusif, c’est exclusif.

Cela étant dit, on est réaliste; on est conscient de la réalité géographique du Québec qui se trouve au cœur d’une union économique avec la liberté de circulation des capitaux, des personnes, des biens et des services. Chaque pays doit avoir la politique de sa géographie. Donc, nous sommes au cœur de cette union économique. Donc, des ententes librement négociées peuvent être faites dans certains secteurs, que ce soit pour fins d’équivalence ou de compatibilité, mais en respectant, évidemment, le caractère des pouvoirs qui, selon la Constitution – ça peut être très opportun – sont de juridiction québécoise. C’est le sens commun qui doit nous guider à cet égard.

Monsieur le Président, le gouvernement du Québec et la majorité de cette Assemblée souhaitent vivement la réussite des présentes discussions constitutionnelles. Le gouvernement actuel a démontré dans le passé sa volonté d’en arriver à une entente raisonnable. C’est encore sa politique comme, nous le croyons aussi, celle d’une majorité de la population. S’il n’était pas compris et qu’on veuille forcer le Québec à faire des choix sans tenir compte des événements de 1982 et de 1990, qu’on se rappelle que la fierté du peuple québécois ainsi que sa dignité ne sont pas négociables. Respecter notre histoire dans l’édification de ce monde nouveau où tous les peuples doivent collaborer, voilà, Monsieur le Président, ce que nous disons à nos partenaires canadiens.

C’est ce que j’avais à dire dans cette première journée de la nouvelle session. Je veux assurer cette Assemblée de notre plus grande détermination à travailler de toutes nos forces pour protéger l’avenir de tous les Québécois.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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