Discours du trône, Québec, 8 mars 1977

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,

Le 15 novembre dernier l’Assemblée nationale du Québec se métamorphosait, ce qui, on s’en rend compte, ne change pas nécessairement toute l’atmosphère du jour au lendemain. On l’a déjà dit, ce bouleversement électoral n’est pas apparu d’abord, ni même principalement, comme le résultat de l’action directe des Partis.

A notre humble avis, ce qui est vraiment arrivé, c’est l’expression éclatante, et jusqu’au dernier moment plutôt inattendue, d’une prise de conscience collective qui avait fait son chemin peu à peu, en se précisant et en s’accentuant d’année en année.

C’est le plus normal des phénomènes, d’ailleurs, que ce genre de cycle qui, dans l’évolution d’une société, vient périodiquement lui permettre de faire le point sur elle-même, d’exprimer avec une clarté inhabituelle certaines de ses plus fortes et profondes aspirations aussi bien que les plus aigus de ses sujets de mécontentement, et ainsi de faire savoir pour un certain temps comment et avec qui elle entend corriger le présent et aménager l’avenir.

Voilà, selon nous, l’événement qu’a vécu l’automne dernier le peuple québécois, ou plus précisément le Québec français. Et nous n’avons pas à cacher la fierté que nous ressentons, de ce côté-ci de la Chambre et partout où nous sommes présents et actifs, d’avoir été désignés par les citoyens pour être les instruments politiques de cette étape de renouveau.

Aucun parti, bien sûr, pas plus qu’aucun homme ni aucune femme, n’aurait la prétention ridicule d’aller jamais s’imaginer qu’il puisse pleinement mériter un tel choix. Aux plans du Parlement et du gouvernement, comme partout dans la vie, les instruments humains seront toujours terriblement imparfaits. Mais l’imperfection même dont nous sommes bien conscients n’est qu’une incitation de plus à consacrer tous les dons et toutes les énergies dont on peut disposer, ou qu’on peut mobiliser, à l’accomplissement des projets et des réformes, de relance comme de remise en ordre que le peuple a très évidemment souhaités.

La suite de ce discours et puis la session tout entière diront si nous n’avons pas trop mal compris ces exigences et si nous tâchons adéquatement d’y répondre pendant la première année de notre mandat. Mais, pour commencer, il serait utile, et peut-être même indispensable, d’essayer de définir quelques-uns des traits principaux du visage que le Québec semble vouloir se donner dorénavant, et qu’il espère sans doute que nous tous, des deux côtés de cette Chambre, nous aidions à modeler solidement pour l’avenir.

Parmi ces choses qui se passent en nous de ce temps-ci au Québec, et qu’on doit sentir à moins d’être vraiment coupé du peuple québécois, il en est une qui est peut-être la plus importante de toutes: c’est ce sursaut extraordinaire de confiance en soi qui a sans aucun doute constitué la caractéristique la plus saisissante du scrutin de novembre et de ses lendemains.

En réagissant comme elle l’a fait contre l’arsenal naguère encore si puissant des propagandes de la peur et de la petitesse, notre collectivité a franchi un seuil qui mérite, incontestablement, ce qualificatif d’historique dont on abuse trop souvent. Il y avait là un tournant si clairement perceptible et si sain à la fois que, même chez ceux que les résultats avaient déçus, il en est beaucoup qui se sont mis à partager, par la suite, la fierté tranquille et décontractée par laquelle le Québec était parcouru. Cette fierté nouvelle et cette confiance en soi, issues d’un processus parfaitement démocratique, représentent à la fois un progrès sans précédent et un tremplin pour le lancement de tous les projets et de tous les espoirs réalisables.

N’est-ce pas de là, par exemple, qu’est sorti pour s’affirmer comme jamais cet immense désir qu’il y a, présentement, d’une société qui trouverait le moyen d’être à la fois plus efficace et plus humaine? Il est des gens pour qui ces préoccupations apparaissent contradictoires, comme si l’une devait automatiquement exclure l’autre. Pourtant, il n’en est rien. Au contraire, toutes et chacune des sociétés du monde industrialisé sont, comme nous, face à ce double défi d’avoir, désormais, à se montrer en même temps plus productives et plus vivables aussi. Les générations nouvelles nous signifient sans équivoque qu’elles n’accepteront plus jamais que le facteur humain soit traité, comme autrefois, en laissé pour compte des opérations économiques. Une loi nouvelle, aussi impérative que n’importe quelle autre, s’ajoute ainsi aux statuts les plus fondamentaux de la société civilisée, celle du respect de l’homme et de la qualité de sa vie.

Mais, d’autre part, la vieille loi du travail demeure toujours en vigueur elle aussi. Dans un monde qui devient de plus en plus impitoyable pour les traînards, les Québécois, comme tous les peuples, ont l’obligation de se retrousser les manches, et chacun, selon ses capacités, doit fournir sa juste part de l’activité et de la richesse collective. Lorsqu’on est équipé pour le faire, c’est même un devoir de stricte honnêteté à l’égard de la société que de ne jamais se laisser porter passivement par les autres qui acceptent de trimer.

