[(Seize heures seize minutes)]
[M. LEVESQUE (René):] Mesdames, messieurs de la galerie de la presse et je dois
ajouter, aussi, mes chers concitoyens, puisque, autant que je sache, les médias d’information nous font l’honneur de transmettre ces propos, le début de ce que j’ai à dire va être très simple. Cela va répéter ce que j’ai dit mardi soir, respecter le résultat du référendum. Même je pense que tout le monde le comprendra – c’est encore un peu mal aisé de le digérer aujourd’hui.
Cependant, comme gouvernement du Québec et de tous les Québécois au niveau provincial, il n’est pas question, en démocratie, d’agir autrement, quels que soient nos sentiments concernant la campagne du non, quelles que soient l’amertume et même l’appréhension pour l’avenir que cela nous a laissées et qui ne s’effaceront pas de sitôt.
En tout cas, le résultat, lui, est indiscutable. On nous a refusé majoritairement le mandat que nous demandions. Comme, gouvernement, nous devons nous conduire
en conséquence. Le plus simplement exprimé, c’est là, je crois, la conclusion douloureuse, mais nécessaire et unanime, à laquelle sont arrivés le Conseil des ministres, hier, et le caucus de cet après-midi dont j’arrive, il y a quelques minutes.
Nous avons également constaté, tout d’abord, que cette campagne du oui que nous
avons faite – je l’ai déjà dit et je le répète – nous allons en être fiers longtemps. Surtout de cet extraordinaire phénomène des regroupements que vous avez vus, qui se sont produits un peu partout, que se sont développés spontanément dans des milieux de vie et des milieux de travail innombrables, et tout ce que cela représente de prometteur au point de vue non seulement politique, mais au point de vue social. parceque ce qu’il y a de plus vigoureux, de plus rempli d’avenir au Québec, dans le Québec d’aujourd’hui, est non seulement apparu comme rempli d’une santé extraordinaire au cours de cette campagne, mais aussi résolument tourné vers l’avenir et non pas vers un retour quelconque en arrière, dans un conservatisme que certains pourraient entrevoir, une perspective qui nous semble absolument exclue par tout ce que nous avons vu depuis
au-delà de cinq ou six semaines.
Maintenant, une autre constatation nous paraît évidente – je ne pourrai
pas l’analyser dans tous ses détails avec vous aujourd’hui, mais il me semble qu’elle saute aux yeux – c’est qu’on trouve dans ces résultats un progrès plus que sensible, un progrès remarquable de l’option politique qui était clairement énoncée dans la question référendaire, c’est-à-dire la souveraineté-association. Que d’aucuns l’admettent ou non, il est très clair, quant à nous, que l’immense majorité des Québécois ont été amenés à voter sur le fond du problème. Comme mes collègues, pour ma part, j’ai sans cesse souligné que le mandat que nous sollicitions était celui de négocier et de négocier dans cette direction la qui était expliquée en quatre lignes dans la question et en combien de pages dans le livre blanc que le gouvernement a publié. Donc, le mandat de négocier en allant chercher par là, du côté de la souveraineté-association, la solution pour l’avenir. Quant à nos adversaires, je pense que tout le monde a vu à quel point ils sont allés jusqu’à parler sans cesse de l’imminence de ce qu’ils tiennent absolument à appeler la séparation et à toutes fins utiles, on peut dire donc que tout le monde s’est vu acculé à voter, en quelque sorte, au deuxième référendum avant même le premier. Je crois qu’on peut affirmer que l’ensemble, sans pouvoir psychanalyser tout le monde, mais que l’ensemble en tout cas des 40% à 41% de Québécois et tout près d’une majorité, en tout cas, à peu près la moitié assez exactement du Québec francophone, que dans l’ensemble, on a voté oui en votant vraiment sur le fond, en exprimant ainsi une préférence légitime et démocratique pour un nouvel arrangement entre nos deux peuples, qu’on appelle fondateurs, un arrangement qui serait basé sur leur égalité politique reconnue. Je dois dire franchement que, comme eux tous, je persiste et nous persistons à croire que c’est par là seulement qu’on finira par trouver, entre ces deux peuples différents, mais imbriqués par la géographie, par 200 ans d’histoire, la solution à ce problème fondamental de l’égalité des droits comme de l’égalité des chances.
