Bonsoir,
A la première de cette couple d’émissions, il y a quelques semaines, j’avais tâché d’expliquer, le moins mal possible, la situation budgétaire du gouvernement, y compris les décisions salariales pas faciles qu’il nous a fallu prendre afin, d’abord, d’éviter de taxer trop durement les contribuables – qui le sont déjà bien assez, merci! – et afin, également, d’empêcher le déficit de grimper au-delà des limites acceptables. Seulement, comme il ne suffit pas de renflouer la caisse, il fallait en plus, quand même nous assurer d’un strict minimum de moyens pour venir en aide aux chômeurs et à tous ceux et à toutes celles qui, hélas, sont menacés de le devenir et pour venir en aide aussi aux entreprises qui sont littéralement égorgées par les politiques de plus en plus désastreuses qu’on a maintenues aveuglément comme une espèce d’idée fixe à Ottawa.
C’est là-dessus, depuis le début de l’année, et surtout pendant les deux ou trois derniers mois, qu’on a mis le plus d’efforts constants et ce soir, je voudrais vous décrire en gros ce que ça a donné jusqu’à présent. Bien sûr, une chose qu’il faut toujours se rappeler, c’est que les moyens dont nous disposons au plan provincial, sont forcément très limités. Ils sont terriblement limités. Même si très souvent on se fait traiter, nous à Québec, dans les exigences comme dans la critique qu’on doit encaisser, si on se fait traiter comme si nous avions à Québec, un gouvernement national, un gouvernement complet, avec tout l’arsenal des instruments politiques et économiques qui nous permettraient de toucher à tout, de nous occuper de tout. Et ça, c’est vraiment curieux. Parce que, quand même, personne n’a le droit d’oublier qu’en décidant au référendum de rester jusqu’à nouvel ordre dans un régime fédéral, en même temps, on décidait que le Québec n’aurait pas plus de pouvoirs ni plus de ressources qu’auparavant et qu’on risquait même, hélas c’est arrivé, de s’en faire enlever.
Mais malgré ça, on n’aurait pas d’excuses, par les temps qui courent, si on ne faisait pas tout ce qu’on peut pour tâcher de limiter les dégâts de la crise, et même, chaque fois que c’est possible, de stimuler quelque peu l’activité économique. Et justement, c’est là-dessus – et le contraire aurait été surprenant d’ailleurs – que tout le monde est très vite tombé d’accord au récent Sommet économique qui a eu lieu à Québec au début d’avril. Et c’est ainsi, au beau milieu de propos et de commentaires plutôt sombres – inutile de le dire – sur tout ce qui passe, au milieu de tout ça, c’est ainsi qu’a surgi tout à coup une idée, une idée à la fois simple et concrète sur quelque chose qu’on pourrait faire tout le monde ensemble.
«Ce que ça prend, ce sont des programmes pour relancer l’économie et créer de l’emploi. Par exemple, il y a un besoin criant de logements dans la région de Montréal, le taux de vacance n’étant que de 1% et ce ne sont généralement pas des logements pour une famille à revenu moyen. Avec une telle pénurie de logements, les locataires sont tellement, sont totalement à la merci des propriétaires. Ils doivent aussi aborder dans des hausses effarantes de loyers la hausse des taux hypothécaires. La mise en marche de vastes programmes de construction de logements familiaux est donc d’une urgence sociale. Et nous ferions d’une pierre deux coups: en plus de nous attaquer à la pénurie de logements, nous mettrions au travail des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses en chômage.» (Louis Laberge, Sommet économique, avril 1982).
