[M. LEVESQUE.] Il n’y avait pas loin de 150 participants. Il y a un certain nombre d’observateurs, c’est-à-dire une présence totale, complète, par rapport aux invitations qui avaient été lancées. On a été occupé, pendant trois jours d’une semaine de travail avec de, gens qui sont normalement eux mêmes très occupés, qui ont des responsabilités, qui sont souvent écrasés de responsabilités,qui ont quand mime, prés de 150 d’entre eux accepté l’invitation du gouvernement et sont venus participer, d’une façon intensive, à ce possible de dégel, cette amorce de renouveau, dans le domaine du climat social, dans le domaine des problèmes économiques, des problèmes de relance économique que tout le monde connaît. Ils sont venus de tous les secteurs où les invitations avaient été lancées, très substantiellement représentatifs du monde patronal à ses divers niveaux, la grande, moyenne et petite entreprises ou les représentants organisés de ce secteur. Ils sont venus également de toutes les centrales syndicales du Québec, y compris aussi du Syndicat des fonctionnaires qui est très important aussi, quand il s’agit d’une invitation et d’une opération aussi qui a été organisée quand même par le gouvernement du Québec. Ils sont venus du mouvement coopératif. Ils sont venus du monde universitaire et aussi du secteur important comme les municipalités, comme l’agriculture, L’agroalimentaire, donc pas loin de 150 participants et un certain nombre d’observateurs additionnels. Pendant deux jours, deux jours et demi, on a pu compter, mais c’est approximatif quelque chose comme au moins 150 interventions, d’une richesse assez extraordinaire, extrêmement diversifiée aussi, parfois divergentes, parfois aussi convergentes, comme on l’espérant, et peut-être beaucoup plus qu’on l’espérait. Le premier succès et on doit dire que c’est un succès, c’est cette présence et cette participation vraiment intense qu’on a connue pendant deux jours.
Je crois que tout le monde en a eu ou à peu prés, le sentiment – en tout cas, une majorité substantielle parce qu’un moment donné, en terminant la séance de ce matin qui s’est déroulée jusqu’à une heure et demie au lieu de midi et demi. C’est-à-dire qu’on a prolongé d’une heure spontanément, pour essayer de faire le tour de ce qu’on avait fait, ce qu’on avait esquissé. J’ai demandé simplement à main levée: Est ce que vous seriez d’accord, pas demain matin ni dans deux semaines, mais enfin. assez vite, je ne sais pas, au détour de la prochaine année, pour faire une suite, non pas commencer à ciseler dans le ciment et dire que cela va être régulièrement des sommets comme on dit, mais qu’on ait une suite et peut-être plus concrètement en ajustant les modalités, qu’on reprenne ce goût qu’on a découvert depuis deux jours, de se parler, ce qui est extraordinaire comme point de départ. parce qu’il y avait vraiment un goût de se parler, de briser la glace, comme on l’avait dit, au tout début, et quitte, à l’occasion, que la franchise soit brutale et puis qu’il y ait même des fosses complètement discordantes, parce que cela part de deux sources d’information ou de trois ou de quatre sources d’information différentes, que ce dialogue s’engage et qui n’était pas du tout un dialogue de sourds à tout point de vue, loin de là.
Quand j’ai demandé s’ils voulaient une suite, je n’ai pas eu besoin de faire une longue analyse, il y avait une énorme majorité, une majorité plus que substantielle de mains qui se sont levées tout de suite pour dire que oui, spontanément, ils voulaient que cela continue. Cela aussi c’est un succès. Quand on sort de quelque chose qui était exploratoire et incertain et qu’il y a cette réaction à la fin, il est évident. qu’il y a quelque chose qui s’est amorcé. Touchons du bois, mais cela peut aller beaucoup plus loin.
Il y a des gens de plusieurs secteurs qui ne s’étaient pas parlé collectivement comme cela depuis longtemps. Il y a très évidemment le goût de se retrouver. Il y a eu des amorces de contacts. Vous avez peut-être vu les marches de l’escalier ici de la salle, hier, au moment d’un truc accidentel qui est arrivé, qui était important, il s’agit de problèmes de fermeture d’usine et d’une manifestation qui est venue nous retrouver ici à La Malbaie, comme cela, par accident, l’accident était là parce que le Sommet existait. Il y avait M. Laberge, le président de la FTQ, il y avait M. Paul Desmarais, bien connu dans le milieu des affaires, qui est impliqué dans cette question l’usine, et votre serviteur qui se sont retrouvés comme cela côte à este, ce qui ne veut pas dire complètement d’accord, loin de là, pour parler avec des gens qui étaient impliqués dans la région de la Mauricie à une fermeture d’usine, des possibilités de raire quelque chose encore devant un de ces problèmes qu’on a trop souvent. Pour une lois, il y avait non seulement le contact physique, mais la possibilité de parler ensemble. Tout cela peut-être a donné le goût, en tout cas il est là, à la majorité des participants de revenir, et de revenir en dépit – et cela va toujours continuer – des divergences, des discordances légitimes qu’on a quand on vient de secteurs différents.
Ces divergences n’ont pas empêché, au-delà du fait que cela s’est tenu avec, quant nous un succès pas mal remarquable de climat. Au-delà de cela, il y a eu des points de rencontre, des points de convergences. I1 ne s’agit pas de les souffler, de les exagérer, mais c’était déjà énorme, parceque c’est plus que ce à quoi on s’attendait. Par exemple, je pense qu’on peut dire que, dans l’ensemble, en attendant qu’on puisse étudier les modalités ensemble – on a promis de consulter là-dessus mais le plus vite possible, quand ça viendra il y a eu, de tous les secteurs, je crois, un accord sur les correctifs urgents qu’il faut Apporter aux problèmes de la sécurité physique, de la protection de la santé des travailleurs au Québec, ce sur quoi on est quand même scandaleusement en retard et on a eu l’impression que la conscience de tout le monde se rejoignait et que, en plus, l’insistance était là pour que ça se fasse conjointement.
