Conférence de presse du 28 octobre 1982

Au terme de trois jours de réunion du Conseil des ministres le mois dernier, j’avais indiqué à la presse les orientations que le gouvernement entendait imprimer à son action au cours des prochains mois.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour parler de « bilan » comme tel, j’ai pensé qu’il serait opportun, à ce stade ci, de présenter une sorte de rapport d’étape et de préciser en même temps la manière dont nous entendons fonctionner pour mener à bien l’ensemble des actions annoncées à Pointe-au-Pic.

1. LES SALAIRES ET LES PRIX
Dans le secteur public, le gouvernement a fait connaître ses propositions salariales et normatives et les négociations sont maintenant amorcées à la table centrale. Nous sommes toujours déterminés à faire le maximum pour que cet exercice aboutisse à un règlement le plus rapidement possible, mais il doit être clair encore une fois que ce ne peut être par le moyen d’un accroissement de la masse monétaire disponible pour l’ensemble de la convention.

Pour ce qui est de la loi 70, les négociateurs du gouvernement ont reçu instruction de donner la priorité, pour l’instant, aux discussions concernant les modalités de la récupération envisagée. Toute alternative permettant d’assurer une meilleure protection des plus bas salariés sera accueillie par le gouvernement avec ouverture et sympathie.

Les municipalités ont été, quant à elles, invitées à se donner le même cadre général que l’Etat en matière salariale, et la réaction initiale exprimée par leurs porte-parole est extrêmement encourageante.

Nous avons enfin pris certains engagements à l’égard des prix que nous administrons et incité du même coup les régies et commissions qui ne sont pas soumises à nos directives à pratiquer de pareilles restrictions.

Moins simplistes que la politique fédérale du 6 et 5%, nos propositions nous paraissent cependant plus réalistes dans la mesure où elles prennent en compte les disparités existantes de revenus et la diversité des facteurs qui conditionnent certaines décisions quant aux prix.

2. L’EMPLOI
Dans un premier temps, nous avons tenu à dresser un bilan des principaux programmes de création d’emplois mis en place ou réactivés au cours de l’année. On se rappellera que le gouvernement a déjà consacré près de 120000000 $ à la création directe d’emplois depuis le mois d’avril. Au 30 septembre, d’après les plus récentes compilations,on recensait 22,000 nouveaux emplois, dont 65% occupés par des bénéficiaires de l’aide sociale. Et comme il reste près de 20000000 $ à engager dans certains programmes, on peut prévoir que, sur la base des budgets déjà alloués, plus de 27,000 emplois auront été créés.

Compte tenu du succès de l’opération jusqu’ici, le gouvernement a décidé d’injecter, à sa réunion du 20 octobre, $ 40000000 nouveaux au cours du présent exercice financer 1982-1983 et $ 19000000 pour l’exercice 1983-1984. I1 compte ainsi générer
16000 emplois additionnels dont environ 9000 pour des bénéficiaires de l’aide sociale.

Ainsi en comparaison avec les $ 47000000 du budget de l’an dernier, nous voici en ce moment à $ 160000000 de crédits de l’année courante pour la création d’emplois.
Parallèlement à ces efforts, des avenues nouvelles sont explorées en vue de mettre sur pied des projets destinés plus spécialement aux assistés sociaux aptes au travail. Il s’agit là d’un mandat prioritaire confié au [« task force »] formé récemment par le comité des priorités et qui vient de commencer ses travaux.

Ce groupe de travail est placé sous la présidence du secrétaire général associé au comité des priorités, monsieur Thomas Boudreau, et composé en ce moment des personnes suivantes:
Monsieur Charles Beaulieu Sous-ministre à l’industrie, au Commerce et au Tourisme

Monsieur Aubert Ouellet Sous-ministre à la Main-d’oeuvre et à la Sécurité du Revenu
Monsieur Robert Tessier Secrétaire général au Conseil du Trésor

Monsieur Roger Pruneau
Secrétaire du Comité ministériel permanent du Développement économique

Monsieur Charles Perrault Président de Perconsult Limitée et ancien Président du Conseil du Patronat du Québec

Monsieur Michel Grant, professeur
à l’UQAM et ancien officier-dirigeant de la FTQ et du Syndicat canadien de l a fonction publique

Le fait d’avoir choisi des fonctionnaires du plus haut niveau traduit la nécessité de donner la plus grande autorité possible aux actions à entreprendre et en même temps d’impliquer au maximum les ressources humaines dont l’Etat dispose. D’autre part, la présence sur un tel comité de personnes extérieures au gouvernement s’explique par la volonté d’assurer que, au point de départ, et non plus seulement une fois que les idées auront déjà été mâchées, nous soyons en contact avec les milieux du travail et de l’entreprise, étant bien entendu que messieurs Grant et Perrault agissent à titre personnel et non comme représentants de quelque organisme ou groupe que ce soit.

Bref, nous sommes déterminés plus que jamais à consacrer toute la marge de manoeuvre disponible et l’essentiel de nos énergies à la lutte au chômage. N’ayant pas les instruments nous permettant d’agir sur la crise elle même, nous estimons néanmoins qu’il nous incombe de chercher par tous les moyens à en atténuer les effets les plus dramatiques. Aussi, il ne faut pas attendre de la session qui reprend dans moins de deux semaines un déluge de lois nouvelles. L’essentiel de la législation à prévoir est déjà au feuilleton de la Chambre. Car la priorité des mois qui viennent ne réside évidemment pas dans notre action législative. Le gouvernement entend d’ailleurs proposer, dès la reprise des travaux parlementaires, la tenue d’un débat de fond sur la situation économique et sociale qui prévaut actuellement au Québec.
3. LES CONTRAINTES FINANCIERES
Il me faut ici parler de l’état des finances publiques. Malgré un travail inlassable de rationalisation et d’assainissement, malgré un effort sans précédent de compressions, 1,5 milliard depuis deux ans, malgré la part de sacrifices déjà demandée aux employés de l’Etat, il est clair que nous ne sommes pas encore sortis du bois. Toute la population du Canada vient de se faire dire, en trois épisodes, que l’hiver sera rude. Pour le Québec aussi, ce sera difficile. parcequ e, encore une fois, il va falloir faire des choix douloureux: si nous voulons pouvoir consacrer des ressources additionnelles au combat contre le chômage sans rompre l’équilibre de nos finances, on devra sans doute envisager bientôt d’autres compressions. Le ministre des Finances de même que le président du Conseil du Trésor vous fourniront dans les jours qui viennent des précisions supplémentaires. Je me contente donc pour l’instant d’établir de façon non-équivoque que la période des contraintes n’est pas terminée.

4. LA CONCERTATION
Des échanges préliminaires ont déjà eu lieu avec nos différents partenaires socio-économiques. Même si les consultations ne sont pas terminées, je puis dire, dès à présent, que nous aurons à travailler en fonction d’une double approche: d’une part, nous tenterons, avec nos interlocuteurs, d’identifier des secteurs d’activités économiques ou industrielles où un effort concerté serait susceptible de donner des résultats concrets à brève échéance; d’autre part, nous examinerons avec eux la possibilité de soumettre à une conférence nationale un certain nombre de questions ou problèmes de nature générale que nous aurons identifiés ensemble.

Chose certaine, tous reconnaissent le besoin de mettre en commun les énergies et les ressources si nous voulons passer à travers les difficultés actuelles et continuer à développer le Québec. Sera t il possible d’en arriver à ce degré de consensus qui, seul, peut nous garantir à court terme un retour, sinon à la prospérité, du moins à la santé économique?

Une chose est en train de devenir très claire en tout cas: le processus actuel de négociation dans le secteur public, avec cette espèce de fatalité de l’affrontement qui le caractérise, constitue un obstacle de taille dans la poursuite de nos objectifs. On ne peut s’empêcher de constater que ce type de processus paraît, dans le contexte actuel, inadapté et inapproprié.

Les tournées ministérielles que nous venons d’effectuer dans toutes les régions du Québec nous ont permis principalement de constater que les citoyens attendent de leurs gouvernants des gestes, des initiatives, et non plus seulement des intentions et des sermons. Les actions parlent en effet beaucoup plus fort que les paroles, si belles soient elles. Nous savons que c’est à cette capacité d’agir que nous serons jugés.

[M. Harris: Bon si tout le monde est prêt, il y aura une déclaration de M. Lévesque, suivie de questions.]