«L’effet total, direct et indirect sur l’emploi, serait de l’ordre de 85000 emplois. C’est donc considérable! Ce n’est peut-être pas le double, mais enfin, c’est très important. Et l’impact – je pense qu’il faut s’arrêter à ça 30 secondes pour se rendre compte de ce que ça veut dire – l’impact sur l’emploi au Québec est considérable en proportion; c’est non seulement 85000 emplois, mais ça représenterait au bout d’un an, ça, une hausse de 3% dans l’emploi total au Québec: 3.2%. Cela représenterait une augmentation du produit intérieur brut réel, sans inflation, d’à peu près 3%. Alors, quand on parle d’augmentation du produit intérieur brut réel de 0.2% ou d’une baisse de 1,5%-et à notre époque quand un gouvernement peut annoncer 1%, il se trouve très fier de son coup – là c’est 3% d’augmentation dont on parle. C’est considérable.» (Jacques Parizeau, Sommet économique avril 1982)
«Au moment où notre optimisme n’était pas tout à fait délirant, on trouve un projet commun, on trouve un consensus qui m’apparaît être l’habitation. Et je me dis: dépêchons-nous d’embarquer! Et arrêtons d’en parler au cas où on se trouve d’autres divergences! Au-delà des commentaires, je pense bien, de Monsieur Parizeau et de Monsieur Bérubé – et je pense qu’ils vont être d’accord avec moi – le bon sens indique que si la construction et si l’habitation, un besoin si essentiel au Québec repartait, il va y avoir des retombées économiques quelque part.» (Raymond Blais, Sommet économique, avril 1982)
Donc, est-ce qu’on s’entend sur les points suivants : qu’il y a urgence à faire démarrer un tel programme plus rapidement, immédiatement ? Immédiatement, enfin, ça veut dire dans les jours ou au plus dans les semaines qui viennent. Est-ce qu’on serait d’accord pour que l’objectif – aussi bien s’en fixer un qui soit concret sur une base annuelle – puisse être de 50000 logements, à l’intérieur des mois ou de l’année qui vient? Et que, pour y arriver, tout le monde devrait trouver le moyen de faire un effort de participer? Si on est d’accord, on pourrait parler du «task force», du comité, du groupe de travail conjoint, qu’on devrait mettre sur pied pour concrétiser ça. Mais la réponse aux questions que je viens de poser là, est-ce qu’il y a des gens qui voudraient simplement donner leur point de vue?
Et à cette question, eh bien, la réponse à 1’unisson,ça a été oui. Mais comme on le sait, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Et à première vue, ce projet-là de relance massive de la construction domiciliaire, ça avait quand même l’air d’une sorte de mission impossible. Parce que jamais, au grand jamais, on n’a vu chez nous, au Québec, des groupes qui ont forcément tant de divergences, et qui vivent périodiquement de gros affrontements, le patronat, les syndicats, les institutions financières, le gouvernement lui-même, jamais encore on a vu tout ce monde-là s’atteler côte à côte en y mettant chacun du sien sur un grand projet collectif. Donc, c’était tout un défi que cette idée qui avait été lancée comme ça sur la table de conférence. Ce qu’il en est advenu de cette idée, eh bien, je vous le dirai tout à l’heure, si vous le permettez, quand on arrivera à la fin de cette salade, et qu’on trouvera « relance de la construction », au bout de cette série de sujets, qui représentent les efforts qui ont été faits par ailleurs depuis quelque temps.