Enfin, parmi ces courants que l’on ne peut pas ne pas ressentir, on discerne aussi chez les Québécois un besoin sans précédent de clarté et d’information, le désir de connaître leur réalité vraie, de savoir au fur et à mesure la nature exacte de leurs problèmes, les vrais mobiles des agissements politiques, administratifs et autres, qui s’effectuent en leur nom. Le gouvernement a tâché, depuis quelques mois, pour commencer à répondre à ce besoin, d’agir le plus possible au grand jour, de mettre la population au courant de son action, des difficultés rencontrées aussi bien que des solutions esquissées. C’est ainsi qu’on a rétabli, dès le départ, peut-être même à l’excès parfois, les contacts réguliers avec les média d’information, et qu’on rend publics les mandats qui sont confiés aux membres du gouvernement. Nous avons l’intention de maintenir et d’accentuer sans cesse cette « transparence » de la prise de décision et de la besogne de l’État, et, il va sans dire, d’en faire le fondement des relations que le gouvernement entend avoir avec l’Assemblée nationale.

Non seulement ce climat de clarté maximum est-il une condition préalable à toute participation sérieuse des citoyens aux principaux efforts de développement, mais il constitue également un des piliers les plus essentiels de la liberté tout court. Derrière la façade indispensable mais fragile des droits formels, en effet, surtout à une époque complexe et jargonneuse comme la nôtre, il n’est plus de véritable liberté pour une population si l’on ne prend pas soin de lui transmettre régulièrement le portrait réel et bien concret de sa condition sociale et économique. C’est dans cette perspective, justement, que le gouvernement abordera, d’ici quelques semaines, l’examen des crédits budgétaires aussi bien que la présentation du budget pour l’année qui vient.

Voilà donc, brièvement, la toile de fond telle qu’elle nous apparaît. Il y a là autant de fécondes promesses que nous avons à tenir ensemble, autant de potentiels tangibles qu’il va falloir stimuler sans répit, car tout cela provient du fond le plus riche et le plus éclairé du Québec. Et ce serait véritablement – pour reprendre, en l’adaptant un peu, une expression qui a déjà servi – un crime contre l’avenir de tout un peuple que d’aller gaspiller cet élan qui peut nous porter ensemble vers plus de justice, plus de liberté, plus de dignité et plus de démocratie.

Or, dans le fonctionnement d’une société démocratique, il n’est probablement rien de plus indispensable que la crédibilité des institutions politiques et celle des partis qui se forment en vue d’en assumer la direction. Cette crédibilité, les sondages ne sont pas seuls à nous apprendre qu’elle est dangereusement entamée par les temps qui courent. Nous aurons donc, en priorité, à la renforcer sur le plan national par des lois qui régiront strictement les caisses électorales et qui augmenteront, du même coup, le financement public des activités essentielles des partis, mais tout en facilitant aussi, par une déductibilité modeste des contributions, la participation populaire à ce financement de l’action politique. Nous devrons également nous préparer à remplir une tâche équivalente et tout aussi indiquée à l’échelle municipale. En cours d’année, nous entamerons, de plus, le travail plus vaste et complexe qui nous mènera à une réforme complète de la loi aussi bien que de la carte électorales, dont l’une et l’autre auront à être en place bien avant le prochain scrutin.

A notre avis, il est non moins nécessaire d’améliorer dans quelques secteurs clés la gestion interne du gouvernement afin de mieux assurer aussi bien l’intégrité que l’efficacité de l’administration publique. C’est ainsi que nous aurons à procéder à une refonte de la Loi de la fonction publique, de même qu’à l’adoption d’une loi sur le Vérificateur général.

On proposera également une loi nouvelle sur la gestion du domaine foncier de l’État. Enfin, la Loi de l’administration financière sera modifiée afin de définir plus précisément les rapports entre le gouvernement et les sociétés d’État qui se sont multipliées en ordre plutôt dispersé depuis une quinzaine d’années et qui représentent une part sans cesse croissante du patrimoine collectif.

De plus, à la suite de certains gestes préliminaires, nous entendons définir très prochainement un ensemble cohérent de nouvelles mesures administratives qui auront pour objectif de débarrasser l’administration publique de tout favoritisme politique.

Les fonds publics ne sont pas ceux du parti au pouvoir. Ils ne doivent donc pas servir à favoriser des amis ou à récompenser ceux qui ont contribué au financement électoral. Tout comme les fonctionnaires doivent être nommés suivant la règle du mérite, les contrats gouvernementaux doivent être accordés en fonction de la compétence et du moindre coût.

Au cours des quinze dernières années, des progrès ont été accomplis dans l’élimination du patronage, dans l’embauche des fonctionnaires et l’octroi des contrats. Mais il est malheureusement demeuré des zones qu’on pourrait dire réservées, où le « bon patronage » est demeuré roi et maître, notamment dans les contrats de construction de moins de 25000 dollars, dans la location d’immeubles, dans l’embauche du personnel occasionnel et du personnel étudiant, dans les contrats de services professionnels comme aussi dans l’octroi de subventions discrétionnaires.

Le gouvernement a décidé de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin, autant qu’il est humainement possible, à tout patronage quel qu’il soit. Même dans les cas où il est impossible de définir des critères objectifs de compétence ou de prix, on peut s’arranger pour donner, autant que possible, une chance égale à tous et éliminer les choix politiques.