[M. Lévesque:] Si vous permettez, je vais commencer par faire une précision. C’est que, même si je trouvais cela extraordinairement plaisant ce qui a paru ce matin à propos d’une conférence de presse à tous les jeudis, je dois dire que c’est un peu excessif. J’aimerais cela qu’on puisse – si vous pensez que c’est indiqué – se rencontrer aussi régulièrement que possible. Mais,il n’y aura pas de rendez-vous régulier tous les jeudis. Cela serait un peu trop contraignant surtout qu’on s’en va vers la session. Je tenais à dire cela tout de suite pour ne pas avoir l’air de manquer à un engagement tout de suite le semaine prochaine parcequ ‘il n’y en a pas.
En fait, ce dont il s’agit aujourd’hui et peut-être – non seulement peut-être – mais périodiquement d’ici quelque temps, c’est de faire un suivi, si vous voulez – cela n’exclut aucune de vos questions – sur ce qu’on a fait le mois dernier à La Malbaie. Après les trois jours de réunion qu’on avait eus au Manoir Richelieu, j’avais indiqué aux médias d’information les orientations, de façon générale bien sûr, – on vient à peine de commencer à mettre cela au point – que le gouvernement entendait imprimer à son action au cours des prochains mois.
Evidemment, il est encore trop tôt pour parler de bilan – cela fait à peine un mois – mais j’ai pensé qu’il serait opportun, à ce stade ci et périodiquement par la suite, de présenter une sorte de rapport d’étape et en même temps de préciser la manière dont nous entendons fonctionner pour mener à bien l’ensemble des actions qu’on a annoncées à Pointe-au-Pic.
Premièrement la question des salaires et des prix. Vous vous souviendrez que c’était un des éléments importants de la discussion et de ce qui vous a été communiqué après. Dans le secteur public – je ne vous apprends rien – le gouvernement a fait connaître ses propositions salariales et normatives et les négociations sont maintenant amorcées à la table centrale – enfin depuis quelques jours tout le monde est à la table. Nous sommes toujours, quant à nous, déterminés à faire le maximum pour que cet exercice aboutisse à un règlement le plus rapidement possible. Mais il doit être clair – il demeure clair quant à nous – encore une fois que ce règlement ne peut pas venir par le moyen d’un accroissement de la masse monétaire disponible pour l’ensemble de la convention.
Pour ce qui est de la loi 70, à plus court terme, les négociateurs du gouvernement ont reçu instruction – et cela a été communiqué aux tables – de donner la priorité pour l’instant aux
discussions qui concernent les modalités de la récupération salariale qui est envisagée à compter du premier janvier.
Evidemment, toute alternative qui permettrait d’assurer une meilleure protection des plus bas salariés – c’est une priorité depuis le tout début, depuis le mois d’avril – sera accueillie par le gouvernement et ses négociateurs avec non seulement une ouverture d’esprit mais aussi avec sympathie. Sur un autre plan, celui des municipalités, on a invité nos interlocuteurs dans le secteur, à se donner mutatis mutandis évidemment, le même cadre général que l’État en matière salariale, et la réaction initiale qu’on a eue des porte-parole municipaux est extrêmement encourageante. On a pris enfin certains engagements, vous les connaissez, à l’égard des prix que nous administrons comme gouvernement et nous avons incité du même coup les régies et les commission qui ne sont pas soumises directement à des directives gouvernementales, à pratiquer des restrictions du même genre.
Bien sûr, c’est moins spectaculaire, mais il me semble que c’est aussi moins simpliste que la politique fédérale du 6% et 5%, parcequ e nos propositions nous paraissent plus réalistes dans la mesure où elles prennent en compte les disparités existantes de revenus – il faut toujours en tenir compte – et aussi la diversité des facteurs dans le logement, par exemple, qui conditionnent certaines décisions quant au prix.
Maintenant, pour ce qui est de l’emploi, on l’a dit, je le répète et on essaie de le prouver dans l’action. La première de toutes les priorités par les temps qui courent et aussi longtemps qu’on peut voir en avant en 1983, c’est l’emploi, c’est-à-dire, le maintien de l’emploi et là où c’est possible la création d’emplois. On a vu avec satisfaction modérée que finalement après des mais et des mois par le discours de M. Lalonde, hier, le gouvernement fédéral veut donner un coup de ce côté là. Je me souviens que depuis le mois de février 1982, on était pratiquement à genoux pour demander que quelque chose de ce genre là puisse se faire de façon concrète. Tant mieux, même si c’est tard. Quant à nous, vu que cela a commencé depuis longtemps, dans un premier temps, il me semble qu’il est important – vous en avez eu des éléments concrets, je pense, de M. Marois ces jours derniers – de dresser un bilan des principaux programmes de création d’emplois qui ont été mis en place ou qui ont été réactivés au cours de l’année 19821983 sur le plan budgétaire. Depuis le mois d’avril, on se rappellera que le gouvernement avait déjà consacré près de 120000000 $ à la création directe d’emplois. Au 30 septembre, d’après les plus récentes compilations, on recensait 22000 emplois qui avaient été ainsi créés, dont 65%, les deux tiers, étaient occupés par des bénéficiaires de l’aide sociale. Il reste encore une vingtaine de millions à engager dans certains programmes, tel que c’était prévu, et on peut prévoir que, sur la base de ces budgets déjà alloués, 27000 emplois environ auront été créés.
Vu que cela a marché jusqu’ici, dans des circonstances difficiles, mais que cela a donné des résultats, le gouvernement, à sa réunion du 20 octobre, c’est-à-dire, il y a quelques jours, a décidé d’injecter 40000000 $ de plus au cours de la présente année financière, 1982-1983, et avec les retombées qui se prolongent, parceque, évidemment, les programmes chevauchent des années différentes, cela veut dire aussi 19000000 $ qui sont déjà engagés pour l’année prochaine, c’est-à-dire 1983-1984, en prolongement de ces programmes. Cela devrait donner, si on tient compte de ce qui a été réalisé jusqu’ici, environ 16000 emplois additionnels dont environ 9000, encore une fois, pour des bénéficiaires de l’aide sociale. Une simple comparaison. L’an dernier – on se sentait déjà en période de crise, mais cela n’avait pas l’intensité que cela a pris depuis – il y avait 47000000 $ , au budget, pour ces programmes de création d’emplois. Avec les dernières additions, en ce moment, on est à 160000000 $ de crédits pour l’année courante, dans ce même domaine.
Maintenant, parmi les efforts concrets qui se font, je voudrais souligner deux choses, dans le domaine de l’habitation, en vous donnant deux aperçus les plus récents. Dans le cas de Corvée-habitation, évidemment, le démarrage a été assez lent. Il y avait l’arrimage avec des institutions financières, parceque c’est toujours un peu complexe au début, et il y avait tout ce monde à ajuster, si vous voulez, dans une action conjointe: les travailleurs, les entrepreneurs, forcément, les institutions financières, le gouvernement, le conseil d’administration. Cela a été miraculeusement rapide, mais malgré cela, cela a pris quand même un certain nombre de semaines avant de pouvoir se mettre en marche. Il y a quelques milliers de maisons, au Québec – quelques milliers, je n’ai pas les derniers chiffres – qui vont avoir été mises en construction avec ce programme. Je dois vous dire que pour les travailleurs impliqués, aussi pour les familles qui ont besoin de se loger, chacune de ces maisons représente quelque chose.
Évidemment, on peut parler de demi succès. J’ai vu cela hier; c’était ici à Québec. Je lisais le journal de ce matin, à Québec, et, évidemment, – cela illustre ce que je viens de dire – là où cela marche, c’est extraordinairement important pour les gens, parceque c’est à Québec, à Sainte-Foy, enfin, dans la région métropolitaine. Vous pouvez lire dans le journal de ce matin ce que cela a pu représenter pour Sainte-Foy, et cela vient de la ville elle même qui va doubler son fonds de subventions justement parceque cela marche d’une façon qui est extraordinaire, quant à eux, en tout cas. On lit ceci: Pour les quatre premiers mois de l’année, des permis avaient été émis pour onze nouvelles unités de logement et, en ce moment, c’est-à-dire depuis le mois de mai, depuis la perspective et, ensuite, la concrétisation de Corvée-habitation, la ville de Sainte-Foy a émis des permis de construction pour 244 unités de logement. Au total, depuis le début de l’année, cela ferait 315, mais 244 depuis le mois de mai.
Il n’y a pas de recette magique là plus qu’ailleurs pour sortir de la crise et tomber dans la prospérité miraculeusement. Tout le monde est pris dans le contexte de la crise, mais des résultats comme ceux là sont quand même encourageants. Il me semble que cela vaut la peine de les souligner.
En même temps, il y a un programme du côté habitation qui dure depuis dix mois, un engagement qu’on avait pris l’an dernier, c’est-à-dire le programme d’accès à la propriété résidentielle pour les familles qui ont de jeunes enfants. On en est à dix mois maintenant et aujourd’hui le nom de l’heureux bénéficiaire – comme on dit cela couramment – sera annoncé par M. Tardif.
Le programme d’accès à la propriété résidentielle franchit aujourd’hui le cap de 10000 bénéficiaires, c’est-à-dire 10000 familles avec de jeunes enfants qui ont pu en profiter. Le nom – c’est toujours symbolique – sera annoncé au cours de la journée.
Pour ce qui est du programme – et cela est important parceque 13000 emplois au moins ont été maintenus, il s’agit de maintenir dans ce cas là – de garantie de prêt et de ristourne sur l’intérêt pour les PME qui a été mis au point par le ministère de M. Biron, il s’agit de moins d’entreprises qu’on l’espérait au début. Là encore il y a eu des lenteurs, mais ce sont quand même 200 entreprises et, si j’ai bonne mémoire, quelque 13000 emplois qui sont impliqués et à qui cela a permis, aussi bien aux employés qu’aux entreprises, de passer à travers et d’avoir une perspective de durée plutôt que le danger mortel dnns lequel ils se trouvaient. Et cela augmente de semaine en semaine.
Ce sont des efforts qui ont été faits intensément depuis le début de l’année essentiellement. Maintenant, parallèlement à ces efforts, comme on l’a dit à La Malbaie, des avenues nouvelles, des directions nouvelles sont explorées en ce moment en vue de mettre sur pied des projets destinés plus spécialement aux assistés sociaux aptes au travail et avec une insistance particulière du côté des jeunes.
C’est le mandat absolument prioritaire qui a été confié au [« task force »], le groupe de travail dont on parlait à La Malbaie, qui a été formé récemment par le comité des priorités et qui vient de commencer ses travaux depuis quelques semaines, qui est en train d’examiner tout cela et de commencer à regarder quelles pourraient être les directions prometteuses. Évidemment il faudra intégrer là-dedans – quand on saura à quoi s’en tenir parceque c’est encore très flou – certaines des propositions qui pourraient être exportables, si vous voulez, dans les provinces, y compris au Québec, à partir de ce que M. Lalonde disait hier, comme ministre des Finances fédéral. On n’a cependant pas eu le temps depuis hier de gratter cela en détail d’autant plus que comme il arrive très souvent, il n’y a pas de détail qu’on connaisse en ce moment.
Pour revenir à notre groupe de travail, il est placé sous la présidence du secrétaire général associé au comité des priorités qui était sous-ministre de la Main-d’Oeuvre et de la Sécurité du revenu, jusqu’à tout récemment, M. Thomas Boudreau. En ce moment, il compte les personnes suivantes. C’est le groupe de travail, mais il y a aussi un petit secrétariat, comme il est normal pour le Comité des priorités, mais le groupe de travail a été recruté de la façon suivante:
D’abord, des hauts fonctionnaires placés à des endroits stratégiques; en fait, des gens qui seront en première ligne en ce qui concerne tout ce qui touche l’emploi. Donc, M. Beaulieu, sous-ministre à l’Industrie, au Commerce et au Tourisme, M. Aubert Ouellet, sous-ministre à la Main-d’Oeuvre et à la Sécurité du revenu, qui a succédé à M. Boudreau, d’ailleurs, M. Tessier, secrétaire général du Conseil du trésor, et M. Roger Pruneau, secrétaire du Comité ministériel permanent du développement économique qui, d’ailleurs, a été nommé sous-ministre adjoint hier, mais qui sera détaché de façon à pouvoir travailler au Comité de développement économique et dans ce groupe de travail.
Il y a deux personnes qui ont été demandées de l’extérieur, comme premier apport du côté de l’entreprise patronale, si vous préférez l’expression, et du côté syndical, toutes deux à titre personnel: M. Charles Perrault, dont on se souviendra qu’il est l’ancien président du Conseil du patronat du Québec et qu’il est président d’une entreprise qui s’appelle Perconsult et M. Michel Grant, professeur à I’UQAM et ancien officier dirigeant de la FTQ et du Syndicat canadien de la fonction publique.
Le fait d’avoir choisi, dès le départ, un bloc de fonctionnaires du plus haut niveau, qui sont tous dans des domaines reliés à toutes les implications d’un programme de création d’emploi, cela traduit simplement la nécessité de donner la plus grande autorité possible aux actions qu’il va falloir entreprendre et, en même temps, d’impliquer au maximum les ressources humaines dont l’État dispose.
D’autre part, la présence de personnes de l’extérieur – deux, pour commencer – s’explique par la volonté de s’assurer que dès le point de départ, et non pas seulement quand les idées auront été mâchées, avec les risques d’erreur que cela peut créer, nous soyons en contact avec les milieux du travail et de l’entreprise, étant entendu, je le répète, que M. Grant et M. Perrault agissent à titre personnel. Ils ne représentent aucun groupe organisé et ils viennent avec l’expérience acquise et leur compétence personnelle.
Bref, nous sommes déterminés plus que jamais à consacrer toute la marge de manoeuvre disponible et l’essentiel de nos énergies à la lutte au chômage. N’ayant pas les instruments nous permettant d’agir sur la crise elle même, nous estimons néanmoins qu’il nous incombe de chercher par tous les moyens à en atténuer les effets les plus dramatiques. Aussi – et c’est une chose que je tiens à souligner – il ne faut pas attendre de la session qui reprend dans moins de deux semaines un déluge de lois nouvelles. L’essentiel de la législation à prévoir, pour les six semaines, à peu près, que va durer cette fin de session, est déjà au feuilleton de la Chambre parceque très simplement la priorité des mois qui viennent ne réside évidemment pas dans l’action législative. Le gouvernement entend d’ailleurs proposer, dès la reprise des travaux parlementaires la tenue d’un débat de fond, si tout le monde est d’accord, sur la situation économique et sociale qui prévaut actuellement au Québec. Si c’est bien fait, si on le mène
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d’une façon qui, toute partisane qu’elle soit inévitablement, peut s’élever un peu au-dessus de certains des refrains classiques quelque peu éculés par la télévision, cela pourrait, je pense, donner un éclairage particulièrement utile à tous nos concitoyens.
Avant de terminer, il faut aussi dire un mot de l’état des finances publiques. Malgré un travail de rationalisation et d’assainissement et malgré un effort sans précédent de compression, parceque comme vous le savez, on a commencé au printemps 1981 à faire des compressions, il y en a eu pour 1 500000000 $ depuis deux ans, malgré aussi la part de sacrifices déjà demandée aux employés de l’État, il est clair que nous ne sommes pas encore sortis du bois, je pense que tout le monde le sait. Toute la population du Canada, d’ailleurs, vient de se le faire dire en trois épisodes que l’hiver sera rude. Pour le Québec aussi ce sera difficile parcequ’encore une fois, il va falloir faire quelques choix douloureux. Si nous voulons pouvoir consacrer des ressources additionnelles, et c’est la première de toutes les priorités, au combat contre le chômage sans rompre l’équilibre nécessaire des finances publiques, on va devoir, sans doute, envisager bientôt d’autres compressions.
Le ministre des Finances, de même que le président du Conseil du trésor, vous fourniront dans les jours qui viennent des précisions supplémentaires et je vous dis tout de suite que je ne pourrai pas vous en donner aujourd’hui parceque c’est à l’étude. Je vais vous donner un exemple simple de ce qu’est préparer cela parcequ’ on voyait venir la possibilité et il fallait quand même y penser. Chaque ministère a été tenu d’établir une liste prioritaire comportant à peu près 15010 – je ne veux pas dire que les coupures vont se faire partout dans ce coin – de non priorités ou de priorités moins prioritaires que les autres. Autrement dit, il fallait qu’ils identifient 15% de ce qu’il y avait de moins prioritaire dans chacun de leurs budgets. À partir de là, il y a un bassin de choix possible et c’est le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor, les décisions n’ont pas été prises, mais l’examen est en cours, qui nous fourniront dans les jours qui viennent, des précisions sur ces compressions additionnelles et inévitables.
Je me contenterai donc, pour l’instant, d’établir, de répéter, de façon sans équivoque, que la période des contraintes n’est pas terminée. Quant aux éléments de concertation qu’on vise depuis plusieurs années, mais de façon beaucoup plus concrète, il va falloir le faire dans les mois et peut-être l’année ou les quelque deux années qui viennent. On en avait parlé à Pointeau-Pic. On vous en a communiqué les principes. Des échanges préliminaires ont déjà eu lieu avec nos différents partenaires socio-économiques.
Ces consultations ne sont pas terminées mais, dès à présent, je peux dire que nous aurons à travailler en fonction d’une double approche. d’une part, nous tenterons, avec nos interlocuteurs, le plus vite possible, d’identifier concrètement des secteurs d’activité économique ou industrielle où un effort concerté serait susceptible de donner des résultats concrets à brève échéance. D’autre part, nous examinerons aussi avec eux la possibilité de soumettre à une
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conférence nationale – qui serait soigneusement préparée et qui n’est pas la première urgence – un certain nombre de questions ou de problèmes de nature générale qu’on aura identifiés ensemble. Mais chose certaine, – et les rencontres préliminaires qui ont eu lieu, les rapports qu’on en a eu le confirment – tous reconnaissent le besoin de mettre en commun les énergies et les ressources si nous voulons passer convenablement à travers les difficultés actuelles et continuer, malgré ces difficultés, à faire du développement au Québec.
Sera t il possible d’en arriver à ce degré de consensus qui pourrait nous garantir, à court terme, un retour non pas à la prospérité – cela ne dépend pas exclusivement de nous ni même du Canada d’aucune façon – mais au moins un retour à la santé économique? En tout cas, une chose est certaine et est en train de devenir très claire: le processus actuel – et c’est un àcôté de ce que j’avais à vous dire, mais cela répète un peu ce que certains de mes collègues, dont M. Johnson, des Affaires sociales, ont aussi comme impression et ils l’ont dit publiquement ces jours dernier – le processus actuel de négociation dans le secteur public, qui dure depuis quinze ou vingt ans, avec cette espèce de fatalité d’affrontement qui le caractérise, constitue un obstacle de taille dans la poursuite des objectifs, quels qu’ils soient, de progrès public ou social. On ne peut pas s’empêcher de constater – et il va falloir en tenir compte sitôt après la fin de cette ronde – que ce type de processus, dans le contexte actuel – et probablement aussi dans tout contexte à venir – paraît complètement désuet, inadapté, inapproprié, lourd, mangeur d’énergie, dévoreur d’énergie de façon excessive et pour des résultats qui, en général, ont autant de chances d’être négatifs à cause, précisément, de cette concentration excessive et trop longue.
D’autre part, – et je termine là-dessus – les tournées que nous venons d’effectuer, tout le monde, dans toutes les régions du Québec, une fois qu’on met les impressions ou les résultats ensemble, ça nous a permis principalement de constater que les citoyens attendent de leurs gouvernants des gestes, des initiatives et pas seulement des sermons ou des intentions. On sait que c’est à cette capacité d’agir – je pense que c’est vrai pour tous les gouvernements, par les temps qui courent – qu’éventuellement nous serons jugés. Voilà, pour l’instant c’est tout.

