Conférence de presse du 4 février 1983

Les événements des quinze derniers jours ont clairement démontré de quel côté se logeaient la volonté et la capacité de négocier – et les résultats que ça pouvait donner.

Avec les principaux syndicats qui ne faisaient pas partie du Front Commun, c’est ainsi qu’on est parvenu à négocier et à conclure des ententes.

C’a été le cas d’abord avec les grands syndicats d’infirmières et d’infirmiers. Avec un rare mélange de conscience professionnelle et de réalisme, ils ont accepté cette entente qui bonifiait substantiellement les décrets adoptés à la fin de ’82, en ayant compris que c’était vraiment à la limite de ce qui pouvait être consenti décemment, et que dans les circonstances un arrêt de travail aurait été non seulement cruel pour les malades mais parfaitement improductif aussi.

Au début de cette semaine, c’était au tour du syndicat des fonctionnaires d’accepter un cadre de règlement analogue, et sans doute pour les mêmes raisons. Et nous avons bon espoir d’en arriver au même résultat avec d’autres syndicats qui ne se sont
pas mis en grève et qui continuent à rechercher un terrain d’entente avec les porte-parole du gouvernement.

On avait même réussi, comme chacun le sait, à négocier un accord,avec un des partenaires majeurs du Front Commun, la Fédération des Affaires sociales, qui regroupe la grande majorité des employés de soutien du réseau de la santé. Cela se comprend d’autant mieux que le mandat de grève dans ce secteur n’avait été accordé que par 20% des membres et que, d’autre part, l’entente négociée bonifiait là aussi, sur des points importants, les conditions établies dans les décrets. Je rappelle que déjà, ces conditions, en plus de maintenir la pleine sécurité d’emploi pour les permanents, ainsi qu’un ensemble extraordinairement avantageux d’assurances, de vacances et de congés et de garanties complètes de liberté de manoeuvre syndicale, épargnent aussi complètement à 40,000 personnes, soit le tiers des effectifs, et en bonne partie pour la plupart des autres, la diminution salariale de trois mois que nous sommes obligés d’effectuer.

A tout cela, l’entente négociée ces derniers jours venait ajouter de substantielles améliorations touchant les employés à temps partiel, la priorité à l’ancienneté, le régime de supplantation [« bumping »], la reprise du travail en cas d’invalidité temporaire de même qu’une majoration importante des subventions aux garderies. La encore, nous étions et nous sommes rendus à l’extrême limite des disponibilités . Les dirigeants élus du syndicat l’avaient compris, ainsi que deux de ses trois instances. Mais les groupes radicaux qui, semble t il, contrôlent la troisième de ces structures intermédiaires, ont réussi à bloquer l’entente jusqu’à nouvel ordre.

Là, comme d’ailleurs à la Centrale des enseignants du Québec et dans quelques autres coins, c’est ce genre de radicalisme dévoyé qui ne cesse depuis des années d’empêcher le mouvement syndical de jouer son rale pleinement et vigoureusement, mais aussi correctement dans notre secteur public.
Depuis avril dernier, c’est-à-dire depuis près d’un an, le gouvernement a tout fait pour négocier convenablement avec le Front Commun. Mais à chaque fois que celui ci était tenté d’en venir à une position réaliste, il a été empêché de le faire par cette aile jusqu’au-boutiste qui refuse mordicus d’accepter la réalité de la crise actuelle, comme les contraintes et un certain minimum de solidarité qu’elle nous impose.

C’est cette situation foncièrement anarchique qui nous a finalement forcés à procéder par décret en décembre dernier. Et c’est la même situation anarchique qui, en se reproduisant depuis deux jours, empêche de conclure l’entente qui a été négociée pour ce secteur particulièrement névralgique des établissements de santé.

Je suis sûr que l’ensemble des employés, dont l’immense majorité n’a pas approuvé le premier mandat de grève et qui sont tous et toutes au travail en ce moment, ne sont pas d’accord avec ce qui vient de se passer. Je les prie instamment, non pas au
nom du gouvernement, mais au nom de l’intérêt général le plus évident, de le faire savoir clairement par ce nouveau scrutin qu’on leur impose.

Et pour dissiper toute ambiguité, il me faut ajouter quelques précisions. Les aménagements que nous avons acceptés d’apporter aux divers décrets doivent, pour entrer en vigueur, faire l’objet d’une entente avec la partie syndicale. Le gouvernement n’a pas
l’intention de revenir devant l’Assemblée nationale pour effectuer ces changements par législation: s’il doit y en avoir, ils ne peuvent se faire que par entente. De plus, nous avons toujours dit clairement que cet effort ultime de bonification était conditionnel à ce que les syndicats renoncent à agir dans l’illégalité. Puisque les gens des Affaires sociales auront à se prononcer à nouveau d’ici quelques jours, je dois souligner, pour qu’ils votent en toute connaissance de cause, que s’ils refusent l’entente déjà négociée, alors le gouvernement reprendra à cet égard toute sa liberté de manoeuvre.

Est il besoin d’ajouter que forcément il en ira de même en ce qui touche les cadres de règlement avec les enseignants et les professionnels du gouvernement dont l’essentiel est déjà sur la table, quoique bien sûr on puisse encore les améliorer si l’on
accepte de renoncer à l’illusion de pouvoir « traverser » le gouvernement et lui arracher par l’illégalité des concessions qu’il n’a pas le droit ni les moyens de consentir.

