[(Seize heures une minute)]
[M. Lévesque:] Je pense que je ne vous apprends rien aujourd’hui en disant que le vent du changement a soufflé fort autant au Québec que n’importe où ailleurs au Canada, et je crois que le verdict de la population a été assez éloquent pour qu’on n’ait pas à insister là-dessus, sur le phénomène lui même.
Donc, quant à nous, il faut d’abord féliciter le nouveau premier ministre, M. Mulroney, ainsi que tous ceux et celles au Québec comme partout au Canada qui ont été élus avec lui. Nous leur souhaitons bonne chance dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités qui, même si on n’a pas tellement parlé de la situation budgétaire ou économique pendant la campagne, vont être des responsabilités très, très lourdes et très exigeantes.
Par ailleurs, on peut bien ne pas avoir les mêmes idées sur l’avenir, ce qui est souvent
inévitable dans une société pluraliste comme la nôtre, s’entendre sur bon nombre de choses, à condition de se volonté et d’ouverture d’esprit de part et d’autre.
Or, cette attitude, justement, on peut dire que le nouveau premier ministre conservateur en a, en quelque sorte, fait un programme électoral, s’engageant notamment à l’égard des provinces à renouer le dialogue et à établir un climat de concertation. Chez nous plus particulièrement, au Québec, il a promis de faire preuve d’une réelle compréhension des aspirations collectives qui sont bien connues, et cela a sûrement contribué à lui attirer l’appui des Québécois qui tiennent à être respectés comme individus aussi bien que comme peuple.
Par exemple, nous nous réjouissons de constater que M. Mulroney est d’avis que le dossier constitutionnel doit éventuellement être rouvert d’une manière qui puisse satisfaire le Québec. Nous avons également pris bonne note de l’engagement solennel et détaillé à rebâtir des relations fédérales-provinciales fondées sur l’harmonisation des politiques, sur le respect de nos compétences et la dépolitisation du régime des subventions.
Dans ce contexte et comme la nature éminemment publique de cet engagement démontre une volonté réelle d’en poursuivre la réalisation, le gouvernement du Québec entend reprendre dès maintenant sa participation pleine et entière aux conférences fédérales-provinciales, à commencer, bien sûr, par celle qui a été sollicitée tout récemment par l’ensemble des premiers ministres provinciaux.
Il y a, en effet, des questions très pressantes qui doivent être abordées vraiment de toute urgence et surtout dans le domaine économique. D’ailleurs, certaines de ces questions ont émergé pendant la campagne électorale avec beaucoup d’insistance. Le gouvernement du Québec attend avec impatience et – ai je besoin de l’ajouter – depuis fort longtemps une collaboration active du gouvernement fédéral sur ce plan des problèmes ou des questions économiques. Il va nous falloir en particulier déployer des efforts conjoints pour contrer le chômage qui affecte si cruellement nos générations montantes. Nous faisons comme gouvernement ici, au Québec, déjà beaucoup d’efforts depuis une couple d’années de ce côté là. Nous en avons d’autres en préparation. On vous l’a dit l’autre jour à la réunion spéciale du Conseil des ministres.
En ce qui concerne l’emploi des jeunes, voilà certainement un domaine entre tous où l’harmonisation évoquée par M. Mulroney serait vraiment un impératif. C’est ainsi que, sans renoncer à nos principes ou à nos droits, mais dans le respect de ceux des autres, nous entendons sincèrement du côté québécois continuer à consacrer toutes nos énergies et toutes nos ressources à l’amélioration du sort de nos concitoyens mais avec l’espoir, désormais, qu’on puisse le faire de façon complémentaire et, partant, de façon plus efficace que tout ce qu’on a pu voir jusqu’à récemment.
Voilà, messieurs. Madame.
[Mme Lafontaine: M. Lévesque, vous dites, à la page 2 de votre communiqué, que vous vous réjouissez de constater que M. Mulroney est d’avis que le dossier constitutionnel doit être rouvert. Si on va un petit peu plus loin que cela, est ce que cela veut dire que vous souhaitez une reprise des négociations constitutionnelles et que vous avez des propositions précises ou des échéances précises là-dessus?]
[M. Lévesque:] D’une part, je pense que tout le monde doit être rapidement d’accord sur le fait que ce qui presse d’abord et avant tout est tout le problème économique; le problème de l’emploi. C’est la première de toutes les priorités dans l’esprit des gens et je pense que cela doit être la première des priorités dans l’esprit de tous les gouvernements, pour autant qu’ils peuvent y faire quelque chose.
D’autre part, il est évident que, quand on lit en particulier certains textes de M. Mulroney pendant la campagne, sans y mettre la même urgence – je pense qu’on sera d’accord là-dessus – il souhaite qu’il y ait une réouverture du dossier consitutionnel qui puisse satisfaire le Québec. Enfin, je n’ai pas besoin de réemployer les termes qu’il avait employés. De mémoire, j’essaie de me souvenir dans l’honneur, je pense, et avec enthousiasme de quelque dose du genre. Nous ne demanderions pas mieux. On l’a déjà dit. Il y a certaines conditions.
Là-dessus, on peut commencer à discuter éventuellement parceque M. Mulroney a
également dit que c’était délicat et que cela prendrait un certain temps avant de s’ajuster. Mais, au moins, il a l’ouverture d’esprit, semble t il, et c’était vraiment un texte écrit, travaillé et qui était le texte du discours de Sept-Îles et qui a une perspective de réouverture éventuelle. Nous serons prêts, le jour où on verra comment cela se rouvrira, à participer à partir évidemment de certaines conditions qui sont connues.
