[(Treize heures quarante-deux minutes)]
[M. Lévesque:] … ce qu’on peut appeler l’avant conférence fédérale-provinciale sur l’économie. Pour ce qui est du premier sujet, il y a une lettre de M. Fréchette qui vous est parvenue, qui vous a été distribuée et qui, en ce moment, est rendue ou soit en route vers 419559 foyers ou des couples sont bénéficiaires d’allocations familiales.
Quant à nous il s’agissait, dès le début, dans le budget de 1981-1982 qui avait été rendu public avant la campagne électorale, d’une première étape importante, pour un gouvernement, de politique familiale; évidemment, c’est très complexe, mais pour nous ça nous paraissait une clé, une étape majeure. Cela a été placé dans le budget de 1981-1982 et puis cela a été, si vous voulez, consolidé juridiquement par la loi 29 qui a été adoptée juste avant Noël. On est forcément aux prises, là comme ailleurs, avec les affres, des contraintes budgétaires. On a dû réduire de 100 $ pour le premier enfant ce que représente cette allocation. C’est ça qui a fait la manchette. C’est le seul aspect de toute l’affaire qui a retenu votre éminente attention. Il me semble que ça mérite un peu plus. Je connais bien le bon vieux proverbe du journalisme: Mauvaise nouvelle, c’est de la nouvelle. La bonne nouvelle, ça saisit moins.
Il y a quand même 419559 bénéficiaires qui sont des familles qui reçoivent des allocations familiales. Juste pour vous indiquer que ça peut intéresser des gens qui en ont besoin, lundi je faisais une ligne ouverte dans le comté de Taillon, une journée que je passais dans le comte, et à un moment donné il y a une jeune femme, la voix était jeune, qui a téléphoné et qui était plus ou moins perdue. Justement la lettre de Fréchette, la décision n’était pas encore annoncée, sauf que les gens qui ont des problèmes et qui ont des charges d’enfants, ils n’oublient pas. Elle voulait savoir si quelque chose du genre s’en venait. J’ai demandé, sans indiscrétion, je ne savais pas son nom, quelle était le situation familiale. Elle a dit: On est une famille à revenu unique. Vous allez comprendre pourquoi. On a quatre enfants. J’ai dit: Quel âge ont ils? C’est un des 11713 jeunes foyers au Québec, pour la plupart, qui ont quatre enfants et ça tombait que c’étaient quatre enfants de six ans et moins. Six ans, quatre ans, trois ans et un an et demi. Avec un revenu unique de 18000 $ par année. Évidemment, avec une charge de quatre enfants en bas âge, c’est plus ou moins facile de s’imaginer qu’on peut combiner les revenus surtout ces premières années. Cette dame et son mari font partie des 420000 ou à peu près – personnes pour qui c’est important, cette allocation, même si on a dû réduire pour le premier enfant. Cela va être dirigé vers 295000 – j’arrondis les chiffres, je m’excuse, je n’ai pas pu les apporter, mais vous pouvez les avoir du ministère du Revenu – familles avec un enfant qui devraient recevoir pour 1981-1982 un retour, si ces familles optent pour l’allocation de disponibilité, – il y a une option possible – 300 $ pour un enfant. Il y en a 112800 – 112711 exactement – avec deux enfants qui peuvent recevoir 500 $ et 11447, avec trois enfants, qui seraient bénéficiaires de 600 $ par rapport à leurs trois enfants et, comme je l’ai dit, 713 exactement au dernier décompte avec quatre enfants de six ans et moins. Évidemment, il s’agit d’enfants tassés au point de vue naissance et qui recevraient 700 $ plus, évidemment, 100 $ de plus. Il y en a 52 avec cinq enfants – il doit y avoir des jumeaux ou des triplets – de six ans et moins qui, normalement, recevraient 100 $ de plus, 800 $ . Finalement, pour ceux qui cela intéresse, il y a deux familles qui ont six enfants de six ans et moins qu’on a repérées au Québec, dans les statistiques, qui recevraient forcément 900 $ . Parmi ces gens, il y a 340000 bénéficiaires qui
par l’impôt dont le coût était de 18000000 $ par année, aux derniers chiffres, touchait 76000 contribuables seulement. Donc, il y en a 340000 qui sont des nouveaux bénéficiaires à cause de ce nouveau programme et c’est un programme, même si, hélas! il a fallu couper pour le premier enfant, qui va coûter environ 140000000 $ . C’était un engagement ferme. C’était budgétaire. Il a fallu le réduire. On le regrette. On espère rétablir peut-être le plus vite possible les quanta qui étaient fixés, mais quand même, c’est 140000000 $ et un peu plus. Si on ajoute le fait que les gens ont le choix… parcequ’il y a des gens avec des revenus suffisamment élevés pour pouvoir préférer déduire les frais de garde de leur impôt. Ils ont le choix des deux formules.
Mes prévisions, c’est qu’il y en a probablement 30000 – parceque là, on ne peut pas choisir à leur place couples ou familles qui choisiraient l’ancien système des déductions de frais de garde. Mais pour les 300000 autres et plus, très évidemment, c’est plus avantageux pour elles de choisir le nouveau programme. Ce qu’il est important de souligner, peut-être au poin’t., de vue des perceptions sociales, c’est que c’est un programme qui est neutre dans le sens suivant, que la femme travaille, dans un couple, au foyer ou à l’extérieur, selon le rang des enfants dans la famille, tout le monde est autorisé à se prévaloir de ce programme. Il nous a semblé, sans entrer dans plus de détails – tous les bénéficiaires vont être avertis ou sont avertis – que ça méritait un peu plus quand même que le titre qui dit: Il y a eu une réduction de $ 100 pour le premier enfant.
C’est vrai, c’est malheureux, mais il reste que dans une situation budgétaire comme celle qu’on connaît, cela a été douloureux. Pas besoin de vous dire qu’il a fallu l’examiner et le réexaminer pour voir comment on pouvait entrer ça dans ce qui reste de disponibilités budgétaires. Il faut que ça commence à s’appliquer tout de suite, au rapport qui va entrer, de 1981-1982. Cela explique aussi pourquoi il a fallu, jusqu’à la dernière minute, évaluer, discuter, pour voir ce qu’on pouvait faire, pour commencer, substantiellement, à réaliser ce programme. Le résultat, c’est celui que je viens de vous donner.
[M. Girard. Il n’est pas imposable, ce programme.]
[M. Lévesque:] Non.