Il y a également, et ça, je pense que c’est quand même une ouverture extrêmement saine, un accord immédiat, toujours en ce qui concerne le climat social qui a été une bonne partie de nos discussions, les relations de travail, il y a quand même eu un consensus très évident sur l’organisation – il s’agit de trouver les modalités, Mais ça, ce n’est pas la fin du monde – de ce qu’on pourrait appeler une banque de données permanentes. Quand s’annoncent des conflits ou des négociations complexes, est ce qu’on pourrait établir conjointement, de façon qu’il soit non accessible à tout le monde, mais fiable pour tout le monde, une sorte de plancher des données? Qu’est ce que c’est que les contraintes économiques? Qu’on ait la même idée le ce que sont les contraintes économiques, quand il s’agit de régler des problèmes. Qu’est ce que c’est que la comparaison réelle entre les salaires du secteur privé, disons, parce que . c’est très important comme question et les salaires du secteur public? Il y a toute une foule de données qu’il s’agirait d’analyser comme ça, et j’ai eu l’impression, en tout cas, que, spontanément, après toutes les confusions qu’il y a eues et qui ont été évoquées d’ailleurs, ces dernières années, où ,dans les journaux pendant les conflits, entre autres, du secteur public, il y avait des espèces d’assauts de données ou d’informations qui étaient toutes contradictoires, qu’on commençait à en avoir soupé; on avait son voyage vraiment, conjointement, tout le monde. Il y avait un accord pour dire: Oui, donnons nous un organisme de données, qui pourrait, au moins, établir que les bases factuelles d’une négociation ou d’un possible conflit – on s’entend là-dessus – et surtout que les citoyens, qui paient quand même pour tout ça, noient mis au courant en même temps et qu’ils peuvent faire leur propre analyse.
Pour certains – on se l’est fait dire, d’ailleurs, ce matin – ça peut avoir l’air saugrenu, et pourtant, Dieu sait que c’est plus que le temps de s’en occuper de façon cohérente. Il
a été question aussi, et là, il y a eu aussi un accord, de la condition féminine au Québec. On est une société où il y a quelque chose comme 35% de la main-d’oeuvre qui est maintenant des femmes, et ça augmente, ça implique des problèmes comme, les congés de maternité, une protection spéciale de la santé dans des cas comme ça dans les laboratoires, dans les hôpitaux, dans bien des cas où ça peut être exposé et aussi, éventuellement et le plus vite possible, le développement des prématernelles, des maternelles, des garderies et, même si ça n’a pas fait l’objet d’un débat – ce qui était exclu dans les circonstances – je pense que l’ensemble des gens se sont ralliés, de tous les secteurs, autour de ce qu’on proposait, qui était de mettre une priorité là-dessus et qui est déjà en marche.
Maintenant, du côté purement ou plus strictement économique, il y a un accord aussi sur un organisme qui évaluerait la productivité, c’est-à-dire cette notion où , d’un côté, qui est celui des employeurs, on met souvent l’accent, exclusivement – c’est une tentation normale – sur le rendement des travailleurs et où , du côté des travailleurs, on est porté à dire; c’est plutôt une question de qualité d’équipement ou de qualité de « management », de gestion. On a admis quand même, conjointement, les uns et les autres, dans la salle, que ce serait peut-être bon d’avoir des données intégrées, de façon à ce qu’on sache où elle est et où elle va, la productivité québécoise, et que chacun puisse l’évaluer, à partir, là encore, de données précises. Et puis, sans qu’il y ait nécessairement de convergence là-dessus, mais, en tout cas, c’était deux blocs importants, du côté des relations de travail, le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures qui viendront bientôt, qui sont, si vous voulez, un premier train de réforme du Code du travail, dont tout le monde sait, je pense, de bonne foi, qu’il est quelque peu désuet, à certains points de vue, ou qu’il n’a pas été complété comme il fallait, conditions minimales de travail, cotisations syndicales avec la formule Rand, les longueurs effrayantes à l’occasion de la négociation d’un premier contrat, l’augmentation lourde, évidemment, il ne s’agit pas de pousser dans le sens de forcer, mais de faciliter, pour ceux qui le veulent, l’augmentation quand même du taux de syndicalisation, parceque , au Québec, il est un des plus bas, sinon peut-être le plus bas du monde ou des sociétés occidentales les plus familières. Là-dessus, il n’y a pas eu de consensus, c’est évident, mais il reste quand même qu’on a discuté franchement, Les deux parties, ou les trois parties qui étaient impliquées surtout, l’ont abordé sans cachette, et quand est venu le moment de dire, au nom du gouvernement, que sur certaines choses comme ça, à court terme, on avait décidé d’agir, que ça faisait partie de nos intentions, j’ai eu l’impression, en tout cas, qu’il y avait un sentiment de satisfaction, que c’était clair, c’était net et qu’on savait au moins le court terme, où on s’en allait et qu’on était prêt aussi à consulter sur la façon d’appliquer ces mesures.
Du côté économique, un peu de la même façon, quand est venu le moment de commencer à essayer d’inventorier ce qu’on peut appeler un peu une stratégie, mais pas globale, pas philosophiquement compliquée où on prétendrait changer les régimes, etc., je ne pense pas que la population québécoise s’attende à ça et le gouvernement n’a pas été élu non plus pour chambarder et révolutionner tout, mais pour essayer de mettre toutes les mesures et toutes les ressources possibles à moyen terme et on va apprendre à devenir de plus en plus compétents en le faisant, on arrêtant d’en parler, mais toutes les ressources pour actionner au plus vite l’économie du Québec. Par secteurs, on a parlé de la politique de l’amiante où on a des intentions. On a parlé de la politique de l’utilisation de l’acier, on se paye une aciérie, il faudrait la rendre rentable chez nous d’abord. Là aussi, on a des intentions précises qui se développement.
La politique des achats: évidemment, on en a déjà parlé mais on a eu le concours, je pense, spontané, de la plupart des participants, y compris ceux qui l’ont dit clairement, pour maintenir l’emploi par un des moyens les plus censés, le gros bon sens le dit, maintenir l’emploi et la production en commençant par acheter notre propre production chez nous, quand forcément, la qualité, elle est là, la plupart du temps quand la qualité est là et que les prix sont concurrentiels. Également, dans des secteurs comme forcément l’habitation, on en avait déjà parlé, mais mettre l’accent le plus intense le plus vite possible sur la solution, au moins par étape de la crise du logement dans laquelle on s’est enfoncé depuis quelques années, trouver le moyen de développer intensément au plus vite. Et ça rejoint un peu la politique d’achat bien comprise, le domaine agro-alimentaire au Québec.
On me donnait ce matin un exemple que j’ai cité à la salle, une compagnie de soupe en boîte, qui fabrique tout en dehors du Québec et qui est bien connue mais comme il y en a quelques unes, ça ne sert à rien d’en viser une, parcequ’elles sont probablement toutes dans le même cas – qui vend, croyez le ou non, pour $ 280000000 de ces produits dans le Québec chaque année. On en mange de la soupe. Et qui n’achète, autant qu’on sache, pas même un boisseau de pois verts qu’on produit pourtant dans le Québec; avec un marché dans les $ 200 millions, je prends les informations comme ça que j’ai obtenues ce matin d’un des participants, vous voyez l’importance le l’agro-alimentaire et tout le monde avait l’air d’accord aussi.
