[M. Lévesque (René):] Mesdames et messieurs, on s’était rencontré brièvement, hier, à la fin de l’après-midi. On dit parfois que la nuit porte conseil, mais je dois vous affirmer tout de suite que je n’emploie pas l’expression dans le sens usuel qui signifie, en général, qu’on a changé d’idée.
Depuis hier, on a entendu des réactions, certaines venant même d’Extrême-Orient. On a pu approfondir, de notre côté, la teneur du jugement de la Cour suprême et, à partir de là. je voudrais vous donner ce qui nous paraît être la seule position convenable pour le gouvernement du Québec, qui je crois, d’ailleurs, rejoint, sauf erreur, celle des autres provinces résistantes, si vous voulez.
Pour me prêter main-forte, il y a quatre de mes collègues qui sont parmi les mieux préparés à me donner un coup de main face à vos questions. Il y a M. Claude Marin qui, en plus d’avoir accompagné toute la ronde constitutionnelle depuis des années, était hier à Ottawa, avec ses collègues des autres provinces, au moment où le jugement est sorti. Ils ont pu prendre les premières réactions d’un peu partout au Canada. Il y a MM. Bédard et Charron qui, comme vous le savez, faisaient partie, avec M. Morin, du trio des ministres qui, l’an dernier, ont passé tout l’été et, avec nous, une partie de l’automne ensuite, à cette espèce de cheminement stérile de la dernière négociation constitutionnelle. Inutile de souligner que M. Jacques-Yvan Morin, qui est constitutionnaliste de carrière, si on peut dire, était également l’envoyé du gouvernement du Québec, récemment, à Londres.
Cela dit, pour revenir sur l’essentiel, l’opinion émise hier par la Cour suprême, lorsque les huit provinces, que vous savez, se sont adressées aux tribunaux, d’abord dans trois provinces et ensuite, finalement, à la Cour suprême, elles ont voulu faire établir trois choses bien distinctes. La première, c’est que la démarche unilatérale des libéraux d’Ottawa portait atteinte aux droits et aux pouvoirs de l’Assemblée nationale et des autres Parlements provinciaux.
On se souviendra, d’ailleurs, que, jusqu’à ce qu’il soit poussé au pied du mur, devant la
son projet portait atteinte, pouvait réduire les pouvoirs des Parlements provinciaux et de l’Assemblée nationale du Québec. Or, sur ce point capital, la Cour suprême, à l’unanimité, neuf juges sur neuf, a donné raison aux provinces et a affirmé que le projet de M. Trudeau diminuait les droits du Québec et des autres provinces. Cela démontre, s’il en était besoin, que le gouvernement du Québec était justifié de s’opposer au projet fédéral et
Le deuxième point que nous voulions faire établir, c’était que la démarche unilatérale du gouvernement fédéral était contraire aux conventions constitutionnelles qui régissent la façon dont la constitution peut être amendée. En somme, que le projet fédéral était bel et bien de la nature d’un coup de force. Sur ce deuxième point également, la cour nous a donné raison; à une majorité de six contre trois, la cour a conclu [« que le consentement des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire à l’adoption du projet de résolution que constitue le projet fédéral »].
Et, en troisième lieu, nous souhaitions que les tribunaux, ayant reconnu l’existence d’une convention constitutionnelle, lui donnent un effet juridique en déclarant, si possible, l’illégalité stricte du projet fédéral. Sur ce troisième point, à sept contre deux, la cour a décidé que la nature même d’une convention constitutionnelle – c’est-à-dire une règle dont l’application ne relève pas des tribunaux – l’empêchait d’aller aussi loin que nous le demandions et l’empêchait donc, d’intervenir directement dans la procédure parlementaire.
Ce que la cour a décidé, c’est que, même si le projet fédéral est nettement anticonstitutionnel ou inconstitutionnel, les tribunaux n’ont pas le pouvoir d’y mettre fin directement. C’est aux hommes politiques qu’il revient d’obéir eux mêmes aux règles conventionnelles de le constitution, une fois que celles ci ont été établies clairement, comme cela a été le cas hier, par les tribunaux.
En somme, la Cour suprême a dit aux autorités fédérales: Votre projet affecte les droits des provinces et vous ne pouvez pas procéder constitutionnellement sans leur consentement. Cependant – ajoute le tribunal – la loi ne nous permet pas, en tant que juges, d’intervenir directement dans vos travaux. C’est donc à vous qu’il revient de respecter de vous mêmes règles constitutionnelles que nous avons clairement définies.
Maintenant, si vous voulez, on peut revenir rapidement, mais un peu plus en détail, chacun de ces trois points.
D’abord, les tribunaux ont décidé que le projet fédéral affectait les droits des provinces.
Je tiens ici à souligner qu’il ne s’agit pas d’une atteinte mineure dont
nous n’aurions guère à souffrir. Au contraire, la Cour suprême a reconnu qu’il s’agissait d’une diminution de pouvoirs qui dépasse en importance tout ce qui s’est vu jusqu’à maintenant. Je cite, à la page 33 du jugement: [« Si le projet de charte des droits devenait loi, chacun des chefs de compétence législative provinciale, et fédérale aussi, pourrait être touché, chacun des chefs de compétence. En outre, la charte des droits aurait un effet rétrospectivement en même temps que prospectivement de sorte que les lois édictées par une province à l’avenir de même que celles édictées dans le passé, même avant la Confédération, seraient susceptibles d’être attaquées en cas d’incompatibilité avec les dispositions de la charte. Cette charte diminuerait donc l’autorité législative provinciale à une échelle dépassant l’effet des modifications constitutionnelles
antérieures pour lesquelles pourtant le consentement des provinces avait été demandé et obtenu. »]
De notre côté, nous avons d’ailleurs fait analyser par des juristes réputés les conséquences
possibles du projet fédéral sur l’ensemble de nos lois et nous avons d’ailleurs déposé ce rapport à l’Assemblée nationale. Il en ressort qu’une grande partie de notre législation actuelle pourrait être remise en question. On en trouvera d’ailleurs un résumé dans la petite brochure qu’on a intitulée « Minute Ottawa » et dont les médias d’information ont parlé. On verra, en lisant cela, ce qui souligne, si vous voulez, la pertinence de l’opinion de la Cour suprême à ce sujet, que ce n’est pas seulement en ce qui concerne la langue d’enseignement dans les écoles que les pouvoirs de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire les pouvoirs de la collectivité québécoise, seraient diminués, ce qui, en soi, est d’une gravité exceptionnelle, mais aussi une large part de sa marge de manoeuvre en matière économique, notamment en ce qui concerne notre politique d’achat, l’aide à nos entreprises et la préférence accordée à nos travailleurs.