Mais un tel changement, s’il ne veut pas rester une simple déclaration de bonnes intentions, suppose la mise en œuvre de nouvelles règles administratives et l’établissement d’un appareil de contrôle efficace. Dès le mois de décembre dernier, le gouvernement a demandé au Conseil du trésor de lui proposer une façon de procéder pour atteindre cet objectif. Ce travail littéralement gigantesque s’est poursuivi depuis à une cadence accélérée, au point où un premier rapport sera présenté au Conseil des ministres au cours des prochaines semaines et on prévoit que l’ensemble de la réforme pourrait être mis en place d’ici la fin de l’été.

Ajoutons, en ce qui touche directement la vie parlementaire, qu’on poursuivra la révision de la Loi de la législature pour moderniser et pour renforcer les règles régissant la prévention des conflits d’intérêts. Et nous gardons aussi bon espoir – en dépit de certaines déceptions initiales – d’aborder bientôt l’expérience éminemment démocratique et possiblement instructive de la télédiffusion des débats de la Chambre.

Parmi ces débats qui occuperont les mois qui viennent, tout le monde sait que certains des plus importants seront d’ordre culturel. Dans une société nationale à laquelle le jeu de l’évolution politique, économique et démographique a fait subir de très sérieux problèmes d’identité, et même de simple survivance, il est évident que la vitalité culturelle et linguistique va constituer une priorité absolue, une priorité dont l’élément central, à la fois l’âme et le ciment, c’est toujours la langue. Comme l’écrivait Alexis de Tocqueville, ce grand observateur que d’aucuns prétendent annexer à leurs vues sans le consulter, « le lien du langage est peut-être le plus fort et le plus durable qui puisse unir les hommes ». Comme aussi, bien sûr, il peut les désunir dangereusement à l’occasion.

Or, il est bien connu que la législation actuelle sur la langue n’a pas donné des résultats satisfaisants, à tel point que pendant la dernière campagne électorale, tout un chacun en est venu à parler de la modifier ou de la remplacer.

Vu l’incertitude qui règne à ce propos autour de la prochaine année scolaire, et quoiqu’il soit très conscient du caractère extrêmement délicat de l’opération, le gouvernement a décidé qu’il fallait bel et bien la remplacer sans plus attendre. Nous aurons donc à étudier très bientôt une nouvelle loi générale, qui sera accompagnée d’un livre blanc aussi explicite que possible, et dont nous espérons qu’elle pourra vraiment mériter de s’appeler la Charte du français au Québec.

Sur ce continent, dont les courants dominants tendent à nous pénétrer comme autant d’incitations constantes à une certaine décomposition culturelle, cette loi devra d’abord être une affirmation claire, vigoureuse et sans détour de la primauté absolument normale de la langue française au Québec. Mais elle devra, en même temps, refléter la confiance en soi et l’esprit de tolérance adulte d’une nation qui sait aujourd’hui qu’elle n’a pas besoin de former un ghetto pour s’affirmer et s’épanouir.

Aussi, pour ces minorités actuelles de notre peuple qui sont d’autres souches et qui ont conservé ou adopté l’anglais comme langue principale, la loi devra également, avec sérénité, et pourquoi pas avec générosité, leur permettre de maintenir, à l’école et ailleurs, leur propre identité. En y mettant de part et d’autre toute la bonne foi et la compréhension dont nous sommes capables, je suis sûr que nous arriverons à résoudre convenablement cette apparente quadrature du cercle.

Par ailleurs, le gouvernement précédent avait présenté à la population, au moyen d’un livre vert, toute une gamme de choix possibles quant à la définition d’une politique globale de la culture. Depuis lors, on a reçu près de deux cents mémoires au sujet de ces hypothèses de travail. Afin de passer le plus rapidement possible à la phase de l’action, le gouvernement a donc chargé le Comité permanent du développement culturel de définir, avant l’ajournement d’été, les éléments essentiels de cette politique, les structures nécessaires pour la mettre en œuvre et les lois spécifiques qu’il faudra aussi adopter.

De même, du côté de l’éducation, en même temps que des ressources accrues seront immédiatement affectées à l’enseignement du français, à l’enseignement religieux et à celui de l’histoire et de la géographie, en même temps aussi qu’on poursuivra les efforts pour mieux établir les conditions d’une vigoureuse décentralisation scolaire, il va falloir, le plus vite possible, poursuivre et conclure l’examen d’ensemble de tout le système et de son contenu qu’exigent à l’évidence les difficultés croissantes de ces dernières années et l’inquiétude, pour ne pas dire le mécontentement, qu’elles ont suscités dans tous les milieux. Cela prendra en priorité la forme, déjà annoncée, d’une étude sur l’université et son avenir.

Mais c’est le résultat tout entier des grands chambardements des années soixante qu’il va falloir également scruter avec beaucoup de soin, et c’est déjà commencé, afin d’en corriger les lacunes de plus en plus flagrantes tout en évitant de laisser dévaluer le rattrapage et la démocratisation indispensables qu’ils ont permis.