[M. Harris: Il y a déjà quatre intervenants: Charles DeBlois, Normand Girard, Michel Lacombe et M. Pelchat.
M. DeBlois: M. Lévesque, la population au Québec attend, ce matin, non pas des sermons, mais des gestes relativement au conflit de la CTCUQ. Qu’avez vous à lui dire?]

[M. Lévesque:] Je viens de mentionner un certain nombre de gestes, soit en marche, soit en préparation. Maintenant, si vous parlez de la CTCUQ, il évident – il fallait tout de même attendre et cela a co?ncidé avec le Conseil des ministres – qu’on pouvait se douter que ça tournerait comme ça, mais quand même il fallait attendre ce que le tribunal aurait à dire sur la demande d’injonction d’une des parties. Une chose qui nous a sauté aux yeux, hier, quand on en a parlé assez longuement – inutile de vous le dire – c’est que ça ne peut pas durer au-delà d’une certaine limite, même si ce n’est pas, il faut l’admettre, la paralysie totale et à peu près instantannée que le même genre de conflit peut causer dans une région métropolitaine comme Montréal. Pour les personnes âgées, pour des milliers de gens à revenu modeste, dans le contexte économique très dur que nous traversons – particulièrement en ce moment – et pour des milliers d’écoliers aussi, cette grève sera bientôt intolérable.
Entre les parties responsables – parceque responsables au premier chef, s’administrant euxmêmes – tout à échoué jusqu’à présent. Alors, hier, le Conseil des ministres a décidé de faire un effort suprême pendant les jours qui viennent – ce n’est pas une question de semaines, encore moins de mois – et pour ça, il a donné mandat à deux personnes dont l’expérience est toute récente à la CTCUM, ce qui leur donne le « background » – comme dit en anglais – l’arrière-plan nécessaire et qui ont eu un mandat explicite du Conseil des ministres, M. Lucien Bouchard, principal négociateur du gouvernement et M. Boivin, mon chef de cabinet et avocat de carrière du côté des relations de travail. Ces deux messieurs ont donc eu le mandat de rencontrer les parties – c’était même commencé déjà hier après-midi, de façon préliminaire – et, avec elles, de chercher un règlement et, au plus tard, mardi prochain, de faire rapport pour que le Conseil des ministres puisse, à ce moment là, évaluer la situation. S’il y a des décisions additionnelles ou ultérieures à prendre, on aura toutes les données et les résultats de la semaine.