[Mme Lafontaine: Une sous-question à ce sujet, Lévesque. Cela ne veut pas dire que c’est conditionnel. Cette reprise des négociations elfes n’est pas conditionnelle pour les autres dossiers. Au contraire, vous faites une priorité pour les autres dossiers particulièrement économiques. Vous ne liez pas les deux questions.]
[M. Lévesque:] Dans notre esprit, c’est séparé. Cela ne peut pas être autrement que séparé. Remarquez que cela finit toujours par se rejoindre. C’est évident que, si tu perds des pouvoirs dans le secteur constitutionnel, qui sont le moindrement stratégiques, cela finit par avoir des impacts – cela peut en avoir même rapidement – sur le développement économique, sur la performance économique d’une société. Seulement, on ne peut pas tout noyer cela ensemble. Il est évident que, dans l’esprit de tout le monde – je pense que, dans cette espèce de courant de changement qui a balayé le Canada hier, il y avait de cela aussi – il y a des urgences économiques, des urgences du côté de l’emploi, des urgences d’un gouvernement qui comprend ces problèmes là et qui s’en occupe. Nous, cela fait deux ans qu’on travaille de ce côté là et si, maintenant, on sent cette même préoccupation avec, aussi, ces engagements à l’harmonisation et au respect des compétences que M. Mulroney a pris, je ne vois pas pourquoi on ne prendrait pas cette priorité là d’abord; c’est celle de tout le monde.
[M. Rivest: M. Lévesque, vous n’avez pas parlé, dans votre déclaration, de l’interprétation que vous faisiez des résultats des élections particulièrement au Québec. Est ce que vous avez une interprétation à soumettre des raisons pour lesquelles on a un tel résultat?]
[M. Lévesque:] Écoutez! Je pense que je ne suis pas plus grand clerc que d’autres. Quand vous avez un bouleversement comme celui d’hier, d’abord on a de la misère à y croire jusqu’à ce que ce soit arrivé. Je me souviens, c’était un certain bouleversement, même un bouleversement certain, l’élection de 1976 quand on est parti de cinq députés pour atteindre une majorité et éliminer une majorité de 102 sur 110 chez nos adversaires. Je me souviens, moi j’étais parmi ceux qui se forçaient pour ne pas y croire, jusqu’à la dernière minute, que cela pouvait arriver. Il y avait un peu cette espèce d’incertitude en ce qui concerne le Québec en particulier à cause de cette tradition de poteaux rouges qui passaient automatiquement. Seulement, il y a un vent de changement qui soufflait d’une façon tellement forte dans le reste du pays – c’était perceptible – qu’il y a une contagion là-dedans. La contagion a gagné le Québec. Je pense que la première des raisons, la première des choses, c’était un peu comme en 1960; cela me rappelle des souvenirs d’il y a un quart de siècle. Le seul slogan véritable après les longues longues années de l’Union Nationale de l’époque, c’était: Il faut que ça change. Je pense que c’est ce que vous avez entendu de diverses façons pendant toute la campagne du côté des conservateurs en particulier, du côté du NPD aussi: Il faut que ça change. Le thème arrivait juste au moment où tout le monde ne demandait pas mieux que de l’entendre. En fait, tout le monde avait cela à l’esprit. Je pense que cela a été contagieux au Québec aussi.
Maintenant, pour le Québec, il y a sûrement une chose supplémentaire qui a joué et qui explique, d’ailleurs, une participation assez importante de pas mal de militants du Parti québécois du côté conservateur. C’est que le Québec a particulièrement souffert, en dehors des contagions de changement, des politiques libérales, surtout ces dernières années, qui en étaient venues littéralement à attaquer la capacité de survie de notre société comme peuple distinct. Il y a une sorte d’alliance nationaliste qui s’est formée – il y avait des péquistes, mais il y avait aussi des nationalistes, des gens qui sont conscients des intérêts du Québec – un peu comme celle qui nous a portés nous mêmes au pouvoir en 1976 et en 1981. Vous remarquez, d’ailleurs, si vous regardez un peu l’histoire du Québec, cela prend des fois du temps, mais cela finit par arriver ce genre d’alliance quand il faut barrer la route à ceux qui très clairement veulent affaiblir le Québec. Elle finit toujours par ressurgir cette alliance là à un moment donné. Je pense qu’elle était pleinement justifiée cette fois ci au plan fédéral.
[M. Tremblay: M. Lévesque, dans les dossiers économiques que vous souhaiteriez voir débloquer, lesquels vous semblent prioritaires et essentiels à ce moment ci?]
[M. Lévesque:] Il y en a un, évidemment, qui… On l’espère, on n’est pas pour commencer à essayer de bousculer M. Mulroney avant qu’il soit au gouvernement. Il y a certains engagements relativement concrets qui ont été pris par des porte-parole conservateurs et cela concerne la pétrochimie. Ce n’est pas exagéré, ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, que l’ensemble du milieu, même ceux qui ne sont pas directement impliqués dans Pétromont ou dans l’Union Carbide, c’est-à-dire les deux clés, il y a une raison pour laquelle les chambres de commerce, le patronat, etc., les syndicats ont fait un front commun pour mettre la pression pour essayer de sauver Pétromont et sauver derrière cela le secteur pétrochimique dans une structuration un peu convenable, moderne. Dans l’économie québécoise, la pétrochimie, c’est très important, c’est central.