Et ça, ça implique des budgets nouveaux, d’environ 175 millions $. Je dis budgets au pluriel, pour la bonne et simple raison qu’il s’agit de budgets non seulement du gouvernement directement, mais aussi de certaines sociétés d’Etat qui sont prêtes à faire leur effort aussi. Et puis, on va voir autant qu’on peut le voir, simplement pour avoir une idée – parce que ce n’est pas toujours facile – ce qu’on peut sortir d’emplois de tout ça. Premièrement, il y a l’accès à la propriété : ça c’est un programme qu’on avait promis au moment des élections l’an dernier, et qu’on a mis en marche le plus vite possible, en fait au détour de la fin de 1981, et qui dure depuis environ 6 mois – même pas 6 mois. Vous vous souvenez peut-être qu’il s’agissait de l’accès à la propriété familiale, maison ou logement neufs ou usagés, pour des familles qui ont au moins un enfant en bas âge; et ça s’améliore s’il y a un deuxième enfant qui apparaît – ou un enfant additionnel. Et ça signifie un congé d’intérêt – et dans les temps qui courent c’est important – un congé d’intérêt total et partiel pendant 5 ans, pour ceux qui veulent s’acheter un logement ou une maison. Sur 8000 demandes, il y a actuellement 3000 familles qui ont été acceptées dans ce programme, et ça représente – moitié usagé moitié neuf, donc une moitié de construction en cours ou qui va vite démarrer – environ, plus ou moins, d’après le calcul qu’on fait ordinairement, 3000 emplois, sur la base d’un homme par année. Autrement dit, une année d’emploi pour environ 3000 travailleurs. C’est pour ce qui est déjà accepté et il y a 5 ou 6000 autres demandes qui sont en instance.
Deuxièmement, un autre engagement qu’on avait pris l’an dernier et qu’on a voulu faire démarrer le plus vite possible, et en fait ça a été jusqu’au mois de mai, c’est-à-dire il y a un mois, le mois dernier : c’était ce fameux bon d’emploi pour les jeunes. Vous savez, les jeunes, après telle période d’études, après tel nombre de mois en quête d’emploi, on leur remet un bon qui vaut 3000$, qui serait remis à l’employeur qui les engage dans un emploi nouveau – il ne s’agit pas de jeter quelqu’un dehors et de le remplacer. Alors ces jeunes, avec ce bon d’emploi, vont trouver les employeurs et demandent un emploi. Jusqu’ici, environ 5000 sont « dans la machine » comme on dit dans le jargon, 5000 ont été émis – 4 ou 5000 de ces bons d’emplois ont été émis – et déjà, au bout d’un mois, il y a environ 1200 jeunes qui avec ce bon d’emploi ont été engagés, et la moitié dans des emplois qui dès le départ sont des emplois permanents, ce qui est assez extraordinaire. Dans la période que nous traversons, des emplois permanents, ce n’est pas ce qui est le plus fréquent. Pourtant, la moitié de ceux qui se sont servi du bon d’emploi ont la garantie de leur employeur que ce seront des emplois permanents. Actuellement, évidemment on peut dire que c’est une goutte d’eau dans l’océan, parce que pour les jeunes comme pour n’importe qui, la vraie solution au chômage, à l’atténuation du chômage, c’est évidemment qu’il y ait une relance économique générale. C’est toute l’économie qui doit participer. Mais enfin, on prend tout ce qui passe et c’est déjà ça de pris pour ces jeunes.
Maintenant, dans le vaste domaine de la remise au travail de nos milliers et milliers de gens qui sont sur l’aide sociale, qui sont des assistés sociaux, eh bien, il y a à la fois le gouvernement et Hydro-Québec, avec sa filiale la Société d’Energie de la Baie James, qui font un effort spécial, au-delà de tous les programmes qui existaient déjà – ce dont je parle, ce sont des choses nouvelles depuis ces deux ou trois derniers mois. Alors, le gouvernement va ajouter en gros 45 millions $ à tous les programmes qui existent déjà et qui sont au moins d’une cinquantaine de millions, une soixantaine de millions normalement, 45 millions $ d’argent neuf va donc être ajouté et 1’Hydro-Québec, avec la Société d’Energie de la Baie James, va ajouter 20 millions $ à ces budgets pendant la saison qui passe, et tout ça est sensé donner plus ou moins 18000 emplois qui, évidemment, sont temporaires. On n’y peut rien, mais aussi bien remettre des gens au travail pendant un certain temps, qu’ils aient la dignité du travail et puis, ne le cachons pas, qu’ils puissent après un certain nombre de semaines profiter de l’assurance-chômage, qui fait partie de la vie du travail dans n’importe quelle société normale. Alors, des emplois temporaires dans ce cas-là.