Ce qu’il faut enrayer avant tout, dans le secteur public en particulier, c’est une impopularité croissante de l’éducation elle-même, qui risque d’être considérée comme une sorte de mal nécessaire que les citoyens endurent en trouvant que ça coûte trop cher pour ce que cela rapporte, où les enseignants se voient de plus en plus comme les mal aimés de la société et où un nombre angoissant d’élèves ont tout simplement hâte d’en sortir. S’il s’agit de bien préparer notre avenir immédiat aussi bien que lointain, il n’est guère de plus haute ni de plus pressante urgence.

On pourrait dire des choses passablement analogues et il faut envisager le même genre de révision en ce qui concerne le secteur non moins vaste, non moins vital et non moins coûteux des Affaires sociales. Effectivement, le gouvernement s’est déjà mis à l’étude intensive des correctifs les plus nécessaires, et il en fera part à l’Assemblée nationale et à la population dès qu’il y verra clair.

Entre-temps, il est un certain nombre d’actions précises, constituant pour la plupart des engagements formels du gouvernement, que nous proposerons au cours de cette session. On vous demandera d’accélérer la fourniture gratuite des soins dentaires aux enfants. Également de rendre les médicaments accessibles à toutes nos personnes âgées.

Nous entendons de plus mettre sur pied, au rythme le plus rapide que permettront les contraintes budgétaires, un système efficace de transport des malades, dont l’insuffisance et même parfois l’absence à peu près complète sont devenues absolument intolérables.

Compte tenu des moyens disponibles, d’autres mesures budgétaires seront également prises pour accroître les services de garderies et de soins à domicile.

Il est par ailleurs des catégories de personnes qui souffrent plus que leur part normale d’épreuves, et qui ont souffert encore davantage à cause des délais prolongés que l’État a mis à soulager leurs problèmes. C’est pourquoi vous serez appelés, le plus tôt possible, à étudier la Loi de la protection de la jeunesse ainsi qu’une loi destinée à assurer les droits de la personne handicapée.

Un autre domaine de véritable urgence sociale, dont le gouvernement a l’intention de s’occuper intensément, c’est celui de la protection du consommateur. Le Québec a dû attendre jusqu’en 1971 pour obtenir sa première loi à ce sujet, mais cette législation, qui est toujours en vigueur, est tellement timide que l’ancien gouvernement avait jugé bon lui-même, l’an dernier, d’en proposer une refonte complète. Ce travail sera repris à la lumière des représentations qui ont été reçues, de manière à rétablir une bonne fois l’équilibre depuis longtemps rompu entre consommateurs et commerçants. Et l’on visera à ce que le nouveau texte de la loi soit plus clair et plus facilement applicable que l’ancien en même temps qu’il accroîtra les pouvoirs et les ressources de l’Office de protection du consommateur.

C’est dans la même optique que l’on vous présentera aussi une loi permettant l’action de groupe qui, sous le nom de « class action », s’est déjà généralisée un peu partout en Amérique du Nord.

Probablement parce qu’il cadrait mal avec l’individualisme foncier de notre droit civil, ce recours collectif n’avait pas encore trouvé sa place dans notre procédure judiciaire et comporte pourtant d’énormes avantages pour le citoyen ordinaire à qui il permet de faire reconnaître des droits qui, autrement, seraient condamnés à demeurer purement théoriques, surtout lorsqu’il faut affronter de grandes entreprises contre lesquelles tout recours est normalement trop complexe et trop onéreux. Nous vous demanderons donc d’introduire chez nous cette nouvelle et indispensable procédure, tout en évitant qu’on puisse en abuser par une multiplication futile des litiges ou par des poursuites exorbitantes.

Dans le même ordre d’idées, nous vous suggérerons également d’amender le Code de procédure civile pour faciliter le recours aux tribunaux notamment en augmentant à 500 dollars la juridiction de la Cour des petites créances.

Est-il besoin d’ajouter aussi que vous serez appelés dans les plus brefs délais à vous pencher sur notre régime d’assurance-automobile, dont tous reconnaissent depuis longtemps qu’il est dans un état lamentable. Non seulement les Québécois paient-ils, et de loin, les primes les plus élevées au Canada, mais encore sont-ils très mal protégés, surtout en matière de dommages corporels: le règlement des litiges est devenu interminable et près de 30% des victimes n’arrivent pas à se faire indemniser. Seul un régime public d’assurance-automobile pourra corriger cet état de fait. Le gouvernement s’est engagé à mettre sur pied, dès cette année, la première étape d’un tel régime, et il tiendra promesse. De plus, étant donné que cette loi touchera directement presque toutes les familles québécoises, elle sera soumise à une forme nouvelle de consultation qui n’aura pas à s’éterniser tout de même, je tiens à le souligner, c’est-à-dire la consultation par voie de commission parlementaire itinérante. Ainsi, nous pouvons espérer qu’avant la fin de l’année, les automobilistes du Québec pourront bénéficier d’un nouveau régime d’assurance qui répondra adéquatement à l’essentiel de leurs besoins.

Quant à la protection de l’environnement, nous avons déjà marqué l’importance que nous lui accordons en nommant un ministre qui est responsable à temps plein. Voués jusqu’à ce jour à des tâches normatives, les Services de protection de l’environnement joueront dorénavant, en plus, un rôle de promoteur, avec la mission précise d’aider tous les Québécois à acquérir ce qu’on pourrait appeler une conscience sociale à l’égard de leurs milieux de vie, avec le goût de les protéger et de les défendre adéquatement contre toute agression.