Je pense que le cas de Pétromont va être un de ceux qui vont surgir le plus rapidement. Il y en a beaucoup d’autres, je ne vous ferai pas une litanie aujourd’hui. Celui là a suffisamment été évoqué pendant la campagne électorale pour que vous ne soyez pas surpris si je vous dis qu’à la première occasion décente on va le ramener sur la table.
[M. Lesage: Au sujet du Parti nationaliste, M. Lévesque, est ce que vous auriez des commentaires à formuler sur les observations de M. Monière hier soir qui a parlé – c’est un terme qu’on a connu déjà – de victoire morale et également des critiques qui ont pu être formulées par certains membres du PN et même certains ministres contre le peu d’intérêt que le Parti québécois a manifesté?]
[M. Lévesque:] Écoutez, comme je le disais tout à l’heure, cela s’enchalne d’une certaine façon. Il y a une contagion et en même temps cette espèce d’alliance pour barrer la route à ceux qui veulent dégrader le Québec et qui étaient les libéraux depuis quelques années de façon incontestable. Je pense que beaucoup de gens dans notre parti, comme ailleurs, ont cherché qui était le plus susceptible d’éliminer le gouvernement libéral tel qu’il était devenu et c’est évident que c’était du côté conservateur que cela se trouvait. Le Parti nationaliste a fait entendre, je pense, des propos utiles, des rappels des intérêts du Québec qui ne sont jamais mauvais durant ces périodes. Seulement, il n’avait ni l’organisation, ni la crédibilité de courant; cela n’avait pas eu le temps d’être bâti, à supposer que cela aurait pu l’être. Il s’en allait avec une organisation rudimentaire, obligé, d’ailleurs, de parachuter des candidats dans des endroits un peu surprenants pour atteindre 75 candidats au total. On peut toujours discuter, à savoir s’il était utile d’atteindre le chiffre de 75 ou s’il aurait pu se contenter de moins pour avoir une meilleure implantation, mais cela ne nous revient pas d’en discuter. Il a fait la campagne qu’il voulait mais, très évidemment, tout en n’étant pas inutile comme rappel, encore une fois, de certains intérêts fondamentaux du Québec, ce parti ne pouvait pas être le levier du changement que les gens désiraient à Ottawa. Ce changement était désiré par les gens de notre parti comme par presque tous les Québécois conscients de leurs droits et de leurs intérêts collectifs.
[M. Pelletier. M. Lévesque, en examinant les résultats des élections d’hier sous un autre]
[M. Lévesque:] Il doit y avoir des gens, je pense, dans le Parti libéral qui se posent des questions sur l’opportunité qui aurait existé d’équilibrer un peu plus – peut-être plus démocratiquement aussi – les résultats éventuels, de procéder à ce genre de réforme. Il en a été question au niveau fédéral, mais ils ont laissé tomber. Il y a peut-être – je me contente d’enregistrer votre question qui était une remarque – un « Pensez y bien » pour d’autres aussi là-dedans.
[M. Rives: Sur la question du Parti nationaliste, M. Lévesque, le fait que les gens du Parti québécois de manière générale, et ceux du gouvernement aussi, aient appuyé le Parti conservateur plutôt que le Parti nationaliste est pour plusieurs personnes un signe de pragmatisme politique qui vous fera aussi renoncer à la résolution du dernier congrès touchant la signification d’un vote pour le Parti québécois aux prochaines élections.]
[M. Lévesque:] Vous pouvez essayer de me faire ouvrir cette canne de vers, mais dans les semaines et les mois qui viennent, il ne peut en être question. On a pris une décision qui était de vivre avec cette attitude du congrès et de poursuivre nos réflexions. Je pense que c’est normal dans un parti démocratique que les gens réfléchissent. Il n’y a pas de Bible absolue dans la façon dont on entrevoit les stratégies ou les tactiques; on verra.
[M. David: M. Lévesque, est ce que les résultats d’hier, dans votre esprit, marquent la fin du chapitre de l’implication du Parti québécois sur la scène fédérale d’une façon ou d’une autre?]
[M. Lévesque:] Non, parceque selon les circonstances que je ne peux pas prévoir… J’ai l’impression qu’il n’y aura pas d’élections fédérales avant quatre ans; cela me surprendrait beaucoup. Alors, qu’est ce qui peut se passer d’ici quatre ans? Il va couler tellement d’eau sous les ponts que je ne suis pas pour commencer à dire: parceque cette application très indirecte – parcequ’ on s’était à tort ou à raison – peu importe, cela a été discuté – fermement décidé à ce que le Parti nationaliste doive exister par lui même et non pas comme une espèce d’aile ou de succursale du Parti québécois – je crois que vous avez vu que c’était un fait pendant la journée d’hier et pendant les quelques semaines qui ont précédé. C’est arrivé cette année, mais qu’est ce qui arrivera dans quatre ans?
[Mme Lafontaine: M. Lévesque, est ce que vous considérez que M. Mulroney a une dette envers le gouvernement du PQ ou les militants du PQ et que dans ce sens là, votre gouvernement pourrait profiter d’une attitude compréhensive de M. Mulroney lors des négociations?]
