Conférence de presse du 9 novembre 1984

[(Quinze heures vingt-cinq minutes)]

[M. Lévesque:] Très très rapidement, je voudrais réitérer nos remerciements d’abord et avant tout à M. Fabius, à ses collègues du gouvernement et du Parlement français et à la délégation très nombreuse de gens du secteur public et, aussi, de gens très importants du secteur privé français qui sont venus ici à peine quelques mois après la nomination du nouveau gouvernement par le président de la République française. On tient toujours, depuis deux jours, à souligner que la première – et M. Fabius l’a amplement souligné – visite officielle hors de France du nouveau premier ministre français s’est déroulée ici à Ottawa et surtout au Québec.

Maintenant, très rapidement, parceque vous êtes sûrement impatients de poser des questions, je vais vous infliger deux ou trois vérités premières, simplement pour nous resituer, si brièvement que ce soit. Les politiques sociale, économique et culturelle du Québec ne sauraient évidemment suffire à assurer son plein développement si on n’y ajoute pas aussi cette dimension essentielle qui est l’ouverture sur le monde. C’est vrai pour nous, comme pour toutes les nations de l’univers.

Sur cette lancée, il est naturel qu’à titre de seul État francophone d’Amérique du Nord, nous ayons notamment à coeur de participer activement à la francophonie internationale à mesure qu’elle se dessine plus clairement et à maintenir, d’abord et avant tout, bien sûr, des liens directs et privilégiés avec la France en particulier. Par ailleurs, l’économie québécoise est très intimement liée à l’économie internationale, et de plus en plus. Les activités internationales constituent donc un oxygène indispensable à tous nos développements socio-culturel, économique, scientifique et, de plus en plus, technologique et industriel, à cause des retombées et des changements.

Avec la France en particulier s’est développé tout ce réseau de liens qui représente pour nous, pour le Québec, la relation internationale en volume, surtout en volume chiffré, terriblement insuffisante – nous le savons de part et d’autre – bien qu’elle soit, en volume également, la première des relations que la France a jusqu’ici avec l’ensemble du marché canadien. Quand même, en dépit de ses insuffisances, c’est la plus ample, la plus complète dans sa conception et son potentiel de toutes les coopérations que nous aurions pu imaginer. Cela n’a été possible que grâce à la définition graduelle et, depuis 20 ans, constamment, à la mise au point de modes de fonctionnement et d’institutions dont la logique d’ensemble en tout cas ne fait aucun doute . Les résultats, si loin qu’ils sont et qu’ils seront toujours d’ailleurs de l’idéal, ont atteint des dimensions assez remarquables – et nous venons de le retrouver ensemble depuis hier – pour que chacun des partenaires y trouve assez d’intérêt pour continuer et pour accentuer sans cesse.

Je vais vous infliger deux ou trois chiffres, pas d’avantage. Les actions entreprises par nos
deux gouvernements ont été accompagnées d’un accroissement tout de même des échanges économiques et commerciaux qui est sans précédent. À lui seul – je précise ce que j’ai dit il y a un instant – le Québec absorbe 60% des relations commerciales entre la France et tout l’ensemble canadien. 63% des sièges sociaux français sont implantés au Québec, en ce qui concerne le Canada, et 75% des capitaux contrôlés par des intérêts français au Canada sont également concentrés au Québec.
Enfin, depuis une quinzaine d’années, peu à peu et cela s’accélère, plus d’une centaine
d’entreprises françaises sont venues s’installer au Québec. Quelques exemples récents nous évoquent simplement la dernière année: Électricité de France vient de confier un contrat de 9000000 $ à Bio-Tech International, une société en coparticipation de Nouveler et de la firme de génie-conseil – une de nos plus grandes – SNC pour le construction d’une petite centrale électrique – petite deviendra grande – alimentée par des déchets de scierie et des bois tropicaux en Guyane française.
Tout récemment encore, le 17 mai 1984, le Centre de coopération interuniversitaire franco-québécois était inauguré officiellement à l’Université Paris VII. Des choses plus récentes encore, une revue scientifique internationale – dont on a longuement parlé – de langue française, Sciences et médecine, vient d’être créée dans le secteur biomédical, le premier numéro devant paraître à la fin de cette année ci, 1984. Enfin, j’ai encore quelques autres exemples, mais je ne veux pas allonger cette simple présentation et cette mise en situation, si vous voulez.
Je termine en vous disant que c’est dans ce cadre, qui est déjà plus que prometteur, mais, encore une fois, dont les résultats sont insuffisants – nous le savons bien – que se situe cette sixième rencontre des premiers ministres français et québécois, rencontre instituée – comme vous le savez – en 1977 pour assurer la continuité, la coordination et aussi les impulsions nécessaires de ces relations et de ces efforts de coopération.
Cette journée extrêmement serrée, dont vous savez que pour M. Fabius elle a été coupée par une visite de jumeau de l’autre côté du fleuve, a quand même permis, grâce à du travail d’atelier extrêmement fourni de collègues français et québécois, des deux gouvernements, avec leurs adjoints, et à la suite d’une extraordinaire préparation, très précise et très réaliste de part et d’autre, cela a permis des jonctions concrètes et aussi des perspectives qui, je vous le dis pour nous, du côté québécois, sont plus, que satisfaisantes. Je crois que M. Fabius pourrait être du même avis, mais c’est à lui de vous en faire part.