[M. Girard: J’ai une petite question à vous poser. Est ce qu’il n’avait pas été question de l’étendre aux enfants de 10 ans et moins?]
[M. Lévesque:] C’est normal, parceque quand tu dis, 6 ans et moins, que tous les gens qui ont des enfants de 7 ans et moins se demandent: Pourquoi pas nous autres? Et ceux de 10 ans et moins aussi. Tant mieux si ça peut être fait un jour, parcequ’il y a une des clés d’une politique familiale qui peut être encore choisie pour les gens, le genre d’occupation des deux parents, un au foyer, l’autre à l’extérieur, deux qui travaillent, c’est ouvert à tout le monde. Si, un jour, ça peut être étendu, tant mieux. Pas besoin de vous dire qu’avec la situation budgétaire actuelle, on ne peut pas voir ça dans l’horizon immédiat.
[M. Girard: Mais la promesse ferme n’a pas été faite, c’est ce que je veux…]
[M. Lévesque:] Non, pas que je sache. En tout cas, je n’y ai pas participé.
[M. Marsolais: La déduction de $ 100 implique une économie de combien, en millions?]
[M. Lévesque:] C’est à peu près 40000000 $ .
[M. Marsolais: À peu près 40000000 $ .]
[M. Lévesque:] Autrement dit, au lieu d’être autour de 140000000 $ , cela aurait été autour de 180000000 $ et cette année, on ne peut pas. Enfin, il faut serrer là comme ailleurs. Vous admettrez que 140000000 $ et plus qui demeurent dans le programme, c’est quand même un gros morceau.
Je pense que pour beaucoup de familles, comme, par exemple, la jeune femme qui m’appelait l’autre jour, il faut savoir compter quand même. C’est de l’argent qui, au point de vue économique, pour des revenus modestes, a quand même une importance immédiate. Ce n’est 20000 $ par année, avec deux, trois ou quatre enfants de cet âge, tout ça est dépensé, c’est-à-dire que ça va directement dans le circuit économique , ce qui, quand même, je crois, au point de vue économique, est un facteur positif. Il y a des gens à plus haut revenu pour qui cela ne veut rien dire ou à peu près, mais, pour des
gens à revenu modeste avec des enfants et qui ont le courage d’accepter la charge de leurs enfants, je n’ai pas besoin de vous dire que cela va répondre à des besoins qu’on peut appeler quotidiens.
[Une voix: Deuxième sujet?]
[M. Lévesque:] Oui, est ce que cela va pour cela? En tout cas, si vous voulez des chiffres plus précis… Ceux que je vous ai donnés sont ceux qui ont été compilés. J’ai arrondi ici et là comme 500 avec 447, mais ce sont les chiffres des bénéficiaires qui ont été rejoints, aussi nombreux qu’ils soient, par les communications un peu tardives, mais c’est encore temps pour les rapports d’impôt, et qui se sont présentés. La formule n’est pas là, mais c’était par la lettre envoyée par M. Fréchette. Soit dit en passant, je soulignerais que ce n’est pas du nouveau. M. Clair avait commencé à travailler dans ce sens; cela continue. C’est une lettre que les profanes… Enfin, je l’ai lue et j’ai dit: Je comprends pour une fois. Dans le jargon traditionnel de certains ministères, des fois, les informations au public avaient tendance à plutôt être faites pour, on dirait, entretenir plus de confusion que pour lui permettre de savoir de quoi il s’agissait. Là, il y a un style, je pense, très clair, très net. N’appelons pas cela une réforme, mais c’est une espèce de tendance qu’on voudrait accentuer au maximum d’un ministère l’autre, en particulier dans des ministères comme celui du Revenu qui, évidemment, touche directement tous les citoyens.
[M. Girard: M. le premier ministre, puisque vous abordez cet aspect – je suis assez heureux que vous le fassiez – lorsque la nouvelle a été annoncée que l’allocation serait disponible, mais qu’elle serait réduite, si on avait eu la lettre en même temps, on aurait pu immédiatement donner les caractéristiques vitales pour l’accessibilité au programme, parceque , vous avez raison, dès le lendemain, je recevais des appels téléphoniques demandant des détails, comment cela allait s’appliquer, quand et comment l’obtenir.]
[M. Lévesque:] Je viens de vous dire qu’après l’adoption de la loi habilitante, si vous voulez, la loi 29, si j’ai bonne mémoire, adoptée à la veille même des fêtes, il a fallu reprendre très vite la discussion sur les quantums, la possibilité de réaliser vraiment… Vous vous souvenez qu’il n’y avait pas de chiffres dans la loi. On ne pouvait pas les inscrire; on ne savait pas ce qui serait disponible. Après les fêtes, il y a eu pas mal de discussions jusqu’au moment où la décision a été prise littéralement à la onzième heure et cinquante-neuf minutes, parcequ’il faut tout de même que cela rejoigne les citoyens avant qu’ils fassent leur rapport d’impôt et qu’ils sachent de quoi il s’agit. La lettre de M. Fréchette, incorporant les décisions, est partie à peu près en même temps que la décision ou le lendemain, à la toute dernière minute. Par souci, je pense, tout simplement de précision ou d’honnêteté, si vous voulez, M. Parizeau et M. Fréchette se sont entendus pour commencer – je ne pense pas qu’ils auraient refusé de donner des renseignements additionnels – par souligner que c’était en marche, mais que, hélas! il avait fallu dimimuer de 100 $ dans le cas du premier enfant.
L’autre sujet, très rapidement, il y a deux textes qui le concernent. C’est la conférence fédérale-provinciale sur l’économie, la semaine prochaine. Le premier texte, c’est la réponse à M. Trudeau, qui m’a communiqué comme vous le savez, ses dernières décisions en ce qui concerne l’ordre du jour, la façon d’aborder les sujets, il y a quelques jours. Vous avez la réponse que je lui ai fait parvenir, pour situer tout ça, pour être sûr qu’on voit simplement l’échéancier.
Comme vous le savez, la conférence s’ouvre mardi prochain. Dès lundi soir, le premier février, MM. Parizeau et Landry, qui sont les deux pilliers, avec votre serviteur, de la délégation, donneront un « briefing », comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire des explications ou le plus d’arrière-plan possible sur la participation québécoise, à tous ceux qui seront intéressés, cela se fera à Ottawa. Parmi les ministres qui vont être appelés à venir nous rejoindre, mais sur des sujets plus sectoriels, il y a M. Biron, ministre de l’industrie et du Commerce, M. Jacques-Yvan Morin, en ce qui concerne le développement scientifique, qui est un des sujets sur lequel on veut insister, et M. Michel Clair, dans le secteur des transports, qui est un des sujets fondamentaux, c’est une infrastructure en économie comme ailleurs, et qui va lui aussi être nécessairement abordé et sur lequel on voudrait souligner plusieurs choses.