Pour en arriver à cet objectif, on commencera par mettre sur pied, dans les plus brefs délais, un réseau de groupes de citoyens prêts à animer un programme de participation à cette défense de la qualité du milieu. Pour sa part, le Conseil consultatif se verra confier un mandat d’écoute plus active des personnes, des corps intermédiaires et des entreprises qui font face à des situations problèmes.

En plus de ce programme qu’on a bon espoir d’enraciner directement dans la population, il va sans dire que les Services de protection de l’environnement gardent aussi leur rôle dans la lutte contre la pollution industrielle qu’ils auront à intensifier en s’occupant principalement des dossiers sur la qualité de l’atmosphère et sur les méfaits du mercure, de l’amiante et de l’anhydrite sulfureux.

En matière de protection publique, le Québec a connu récemment des perturbations graves qui ont heureusement pu être contenues dans les limites tolérables, mais dont il importe d’éviter la répétition dans l’avenir. A cette fin, le gouvernement s’attachera à redéfinir les fonctions respectives du Conseil de la Communauté urbaine de Montréal, du Conseil de sécurité et du Service de la police de la Communauté urbaine. Il verra également à ce que les policiers municipaux, dont les salaires ont fait l’objet d’un avis de la Régie des mesures anti-inflationnistes, soient traités avec équité.

Quant à la réorganisation des tribunaux, dont l’étude avait été entreprise sous le gouvernement précédent, c’est notre intention d’en saisir l’Assemblée nationale au cours de la présente session.

En novembre 1975, d’autre part, une entente a été signée avec les Indiens et les Inuit affectés par le développement de la Baie James. Comme il s’était engagé à le faire, le gouvernement du Québec a fait ratifier cette entente par l’Assemblée nationale. Il est à espérer que le gouvernement fédéral, qui a également signé l’entente et qui a pris le même engagement, verra à y donner suite dans les meilleurs délais. Quant à nous, nous ferons le nécessaire pour remplir les obligations qui ont été assumées en vertu de cette entente, en saisissant l’Assemblée nationale d’une série de projets de loi pour mettre en place les mécanismes qui y sont prévus.

Parallèlement, nous poursuivrons les négociations avec les autres nations indiennes en vue d’en arriver, là aussi, à des accords satisfaisants.

Et maintenant, je voudrais traiter quelques instants, avec une insistance spéciale, de la manière dont le gouvernement entend aborder ces deux grandes facettes de l’activité collective, que l’on oppose facilement l’une à l’autre, parce qu’elles sont régulièrement génératrices de conflits, alors qu’elles sont aussi et indissolublement complémentaires: le développement économique et les relations de travail.

Disons d’abord ce que chacun sait. Dans l’ensemble, la conjoncture économique n’est pas réjouissante, et cette langueur maintient un chômage cruellement élevé, qui refuse de se résorber.

C’est un fait brutal que cette permanence excessive du chômage, et qui s’est encore accentué depuis deux ans, tandis que la situation économique allait se détériorant sans cesse davantage. De 6,6% en 1974, c’est ainsi que le taux moyen du chômage au Québec augmentait à 8,1% en 1975, puis à 8,7% l’an dernier. Vu le plaisir morbide qu’on semble prendre dans certains milieux à nous inventer une crise qui serait brusquement apparue un certain soir de novembre, il est sûrement légitime de souligner que les graves difficultés d’aujourd’hui ne sont surtout pas nouvelles. Il n’est pas inutile non plus de noter – à condition de ne pas s’en attribuer le mérite – que, même si la situation n’a pas substantiellement changé. il y a eu une légère amélioration depuis quelques mois. En effet, au cours des trois derniers mois dont les statistiques soient connues, et par rapport aux trois mois précédents, l’emploi au taux annuel a même progressé de 2,8% au Québec, comparativement à une diminution de 2,5% en Ontario et de 0,8% dans l’ensemble du Canada.

Ajoutons tout de suite que ces chiffres ne sont pas employés du tout pour donner le change. Ils ne révèlent de toute manière qu’une amélioration marginale et fragile. Le gouvernement est douloureusement conscient de l’impossibilité de modifier la conjoncture économique de façon décisive non seulement du jour au lendemain, mais par quoi que ce soit d’autre qu’un patient et inlassable effort de développement, qui devrait requérir une vraie mobilisation de toutes nos ressources. Mais, dans le contexte actuel, l’État québécois se sait privé d’une part prédominante de ces ressources et de plusieurs des instruments les plus essentiels de l’action économique, qui demeurent l’apanage exclusif du gouvernement fédéral, et dont on aurait besoin pour agir chez nous avec un maximum d’efficacité. Nous savons donc que nous n’avons pas les moyens de tout régler, mais aussi que nous n’aurions pas d’excuse si nous négligions d’employer tous les outils dont nous disposons pour stimuler l’économie et réduire quelque peu le chômage. C’est ce que nous entendons faire assidûment, et chaque fois que le gouvernement fédéral voudra bien agir dans le même sens, dans le contexte actuel, il sait que nous n’hésiterons pas à collaborer avec lui.