[M. Lévesque:] Non. Vous parlez de dette. Il y a des gens qui parlent de « I.O.U. » aussi comme si c’était une partie de poker. Ah! Non. Je ne pense pas qu’on puisse poser le problème en ces termes là. C’est évident qu’il y a un certain nombre de candidats qui ont été élus hier qui sont – je reprends l’expression de tout à l’heure – des nationalistes québécois, c’est-à-dire des gens bien enracinés dans la conscience de nos droits et de nos intérêts collectifs. Cela peut jouer. Entre nous, il n’en pleuvait pas beaucoup dans le caucus libéral tel qu’il était. Il va y en avoir un certain nombre qui vont quand même être conscients de cette dimension là. M. Mulroney lui même a montré, par certaines de ses interventions, qu’il était ouvert à la coopération et à une espèce de complémentarité, si vous voulez, entre les plans de gouvernement. C’est ce qu’on attendait depuis longtemps. On avait cessé de l’espérer de la part d’un gouvernement qui s’était figé dans ses attitudes à un point où c’était rendu un peu… Quand ils pensaient à nous et qu’ils parlaient de nous, c’était un peu comme le vieux… c’est Caton l’Ancien, je pense: Delenda Carthago. La seule chose qui les intéressait et qui a été reflétée assez éloquemment par quelqu’un comme M. Chrétien, par exemple: Il faut détruire le PQ, détruire le PQ, détruire le PQ. On est aussi le gouvernement, peu importe les convictions qu’on peut avoir et qui sont divergentes. Cela finit par prétendre remettre en question la légitimité d’un gouvernement élu en 1981 au Québec. Cela ne se fait pas dans aucune démocratie. Je ne crois pas qu’on doive s’attendre à des attitudes et je suis sûr qu’on ne doit pas s’attendre à des attitudes aussi braquées, aussi négatives et aussi antidémocratiques de la part du nouveau gouvernement conservateur.
[M. Marsolais Mais M. Lévesque, pendant la campagne au leadership, M. Mulroney avait dit qu’il ne traiterait pas avec le gouvernement et maintenant, il a changé d’attitude. Comment conciliez vous ces deux tendances?]
[M. Lévesque:] Écoutez, je me contenterai de reprendre le bon vieux proverbe de Bismarck que je cite assez souvent dans des cas comme ceux là, parceque je ne peux pas sonder les reins et les coeurs: Il y a seulement les ânes et les imbéciles qui ne changent jamais d’idée.
[Mme Lafontaine: Au-delà d’une ouverture – et vous cites aussi que cela ne peut pas être aussi négatif qu’avant – je me permets d’y revenir, M. Lévesque…]
[M. Lévesque:] Oui.
[Mme Lafontaine: …qu’est ce que vous attendez vraiment des négociations et de l’ouverture d’Ottawa?]
[M. Lévesque:] Premièrement, dans l’immédiat, ce qu’on attendait – mais « dans l’immédiat » veut dire d’ici quelques semaines parcequ’ il faut tout de même donner le temps à nos nouveaux élus de… Tu sais, c’est un peu comme nous autres ou n’importe quel gouvernement qui arrive, il faut d’abord savoir où on va accrocher son chapeau, savoir si on a le personnel de soutien qu’il faut et commencer à essayer de travailler en équipe. Tu n’es pas sorti du bois pendant les quelques premières semaines, surtout qu’à part l’intermède très bref de M. Clark, ce qui a donné un minimum d’expérience à un certain nombre d’élus conservateurs qui se retrouveront ou pas dans le Conseil des ministres. Ce n’est pas à moi de faire des prévisions, mais à part ce bref intermède, cela fait plus d’un quart de siècle que les conservateurs n’ont pas eu l’exercice véritable du pouvoir ou le gouvernement. Donc, premièrement, on s’attend qu’il y ait un certain minimum de flottement et de chance au coureur qu’il faut donner pendant quelques semaines. Tout de suite après, et en cours de route s’il y a moyen, il y a un certain nombre de dossiers parmi les plus urgents qu’on aimerait bien faire valoir. J’ai parlé de Pétromont tout à l’heure. La vie de Pétromont, vous le savez, ne tient qu’à un fil. Derrière cela se trouve la pétrochimie. Or, il y a eu des engagements relativement intéressants – je ne dis pas que cela a été complètement formalisé et je ne veux pas prétendre parler à leur place – des engagements de gens assez proches du nouveau premier ministre conservateur en ce qui concerne la pétrochimie. Il y a cela et d’autres dossiers comme celui des jeunes par exemple.
On s’en va vers l’année internationale de la jeunesse – c’est symbolique – mais cela va aider encore une fois ou, en tout cas, cela va servir à souligner la condition vraiment dramatique de beaucoup de membres de la génération montante. C’est vrai partout au Canada.
Donc, le gouvernement fédéral ne peut pas s’en désintéresser. Il y a eu des à peu près qui ont été évoqués pendant la campagne, mais rien de très cohérent. Alors, nous travaillons d’une façon pour essayer de garder ou de rendre cohérents le plus possible, comme vous les connaissez, les trois axes de notre effort actuel sur l’employabilité: scolarisation, stage en milieu de travail et un certain nombre de travaux communautaires. On travaille d’arrache-pied pour essayer d’ouvrir des places dans l’emploi. On a un certain nombre d’idées là-dessus. Je ne peux pas les évoquer plus en détail aujourd’hui que la semaine dernière à Fort-Prével. Mais c’est en train d’être complété et de se concrétiser. Cela paraît prometteur.
Je m’attendrais, parcequ’ il y a deux thèmes que M. Mulroney a soulignés avec insistance: l’harmonisation des politiques et le respect des compétences … Si on met ces deux choses là ensemble et qu’on essaie d’en tirer ce que pourrait être une attitude fédérale en ce qui concerne cette grande priorité de l’emploi pour les jeunes, il me semble qu’il y a quelque chose là qui devrait se faire assez rapidement. Je l’espère en tout cas. Il n’y a pas de raison pour l’instant d’en douter. On n’a pas de raison non plus d’avoir des chicanes comme les espèces de braquages qu’on a d6 essuyer pendant les deux dernières années en particulier.