[M. Harris: Normand Girard.
M. Girard: M. le premier ministre, j’ai deux questions. La première concerne votre proposition de débat spécial sur la situation de l’économie et la situation sociale au Québec. Quelle forme prendra ce débat? Est ce qu’il s’agira d’un débat d’urgence que le gouvernement va lui même proposer à la reprise des travaux et de quelle durée sera t il?]

[M. Lévesque:] Je ne vois pas nécessairement qu’on plaide l’urgence, on n’en pas établit les paramètres techniques et complets de l’urgence. Ce serait une motion inscrite pour le 9 novembre et qui prévoirait un débat – autant que possible ordonné. Selon ce que l’Opposition aura à proposer de son côté, on verra, mais ce que j’aimerais c’est simplement que, pendant une journée ou deux jours, peu importe, d’une façon qui soit aussi substantielle que possible et alimenté aussi par tous les dossiers dont on dispose – ceux de l’Opposition, bien sûr et les résultats de ce qu’on a vu dans nos tournées comme réaction de nos concitoyens – enfin, que tout ça soit éclairé le mieux possible pour que cela puisse servir d’arrière-plan au travail qui viendra ensuite.

[M. Girard: Merci. Ma deuxième question concerne l’éventualité de nouvelles compressions. Vous nous avez déjà prévenus que vous rie pourriez pas nous donner beaucoup de détails ce matin parce cela est à l’étude – je comprends cela…]

[M. Lévesque:] Ni beaucoup, ni peu.

[M. Girard: Je le comprends très bien parceque c’est en voie d’élaboration. Cependant, au début du mois, Mme Leblanc-Bantey, au cours d’une conférence de presse, nous avait parlé du 15% que vous avez mentionné tantôt et avait évoqué que cela pouvait même conduire jusqu’à l’élimination de postes de fonctionnaires qui existent à l’heure actuelle à l’intérieur de la fonction publique. La seule question que je veux vous poser là-dessus c’est est ce que cette appréhension est susceptible de se retrouver à l’intérieur de ces 15%?]

[M. Lévesque:] Non, pas nécessairement. Je dirais même probablement mais la seule chose que je peux dire c’est qu’on a tordu, comme jamais auparavant – évidemment il reste toujours des choses à faire de ce côté là mais des gros morceaux de compressions générales – on a tordu tout ce qu’on pouvait tirer du citron budgétaire, un milliard et demi à peu près en deux ans, cela commence à être quelque chose. Il reste à voir maintenant du côté du plus gros morceau, c’est-à-dire aux besoins des programmes qui sont moins prioritaires que d’autres. Je ne peux pas aller plus loin que cela, on ne le sait pas encore, et avec les implications que cela peut avoir.

[M. Harris: Il y a déjà neuf personnes qui veulent poser des questions dont MM. Michel Lacombe et Daniel Drolet par la suite. Michel Lacombe.
M. Lacombe: J’ai deux questions, M. Lévesque. La première vous répétez encore une fois qu’il n’est pas question d’augmenter la masse salariale, que le processus est lourd, inapproprié, désuet – vous en avez mis épais cette fois là – j’aimerais cela essayer… par quel bout faut il comprendre cela que le système de négociations n’est pas adapté? Est ce qu’on a déjà vu cela à quelque part un système de négociations qui n’est pas basé sur l’adversité des parties?]

[M. Lévesque:] Non, peut-être pas. Malgré que je pourrais peut-être vous donner des exemples, je m’excuse, mais des exemples où ce n’est pas l’affrontement fatal ou presque fatal comme chez nous. Enfin, je pense que vous en connaissez dans le monde. Je pourrais citer des pays – cela a toujours l’air lointain – mais il y a des sociétés qui ont réussi – cela au moins de façon très très convenable – ce qu’on peut appeller une sorte, entre guillemets, de « contrat social » – le moins qu’on puisse dire – un peu plus serein et un peu plus productif que ce à quoi on est arrivé en 15 ou 20 ans de négociations dans le secteur public et parapublic.
Cela étant dit, il est évident qu’il y a toujours plus ou moins d’affrontement dans n’importe laquelle négociation. Seulement la lourdeur de l’appareil – cette espèce de centralisation avec la lourdeur invraisemblable des tables sectorielles, de la table centrale ou des interlocuteurs pratonaux etc., – tout cela nous met dans un entonnoir dont on voit encore une fois que – le moins qu’on puisse dire – ce n’est pas le moyen le plus pratique d’arriver à des résultats. Il va falloir se gratter, se fouiller vraiment pour trouver autre chose. Il y a pas mal de perspectives qu’on peut développer mais je n’entrerai pas là-dedans aujourd’hui. Je me contenterai de dire que c’est vrai que c’est désuet, c’est vrai qu’après 15 ou 20 ans la preuve commence à être faite dangereusement que ce n’est pas pratique et ce n’est pas concrètement valable comme processus de négociation.

[M. Lacombe: Ce qu’il y a de plus précis dans ce que vous me dites là, c’est la centralisation de la négociation on l’a pourtant accentuée encore cette fois ci. Est ce que vous avez dans la tête de la décentraliser la prochaine fois?]

[M. Lévesque.] Ce n’est pas la question. Je vous dis simplement que cela est un des éléments. Je ne rentrerai pas dans aucune solution parceque cela devra être discuté. Mais on va trouver, j’en suis sûr, une méthode de fonctionnement, une façon de procéder, et peut-être certaines formules qui ont été essayées ailleurs et qui donneraient des meilleurs résultats.

[M. Lacombe: …dans le même panneau que Normand Girard, je vais vous demander de parler quand même de la réduction de 15% des ministères dans le sens suivant. Il y a deux ministères où il y a de l’argent, qui sont l’Éducation et les Affaires sociales. Est ce que cela veut dire qu’on doit s’attendre à ce qu’il y ait des principes qui soient touchés?]

[M. Lévesque:] On verra. Je ne peux pas en dire davantage. Encore une fois, ce sera un effort douloureux. Il va falloir le faire, si on veut maintenir cette priorité qui est absolue quant à nous, qu’on a fini par admettre hier, après tant de mois au niveau fédéral, cette priorité du maintien de l’emploi, de la création de l’emploi, même temporaire, pour qu’il y ait quand même de l’activité, une dignité du travail pour le plus grand nombre de gens possible. Si on veut maintenir cela et si on ne veut pas briser de façon dangereuse les équilibres financiers qui sont étirés à peu près à une certaine limite, il va falloir nécessairement un autre effort de compression. Il va porter sur des morceaux de ce budget qu’on identifiera dans les jours qui viennent. Le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor vous donneront les détails aussitôt qu’on pourra les avoir après décision du Conseil des ministres.

[M. Lacombe: …universalité des soins par exemple, des programmes, c’est-à-dire.]

[M. Lévesque:] Il n’est pas question de toucher à l’universalité des soins. Je pense qu’on peut être assez fier que, malgré toutes les difficultés, le Québec maintienne ce principe là et l’accessibilité beaucoup mieux que dans certains coins du Canada. Le principe, en tout cas, il n’est pas question d’y toucher, c’est sûr.

[M. Harris: M. Daniel Drolet.
M. Drolet: M. Lévesque, vous avez dit que vous étiez plus ou moins satisfait du discours de M. Lalonde hier. Est ce que le gouvernement du Québec est prêt à collaborer pleinement avec le gouvernement fédéral pour le programme de création d’emplois de 1000000000 $ que M. Lalonde a annonçé?]

[M. Lévesque:] Oui. Je ne pense pas qu’il y ait de mystère de ce côté là. Je l’ai dit tout à l’heure. Je peux le répéter un peu plus clairement. Il prévoit de la création de l’emploi jusqu’à un certain point pour se dégager un peu de l’effondrement humain et social que représente la fin de l’assurance-chômage pour trop de gens. Cela fait longtemps qu’on voyait venir cela. C’est sûr qu’on va collaborer, on ne demande pas mieux. M. Lalonde a eu le culot – je dois le dire – de dire qu’il a toujours été prêt à coopérer avec le Québec, en particulier. J’ai lu cela dans un extrait de son discours. Je te le jure, il faut avoir vraiment du front. Je me souviens, en février 1982, on avait des programmes qui commençaient. On voyait l’urgence mais on s’est fait envoyé promener. Quelque temps après, on a envoyé trois ministres ensemble pour voir s’il n’y avait pas moyen d’arrimer ce qu’on faisait. Ils se sont fait claquer la porte au nez. Cela n’a pas été autre chose depuis un grand bout de temps. Si cette fois c’est vrai, on est prêt. M. Axworthy, je pense, qui a rencontré M. Marois, cette semaine, n’avait pas de précision là-dessus. Évidemment, c’était le secret bien gardé, mais maintenant on a au moins les grandes lignes. On n’a pas de précision. On va essayer de les obtenir à savoir comment cela va fonctionner et comment on peut s’arrimer. C’est évident, au maximum, on va essayer de tirer parti de cela comme les autres provinces et organiser cela le plus efficacement possible. Seulement, « beware of F-18 », les belles promesses et ensuite on se ramasse un peu cocu. J’espère que cela ne sera pas le cas cette fois là.