En matière de développement économique, la philosophie du gouvernement est très claire: Nous comptons mettre en valeur d’abord et avant tout les facteurs proprement québécois. Ces facteurs, ils sont suffisamment nombreux et riches en potentiel pour nous rendre vraiment prospères à condition que cette prospérité, ce soit nous qui la fassions. On peut et on doit s’attendre, sans doute, à des apports intéressants de l’extérieur, mais on ne doit jamais s’attendre au progrès d’ensemble comme à un cadeau. Comme tous les peuples, les Québécois ont à compter d’abord sur eux-mêmes et sur leurs propres ressources.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons déjà annoncé un certain nombre de mesures que nous sommes présentement à mettre en place. Ainsi, nous entendons mettre en œuvre la politique d’achat du gouvernement qui favorise résolument nos entreprises québécoises et aussi en étendre la portée à tout le secteur public et parapublic, y compris les municipalités.

Nous n’allons pas nous arrêter là. Au contraire, en dépit du caractère terriblement serré des calculs budgétaires que nous imposent aussi bien la conjoncture que certaines coupures injustifiables effectuées par Ottawa, nous allons mettre de l’argent neuf dans la lutte au chômage, jusqu’à la limite des possibilités. Le gouvernement a décidé de lancer un programme spécial de mesures à court terme destinées à créer de l’emploi et d’y consacrer plusieurs dizaines de millions de dollars. Les modalités en seront annoncées dans les crédits budgétaires que le ministre des Finances déposera avant la fin du mois.

Mais je tiens à préciser immédiatement que ce programme spécial comprendra un volet particulièrement important d’aide à l’habitation et au développement domiciliaire, de façon à faire d’une pierre deux coups: combattre le chômage et répondre à des besoins sociaux criants. Et pour soulager les régions périphériques qui sont les plus touchées par la pénurie d’emplois, nous proposerons des travaux de reboisement et d’amélioration de l’accès aux ressources forestières, de même qu’une extension des traitements sylvicoles et aussi une assistance à l’embauche d’ouvriers agricoles. Il y aura également des programmes spéciaux, entre autre aux ministères des Travaux publics et des Transports.

Il ne faut cependant pas limiter au court terme l’action dans le domaine économique. Notre développement passe par un accroissement de la productivité du secteur industriel, sinon il sera toujours compromis. Cela viendra surtout d’une modernisation des modes de production et d’une présence plus agressive de nos industries sur le marché international. C’est pourquoi nous vous proposerons des mesures concrètes pour stimuler, notamment, le développement de l’industrie manufacturière au moyen d’avantages fiscaux et d’incitations au réinvestissement des profits au Québec. Il y aura également une loi pour aider à l’expansion et à la réorganisation des entreprises proprement québécoises. Et nous comptons aussi vous présenter bientôt la loi qui créerait cet organisme impatiemment attendu, une société de développement coopératif.

Il y aura encore une nouvelle loi sur l’allocation de la matière ligneuse, de façon à favoriser l’exploitation rationnelle de nos forêts qui alimentent notre principal secteur industriel. Sans compter les efforts budgétaires qu’il faut consacrer à la relance de l’industrie minière dans le Nord-Ouest québécois et une promotion substantiellement accrue de l’industrie touristique.

Quant à l’agriculture, le moins qu’on puisse dire, c’est que les politiques conçues en dehors du Québec n’ont guère servi à aider nos producteurs; ces derniers temps surtout, elles semblent même viser systématiquement à leur couper l’herbe sous le pied. C’est ainsi que, l’an dernier encore, le revenu des agriculteurs québécois a connu une baisse substantielle.

Aussi, le gouvernement a-t-il décidé de prendre, comme il l’avait d’ailleurs promis, une série de mesures pour tâcher jusqu’à la limite de ses pouvoirs et de ses moyens d’améliorer la situation autant que faire se peut.

Dans les crédits budgétaires, on allouera des sommes d’une importance majeure au drainage souterrain, afin d’augmenter au plus vite la productivité de nos terres et l’autosuffisance dans divers secteurs.

Le programme de stabilisation des revenus sera étendu et une aide accrue sera accordée aux boisés privés. On procédera aussi à la construction de serres expérimentales, afin de propager cette forme encore trop méconnue de production et que, pourtant, notre climat appelle de toute évidence.

Pour commencer aussi à réaliser un engagement tout autant social qu’économique, nous amorcerons une mise en place progressive de la distribution gratuite du lait dans les écoles.

Et enfin, pour donner suite à un autre engagement formel et particulièrement important pour l’avenir, le gouvernement saisira l’Assemblée nationale d’un projet de loi destiné à assurer enfin le zonage et la protection de nos terres agricoles, ce qui mettra nos sols arables à l’abri de la spéculation et de l’envahissement urbain et permettra de préserver pour demain l’un des morceaux les plus précieux du patrimoine collectif.

J’en viens maintenant à cet autre aspect essentiel de la santé collective, y compris la santé économique: les relations de travail. Chez nous, comme n’importe où dans le monde, il est indispensable au progrès que le climat du travail et les relations entre employeurs et employés se portent le mieux possible et que, même et surtout en cas de désaccord on parvienne au moins à s’entendre sur certaines réalités auxquelles on n’échappe pas et sur les limites certaines qu’on ne saurait dépasser sans se faire plus de tort que de bien.