[M. Fabius: M. le premier ministre, mesdames et messieurs, j’aimerais d’abord devant vous remercier M. Lévesque et son gouvernement et la population de leur accueil extrêmement chaleureux. Je suis sûr que si M. Lévesque répond favorablement à l’invitation que je lui lance de venir en France l’an prochain, l’accueil sera du même ordre.]

[M. Lévesque:] Ce n’est pas trop tard.

[M. Fabius: Ce sont les apartés qui font tout le sel des conférences.
Une rencontre comme celle ci, un voyage comme celui que je fais, c’est d’abord une atmosphère et celle que je ressens ici, c’est beaucoup d’amitié, beaucoup de chaleur humaine, que ce soit dans les contacts avec les membres du gouvernement ou avec la population – tout à l’heure, j’étais à Lévis et c’est à la fois de la chaleur affective et de la chaleur presque physique – et un climat excellent, climat qui a toujours été excellent et je dirais, même si je ne suis pas sûr de la grammaire, que c’est encore plus excellent. Et. puis, une rencontre, ce sont aussi des résultats. Nous sommes des chefs de gouvernement. Nous sommes là pour faire avancer les choses. Je suis venu ici parceque je pense que c’est une pratique utile à la fois, bien sûr, des parlementaires, des personnalités diverses, des hommes d’affaires, pour faire avancer les choses. De ce point de vue, sans être exhaustif, je veux quand même citer un certain nombre de dossiers qui ont avancé, à mon sens – vous ajouterez les questions que vous souhaiterez – et qui soit assez illustratifs de l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé.
Sur la question, je sais, controversée, mais il faut aussi aborder les questions controversées, en matière économique, de Pechiney, d’AMC-Renault, nous avons vu que l’investissement de Pechiney avançait bien, nous sommes tombés d’accord pour réaffirmer les objectifs fixés initialement. Si j’osais un raccourci, je dirais: C’est une affaire qui marche. Pour AMC-Renault, nous sommes convenus d’étudier attentivement les retombées pour le Québec, c’est normal, comme il y en a pour la France, des investissements français au Canada dans le domaine de l’automobile. Nous avons examiné toute une série de dossiers économiques: transport, tourisme, notamment sports d’hiver, agriculture plutôt agro-alimentaire et peut être ce qui est pour l’avenir plus important, mis à part ces dossiers concrets, la définition d’un certain nombre de règles communes du jeu qui fassent que les gouvernements, bien sûr, mais aussi les hommes d’affaires sachent exactement à quoi s’en tenir lorsqu’ils s’engagent dans des projets communs. Voilà un premier élément et on peut dire que, au bénéfice de cette visite, les dossiers auront avancé.
Deuxième domaine sur lequel les choses ont avancé – peut être y aura t il des questions –
c’est le domaine des communications. Les choses se sont bien développées dans le passé récent. Il y a des perspectives extrêmement riches pour le futur, y compris le futur proche que nous travaillons ensemble: communications, satellites, etc.
Troisième domaine qui nous tient à coeur, à M. Lévesque comme à moi même, c’est la question de la jeunesse. Nous avons été impressionnés, je crois pouvoir le dire, l’un et l’autre, par les projets qui se dessinent, qui se dessineront dans le cadre de l’année internationale de la jeunesse, l’année prochaine. On invente toujours des nouveaux mots et nos ministres ont parlé de quatre espaces: l’espace technologique et scientifique; décision prise concernant un concours qui récompensera 40 lauréats du côté québécois, du côté français en matière de technologie et de sciences; les récompenses permettront aux uns d’aller à Kourou en Guyane pour le lancement d’Ariane, aux autres, à la baie James, c’est-à-dire ce qui est vraiment le sommet de la technologie. En matière artistique, pour les jeunes, un projet très original qui s’appelle, je crois, « Les murales-jeunesse », prévoit la mise en image par un groupe de jeunes artistes québécois et
français de thèmes de l’Année internationale de la jeunesse dans les lieux publics; un projet fort intéressant aussi pour aider les jeunes entrepreneurs des deux pays à créer leur entreprise et aussi un espace-communications pour des coproductions radiophoniques. Ce sont des choses concrètes qui vont permettre d’avancer.
En matière de recherche, de technologie, de science, nous avons constaté que les projets concrets que nous avions lancés en matière de biotechnologie, il y en a sept allant assez bien, qu’ils allaient avoir des implications industrielles, ce qui n’est pas toujours le cas. Nous avons décidé à la fois d’accompagner ces projets dans le domaine industriel pour des coréalisations franco-québécoises et de mettre en phase la cité scientifique et technique, la Cité des sciences et des techniques qui va exister à Paris dans le site de La Villette, et ce qui se fait ici pour échanger des informations scientifiques et techniques. Il y a là un grand enjeu en matière de science et de francophonie.
Nous avons également abordé les questions qui touchent l’éducation, les conclusions du groupe de réflexion et d’action sur les enjeux de la francophonie, les problèmes liés à l’activité économique – j’en ai parlé tout à l’heure – en matière de transport, d’agroalimentaire, bref, un tour d’horizon assez complet avec des perspectives précises.
Nos industriels, pendant le même temps, se sont rencontrés. Certains accords seront annoncés, y compris demain pour l’un d’entre eux. Bref, je crois que c’est du travail utile. J’essaie de relier ce que j’ai dit au début et ce que je viens de dire, parceque M. Lévesque .comme moi même, nous partageons, je crois, l’idée que nos relations culturelles doivent être très vivantes et très riches, mais qu’elles ne peuvent se maintenir et se développer que si elles sont appuyées par des relations économiques profondes dans les deux sens. C’est, je crois, ce qui a commencé d’être réalisé et qui va l’âtre plus encore à l’issue de cette rencontre. C’est pourquoi, je pense, que c’est un travail utile pour nos deux pays.]