Et puis finalement – finalement dans le sens de la création directe d’emplois – il y a un petit groupe que l’on peut appeler «des emplois de service». Ca comprend les services dont les gens ont de plus en plus besoin, ça comprend les garderies, ça comprend les associations de bénévoles un peu partout au Québec – et dans une période comme celle qu’on traverse, ces bénévoles qui donnent un coup de main et qui ne demandent pas à être payés, mais qui ont besoin d’un certain budget quand même pour fonctionner, ils sont plus importants que jamais. Et puis également, il y a les programmes qui mettent au travail ou qui aident à remettre au travail des handicapés, qui sont très nombreux au Québec, comme dans toute société, et qui ont particulièrement besoin qu’on s’occupe de leurs problèmes. Dans chacun de ces cas, les garderies, les organismes bénévoles et les handicapés, il y avait déjà des budgets, bien sûr, depuis plusieurs années, mais dans la conjoncture d’urgence où nous sommes, on vient d’ajouter 9 millions répartis $ entre ces trois secteurs, et ça, au point de vue emploi, c’est aléatoire, on ne le sait pas, mais très nettement ça crée ou ça maintient un certain nombre d’emplois dans la société.
Maintenant, un bloc qui, lui, touche directement les entreprises: les PME du Québec. Il implique d’un côté la SDI, c’est-à-dire la Société de Développement Industriel, et puis aussi la Caisse de Dépôt, c’est-à-dire la caisse qui ramasse tout l’argent, des milliards de dollars qui sont la garantie, si vous voulez, des pensions du Régime des Rentes. La SDI pour sa part s’occupe des taux d’intérêt depuis une couple de mois. Il y a déjà 41 entreprises – c’est une garantie sur des taux d’intérêt, parce que c’est meurtrier actuellement pour les petites et moyennes entreprises – alors la SDI s’occupe de ça, avec un budget qui peut aller… aussi loin – et tant mieux s’il va loin, parce que ça veut dire que beaucoup d’entreprises s’en servent. Il y a déjà quelque chose comme 500 demandes, dont 41 ont été réglées, 41 entreprises ont profité de ce programme là, et très exactement, ça permet le maintien de 2357 emplois, et chaque emploi compte pour celui qui l’a ou celle qui l’a, et la famille qui est derrière. Alors, c’est très soigneusement compte et ça, c’est du maintien d’emploi. Est-ce que ces gens-là, ces 2357 personnes auraient perdu leur emploi pendant les mois qui passent ? En tout cas, il y a des fortes probabilités que ça aurait pu arriver. Mais dans ces entreprises qui sont fondamentalement en santé, une injection d’argent pour le maintien d’un plancher, si vous voulez, pour les taux d’intérêt, permet de s’assurer que ces 2357 emplois pour 41 entreprises, ont des bonnes chances d’être maintenus. Et il y a plusieurs centaines, comme je l’ai dit, d’entreprises additionnelles qui veulent se servir de ce système-là. Et puis, un autre aspect important, c’est que la Caisse de Dépôt dont je parlais, va mettre pour la première fois 40 millions $ dans le capital-action, elle va prendre des parts dans le capital-action des petites et des moyennes entreprises. Et ça, ça veut dire autant d’argent que ces petites et moyennes entreprises ne seront pas obligés d’aller emprunter à la banque pour se financer aux taux d’intérêt actuels. Combien d’emplois ça peut représenter ? Bien ça, ce serait prétentieux ou présomptueux de prétendre de calculer.