J’ouvrirai une parenthèse ici pour dire ceci. C’est que tout le monde est conscient en ce moment que la situation économique doit être la priorité des priorités. Toute la population, au Québec comme dans tout le Canada, souffre de plus en plus
de taux d’intérêt absolument invraisemblables, scandaleux, avec tous les dangers de faillite en particulier que cela peut amener, que cela amène déjà. Toute la population souffre également de l’érosion constante de l’inflation, d’une espèce d’incohérence absolument totale jusqu’à présent de l’usage par le fédéral en particulier des grands leviers économiques. Il est donc nécessaire d’agir vite et d’employer en concertation tous les outils disponibles pour essayer de redresser la situation. Mais si, de cette tenaille constitutionnelle, sous le camouflage d’une soi-disant charte des droits, on nous
enlève en même temps des outils de développement absolument essentiels comme ceux que je viens de mentionner, à ce moment là, on tombe dans l’absurdité totale.
Cela illustre cette espèce de constant gaspillage d’énergie qu’on nous impose depuis combien d’années, d’être obligés constamment de résister à des assauts qui peuvent réduire dangereusement la marge de manoeuvre déjà trop limitée dont disposent le Québec et son administration publique, en même temps, qu’au contraire, on devrait passer le plus vite possible, mais sans déchirer les pouvoirs essentiels des provinces, à la situation économique d’ensemble à laquelle il faut s’adresser.
De toute façon, jamais nous n’accepterons un tel dépouillement de nos droits les plus précieux et je suis convaincu qu’aucun homme politique québécois digne de ce nom ne pourrait jamais l’accepter. C’est un devoir national de faire en sorte que jamais ce projet funeste ne se réalise, d’autant plus, et je reviens au deuxième point, que ce projet est illégitime et contraire à l’esprit et au principe même du fédéralisme qui est censé nous régir puisqu’il va à l’encontre d’une convention constitutionnelle bien établie.
Je sais que ces mots « convention constitutionnelle » sont nouveaux dans notre vocabulaire et c’est d’ailleurs parceque c’est nouveau que ça prend un petit peu de temps pour s’y habituer, pour voir à quel point c’est fondamental dans la structure d’institution où nous vivons, jusqu’à nouvel ordre, c’est justement parceque c’est nouveau, parceque ça surprend un peu à première vue, que nos amis du fédéral jouent là-dessus en essayant d’escamoter cette dimension absolument essentielle à propos des conventions constitutionnelles et de l’illégitimité de la manoeuvre fédérale. Il est intéressant de noter qu’avant d’en arriver à ces conclusions à ce sujet, la Cour suprême a fait une revue complète de notre histoire constitutionnelle et qu’elle a démontré que jamais, dans le passé, un gouvernement fédéral n’a tenté d’agir comme veut le faire aujourd’hui le gouvernement de M. Trudeau.
Toujours on a respecté, dans ces matières justement, les conventions constitutionnelles. Il n’y a pas de précédent qui pourrait justifier le gouvernement fédéral dans sa tentative. Au contraire, tous les précédents vont dans le sens inverse.
Pourquoi en est il ainsi? Quelle est, d’après la Cour suprême, la raison d’être de cette convention constitutionnelle? Ce n’est rien de moins que la nature même du fédéralisme ou ce qu’on peut appeler le principe fédéral. Autrement dit, cette convention touche ce qu’il y a de plus fondamental dans la constitution actuelle.
Écoutons brièvement ce que dit la Cour suprême à cet égard: [« La raison d’être de la règle est le principe fédéral. Le Canada est une union fédérale et le principe fédéral est irréconciliable avec un état des affaires où l’action unilatérale des autorités fédérales peut entraîner la modification des pouvoirs législatifs provinciaux. Il irait vraiment à l’encontre du principe fédéral qu’un changement radical de la constitution soit décidé à la demande d’une simple majorité des membres de la Chambre des communes et du Sénat canadien ». Page 43 du jugement.]
Devant une conclusion aussi péremptoire, est il vraiment nécessaire que les tribunaux aillent plus loin en s’ingérant directement dans le processus législatif? Est ce que, plutôt, les hommes politiques n’auraient pas le devoir d’obéir eux mêmes aux règles constitutionnelles sans y être forcés par les tribunaux?
Or, quelle est, dès la première journée, c’est-à-dire dès la journée de ce jugement, hier, l’attitude affichée par MM. Trudeau et Jean Chrétien? Sont ils apparus comme disposés à respecter non seulement l’esprit et le fond du jugement de la Cour suprême, mais la nature et le principe même du fédéralisme? Reconnaissent ils que les provinces ont des droits et qu’on ne peut pas y toucher sans leur consentement? Non. Ils passent sous silence, l’un et l’autre, cette partie essentielle de la décision pour profiter de ce que la Cour suprême se sente obligée, par la tradition judiciaire, de ne pas intervenir directement pour les empêcher d’agir de façon inconstitutionnelle. Ils se servent de la forme pour envoyer promener le fond. Et cela est bien la manière à laquelle ces gens nous ont habitués et qui est, depuis un bon bout de temps, au besoin, quand ça fait l’affaire, de maquiller les choses sans vergogne et, quand ça ne fait pas l’affaire, d’écarter, comme ça, l’aspect de la réalité qui ne joue pas dans leur sens.