Il semble que les esprits soient ouverts dans le nouveau gouvernement qui va être assermenté à Ottawa, en particulier au niveau du chef, et espérons que cela va servir. Dans un cas aussi important que celui là, ce serait inestimable.
[M. Rivest: M. Lévesque…]
[M. Lévesque:] Je pourrais ajouter, comme je l’ai dit tout à l’heure, une litanie de choses. Mais je ne ne suis pas venu ici, le lendemain d’une élection, au moment où ils doivent être en train de se reposer, parcequ’ ils doivent avoir besoin de repos – moi, je sais que je me suis couché très tard hier à cause de cela, et pourtant je n’étais pas pris dans la campagne, et ce matin j’étais plus ou moins vaillant; imaginez ce qui a dû leur arriver à eux autres – il faut leur donner un peu le temps de respirer pour ne pas leur « pitcher », leur envoyer par la tête une litanie de dossiers à régler.
[M. Rivest: M. Lévesque, l’hypothèse d’un parti conservateur provincial a commencé à faire surface surtout vers la fin de la campagne à cause de la force qu’on prévoyait pour les conservateurs au Québec. Est ce que vous avez évalué cette hypothèse? Est ce que vous la craignez? Qu’est ce que vous en pensez?]
[M. Lévesque:] Non, j’avoue humblement qu’on n’a pas eu le temps de se pencher sur cette possibilité. D’autant plus qu’il y a toujours des signes avant-coureurs quand cela vient. Après tout, c’est le droit de toute formation politique, dans la tradition canadienne telle qu’elle existe, de prolonger du fédéral vers le provincial ou même vice-versa. Écoutez, on verra quand on verra. On n’a pas analysé ce que cela pourrait avoir comme effets. Non.
[M. Rhéaume: M. Lévesque, quand vous dites « accorder une certaine chance au coureur », vous vous basez surtout et presque exclusivement sur le discours de M. Mulroney à Sept-lies.]
[M. Lévesque:] Non, non. C’est aussi pas mal sur l’attitude ou sur le fait aussi, si vous permettez, qu’il l’a répété pour l’essentiel au moins deux fois, sauf erreur. Ce qui veut dire qu’il voulait en faire un clou quand même, en particulier en ce qui concerne ses relations éventuelles avec le Québec. Je pense qu’à deux reprises il a repris l’essentiel de ce discours, qui était déjà un discours clé, pour montrer que c’était vraiment un discours clé et que c’était thème auquel il tenait. Je n’ai pas de raison d’en douter.
[M. Rhéaume: Mais, justement au-delà de l’illustration publique du propos, ce qui
m’intéresse un peu est de savoir ce qu’il y a du côté souterrain. J’essaie de comprendre jusqu’où vont les fréquentations de votre gouvernement et l’équipe Mulroney? Par exemple, l’ancien négociateur patronal dans les négociations du secteur public en 1982, M. Lucien Bouchard, était aux côtés de M. Mulroney lors du débat. On le dit conseiller spécial en matière de relations entre le fédéral et les provinces.
Est ce qu’on peut penser qu’il y a un certain nombre de liens organiques qui, sans être formels, mènent…]
[M. Lévesque:] Non. La réponse est très simplement non. Il y a quand même des gens, disons, qui ont les oreilles ouvertes des deux côtés, des gens que nous connaissons bien et qui ont une place relativement choisie du côté de l’équipe de M. Mulroney. Il y a des gens qui, forcément, peuvent servir d’intermédiaires et ils l’ont fait à quelques reprises et il n’y a pas de mystère, je n’ai rien à vous cacher en vous disant très simplement que, par exemple, en ce qui concerne la pétrochimie qui est une question de semaines, normalement – c’est déjà une question de semaines depuis un bon bout de temps – qu’il y a eu, par la voie d’intermédiaires comme ceux là, par le truchement d’intermédiaires comme ceux là, une sorte de mise en sittuation, si vous voulez, minimale qui a été faite pendant la campagne pour que les conservateurs, un certain nombre d’entre eux, saisissent l’importance de l’enjeu, surtout les conservateurs ici au Québec.
C’est sûr que sur le plan personnel, sur le plan d’acquintance qui sont arrivés comme cela, comme c’est arrivé dans la vie, il y a un certain nombre de gens dont on peut avoir l’oreille et vice-versa. Autrement dit qui ont l’oreille des deux côtés. Cela peut être très utile parceque ce sont des Québécois authentiques qui pensent aux intérêts du Québec sans oublier qu’ils sont dans un contexte fédéral en ce moment, mais qui pensent aux intérêts du Québec. Ce que je vous disais aussi à propos d’un certain nombre de candidats conservateurs qui ont été élus qui sont très enracinés dans non seulement la réalité, mais la connaissance assez étendue des droits et des intérêts du Québec. Certains anciens ministres – je n’ai pas besoin de vous faire de dessein – qui ont été élus hier, disons d’anciens ministres provinciaux, par exemple, n’ont absolument pas de raison d’ignorer l’importance de certains aspects des problèmes québécois et des revendications ou des aspirations québécoises. Cela joue.