Comme vous le savez, la conférence a lieu les 2 et 3 février, avec prolongement possible, même probable, le jeudi 4 février. En tout cas, il y a au moins les 2 et 3 février.
Est ce que vous avez eu le deuxième texte? Ça va nous expliquer, quand vous lirez la lettre à M. Trudeau ou le télex, qu’il y a un certain, ce qu’on appelle un sain scepticisme dans cette lettre, parcequ’on est obligé de se demander s’il s’agit d’une opération purement cosmétique, de chirurgie plastique, si vous voulez, pour le fédéral, autrement dit, si on fait semblant ou bien si on est sérieux. parceque les communications émanant de chez M. Trudeau en particulier sont toutes remplies de mots ravissants à lire: coopération, coordination, bonne volonté, mais les chats échaudés craignent l’eau froide, et il y a à cela certaines raisons. Pour nous du Québec, la priorité, puisqu’on parle d’économie, ce n’est pas à moyen terme, ce n’est pas pour l’an 2000, c’est dans l’immédiat. Il y a une situation d’urgence en économie, ici comme, hélas, ailleurs, un peu partout, et dans cette priorité économique se trouve l’emploi, c’est-à-dire de créer de l’emploi chaque fois qu’on le peut et aussi – et c’est devenu angoissant – de maintenir de l’emploi qui est en train de disparaître à un rythme sans précédent à l’échelle du pays et à l’échelle … Enfin, il suffit de voir le nombre de chômeurs dans certains pays européens qui n’avaient pas l’habitude ou aux États-Unis; enfin, c’est, on peut dire, une crise occidentale. Il ne s’agit pas de la dramatiser plus qu’elle ne le mérite, mais elle mérite au moins certainement de ne jamais être oubliée.
Dans cette crise, la chose la plus cancéreuse qui arrive – parceque ce sont les impacts personnels, sociaux et cela reflète négativement l’économie – c’est la crise de l’emploi. Or, on est bien obligé de souligner – c’est entre les lignes de la lettre que j’envoie à M. Trudeau – on ne manque pas d’espoir, il faut toujours espérer, mais on est obligé de souligner que sur ce plan là comme sur d’autres, Ottawa et ses politiques constituent ce qu’on peut appeler un triple obstacle de taille. Un triple obstacle pour les raisons suivantes: Premièrement, à cause de l’obsession monétariste dans laquelle ils sont littéralement noyés depuis trop longtemps. Depuis une couple de semaines, il y a une certaine baisse des taux d’intérêt, tout le monde laisse entendre – et je vous jure que cela crée une sécurité extraordinaire pour les mois qui viennent – que ça va remonter, ce ne sera pas long, mais, de toute façon, depuis le milieu de l’an dernier jusqu’à peu près la fin de 1981, cette politique de taux d’intérêt, cette espèce d’obsession constante, a servi non pas à guérir la maladie, mais à presque tuer le patient. En tout cas, cela a saboté l’économie dans à peu près tous les secteurs et c’est comme si on ne comprenait pas encore.
Deuxièmement, il y a une réduction des paiements de transfert qui touchent les accords fiscaux, la péréquation, enfin toute cette plomberie, qui représente, sur cinq ans, des centaines de millions de plus ou de moins par année, selon la façon dont c’est traité, avec équité ou autrement. Or, du côté de ces paiements de transfert, les intentions du fédéral sont bien connues. On semble chercher littéralement à affamer les provinces, le Québec, les Maritimes aussi d’ailleurs, en particulier, pour, autrement dit, c’est vraiment comme jamais auparavant, essayer soi-disant de pelleter sa neige dans la cour du voisin, c’est-à-dire, prétendument pour diminuer le déficit fédéral, on menace d’envoyer des centaines de millions de coupures par année dans les budgets déjà serrés, comme vous le savez, des gouvernements provinciaux. Il n’y a pas eu d’entente jusqu’ici; on est même obligé d’accepter tout ce que M. Trudeau propose – on espère que ce n’est pas pour escamoter le sujet – qu’en pleine conférence des premiers ministres, c’est-à-dire la journée de mercredi, la deuxième, les ministres des finances soient convoqués à se réunir de nouveau parcequ’ils n’ont pas pu s’entendre jusqu’ici de façon substantielle.
Comme troisième obstacle à une reprise économique avec des moyens sérieux, il y a ce qu’il faut bien appeler l’incohérence généralisée, caractérisée aussi de la gestion économique du fédéral depuis trop d’années, une espèce de contradiction invraisemblable. Pour donner un exemple… il y en a, il en pleut, on n’est pas rendu à la conférence, et on n’a pas l’intention d’aborder cela de façon hostile, enfin il faut dire crûment les faits tels qu’on les voit.
Un exemple très simple, je me suis fait poser des questions il y a quelques jours – franchement il faut le faire – suite à des augmentations de 30%, 40% des parlementaires Québécois parceque très souvent ceux qui sont loin on ne les voit pas; ils ont une espèce d’immunité, d’invisibilité que je trouve extraordinaire. Comme vous le savez, les parlementaires au Québec ont été gelés pendant un an depuis les cinq dernières années depuis quatre ans ou à peu près ils ont 6% au maximum d’intérêt dans une société où on pensait que cela donnerait un bon exemple, il y avait une certaine naïveté; ils ont perdu autour de 20% peut-être plus de pouvoir d’achat sur les quatre années, ça rouspété, mais on a tenu le coup, et les ministres se trouvent par voie de conséquence à avoir été gelés pendant cinq ans de suite au point de vue de leur rémunération ministérielle, et le reste à l’avenant.
A Ottawa, tout en prêchant aux gens de se serrer la ceinture, dans les douze derniers mois là par exemple ont a haussé les traitements de 45% en un an, aux dernières nouvelles. Les
questions, c’est plutôt là, en ce qui concerne les parlementaires, qu’il faudrait les adresser, mais je trouve invraisemblable qu’il y ait cette confusion. Je vous jure qu’aussitôt qu’il est question des traitements des parlementaires à Québec, et c’est un sujet légitime, il y a eu
deux éditoriaux à chaque fois qu’il y a une rumeur, là où il y a eu cette annonce
là dans la plupart des journaux, 45% d’augmentation en 12 mois à Ottawa, mais ça préoccupe personne, ils sont loin. C’est ce que j’appelle une espèce d’incohérence, et de [« credibility gap »] comme on dit en ce qui concerne le gestion économique, et les principes et leur application.