Il est bien clair, d’après ce qu’on a entendu hier, que M. Trudeau ne veut rien changer à son attitude arrogante et méprisante aussi à l’endroit des gouvernements provinciaux et à l’endroit d’une majorité telle qu’on la voit dans à peu près toutes les consultations populaires de la population canadienne au Québec comme ailleurs. Pour lui, les provinces sont des entités négligeables. Il se croit encore en 1978, entrouvrant la porte à des discussions possibles pourvu qu’elles se fassent vite, qu’on ne lui fasse pas perdre de temps, que les provinces ne fassent aucune demande et qu’elles acceptent fondamentalement le point de vue fédéral. Pour nous, du Québec – et je le dis très clairement – il n’est pas question de participer encore une fois à des négociations pour la frime comme celles que nous avons connues l’an dernier. Là-dessus, on a seulement à se rappeler ce qui s’appelle, et qui est devenu célèbre, la littérature noire constitutionnelle, le rapport Kirby. On se souviendra que ce rapport secret avait été éventé au mois de septembre 1980 et qu’on y trouvait le scénario d’un échec soigneusement planifié davance par les grands esprits d’Ottawa. On n’a pas envie de recommencer ce genre de jeu là.
Pour que des discussions puissent avoir un sens et une chance raisonnable de réussir, il faudra d’abord que M. Trudeau renonce clairement à agir de façon unilatérale et qu’il soit prêt à modifier certains éléments clés et inacceptables de son projet, notamment, en ce qui concerne la soi-disant charte des droits. En d’autres termes, qu’il accepte de respecter la convention constitutionnelle que la Cour suprême vient de consacrer de façon éclatante, à savoir que pour être constitutionnelle, une demande d’amendement à Londres doit recueillir l’assentiment des provinces. C’est à cette condition et à cette condition seulement que des négociations peuvent encore être valables. Autrement, ce serait encore un vain exercice pour la galerie et soumis au bon plaisir du prince. Si M. Trudeau devait
s’entêter à vouloir poursuivre sa démarche constitutionnelle, c’est-à-dire inconstitutionnelle, nous n’aurions malheureusement qu’une seule voie, celle de la résistance et de la lutte à finir, celle aussi de la solidarité de tous les citoyens et citoyennes du Québec. Le point de départ de cette lutte ne peut être que l’Assemblée nationale, ici, au Québec, dont les pouvoirs sont menacés sérieusement par le projet fédéral.
L’Assemblée nationale, il ne faut jamais l’oublier, avec ses défauts comme ses qualités, c’est la seule institution politique que contrôle véritablement la collectivité québécoise, la seule qui n’a de compte à rendre qu’au peuple du Québec, la seule qui a pour rôle exclusif de défendre les droits, les aspirations et les intérêts de cette même population. C’est là que se trouvent représentées les grandes tendances’ politiques qui s’expriment au Québec. C’est là que se font tous les grands débats ou, en tout cas, c’est là qu’aboutissent sûrement tous les grands débats qui agitent notre société. Il est donc nécessaire que ce soit le premier lieu et première occasion de cette solidarité nationale que requiert la crise actuelle.
Sur l’essentiel, il m’apparaît aujourd’hui plus que jamais que les deux grandes formations politiques du Québec qui représentent la quasi totalité de la population sont sur la même longueur d’onde et qu’il serait inconcevable, voire impardonnable, que nous ne puissions pas nous entendre sur une position commune, une position de départ commune, face à la menace sans précédent qui pèse sur les droits du Québec.
Quant à nous, nous sommes résolus à faire le maximum pour que se réalise cette unité de la nation en commençant par l’unité parlementaire, parceque nous plaçons l’intérêt québécois, au sens le plus noble du terme, au-dessus de toute autre considération.
Nous avons donc l’intention de présenter une motion à l’Assemblée nationale dès demain en après-midi, après avoir préalablement consulté nos collègues de l’Opposition sur le texte même de cette motion. Cela constituera la première étape d’un processus qui doit mener à l’échec d’une manoeuvre que nos concitoyens et les générations qui vont nous suivre ne nous pardonnerait jamais d’avoir laissée passer. Mais, dans la lutte sans merci que nous sommes déterminés à mener contre le coup de force aussi longtemps qu’il sera dans le paysage, il faut que se confirme et que s’exprime de la façon la plus nette possible la volonté de l’ensemble des Québécois de résister par tous les moyens légitimes. Le plus haut tribunal canadien vient de nous donner raison sur le fond, sur tout ce que nous défendons âprement depuis plus d’un an maintenant. Ce jugement nous autorise clairement à poursuivre la lutte, en fait il nous dicte clairement de poursuivre la lutte avec toute l’énergie dont nous sommes capables comme peuple dans les grandes occasions.
Alors, maintenant, si vous avez des questions, mes collègues et votre serviteur sommes à vos ordres.
[Une voix: Alors, mesdames, messieurs, en raison principalement de la disposition des lieux microphones qui sont situés de chaque côté de la salle. M. Girard est déjà inscrit pour une première question et nous passerons ensuite alternativement à l’une et l’autre des deux rangées de journalistes.
M. Girard: M. Lévesque, nonobstant ce que vous venez de dire concernant votre position face à l’ouverture manifestée par M. Trudeau hier soir et par le président de la conférence interprovinciale des premiers ministres, M. Bennett, quant à la reprise de négociations
La et pour satisfaire les demandes des médias électroniques, je vous prierais d’utiliser
les deux fédérales-provinciales avant que le projet constitutionnel ne se rende à Londres, est ce que vous avez l’intention de participer à de telles négociations si un concensus dans ce sens s’établit au niveau de vos collègues provinciaux? Première question.
Deuxième question: Etant donné les prises de position répétées du Parti québécois dont vous êtes aussi le chef concernant la recherche du but ultime qui est la souveraineté politique du Québec, pendant combien de temps, à l’intérieur de ces négociations ou négociations éventuelles, pensez vous pouvoir conserver les deux chapeaux, celui du fédéralisme renouvelé et celui de la recherche de la souveraineté?]