[M. Lévesque:] Jusqu’ici vous voyez que nous sommes d’accord. Merci, M. le premier ministre. Si vous voulez essayer d’entamer cet accord de votre mieux.

[M. Tourangeau: Nous procédons comme à l’habitude. Les questions en français d’abord, en anglais ensuite. Les personnes qui désirent poser des questions doivent se présenter à l’un ou l’autre des micros situés sur les côtés de la salle et elles seront reconnues une à la possible.
M. L’Archevêque.]

[M. Lévesque:] D’abord en français.

[M. L’Archevêque: Jacques L’Archevêque, Radio-Canada.
Ma question s’adresse aux deux premiers ministres et peut-être davantage à vous, M. Fabius, parceque depuis votre arrivée vous avez particulièrement insisté, je dirais même pesé lourd sur le sujet, l’avenir technologique et le besoin du Québec et de la France de s’allier dans ce domaine. À écouter les propos que vous venez de tenir on n’a pas l’impression que c’est un fois, si sujet sur lequel vous avez vraiment progressé au cours des rencontres qui ont eu lieu aujourd’hui. Est ce qu’il y a quelque chose de concret, de nouveau, sur lequel vous avez commencé à travailler au-delà que de faire le point sur les sept projets déjà connus?
M. Fabius: Merci.
Je crois qu’effectivement la coopération entre nos deux pays doit porter très fortement sur la dimension technologique parceque , d’abord, c’est l’intérêt de chaque pays, La liaison recherche, formation, industrie, et puis – c’est parceque c’est l’intérêt de notre approche commune de la francophonie, qui doit être une formule qui a été employée – une francophonie de la révolution technologique aussi. Alors, concrètement, j’ai parlé tout à l’heure des sept projets biotechnologie. Nous avons fait le point et nous avons décidé de suivre, y compris financièrement, ce qui était uniquement projets de recherche pour encourager des projets industriels, le premier élément.

Le deuxième élément, nous avons décidé, ce matin, que les choses avaient marché de façon si positive que nous allons identifier à partir de 1985 de nouveaux projets dans ce domaine précis parceque cela nous semble extrêmement positif. Voilà deux décisions. Suite industrielle des projets de biotechnologie et nouvelle étape.

Deuxièmement, en ce qui concerne les technologies nouvelles, l’échange d’informations, et probablement même plus… avec les entreprises, entre nos deux cités: Cité des sciences et des techniques, Maison des sciences et des techniques.
Troisièmement, une série de décisions mais, je ne vais pas entrer dans le détail technique, en ce qui concerne l’information scientifique et technique et les banques de données qui sont vraiment une des clés du futur, à la fois en matière de science même et du point de vue culturel.