Ici, il y a une toute petite somme de 3 millions $ – toute petite somme relative de 3 millions $. Ca représente 60% de plus de publicité pour le tourisme au Québec. Et ça s’adresse surtout aux Américains – on ne sait pas combien ça peut créer d’emplois, mais on sait une chose par exemple: c’est qu’avec le dollar qu’on a actuellement, en bas de 0,80$ et qui peut descendre encore, c’est très attirant pour les Américains, à condition qu’ils le sachent, de venir au nord, vers le Canada, et pour nous vers le Québec. Alors, on a presque doublé la publicité aux États-Unis. Ca donne des résultats; le nombre de demandes d’informations a doublé depuis un mois. De façon à ce qu’on fasse venir – à quelque chose malheur est bon – qu’on fasse venir le plus de touristes possible chez-nous, au moment où le dollar est dans l’état qu’on sait.
Et maintenant, le dernier point, qui rejoint ce que vous avez vu tout à l’heure à l’écran: les participants au Sommet de Québec. Qu’est-ce que ça a donné, ce programme de relance, ce programme ambitieux de relance de la construction domiciliaire? Le gouvernement avait déjà dit que sur les REEL comme on dit, c’est-à-dire les Programme enregistrés d’épargne logement qu’on peut déduire de son impôt, on augmentait la déduction de 2000$ cette année, pour chacun de ceux qui ont ce programme, qui ont enregistré un programme comme celui-là, 2000$ de plus, à condition que des maisons ou des logements neufs soient mis en chantier avant le 31 décembre. Et puis, il s’agissait de voir qu’est-ce que donnerait la concertation qu’on nous avait promise au Sommet. Et bien, ça a donné une garantie de 13,5%. Alors imaginez, par les temps qui courent! – de 13,5% sur le taux d’intérêt pendant 3 ans. Et ça, c’est venu – et c’est quelque chose – c’est venu grâce à l’apport de tous les participants. Après des semaines de tractations, des semaines normales de discussions, de rencontres – ça demandait des ajustements compliqués – des semaines aussi d’un effort de bonne volonté comme on n’en a jamais vu au Québec. Eh bien, tous ceux que vous avez entendus tout à l’heure sur l’écran et quelques autres aussi, sont revenus à Québec la semaine dernière pour déclarer que tout bien pesé, en quelques semaines ils étaient tous prêts à marcher dans ce programme de relance de la construction.
«Je tiens aussi à préciser que le geste de collaboration que nous tous ici posons dépasse le simple investissement financier et qu’il vise à concrétiser notre volonté et notre confiance communes dans nos moyens pour faire face à la crise qui nous harcèle.» (Pierre Rioux, Association provinciale de la construction et de l’habitation du Québec)
«Bien moi, ma personnalité, c’est que je n’ai jamais été de foi débordante, mais je suis d’une foi réaliste, et je pense que c’est un avancement, qu’il s’agit à ce moment-là que les choses, pour se concrétiser, de les voir mises en chantier comme telles. Mais on veut effectivement que les travailleurs aient leur place dans les décisions qui pourraient être prises à l’intérieur de ces mécanismes-là. Et c’est ça qu’on va surveiller, on peut dire avec anxiété, parce qu’on pense qu’on a notre place dans ces choses-là, et on voudrait la tenir.» (Donatien Corriveau, président CSN)
«Ainsi, est-il plus facile de comprendre pourquoi il est nécessaire qu’une concertation existe entre gouvernements, entre agents économiques, etc. Bref, relancer la construction est essentiel pour relancer l’économie… Le plan de relance dévoilé aujourd’hui déclenchera une reprise dans un secteur, soit l’habitation, représentant environ le 1/3 du volume annuel de toute l’industrie de la construction.» (Albert Poirier, Association de la construction de Montréal et Québec)
«Mais en principe, non seulement nous sommes d’accord, mais nous sommes enthousiastes devant une telle concertation – le mot n’est pas trop fort je pense – alors que partout à travers le monde industrialisé on voit que l’économie régresse, on ne voit que des discours et des interventions défaitistes, voici qu’au Québec arrive quelque chose, je pense, d’assez sensationnel qui va donner un coup dans le bon sens pour relancer l’économie. Moi je suis absolument emballé et si on a pu y contribuer quant aux idées, nous sommes très certainement disposés à tout faire pour y contribuer concrètement.» (Louis Laberge, président FTQ)