[Une voix: Une formation politique sur la scène nationale trouve toujours important de s’implanter au plan provincial. Si l’élection d’hier n’est pas un feu de paille comme Diefenbaker en 1958, et que c’est vraiment un virage historique, la question – même si vous dites ne pas y
avoir songé – d’un Parti conservateur provincial va se poser. Dans ce cas, la formation pourrait prendre la relève ce serait certainement la vôtre parceque beaucoup de gens l’ancienne Union Nationale sont chez vous, n’est ce pas?
qui de]
[M. Lévesque:] Je ne nous vois pas devenir un Parti conservateur.
[Une voix: Progressiste conservateur?]
[M. Lévesque:] Non, écoutez, là vous commencez à échaffauder des hypothèses auxquelles personne n’a pensé et qui nous paraissent dès le départ assez farfelues. Si avec le raz de marée qu’ils ont eu et d’après leurs calculs qu’ils ont à faire et cela leur appartient, les conservateurs devaient décider de se bâtir une aile québécoise, et d’essayer de se bâtir une aile québécoise, cela a déjà été évoqué à bien des reprises dans le passé, on verra. C’est à eux que cela appartient. Ce n’est certainement pas à nous de participer à cela. C’est leur droit, c’est tout.
[Une voix: Une petite question avant de passer à l’anglais.]
[M. Lévesque:] Il faut que je parte à 17 heures aussi. On a encore quelques minutes.
[M. Saint-Louis: J’imagine qu’au Conseil des ministres vous n’avez pas passé la journée à discuter et à disséquer la victoire du Parti conservateur hier. Est ce que vous avez pris une décision concernant…]
[M. Lévesque:] On a pris un certain temps pour être sûr que tout le monde nous donnait ses perceptions. Je pense qu’on était aussi – comment dirais je – fasciné que quiconque hier. Après tout, c’est un phénomène politique comme on n’en voit pas tous les jours ce qui arrivé.
[M. Saint-Louis: Disons concernant les tests linguistiques, est ce que c’est à l’étude aujourd’hui?]
[M. Lévesque .] C’est à l’étude pour savoir, sans que je puisse donner de probabilité pour l’instant, cela dépend des conseils juridiques, des fois ils sont contradictoires et il faut tirer notre vérité de tout cela. C’est à l’étude en vue potentiellement, le cas échéant, d’un appel à la Cour suprême. Il y a eu dans ce cas un jugement qui nous était favorable en Cour supérieure. Il y a eu du deux à un qui nous était défavorable en Cour d’appel. Cela fait deux juges contre deux juges, sauf erreur. Cela peut arriver qu’on aille plus loin. Cela se peut.
[M. Saint-Louis: Le Mont-Tremblant, ce n’est pas décidé?]
[M. Lévesque:] Le Mont-Tremblant, on a eu à discuter pas mai la’ situation ce matin avec M. Chevrette. Il y a des choses qu’il va falloir absolument clarifier le plus vite possible, mais en tout cas je peux vous cire une chose, c’est que c’est très complexe. C’est un dossier avec lequel on a eu de la misère tout le temps. C’étaient les Caisses d’entraide économique telles qu’elles existaient qui avaient la propriété de l’emplacement du Mont-Tremblant, la propriété de ce qu’on appelle Mont-Tremblant Inc., et le bail sur la partie de la montagne aménagée qui est propriété publique. C’est un peu entremêlé. Quand les caisses d’entraide ont laissé tomber, il y a eu la liquidation et les liquidateurs nous ont poussé des recommandations. À cause de la loi, on était un peu pris pour prendre le décision qui a été prise et je ne veux pas dire qu’elle était mauvaise en soi, mais enfin, il y avait une certaine fragilité et 1à la fragilité semble devenue inquiétante chez les nouveaux exploitants. On va voir ce qu’on peut voir pendant les jours qui viennent. C’est assez entremêlé. Il ne faut pas oublier que c’est l’entreprise privée. Il y a une banque d’un côté. Il y a un groupe privé qui s’appelle Promo…
[Une voix: Promodev.]
[M. Lévesque:] …Promodev, de l’autre. Alors, tant qu’ils respectent leur bail, nous, il faut qu’on y voie assez soigneusement, avec beaucoup de soin même, mais avec beaucoup de prudence aussi parcequ’ on n’a pas le droit de marcher dans les plates-bandes de l’entreprise privée tant qu’il n’y a pas une raison précise d’intérêt public.
[M. David: Une dernière question, M. Lévesque, sur les élections d’hier. Dans 12 ou 18 mois, ce sera votre tour d’aller en élections. Est ce qu’à ce moment vous vous attendez à un échange de bons services entre le Parti québécois et le Parti conservateur?]
[M. Lévesque:] Non. Je ne vois pas du tout d’ici là. Cela s’est fait assez spontanément. Je dois vous dire qu’il n’y a pas eu de directive dans la machine. Cela s’est fait assez spontanément, de la façon que j’ai essayé de vous l’expliquer tout à l’heure. C’est comme cela qu’on le perçoit, nous. Il y avait une énorme contagion de changement et cette énorme contagion était essentiellement antilibérale. Je pense qu’il y a eu spontanément une espèce, je dirais, d’alliance très conjoncturelle qui s’est faite avec des péquistes, des nationalistes et, vous le savez, un certain nombre, sûrement, de libéraux provinciaux aussi, qui visait à débarrasser le paysage du gouvernement libéral tel qu’il était devenu.
Je ne vois pas en quoi il y a des « I.O.U. » où que ce soit. La seule chose qu’il y a, c’est que je ne crois pas, par exemple, qu’il y ait des raisons – surtout, si les relations se font convenablement et se rétablissent d’une façon convenable – pour qu’il y ait le même genre de climat hargneux qui se développe, le climat quasiment d’intolérance totale tel qu’il s’était développé avec les libéraux fédéraux.