Voilà trois domaines précis où nous avons avancé, mais si je veux être plus complet, je pourrais citer, en particulier, des très grandes perspectives qui s’ouvrent en matière d’informatique et, notamment, le développement du français dans l’informatique – il n’y a aucune raison que la pratique de l’informatique soit en anglais, elle peut être en français – en ce qui concerne la télévision sous ses différentes formes, qu’il s’agisse de satellites ou de câblodistribution. Voilà quelques avancées qui ne sont pas exclusives, mais qui déjà nous permettent de bien travailler.
M. L’Archevêque: Une deuxième question, si vous me le permettez, enfin j’aimerais avoir
un complément de réponse. Vous avez dit: Pour être concret – je vous cite. Eest ce qu’on peut !savoir de façon concrète quels sont les secteurs que vous avez identifiés pour la deuxième phase: la phase de 1985 et suivantes?
M. Fabius: Toujours les biotechnologies, le même secteur, mais d’autres projets biotechnologiques.
M. L’Archevêque: Est ce trop tôt pour vous demander ce que seront ces projets? M. Lévesque: Sur lesquels il y aura, je crois, des appels d’offres qu’on trouvera.
M. Fabius: Il y aura un appel d’offres en 1985 sur le domaine des biotechnologies au-delà .des sept projets déjà engagés.
M. Tourangeau: Mme Marie-Agnès Thellier du Devoir.
Mme Thellier. Oui. Ma question s’adresse à M. Fabius. Vous insistez beaucoup sur la nécessité pour les deux pays, la France et le Québec, de prendre ensemble le virage technologique. Mais ici, au Québec, il y a deux grandes méfiances envers la France dans ce domaine là. Il y a d’abord une méfiance envers la technologie française – vous savez que Matra en a souffert dans le domaine des micro-ordinateurs – et il y a aussi une méfiance dans le domaine de la langue, parcequ’ on a l’impression que ni les scientifiques ni les grandes entreprises françaises ne croient au français comme langue scientifique internationale. Que fait le gouvernement dans ces deux cas, d’une part, pour promouvoir la technologie française en Amérique du Nord et, d’autre part, pour promouvoir le français comme langue scientifique internationale?
M. Fabius: Merci. J’ai eu un peu peur au début parceque je trouvais que vous faisiez à la fois la question et la réponse.
Sur les technologies françaises et leurs qualités, mon ministre de la Recherche et de la Technologie vient de partir parceque sa fille se marie demain, mais il aurait pu vous dire mieux que moi puisqu’il en est le père, non pas seulement de sa fille, mais il est le père de la fusée Ariane. La fusée Ariane est une fusée européenne, mais d’abord française. Ce n’est pas – les Américains l’ont constaté – ce qu’il y a de plus mal en matière de technologie. Nous avons, en matière de technologie française, une réalisation qui n’a aucune comparaison au monde, les trains à grande vitesse. Je suis allé au Japon récemment et les Japonais, qui ont le sens du compliment, m’ont dit qu’ils étaient désolé, mais que leur train n’était que le second parceque le premier vient de le technologie française.
Nous avons, en matière nucléaire – je sais que c’est un sujet controversé, mais qui, pour nous qui n’avons pas de pétrole, est essentiel – une technologie qui se trouve être la première du monde. Nous avons, en matière d’aéronautique, des productions, que ce soit dans le domaine militaire ou civil, des avions qui – en tout cas, c’est l’avis du PANAM – sont les meilleurs du monde. Ca fait quelques domaines, et il y en a beaucoup d’autres.
Tout ceci pour dire que nous ne croyons pas être partout les meilleurs, loin de là, mais quand j’ai dit tout à l’heure, devant l’Assemblée nationale, qu’il existe des technologies de premier plan qui ne sont pas anglaises, américaines, anglo-américaines, c’est que je pensais qu’il existe des technologies de premier plan qui peuvent être francophones.
Qu’est ce qu’on fait pour les exporter ou pour les faire connaître? Cela dépend beaucoup des entreprises, un certain nombre de nos entreprises sont dynamiques ici comme dans le reste du Canada. Les choses dépendent aussi du gouvernement. Je crois que ce qui a été dit par M. Lévesque et moi même et entre nos ministres prouvent que les choses avancent.
La diffusion du français. C’est vrai que – c’est peut-être le sens de votre question – jusqu’ici, la diffusion du français a été perçue en termes un peu classiques. C’est tout à fait important et il faut déjà avoir les bases avant de chercher à aller plus loin. Mais une langue, c’est quelque chose qui vit. C’est la raison pour laquelle tous les travaux qui sont amorcés sur l’informatique en français, la terminologie, la néologie, la diffusion de la culture scientifique et technique… Je sais que M. Paquette, qui est l’équivalent de M. Curien dans le gouvernement québécois, va créer lui même une direction de l’information scientifique, comme ça existe en France, et tout ça va dans le bon sens.
Je me résume, il y a une technologie française qui est, dans beaucoup de domaines, non pas de bon niveau, mais de premier plan dans le monde. Deuxièmement, nous devons faire effort en matière de français non seulement dans les domaines traditionnels, mais dans les domaines nouveaux de la technique et de la science.]

[M. Lévesque:] Si vous me permettez, j’ajouterai quelques mots parcequ’ il y a une partie de la réponse que M. Fabius, bien sûr, par délicatesse, ne pouvait pas donner et que je me permettrai de donner. D’abord, juste un rappel de souvenirs tout récents de M. Landry, de moi même et de la mission qui nous accompagnait en Orient pour confirmer, à propos des trains rapides, ils nous l’ont offert de Kyoto à Toakyo, c’est-à-dire très précisément trois heures mathématiquement de gare à gare. Quand on a eu pris à peu près une demi-heure ou trois quarts d’heure de retard, on nous a juré que c’était la première fois de l,Histoire. On est arrivé une heure et quart en retrad et ils nous ont dit la même chose que ce que vous venez de dire – ils ne savaient pas que ça s’exporterait si rapidement – qu’ils étaient plus vieux, mais encore très loin de là où la France était rendue maintenant. Sans répéter tout ce qu’a dit M. Fabius, je voudrais souligner une chose à propos des préjugés, au-delà de la langue. J’ai vécu l’histoire de Caravelle et modestement, dans un coin où on était impuissant; on faisait tout ce qu’on pouvait dans l’impuissance. À l’époque, il y a quoi? 20 ans, que Caravelle a été mis sur le marché, c’était de l’avis de tous le meilleur avion de sa catégorie pour le genre de distance qu’il s’agissait de parcourir rentablement. Par tous les moyens dont on disposait, mais vous savez à quel point ils sont limités, on a poussé, poussé, poussé; on était les seuls, ou presque, et on poussait contre notre propre opinion et celle d’un bon nombre de nos médias – ce n’est pas nouveau – parceque , par osmose, on a attrapé le préjugé que tout ce qui est bien est en Amérique du Nord et ce qui est ailleurs est toujours quelque chose dont il faut se méfier. On l’a vu encore récemment avec l’airbus. Même les États-Unis ont été moins résistants que le Canada. Évidemment, cela part du Canada anglais, mais le Canada anglais est plus américain, à certains points de vue économiques, que les États-Unis eux mêmes. Par osmose, on a attrapé cela. C’est évident qu’on doit prendre son bien où on le trouve, dans le monde d’aujourd’hui, mais est ce qu’on ne peut pas avoir – je reprends une vieille expression – un préjugé favorable, surtout là où cela saute aux yeux à mains qu’on les ferme exprès, pour les technologies. Cela devrait jouer de plus en plus, de part et d’autre. Les technologies que nous sommes capables de mettre au point aussi bien, et parfois, souvent même, mieux que quiconque; reste dans quelle langue cela doit exprimer. Cela dépend de nous. Il n’y a pas une langue qui n’est pas capable de traduire, avec’ ou sans racine grecque, tout ce qui s’invente et doit s’exprimer et tout ce qui constitue les composantes de’ n’importe quel ensemble.
En terminant, je reviens à l’Orient. Les Chinois nous ont expliqué qu’ils étaient en train – évidemment, ils ont du retard eux aussi, Dieu sait – de s’ajuster. On leur a demandé – c’est arrivé dans la conversation – Comment ajustez vous le chinois, comme langue? Ils ont dit: Il n’y a pas de problème. Chaque caractère a un sens. Il y a même des choix dans ces caractères; les sens peuvent être différents. Ils ont donné un exemple: encéphalogramme. On sait que vous avez pigé cela du grec. Pour nous, c’est la tête, alors le signe tête; gramme, c’est le portrait, donc un éclair et un dessin. Les trois signes font un encéphalogramme et tous les enfants le comprennent, dès l’école. Si le Chinois est capable de faire cela, franchement… D’accord.