Vous avez le titre qui est celui de la grande conférence fédérale-provinciale sur
depuis sur l’économie – 15 février 1978.
Comme on est tous portés à avoir la mémoire courte – c’est normal, la mémoire est la faculté qui oublie – derrière cet en tête, on a juste fait relever quatre passages de cette conférence et d’une autre grande réunion économique, un peu le prolongement, qui avait eu lieu la même année, en 1978. Par exemple, en février 1978, premier élément: « Politique des prix et des revenus », lequel paragraphe dit solennellement, je traduis à l’oeil puisque c’est anglais: À ce point de vue, des consultations efficaces entre les gouvernements et le secteur privé seront d’importance cruciale pour baisser le rythme de l’inflation au niveau cible que nous entrevoyons de 3,5% en 1981. Vous voyez à quel point… C’étaient des émanations des prévisionnistes fédéraux.
Vous admettrez que ça entretient un peu de scepticisme. Tous ces gens, mandarins dans leur tour avec toutes leurs données, essayaient de prévoir sérieusement et de faire croire au monde 3,5% d’inflation en 1981. On a fini l’année, comme vous le savez, entre 12,5 % et 13 % d’inflation. Au point de vue recherche et développement, dans ces conférences de 1978, une autre conclusion qu’il faut relire aujourd’hui pour se dire, quatre ans plus tard, où on en est à propos de la recherche et du développement, c’est-à-dire les perspectives parmi les plus importantes pour n’importe quelle société évoluée et avancée en ce qui concerne les progrès à venir. Il faut se tenir autant que possible à la pointe dans ce domaine. On sait qu’une énorme partie des budgets de toutes sortes est contrôlée, si vous voulez, le [« power of the purse »], le pouvoir budgétaire, par Ottawa.
Cela disait: « Tous les ministres ont indiqué – en 1978 – qu’ils attachaient une grande
importance à l’évolution des sciences et au perfectionnement des techniques industrielles au Canada – et on a souligné ceci – en tenant compte des besoins, des points forts et des aspirations de chaque région. » Vous savez que, dans le jargon fédéral, région veut dire province. Cela comprend alors une région qui s’appelle le Québec. On fera le point là dessus quatre ans plus tard, à Ottawa. Mon collègue, M. Jacques-Yvan Morin, pourra nous aider à le faire, mais je vous jure que les résultats ne correspondent pas tout à fait à ce qui devait être autre chose que des voeux pieux dans le texte que je vous ai passé, le texte de 1978.
L’expansion régionale. Vous savez qu’il vient d’y avoir tout un changement invraisemblable de plomberie ministérielle à Ottawa. Au moins, cosmétiquementent, ça donne l’impression qu’il y a des choses qui bougent, mais ça bouge dans les structures. Cela peut bouger aussi pour multiplier un certain nombre de bureaucrates mais, qu’est ce que cela donne réellement quand on regarde ce qui était déjà là il y a quatre ans?
Les premiers ministres – cela comprenait le premier ministre fédéral – ont réaffirmé leur engagement à recourir à une action hautement concertée pour réduire les inégalités régionales. Ils ont souligné que l’expansion régionale devait s’appuyer sur des perspectives économiques viables issues d’avantages naturels, etc. On convient que les initiatives fédérales-provinciales, prises conjointement en vertu des ententes cadres sur l’expansion économique, alliées à une série d’initiatives fédérales-provinciales constituaient un excellent point de départ il y a quatre ans.
Quatre ans plus tard, ils viennent d’abolir le MEER qui était l’instrument privilégié, qu’ils avaient inventé pour cela et ils viennent de nous avertir que passé les ententes existantes qui étaient un excellent point de départ, il n’y en aura plus et qu’on travaillera plutôt unilatéralement, si on a bien compris, au niveau fédéral. Arrangez vous avec vos priorités dans chaque région, comme ils disent pour désigner les provinces.
Il ne faut pas perdre la mémoire, on peut bien être sceptique, il me semble, et justifiablement quand on regarde la suite. Pour ce qui est du processus de coordination économique, il était convenu fermement en 1978 que les premiers ministres devraient se réunir périodiquement afin de revoir les objectifs économiques et d’évaluer les progrès accomplis. Il a fallu – je pense au moins, je ne sais pas – 12 ou 15 occasions d’insistance par les uns et les autres qui représentent les provinces pour que, finalement, quatre ans plus tard, M. Trudeau décide de convoquer – au moment où c’est presque trop tard, de toute façon – une conférence économique. Pourtant, c’était marqué la prochaine réunion des premiers ministres sur l’économie se tiendrait vers la fin de 1979. Cela fait quatre ans seulement qu’on attend. C’est l’arrière-plan, si vous voulez, et on ira dans beaucoup plus de détails à Ottawa, mais je pense que c’est quand même bon de voir un peu dans quelle perspective cela se situe.
[M. Samson: M. Normand Rhéaume.
M. Rhéaume: M. Lévesque, à la conférence, vendredi dernier, à Ottawa, M. MacEachen – bien qu’il ait accepté de rencontre: brièvement ses collègues des provinces au cours de la rencontre des PM – a bien dit, il a répété ce qu’il avait dit la veille, c’est-à-dire qu’il n’était
pas question de changer un iota à son programme de coupures dans les arrangements fiscaux. M. Parizeau estime qu’il s’agit pour le Québec d’une perte de plusieurs centaines de millions de dollars, vous l’avez dit vous même tantôt. Dans le cas du programme de disponibilité au niveau des familles, vous coupez déjà 40000000 $ et M. Parizeau dit que si, effectivement, le plan fédéral arrive à terme, cela constitue une tentative pure et simple d’étranglement des finances québécoises. Qu’est ce qu’il vous reste à faire? Comment allez vous réagir? Pouvez vous encore réagir, vous défendre contre ça?]
[M. Lévesque:] Il y a un contexte. On entrera dans plus de détails, mais aujourd’hui c’est purement pour quand même essayer d’établir un minimum de perspective pour accompagner la réponse que je fais à M. Trudeau. Il y a quand même une chose: il ne faut pas être en dehors de ce qui se passe. Votre question semble signifier qu’on ne vous a pas mis au courant du fait que, quand même, à cause des pressions qui augmentent sans arrêt, M. MacEachen a fait certaines concessions, très très petites Je pense que c’est connu.