«Monsieur le Premier ministre, vous avez dit « moment historique », « concertation. » Je pense que c’est exact. Le mouvement des Caisses populaires, qui est décentralisé dans les régions, qui vit dans les milieux, est habitué à avoir des projets avec les divers agents socio-économiques du Québec et c’est pour ça que nous sommes optimistes sur le résultat de tout ce qui est entrepris aujourd’hui.» (Raymond Biais, Mouvement Desjardins)
«Dans le cas des corporations professionnelles, on a parlé de la réduction des tarifs, il est peut être aussi important de noter que les corporations, en plus de cette contribution, ont manifesté l’intention de recommander à leurs membres de s’impliquer dans la préparation, le financement et la production de certains outils de communication, tels dépliants et autres moyens de publicité.» (Guy Tardif, ministre de l’Habitation et Protection du Consommateur)
«Et en même temps, je voudrais vous assurer, monsieur le Premier ministre, que l’Union des Municipalités s’est engagée à faire valoir auprès de ses membres la valeur de ces programmes, sensibiliser nos partenaires, qui sont nos municipalités, et on va respecter notre engagement?» (Francis Dufour, Union des Municipalités)
M. Lévesque: «Est-ce que ça vaut pour vous aussi Monsieur Moreau, de l’Union des Conseils de comtés?»
«Certainement monsieur le Premier ministre. D’ailleurs, à voir l’enthousiasme des intervenants autour de cette table, je pense bien que l’objectif et la priorité des priorités, c’est la mise en place le plus rapidement possible de ces structures, c’est de permettre la réalisation de ce projet. Et je voudrais vous assurer, monsieur le Premier ministre et les honorables ministres qui sont ici présents, de la collaboration de l’Union des Conseils de Comtés dans ce sens.» (Jean-Marie Moreau, Union des Conseils de comtés)
«Nous partons d’un taux de référence, d’un taux hypothécaire de référence, pour des hypothèques de 3 ans, en le fixant disons à 19% – à l’heure actuelle, dans certains cas c’est un petit peu plus haut, un petit peu plus bas, mais, enfin, 19% à l’heure actuelle est un taux de référence commode. Nous voulons le faire baisser à 13,5, et le garantir pour 3 ans. Fa veut donc dire que les participations doivent être envisagées pour une période de 4 ans. Il y aura construction en ’82 – ’83, et construction en ’83 – ’84, garantie pour 3 ans, c’est donc quelque chose qui va durer 4 ans.» (Jacques Parizeau, ministre des Finances).
«Pour sa part, le gouvernement, en plus de financer et de travailler d’arrache-pied à la réalisation de cet ambitieux projet de 50 000 logements, construira lui-même, au cours de la même période, 5000 logements à loyers modiques et contribuera de plus à la réalisation de 5000 autres logements de type « sans but lucratif » sous forme coopérative ou autre.» (Guy Tardif, ministre de l’Habitation et Protection du Cons.)
Ainsi, chacun s’engageant à faire sa part le gouvernement garantissant un rabais en moyenne de 3% sur le taux d’intérêt pendant les années du programme, les autres, chacun apportant sa quote-part et nous ayant assuré il y a quelques jours que c’était leur recommandation unanime, eh bien, on est en train de réussir là – touchons du bois, parce que tous les fils ne sont pas attachés, mais enfin, il reste que c’est un accord absolument unanime qu’on a eu la semaine dernière – alors, on est en train de réussir là quelque chose d’extraordinaire. Parce que c’est à la fois la promesse de relance d’un secteur aussi vital que l’habitation – et Dieu sait qu’on a besoin de nouveaux logements ! – et puis aussi une expérience de concertation qui est sans précédent dans toute l’histoire du Québec. Et tout ça, sur la base de ressources et de participants strictement québécois.