[M. Tourangeau: Mme Léman de Radio-Gilda.
Mme Lemaru Vous semblez, M. le ministre québécois, avoir rallié, cet après-midi, M.
Fabius à votre point de vue sur la question des industries culturelles qui
vous tient à coeur,
apparemment, alors qu’hier soir, M. Fabius parlait plutôt d’industrie, tout court. J’aurais aimé savoir, au cours des entretiens ce matin, quels ont été vos arguments qui ont rallié si bien M. Fabius, sur les industries culturelles.]

[M. Lévesque:] Je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait eu un long débat. On a pris habitude, comme c’est devenu une sorte de cliché qui nous paraissait normal de parler
industries culturelles comme l’une des branches importantes. On sait l’importance des contenus, mais un des secteurs les plus essentiels du monde industriel, tel qu’il se développe et tel que… On parle du monde des communications, tout cela se tient; on dit industrie culturelle, comme une chose dont on se rend compte que, au-delà du folklore très fondamental, très important, c’est-à-dire les images de la culture, c’est, également, extraordinairement considérable pour les emplois qui y sont et tous les emplois qui peuvent y apparaître. On n’a pas eu à discuter longuement. C’est une question de choix de mots. Tout de suite, c’était sur la même longueur d’onde, parcequ’ autrement, bien sûr, chez vous, c’est un sujet que vous traitez souvent.

[M. Fabius: C’est sûr – je le regrette beaucoup pour vous – nous étions d’accord avant de commencer à en parler.
une des
M. Tourangeau: M. Lecours de la presse canadienne.

M. Lecours: Vous avez longuement parlé, hier, M. Fabius, et vous y avez fait aussi allusion aujourd’hui, de la nécessité que le Québec et la France conjuguent leurs efforts en matière d’informatique, pour prendre ensemble le virage tehnologique. On sait qu’il y a déjà un groupe de travail bilatéral, exploratoire, sur cette question, vous y avez fait allusion. Pouvez-vous nous dire où on est en rendu, concrètement, sur cette question?
M. Fabius: Je vais, pour ne pas dire de bêtises, vous lire l’état, tel qu’on_ me l’a résumé, d’un de ces groupes, puisqu’il y en a deux, l’un sur l’aspect linguistique et terminologique en
matière d’information – il est au travail, il n’a pas encore remis ses conclusions, mais il a lieu – et le deuxième sur informatique et micro-informatique qui souhaite mettre l’accent – c’est la note que j’ai devant moi – pour les logiciels, les progiciels et les ouvrages et revues centrés sur ces questions. Bien évidemment, il ne faut pas non plus négliger les matériels. Je pense que les spécialistes de nos délégations pourront vous donner plus de précisions, mais dans les conversations qui ont eu lieu ce matin entre les ministres, je sais que c’est le même qui est venu au premier rang.
M. Lecours: Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire au moins s’il y a des possibilités industrielles, de développement industriel à court ou à moyen terme dans ces domaines où on est encore au domaine exploratoire?
M. Fabius: En matière d’informatique? M. Lecours: Oui.

M. Fabius: Je pense que oui, à la fois pour ce qui concerne l’éducation, pour ce qui concerne la santé, pour ce qui concerne l’aspect recherche médicale; il y a là plusieurs projets ou des débuts de réalisation dont on nous a parlé ce matin.
M. Tourangeau: Louise Lafontaine, Radio-Canada Télé.
Mme Lafontaine: Oui. J’imagine, M. le premier ministre, que vous avez dû parler d’échanges commerciaux de façon précise. Si on regarde les dernières années d’échanges
commerciaux entre la France
et le Québec, on voit que les Québécois achètent beaucoup plus de
t,, produits
i
fois plus – et que même