Évidemment, dans des domaines comme le textile, comme le vêtement, comme la chaussure où il y a même un, quasiment un des derniers survivants importants de l’industrie de la chaussure québécoise qui est venu nous dire ici: Cela presse, si vous ne faites pas, quelque chose avant longtemps, ça ne servira à rien d’en parler, on ne sera plus là. On sait que les chiffres et le déclin progressif vis-à-vis des importations incontrôlées dans le domaine de la chaussure comme dans celui du textile, c’est littéralement le portrait d’une catastrophe. Là, il a fallu dire: D’accord, le gouvernement du Québec peut faire tout son possible en protestations, pressions et on va les accentuer, mais cette pression et ces protestations doivent aller à un autre niveau de gouvernement qui dans le régime actuel, n’est pas, ni de près ni de loin, sous l’influence du gouvernement du Québec et ne l’a jamais été.
Je crois qu’on a eu l’impression que du côté patronal comme du côté syndical et des autres, il y avait comme une sorte de promesse, d’appui vis-à-vis de ces mesures qui sont potentiellement presque platonique, je ne veux pas dire le climat parce qu’il va falloir le chauffer un peu là-dessus.. Il y a quelque chose comme 25% ou 30% de la main-d’oeuvre du Québec qui travaille dans ce secteur fragile. Mais platonique dans ce sens qu’on ne sait pas ce que ça va donner, il y a un autre gouvernement qui prend ses décisions et qui ne les prend pas nécessairement en fonction des priorités du Québec. Mais il y avait une perception générale de ces problèmes ici. Quand on a exposé, M. Landry en particulier dans le cas des mesures économiques, M. Marois dans le cas des mesures sociales, puisqu’ils sont ministres d’Etat au développement dans les deux grands secteurs, quand on a exposé cet ensemble de mesures, qu’on essaie de développer et de mettre au point le plus vite possible, mais qui ne peuvent pas s’improviser, du côté social, il y avait comme d’habitude, une certaine discordance, mais quand même il n’y a pas eu d’explosion dans la salle là-dessus.
Vous aviez le son, les gens ont des moyens d’information, vous avez vu que ça n’explosait pas. Pour les uns, ça n’était pas tout à fait assez, c’est évident, pour les autres, c’était pas mal un peu trop, mais de touts façon, je pense que c’était au milieu d’où se trouve la nécessité pour la société québécoise d’évoluer dans le sens de relations de travail plus civilisées.
Et dans le cas des mesures économiques qui ont été explicitées comme intention précise par M. Landry, hier, au début de la séance économique, on a eu l’impression que cela rejoignait une bonne partie des besoins qu’on sent dans les secteurs qui étaient ici.
En terminant, je vous répète qu’à travers cet ensemble de points de rencontre et de divergences franchement exprimées quand cela était indiqué, à travers tout cela, on a eu l’impression que c’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui étaient ici, avec nous, depuis deux jours, qui attendaient l’occasion.- on ne le savait pas, on l’a constaté tout le monde ensemble – de s’en parler comme cela et de pouvoir parler aussi avec le gouvernement de ses propres intentions, pour autant qu’il a pu les dessiner depuis six mois. C’est spontanément que la grande majorité s’est dit: Maintenant, il faudrait qu’il y ait une suite. Pour ce qui est de la suite, on verra plus tard.
Pour ce qui est de ce que je viens gauchement de résumer, je n’ai pas eu le temps de préparer un résumé stylistique. Maintenant, c’est à vous la parole. Si vous voulez aller plus loin dans l’exploration de tout cela.
[M. LISOIRON: J’aurais peut-être une première question pour lancer cette période de questions, M. Lévesque. Je voudrais savoir, à partir de ce que vous venez de nous dire, si vous avez l’impression que les participants, tant du c8té patronal que syndical, les participatns au Sommet, on eu ici l’occasion d’apprendre plus sur les intentions du gouvernement que vous, vous avez pu en apprendre quant à leur position, leur idéologie ou leur évaluation de la situation socio-économique?]
[M. LEVESQUE:] Il faudrait que vous demandiez à une tierce partie qui aurait été observatrice, de dire qui a gagné le plus. J’ai l’impression que tout le monde a gagné un enrichissement. Du côté du gouvernement, à part ces choses concrètes dont je viens de parler, je pense que ce qu’on voulait surtout savoir, je pense que tout le monde était de bonne foi pour essayer de percer cela, autant que nous, on peut le dire de façon claire, parceque , après six mois, on n’a pas inventé le monde, ce à quoi tout le monde s’attendait, c’était de voir quelle était la volonté politique et si c’était une volonté d’action, dans les domaines dont on parlait, surtout, social, économique, la volonté du gouvernement. Est ce qu’il est capable de décider ce qu’il veut faire et aussi un peu où il veut aller, pour autant qu’on puisse prévoir.
Surtout, je pense qu’on était venu sonder aussi notre capacité, comme gouvernement, de chercher et d’obtenir, quand c’est possible, l’adhésion des citoyens et des organismes comme ceux qui étaient représentés ici, quand il s’agit de projets ou de décisions qui peuvent les affecter.
Sur cela, j’ai l’impression – c’est à vous de vérifier, parce que vous verrez les participants, on verra leur réaction qu’ils ont eu d’abord cette certitude que le gouvernement était décidé à agir, qu’il commençait déjà à agir depuis six mois, mais qu’il préparait des dossiers, parce qu’on n’improvise pas du développement économique et social, mais des dossiers qui vont aboutir le plus vite possible.
En plus,ce qui est bien important, c’est que tout en privilégiant au maximum la consultation, parce que tout le monde s’enrichit quand on se parle – il y a beaucoup de compétences dans tous les secteurs, il n’y en a pas seulement dans la fonction publique, mais il y en a beaucoup dans la fonction publique. Il n’y en a peut-être pas autant qu’on le voudrait chez les politiciens, mais il y en a quand même un peu, quelquefois, chez les politiciens, et on ne demande pas mieux que d’apprendre. Il y en a beaucoup dans les secteurs qui ont été invités. Qu’on mette cela en commun chaque fois que la coopération est possible et qu’on pourra faire route ensemble, je pense qu’on leur a donné l’impression que c’est cela qu’on voulait, mais qu’on attendrait pas qu’il y ait des unanimités pour agir, parce que la situation, chez nous comme ailleurs, ne peut pas attendre que tout le monde dise: On est d’accord, avant que les actions se prennent, seulement de les évaluer le mieux possible.
Aussi, on accepterait, chaque fois que cela serait possible, des coups de mains, des appuis ou des éclairages qui nous manquent, de la part des milieux qui étaient ici et dont la compétence est quelque chose dont il ne faut jamais se passer ou qu’il ne faut pas négliger.