Pour notre part, nous avons profité de quelques questions épineuses, qui étaient déjà pressantes avant notre entrée en fonction, pour poser en vrac les premiers jalons de la marche que nous entendons suivre. C’est ainsi que le gouvernement a opté, sans délai, pour le respect intégral des conventions collectives signées par ses prédécesseurs, qu’il a respecté scrupuleusement l’autonomie des parties tout en faisant tous les efforts légitimes pour hâter le règlement de conflits aigus dans le monde universitaire et de tensions toujours inquiétantes au sein de nos corps policiers et puis aussi qu’il acceptait d’emblée, tout récemment, d’accorder des droits normaux aux employés occasionnels de l’État.

Évidemment, il va falloir aller bien plus loin. Il nous faudra sans doute, d’ici quelque temps, effectuer de profonds changements dans le Code du travail. Ce n’est pas d’hier qu’on en ressent le besoin, de toute façon, puisqu’on a même annoncé, à diverses reprises, quelque chose comme une révision ou une refonte qui n’est pas venue. Avant d’en faire autant, on comprendra que, la leçon ayant porté fruit, le gouvernement actuel tienne d’abord à être sûr de son fait et à procéder à toute la consultation nécessaire.

D’ici là, cependant, il est un bon nombre de situations précises et bien connues que nous pouvons et que nous devons rectifier sans retard. Ainsi, vous serez appelés à établir par une loi ces conditions minimales de travail qu’attendent depuis trop longtemps une multitude de petits salariés qui n’ont, jusqu’à présent. aucun recours organisé et auxquels ce cadre nouveau ne fournira que la protection de leur dignité et de leur sécurité les plus élémentaires.
C’est cette même préoccupation pour la dignité fondamentale des Québécois qui a inspiré la priorité à laquelle le gouvernement est tenu de donner suite dès cette année concernant la santé et la sécurité physique des travailleurs.

Très bientôt, de premiers correctifs seront donc présentés concernant, entre autres, la Loi des accidents du travail et aussi la Loi sur l’indemnisation des victimes d’amiantose et de silicose. Dans ce dernier secteur, on doit, de plus promulguer incessamment, par voie d’arrêtés en conseil, certaines mesures parmi les plus urgentes recommandées par la commission Beaudry. Et surtout, avant la fin de l’année, le comité permanent de développement social s’est engagé à nous présenter une loi générale qui définira clairement et vigoureusement les principes, les structures et les méthodes d’application d’une véritable politique en matière de santé et de sécurité au travail. Et l’on peut être assuré que cette politique de respect pour la première de toutes nos ressources, le capital humain, ne saurait se traduire que par des gains substantiels sur tous les autres plans, y compris celui de la rentabilité économique. Car, il faut le répéter, l’économie qui prétendrait encore faire passer l’homme après les machines serait vouée à l’échec.

C’est précisément dans le but de mettre en lumière cette interdépendance du progrès de l’économie et de l’amélioration du sort des travailleurs que le gouvernement a décidé de convoquer, en mai prochain, une conférence des grands agents socio-économiques.

Nous espérons voir le plus de lumière possible, et même un certain accord au moins sur les faits les plus têtus et les plus importants, résulter de cette conférence, où se retrouveront pour la première fois à une même tribune un bon nombre des porte-parole les plus autorisés du monde syndical, des milieux patronaux, du mouvement coopératif et de l’État québécois.

Est-il besoin d’ajouter qu’on compte y rencontrer aussi des députés de tous les partis qui sont représentés dans cette Chambre? Personne ne se fait l’illusion qu’il pourrait sortir de là la sorte de concertation qui mettrait tout le monde d’accord comme par enchantement.

Notre société est le lieu de trop d’affrontements, de trop de disparités et aussi, hélas, de trop d’inégalités encore douloureuses pour qu’on puisse rêver en couleur à pareille harmonie instantanée. Mais il est tout de même permis de songer modestement à l’amorce d’une compréhension commune des problèmes et d’un dialogue de bonne foi, qui pourraient nous engager sur le chemin ardu de ce minimum de paix sociale dont on sent partout le besoin.

Avant de terminer, on me permettra de mentionner encore quelques-uns des sujets plus prospectifs sur lesquels on travaille présentement à élaborer des politiques, ou du moins des positions de départ, dont certains auront donc à mûrir au-delà de la session, alors que d’autres vous seront soumis dès cette année.

Il y a d’abord la question fondamentale entre toutes que pose l’évolution politique du Québec, avec les échéances qu’elle commande. Le seuil que j’évoquais au début, ce seuil que le Québec a franchi démocratiquement le 15 novembre dernier, c’était à notre avis, celui de la maturité nationale. A partir de là, un peuple peut commencer calmement à évaluer et à bâtir lui-même sa carrière propre, comme aussi à définir ou à redéfinir librement ses relations avec les autres. Tout le monde respectera sûrement ce droit indiscutable que possède le peuple québécois de s’autodéterminer, et l’exercice qu’il sera appelé à faire de ce droit. En première étape, l’Assemblée nationale aura à se prononcer, dès cette session, sur une loi permettant la tenue du référendum auquel le gouvernement s’est engagé à procéder avant la fin de son présent mandat. Ce projet de loi sera soumis à l’examen d’une commission parlementaire, afin que tous aient l’occasion de s’exprimer sur son contenu.