Fabius, s’il vous plaît chose de précis et fait M. Fabius: C’est
c’est même presque deux
commerciaux est sûrement
français
que les
Français n’achètent de produits québécois –
ces achats français ont diminué au cours de 1983. Je me demande – M. si vous avez évoqué la question et si vous vous êtes engagé à quelque
un geste concret ou
un engagement précis que vous avez fait là-dessus.
vrai que la question des niveaux des échanges
une des choses qui nous soucie le plus à M. Lévesque et à moi. Disons qu’il y a cet aspect que vous soulignez, de l’équilibre, mais peut-être plus important encore, c’est la question des niveaux
qui ne sont pas du tout à la hauteur de ce qu’ils devraient être. Soyons plus précis. L’ensemble des échanges entre le Canada et la France ne sont pas du tout à la hauteur où ils devraient être et à l’intérieur de l’ensemble de ces échanges, le Québec fait la part prépondérante, mais néanmoins, en montants absolus, ce n’est pas du tout suffisant. On s’est interrogé avec nos spécialistes sur les raisons qui expliquent tout cela. C’est assez compliqué, parceque , après tout, on pourrait dire: C’est la distance. Oui, mais il n’est pas normal que la France ait une part moins importance que la Grande-Bretagne et que l’Allemagne si c’était seulement la distance. Donc, nous croyons qu’il y a d’autres raisons qui jouent et en particulier cette question que j’ai abordée tout à l’heure des règles du jeu qui ne sont pas bien claires. Il y a eu des cas dans le passé où des projets ont été faits qui ont dérapé et non seulement le projet ne se fait pas, mais cela a des conséquences après parceque d’autres projets ne se font pas. C’est une espèce de mauvais écho qui est laissé. Donc, nous sommes tombés d’accord pour qu’un groupe définisse bien ces règles du jeu entre la France et le Québec pour ce qui concerne les échanges et les investissements. C’est le premier point.
Le deuxième point – mais je ne veux pas me lancer dans la psychologie des peuples qui est un domaine très compliqué – est ce qu’on ne pourrait pas soutenir d’une certaine manière que même si c’est un paradoxe, la proximité culturelle a eu comme contrecoup une plus grande distance commerciale, parceque , finalement, à partir du moment où le Québec se présente comme une espèce de tranche du futur, cela veut dire que la France reste une terre de passé ce qui, à mon avis, n’est pas exact, mais qui peut exister par la perception qu’on en a et d’un autre point de vue, en ce qui concerne la France, la France se dit: Le Québec, c’est l’Amérique du Nord dominé par les États-Unis. Est-ce qu’il faut développer le commerce avec ce continent? Donc, je crois qu’il y a beaucoup de préjugés qui epxliquent cette faiblesse des échanges commerciaux, à quoi il faut ajouter un insuffisant dynamisme de certaines de nos entreprises – parceque les gouvernements ne peuvent pas tout – et d’autre part, une absence de règles du jeu.
Dernier point, en ce qui ‘concerne les investissements. S’il est vrai que le déséquilibre e:[iste en matière commerciale dans le sens que vous dites, en matière d’investissements je crois qu’il existe dans l’autre sens. Vous souriez, c’est donc que vous le savez. Alors, je pense qu’il ne faut pas trop faire la comptabilité. Simplement, il faut chercher un équilibre par le haut et non
pas par le bas. Cela veut dire plus d’investissements dans les. deux sens et plus de mouvements commerciaux.]

[M. Lévesque (Taillon).] J’ajouterai simplement ceci, parceque tout cela c’est à partir d’un accord absolument complet entre nous, les règles du jeu, c’est sûr que cela nous a fait du tort de ne pas les connaître assez bien quand il s’agissait de percer, si vous voulez, sur les marchés européens, mais d’abord sur le marché français. Surtout le marché français parcequ’ on n’en avait pas l’habitude, comme traditionnellement avec l’Angleterre, un exemple évident. Et aussi, à l’inverse, du côté français, quand il s’agissait d’arriver ici avec des projets parfois sans avoir approfondi, sans avoir eu la chance d’approfondir les règles du jeu de ce côté ci. De part et d’autre, il y en a. Elles peuvent changer, elles évoluent, mais il y en a. On a bien décidé qu’il n’y aura pas de difficulté pour vous à obtenir tous les détails, ce serait trop long, on n’a presque plus de temps, mais cela a été très clair. Il y a également une chose qui concerne le Québec en même temps que tout le reste du Canada et qui nous affecte tous depuis plusieurs années, c’est cette histoire qui s’appelle FIRA. Cela ne dépend pas de nous, mais comme vous le savez, c’est déjà en grande partie réglé, en tout cas, pour tout ce qui est du côté empoisonnant de ce truc pour n’importe qui à l’étranger qui dit: S’il faut passer par cela, aussi bien penser à autre chose, ailleurs, mais pas là. Vous avez des nouvelles, je pense, assez précises, comme nous, de certaines des premières décisions du gouvernement de M. Mulroney. Cela va dans le même sens.

[M. Tourangeau: M. Léo Ryan de l’Agence économique et financière.

M. Ryan (Léo). Ma question se pose aux deux premiers ministres. Nous avons vu, depuis d’assez nombreuses années, le Québec et la France faire des choses conjointes ensemble entre industriels à la fois au Québec et en France. Cela m’étonne un peu que le plus grand marché d’Amérique du Nord, c’est-à-dire le marché des États-Unis ne fasse pas l’objet parfois d’une opération conjointe entre industriels français et industriels québécois. Je me demande si cela ne pourrait pas devenir un sujet de développement pour les deux.]