Je pense qu’à ce point de vue la aussi, j’ai l’impression que des deux côtés, non seulement on s’est enrichi, mais on s’est un peu rassuré sur la façon dont on voyait les choses. Je l’espère en tout cas.
[M. LIBOIRON: Merci.
M. L’ARCHEVEQUE: M. Lévesque, il y a eu quand même un certain consensus a bien des égards entre le patronat, les syndicats, les gouvernements, le monde de la coopération. Vous les avez énumérée. Vous en avez oublié un , toutefois, c’est sur l’importance de procéder a une réforme en profondeur du Code du travail. Mais il reste quand même que s’il y a eu consensus sur des principes, il y a des divergences qui restent fondamentales quant aux modalités pour y arriver et qu’il faudra probablement une action très vigoureuse du gouvernement.]
[M. LEVESQUE:] Oui. Je pense que de ce côté là, on n’a pas caché, j’ai même dit, à un moment donné, on veut bien, non seulement, quand les projets de lois seront déposés à l’Assemblée nationale, il s’agit d’un premier train, un premier groupe de mesures qui ne bousculent pas tout, mais qui, quant a nous, corrigent des choses qui avaient besoin d’être corrigées depuis longtemps, qui avaient d’ailleurs déjà été étudiées. Quand viendra ce premier train de mesures, très bientôt, on aura quand même le temps, puisque ce sera déposé en Chambre, sans précipitation – comme il s’agit du mois de juin qui s’en vient, il est possible que cela aille jusqu’à l’automne, on ne sait pas; enfin, il ne s’agit pas de l’exclure – tout le monde aura le temps de réagir là-dessus, les milieux qui en parlaient ce matin et, en plus, ils vont être consultés sur les dernières versions, la version qui nous paraîtra, quant à nous, si vous voulez, précisément finale à notre point de vue mais qui est encore ouverte à des modifications ou à des consultations. Ce sera soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d’oeuvre dont la plupart des gens ont eu l’air de dire, par rapport aux deux milieux directement impliqués avec le gouvernement, la patronat et les syndicats, dans des codes de travail, tout le monde avait l’air d’accord pour dire qu’il fallait lui donner un rôle revivifié à ce Conseil consultatif du travail et de la main-d’oeuvre. Alors, ce serait une de ses premières tâches de regarder cela et de nous donner ses opinions.
Donc, il n’est pas du tout question de se fermer à cette divergence possible sur les modalités, mais il n’est pas question non plus de faire des moratoires indéfinis avant d’agir.
[M. VASTEL: M, le premier ministre, Michel Vastel, le Devoir. À tort ou à raison,
la plupart des participants dans tous les milieux ont attaché beaucoup d’importance à l’attitude de la CSN et de la CEQ. À peu pris tout le monde, dans les réactions que j’ai essayé de recueillir ce matin, dans tous les milieux, a souligné la nécessité d’une certaine clarification. Philippe Gordon l’a fait, Gérard-D. Levesque l’a fait, Alfred Rouleau, hier, nie disait: Il faut qu’il y ait un arbitre là-dedans. Même Fernand Daoust m’a dit: Oui, :’est vrai, il faut que cela se clarifie. Ma question, c’est cela et je la pose de deux manières. Vous choisirez la question.
Est ce que vous ne sentez pas, en tant que chef, peut-être plus de chef de parti au nouvoir que de chef de gouvernement, la nécessité de prendre position par rapport à la CSN et à la CEQ? Je la pose autrement aussi: Ne pensez vous pas qu’un des moyens de tarification, ce serait la création de ce parti de travailleurs?]
[M. LEVESQUE:] J’exclus la deuxième version de votre question, pour la bonne et simple raison que d’autres partis qui veulent se créer ou continuer à vivre, c’est vraiment leur problème, ce n’est pas le nôtre.
La première approche, si vous voulez, de la question, je vais y répondre, comme je l’ai fait dans la salle, en vous disant d’abord ceci: Je suis pris, comme mes collègues d’ailleurs tous les autres avec deux rôles à jouer qui sont des rôles classiques. Je ne vois pas pourquoi vous faites cette distinction curieuse entre chef de gouvernement ou chef de parti. C’est notre travail aux deux niveaux comme cela a toujours été vrai dans tous les gouvernements démocratiques où il faut un véhicule politique pour devenir un gouvernement, si on réussit et on essaie de distinguer le mieux possible ces deux rôles.
Deuxièmement, il ne nous paraît pas nécessaire d’indiquer, pour le gouvernement, d’adapter ces attitudes aux possibles réactions de centrales syndicales ou de groupes patronaux. Nous croyons important et fondamental, si on veut arriver à une amorce de renouveau, de donner une chance à ces groupes qui représentent des secteurs importants de la société d’évaluer et, s’ils le croient bon, de s’adapter aux attitudes et aux décisions du gouvernement, parce que l’ensemble des citoyens, pour autant, qui s’exprime, il a élu un gouvernement, il n’a pas élu des centrales syndicales et il n’a pas élu des groupes patronaux pour diriger l’ensemble des opérations collectives d’administration et de politiques du Québec. Il me semble que c’est une distinction essentielle qu’il ne faudrait pas oublier.
C’est vrai qu’il y avait des questions sur ce qu’on pourrait appeler, si vous voulez, la définition du gouvernement. Je pense qu’elle n’est quand même pas un mystère. On a un programme politique qui n’est pas figé dans le ciment et, avec ce programme, on a été élu. Il y avait des choses à court terme et il y a des choses qui sont connues, parce que c’était publié. On est le seul parti, je crois, de l’histoire du Québec qui ait maintenu cette tradition d’avoir un programme qui est toujours public et que tout le monde peut consulter et que tout le monde peut également critiquer et se préparer continuellement à rajeunir. Qu’est ce que dit cet ensemble d’engagements et de programmes appelée à évoluer de toute façon, parce qu’il n’y a seulement les gens figés qui, à toutes fins utiles, ne vivent plus, n’évoluent plus?
A partir de certains éléments essentiels, il dit ceci; pour répondre à certaines questions d’orientations fondamentales, il dit que, paraît il, nous sommes un gouvernement dont l’origine serait étiquetable comme sociale-démocrate.