[M. Rhéaume: M. Parizeau dit que les quatre concessions, cela donne zéro au Québec.]
[M. Lévesque:] Je pense que vous citez M. Parizeau de travers ou, alors, vous n’en citez qu’une partie. Il y a un aspect de ces concessions qui peut avoir… Mais, comparé à ce qui serait l’équité minimale, ça ne répond d’aucune façon aux besoins – qu’on partage, d’ailleurs, avec les Maritimes et d’autres provinces – qui sont la part équitable qui devrait revenir dans ces transferts fiscaux qui se sont amenuisés et qui ont été réduits, d’ailleurs, depuis deux ou trois ans d’une façon qui est inqualifiable, à notre avis. Là, il y a cette intention annoncée de couper encore davantage, c’est-à-dire littéralement d’affamer – c’est vrai – d’égorger les budgets provinciaux.
Il y a eu un début de concession, il y a quelques jours. On verra, à la fois du côté des premiers ministres et du côté des ministres des Finances – puisqu’il y aura, mercredi, des
séances en parallèle pour ce que ça peut donner. Je pense qu’il va y avoir un bon nombre de gens qui n’auront pas besoin de front commun pour s’apercevoir qu’ils sont en train de se faire égorger si on ne pousse pas.
Enfin, je n’entre pas dans le détail, mais, d’après ce qu’on pourrait appeler les sondages d’opinion publique – il y a des gens, à Ottawa comme ailleurs, dont peut-être la carrière achève; alors, ça les frappe moins, mais il y a toute une série de carriéristes politiques à Ottawa, du côté libéral comme ailleurs, que ça frappe en maudit – d’après toutes les perceptions de l’opinion publique, c’est une catastrophe nationale, ce qui se passe au point de vue économique et, évidemment, la responsabilité primordiale appartient au fédéral; alors, a peut les aider à réfléchir.
Souvenez vous qu’il y a un rapport qui s’appelle le rapport du comité Breau où les libéraux comme les autres, dans ce rapport de comité des députés, avaient dit: Cela ne tient pas debout – mais, ça, c’était il y a déjà quelque temps – les intentions annoncées par le ministre fédéral des Finances. Maintenant, on sent que l’opinion publique, que ce soit là-dessus ou sur autre chose, considère qu’on est devant une situation assez catastrophique et qui émane essentiellement des tours d’ivoire d’Ottawa.
[M. Samson: M. Bernard Chabot.
M. Chabot: M. Lévesque, vous serez à Ottawa mardi et mercredi. En novembre, le Québec annonçait qu’il boycotterait une bonne partie des conférences fédérales-provinciales. Depuis le temps, il y a plusieurs personnes montent un peu dans les rideaux avec cela. Récemment encore, les députés libéraux fédéraux disaient faire une étude sur les impacts négatifs qu’ont sur le Québec vos boycottages; avez vous l’intention d’éliminer ce boycottage?]
[M. Lévesque:] Premièrement, si les députés libéraux fédéraux font une étude là-dessus, j’espère qu’ils en tireront des conclusions pour savoir comment s’activer parcequ’on a 74 pions là-bas, en ce qui concerne les intérêts du Québec. S’ils s’activent sur quelque chose, c’est déjà cela de pris. Je vous jure que ça ne leur arrive pas souvent.
Maintenant, pour ce qui est du sujet lui même, ce qu’on a dit très clairement, c’est que, jusqu’à nouvel ordre, on laissait de côté les conférences qui n’avaient pas d’implications économiques concrètes pour nous. J’ai lu, par exemple, le compte rendu dont vous parlez. Il est un peu échevelé, c’est le moins que je puisse dire. Par exemple, il prétend qu’au point de vue agricole, on n’a pas été présent. Cela fait trois fois, je pense, depuis deux mois, que M. Garon, pour des raisons qui touchent l’économie, est allé à des réunions fédérales-provinciales parceque c’est important pour nos producteurs agricoles, pour tout le domaine de l’alimentation et il n’y a pas de raison de les boycotter. Tant qu’on paie notre part dans le régime fédéral, aussitôt qu’il s’aqit des intérêts concrets du Québec, il faut s’en occuper.
Ce qu’on a noté – cela va être réévalué bientôt – c’est qu’un certain boycottage de toute une série de va-et-vient transcontinentaux non seulement de ministres, mais de hauts fonctionnaires dans une foule de secteurs, entre nous, c’était du gaspillage total – l’expérience est en train de le prouver – un gaspillage invraisemblable de temps, d’énergie et de pas mal d’argent aussi. Il va falloir, au moins, être sélectif. On verra comment sélectionner. Il est évident qu’une clé – celle là, on ne peut pas la laisser aller – est tout ce qui touche les intérêts économiques concrets du Québec.
[M. Samson: M. Harris.
M. Harris: Comme c’est la première rencontre depuis le 5 novembre de vous même avec
tous les premiers ministres des autres provinces, est ce qu’on peut attendre un geste de la part de la province de Québec pour protester contre ce qu’on a appelé, des autres provinces en ce qui regarde la constitution?]
[M. Lévesque:] Non. Protester? Encore une fois, non. Ils portent leurs responsabilités, qu’ils s’arrangent avec, c’est tout!
[M. Harris: Un deuxième volet à ma question. Je ne sais pas si je me répète, mais comment pouvez vous penser aller vous asseoir avec ces gens pour aller négocier quelque chose apres ce qui s’est passé le 5 novembre?]
[M. Lévesque:] C’est l’une des raisons mineures pour lesquelles les invitations à dîner m’intéressent plus ou moins, on a d’autres choses à faire. Cela évitera ces mondanités qui seraient très artificielles et qui, d’ailleurs, ne mènent à rien. On a d’ailleurs dit que, le soir d’un certain dîner, que je dois décliner – on doit faire le point, nous, comme délégation; on l’a souligné et on va le souligner – la ligne – on va être à Hull, comme toujours, du côté québécois – téléphonique sera ouverte toute la nuit, au cas où…
[Une voix: …]
[M. Lévesque:] Que ce soit matinal ou vespéral, moi…
[M. Samson: Daniel L’Heureux.
M. L’Heureux: Ma question a fait allusion, M. Lévesque, aux intentions exprimées par le ministre fédéral Regan de peut-être subventionner directement l’éducation post-secondaire, parcequ’il trouve que l’argent ainsi dépensé par les provinces, l’argent qui vient du fédéral, n’est pas dépensé comme le fédéral le voudrait. J’imagine que vous allez être contre ça, mais quelle est la stratégie que vous avez développée pour éventuellement contrer cette offensive?]