Je suis absolument incapable de croire, parceque ce serait trop humiliant pour le Québec, que les tenants lucides et sincères du non aient pu voter contre cette aspiration qui est au coeur de toute notre évolution d’abord, et qui est et qui demeure le besoin le plus essentiel de toute société nationale qui se respecte.
Vous savez, il faut absolument croire, je crois que c’est un fait, que la majorité qui s’est prononcée pour le non l’a fait avec cette volonté de changement, à laquelle M. Trudeau lui même a fait appel en cette fin de campagne, et que ce changement, elle espère le voir se réaliser enfin dans le cadre fédéral, jusqu’à nouvel ordre, bien sûr, mais aussi conformément à nos aspirations les plus profondes. Là-dessus, il faut bien dire cependant que ça n’a jamais été possible jusqu’à présent et Dieu sait que le problème existait bien avant 1976 et notre arrivée au pouvoir.
J’ai rappelé à maintes reprises, pendant la campagne référendaire, ce passage clé du fameux rapport de MM. Laurendeau et Dunton, il y a déjà 17 ans ou 18 ans, qui demeure le diagnostic le plus lucide, le plus prophétique aussi, de ce problème qu’on déguise si facilement derrière des douzaines de conférences et des centaines de comités. Laurendeau et Dunton avaient été les premiers à mettre le doigt dessus et on se souviendra qu’ils fixaient le coeur du problème entre deux peuples: le Québec français essentiellement et le Canada anglais et que c’est de ce côté seulement, dans l’égalité vécue, l’égalité concrète, qu’on pouvait apercevoir éventuellement la solution.
Depuis 17 ans, les événements ont confirmé que c’était vrai. J’ai vu M. Dunton, la plupart d’entre vous le savez, il y a quelques jours, vers la fin de la campagne et ce fédéraliste sincère, grand honnête homme aussi, maintient que le diagnostic d’il y a 17 ans ou 18 ans, non seulement est encore valable, mais que tout ce qui s’est passé depuis a montré qu’on n’avait pas trouvé encore la solution dans le cadre fédéral. C’est un peu comme la quadrature du cercle. Mardi dernier, une majorité de Québécois ont voté non, mais avec l’espoir, pour la plupart, que ça se réalise enfin. En quelque sorte, ils ont donné une nouvelle dernière chance au fédéralisme de réaliser, de rendre possible, concrètement, cette aspiration.
Il est de notre devoir, à nous, maintenant, comme gouvernement, de respecter cet espoir et de participer à ce qui va nécessairement s’ensuivre..
D’ailleurs, quoi qu’on ait dit chez les adversaires, à qui notre option politique fournissait évidemment un prétexte un peu trop facile pour déformer les choses, nous avons – et nous avons, je crois, loyalement – accompagné toutes les rondes constitutionnelles qui se sont poursuivies depuis trois ans et plus, avec toutes les compétences et les meilleurs dossiers disponibles. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour préserver et agrandir si possible, la marge d’autonomie du Québec dans le cadre actuel – cela a été particulièrement vrai touchant la quinzaine de points, on s’en souviendra, que M. Trudeau lui même avait mis sur la table avant la fin de son précédent gouvernement.
Et pourtant, là encore, cela a été un échec à peu près complet et un échec tout autour de la table. Nous voulons bien croire à la sincérité du premier ministre fédéral lorsqu’il parle à nouveau de changement et qu’il en parle dans le sens qu’il voudrait presque le voir arriver instantanément. De toute évidence, beaucoup de gens y ont cru mardi, mais la vérité a ses droits et il faut tout de même rappeler que depuis douze ans la conception que se fait du changement M. Trudeau s’est toujours à peu près infailliblement manifestée dans le sens d’une plus grande centralisation et d’une émasculation des pouvoirs et des capacités d’initiatives des provinces, et aussi, ce qui est plus grave et lourd de conséquences dans le sens d’une négation assez constante, en pratique, de la dualité canadienne, et par conséquent de l’identité nationale du peuple québécois.