[M. Harris: M. le…]

[M. Lévesque:] Il y a le revers de la médaille qu’il ne faudrait pas oublier, parceque cela alourdit les charges dont les Québécois vont porter toute leur part. Le déficit, jusqu’à nouvel ordre, c’est la troisième fois qu’il monte cette année et il est rendu maintenant prévisiblement à 24000000000 $ à peu près. Cela veut dire 30% des dépenses budgétaires du fédéral. Si vous voulez comparer avec l’état de la situation au Québec, au Québec, notre déficit, qui se maintient avec des changements dans les facteurs, mais dont l’ensemble se maintient pour l’instant très convenablement, c’est 13 % des dépenses budgétaires. À Ottawa, ils sont rendus à 30%. Ce qui veut dire quelque chose comme 6000000000 $ de charges additionnelles qui vont peser sur les citoyens du Québec pour des années à venir. 6000000000 $ en une seule année.
Leurs besoins financiers nets, les emprunts – c’est encore plus frappant – sont à un niveau astronomique de 22000000000 $ sur 24000000000 $ , c’est-à-dire seuls les besoins financiers nets représentent 28 % des dépenses fédérales. Vous devez comparer avec Québec où c’est autour de 9 %, c’est-à-dire trois fois moins. Inutile de dire que non seulement à la suite de mois, mais d’années de politiques, de « management » qu’on connaît, c’est’une contrainte terrible sur un avenir qui va durer un certain nombre d’années et les Québécois vont avoir à assumer 6000000000 $ à eux seuls.
Il y a également une taxe et c’est une taxe assez massive; M. Lalonde, d’ailleurs, a eu l’honnêteté de le dire. Les hausses de prime d’assurance-chômage vont représenter 2000000000 $ , c’est-à-dire encore 500000000 $ au Québec, plus ou moins. Évidemment, c’est le revers de la médaille. Il ne faut pas oublier que cela existe aussi, mais tant mieux si cela permet, malgré tout, de faire un certain effort tardif du côté du maintien ou de la création d’emplois.
[
M. Pelchat. M. Lévesque, concernant vos nouvelles compressions budgétaires, vous ne voulez pas tellement en parler.]

[M. Lévesque:] Ce n’est pas que je ne voudrais pas. Remarquez que ce n’est pas un sujet le plus agréable. C’est tout simplement que, pour la nième fois ou la troisième, en tout cas – je vous le répète – on va avoir le tableau de ce qui est faisable, de ce qui est suggéré, d’ici quelques jours, probablement la semaine prochaine, et, ensuite, après décision du Conseil des ministres, vous l’aurez, mais je ne peux pas vous l’improviser.

[M. Pelchat: D’accord, mais cela risque d’inquiéter beaucoup de gens. C’est vrai qu’au gouvernement il y a beaucoup de gens qui ont la sécurité d’emploi, mais il y a quand même beaucoup d’occasionnels, de surnuméraires, des gens qui n’ont pas de sécurité d’emploi; on les compte par milliers dans la fonction publique. Vos déclarations, quand même, sont lourdes de conséquences. On ne sait pas parceque …]

[M. Lévesque:] Je m’excuse. Il peut y avoir des implications que, pour l’instant, je ne peux pas détailler. Il y en aura sûrement et on verra quand ces décisions auront été prises. Mais je pense que c’est plus honnête de dire: On est devant cela et il va falloir le faire, même si cela laisse quelques jours d’incertitude, que d’arriver de but en blanc et de faire une espèce de décision qui pourra paraître sauvage. Si vous devez vivre un peu dans le suspense et d’autres aussi, je le regrette, mais je pense que c’est mieux cela que d’arriver de but en blanc, brutalement.

[M. Pelchat: Concernant le CTCUQ, la loi spéciale n’est pas envisagée à court terme.]

[M. Lévesque:] Ce qui est envisagé à court terme, c’est que, d’ici mardi prochain, un effort suprême, maximal, soit fait avant que cela passe de le limite du tolérable pour une bonne partie de la population… À compter de mardi ou mercredi prochain, on verra où on en est.
[
M. Harris: Il y a toujours une douzaine de personnes qui veulent poser des questions. Donc, essayons d’aller aussi vite que possible. M. Graham Fraser et M. Bernard Chabot, par la suite.
M. Fraser . M. Lévesque, j’ai deux questions. Maintenant, avec vos critiques sur le processus de négociations, vous semblez ouvrir un débat sur la forme de négociations comme telle.]

[M. Lévesque:] Je pense que tout le monde en est conscient un peu, des deux côtés, si vous voulez, ou des trois côtés. Il y a aussi d’autres interlocuteurs.

[M. Fraser. D’abord, est ce que cela peut impliquer la préparation d’un décret ou d’une loi spéciale? Deuxièmement, est ce que vous vous attendez à ce que ce soit au centre des discussions au Conseil national du parti cette fin de semaine?]

[M. Lévesque:] Il y a peut-être quelques sujets qui vont être au centre. Il y aura peut-être quelques centres. Ce pourrait être un conseil national multicentré, mais c’est sûr que cela va intervenir. Il suffit de voir les résolutions qui ont été adoptées dans certaines régions ou dans certains comtés du parti. C’est sûr, cela va faire partie et c’est normal d’ailleurs que cela fasse partie des préoccupations. J’ai plus spécialement demandé à nos collègues qui sont reliés le plus directement aux négociations de faire un effort particulier pour être présents…

[M. Fraser J’ai une question supplémentaire. Hier, à Montréal, M. Dobie, de l’Association provinciale des enseignants catholiques, a dit qu’il va faire appel à ce qu’il appelle vos instincts humanitaires pour intégrer les étudiants illégaux, suivant les critères de la loi no 101, dans le système d’éducation anglophone, où ils sont déjà de façon illégale. Quelle est votre réaction à cet appel de vos instincts humanitaires?]

[M. Lévesque:] Écoutez, on peut toujours avoir les meilleurs instincts du monde, illégal ça veut dire quand même illégal et dans le contexte actuel ça demeure illégal. Il y a encore toute la procédure judiciaire qui n’est pas épuisée, on verra selon ce qui se passera.

[M. Harris: Bernard Chabot.
M. Chabot: M. Lévesque vous avez dit le printemps dernier que le gouvernement n’était pas particulièrement entiché à l’idée de créer un Pétro-Québec pour créer un pendant à PetroCanada. Or, une rumeur qui semble devenir de plus en plus persistante veut que la Caisse de dépôt et de placement du Québec ait conclu une entente de principe avec BP Canada pour l’achat des actifs de BP Canada. Est ce que vous pouvez …]

[M. Lévesque:] Il y a déjà quelque temps – je sais que le premier interlocuteur était SOQUIP, c’est normal – que, pas seulement une, deux, peut-être même trois – je ne me souviens pas si c’était deux ou trois, mais au moins deux – compagnies pétrolières étaient à vendre, cherchaient à se débarrasser de certaines opérations, en particulier de leurs opérations de raffinage, distribution, etc, sur le marché canadien. D’ailleurs c’est vrai aussi à l’échelle du Canada: on se souviendra de Suncor en Ontario, Pétrofina qui a été payée deux fois le prix que cela valait sur le marché, pour fabriquer Petro-Canada; et, forcément, il y en avait une couple d’autres au moins qui cherchaient des interlocuteurs et de possibles acheteurs.
Quant à l’état du dossier, on a su hier que ce qui était d’abord une rumeur – on était en pleine réunion du Conseil des ministres – disait: Petro-Canada et une société d’État québécoise auraient mis la main sur BP. On attendait des précisions à la fin de la journée mais comme le Conseil des ministres a fini vers 19 heures, on ne les a pas eues et je n’ai pas eu le temps de vérifier ce matin. Je vous laisse donc sur votre appétit. Vous le saurez très bientôt, quelle que soit la nature exacte de l’opération, je ne l’ai pas encore.

[M. Chabot: Mais si une telle entente de principe avait été effectivement conclue, vous en auriez été informé.]

[M. Lévesque:] Pas nécessairement. Sur un principe qui est: Est ce rentable? Le principe qu’on avait établi c’était justement de ne pas faire une opération complètement farfelue, comme la création de Petro-Canada qui a flanqué 1 500000000 $ – dont à peu près la moitié était de trop – sur le dos des Canadiens, pour mettre une feuille d’érable à la place des enseignes Petrofina. Cela est absurde. C’est le drapeau en délire. On n’avait pas le droit de penser à des choses comme ça.
S’il y avait une rentabilité, il est évident qu’en principe – mais que ce soit une rentabilité la mieux assurée possible – on ne pouvait pas être contre l’idée. Maintenant, qu’est ce qui s’est passé exactement? Est ce vrai, est ce faux, ce que vous me racontez? Je ne le sais pas, je le saurai tout à l’heure.

[M. Harris: M. Jolivet et Jacques L’Archevêque.
M. Jolivet. M. Lévesque je voudrais vous parler du conseil national de votre parti qui se tient en fin de semaine à Montréal. À Hull, lors du dernier conseil national, les participants avaient entériné le principe d’une participation aux élections fédérales. En fin de semaine cela devrait se concrétiser. Est ce que de votre côté votre position a évolué de ce côté là?]

[M. Lévesque:] Non, ma position n’a pas évolué, parcequ’ elle a toujours été dans le genre: le principe de base qui est, je crois, que ce qui peut être fait – je répète ce que j’ai déjà dit, mais je pense que ça vaut la peine de le dire – valablement pour briser le carcan de parti unique dans lequel le public québécois est enfermé au niveau fédéral depuis une cinquantaine d’années et plus, c’est-à-dire qu’un poteau rouge, ou, éventuellement, des gens qui deviennent de pires carriéristes et qui oublient les intérêts du Québec – Dieu sait qu’on en a des exemples – aient une espèce de mainmise, comme s’ils avaient le Québec dans leur poche pour un seul parti, que c’est très mauvais et que si, valablement, le parti peut prendre part à l’élimination au moins partielle de cette espèce de folklore invraisemblable, tant mieux.
La façon de le faire, j’avoue que j’accompagne le débat, ça m’intéresse profondément, on verra comment cela va se dérouler au conseil national, mais ma religion n’est pas faite sur des formules techniques précises.