[M. Lévesque (Taillon):] Cela nous touche plus directement, quoique cela vous touche très évidemment aussi puisque le marché américain, c’est un des marchés importants dans le monde, mais les faits ne sont pas tout à fait ce que vous dites, sauf que cela prend plus de temps, là comme ailleurs pour changer certaines habitudes. C’est qu’il y a beaucoup de [« joint ventures »] comme on dit, qui se sont développées ces dernières années et qui se développent de plus en plus d’ailleurs, mais pas aussi vite qu’on le voudrait, et qui ont pour but de maintenir – d’abord, pour nous, c’est créer l’emploi, nous aider à obtenir aussi des technologies qui nous manquent, de compléter les nôtres et de faire notre développement. En même temps, pour les entreprises françaises qui sont impliquées, cela signifie aussi une porte d’entrée parmi les plus évidentes. Vous savez que les tarifs douaniers, à cause des accords du GATT qui sont de plus en plus clairement appliqués, baissent d’année en année, et doivent atteindre dans certains secteurs zéro très bientôt, entre le Canada et les États-Unis, ce qui comprend le Québec.
Il y a cette perception chez nous parcequ’ il s’agit de marchés importants où la pénétration devient de plus en plus facile et où le Québec est une rampe de lancement de plus en plus intéressante. Je vous donne un exemple tout récent: Pechiney. Je crois que vous n’êtes pas les seuls. On arrive du Japon où les Japonais ne peuvent plus développer – encore moins -, de production du côté de l’aluminium à cause des coûts de l’énergie, la disponibilité de l’énergie. Les Japonais sont déjà impliqués dans Pechiney par Alumax, un des trois partenaires dont ils sont partie prenante. Pour Pechiney, qui a été le moteur, qui l’est encore d’ailleurs essentiellement, cela voulait dire la même chose, c’est-à-dire de pouvoir se réinstaller sur des marchés auxquels on ne peut plus fournir à partir de nos réserves énergétiques, mais de pouvoir le faire d’ailleurs, là où l’énergie est abondante. C’est un exemple parmi d’autres.

[M. Ryan (Léo): C’était de réaliser des opérations aux États-Unis mon idée derrière…
M. Fabius: Je pense qu’on peut tout à fait prendre comme base le Québec pour la pénétration des marchés nord-américains. C’est ce qui se fait déjà dans certains cas. J’ai un exemple à. la mémoire. Par exemple, une compagnie française alliée avec des Canadiens qui produit à peu près la moitié des chaudières de moyenne puissance à la fois au Canada et sur le
continent nord-américain. Ce sont des exemples qu’on pourrait généraliser; vous avez raison.
M. Tourangeau: M. Jean-André Leblanc, de Radio France.
M. Leblanc M. le premier ministre, évoquer le concept des industries culturelles semble poser, au-delà des accords bilatéraux, des problèmes de marché pour le Québec et, apparemment, pour la France aussi, si on se rappelle l’ensemble des relations évoquées par M. Lang lors de son passage à Montréal. Nous pensons aux accords de Lomé avec les pays ACP; nous pensons à cette conférence de Venise des ministres de la Culture des pays latins. Est ce que l’on songe évoquer, pour concrétiser l’ensemble de ces aspects des échanges commerciaux économiques sur le plan des industries culturelles, aux relations franco-québécoises comme une éventuelle première brique dans ces nouveaux accords géopolitiques sur le plan internationale? Est ce que le concept, momentanément idéaliste de la latinité, est encore évoqué dans le cadre des relations franco-québécoises, sans évoquer non plus le concept du Commonwealth de langue française?

M. Fabius: Je répondrais d’une façon aussi concrète que possible, en cherchant à être sûr d’avoir bien compris la question.

M. Leblanc.. Si vous permettez, M. Lang semblait imaginer que l’ensemble du marché latin était une fois plus importante que l’ensemble du marché anglo-saxon, par exemple.

M. Fabius: Je crois qu’il anticipe un peu. C’est vrai que, si on se projette dans le futur – il a raison de le faire – les langues latines vont devenir, ne serait ce que pour des raisons démographiques, plus importantes en masse que les langues nord-américaines. C’est certain. Quels
1 que soient les nombres, nous appartenons au monde francophone. Je crois qu’on a donc tout intérêt à développer ces industries culturelles. Beaucoup de notions ont été lancées pour rappeler la latinité. J’ai parlé tout à l’heure de la francophonie, de ses contours. On peut discuter – on l’a fait dans le passé; on le fera dans le futur – des institutions que cela pourrait représenter. En tout cas, sur la question centrale, industries culturelles, souhait de développer la dignité ou la francophonie, en tout cas, l’identité des pays de langue française autour des industries culturelles, la réponse est certainement oui.

[M. Lévesque.] Si vous permettez, seulement avant de passer à une autre question, je
deuxièmement, certains d’entre vous qui êtes plus spécialisés, si vous voulez compléter avec des membres de la délégation soit française, soit la nôtre, de toute façon, même si nos amis français doivent aller ailleurs, ceux qui resteront ici de notre côté parleront la même langue pour vous donner plus de détails.
Maintenant, à propos de langue, si vous pensez qu’il doit y avoir des questions en anglais,
ce serait plus que le temps.

[M. Tourangeau: On passera à une toute petite dernière question en français, M. Lévesque. M. Gilles Leclerc, de RTL.

M. Leclerc: M. Lévesque, j’aimerais savoir ce que vous avez pensé des propos de M. Mulroney, il y a 48 heures, concernant le bien-fondé des relations privilégiées entre la France et le Québec. Est ce que vous êtes d’accord avec M. Fabius pour estimer que ces propos sont de nature apaisante. Est ce qu’ils vont dans la bonne voie?]