Est ce que c’est encore dans ce sens là qu’il parlait, dans son allocution de mardi soir, de rebâtir la maison? C’est ce qui reste à voir, d’autant plus, il faut bien le dire, que dès le lendemain, c’est-à-dire hier, à la Chambre des communes, il répétait à nouveau sa vieille exigence préliminaire d’une charte fédérale des droits qui prétendrait fixer, dans l’éventuelle constitution renouvelée, non seulement des droits et des libertés individuels – ce sur quoi tout le monde peut s’entendre – mais aussi des droits collectifs et spécifiquement les droits linguistiques.
Or, cette exigence, les formes concrètes qu’elle a déjà prises sous M. Trudeau, elle aurait eu pour résultat d’enlever à la société québécoise et à son Assemblée nationale des pouvoirs essentiels en matière d’évolution linguistique et culturelle. Très concrètement, cette exigence de M. Trudeau aurait permis d’envoyer au rancart des chapitres parmi les plus importants de la loi 101 et notamment en matière de politique scolaire.
On voit là déjà, en deux jours, à quel point il est indiqué de demander à ceux qui nous ont solennellement et encore une fois promis un fédéralisme renouvelé et d’abord à M. Trudeau lui même de commencer au plus tôt et de commencer franchement à mettre dans ces promesses le contenu qu’ils envisagent, après quoi, devant tous les Québécois dont la majorité vient d’indiquer clairement sa volonté d’accorder un autre sursis au régime fédéral, et au nom du seul gouvernement qui est exclusivement le leur, je m’engage non seulement à respecter cette volonté majoritaire – je l’ai déjà dit – mais à mettre toute la bonne foi requise à notre participation aux négociations qui doivent encore une fois arriver. Mais cette bonne foi qui nous interdit d’être des empêcheurs de danser en rond, elle doit également être plus lucide que jamais et aussi farouchement accrochée que jamais à la défense et à la promotion des intérêts essentiels du Québec.
Il n’est pas question, pour mes collègues ni pour moi, d’interpréter le moindrement le résultat du référendum comme une invitation à quelque effondrement que ce soit dans l’abandon ou l’affaiblissement des droits, de pouvoirs ou d’instruments dont le Québec dispose déjà ou que le Québec réclame à juste titre depuis longtemps. En fait, je dirais très simplement que, pour cette période d’effervescence constitutionnelle qui est censée s’ouvrir, le Québec a besoin comme jamais, au niveau de l’Etat provincial, de porte-parole à la fois inébranlables sur l’essentiel et de la plus complète transparence et je voudrais insister là-dessus en terminant.
On voit déjà et on le voit très bien, en deux jours – plusieurs réactions l’indiquent déjà à travers le Canada – que le Québec qui a été le tremplin de tout ce beau mouvement pourrait vite trouver ses intérêts fondamentaux masqués et noyés encore une fois dans la classique confusion intergouvernementale.
Or, il faut absolument, pour que ce sursis qui vient d’être accordé par la population au fédéralisme soit honnêtement employé, pendant les mois qui viennent, que le peuple québécois sache ce qui se passe, qu’il le sache en détail, sans déguisement et sans écran de fumée, afin qu’éventuellement il puisse juger et les promesses et la façon dont on les tiendra.
Par conséquent, nous aurions, nous aussi, une exigence à faire valoir. Le Conseil des ministres a été unanime hier et le caucus aujourd’hui pour que nous réclamions que toutes rencontres constitutionnelles au niveau des porte-parole politiques se tiennent au grand jour, face au public, et à tout le moins, quand ce serait physiquement impossible, en présence des médias d’information, et de toute façon, nous, comme représentants du Québec, nous pratiquerons, dés le départ et tout le long du chemin, une telle politique constante de clarté et de rapports détaillés à l’adresse de nos concitoyens. Car il y a un aspect particulièrement central de l’exercice référendaire qui ne doit plus jamais disparaître: c’est que,quel que soit le régime éventuel auquel on aboutira, il ne faut plus jamais que le peuple soit tenu a l’écart, dans l’ignorance de ce qu’on lui prépare. Il faut que désormais il puisse évaluer et juger ce que ses élus prétendent faire en son nom, sans qu’on puisse lui en passer les résultats par-dessus la tête. Pour l’instant, on en est rendu là.