Parallèlement, le gouvernement précisera l’option qu’il proposera lui-même, de concert avec ceux qui seront de son avis, au peuple québécois. Cette option c’est celle de la souveraineté nationale, comme chacun sait, c’est-à-dire le seul régime qui puisse à notre avis assurer notre pleine sécurité et notre plein épanouissement. Mais c’est en même temps tout le contraire d’une option d’isolement ou de repli sur soi. Il s’agit d’établir plutôt un nouveau type d’association, inspirée de formules que bien d’autres peuples pratiquent déjà, et qui leur a grandement servi à coopérer et à se développer ensemble, mais sans les tensions permanentes, les inégalités politiques et les risques constants d’animosité du fédéralisme traditionnel. Quoi qu’il en soit, nous avons entrepris sur les modalités de cette association une étude complète, dont les résultats vous seront communiqués, comme à tous les citoyens du Québec, aussitôt qu’ils seront disponibles.

Comme on vous a rappelé, d’autre part, que c’est aujourd’hui le Jour international de la femme, soulignons également que le gouvernement a l’intention de mener à bien une étude en profondeur destinée à définir une politique d’ensemble sur la condition féminine. Cet examen devrait revoir d’abord en détail les multiples lois et pratiques qui touchent directement le sort de la Québécoise, notamment celles portant sur les conditions de travail, et aussi prévoir l’amélioration ou, le cas échéant, la résurrection de divers services, comme l’aide à domicile et les garderies, dont la carence actuelle se fait lourdement sentir.

Dans le secteur des loisirs, on s’attend d’ici quelques mois à pouvoir nourrir notre réflexion grâce à un livre vert et il en ira de même en ce qui concerne la définition d’une politique scientifique.

Nous comptons pouvoir annoncer aussi, avant trop longtemps, la forme que prendra pour de bon la politique du gouvernement au sujet de l’industrie de l’amiante et la façon la plus indiquée d’y instaurer un contrôle québécois.

Quant à la politique globale que le ministre d’État et le comité permanent travaillent très fort à définir en matière d’aménagement du territoire, elle doit viser tout spécialement à une décentralisation des responsabilités, afin de ramener le plus grand nombre possible de décisions le plus près possible des citoyens qu’elles concernent.

Les municipalités, en particulier, qui sont le niveau démocratique le plus proche de la population, doivent être considérées comme des partenaires à part entière dans l’ensemble administratif québécois.

C’est dans cette perspective qu’on soumettra à l’Assemblée nationale de nouveaux mécanismes pour définir les découpages régionaux les plus appropriés, ainsi que les relations qui doivent s’établir entre les administrations locales. Évidemment, cette politique devra prévoir que des ressources adéquates accompagneront les pouvoirs et les responsabilités que les autorités locales auront à assumer. Ce sera alors le moment d’une réforme complète, et qui est intensément désirée, comme on le sait, de la fiscalité municipale.

Tout cela sera éventuellement encadré par une loi générale de l’aménagement qui devra servir de base non seulement au développement harmonieux du territoire, mais aussi à une relance décisive du développement régional. Entre-temps, des jalons importants seront posés, au cours de la session, avec l’adoption d’une loi renouvelée sur l’urbanisme, d’une loi sur les parcs et d’une loi créant des organismes intermunicipaux de transport en commun.

Enfin, pour ce qui est de l’énergie, domaine où nous, les Québécois, faisons toute notre part d’un gaspillage depuis trop longtemps universel, mais désormais condamné à finir pour nous comme pour les autres avant bien des lustres, un livre blanc sera publié en cours d’année sur l’ensemble de la question. Et déjà, comme premier élément de l’indispensable politique de l’avenir, un Bureau de conservation de l’énergie est en voie d’organisation; son action, si elle peut devenir vite efficace, permettrait d’épargner à l’économie québécoise des dépenses considérables.

Voilà donc les grandes lignes du programme d’action que le gouvernement entend mettre en œuvre au cours de cette première année de son mandat. Il s’agit, nous en sommes conscients, d’un programme ambitieux. Mais c’est aussi, croyons-nous, un programme réaliste si tous se donnent la main pour le réaliser. Chacune des mesures qu’il contient a été évaluée et analysée au sein des comités ministériels permanents, et jusqu’au Conseil des ministres, et le coût de chacune a été estimé soigneusement par le Conseil du trésor. Le calendrier d’exécution a été établi en fonction des disponibilités de personnel. Tout cela peut donc se faire si chacun accepte de mettre l’épaule à la roue.

Quant à nous du gouvernement, nous sommes fermement décidés à ne ménager aucun effort pour remplir ces objectifs. Je suis confiant que la fonction publique, qui a été intimement associée à la définition de ce programme, voudra également collaborer avec enthousiasme à sa mise en œuvre. Et nous comptons bien que les membres de l’Assemblée nationale eux aussi voudront mettre les bouchées doubles pour faire de la session qui commence une des plus productives qu’ait connues le Québec.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

Share