[M. Lévesque.] Non seulement ils vont dans la bonne voie, mais ils retrouvent la bonne voie qui était là jusqu’à il y a quelques années, qui n’avait jamais été abandonnée, sauf pour des raisons que vous connaissez sûrement. C’est le bon sens. Nous sommes – je l’ai dit en un mot en Chambre tout à l’heure, en répondant à l’excellent discours, plus qu’excellent, au rassurant discours de M. Fabius – souverains, le Québec, mais avec une , souveraineté très parcellaire – dans tout État fédéral, c’est plus ou moins cela – dans ces domaines où nous sommes souverains et qui sont de notre compétence. Nous avons toujours insisté pour que nos relations soient les plus libres possible, et cela a toujours été accepté à l’intérieur de balises où se trouvent les juridictions fédérales qu’on ne doit pas écorcher. On n’en a pas le droit. Jusqu’à nouvel ordre, nous sommes une province. Cela a toujours été admis, depuis les années soixante et, depuis quelques années, c’était devenu d’une confusion indescriptible pour des raisons purement politiques, intérieures canadiennes et M. Mulroney, immédiatement, a ramené cela, à mon humble avis, dans le contexte fédéral, exactement là où cela devait toujours se situer.

[M. Fabius: Je suis heureux d’ailleurs d’avoir pu constater ce climat que dépeignait fort bien M. Lévesque. C’est certain qu’à d’autres moments une visite d’un premier ministre français
$,, pouvait être plus difficile.]

[M. Lévesque:] Pour les deux.

[M. Fabius: Pour les deux.
M. Tourangeau: Les questions en anglais maintenant. M. Bernard Saint-Laurent de CBC.
voudrais vous souligner que l’heure avance au
point où il reste très peu de minutes;
M. Saint-Laurent: M. Lévesque, j’aimerais vous demander… I am sorry, I would like to ask you if it is really…
M. Lévesque: It is all right. It is O.K.
M. Saint-Laurent: I would like to know, perhaps of both Mr. Lévesque and the prime
minister, if he chooses to answer the question: Is it really in the interest of Québec society and those Quebeckers that would be called upon to work in the new technologies to associate themselves with French technology when yourself, Mr. Lévesque, said that 39 out of every 40 North Americans function in English? That is my question: Is it really in the interest of Quebeckers to do that?
M. Lévesque: I said, a few moments ago – Mr. Fabius would give you his part of the answer – that in the world today you have to find, as we say in French, your interest wherever it lies. That is a basic principle. « On prend son bien où on le trouve ». Nobody can think that he has everything and, God knows, nobody has anything, not even in the United States or Japan or anybody else. Among those that have quite a lot, happens to be one great country called France. You probably understood everything that was said a while ago about technology. So, it does not exclude anything, but it does mean that anytime it looks in our interest, comparably to anything else, we will always be close enough to the United States and the rest of America to grab or just, in a sense, annex c pratically instinctively what we think it is good. It is going on all the time. But anytime we think that on this « francophone » basis, especially in France, there is something that we should not neglect, why in Hell should we not do it and do it more and more?
M. Fabius: Je n’ai strictement rien à ajouter.

M. Tourangeau: S’il n’y a pas d’autres questions en anglais, nous reviendrons avec M. L’Archevêque de Radio-Canada pour une dernière question.

M. L’Archevêque: Ma question s’adresse à M. Lévesque. Ce serait possible, mais j’en doute, que vous n’ayez pas abordé le sujet. Dans quels termes auriez-vous expliqué à votre vis-à-vis français les hésitations ou le débat au sein du Parti québécois quant à l’option?]

[M. Lévesque:] De la même façon, parceque après tout, il n’y a pas 25 façons de dire des faits, les faits sont têtus. Dieu sait que je n’avais pas besoin de partir de très loin parceque ces liens privilégiés et directs entre la France et le Québec comportent aussi une assez bonne connaissance, de leur coté, de ce qui nous arrive ici. De la même façon, pour l’essentiel, que ce que vous savez.

[Mme Fontaine: Est ce que je peux demander à M. Fabius ce qu’il en a compris? M. Fabius: Bien…]

[M. Lévesque:] OK. Vous savez, je suis aussi curieux que vous.

[M. Fabius: Ce que j’ai compris, c’est que l’analyse que je faisais en venant était assez exacte.

M. Tourangeau: Voilà! C’est terminé.]

[M. Lévesque:] Permettez! Un instant! Avant de remercier M. Fabius, cela va de soi, je voudrais simplement souligner une chose qu’on n’a pas et que vous n’avez pas abordée, pas parceque c’est négligeable, mais que je veux annoncer à ce propos là, c’est l’éducation et surtout l’éducation supérieure, enfin tout ce qui touche l’enseignement le, plus élevé où des relations qui existent depuis très longtemps se sont accentuées, se sont approfondies. On n’en a pas parlé. Si vous en aviez parlé, on aurait répondu. C’est que, dans quelques semaines à peine, le ministre de l’Éducation du Québec et celui de la France vont se rencontrer pour traiter de plusieurs dossiers qui concernent les deux ministères et pour envisager justement, mais spécifiquement de leur côté, un approfondissement de la coopération parceque cela arrive juste à la toute veille du 20e anniversaire de la première entente franco-québécoise dans le domaine de l’éducation. Encore une fois, merci beaucoup. [« Thank your very much ».] Merci, M. Fabius.
[M. Fabius: Merci, monsieur.
(Fin à 16 h 16)]

[QLévsq19841109cp]

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