Bien sûr on attend, et on continue aussi d’espérer – depuis le temps qu’on attend et qu’on espère! – que ça bouge également à Ottawa. Maintenant surtout que, paraît-il, on est devenu enfin conscient là-bas du désastre économique, du véritable désastre économique, qu’on a si largement contribué à provoquer. Mais pendant qu’on attend, encore, il me semble qu’on est en droit de se poser la simple question suivante: si on arrive quand même à faire quelque chose de valable et d’extraordinairement neuf et prometteur à la fois, si on arrive à ça avec le peu de moyens dont on dispose actuellement au plan québécois, et même avec des moyens et des pouvoirs financiers, en particulier qui ont été coupés et grugés par Ottawa depuis quelques mois, si on réussit, dans ce contexte-là à faire quelque chose de valable, qu’est-ce qu’on pourrait réaliser si on avait la pleine responsabilité de nos affaires?
Evidemment, on ne ferait pas des miracles! Pas plus que les autres, pas plus que les Américains ou les Français, pas plus que les Belges ou les Hollandais. Mais au moins, nous aurions en main, nous autres aussi, tous les leviers qui nous manquent pour orienter toutes les décisions, tous les budgets, tous les programmes, dans le sens de nos intérêts québécois, dans le sens exclusivement de nos intérêts québécois.
Et ceux qui nous rabâchent sans cesse que les vastes ensembles sont mieux protégés contre les secousses économiques que les petits Etats, on pourrait peut-être leur dire en ce moment d’interroger par exemple les gens des Maritimes, dans le «vaste ensemble» canadien, ou les 10 millions d’Américains qui sont aujourd’hui en chômage. Et on pourrait aussi leur demander si la fameuse appartenance aux «grands ensembles» a pu leur apporter plus de sécurité et moins de problèmes.
En fait, les pays plus petits, mais aussi qui sont plus compacts et plus serrés – à condition évidemment d’être modernes, à condition d’avoir les compétences et les ressources nécessaires, et c’est exactement notre cas, les Québécois – eh bien, ces pays-là, plus petits, réussissent souvent – en fait ils réussissent la plupart du temps – à se sortir des crises en meilleur état, et plus forts, et plus compétitifs que bien d’autres. En tout cas, pour alimenter certaines réflexions qui pourraient commencer par exemple avec la Fête nationale la semaine prochaine – une fête, soit dit en passant que je nous souhaite à tous joyeuse et aussi chaleureuse que non pas les budgets, mais plutôt notre esprit de famille collectif le permettra – eh bien! au lieu de se résigner à sombrer toujours plus creux dans l’espèce de naufrage collectif où nous entraînent les technocrates d’Ottawa, qui ont très rarement les yeux sur le Québec d’ailleurs – ils ont les yeux partout ailleurs sauf, hélas, la plupart du temps, sur le Québec – alors, au lieu de se résigner à cette espèce de naufrage – parce que c’est bien ça – dans lequel ils nous entraînent d’année en année, ne faudrait-il pas plutôt, et plus vite que plus tard, récupérer chez-nous tous les outils indispensables au développement et nous ouvrir ainsi des horizons, et des horizons tous azimuts, que plus personne, jamais, ne pourrait obscurcir ou boucher de l’extérieur.
Je suis absolument sûr, quant à moi en tout cas, qu’un jour il faudra bien se décider à faire ça ensemble. Et alors, tout aussi sûrement, tous y trouveront leur intérêt, y compris nos voisins et amis du Canada anglais, parce qu’on aura enfin établi entre nous ce qui n’a jamais existé : cette relation d’égalité fondamentale, sans laquelle il n’y a jamais d’entente durable et féconde entre les peuples.
Bonsoir.
[QLVSQ19820615]