[M. Girard: M. Lévesque, est ce que vous vous êtes entretenu avec le nouveau premier ministre depuis son élection?]
[M. Lévesque:] Non. Hier soir, je n’avais pas de raison de faire du m’as tu vu téléphonique pendant qu’ils étaient pris à Baie-Comeau, à attendre qu’on sache le sort de M. Turner, que M. Turner parle. Seulement, incessamment, peut-être aujourd’hui, peut-être demain, je vais tâcher de rejoindre M. Mulroney pour qu’on puisse; s’en parler un peu.
[M. Noseworthr. Mr Lévesque, Mr Mulroney seems to be very sincere in his offerand, his promise to be more open and more understanding towards Québec. His priorities seem to be similar to yours, economic and the employment problem. If you do work along those lines, would it not require perhaps that you revise your sovereignty option?
M. Ldvesque: No, I do not think so. I will remind you that as long as the climate was, let us say, even moderately favourable, from 1976 to late in 1980 or even 1981, we never had to hide and we did not feel at all it was necessary to hide our basic convictions about the future of Québec and yet shared in agreements and discussions and things that led to results. It is only the last two years that things have become literally… And from the federal, such as it was with Mr. Trudeau at the end and even with Mr. Turner… I have to deplore again that Mr. Turner, for instance, took a leaf from Mr. Trudeau more or less, or somebody else, and said: ‘Why negotiate with a government in Québec which is « indépendantiste »? That is completely antidemocratic. We have not seen that kind of attitude during the campaign from Mr. Mulroney or from most of his major lieutenants or his team. Contrary to that, we have seen commitments to an opening of a new era of federal-provincial relations. So we are going to jump into it as soon as the signs become more concrete because that is in the interest of everyone. We are tax-payers at both levels; those public funds, when they can be more or less used in joined efforts for urgent problems, that is the way they should be used. So we are going to hope far that. But that does not mean that we have to forget or dilute our basic convictions. We have always said that as long as we are in a federal system, we are, in good faith, always ready to – as long as it is tied to a defense of Québec’s interests, of Québec’s autonomy – deal with a federal government.
M. Noseworthy: One other question, Sir, on a different subject: Did your cabinet establish a plan of action regarding the Québec appeal ruling for the language tests for the…
M. Lévesque: The tests for professional people? M. Noseworthy: Yes.
M. Lévesque: No. You know, we won a first judgment in Superior Court – that is one judge; we lost a second judgment – two to one – in Appeal Court which more or less evens out the judges. So, there is serious consideration on going to the Supreme Court, but it is not decided yet.
M. Noseworthy: Thank you very much.
M. Grant: Mr. Lévesque, deciding to return to all constitutional or economic talks on a federal-provincial level, you seem to have made a fairly concrete step, a gesture of goodwill. Is
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that in response to the attitude you perceive coming from Mr. Mulroney or are you now saying: OK, the next move is yours and let us have something in return?
M. Lévesque: Well, no. There is no reason to think that our new interlocutors in Ottawa were not in good faith, especially Mr. Mulroney, when they made certain very precise commitments. So, we do not feel the same way. It is a question of attitude basically, I think – we do not feel the same way – which was based on real negative feelings that were always emanating towards us and forced us to make some distinctions and to say; Well, at least, let us save some money, because it does not lead anywhere. In the new prospect anyway – touch wood – there is no reason at all to have that kind of attitude from our side. There is no reason to maintain it. We think we should play the game the way It seems to be offered. Let us see what the results are.
M. Grant: You and your ministers were often very critical of the level of abilities, if I can use that word, of many of the 74 liberal Members of Parliament from Québec. Now you have got somewhere around 60 conservative Members of Parliament. Have you got any evaluation of their abilities in comparison?
M. Lévesque: Apart from experience which you can forget in most cases – in practically all cases in Québec, except Mr. Lessard – except also a few people who had experience at provincial level – you can think of Marcel Masse and a few others, I guess – except from that, the question of experience is left aside because obviously you have to acquire it. We have not assessed – because that would be a bit presomptuous – what you call the quality or the potential of conservative candidates, the ones that were elected. There is two things that strike us from the way it goes, one is that they have managed, in spite of a sort of media barrage that they were not big, big, big names, to have a good number of rather substantial candidates in every district, in every region anyway of Quebec. In other words, they had solid people from their careers and their achievements – which I think people are aware of – solid people practically in all districts, I would say probably in all districts or all regions in Québec. The second thing is that – and it is a rather striking achievement, it proved that Québec is in the forefront on that basic question of social justice – the number of women elected is rather – it is not enough – astonishing when you compare it with the rest of Canada. And that goes for both parties. About one fifth of the 75 ridings in Québec are going to be represented by women which, I think, is way ahead of the average throughout Canada. That means that there is in that one half of the population a growing acceptance, a growing feeling of joining and participating which is also good for the whole of the society. That, I think, is a good result of yesterday’s event. We should go further year by year but it is an achievement already comparatively anyway.
M. Grant: Could you repeat in English something you said in French as to your analysis of why Québec has responded to the Conservatives in the numbers that they did?