Il y a des gens qui nous ont dit dans la salle: La sociale-démocratie, on ne la veut pas. C’est leur droit le plus parfait et cela ne nous empêche pas de pouvoir nous parler et discuter ensemble et continuer à travailler chaque fois que ce sera possible. Qu’est ce que cela veut dire quant à nous? Cela veut dire, pour être bien précis, pour mettre les points sur les « i », que l’État est très important. Je pense que tous les Québécois doivent se rendre compte, on doit tous se rendre compte ensemble que l’Etat est notre instrument politique, le seul qu’on contrôle comme Québécois. Un instrument politique qui a quand même une partie importante de nos ressources chaque année, qui vient chercher dans nos poches à administrer. Donc, l’instrument de l’Etat a une importance centrale, mais ce n’est pas une panacée. Ce n’est pas la providence de tout le monde. En économie, cela ne doit pas être fourré partout. Il y a un rôle d’entrepreneur, de maître d’oeuvre pour l’Etat qui est important, que ce soit dans l’électricité – c’est un cas que j’ai vécu – ou que ce soit dans une douzaine d’importantes sociétés d’Etat dont on les réexamine actuellement, parce que c’est quasiment venu par accident de parcours, ou en tout cas, sans grande prévision, cette salade de sociétés publiques qui se sont additionnées les unes aux autres depuis une quinzaine d’années, Société des alcools, Rexfor, SOQUIP, SOQUEM, etc. Il s’agirait de voir s’il y a une cohérence minimum à tirer de tout cela, s’il y a certaines règles de fonctionnement et de liens avec le gouvernement qui est quand même l’actionnaire au nom des citoyens, qu’on peut établir. On travaille là-dessus. De là à dire qu’il faut le fourrer partout, l’Etat, et l’installer dans tous les secteurs et dans tous les compartiments de la société, en tant que, puisqu’on nous appelle comme cela, sociaux-démocrates, non, on ne le croit pas. On croit qu’il est important et qu’il doit jouer un rôle chaque fois qu’il est indiqué par l’intérêt public ou qu’il est nécessaire, parce qu’il y a des négligences ou des mauvais services qui sont rendus par l’entreprise privée. Ce n’est pas nécessairement sa faute, à l’entreprise privée ou aux autres, mais c’est qu’à l’occasion, il est nécessaire que la collectivité s’occupe ou il est indiqué que la collectivité s’occupe de choses, mais pas pour en faire une doctrine ou une thèse qui, littéralement, engloberait tout le paysage. On croit qu’il faut aussi développer le rôle très libre du mouvement coopératif, qui est très important dans le Québec et où se rejoint l’initiative de beaucoup de gens dans vraiment la liberté d’action la plus totale. On doit appuyer le mouvement coopératif. Il est déjà assez central dans notre société. Il se sent encore marginal par rapport , aux vieilles forces traditionnelles, mais il était présent ici. Il a participé, par certains de ses porte-paroles les mieux connue. Quant à nous, cela correspond à une des priorités du développement auquel on croit. Puis, il y a un rôle majeur qui restera là toujours, aussi loin qu’on puisse voir en. avant pour l’entreprise privée, comme on l’appelle, pour son initiative, pour son rôle de moteur, de projet souvent dans n’importe quelle société. Ceux qui disent que c’est à cause de cela, comme si c’était une espèce de fin du monde, c’est à cause de cette présence d’un secteur privé, quels que soient ces aspects, que le Québec est dans une stagnation qui, à l’occasion, leur fait dire: Le régime, si on ne le change pas – quasiment, comme si c’était la noyade ou le naufrage du Québec. Je leur ai demandé, je me suis permis de leur demander de regarder la réalité.
Québec est une société développée, comme on dit, mal développée, à notre point de vue, qui ne développe pas tout son potentiel, loin de là et qui est souvent distordue par rapport à toutes sortes d’intérêts divergents, souvent manipulés de l’extérieur. Le régime d’entreprise n’a pas empêché que quand on évalue ce que représente le Québec dans le monde, comme réalité, si mal développé, à notre point de vue, qu’il soit encore, et dans la période de stagnation actuelle qu’on partage avec beaucoup d’autres, cela n’a pas empêché qu’on se situe à peu prés, au point de vue du niveau de vie, entre le douzième et le quatorzième rang parmi 150 et quelques pays du monde.
Enfin, je ne sais pas si cela répond à votre question, mais quant à y être, aussi bien de le dire comme cela.
[M. SOUCY: M. Lévesque, suite à cette réunion, le président du Conseil du patronat, M. Pierre Des Marais a déclaré qu’il a trouvé très rafraichissant d’entendre dire par le premier ministre du Québec qu’il était en faveur de la libre entreprise. Toutefois, le président de la CSN, lui, trouve que cette position, en somme, vous voulez ménager, à la fois, la chèvre et le joueur. Qu’est-ce que vous avez à répondre à ce sujet?]
[M. LEVESQUE:] Je dirai simplement que la CSN qui nous a dit, dés le départ, au lendemain de son congrès, que notre sociale-démocratie, et c’est son droit le plus absolu, ne l’acceptait pas, mais qu’elle acceptait, mais qu’elle acceptait le dialogue, tout en réservant ses positions idéologiques. C’est son droit le plus absolu d’avoir des positions idéologiques comme c’est notre droit le plus absolu de ne pas les partager, et même de les trouver assez irréalistes dans le contexte actuel.
[M. VERMETTE: Perhaps, just a very brief question in English, Mr Levesque. Many things were said at the economic sommet conference here, coma people called it a verbal diary. The participants entered this conference like two solitudes. LEVESQUE: You know, at the beginning, was the word.
M. VERMETTE: There was a wall of incomprehension. Do you think that they… M. LEVESQUE: No.
M. VERMETTE: came out of the meeting as better citizens?
M. LEVESQUE: No. Let us not overdramatize. There was a wall of incomprehension the way jou will find it in Ontario, in the Maritimes, in the United States, practically everywhere, with, maybe, some additionnai complications peculiar to Quebec, but other people also have their peculiarities. There was no wall of incomprehension, aven though the wish may be tarther to the thought sometimes. No. There was enough consensus. We, are really flabberr;asted by the climate which developed during those two days, with some, let us say, moments of brutal frankness, some rather disagreeable moments, which, unfortunately, one of the Cnglish media, this morning, dramatized on page one, when there was no intention of that kind ‘f dramatization. I hope it is pot intentiona, because the people who had to do with a sort of small name-calling scene yesterday were all, afterwards, rather sorry about it, because it just -.ras blown up out of all proportions, because it/happened accidentally, to be the narres that were those of people who were near each other. Make that into a front-page story, to me, is in exercise in distortion. So there were no walls. There were discrepencies and very strong -appositions about basic viewpoints among employers and union people. What the hell different -to you expect anywhere in the world? But there was also a very obvious taste for discussion, for agreeing to disagree and trying to find the possible beginnings of a maybe continuing dialogue and what occasions could be there of being constructive together. I think that was the main thing.
M. FOURNIER: M. Lévesque, Louis Fournier, du Jour, une petite publication, mais indépendantiste, mais on ne parlera pas de l’indépendance. J’espère que ça viendra assez vite. La question que je veux vous poser est la suivante.]