Dans un de ces conflits, celui du Syndicat des professionnels, le gouvernement est l’employeur directement. Jusqu’à ce jour, aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre ceux qui ont refusé illégalement de se présenter au travail. Et les poursuites judiciaires qui ont été intentées n’ont pas suffi à assurer le respect de la loi. Aussi le gouvernement a t il l’intention, si les professionnels devaient décider lundi prochain de poursuivre cette grève illégale, d’utiliser les pouvoirs que lui confère la loi sur la Fonction publique pour suspendre et même, au besoin, congédier ceux et celles qui continueraient de s’absenter de leur travail sans raison valable.

Avec ces deux scrutins, celui des employés des Affaires sociales et celui des professionnels, sans compter les efforts qui se font et qu’il faut mener à terme dans les autres cas, la semaine prochaine sera donc décisive. La constante incertitude et l’angoisse qu’on fait peser depuis des mois sur toute la population – particulièrement dans le secteur de la santé – a déjà bien trop duré, et si ce n’était de la confiance qu’inspire le comportement des syndiqués de la base, on devrait y mettre fin sans plus attendre. Le réseau des écoles et des collèges ne peut plus guère subir le désordre actuel sans que l’année scolaire ne soit bientôt mise en danger. Quant à la paralysie partielle des services gouvernementaux, elle achève d’être tolérable. Et tout ça, ne l’oublions pas, se déroule dans une illégalité intégrale. Il faut donc que ce soit fini la semaine prochaine.

Franchement, si un observateur étranger nous avait regardé d’un oeil détaché au cours des dernières semaines, il aurait eu peine à croire que le Québec traverse présentement la pire crise économique qu’on ait subie depuis cinquante ans. Alors que nous devrions mobiliser toutes nos énergies pour sauver des emplois et tâcher aussi d’en créer le plus possible, particulièrement pour les jeunes, et nous concentrer comme jamais sur l’amélioration de nos perfomances économiques, voilà deux mois et plus que toute notre attention est rivée, braquée sur les 20% de nos travailleurs qui, jusqu’à maintenant, ont été pratiquement les seuls à l’abri des effets de la crise. Au lieu de travailler ensemble dans un effort concerté, à force d’exacerber les conflits nous mettons en péril notre meilleur chance de nous en sortir sans trop de délai ni trop de dégats. Une petite société nationale comme la nôtre, avec une des économies les plus ouvertes au monde, ne peut pas se permettre de perdre autant d’énergies et de temps qui ne reviendra pas dans des luttes absolument stériles. Nous devons nous re-concentrer au plus tôt sur les vrais problèmes et les vraies priorités.

Je suis sûr qu’à de très rares exceptions près, nous en sommes tous conscients, y compris les employés de l’Etat. La fin de semaine qui est de toute façon un moment de répit doit permettre de réfléchir à tout ça et à aborder la semaine qui vient avec une véritable volonté d’en sortir, honorablement, réalistement, c’est-à-dire par des ententes. Le gouvernement va y mettre un effort suprême et tout l’esprit d’ouverture et de conciliation dont il est capable, afin d’en arriver à ce seul résultat vraiment acceptable.

Mais sinon, avant la fin de la semaine prochaine, ce sera au parlement d’imposer la solution. Ce serait encore une fois un constat d’échet, mais qui seraitdevenu inévitable.
Voici les points saillants de l’entente qui !tait intervenue lundi dernier entre le Gouvernement et les dirigeants de la Fédération des affaires sociales.

Bien que rejetées par le Conseil fédéral delta FAS, ces offres demeurent toujours valables, mais ne pourraient plus ëtre considérées comme maintenues en cas de grève illégale.

Ajustement salarial pour les « temps partiel.
Toutes les personnes travaillant à temps partiel qui gagneront, durant la période du ler janvier 1983 au ler avril 1983, moins de 4 141 $ ,soit 318 $ par semaine, en moyenne, et dont le taux horaire de traitement ne dépasse pas 13 $ , recevront un forfaitaire équivalent à la diminution aie salaire encourue de janvier à mars 1983.

Priorité à l’ancienneté.
Dans l’éventualité d’une mise à pied pour cause de fermeture ou de fusion totale ou partielle d’établissement ou de service, la priorité pour le replacement sera accordée en vertu du principe de l’ancienneté. De plus, la personne transférée conserve son ancienneté, son salaire, sa sécurité d’emploi, ses avantages sociaux et ses vacances, et son Ménagement est payé si le replacement s’effectue au delà de 50 km.

[« Bumping »]: statu quo amélioré.
En réponse à une demande syndicale, le retour est prévu a la procédure qui était en vigueur dans l’ancienne convention collective, sauf que les chaînes de [« bumping »] fonctionneront désormais par statut, déplaçant ainsi moins de salariés.

En cas d’invalidité.
En cas d’invalidité temporaire, un salarié pourra désormais reprendre son travail peu à peu, sur une base progressive.

De l’argent pour les garderies.
Le Gouvernement s’engage à majorer de 16% les subventions versées pour chaque place autorisée dans les garderies à but non lucratif dont le conseil d’administration est composé majoritairement de parents et ce, au plus tard le premier avril 1983.

[QLévsq19830214cp]

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