[M. Lévesque:] Vous vous souviendrez peut-être que dans ce qu’on a appelé…
[M. L’Heureux: La taxe de vente?]
[M. Lévesque:] Non, dans ce qu’on a appelé la formule de Vancouver, on l’appellera comme on voudra, mais enfin la formule qui était proposée par les huit provinces au temps où on avait des accords et des promesses solennelles d’entente jusqu’au bout, cette formule, même émasculée comme elle l’a été, prévoit qu’au moins pour des domaines qui touchent l’éducation, je pense, le champ culturel, une province qui ne veut pas accepter ce genre de transfert a droit à des compensations financières budgétaires. Ce serait un beau cas pour voir si même émasculée, en dépit de tous les autres exemples de mauvaise foi qu’on a vécus depuis quelque temps, ça s’appliquera, parceque ce serait le cas par excellence, d’ailleurs, d’une espèce de nostalgie dans plusieurs provinces anglophones de passer le paquet au fédéral. Cela a été évoqué à deux ou trois reprises dans la conférence de novembre. [« For instance, higher education ».] Par exemple, si on prenait tout ce qui concerne l’éducation supérieure, enfin, universitaire, Junior College ou enfin, je ne
sais pas, il y a toujours une sorte d’ambiguïté pour déterminer où se trouve la ligne de partage entre l’éducation pas supérieure et supérieure.
De toute façon, [« higher education »], il y a une nostalgie dans certaines provinces anglophones de remettre ça à Ottawa. C’est exactement dans l’esprit de ce qu’on avait négocié, les huit provinces. Si vous autres, au Canada anglais, vous voulez évoluer vers la centralisation à outrance, pourquoi le Québec vous en empêcherait il? Mais à une condition, c’est que le Québec par rapport à ses pouvoirs et ses droits établis, ne soit pas pénalisé. Au moins, il est resté ça: pour des raisons éducatives, éducationnelles, enfin, comme on dit en anglais, ou culturelles, c’est vague, mais l’éducation, ça, c’est clair. [« Higher education »] c’est de l’éducation. On verra. Si jamais ça arrive, on verra. Là, ce sera un test au moins de ce qui reste.
[M.Samson: Robert Houle.
M. Houle: Je me situe peut-être un peu davantage, de façon plus précise, sur les attentes que vous avez réellement par rapport à cette conférence. Vous nous présentez ça un peu comme étant une espèce d’obligation que vous avez de vous présenter là, mais…]
[M. Lévesque:] Ce n’est pas ça que j’ai dit. Je m’excuse. Je fais partie de ceux qui, depuis quatre ans, à plusieurs reprises, ont rappelé à M. Trudeau qu’on devait se réunir en 1979 et périodiquement chaque année. En 1980, ça n’a pas eu lieu, en 1981, ça n’a pas eu lieu. Finalement, au début de 1982, quatre ans plus tard, j’ai l’impression que c’est de force. En tout cas, c’est possiblement de force, comme une espèce de camouflage, d’apparent intérêt que le fédéral tient la conférence. Nous, cela n’a jamais été le cas et, si on y va, on va y aller avec les meilleurs dossiers qu’on peut mettre au point et on va pousser dans le sens que je vous ai indiqué tout à l’heure. On peut être sceptique, enfin, lisez ce qui étaient les engagements solennels de 1978.
[M. Houle: Dans le Soleil de ce matin, on dit que le programme OSE va sauter et qu’il va être remplacé par autre chose.]
[M. Lévesque:] Il n’y a pas de décision finale de prise. N’oubliez pas que OSE – c’est d’ailleurs, je pense, une jolie expression et une expression qui est volontariste, si vous voulez, Opération solidarité économique – a eu des résultats assez exceptionnels pendant les quatre années essentiellement où cela a existé, il ne faut pas oublier que cela se retrouve ou peut se retrouver dans les budgets réguliers. Des décisions finales sur la disparition du sigle n’ont pas été prises encore et c’est possible qu’à un moment donné on doive… On n’est pas rendu à compléter nos présentations budgétaires, loin de là.
[Une voix: Daniel Drolet.
M. Drolet: M. Lévesque, vous avez fait état au début de la conférence de presse des résultats de la conférence de 1978. Qu’est ce qui vous porterait à penser que les résultats de la conférence de la semaine prochaine pourraient être différents?]
[M. Lévesque:] parcequ’il y a une pression sans précédent sur un gouvernement fédéral dont la gestion économique sur plusieurs plans a été, le moins qu’on puisse dire, à la fois incohérente longtemps – on peut dire depuis toujours en ce qui concerne un gouvernement qui est là depuis quinze ans et aussi surtout pendant l’année 1981 où, comme on dit, les poulets sont revenus au poulailler, tous les problèmes se sont aggravés – et assez catastrophique par ses résultats. C’est une perception très répandue dans la population. Je ne vous citerai pas des sondages, mais je pense que vous êtes au courant comme moi. J’ai vu que les députés fédéraux de tous les partis, y compris les libéraux, étaient revenus des vacances de Noël avec une certaine prise de conscience de ce qui se passait. Il y a une pression qui est sans précédent. Finalement, c’est une question politique, de conscience ou de compréhension politique. On verra si cela a percolé assez pour que ce soit vrai à Ottawa aussi avant qu’ils fassent encore des choses plus catastrophiques.
[M. Marsolais: Vous avez souligné tout à l’heure que le grave problème du Québec au niveau économique était la crise de l’emploi, actuellement en tout cas.]
[M. Lévesque:] C’est un aspect, c’est-à-dire que c’est ce qui illustre de la façon la plus cruelle toute une série de facteurs qui sont évidemment, derrière cela, la baisse des investissements, par exemple, qui est reliée très directement au taux d’intérêts les fermetures ou les mises à pied temporaires ou plus ou moins permanentes qui, hélas! se multiplient. C’est une sorte de … Comment dirait on? On a réussi à casser les reins de l’économie au Québec et dans l’ensemble du Canada.
[M. Marsolais: Mais en tant que gouvernement, est ce que vous avez encore une marge de manoeuvre pour développer des programmes d’emplois ou si vous attendez au prochain budget?]