J’ajouterai deux choses qui, je pense, peuvent vous intéresser et intéresser aussi l’opinion publique. C’est que nous allons forcément mettre un terme, par une dernière réunion, à cet extraordinaire phénomène qu’on a appelé le regroupement national pour le oui; il s’agira de voir quels peuvent en être les prolongements, parceque c’était vraiment quelque chose, une fécondité qui ne peut pas disparaître complètement. Alors, vendredi prochain, j’ai convoqué tous ceux, les quelques centaines de personnes de toutes les régions du Québec, à une réunion qui serait nécessairement la réunion finale en ce qui concerne le oui, mais à une réunion où on pourrait échanger nos impressions et également voir où tout cela peut nous mener. Ce serait vendredi prochain à Montréal.
Deuxièmement, pour bien préparer – on en a parlé forcément un peu au Conseil des ministres hier, au caucus aujourd’hui – la suite, quant à nous, qui comprend non seulement le sujet qui découle directement du référendum, mais qui comprend aussi forcément trois semaines intensives de session parlementaire: le budget, les dépenses, etc.
On va tenir, pour essayer de faire le point sur tout ça, un Conseil des ministres
spécial. Cela nous arrive régulièrement, une couple de fois par année; c’est, je le temps le plus indiqué. Il aura lieu dimanche et lundi prochain, c’est-à-dire avant la reprise de la session.
A vos ordres!
[M. INWOOD: Les questions, maintenant.
M. Morin.
M. MORIN: M. Lévesque, vous venez de nous dire que vous vous engagez dans l’exercice de la négociation et de la révision constitutionnelle. Qu’est ce qui arrive de votre option fondamentale de la souveraineté-association compte tenu des divergences d’opinions qu’il peut y avoir à l’intérieur même du parti?]
[M. LEVESQUE:] Tout ce que je peux dire, c’est ceci. Pour ce qui est de la consultation avec le parti, l’aile non parlementaire, cela va commencer ce soir, vous le savez. Je n’avais rien à mentionner là-dessus pour la simple raison que c’est ce soir la première réunion postréférendaire du conseil exécutif du parti, qui sera suivie au mois de juin – la date n’est pas encore absolument ferme, mais sûrement avant la fin de juin – d’une réunion du conseil national du parti et c’est là qu’on verra à ce niveau, sur ce plan, où cela nous mène.
Je ne verrais – je vous le dis et je pense l’avoir un peu dit dans mes remarques aucune raison de changer la perspective politique que le parti défend depuis treize ans pour la simple raison que c’est quand même, quant à nous, la solution de rechange qui, un jour – je ne veux pas dire que je l’espère, je dis simplement que je continue de le croire va s’imposer.
[M. INWOOD: M. Harris.
M. HARRIS: Au début de vos remarques, vous avez mentionné qu’il vous semblait que la majorité des Québécois qui ont voté oui ont voté sur le fond de la question.]
[M. LEVESQUE:] Oui, je crois.
[M. HARRIS: Maintenant…]
[M. LEVESQUE:] Je crois que la majorité des gens qui ont sincèrement voté non ont voté aussi pour donner un sursis au régime fédéral en fonction de promesses, entre autres,
celle très dramatique de M. Trudeau pendant les derniers milles de la campagne. Je pense que cela a été déterminant dans le vote du non, une acceptation de cette promesse comme un sursis et on verra ce qui va se passer. Du côté du oui, je crois que tout le monde a été amené finalement à voter – tout le monde… en tout cas, une immense majorité de ceux qui ont voté oui – sur le fond.
[M. HARRIS: Pensez vous que le libellé de la question était bon?]
[M. LEVESQUE:] On l’a approuvé comme ça. Je pense qu’il avait un caractère de clarté et de démocratie d’un bout à l’autre qui en faisait une bonne question. C’est tout!
[M. HARRIS: N’auriez vous pas été mieux de poser une question plus dure pour avoir des résultats? Une question…]
[M. LEVESQUE:] Non, je ne le crois pas. C’est certain.
[M. INWOOD: M. Giroux.
M. GIROUX: J’aimerais savoir, M. Lévesque, si votre gouvernement serait prêt à signer une entente,â la suite de la ronde constitutionnelle,qui soit dans le cadre du système fédéral.]