[M. Jolivet. Du point de vue stratégique, est ce que ce n’est pas plus intéressant pour le parti de maintenir ça comme une menace, plutôt que de prendre une décision définitive?]

[M. Lévesque:] Ce qui est intéressant pour le parti, c’est de s’entendre sur le fait qu’on doive avoir une participation la plus valable possible, avec au moins un but, qui est celui que je viens d’évoquer et qui, je crois, est une question de santé collective. Pour n’importe quel avenir, que le Québec soit souverain ou que le Québec continue pour X temps de faire partie d’un régime fédéral, je pense que c’est pour la meilleure santé collective, ce que j’évoquais tout à l’heure.
Pour ce qui est du reste, je sais une chose: Il n’y a pas de consensus suffisant dans le parti, sur une formule, pour qu’on puisse se jeter la tête la première, d’autant plus que ce serait très prématuré. Vous savez, on a eu nos assemblées annuelles de comté et parmi les sujets à l’ordre du jour, qui ont été suggérés pour faire partie de l’ordre du jour dans tous les comtés, il y avait ce sujet là: Comment faire pour mettre de la chair, de la viande sur le
principe qu’on doit participer? Le moins que je puisse dire c’est que ce n’est pas unanime, on est loin d’un consensus complet. Avec toutes sortes de nuances, cela a donné à peu près le résultat suivant: Autour de 70 comtés, je pense, se sont prononcés jusqu’ici. lis étaient plutôt favorables avec beaucoup de nuance et des précautions. Une trentaine, un peu plus de trente comtés étaient contre, là aussi avec des nuances. Je vous donne cela de mémoire. Un certain nombre de comtés n’ont pas encore fait leurs assemblées; donc, on n’a pas les résultats encore. Cela donne très nettement un résultat qui mérite qu’on continue d’approfondir cela. Ce n’est pas tellement stratégiquement ou tactiquement pour énerver les libéraux fédéraux, malgé que ce peut être un résultat accessoire qui ne manque pas d’intérêt.
Une décision comme celle là et tout ce que cela implique, quelle que soit la formule retenue, quelque formule que ce soit éventuellement, il me semble que cela mérite d’être vraiment étudié, approfondi et mûri aussi en suivant également la conjoncture. Il me semble que c’est un minimum de sagesse normale de dire qu’il ne faut pas trop précipiter les choses.

[M. L’Archevêque: M. Lévesque, j’aurai une deuxième question sur un tout autre sujet ensuite mais, d’abord, vous confirmez qu’il y aura de nouvelles compressions budgétaires. Or, les compressions budgétaires déjà en vigueur depuis une vingtaine de mois ont eu notamment pour effet de raréfier l’emploi dans les secteurs public et parapublic et, dans une moindre mesure, le péripublic. En même temps, vous parlez de débloquer des fonds à même les compressions budgétaires pour créer des emplois. N’y a t il pas une espèce de contradiction là?]

[M. Lévesque.] Oui, en apparence, il y en a une mais, en réalité, il me semble qu’il n’y en a pas sur le fond. C’est tout simplement qu’il faut qu’on ait des effectifs qui réussissent, dans les secteurs public et parapublic, où, d’ailleurs, ces compressions ont été faites de la façon la plus civilisée possible, en particulier, dans la fonction publique et dans les affaires sociales, … pour toutes sortes de raisons, de conventions collectives et de modèles quasiment industriels, doit y passer cette année, hélas! parcequ’ on n’a pas pu le faire avant. Tout cela est pour essayer d’assainir l’opération gouvernementale, autrement dit, l’emploi des fonds publics, ce qu’on pouvait se payer ou se qu’on croyait pouvoir se payer encore jusqu’à tout récemment, avec les habitudes acquises, on ne peut plus. Il n’est pas question que le secteur public garde une lourdeur et, par voie de conséquence, des coûts qui dépassent le moyen collectif de payer. C’est une chose et cela implique forcément une certaine réduction d’emploi, en tout cas, des réductions d’effectifs par les moyens les plus civilisés possible, à commencer par l’attrition.
D’autre part, qu’on essaie au maximum de dégager des ressources pour maintenir des emplois dans l’ensemble de la société ou en créer de façon au moins provisoire et de plus en plus permanentes, je l’espère, il me semble qu’il n’y a pas de contradiction là-dedans. Il faut quand même qu’il y ait une productivité dans la société, il faut que cette productivité soit l’une des clés comme jamais auparavant, pour les années qui viennent. Le sens de la productivité est de faire autant, sinon plus, avec peut-être moins de facilité d’argent que jamais auparavant. Je ne vois pas de contradiction; au contraire, cela assainit l’instrument essentiel qu’est l’État et cela peut, de plus en plus, dégager des ressources pour faire le reste du travail.

[M. L’Archevêque: Je passe à la deuxième question tout de suite pour accélérer. Un
règlement est intervenu il y a quelques jours et j’aimerais que vous nous en parliez, la question du commerce international.]

[M. Lévesque:] J’ai remarqué qu’on n’en parlait plus. C’est parcequ’ il y a un arbitrage, je ne pense pas que c’est un mystère, cela avait été annoncé, entre les principaux intéressés ministériels, c’est-à-dire essentiellement le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre de l’Industrie et du Commerce et du Tourisme par rapport à leurs collègues qui assument de nouvelles responsabilités et qui, nécessairement, impliquent un réaménagement. L’arbitrage s’est fait avec beaucoup de sérénité. Il a été accepté par les intéressés. Si possible, avant Noël, il y aura la création du ministère, la décision est prise qu’il y aura un ministère du Commerce extérieur, dont les articulations essentielles que vous connaissez, il faudra quand même un minimum de noyaux administratifs à même les ressources existantes, des transferts, si vous voulez. Cela va être arbitré par le Conseil du trésor, c’est normal, deux organigrammes, cela. Il y aura comme clé essentielle, l’Office québécois du commerce extérieur et, forcément, ce qui entraîne aussi le transfert sous l’autorité du ministère du Commerce extérieur, des conseillers économiques et commerciaux à l’étranger.
Il y aura un minimum – c’est important – de ce qu’on pourrait appeler de groupes de recherches et de communications. À partir de là, le ministère fonctionnera. Je pense qu’une des raisons pour lesquelles il n’y a pas de nouvelles explosions de coulisses qui se ramassent dans les moyens d’information, c’est que je pense que c’est un règlement équitable et qui va donner à chaque ministère la chance de se rajuster et de travailler ensemble convenablement.

[M. L’Archevêque: Une courte sous-question. La prochaine fois que vous ferez des modifications comme celles là, allez vous les régler avant?]

[M. Lévesque:] Je ne peux pas toujours tout régler avant. D’abord, la décision n’était pas prise. Vous allez voir un peu à quel point il fallait passer d’un ministre délégué, ce qui est une chose, comme vous le savez, à l’exécutif dans la structure à un ministère complet, [« full fledge »] comme on dit en anglais, mais quand même, de taille modeste, et, finalement, tout bien pesé, il me semble plus indiqué d’avoir un ministère. Partant de là, ça change un peu les perspectives, quand on peut. On essaie, mais on ne peut pas toujours. Je ne vois pas pourquoi annoncer les changements, le ministre et le ministère avant que ce soit le jour de l’annoncer. II est évident que dans les retombées, il y a certaines choses comme ça qu’il faut discuter.

[M. Falardeau: M. Lévesque, s’il y a des négociations pour éviter l’entrée en vigueur de la loi 70 n’aboutissent pas d’ici une semaine, est ce qu’il est possible que vous envisagiez la possibilité d’ouvrir les conventions par loi ou par injonction?]

[M. Lévesque:] Cela n’a pas été évoqué jusqu’ici. Si cela l’est, on ne vous en fera pas. Pour l’instant, on fait l’effort maximum. Tout le monde a eu instruction, du côté gouvernemental, de faire L’effort maximum pendant les jours qui passent pour, en particulier, en pensant aux bas salariés, petits salariés, essayer de chercher la voie d’un règlement. Si cela ne réussit pas, il viendra un moment où il faudra penser à autre chose, mais on a bon espoir quand même que cela peut réussir, sinon totalement, au moins en partie.

[M. Falardeau: M. Lévesque, vous allez tout faire pour éviter l’application de la loi 70 notamment aux bas salariés parcequ’ il y a autre chose qui est déjà prévu, c’est la loi 70.]

[M. Lévesque:] La loi 70 est là et elle va rester là. Il est évident que s’il n’y a pas de règlement avec les gens qui ne sont pas les bas salariés, ça va s’appliquer. Il n’y a pas de recul possible. On espère régler quelque chose de plus convenable que ce qui pourrait arriver pour les bas salariés, mais cela demande du « give and take », si vous voulez, un peu de donnant donnant aux tables et on a demandé qu’ils fassent l’effort maximum là dessus.

[M. Harris: M. Raynald Descoteaux.
M. Descoteaux: M. Lévesque, est ce que vous avez envisagé justement pourquoi la loi 70, l’idée suggérée par Mme LeBlanc-Bantey de dépasser le 31 mars pour la récupération des 521000000 $ ?]

[M. Lévesque:] Cela n’a pas été envisagé concrètement jusqu’ici. Comme je l’ai dit tout à l’heure dans la brève déclaration que je vous ai communiquée, tout ce qui pourrait être raisonnable peut être faisable financièrement – Cela est très modeste, ce que cela évoque comme perspective – on est ouvert. On ne demande pas mieux que d’avoir une sorte de possibilité de faire ça conjointement.

[M. Descoteaux: Donc, cela pourrait être envisagé.]