[M. Lévesque:] Il est évident, le prochain budget s’en vient avant longtemps en 1982, vous allez voir les crédits avant la fin de mars, le budget, sur la lancée, on verra à quel moment, il n’y a pas de date fixe pour les présentations de budget. Pendant ce temps, on travaille comme des déchaînés pour essayer de voir, à même les moyens du bord, ce qu’on peut faire. Mais n’oubliez pas que c’est conditionné en grande partie par ce qui va
arriver au niveau fédéral-provincial. Il y a des centaines et des centaines de millions qui sont impliqués là-dedans. Ce sont des millions qui, en équité, appartiennent au Québec, que ce soit du côté de la péréquation, des accords fiscaux, comme on dit, c’est le Québec, les Maritimes aussi, et une ou deux autres provinces du reste du pays qui sont directement impliquées.
L’état de l’économie est tel, actuellement, par rapport à ce qu’on nous laissait entrevoir de grandes persistances et de volonté économique fédérale, il y a quatre ans, vous l’avez devant vous, l’état de l’économie est tel qu’on parle de l’Ontario comme bénéficiaire de péréquations. C’est quelque chose comme dégringolade.
[M. Samson: Normand Girard.
M. Girard: Face au chantier que vous venez d’évoquer pour les prochains mois, pour tous
qu’on pouvait espérer et ce les gouvernements, le vôtre y compris, est ce que vous ne croyez pas que le gouvernement du Québec a mieux à faire que de préparer et faire adopter une autre loi qui ne sera pas appliquée ou qui ne sera pas applicable, comme celle de l’interdiction de fumer dans les endroits publics?]
[M. Lévesque:] Là, écoutez, premièrement, je dois souligner une chose, aujourd’hui, je me reprends un peu, parcequ’hier, avec modestie, je me suis caché et j’ai fait un effort pour… parceque c’était le journée clé. Cela étant dit, on n’a pas vu encore le projet de loi, parcequ’il s’agit d’une hypothèse de travail qu’il va falloir examiner avec soin. Je vais vous donner un exemple, seulement un, parceque ça me gêne moi même quand j’oublie. Cela devrait quand même être décrété dans les endroits publics. Il y a un cachot dans lequel, souvent, pendant plusieurs minutes, les gens sont enfermés, fumeurs ou non fumeurs, ce sont les ascenseurs dans les grands édifices ou dans les endroits publics. Il m’arrive encore, j’essaie d’y penser, c’est un petit cas, mais c’est un cas où tu te sens honteux d’arriver avec une cigarette au bec, dans un ascenseur bondé et d’avoir nettement l’impression que tu emmerdes, sinon plus que ça, que tu déranges les gens qui n’ont pas besoin de se faire enfumer comme ça quand ils sont captifs. Il y a certains points, c’est sûr, où je pense qu’il serait normal d’agir. Maintenant, il faudra examiner le projet en question quand il arrivera. Je ne l’ai pas vu encore.
[M. Samson: On va prendre une dernière question en français et ensuite, on passe aux questions en anglais. M. Guy Amyot.
M. Amyot: M. Lévesque, est ce qu’il serait de mauvaise stratégie pour le gouvernement du Québec de préciser davantage les attentes du gouvernement au début et surtout à la fin de la conférence? Est ce que vous avez, par exemple, fixé un certain nombre d’emplois qui seraient créés avec des programmes fédéraux-provinciaux?]
[M. Lévesque:] Comme M. Bourassa, en 1970.
[M. Amyot: Prenez le modèle que vous voulez, certains taux de réduction d’inflation. Est ce que vous avez des attentes plus précises?]
[M. Lévesque:] Je pourrais, par exemple, reprendre 1978, les engagements et les perspectives fédérales de réduire l’inflation à 3,5%. Est ce que ce serait sérieux, quand on voit les résultats? On sait très bien que, moins il y aura d’inflation, mieux ce sera, plus les taux d’intérêt seront civilisés. En tout cas, qu’ils cessent de flotter dans la stratosphère au-dessus des Américains, comme ils l’ont fait pendant plusieurs mois, en 1981 – cela a cassé les reins de l’économie dans une foule de secteurs – on sait que c’est cela qui est souhaitable et qui serait partie d’une reprise éventuelle. Mais de commencer à mettre des chiffres, non. On peut évoquer des chiffres, mais n’importe qui peut évoquer des chiffres actuellement.
[M. Amyot: Est ce que vous voulez dire qu’une prévision est impossible aujourd’hui?]
[M. Lévesque:] Je pense que, jusqu’à un certain point, il y a du vrai dans ce que vous dites. Je regarde comme tout le monde. Les « prévisionnistes » les plus savants se contredisent sans arrêt, comme s’ils étaient des arracheurs de dents. Pourtant, ce sont des gens sérieux, mais ils ne le savent pas eux mêmes.
Dans le cas où nous sommes, au Nord des États-Unis, il y a certains éléments, évidemment de toute conjoncture, reliés directement à ce qui va arriver. Si le gouvernement Reagan se casse la figure au point de vue économique, il est évident qu’on a des chances d’avoir la colonne vertébrale ébréchée et vice versa, parceque c’est un des facteurs qu’on ne peut pas peser. Mais, dans ce contexte, il reste quand même une chose, c’est que la gestion économique canadienne, dont les paramètres essentiels, les leviers essentiels se trouvent à Ottawa, a été, à mon humble avis – je ne suis pas le seul à le dire – une absurdité invraisemb:able depuis trop longtemps avec les résultats qu’on connaît.
[M. Samson: John Wildgust.
M. Wildgust: Mr. Lévesque, there has been a lot of speculation that your Government might use this coming economic conference for a rather spectacular gesture to protest against the type of things you complain about today, the poor Federal Government management of the economy and you are not interested in going to the meeting with them. What exactly is your thinking in regard to this meeting?
M. Lévesque: What the hell did you say? We are not interested?
M. Wildgust: No, I wonder what your thinking is on this matter as you are going into it? You are not…
M. Lévesque: My thinking is simply what I say.
M. Wildgust: … for example, there are a few things that you are not too pleased about participating in. What is you philosophy going into this? What do you…
M. Lévesque: To work as hell, to manage, and push and prod in the interest of our Québec society at economic levels. So, there is nothing more spectacular than the fact that we have a spectacularly catastrophic situation and any kind of pressure, I think, public opinion is pushing
like mad and has been pushing over the last few months, more and more, trying to prod them out of the sort of unconsciousness or apparent unconsciousness of what is going on. I do not think we will be alone in doing that, it will not be more spectacular than others, I am sure. That there is also a political pressure that has to be put on at that level since there is a conference after four years wait on promises that never materialized. It may be a bit late in the day but, better late than never, so we are going to push as best as we can. All based on what we think is the key element of any kind of, let us say, both efficient and civilized approach to economic development and now, for the moment, ecomonic cure. It is a question of jobs, of work to do everything possible, to not just create jobs because, hopefully, we can. There are jobs created, but as you know, there are many more disappearing all over the place,
but maintaining jobs and using the ways and means to do it and stop being obsessed with the whole monetarist theory which banks love but nobody else feels any good from. M. White: Are you really…
M. Lévesque (Taillon): …specially with the excesses we have seen in 1981.
M. White: Are you ruling out the possibility then that Quebec would walk out of that conference and use that as a measure to draw attention to the problems that you see there?