[M. LEVESQUE:] Vous savez qu’il y a des gens qui nous reproche d’en parier tout le temps Depuis deux jours, on a réussi à parler de problèmes dans le contexte actuel.
[M. FOURNIER: D’accord.]
[M. LEVESQUE:] J’espère que vous ne nous le reprochez pas.
[M. FOURNIER: Ce n’est pas une pointe que je vous lance. La question que je veux poser, c’est la suivante, elle est peut-être un peu philosophique, mais je vous ai entendu, à -ine couple de reprises aujourd’hui, dire: La social-démocratie ou socio-démocrates, c’est une tiquette qu’on nous a collée. Je pense que j’ai entendu souvent les ministre actuels du temps. vous gouvernement, même les deux qui vous entourent, que j’aime beaucoup, se dire eux-mêmes social sommet, avez vous peur de vous dire social-démocrate ou quoi? C’est quoi la social-démocratie pour vous?]
[M. LEVESQUE:] Écoutez, quand j’ai dit que c’est une étiquette qu’on nous a collée, je
vais être très précis, c’est qu’à un moment donné, quand on a publié un manifeste qui précédait une réforme majeure d’ailleurs qui a été adoptée par un de nos congrès il y a trois ou quatre ans, de la partie économique de notre programme, un manifeste qui s’appellait: Quand nous serons vraiment chez nous, à ce moment là, l’évaluation qui en a été faite, si j’ai bonne mémoire, par un des journalistes d’un quotidien de Montréal, qui en avait fait même une sorte de manchette, de définition, c’était un programme social-démocrate. C’était la première fois qu’on l’entendait, on a toujours essayé d’éviter dans le parti des étiquettes comme ça, mais à ce moment là, ç’a collé. C’est ce que je veux dire par coller. Cela a collé tellement qu’en évaluant ça, on s’est dit: Oui, par rapport à d’autres modèles, à condition de ne pas les singer. On n’est pas des Scandinaves, on est de Nord-Américains. On est n’est pas des Allemands de l’ouest, on est six millions, pas 60 millions. On n’est pas un pays qui s’administre lui-même, on est une province à l’intérieur d’un régime, jusqu’à nouvel ordre, qui n’est pas national complètement. Donc, dans ce contexte, mutatis mutandis, on a accepté l’étiquette de social-démocrate et on s’en sert. J’avoue que des fois, je dis, après tout, espérons qu’on va le définir complètement, notre modèle de social-démocratie, j’y crois. J’y croirai d’autant plus que le mot correspondra de plus en plus à une réalité féconde pour le Québec. Quant à moi, je n’entrerai pas dans les détails, philosophico-sociaux, économiques de ce que c’est la social-démocratie, je vois ça et je demanderai à mes collègues s’ils veulent ajouter des
dimensions, parce qu’on ne s’est pas préparé à faire une thèse aujourd’hui, on voulait justement les éviter depuis deux jours. Mais je vois ça comme une société où on met un accent particulier, par exemple, sur l’égalité des chances, au maximum. Autrement dit, ce n’est pas là faute d’un petit gars s’il vient au monde dans une maison de millionnaires, il n’y a pas beaucoup de raisons qui justifient ça par rapport à l’autre qui vient au monde dans une famille très pauvre où on n’a pas les moyens. Donc, je n’ai pas besoin de faire de dessin, il me semble que si cela applique une démocratie sociale, la social-démocratie, ça veut dire le plus possible de donner au moins… on ne peut pas corriger les, je ne pense pas, les injustices qui sont liées à la naissance et à des contextes comme ça. Mais au moins que la société et, autant que possible, les autorités en place qui ont à affecter un régime donne un maximum d’égalité des chances aux gens dans une société; deuxièmement, qu’on respecte, au lieu de les charrier, tout en essayant de les guider le mieux possible, de les orienter, parce que c’est le rô1e de la politique de ne pas toujours suivre, c’est, des fois, d’essayer de précéder, mais pas trop loin pour ne pas perdre le contact et de respecter ce qu’on sent comme évolution dans une société, autrement dit de suivre sa démarche, parce qu’à l’autre extrême, vous avez les doctrinaires qui se disent nettement doctrinaires de thèses qui prétendent forcer trop souvent l’évolution des gens, quitte à essayer de fabriquer une société qui ne correspond à rien dans la réalité et on en a quand même ici comme ailleurs qui fonctionnent ici et là. C’est leur droit. La social-démocratie, quant à moi, c’est de respecter aussi l’évolution vers le développement, vers le progrès et d’essayer de l’aider à se dessiner et de respecter la capacité d’absorption d’une société donnée dans laquelle on vit et qu’on doit connaître. Ceux qui décrochent du réel et qui s’en vont vers des utopies sociales, doctrinaires, ce n’est plus de la social-démocratie dans le sens où je la comprends, mais cela devient autre chose, qui a le droit d’exister.
[M. GIRARD. M. Lévesque, pour encha£ner sur le même sujet, le fait que votre gouvernement ait maintenant fait vraiment son lit, avec l’entreprise privée, ne risque t il pas de provoquer, à tout le moins, des remous, sinon des déchirements au sein du parti?
[M. LEVESQUE:] Tout cela fait partie de la même perspective que je viens de dessiner, celle qu’on a essayé de maintenir pendant le Sommet ou, la conférence qui vient de se terminer et je ne vois pas en quoi, sauf pour les gens qui aiment cela trouver continuellement – ce n’est pas à vous que je parle, M. Girard – des questions aux réponses. D’une réponse, il faut une question. C’est qu’on a toujours admis, dans notre programme, dans nos attitudes et ailleurs l’existence et quant à l’avenir prévisible, la permanence et l’utilité profonde de l’entreprise qu’on dit privée ou de l’entreprise que d’autres disent libre. On croit aussi qu’il faut mettre un accent extraordinairement insistant sur le développement, là où il peut être rentable et là où il peut rejoindre les aspirations des gens, mais avec beaucoup d’insistance sur le développement du mouvement coopératif, du système coopératif. On croit également que, de façon bien calculée, en essayant de faire cela dans l’ordre, que là où c’est indiqué, il est nécessaire qu’on doit développer notre secteur public et de le rendre surtout cohérent et productif et relié mieux que jamais à l’intérêt général pour lequel il a été créé. On ne voit pas du tout. On voit très bien des passerelles entre ces secteurs de l’économie. Par exemple, à Saint-Félicien, il y a une société publique reliée à des sociétés privées qui est en train de bâtir. On ne l’a pas inventé, mais le projet était là, on l’a approuvé et on a aidé au financement selon la part qu’on devait assumer, un projet mixte, c’est-à-dire où deux secteurs se rejoignent et ce genre de jonction peut être très bon pour les deux secteurs, le public comme le privé ou le coopératif. Il y a un sens des projets et il y a un sens souvent de la rentabilité pratico-pratique qui n’est pas mauvaise dans le secteur privé quand il accepte de faire des mariages comme cela ad hoc avec le secteur public. Parfois ce n’est pas mauvais de participer à ce genre d’expérience. Tout cela fait partie de chose qui sont strictement des choses avec lesquelles on a développé, je pense, notre action politique depuis une dizaine d’années. Je ne vois pas pourquoi on en changerait maintenant qu’on a quand même à essayer d’appliquer des politiques qui soient conformes à ce qu’on a toujours dit.