[M. Lévesque.] Écoutez, tout peut être envisagé à condition que ce soit raisonnable et que ça ne coûte pas au-delà de ressources très modestes qui avaient été prévues, d’ailleurs. Il n’y a pas de mystère là-dedans. Il y a un certain minimum, si vous voulez, de réserves qui avaient été mises en place dès le mois d’avril, d’ailleurs. Vous vous souvenez que le budget est venu au mois de mai, pour accompagner, si vous voulez, ce qu’on espérait être la possibilité de négocier cela dès l’été. Cela ne s’est pas réalisé. Moi, il y a quelque chose qui est possible encore de faire comme récemment, on a fait une offre au Syndicat des fonctionnaires du gouvernement qui aurait impliqué une dizaine de millions. C’est public. Dans ce genre de proportions, il y a encore moyen de faire quelque chose. Il s’agit de voir s’il y a des idées qui vont venir qui soient faisables, quoi! parceque l’idéal serait que cela se fasse conjointement par règlement.

[M. Descôteaux: Y a t il pour vous une date limite dans la négociation de cette question?
[M. Lévesque:] Il y a toujours une date limite, mais elle n’est pas fixée en ce moment.

[M. Descôteaux: Mais est elle avant le 31 décembre?]

[M. Lévesque:] Bahl On verra.

[M. Girard: M. le premier ministre, on vient d’ouvrir là-dessus une perspective qui est intéressante – et je voudrais bien la comprendre – parée que quand les 521000000 $ ont été décrétés par votre gouvernement avec la loi 70 et tout cela, c’était en prévision de boucler le budget pour l’année en cours qui se termine…]

[M. Lévesque:] Si vous voulez, avec pas plus de déficit qu’on peut s’en permettre…

[ M. Girard: Avec pas plus de…]

[M. Lévesque:] …et sans alourdir le fardeau fiscal de façon inconsidérée.

M. Girard: Oui – on est sur la même longueur d’onde – et cela va jusqu’au 31 mars 1983.]

[M. Lévesque:] C’est cela.

[M. Girard. Or, lorsqu’on évoque la possibilité d’étendre la récupération sur un plus grand nombre de mois que le 31 mars, il me semble que cela vient en contradiction avec les besoins du ministre des Finances pour boucler son exercice financier au 31 mars.]

[M. Lévesque:] Je viens de répondre à un de vos collègues que cela n’a pas été évoqué de façon précise et qu’on attend pour voir, finalement, s’il y a une volonté politique et dans ce cas là, une volonté de règlement qui soit à l’intérieur de certains paramètres. On peut évoquer beaucoup de choses techniques qui sont solides et qui peuvent être vivables à condition, encore une fois, que cela ne dépasse pas des limites très, très modestes de ce qui peut être disponible et que cela tienne compte de nos équilibres. Maintenant, je ne suis pas pour entrer dans la plomberie. Ils sont à la table en ce moment – c’est le premier jour qu’ils passent – pour voir s’il n’y a pas moyen d’en sortir.

[M. Harris: Daniel L’Heureux et Michel David.
M. L’Heureux: Oui. M. Lévesque, concernant le loi 70, le gouvernement commence t il à être conscient que la loi pourrait avoir des effets néfastes sur le fonctionnement même de la fonction publique si elle devait s’appliquer, c’est-à-dire créer un état de mécontentement qui réduirait la productivité?]

[M. Lévesque:] Je n’ai pas conscience de cela. Je suis convaincu d’une chose, que si vous vous donnez la peine, au-delà, je pense, des clameurs officielles orchestrées et normales, de parler à des gens qui sont sur le terrain, que ce soit dans la fonction publique, que ce soit aux affaires sociales ou que ce soit même dans l’éducation, vous allez trouver qu’il y a bien plus de gens que vous pensez qui se rendent compte du fait que quelque chose comme cela était nécessaire et que, s’il faut passer par là, il faut passer par là. Je ne crois pas que cela dégrade le climat d’aucune façon. Je pense qu’éventuellement, d’avoir contribué ainsi, pour leur part, à ajuster mieux une situation difficile, il y aura plutôt un certain sentiment de fierté qui finira par surnager bien plus qu’autre chose, mais évidemment, quand on est au milieu des clameurs, cela ne paraît pas. Seulement, si vous vous donnez la peine de parler à des gens – vous en connaissez sûrement à Québec, vous êtes stationné – et que vous ne choisissez pas seulement ceux dont le mandat même est d’être contre, vous allez trouver qu’il y a bien plus de prise de conscience, beaucoup plus de réalisme et une capacité de productivité ou de dévouement, si vous voulez, à la tâche que vous semblez l’évoquer.

[M. L’Heureux: Sur la question de l’aile fédérale, j’aurais besoin d’un complément de réponse. Etes vous totalement solidaire de la proposition qui va être faite par l’exécutif du parti ou si cela représente ce qu’on pourrait appeler le plus loin que vous êtes prêt à aller dans le dossier ou si vous avez des réticences à cette proposition, telle qu’elle est là?]

[M. Lévesque.] Il y a deux choses là-dedans. C’est seulement une question de fait. Pour des raisons de force majeure, je n’ai pas pu être à la réunion de l’exécutif où on a endossé cette résolution, parceque c’est une résolution – c’est dans les structures d’organisation du parti – qui émane, à peu près telle qu’elle, sauf erreur, d’un comité qui avait été nommé par le conseil national lui même. Autrement dit, cette résolution vient d’abord de ce comité au conseil national qui l’avait formé.

[M. L’Heureux: Oui, mais elle a été endossée par l’exécutif.]

[M. Lévesque:] Elle a été endossée par l’exécutif. Comme je n’y étais pas, j’aurais peut-être eu quelques idées d’amendements, mais ne suis pas pour les évoquer en ce moment. On verra ce que donnera la discussion au conseil national.

[M. L’Heureux: Mais telle qu’elle est là, cela représente t il, par rapport à ce que vous nous avez dit tout à l’heure, le plus loin que vous pouvez aller ou si vous avez des réticences face à celle ci?]

[M. Lévesque:] Si j’ai quelque chose à dire d’un peu précis là-dessus, si vous permettez – parceque je sais que cela crée toujours toutes sortes de distorsions, des petits points de suspension, des sous-entendus et de belles interprétations – samedi matin, le peu que j’aurai à dire, je le dirai à l’ouverture du conseil national.

[Des voix: Ah! Ah!]

[M. Lévesque:] Je connais cette soupe là depuis assez longtemps.

[M. Harris: Michel David.
M. David: M. Lévesque, au lendemain de la réunion de Pointe-au-Pic, les négociations nationales avaient l’air beaucoup plus imminentes qu’elles le sont maintenant. On semble les avoir remises sine die. Est ce que vous en avez…]

[M. Lévesque:] Quelles négociations?

[M. David: La ronde de négociations nationales, dont vous parliez dans le communiqué de Pointe-au-Pic et dont vous parlez encre aujourd’hui, semble être remise sine
die. Est ce que c’est que vous en avez conclu que le climat de négociation actuel empoisonnait tellement l’atmosphère qu’elles ne sont plus possibles?]

[M. Lévesque:] Je ne comprends pas votre question. Cela fait déjà plusieurs jours que les gens se rencontrent et qu’ils sont en négociation. On n’a pas l’impression que ça avance à un galop infernal, mais ils sont en négociation, ils sont à la table. Déjà on a demandé depuis quelques jours – ça devait être transmis – qu’on mette l’accent au maximum, que la première de toutes les priorités soit de voir comment on peut ajuster – surtout en pensant aux bas salariés – l’application de la loi 70. On était ouvert à des suggestions, à des idées, pourvu qu’elles soient dans certaines limites qui sont vite atteintes. On espérait depuis le mois d’avril qu’on puisse ajuster ça ensemble. Ils sont à la table et on va voir les résultats d’ici quelques jours, mais ça fait déjà plusieurs jours que les parties sont à la table.

[M. David: Est ce que ça va se traduire par une conférence au sommet à un moment donné?]

[M. Lévesque:] Non, là, il ne faudrait pas confondre les torchons et les serviettes je m’excuse, mais… – d’une part, il y a une ronde de négociation, pénible, laborieuse comme toujours dans un système qui, à mon humble avis, a un rendement terriblement décroissant depuis le temps que ça dure, mais on l’a comme ça et il faut le vivre comme ça jusqu’à nouvel ordre. Cela continue et on espère que ça va s’accélérer. En fait, c’est beaucoup plus vite que les autres fois, sauf que c’est plus difficile, ça c’est bien sûr, parceque le gouvernement est en demande massivement dans plusieurs secteurs, ce qui n’est pas arrivé souvent, mais ça marche. Quand on parle de sommet éventuel – d’abord ce n’est pas la première des priorités, c’est le moins que je puisse dire – c’est que ça c’est sur l’autre plan qui est: Qu’est ce qu’on peut faire ensemble avec des interlocuteurs, qu’on appelle les grands agents économiques, c’est-à-dire monde du travail organisé et le monde patronal, le monde de l’entreprise, pour voir comment pourrait ensemble essayer de mettre en marche de nouveaux efforts pour maintenir l’emploi ou en créer d’autres, aider à consolider certains secteurs qui ont beaucoup de difficulté? Enfin, c’est ça qu’on explore en ce moment. Et que ça mène un jour sur d’autres questions, parce
passé, c’est ça que ça veut dire – le plus vite possible, et visant des secteurs qui en ont particulièrement besoin ou des groupes d’entreprises qui en ont particulièrement besoin.
Cela peut mener aussi – peut-être plus vite que plus tard, mais, ça, il faudra que ce soit évalué – à une sorte de conférence au sommet, mais sans les fla-fla traditionnels – on n’a ni le temps ni les moyens de faire des organisations qui durent pendant des mois – sur certaines questions d’intérêt général. Cela peut mener à une conférence plus sommet, si vous voulez, mais ce n’est pas ça qui presse le plus. C’est un autre domaine et je vous soulignerais une chose que je trouve extrr ordinairement importante, c’est que, en dépit d’affrontements inévitables qui accompagnent les négociations de secteurs public et parapublic, qui sont reliés quand même à des grandes centrales syndicales, ce qu’on appelle le front commun, donc, en dépit de ce climat tendu – c’est inévitable – il y a quand même une ouverture à parler d’autre chose du côté économique, à parler de relance ou en tout cas de maintien de l’emploi, etc., qui se fait parallèlement.
Il y a eu des contacts préliminaires – je vous l’ai dit – il va y en avoir d’autres de plus en plus pressants. Jusqu’ici, nos interlocuteurs – on peut parler d’une chose – les négociations ne peuvent pas ne pas les intéresser… On a dit ce qu’on avait à dire là-dessus, maintenant qu’estce qu’on peut faire dam d’autres secteurs? Cela se maintient et, si ça peut se maintenir, c’est assez extraordinaire, si ça peut donner des résultats aussi, c’est encore mieux.