M. Lévesque (Taillon): I am trying to keep to the basic contents, we are not there yet. Should I supply you, even to make you feel good with a headline that would say: « Well Levesque is considering walking out, which means, the hell with the problems », please, that is such an old play.
Une voix: M. Edwards? Richard Le Guerrier.
M. Le Guerrier: M. Levesque, why are you not going to indulge in any of this socializing with the Prime Minister and the other prime ministers?
M. Levesque (Taillon): I did not say that. There is a whole evening which will be consecrated to M. Trudeau’s very courteous invitation to a get together at eleven, trying to assess what was done during the day. Well, I think that we can all assess it, but that evening which is a key evening, after the first day but looking towards the second and maybe decisive day, is already from our point of view, consecrated to our own delegation assessing things and trying to foresee how to deal with the second day. So it is a… as I say, I am sorry, I cannot attempt, but I have never found real important results in those confortable get togethers around tht table, neither at breakfast meetings, with recent experience, nor evening meetings.
M. Le Guerrier: I have another short question about this proposed no smoking law.
M. Lévesque: I did say and I want to repeat it: While we are working on our side, we are usually in Hull, the telephones lines will be open all night just in case they could be used.
M. Le Guerrier: About this proposed no smoking legislation that would prohibit it in certain areas in the province, public places, how do you feel about that?
M. Lévesque: For the moment, we have not seen the eventual project. Mr. Léger, let us say, is a good sounding board for his projects but they have not come to Cabinet in any shape or form yet but the basic drive, as long as you assess it carefully – there are rights on both sides smokers and nonsmokers – as long as you assess it carefully, there are obvious points that
I could not envisage as a first step. There is one, that I personally feel, always ill at ease when I forget it, which happens sometimes, I try to remember. You are a captive with other people, sometimes chock-full in elevators, in public buildings or public places, sometimes for quite a few minutes and if you come in smoking cigarettes, you feel like you are a nuisance. I think that is part of some of the steps that could be taken but I cannot assess what the perspective is going to be before we see it. We know that it is in the works, and when we look at it, we will try
and evaluate it the best we can. The Cabinet is made up of smokers and nonsmokers, so there should be a good balance of opinion.
M. Samson: M. Noseworthy.
M. Noseworthy: A short question. You would not use Mr. Harry Blank’s proposed legklation?
M. Lévesque: I think that is probably part of what is going on. I have not checked the details but Mr. Blank has been pushing, I think meritoriously.
Une voix: Consistently!
M. Lévesque: That, at least, keeps him active on something as a parlementarian. We are going to assess it with the rest. It requires and I think it deserves to be looked at carefully, it is a good move in that direction.
M. Noseworthy: No smoking in public places, does that mean the say, in the bunker? The lobby of your office, no smoking, here?
M. Lévesque: There are other occasional impediments in that lobby and they are worse than smoke.
M. Inwood: I know you love questions on Cabinet shuffles. You noted that before the …
M. Lévesque: Just because they sometimes amount to suggestions…
M. Inwood: You noted before that Jacques-Yvan Morin… Is he going, as you said, in his capacity as Scientific Development Minister or Inter-governmental Affairs Minister elect?
M. Lévesque: You know, Mr. Laurin is at cultural and Scientific Development and this is one of the three or four, apart from the key questions that are all embracing, like monetary policy, interest rates and tranfers, the hundreds of millions involved and literally the murder of some economic sectors which is going on. There are specific and very important sectors that we want to emphasize as part of our economic input in the conference. One of them is very definitely, indeed, research and development, and that is Mr. Morin’s responsibility.
M. Inwood: But my question is: Is he your chief candidate to take the Intergovernmental Affairs portfolio out of your hands and when?
M. Lévesque (Taillon): Whatever… All I can repeat is that before the House gets together
again on February 23rd, 1 am going to be replaced as Intergovernmental Affairs Mi nist r.
Mme Gibb-Clark: Une autre courte question, s’il vous plaît.]
[M. Lévesque (Taillon):] C’est à la dernière. Je m’excuse, mais j’ai un rendez-vous.
[Mme Gibb-Clark: Est-ce que vous avez entendu ou est ce qu’on a essayé, de la part
d’autres provinces, de vous persuader que cela pourrait être intéressant de considérer cette
année, étant donné la situation financière de tout le Canada, des gels de salaires dans les
services publics pour les provinces qui ont à renégocier cela?]
[M. Lévesque (Taillon):] Cela a été évoqué parmi d’autres choses, a été évoqué, je pense, à des réunions même des ministres des Finances récemment. Tout ce que je peux dire, c’est qu’on prétend en faire un sujet parmi d’autres, un sujet.. pas la question de gel, mais la question de politique, les politiques salariales gouvernementales du secteur public, on prétend dans certains coins en faire un des sujets de discussion à la conférence de la semaine prochaine. Mais lorsqu’il s’agit de gouvernements il y a certains échanges d’information qui se font, les situations ne sont pas les mêmes et c’est évident qu’on ne commencera pas à entrer dans une espèce de politique nationale qui serait l’idiotie.
[Mme Gibb-Clark: Mais pour vous « gel », c’est trop fort.]
[M. Lévesque (Taillon):] Pour l’instant, on travaille très fort pour voir comment on va
disponibilités budgétaires, alors ce n’est pas avant un certain nombre de semaines qu’on pourra évoquer, si vous voulez, les décisions, les paramètres parceque cela se négocie normalement. Une chose est certaine il n’y aura pas de cachette, ce qu’on aura trouvé comme hypothèse qui nous paraît plausible et viable, on va l’exposer à nos interlocuteurs, en particulier, syndicaux, c’est normal, et aussi à l’opinion publique.
[(Fin à 14 h 33)]
[QLévsq19820128co]