[M. Lévesque:] Pour ce qui est de « l’ouverture » qu’aurait manifestée M. Trudeau à Séoul en Corée, ce qu’on a appelé, je pense, dans certains commentaires que j’ai entendus en anglais hier soir, les rameaux d’olivier, [« the olive branch »], j’ai l’impression que ce rameau d’olivier s’est desséché très vite quand M. Trudeau a commencé à répondre aux questions des jounalistes. Son ton, je l’ai dit, est devenu alors extrêmement méprisant; le même ton qu’on a dû subir depuis longtemps à l’égard des positions provinciales. I1 y a même un commentateur à Séoul qui a dit après que le ton de M. Trudeau dans ses questions et réponses était vitriolique, et on sait ce que c’est que du vitriol.
Quoi qu’il en soit, si cette « ouverture » n’est pas encore une fois un attrape-nigaud, je répète ce que j’ai déjà dit: Le Québec avec les autres provinces, et pour le Québec cela a été plus méritoire, je crois, que pour les autres, a déjà été très loin dans la voie du compromis. De 1976 à 1980 et jusqu’à cette ronde infernale de l’été 1980, la priorité absolue d’un renouvellement constitutionnel, du point de vue des provinces – Dieu sait que c’était justifié depuis des générations – était un nouveau partage des pouvoirs. À cause de l’urgence de la situation, de la menace que fait peser le coup de force fédéral, il y a eu un compromis là-dessus, un tel compromis que désormais on s’en tiendrait au rapatriement avec une formule d’amendement, pourvu qu’elle soit acceptable, qu’elle soit acceptée par consensus; c’est ce qui a été l’accord des huit provinces en avril dernier, si j’ai bonne mémoire, peu de temps après les élections. Cela a été répété mot à mot hier – je l’ai entendu à la télévision – par M. Blakeney, entre autres, qui, je crois, est reconnu comme un des hommes qui ont travaillé le plus fort à cette longue série de cheminements constitutionnels qui, jusqu’ici, ont mené au cul-de-sac, M. Blakeney qui rappelait exactement ça: le rapatriement, une formule d’amendement qui ferait un consensus suffisant et il a conclu en disant: [« The rest here »], tout le reste c’est ici, c’est-à-dire que c’est au Canada et non pas dans un Parlement étranger que ça devrait se régler.
Je répète simplement ce que j’ai dit il y a quelques instants, dans le texte que je vous ai débité, c’est qu’à certaines conditions, il y ait de la flexibilité et qu’il y ait des compromis aussi, et des compromis sur des choses essentielles de la part du fédéral. La soi-disant branche d’olivier ou le soi-disant rameau d’olivier, ça vaudra peut-être la peine de voir de quoi ça retourne.
La deuxième question; de la même façon qu’il est très légitime pour des gens de défendre le fédéralisme comme système – Dieu sait, pas nécessairement dans les conditions actuelles, tel qu’on essaye de nous fricoter le régime – de la même façon il est légitime, pour des gens qui ont des convictions profondes de ce côté, de soutenir et de propager de leur mieux l’idée que l’avenir du Québec, et probablement aussi l’avenir le plus favorable ou le plus avantageux pour le reste du pays, serait la souveraineté du Québec et une nouvelle forme d’association entre nous. Ce que je dis là n’est pas nouveau.
Ce qui est également vrai, c’est que, n’ayant pas caché nos convictions, au moment des dernières élections, ayant pris des engagements qui nous interdisent d’aller jusqu’à proposer un devoir – cela a toujours été dans nos attitudes et je crois que nous n’avons pas péché de ce côté – de vivre et de travailler comme gouvernement à vivre dans le fédéralisme le plus vivable possible. En tout cas, d’empêcher que le fédéralisme devienne littéralement invivable au niveau des droits et des intérêts fondamentaux de nos concitoyens.
Il me semble qu’on nous a acceptés, sans que nous ayons caché nos couleurs, à partir de ces engagements, et nous allons les tenir, ces engagements là; c’est tout ce que je peux dire.
[Une voix: M. Lévesque, vous avez déclaré tantôt que la convocation spéciale
l’Assemblée nationale pour étudier une motion, dès demain après-midi, constituait le premier geste de la lutte que le Québec va livrer contre le projet fédéral.
J’aimerais savoir de quelle façon cela s’inscrit dans la stratégie du front commun des provinces; est ce que c’est collectif aux provinces?]
[M. Lévesque (René):] Non, pas nécessairement. Comme vous le savez, je dois rencontrer M. Bennett, qui fait un tour rapide du Canada pour parler à la fois, d’abord, de toute urgence, de ce qu’on doit faire, les uns et les autres, du côté constitutionnel, le cas échéant, et aussi, bien sûr, de la grande priorité, de l’urgence absolue dans le domaine économique, dont nous sommes tous conscients. Sa première étape est cet après-midi, à 17 heures, ici à Québec, alors je vais lui en parler. Mais je voudrais souligner une chose, c’est qu’il a toujours été entendu entre les provinces résistantes que, selon les circonstances, chacune gardait sa liberté d’action en ce qui concerne certains gestes à poser. Par exemple, il serait inconcevable qu’il y ait, d’urgence, une session de l’Assemblée législative en Nouvelle-Écosse, Puisqu’il y aura des hlections dans à peu près une semaine. Alors, selon les circonstances, les uns et les autres ont le droit d’agir de la façon qui leur paraît la plus convenable. Je vais parler avec M. Bennett, pour qu’on voie, à partir de là, nous faisant ça, dès le départ, ce que les autres lui ont communiqué depuis hier et où ça nous mène, probablement qu’il faudra… De toute façon, il y a – M. Morin pourrait me confirmer – je crois, une rencontre prévue des ministres des Affaires intergouvernementales des responsables du dossier constitutionnel.
[M. Morin (Claude): Vendredi soir et samedi de cette semaine. M. Lévesque: Vendredi et samedi de cette semaine. À Ottawa? M. Morin (Claude): À Montréal.]
[M. Lévesque:] À Montréal. Alors, on verra à ce moment là.