[M. LEVESQUE:] Écoutez , on n’est pas rendu là. Il est évident… Que ce soit nous ou d’autres qui forment le gouvernement, je n’ai pas l’impression que ce qui n’a pas été possible depuis une quarantaine d’années de pressions constantes et ce qui n’a pas été possible, en particulier, depuis douze ans sous les gouvernements de M. Trudeau va se réaliser instantanément.
Donc, la première chose – et je m’en tiens à cela pour l’instant et c’est quand même de bonne foi que je le dis que M. Trudeau et tous ceux qui ont promis à nouveau un fédéralisme renouvelé, qu’ils commencent à livrer la marchandise. Il ne suffit pas d’envoyer M. Chrétien se promener pour voir, je ne sais pas, quelle sorte d’échéancier on pourrait précipiter; on ne veut pas, face aux responsabilités qu’on a, qu’on se jette la tête la première dans n’importe quoi avant qu’on sache, – après tout, je l’ai dit et je le répète – la balle est dans leur camp. Ils ont dit aux Québécois: [Votez non et on va vous renouveler le fédéralisme.] On sait très bien que cela ne se fera pas du jour au lendemain.
Quand on aura sur la table le contenu un peu solide, un peu réel, qui s’inspire du Temps d’agir qu’on a déjà vu sous la plume, enfin! officielle de M. Trudeau, qui s’inspire de parties du livre beige qu’on a vu émerger d’un certain recul par anticipation des libéraux provinciaux – justement, c’est là le danger de la noyade d’un peu partout au Canada qui vont venir se greffer là-dessus, du pétrole de l’Alberta jusqu’au pétrole de M. Peckford, éventuellement, à Terre-Neuve. Quand tout cela sera le mieux possible, sur la table qu’on commence par l’essentiel, là on pourra voir si … Écoutez , moi, loyalement, je dis: Si ce qui n’a pas été possible depuis 17 ans devient soudainement possible et que le Québec y trouve son compte comme peuple et comme réponse à ce besoin fondamental d’égalité, on n’est pas des maniaques, on l’admettra. Mais il faudra tout de même que ce soit vrai et il va falloir faire attention pour ne pas se faire passer des sapins.
[M. INW00D: M. Picard.
M. PICARD: M. Lévesque, vous avez dit tout à l’heure que vous n’abandonniez pas votre option, quant a vous. Est ce qu’on doit au moins comprendre…]
[M. LEVESQUE:] Je n’ai pas le droit, ni le mordant, ni le gouvernement, de la faire valoir dans le temps qui passe. Mais tant que le peuple québécois – à supposer que cela arrive un jour – ne se sera pas prononcé autrement, on n’a pas le droit – parceque je serais hypocrite si je disais le contraire – de croire quand même qu’après toutes les années qui ont passé, à moins qu’on découvre comment régler la quadrature du cercle, certaines des choses les plus fondamentales de toutes en ce qui concerne les aspirations du Québec vont avoir une sacré difficulté à se réaliser.
[M. PICARD: Ma question était la suivante, M. Lévesque: Vous avez dit que vous etiez pret a faire preuve de bonne foi dans ces négociations. Est ce que…
de la mettre sur la table, on n’a pas le mandat de le
faire. Cela ne m’empêche pas]
[M. LEVESQUE:] Comme d’ailleurs – je m’excuse mais je dois le souligner de nouveau – je sais bien que, très souvent, on répercute ce que disent les adversaires; et est normal parceque c’est toujours plus l’attaque qui se fait répercuter des fois que la défense, comme on l’a fait depuis trois ans et demi. Ceux qui ont vu à quel point on a travaillé d’arrache-pied avec des dossiers sans cesse remis à la page et continuellement en concertation avec les autres sur la fameuse [« short list »], les quinze points ou à
peu près de M. Trudeau, le savent, s’ils se sont donnés la peine de regarder ce qui se passait. On a toujours travaillé de bonne foi et c’est notre programme, d’ailleurs, de gouvernement dans le cadre actuel et tant que le cadre actuel sera là et maintenant par la volonté majoritaire des Québécois, il est là jusqu’à nouvel ordre de nouveau, de travailler à préserver et agrandir quand c’est possible la marge d’autonomie qui reste au Québec dans le régime actuel. On va continuer et je crois que c’est notre devoir.