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M. Lévesque: I think that, first of all, there was a contagiousness from sea to sea around the idea of change. It is time far a change. It reminded me of 1960, at the end of the Duplessis era, that was a slogan ‘It is time for a change » and it is practically the only slogan that really emerged, that had any power behind the results: a search of a will to change. That is very contagious and swept Québec like the rest – a part of it. That explains in great part
why – without any specific directors of any kind or orders, even less – a great many of our supporters, of our militants, went with the Conservatives because they wanted that change to be effective. An additional element in Québec, I think, is that, not just people in the PQ, but nationalists in the widest sense of the word, people who are conscious – who are not necessarily « indépendantistes » – but who are conscious of the importance of Québec’s rights and Québec’s basic interests, had a sort of alliance, spontaneously, to block the Liberals and get rid of them. If you look at history, every time there is a feeling in Québec – sometimes, it takes some time – but when there is that feeling – in French Québec anyway – that things are becoming dangerous for essential elements of our identity, of our progress, that kind of alliance, eventually, always happens. I think that was a factor as far as Québec is concerned, a very strong one.
M. Grant: if you had to choose a word to describe how you feel about the election of the Conservatives, what will it be?
M. Lévesque: Well, I cannot hide the fact that I am… Rather two things: one, it was time, certainly, after 20 years or thereabouts, for a Liberal Government to be replaced, especially if you look – not just at Québec’s basic interests because that is fundamental for us, but also as a Canadian taxpayer, the fact that their economic management has been completely disastrous and there was an obvious need for a change. That is that. And the second thing I am glad about overall – as long as we do not go into another tradition in reverse, the same kind – is that it broke the stranglehold in Québec of a one party system, and that is all to the good because the arrogance that can come from feeling a sort of certainty, you know, a feeling that you have a whole population in your pocket before you even start asking for votes, is one of the most unhealthy situations you can have in any democratic society. I think it is a good thing that stranglehold has been broken, and I hope no stranglehold of any kind happens again in Québec. In other words, there is a pluralistic society. Well, let it function normally.
M. Noseworthy: One short giestion. Do you have… in this election?
M. Lévesque: I was reminded that a few months back through some inspiration or other, I have made two small bets that I won because we had two people who, against their own desires, had thought that there was no possibility of any change in Québec and I bet against them – but it is a couple of small sums – and both of them have not shown up to date. Neither have shown
up.
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Une voix:… Do you think that the option…
M. Lévesque: Look, if you think – and you are basically convinced – that it would be better – and we still are convinced that is is the better perspective for a healthy future for Québec – I do not see any reason why we should, all of a sudden, because there has been a big
election, a big election change at the federal level, we should change our mind about that.
One thing is that it will not become the same kind – we hope, anyway – of barrage of hostility which had become practically personal hostility that had developed with the Liberals.
Une voix: … harmony between Québec and Ottawa, It means that your option is undermined, does it not?
M. Lévesque: Like I always said, I remember saying it the first time I went to an intergovernmental conference and the rest, I think – and I repeated it a few times – it was accepted. There is a sort of sporting factor there. I remember telling it and even writing it in one of my basic presentations to one conference, that we were there to defend Québec and help the progress of Québec inside the federal system for as long as we were in it. It was our duty to defend Québec’s autonomy and to well defend Québec’ autonomy, as best we could, to help Québec’s progress, because that is tied to the progress of the whole of Canada. I remember saying: We are deeply convinced that independance opinion or sovereignty would be better for Quebec. But if the federal system can make itself better and more attractive, well, the best man wins eventually. There is no reason why we should try to sabotage the federal system where we pay taxes. We have to live as harmoniously as possible just because we have that basic conviction. You can live with both. You know, if life was that simple all the time.
Une voix: Mr Lévesque, are you prepared to pay to a federal system in Québec until
Québec…
M. Lévesque: We are going to push our ideas, but, I have always said also that I never thought the federal system, as long as people do not make it that way, is any kind of inferno on earth. It is not the best system certainly not for Québec, that is for sure. I think that the potential of Québec and especially of French Québec, which is a national entity, would be better served in many essential ways by a full self-government. But, in the meantime, living with the system we have, there is no reason why we should not try and make it work better.
Mme McKim: Mr Levesq.ie, if you will excuse me, if you do not mind saying it again in English. What specifically, what difference do you see the results of the election having on the relations of the Quebec Government with the Federal Government?
M. Lévesque: I will take my leave from Mr Mulroney’s book. He is going to be the Prime
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Minister in a few days and what he set out as a prospective is very precise. I think that goes to the heart of the problems we have had plus the attitudes that developed. The heart of the problem was Can we have policies that harmonize between federal and provincial levels, you know, in order to become complementary as much as possible?
Take the question of jobs and problems of the young people. There are millions of dollars that are available, that are being spent but if they are not spent in a way which maximizes results, we are guilty of a sort of mismanagement which hurts very cruelly our generation. So
harmonized policies, Mr Murroney proposed that. Respect competence, in other words, jurisdctions should not be trampled upon because that means bad blood and eventually gives no results at all because it puts us into a manhouse administratively, politically and otherwise.
Third, stop politicising – you know, making them party tools – the basic programs of subsides that are distributed. We have a good example of what not to do when former Secretary of State as he was – I am fcrgotting him – Mr Joyal, you know, just tore apart a list of priorities which have been established in Québec Universities by Québec Universities and decided from his great wisdom that he had his own set of priorities. That is the way to bugger up everything.
Mme Md{im: You have hope for bright new days?
M. Lévesque: Yes. Well, I hope, with giving them time to get used to their very big responsibilities – and very new ones for most of them – that we can have honest deals and a good « rapport », eventually.
(Fin à 16 h 49)]
[QLévsq19840905cp]