[Une voix: D’accord. Comme les munitions du front commun des provinces ne sont pas nécessairement connues de tout le monde, j’aimerais savoir, dans votre cas précis, le gouvernement du Québec, ce que vous avez mis au point comme autres moyens d’intervention pour poursuivre votre lutte. Hier, vous avez dit que, finalement, le Conseil des ministres envisageait tout ce qui litait Possible légitimement. Vous annoncez, ce matin, la convocation spéciale de l’Assemblée nationale. Quels sont les autres jalons de cette lutte?]
[M. Lévesque:] Est ce que vous permettriez que les choses se déroulent dans l’ordre? Je pense que c’est normal et qu’à mesure qu’on mettra au point et que les circonstances dicteront qu’il est nécessaire d’aller plus loin, de faire davantage, on le fera. Mais, pour l’instant, je ne voudrais pas que vous sous-estimiez ce que représente comme solennité dans une démocratie parlementaire la convocation du Parlement. En même ternps, je dois dire qu’on a mis au point et qu’on va essayer d’alimenter maintenant à compter de ces jours prochains une campagne de publicité. Hélas, il faut bien. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, ceux qui vivent à Montréal ou, je crois, dans n’importe quel coin du Québec, il y a une espèce d’inondation depuis le début de 1981, je pense, ils ont dépensé entre 13000000 $ et 15000000 $ , sans compter ce qui s’en vient, pour essayer littéralement de noyer la population dans la propagande. Alors, de façon très modeste – je l’ai dit récemment – qui pourrait atteindre, mais ne pas dépasser 1000000 $ dans la perspective actuelle, il faut tout de même qu’on soit présent. Alors, cela est en marche et on va essayer de l’alimenter le mieux possible, forcement, à compter des résultats, entre autres, de la session spéciale de l’Assemblée nationale les jours prochains. Pour ce qui est de la suite, nous verrons.
[Une voix: Merci.
Une voix: M. Lévesque, cette décision que vous avez prise hier de ne Pas participer comme gouvernement à une nouvelle conférence fédérale-provinciale, à moins que M. Trudeau ne modifie commun è toutes les autres provinces’ Est ce que vous en avez parlé à vos autres collèques hier?]
[M. Lévesque:] Je dois m’excuser. Hier, j’ai fait un lapsus. On était six, si j’ai bonne mémoire, au téleohone parceque M. Buchanan, en Nouvelle-Écosse, n’a pas pu se rendre à la conférence téléphonique et c’est sa dernière semaine en campagne électorale; M. Louqheed était en Allemagne – on n’a pas, je crois, rejoint M. Louqheed, à moins que M. Bennett l’ait fait et qu’il m’en parle cet après-midi. Donc, les six étaient parfaitement d’accord pour continuer la résistance, mais à ce moment là il n’était pas question, d’aucune façon, de quelque que ce soit vers une nouvelle conférence fédérale-provinciale, pour la bonne et simple raison qu’il y a eu une espèce de – comme on dit en langage de boxe – [« one, two »], deux coups de poings bien séparés l’un de l’autre et, à ce moment là, il y avait seulement M. Chrétien, dans son style habituel, qui venait de foncer la tête la première dans le « ring », et cela ne laissait pas grande perspective de conférence quelle qu’elle soit. Vous vous souviendrez qu’hier, j’ai dit à supposer que M. Chrétien reflète ce que dira son chef sous son climat oriental, il est évident qu’il n’est pas question de quoi que ce soit.
Maintenant, M. Trudeau, lui, a pris plutôt – justement, c’est peut-être le climat oriental sous lequel il se trouvait – une attitude plus nuancée, enfin, dans le genre un peu de laisser s’enferrer les adversaires, je suppose, et il a parlé d’ouverture possible à de nouveaux pourparlers. À partir de là, on sait le style avec lequel il a traité ensuite, dans les réponses aux questions des journalistes, les provinces avec le plus profond mépris dans le sens presque d’un type qui dit: Bien, pourvu qu’on ne me fasse pas perdre de temps… écoutez, je vais vous citer quelque chose: [Qu’on me laisse faire ce qui est légal] – disait M. Trudeau en simplifiant les choses à la façon habituelle de son gouvernement – et je serai souple après.
Écoutez! Si c’est cela l’ouverture ou le rameau d’olivier, cela mène à quoi » Rire du monde.
[Une voix: Oui, je comprends. Mais cette décision là, elle a été prise sans que vos collègues dissidents des autres provinces soient consultés.]
[M. Lévesque (René):] Non, c’est arrive après et on va voir maintenant la réaction, mais je vous répète ce que disait M. Blakeney – qui passait hier soir, peut-être après que M. Trudeau soit passé – pour la Saskatchewan – et ça vous explique un peu ce qu’on appelle l’ouverture véritable – : [« Rapatriement, formule d’amendements sur laquelle on s’entendrait, d’accord. Le reste … »]
[Une voix: Est ce que vous avez l’intention de convaincre les autres premiers ministres]
[M. Lévesque (René):] Écoutez, on va faire tout ce qu’on peut. On va se convaincre entre nous le mieux possible.
[Le modérateur: La répartition du temps nous permet encore quatre questions en français. Nous passerons ensuite aux questions des représentants des médias anglophones pour une période d’environ 20 minutes.
Une voix: J’ai deux questions, M. Lévesque. La première est très courte. Je voudrais savoir si vous envisagez à court terme la tenue d’un référendum’ pour vous opposer au projet fédéral.]
[ M. Lévesque (René):] La réponse est non. Pas dans le sens que c’est impossible
le sens de votre question, à savoir si nous envisageons cela à court terme, non, ça n’a pas été envisagé jusqu’à présent, ce qui n’exclut pas que ca puisse être envisagé éventuellement.
[Une voix: Ma deuxième question est celle ci: Vous avez dit tout à l’heure, dans votre déclaration: » Jamais nous n’accepterons un tel dépouillement de nos droits les plus chers. » Ce que je veux savoir, c’est qu’est ce que cette phrase veut dire exactement dans l’hypothèse où, premièrement, la résolution fédérale irait au Parlement britannique et où celui ci l’accepterait telle que rédigée à l’heure actuelle.]