[M. PICARD: Ce que je voulais vous demander justement dans ce sens
la: Est ce que vous seriez prêt à )’occasion de ces négociations de soumettre un cahier de revendications qui pourraient éventuellement inclure
– je ne sais pas – par exemnl.e, les principales demandes les plus importantes du livre beige libéral?]
[M. LEVCSQUE :] Cela fait partie des choses qu’on aura à discuter sûrement, à évaluer et à discuter pendant les quelques jours qui viennent jusqu’au Conseill des ministres spécial qu’on a fixé pour la fin de la semaine prochaine. Entre-temps, je pense que toute personne de bonne foi justement admettra que ceux qui sont venus peser très fort sur le référendum avec des promesses sans aucun contenu à ce moment là doivent quand même commencer à y mettre un contenu concret et solide.
[M. INWOOD: Une sous-question là-dessus, M. McKenzie?
M. McKENZIE: Oui. Là-dessus, M. Lévesque, vous demandez à M. Trudeau de mettre sur la table ses propositions tout de suite avant une conférence ou à une conférence?]
[M. LEVESQUE:] Le choix du moment et de la fanon, ça lui, appartient, mais une chose est certaine, c’est qu’il ne serait pas vraiment correct vis-à-vis d’une population qui, je crois – c’est clair – a majoritairement accepté cet espoir de changement encore une fois présenté et qui a dit: Bon, d’accord, on va voir ce que c’est, et je crois qu’il ne serait pas
correct que ça ne soit vas d’abord une initiative qui se prenne le plus vite possible et non pas le chat qui attend les souris, parcequ’on ne promet pas des choses comme ça sans avoir quelque chose à l’esprit.
[M. McKENZIE: Mais demandez vous qu’il, fasse une proposition avant d’accepter d’aller à une conférence? C’est ça, ma question.]
[M. LEVESQUE:] Pas nécessairement. Tout dépendra – je l’ai déjà dit pendant la campagne – de la façon dont ça se présentera, des échéanciers dans le sens de – je ne sais pas, moi – se rencontrer et de voir où on en est. Il n’y a rien qui peut exclure qu’on puisse y aller. Tout dépendra aussi du moment où ça viendra parceque je l’ai dit , le mois de juillet ne me paraît pas particulièrement propice. Si ça vient avant, il y a déjà des gens qui disent: D’un côté, il faudrait des réunions de premiers ministres provinciaux. De l’autre, il faudrait une réunion de tous les premiers ministres à une espèce de [« First Ministers’Conference »], comme on dit en anglais. Si ça se présente à un moment où on n’est pas obligé absolument de laisser porter qui se produirait à un moment donné au mois de juillet, il n’y a absolument rien qui exclut qu’on y aille.
Mais on n’ira pas commencer à refabriquer toute une série de dossiers, tant qu’on n’aura pas vu sur la table quelque chose qui soit, quand même, le respect minimum qu’on doit aux citoyens après leur avoir fait des promesses la tête sur le billot.
[M. INW00D: M. Pelletier.
M. PELLETIER: Combien de temps, M. Lévesque, allez vous négocier avec le gouvernement fédéral? Est ce que vous avez l’intention d’aller jusqu’â la fin de votre mandat si les négociations…]
[M. LEVESQUE (René):] J’ai dit, et je le répète, sans pouvoir prévoir qu’est ce qui va se passer de mois en mois – mettez vous à notre place – que les élections générales auraient lieu, soit avant la fin de 1980, soit, disons, très clairement, au printemps de 1981. Je ne vois pas très bien et je continue à ne pas voir très bien comment on étirerait ça jusqu’à la fin des cinq ans juridiques, si vous voulez. Cela reste une décision qu’on prendra en temps et lieu, comme se prennent les décisions électorales.
[M. INWOOD: M. Lacombe.
M. LACOMBE: À l’entrevue qu’il accordait a un réseau de télévision avant le référendum ou deux jours avant, j’ai cru comprendre que M, Trudeau disait clairement que les propositions qui pouvaient venir du fédéral étaient sensiblement contenues dans le bill C-60 et que, quant aux autres propositions qui toucheraient a des pouvoirs provinciaux et fédéraux, il fallait que ça vienne des provinces, parceque le gouvernement fédéral ne pouvait pas proposer des choses qui engagent les provinces. Est ce que vous avez l’intention, quand même, de préparer une série de revendications de base du Québec et de les soumettre a une conférence constitutionnelle?]