[M. Harris: Dernière question en français. M. Noreau.
M. Noreau: M. Lévesque, deux questions concernant la CTCUQ. Comment expliquer qu’il y a urgence maintenant, après quatre jours de grève, et qu’en 1979 on a toléré ça pendant neuf mois?]

[M. Lévesque:] On espérait peut-être. Il faudrait que je retrouve mes souvenirs. D’abord, on n’était pas dans le même genre de crise économique qui fait que si vous regardez, par exemple, j’ai vu quelqu’un hier qui a dit: Comme je ne pouvais pas faire du pouce, j’ai été obligé de venir à mon travail en taxi. C’est un petit employé qui ne gagne pas beaucoup. Ce n’était pas ici, c’était dans le secteur privé. J’en ai vu quelques uns comme cela et on est en plein contexte de crise économique cette fois ci.
Il y a également, sauf erreur, des milliers d’écoliers qui n’étaient pas reliés directement au transport en commun et qui le sont maintenant. Tout cela fait qu’il y a un autre genre de climat. Peut-être qu’on espérait en 1979 – tu espères toujours, cela coûte cher une grève et, si elle dure longtemps, cela coûte cher à tout le monde – que cela suffirait pour qu’on ne retombe pas là-dedans aussi vite. Mais là on est pris dans un contexte où on le sent – je pense qu’il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas le sentir – que cela va presser autrement plus vite qu’en 1979.
[
M. Noreau: Par ailleurs, l’implication de MM. Bouchard et Boivin dans le conflit, est ce que cela ne paraît pas comme l’ultime démarche avant l’imposition d’une loi spéciale?]

[M. Lévesque:] C’est l’ultime démarche jusqu’à mardi prochain, alors qu’on verra où on en est.

[M. Girard: Même scénario que la CTCUM l’an passé.]

[M. Lévesque:] Il y a des ressemblances.

[M. Harris: François Richard et Ralph Noseworthy.
M. Richard: Sir, you say there is no consensus on entering federal politics, but many MNA’s and, as Marcel Léger says, 77 ridings are for it. Basically, did Mr. Lalonde’s financial statement yesterday convince you that it is one more reason to enter federal politics?
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M. Lévesque: No. The basic reason – but I am giving you a personal opinion – that I can see, not necessarily the same as others or the only one, is that there has been a sort of oneparty system in Québec for too long, for over half a century, which has been that the Liberal Party has finally considered, with party hacks all over the place that Québec was a sort of rotten borough and that they could count on it for ever.
That has to be broken eventually and I think, whatever the futur, whether Québec is independent or whether Québec still remains for X time in the federal system, such as it is, that for any kind of futur it would be good to participate in some way or another, but actively in breaking that stranglehold of a one-party set-up. That is my personal opinion.
How to do it is still being discussed. There are, I said, over 70 – it ties in with what you said, but with a lot of nuances – ridings that have voted, not necessarily overwhelmingly, to say: Well, we should go a little further. Quite a few because it is a big minority, over 30, have said no. But there are nuances there too. Some others have not been heard from yet. So when I say there is no consensus in the sens that it is not like a surge forward of everyone for the moment, and since we are quite possibly at least two, maybe three years away from a federal election there is no panic button to be pressed. So, I think the best thing to do is to find out how the discussion moves in the parties, especially during the weekend when it comes up.
M. Richard: My second question is on negotiations. You say that the system is inadequate. In the eve of crucial votes, especially in the social affairs sector, is it not your message that there will have to be less talk and more action, meaning actually a sort of a decree from the government?
M. Lévesque: No. All I have to repeat on that or to explain just a bit, is that I think it is a general agreement among participants from the government’s side that it is, much of it, an incredible waste of time and energy for something that could be done more simply and more effectively. But, the tradition has been built around that so-called round of negotiations. There are specialists in French they do not say « négociation », they say: « la négo ». There is a sort of folklore around that. It becomes a sort of reason for existing for some people. Well, that I think is obviously, not just obsolete, but incredibly costly in terms of time and money. It costs a few million dollars to gather all those people and keep them there in a sort of hothouse atmosphere with all the dangers involved; and it is seems to lead more fatally, as time goes by, to confrontation all the time. You know, as a sort of strategy sometimes. Somebody says it will be time for a two hours strike might help . Maybe a one day general strike, it might help… Maybe a one day general strike will be an additionnal tool. Well, I think all of that is becoming rather sick.
M. Richard: Are you not ruling out then a decree before the end of the year?
M. Lévesque: For the moment, there are negotiations. People are talking to each other.
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They are at the tables. We have given them, from our side, an urgent directive to address as a first and exclusive priority in the next few days, the possibility of doing a reasonable ajustment of bill 70 as far as the small employees – I mean in salary terms – the lower salaries and the people getting a better getting them get a better deal possible as long as there are reasonable suggestions that we can look at. For the moment, that is it.
M. Harris: One brief question. Mr. Ralph Noseworthy.
M. Noseworthy: OK. To talk very briefly to what Mr. Lalonde stated last night, you are encouraged. Do you think something concrete will come out of this very quickly? M. Lévesque: Better late than never.
M. Noseworthy: Do you expect…
M. Lévesque: We do not know yet what the details are going to be, especially in the field of job creation, job maintenance, let us say, or job protection, because there is a special amount of 500000000 $ . There is also, I think, an additional amount of 150000000 $ in things that have to do with housing or maybe 200000000 $ in two programs. But how they can be dovetailed with what is being done in provinces – I am thinking about Québec – you know, for months and months, we have been literally crying for some merging of programs, so that we can maximize the results. Since we do not have the details, all we have is Mr. Lalonde’s rather general description, the first urgency is to find out what the details are. Mr Axworthy was here a couple of days ago, but it did not come up because it was a big secret as usual, I suppose. Now we will try to find out and if we can manage to dovetail things, so that they give better results, so much the better. We have our doubts until proved to the contrary because experience, you know, has not been very fruitful up to now.
M. Noseworthy: Certain topics with what Mr. Fraser asked a few moments ago, the 1600 illegal students still in English school system. Some schoolboard authorities are asking for special consideration for these students to let them remain in the English school system.
M. Lévesque: The simple fact that you say illegal, as long as there is a law, I do not see how we can tolerate something which is illegal, but, as you know, there are court procedures that are far from finished. For the moment, the law applies. That is it. We can not say any more.
M. Noseworthy: OK. A very quick one. Would you say the common front negotiations are handicapping, cripplying the efforts to improve the economy?
M. Lévesque: Well, there is one thing which, I think, is rather extraordinary. It is sure that, on account of all the energy it mobilizes, it has a hampering effect, but that is inevitable. We think the system itself is a bit obsolete, you know, the whole process, to say the least. But one rather extraordinay thing is that it has been verified over the last few weeks, and, in fact, we had the indication of that, even at Pointe-au-Pic, last month… It is that, while, on the one
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side, we are in a period of some confrontation especially with our union interlocutors, after all, the same big unions are more or less all of them are involved in the common front thing which means that there is a tenseness there; but at the same time there is a possibility of dialogue
and of even looking at concrete possibilities, at concrete projects wherever they can be usefull jointly, and that, if we can maintain it, is rather promising. I cannot guaranty anything, but we are having meetings, and up to now it seems to be confirmed by results that we can talk about negotiations or have a sort of give and take on that with our interlocutors or our partners, and agree to desagree, and then looking at the other aspects of things, the economic crisis, what we can do to work on it or try and alleviate its results, the minds are open. We can count on that until further notice and I hope it remains that way.
M. Harris: Last question for time …
M. Kennedy: Mr. premier, discussing ways to raise funds for job creation program among other things, has the possibility of allowing the deficit to rise substantialy, ever been seriously considered?
M. Lévesque: Substantialy, no. Did you listen to the Federal minister yesterday saying that that incredible 24000000000 $ – more or less, which may be more before we get to next March – is supposed to be more or less 70% on account of falling revenues? Well, in a smaller way because we are a province, we are facing the same phenomena. You learned very recently that something like 175000000 $ , which takes us beyond the 3000000000 $ mark, not seriously or dangerously for the moment, has to be added to the deficit, on account basically of interest rates, one, but falling revenues. It seems we are still months away from March. It would be incredibly dangerous, imprudent to start adding to that deficit through our own initiative or through concessions of any kind, because for the moment it is balancing more or less as forecast, but with dangerous aspects in the economic situation itself. So, as we say in French, « Il n’y a pas de folie à faire ».
M. Daigneault: Mr. Premier, two brief questions. You have announced you want ministries to role back by 15% of their budgets.
M. Lévesque: No, no, no. Very simply, what we have said was: list your whole budget by programs, by sectors, in order that you get to a 159b at the tail end, which is the least of priorities or the less priority of priorities. In other words, what is less essential – it is always a very painfull thing because for all departments usually everything is essential – but the exercise had to be done, it was done willingly and now, out of that especially, some decisions will have to be made because we have to face some further restraints.
M. Dagneault: The last question is: When are you going to ask the Alliance of Quebec on modification of bill 101?
M. Lévesque: Next week.
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M. Dagneault. Next week? M. Lévesque: Yes.
(Fin de la conférence à 12 h 28)]

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