[M. Lévesque (René):] Vous savez, à l’intérieur des règles démocratiques qu’il faut toujours suivre, il y a une foule de façons pour d’aller très loin dans la résistance à des
un peuple, à condition qu’il ait le solidarité requise, choses inacceotables et inqualifiables comme celles là.
Ce n’est pas le moment de faire des scénarios pour dramatiser les choses, pour faire des
manchettes, si vous voulez. Laissons quand même les choses se dérouler. Le Parlement fédéral ne revient que le l4 octobre. Je ne sais pas à quel moment M. Trudeau lui même sera rapatrié des antipodes. Tout ça implique que les choses vont continuer à se décanter.
Je ne sais pas si vous avez remarqué à quel point, par exemple, – j’écoutais les médias d’information instantanés hier – les refrains faciles et les espèces d’évidences apparentes ont changé en dedans de 24 heures. C’est encore plus dramatiquement vrai quand on regarde à l’échelle du pays. Comme tout le monde, j’ai pu entendre hier soir des gens qui, à Londres, se posaient de terribles questions, extrêmement douloureuses, sur les conséquences de ce jugement de la Cour suprême. Il ne faut pas oublier que c’est un curieux cas, mais on s’en irait vers un Parlement étranger qui n’a pas, lui, de droit constitutionnel écrit. Il n’y a pas de constitution écrite en Angleterre. Tout repose sur [« Common law »] et conventions justement. Si ce n’est pas respecté, à toutes fins utiles, vous venez de détruire l’institution parlementaire là-bas.
Le genre de précédent que le gouvernement Trudeau voudrait poser, avec le caveat extrêmement sévère que lui envoie par la tête la Cour suprême, je n’ai pas besoin de vous dire que cela crée, le moins qu’on puisse dire, dans les esprits réfléchis, déjà des réactions là-bas.
Attendons, on n’est pas rendu à faire des manchettes par anticipation sur d’autres étapes.
[Une voix: Sans faire de manchettes, M. Lévesque, est ce qu’on peut comprendre de votre déclaration que, tant que vous dirigerez le gouvernement, il n’est pas question que dans saa formulation actuelle le projet fédéral s’applique sur le territoire québécois?]
[M. Lévesque (René):] Il ne sera jamais accepté.
[Une voix: M. Lévesque, Rill Rennett, hier soir, après l’allocution de M. Trudeau, a souligné lui même une certaine ouverture d’esprit du premier ministre fédéral, en soulignant que…]
[ M. Lévesque (René):] Qui a souligné ça?
[
Une voix: Bill Rennett…]
[M. Lévesque (René):] Oui.
[Une voix: en soulignant cependant qu’il faut distinguer trois choses: le rapatriement, la formule d’amendements et la charte. Sur le rapatriement et la formule d’amendements, il y a déjà une espèce de consensus des provinces que cela ne oose pas de problème. Ce qui fait problème, c’est la charte. Dans l’entourage de M. Rennett on laissait entendre ce matin que M. Bennett pourrait essayer de convaincre ses homologues provinciaux de faire certaines concessions à M. Trudeau là-dessus, des concessions mineures, de façon à favoriser la tenue aussi hâtive que possible d’une conférence fédérale-provinciale. Or, vous avez dit hier qu’il n’est pas question que le Québec v participe.]
[M. Lévesque René:] Vous avez tout déballé? C’est parceque vous avez l’air plus au courant que moi de ce qui se passe dans l’entourrage de M. Bennett. Je vais être mis au courant et je vais essayer de me mettre au courant complètement avec lui, personnellement, en fin d’après-midi; je ne peux pas faire de commentaires additionnels en attendant.
[Une voix: Malgré votre déclaration d’hier, est ce que vous croyez possible, malgré tout, une nouvelle rencontre fédérale-provinciale?]
[M. Lévesque:] Oui, aux conditions que j’ai exposées tout à l’heure.
[Une voix: M. Lévesque, est ce que vous vous êtes entendus sur le texte de la résolution qui sera présentée demain? Est ce que vous avez déjà consulté les libéraux?]
[Lévesque :] C’est un minimum de courtoisie, je crois – que l’Assemblée nationale était convoquée pour demain, 15 heures, qu’il y aurait lieu de débattre ou de peut-être s’entendre, je l’espère, sur une motion que nous présenterions et que je lui transmettrai, à lui et au leader de l’Opposition, M. Gérard-D. Lévesque, en compagnie de M. Charron à la fin de l’après-midi. Entre-temps, je vais quand même aller voir comment elle est reçue par le caucus qui est convoqué pour le début de l’après-midi et, ensuite, on retournera au Conseil des ministres pour voir comment compléter cette motion avant de la soumettre à nos collègues de l’Opposition, en fin d’après-midi.
[Une voix: Pouvez vous nous donner une idée de ce qu’elle contient?]
[M. Lévesque:] Oui, je commence à en avoir une bonne idée, mais j’aimerais que les gens qui en sont responsables – et cela comprend l’Opposition – soient les premiers mis au courant.
[M. L’Heureux (Daniel): La Cour suprême, hier, nous a donné une leçon de distinction entre les notions de légalité et de légitimité. Lorsque vous invitez les Québécois à la résistance par tous les moyens légitimes, est ce qu’il faut comprendre également par des moyens légaux? La résistance que le Québec veut mener, est ce qu’elle suivra des voies non seulement légitimes, mais aussi légales?]
[M. Lévesque:] Non. J’ai téléphoné à M. Ryan ce matin pour lui dire, officiellement. Je ne vois pas très bien comment on pourrait anticiper que des choses illégales puissent être légitimes. Cela peut arriver dans un contexte qui, vraiment, serait dramatique. Cela arrive dans certains cas, dans les sociétés qui sont acculées au pied du mur, qu’on doive aller jusque là, mais je ne vois pas, dans un avenir prévisible, de raison d’aller à des extrêmes comme ceux là. Il y a tellement de facons légitimes et légales de poursuivre le combat!
[M. L’Heureux: Donc, vous ne songez pas à une résistance qui tomberait dans l’ill4galité?]