[M. L’ARCHEVEQUE: Ce n’est pas que vous parliez beaucoup. On pourrait presque dire félicitation à votre beau programme, mais c’est à vos deux collègues que je voudrais m’adresser.]
[ M. LEVESQUE:] J’espère.
[M. L’ARCHEVEQUE:: Pierre Harois au développement social, Bernard Landry au développement économique, à court terme, quel est chacun l’évaluation dans votre domaine que vous faites des retombées de ce colloques de deux jours et demi?
H. LAHDRY: À court terme, dans les secteurs dont je suis chargé de la cohésion et de la cohérence, je vois une accélération des travaux sur les stratégies sectorielles. Un certain nombre sont déjà avancés, il y en a même qui sont en phase finale, mais comme il y a eu un tel consensus parmi les agents de voir le gouvernement énoncer sa stratégie de développement économique, faire que les diverses stratégies sectorielles soient cohérentes, comme nous l’avons dit et maximisent les retombées sur le territoire, les équipes qui en sont chargées vont être beaucoup plus motivées. Cela va nous permettre aussi de poursuivre, d’une façon beaucoup plus ouverte, la consultation avec les agents les plus directement impliqués.Dans les pâtes et papiers, par exemple, avec les syndicats concernés, avec les chefs de firmes concernées, et ce sera beaucoup plus facile pour nous d’avancer rapidement, d’une part, parce que nous sentons qu’il y a un consentement général à cette approche et, secondement, une disponibilité de nous aider en termes de données statistiques, en termes d’imagination de formules. Alors, pour moi, j’en ressors avec un fardeau qui, en volume, est plus considérable, mais qui, somme toute, par son poids npéci.fique, va être plus facile à porter et devrait me permettre d’avancer les dossiers un peu plus rapidement.
M. MAROIS: Très rapidement, parceque je ne veux pas reprendre tout ce qui e été évoqué et mentionné par M. Lévesque, je vais l’illustrer à partir de trois exemples rapidement, le dossier de la santé-sécurité, le dossier du Code du travail et celui de la condition féminine.
Cela nous a permis d’évaluer des choses qui sont intéressantes, drôlement intéressantes, je pense et qui correspondent, parceque , en un certain sens, peut-être qu’on aurait dû ou pu mieux le percevoir d’avance. On est arrivé ici avec, moi, je disais,un optimisme modéré…]
[M. LEVESQUE:] Il est encore modéré.
[M. MAROIS: Encore modéré, oui, mais quand même, cela a peut-être donné des résultats
plus importants qu’on pouvait l’escompter au point de départ, mais on sentait qu’il y avait des choses qui étaient perçues comme des urgences parmi la population, depuis déjà un certain temps. Cela a été confirmé ici, en particulier le dossier de la santé-sécurité, pour ne pas prendre tous *les chiffres, tout le monde sait ou ne sait peut-être pas suffisamment qu’il y a plus de journées perdues au Québec par des accidents et là, seulement le bloc des accidents qu’on peut quantifier déclarés que par des grèves.
Il y a une urgence, cela a été perçu ici très clairement et dit très clairement; en
ce sens, on se sent nettement confirmé, non seulement confirmé l’urgence, mais pressé d’intervenir, de remettre de l’ordre dans les lois, d’en sortir avec, les gens appellent ça un code, enfin peu importe, une loi cohérente, mais surtout de prendre les mesures qui s’imposent pour que ce soit appliqué, mettre de l’ordre dans le fouillis des services d’inspectorat. Là, je ne blâme pas les inspecteurs poublics, mais c’est un fouillis, c’est émietté à travers au moins cinq juridictions, peut-être plus, à l’intérieur des structures publiques, d’une part.
D’autre part, sur ce dossier toujours, on a senti un accord global et aussi, on a pu mesurer une volonté dans un sens, de disponiblité des différents agents socio-économiques, des employeurs, des syndicats d’intervenir, d’être’impliquée dans tout ça, et confirmer une volonté politique d’agir le plus vite possible, prendre le temps qu’il faut pour le faire de ‘açon responsable, mais le plus vite possible. Par ailleurs, du côté de l’ensemble de ce qu’il faut moderniser par étape, du côté du Code du travail, ce que M. Lévesque e évoqué, là-dessus, ,,n a pu mesurer les divergences. Je pense que de toute façon, personne ne peut se faire d’illusions par définition, par la nature mime des agents et des problèmes qui sont en cause. I1 n’y ivait pas lieu de s’attendre à la convergence et au consensus total, loin de là.
Mais partant de là, par exemple, on e pu mesurer quel’était’l’écart, on a pu mesurer ,ussi à quel point il était important pour le gouvernement d’intervenir avec un premier train le mesure, en consultant les parties, le Conseil consultatif du travail et de la main-d’oeuvre, 1.es commissions parlementaire qui auront à étudier ces projets de loi, la nécessité pour le nationale, avant l’ajournement d’été. Quant au troisième bloc, la condition féminine, l3 aussi, un peu dans le genre, Qui ne dit mot consent, c’était une convergence surtout exprimée par les femmes qui étaient présentes, trois si ma mémoire est bonne, endossé par beaucoup, un bloc, il faut le dire franchement, par un certain silence dans le sens de ce que je disais, qui ne dit mot consent, mais qui nous confirme que tout le monde est conscient du fait que les femmes occupent maintenant une place importante dans le domainedu travail, qu’il y a là les choses qu’il faut corriger, des injustices qui apparaissent. nettes, claires pour tout le monde au fur et à mesure que cela sera possible, notamment tout le dossier des congés de maternité, pour prendre un exemple parmi d’autrns.
gouvernement d’assumerson rôle de leader et de franchire une première étape, pas répondre à ,les choses qui nous semblent correspondre à des urgences. Donc, ce premier train de mesures doivent venir, à notre avis, en Chambre, â l’Assemblée
Là-dessus, il y a déjà une équipe qui se net au.travail, qui s’est enclenchée depuis peu de temps, au gouvernement, et qui va préparer un dossier, un livre, je ne sais pas de quelle couleur il sera, vert, bleu ou blanc, peu importe…
UNE VOIX: Pas rose.