[M. LEVESQUE:] Vous vous souvenez peut-être que Le temps d’agir et le C-60, enfin, cette espèce d’opération que M. Trudeau avait lancée a la fin de son précédent gouvernement, avit rencontré une opposition non pas seulement québécoise, mais une opposition assez unanime de l’ensemble des provinces qui trouvaient que c’était escamoter le problème que de donner une sorte de clef préliminaire au gouvernement fédéral du côté rapatriement, etc., et, ensuite, d’attendre son bon plaisir pour voir quel serait le contenu au point de vue pouvoir d’une éventuelle constitution.
Il reste a voir comment vont évoluer les attitudes des onze gouvernements la-dessus. Mais une chose certaine, c’est que ce n’était pas acceptable pour personne. Alors, on peut toujours recommencer l’exercice, mais j’ai l’impression que ça aboutirait au même résultat. C’est vraiment la quadrature du cercle.
[M. LACOMBE: Mais vous, est ce qu’en tant que gouvernement provincial vous entendez répondre à cette demande de M. Trudeau et arriver avec une série de revendications précises?]
[M. LEVESQUE (René):] Moi, je dis simplement ceci, si vous le permettez: Il ne faudrait pas qu’on sombre de nouveau dans l’hypocrisie et dans toutes les plomberies préliminaires qui ont toujours noyé les intérêts du Québec. Je ne crois pas que ce soit cela sur quoi on compte et, si ça devenait clairement ça, je crois qu’il y a beaucoup de gens qui ont voté non qui ouvriraient les yeux encore une fois en se disant: où est ce qu’on va dans ce maquis? Il faudra tout de même qu’il y ait quelque chose qui soit concret et, je crois, imaginatif pour essayer de régler le fond des problèmes qui doit, d’abord et avant tout, être inventé par ceux qui ont prétendu devant les Québécois qu’ils pouvaient… Et maintenant qu’ils disent que cela peut se faire rapidement, qu’ils mettent sur la table, si cela peut se faire rapidement, ce qu’ils ont à proposer. Que ce soit du C-60 amélioré ou empiré, que ce soit ce que ça voudra, il faudrait tout de même que… C’est comme on dit en anglais [« l’ut up or shut up »].
[M. INWOOD: M. De Blois.
M. DE BLOIS: M. Lévesque…]
[M. LEVESQUE:] Je pense que le temps est pas où on va pouvoir jouer indéfiniment avec les citoyens d’une promesse à l’autre. Je pense qu’on est rendu, vraiment, au fond du baril en ce qui concerne les promesses.
[M. DC BLOIS: M. Lévesque, deux questions. La première, brièvement: Les élections partielles, est ce que vous avez pris une décision là-dessus?]
[M. LEVESQUE:] Non. La seule chose que je dois dire, c’est ceci: I1 est
absolument impossible qu’il y ait des représentants des comtés vacants qui puissent être élus avant l’ajournement – je pense que cela n’aurait pas de sens – avant la prorogation, en fait, avant la fin de la session, mais je peux m’engager à ce qu’au plus tard – et cela très fermement – avant une prochaine session du Parlement, ces comtés seront représentés à l’Assemblée nationale.
[M. DE BLOIS: M. Lévesque, vous avez souvent dit, au cours de la campagne réfé
Québec et ne pouvait pas donner au Québec le statut d’égalité. Est ce qu’en tenant ces propos vous ne vous trouvez pas à hypothéquer, dès le départ, votre crédibilité? Comment les gens peuvent ils croire que vous allez loyalement vous engager dans des négociations avec le gouvernement fédéral?]