[ M. Lévesque:] En tout cas, cela ne nous a pas, jusqu’à présent, traversé l’esprit.
[ M. L’Heureux: Merci.]
[M. Inwood: Mr. Levesque, following the Prime Minister’s news conference from Seoul
Bennett, as chairman of the provincial premiers this year, is coming to see you later today and I ask you: If he proposes that you should all get together at a First Ministers’ Conference with Mr. Trudeau, and if he says to you: Well, come on, what have we got to lose° You have made up your mind, you are going to tell him there is no way that the Premier of Quebec will be at that conference unless Mr Trudeau first renounces or gives up his idea of unilaterally patriatinq the constitution.
M. Lévesque: Yes, I think basically you have it right that he so-called branch which was mentioned throughout yesterday evening vies already rather sterelized by Mr. Trudeau’s attitude answering questions in Seoul, not his declaration which hnd a rather oriental stance of so-called flexibility to it, but the answers to the questions which were qualified, I think, by one observer who was there, in Seoul, as vitriolic – that is a very though word, vitriolic – as soon as it concerned provincial attitudes.
Now, Mr. Bennett – and I think I agree with him on that score – keeps hope – you know, hope comes back all the time – that there can he something else than a fight to the finish on this constitutional « coup d’état » of Mr. Trudeau’s, so he is holding out a hand to that so-called olive branch, but that cannot he unconditional. You know, the provinces, for four years that I remember because I lived through them, from 1976 to 1980 inclusive, had a very definite condition to any kind of constitutional « renewal » – quote, unquote – and that was a new sharing of powers, a new aooortionment of powers in order to accompany the evolution of Canada and its regional necessities and the problems of development. All of that, as you know, was literally sweot away in the last round, last year, by Mr. Trudeau savinq: No deal, no deal, no deal, no deal, ok.
Then, he came uo with this « coup de force » as we say in French, or this ploy of his, this constitutional oroject and, facing that kind of imminent danger, not only have the provinces given up for the time being on the immediate necessity of a new power division, but they have
also accepted recently, in April of this year, what we called an accord between eight provinces,
yesterday, Premier Bennett did indicate that he saw the possibility of an ooeninq, an
branch, if you will. You have made it clear that you do not. agree with that
olive
assessment, but Mr.
saying: patriation and an amending formula on which a consensus can he based. That was repeated pratically verbatim by Premier Rlakeney last night.
Under conditions where something like that, and nothing else of any importance, should shake up the system like most of the charter of rights would do, on the condition that something like that is accepted as a compromise on the federal side – we haven’t seen any
flexibility since the beginning – there is no reason why there should not be a – together. Rut without that condition it will be another pure exercice in sham.
M. Inwood: Very briefly, then, even if the other seven dissident provinces, orovincial premiers, agree to return to the constitutional bargaining table, you will say: Hell no, I won’t go, unless your condition is met.
M. Lévesque: On account of what we decided in April, the eight of us together, I don’t see that kind of hypothesis your and I will wait to see if Mr. Obviously, if you remember the so-called Kirby report of last year, which was a so-called secret scenario by federal know alls in Ottawa about how to planify, how to plan in advance the complete dead end that we ended up with in September of 1990, that secret report told the federal people how to deal and especially how to divide and conquer. That could he one of the main reasons for the so-called overture of Mr. Trudeau’s in South Korea. No, he is going to work prudently and he said: Well, I’m going to wait until I see people, I read all the judgment and find out; in other words, he is waiting to see… if in the fallout there wouldn’t he a way to bring a knife into the common front of the eight provinces and find out if he cannot divide and conquer. It is the old Roman attitude.
Une voix: Mr. Lévesque, I wonder if you could give us some idea of what you hope will he the general thrust or tone of the motion you will present to the National Assembly, whether you are prepared to compromise in order to have the srrpoort of the official Opposition in the House and whether you might attempt to coordinate it with the other provinces as far as some action elsewhere is concerned.
M. Lévesque: We are going to try and finalize that motion in a way that would say what we believe really comes out of the basic opinion that was given yesterday by the Supreme Court, tie it up as directly as possible to Quebec’s basic interests and basic rights and, on that wave length, there should be a good chance of having a meeting of minds with the Liberal
basic questions, I remember he said he wouldn’t go along with anything equivocal or ambiguous. Well, we have no intention of trying to play around with things, we didn’t last year and vie won’t again this year.
Une voix: Would it he your intention that this motion simply express Quebec’s Opposition to Trudeau’s plan or would the motion contain some conditions to go towards a compromise?
constitutional get
Opposition. If you remember what Mr. Ryan said recently, what he said again last night on
the
M. Lévesque: I have to repeat what I said a while ago: The motion, I think, is going to be the responsibility of Parliament, of the National Assemhly, and I think the people directly involved, including our colleagues in the Opposition, should he the first to take a look at it and
give us their opinion about it.
Une voix: Mr Lévesque, I would like a clarification of something that appears in your text. I draw your attention to page 9, first paragraph, the part beginning « II faut que se confirme et s’exprime ». If I understand correctly what this means, you were saying that the will of all Quebeckers to resist by all legitimate means must be – I emphasize the words « must be » – confirmed and expressed in the clearest possible manner. What exactly does that mean? You have just said that there is no question of holding a referendum in the immediate future. Exactly what does this mean? How is this will to resist to he expressed°
M. Lévesque (René): I think it is kind of obvious that the first – and I think in any parliamentary democracy – and foremost expression of that will – because after all, in our political system, the parties in the House represent, politically, praticallv all of the population – of that union, that national solidarity should be in the House, and that is going to he, I hope, the result of this special session that we are calling for tomorrow, for a couple of days and maybe until Friday.
Second, there is going to he – and there is already, if you read your own media – a gathering of opinions expressed throuqhtout Quebec – as already you see the same phenomenon happening throughout Canada – a consensus is going to build out of that.
Along the way, other things may happen which would dramatize or polarize, in a more definite way, what we are calling for. Rut I think it is already gathering momentum, even only 24 hours after what happened yesterday.