M. MAROIS: … pour être quand même capable, je présume à l’automne, je ne me souviens plus très bien de l’échéance…
UNE VOIX: Avant la fin de l’année.
M. MAR01S: Avant la fin de l’année, confirmer des politiques du gouvernement.
M. LANDRY: Une autre chose qui est importante, on n’a pas le temps d’en discuter tellement encore, c’est pour cela qu’elle ne m’est pas venue à l’esprit, il faut faire le suivi de cette affaire. Étant donné que les participants ont %dénoté leur désir de remettre cela, il faut voir venir, pour nous, la prochaine ronde et on va remettre des équipes là-dessus.
M. L’ARCHEVEQUE: Puisque vous faites une sous-réponse, est ce que je peux aller pour une sous-question?]
[N. LEVESQUE:] Vous vous pensez au Parlement.
[M. L’ARCHEVEQUE: Une question additionnelle. Le suivi,.est ce qu’il sera à peu près dans le même cadre qu’aujourd’hui, peut-être pas dans le même lieu, mais ou si cela sera sectoriel?]
[M. LEVESQUE:] On joue sur deux mots. Suivi, c’est le jargon officiel de l’administration publique ces années ci, j’ai appris cela en arrivant, et il y a la suite. Le suivi, dans le sens où on peut l’entendre, c’est tout ce qu’on peut décanter utilement, et comme sujet de consultation et comme sujet de réflexion pour nous, parcequ’il y avait quand même des textes bien préparés qui nous ont été remis, en plus des interventions, tout cela c’est le suivi, dans le sens qu’on va l’étudier et on va pouvoir répercuter vers les gens qui étaient nos interlocuteurs.
La suite, c’est cela que j’ai annoncé, la suite, dans le sens classique du mot, c’est qu’il y aura une autre étape du genre, avec des modifications, parcequ’on en apprend, avec une première expérience, mais la majorité assez impressionnante des participants ont spontanément levé la main pour dire: Oui, on voudrait une suite. Mais là, ce serait autre chose, avec d’autres contenus, plus précis, autant que possible, et des projets vraiment à mâcher entre nous.
[M. BEAUDRY: Jean Beaudry, Radio-Canada. M. le premier ministre, j’aimerais entendre vos conclusions sur la question du moratoire et si les intentions du gouvernement à ce’ sujet restent les mêmes?]
[M. LEVESQUE:] Vous parlez des choses qui concernent le Code du travail?
[M. BEAUDRY: Oui.]
[‘M. LEVESQUE:] Le premier train de mesures que j’ai résumées, auxquelles il peut y avoir encore quelques additions, il y en a d’ailleurs qui sont moins frappantes, quelques soustractions, si cela nous paraît indiqué, ce premier train de mesures, il n’est pas question de faire de moratoire dans le sens où on l’a invoqué, à un an, un an et demi. On croit que le temps passe vite, cela fait longtemps que beaucoup de ces problèmes attendent et pour la santé, des correctifs nécessaires à une certaine situation sociale qui est derrière certaines des explosions, même des violences qu’on a vues, on croit que cela presse, on va admettre la consultation, sur les projets précis, forcément, on va admettre, puisque c’est une partie de notre régime, le maximum de consultations au niveau des réactions aux commissions parlementaires, mais la décision du gouvernement est prise et il n’y aura pas de moratoire spécial.
[M. LAFRENIERE: h. Lévesque, on a parlé beaucoup de relationsr de travail, cela m’intéresse énormément. Il y a une question que j’aimerais bien vous poser. J’ai causé avec
des hommes d’affaires qui se disent un peu inquiets quant à l’avenir du Québec, à cause de ce référendum sur l’indépendance.
est ce que vous croyez que le développement ou la stagnation économique du Québec, si on peut employer cette expression, pourrait être due au fait que les employeurs ne savent pas trop oI ils s’en vont . Est ce que les employeurs sont prêts à faire les investissements actuellement, dans un Québec quippurrait devenir indépendant? Ou s’ils préfèrent attendre de savoir à quoi s’en tenir et investir dans un Canada uni?]
[M. LEVESQUE:] Je vais vous répondre très concrètement par une rencontre que j’ai eue, que je prévoyais d’ailleurs, mais que j’ai eue avec quelqu’un d’un milieu industriel important, avec certains de mes collègues pendant ces deux jours, à propos d’un projet de plusieurs centaines de millions dans le secteur privé, de la fabrication et dont les conditions d’accomplissement dépendent uniquement de certaines modalités, peut-être un peu délicates à ajuster, modalités administratives, si on veut, mais qui n’ont rien à voir avec la situation politique.
Vous savez, ceux qui trouvent le Québec profitable par ses ressources, qui voient un peu plus loin que le bout de leur nez et certaines manchettes un peu terroristes, à l’occasion, ceux là savent très concrètement que le Québec est rentable.
[M. LANDRY: D’ailleurs il a été évoqué et non démenti au cours de la conférence que le niveau des investissements prévu pour la période, données recueillies il y a quelques mois, donc quelques mois après notre élection, est encore supérieure à la moyenne nationale canadienne. L’économie du Québec est sous l’averse, mais il ne pleut pas plus ici qu’ailleurs, même un peu moins, si on veut prendre ces images atmosphériques.
M. CLOUTIER (Jean-François): M. Lévesque, comme toile de fond aux discussions de ce sommet, est ce qu’il n’y avait pas une volonté gouvernementale de rassurer l’entreprise privée comme les syndicats, pour l’avenir, à savoir que le gouvernement, dorénavant, ne prendra plus d’initiatives majeures dans le domaine social et économique, avant d’avoir fait passer cette initiative par le fruit de.la concertation?]
[M. LEVESQUE:] Concertation, on n’est pas rendus la, mais par des consultations, en pigeant au sens le plus légitime du mot, tout ce qu’on peut, de connaissances des faits, de compétences des divers milieux qui ont accepté de dialoguer avec nous et qui ont accepté de continuer, sûrement, on voulait les rassurer à ce point de vue la. On n’a pas envie de charrier les gens dans des milieux qui ont quand même à participer aux décisions et où tous les citoyens du Québec peuvent être affectés éventuellement par les résultats. Oui. Si vous voulez dire rassurer dans le sens d’essayer de devenir ni chair ni poisson, suffisamment pour que personne ne sache où on va, non. On a essayé de faire exactement le contraire.
On doit se rendre à Québec pour un conseil des ministres qu’on a manqué hier, pour des raisons évidentes, alors, on vous remercie beaucoup d’avoir eu la patience d’attendre jusqu’à la fin. À la prochaine.
[QLévsq19770526cp]