Une voix: But seems that the clearest way oossihle to express this will to resist would he something formal, such as a referendum or an election fought on this particular issue.
M. Lévesque (Rend): Would you mind my repeating what I said a while ago, that it would be interesting to give you a good blaring headline about things that will happen eventually after the National Assembly but, for the moment – and let us not underestimate what it means – the elected representatives of Quebec’s population in the Parliament – which is the only institutional, the only basic political tool that the Quebec population controls exclusively – are going to have to pronounce themselves on the hasic question facing us. That is for the next few days; anything after that, in due time, if and when, will he announced, hut, for the moment, I am not goinq to slip on that banana peel that says: Yes, and what do you do afterwards and what if – because there is a bio « if ». I remember listening, yesterday, to Mr Trudeau saying: Well, I have to see my caucus and I have to read the judgment – which is a good idea, by the
way – and, eventually, I will have to get back to Canada – you know, he has to be patriated himself eventually – and sometime, mid October, there is going to be the session of Parliament
in Ottawa. Things are going to happen – they are already happening – weeks. So, could we maybe wait and see, at least for a moment? Une voix: I raised the question not…
M. Lévesque (René): Yes, I know why you raised the question.
during the next three
Une voix: … to get a headline hut because you raised the possibility yourself, in your own
text.
M. Lévesque (René): I know why you raised the question and the question is legitimate, but the answer would he premature.
Une voix: Thank you.
Une voix: Mr Lévesque, just a technicality. First of all, how soon can this motion he adopted? Can it he adopted the same day or do we…
M. Lévesque (René): You know, a lot of people may feel that they want to express themselves on a motion on that subject. I cannot give you any kind of timetable for the additional reason that, when you open any kind of session, urgent or otherwise, the Government decides when to open it, but the Opposition usually decides more or less when it is going to he over. I do not know, but we are hoping, if there is a basic consensus, that it could he done and voted on before the end of the week or around the end of the week.
Une voix: I have another question. We learned that Mr Morin is
meeting with some British
select committee members today. I would like to know why they are here and talking to them about?
M. Lévesque (René): I think Mr Morin should answer that one.
what Mr Morin is
M. Morin (Claude): Oui, en principe, je dois les
problème, c’est que l’horaire a été oerturhb.
Une voix: In English, Mr Morin, please.
M. Morin (Claude): I am sorry. Yes, I am suooosed to meet those British MPs some
voir à un moment
donn,6 aujourd’hui. Le
time
today. I was supposed to do it this morning except that the schedule has been changed, as you realize, and they will know about our position. By the way, we are meeting a number of British people so that they get the right interpretation on this decision which was made ouhlic yesterday by the Supreme Court and which was, at first, interpreted by the federal people in a way that we feel is slightly wrong, to say the least. So, we are going to make our point of view known and this is the reason for their presence here.
M. Lévesque: If you do not mind, I would like, Mr Morin, Jacques-Yvan, the other Morin, who is a recognized constitutional expert and who was in London as delegate of the Quebec Government recently, to maybe give a sort of preliminary aooraisal of how he feels about it.
M. Morin (Jacques-Yvan): I have little to add really to what my colleague has just said,
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but perhaps I should say that I believe that our position, Quebec’s position and the Provinces’ position, has been strongly reinforced by the reference case before the Supreme Court of Canada, not only, of course, in Canada. Our position, I believe,
Great Britain and particularly among the very knowledgeable Members of Parliament these constitutional issues.
You know, the British know very well what is a convention. They understand perfectly well the importance of a convention in constitutional law. As the Prime Minister said a moment ago, after all, the whole British Constitution is based on conventions and, of course, partly on the common law as well. But such things as the very existence of the Prime Minister depend on convention and not on written, on formal written lave, so I think they will get the message very strongly.
Of course, they will read the judgment, they will take the time to read the judgment. I
anxious to obtain the judgment or, if you wish, the advice of the Supreme Court of Canada. I feel that, when they have read this judgment or this advisory opinion of the Court, they will think, they will have an ample opportunity to meditate on the importance of what the Court says about legitimacy as against the pure legality of Mr Trudeau’s project. After all, the British know very well that their Constitution, their whole system is based on conventions and on legitimacy, on what a very famous author of political science has called « Les q?nies invisibles de la citd », The Invisible Genius of Society. I believe that Mr Trudeau is now clearly encroaching upon these very profound feelings about legitimacy in a society and the British are extremely sensitive to this dimension of the problem.
has been strongly reinforced in who follow
have met, during
my last trip to London in June, people of both Houses who were extremely
In other words, I would
simply add that our case, the case of the provinces has gained
enormously before the British Parliament from the advisory opinion of the Court.
Le modérateur: Le temps nous permet seulement une dernière question.
Une voix: Mr Lévesque, this is essentially repeating, I think, in English what you have already covered in French, but could you tell us what are Quebec’s conditions to reopen any sort of negotiations on a federal-provincial basis and whether you think that is a very serious offer from Mr Trudeau?
Mr Lévesque: Well, very simply, to try and summarize it in a nutshell, the provinces have not ‘jst accepted comoromise, they have backed down from very very staunch positions about
far as powers are concerned. Whether it is off-shore resources or whether it is communications or what have you we are in a sort of jungle which is obsolete.
Everybody agrees on that, except some minds in Ottawa that would go exactly the opposite in a sense of trying to literally heat down the provinces to some sort of local administration,
the, let us say, new arrangement required by the evolution of the federal
system regionally, as take power away from them, what little they have, and have a more unitary State. There are two perspectives there that are clashing.
We, the provinces, have accented to out on the back burner everything that would be a
for Quebec, was asking for a lot on account of traditional positions – where we will acceot
real renewal and, on account
of imminent danger, we have compromised to the point – which,
patriation and we will accept obviously consensus. Rut, as far as anything else is
an amending formula providing it comes from a concerned, there has to be – especially in the so
called charter of rights, which is a ploy anyway, basically – compromise from the federal side. Otherwise, it is going to he another exercise in futility like we have had last year and for years in a row.
Thank you very much. Merci beaucoup.
(Fin)]
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