[M. L£VESQ’E:] On va loyalement s’engager, mais en tenant compte de toutes sortes de choses qui sont essentielles qu’on a dites et qui sont vraies. Je vais vous donner un exemple. Il va falloir qu’on trouve, si on veut vraiment renouveler le fédéralisme dans un sens qui ne soit pas une injure, une claque en pleine face à tout un peuple, le moyen, par exemple, de résorber ce qui, systématiquement, a été la tendance du régime, le championnat du chômage à l’est de l’Outaouais avec l’assistance pour les sous-développés relatifs et systématiquement le développement, que ce soient les avions récemment ou n’importe quoi, à l’ouest de l’Outaouais. Je crois qu’il va falloir que ceux qui prétendent nous donner quelque chose de vivable, de respectable comme régime à l’intérieur d’un cadre fédéral, trouvent le moyen au moins d’ouvrir des portes qui nous permettent de voir si c’est possible. Vous admettrez que le fardeau de la preuve initial – on aura à réagir et on aura aussi à préparer et Dieu sait qu’on va préparer nos dossiers – appartient à ceux qui ont placé des promesses, des engagements d’une solennité sans précédent à la veille d’un référendum. Il ne faut pas que ce soit uniquement pour gagner le référendum; il faut que ce soit vrai, sinon on n’aurait plus de respect pour personne. Il va falloir qu’ils acceptent le fardeau de la preuve, au départ, et qu’ils mettent sur la table ce qui leur paraît être le cadre de référence, en tout cas, dans lequel ils voudront fonctionner.
[
M. INW00D: M. Falardeau.
M. FALARDEAU: M. Lévesque, ces propositions que vous attendez de M. Trudeau, vous allez les analyser à la lumière de quelle idéologie constitutionnelle? Puisque ce ne sera pas la souveraineté-association, est ce que ça va être le fédéralisme renouvelé ou…]
[M. LEVESQUE:] À la lumière de l’idéologie, si vous voulez employer le
terme, de ce que ce sont les intérêts essentiels du Québec, de tous les pouvoirs dont il a besoin, quant à nous et quant à bien des prédécesseurs, comme vous le savez, et de tous ceux qu’il détient et qui n’ont pas le droit d’être émasculés.
[M. INWOOD: M. Cowan.
M. COWAN: M. Lévesque, avez vous songe, à convoquer le comité constitutionnel de l’Assemblée,ou quelque chose comme ça, pour voir s’il est possible d’avoir une position unie avec les partis d’opposition ou certains des partis d’opposition?]
[M. LEVESQUE:] Cela a été évoqué. On verra dans quel climat… Je ne pense pas, encore une fois, vous savez, qu’avant le mois de juillet, il y ait un nouveau BNA Act qui réponde à tous les{roblémes. Il ne faudrait tout de même pas être naïf. Donc, on verra le climat dans lequel l’Assemblée nationale va se réunir et il n’est absolument pas exclu, cela a été évoqué, des choses comme ça, qu’on voie s’il n’y a pas moyen d’avoir un consensus sur des choses essentielles qui permettraient aux oppositions, si vous voulez, de participer à l’exercice. Mais ça, ça reste à voir.
[M. INWOOD: Michel Morin, si vous voulez vous approcher d’un micro, s’il vous plaît.
M. MORIN (Michel): M. Lévesque, dans la mesure où on peut mettre en doute votre bonne foi, étant donné qu’à Ottawa et à Québec, vous admettez, vous continuez d’admettre la souveraineté-association comme objectif au parti qu’est ce qui peut vous inciter à reporter des élections à l’automne ou au printemps plutôt qu’au mois de juin? Est ce que ça ne serait pas plus intéressant pour vous, pour votre parti, de s’en tenir au mois de juin? Qu’est ce qui vous fait penser que ça pourrait être plus intéressant pour votre parti d’avoir des élections au printemps ou à l’automne?]
[M. LEVESQUE:] Écoutez , on aurait l’air presque en panique d’aller essayer
d’escamoter un mandat. Les gens ont voté au mois de février, après une longue
campagne, ils ont voté au mois de mai, après une longue campagne, et l’exercice de la votation, je crois que le reprendre au moment où on n’a pas ajusté la nouvelle carte électorale qui est quand même une réforme qui traînait dans le paysage et qui était passée due, si vous me permettez l’expression, depuis les élections de 1973, la mise en oeuvre de la nouvelle loi électorale, dont seulement des morceaux ont servi au référendum, tout ça, on aurait l’air de l’escamoter, de l’envoyer promener en disant: Essayons d’aller se chercher vite, en pleine période d’épuisement un peu général, un nouveau mandat.
Cela pourrait avoir l’air également de gens qui ont simplement décidé de passer la main, et les démissions camouflées, je ne crois pas à cela. Ce sera aux citoyens, au moment où ils auront vraiment eu le temps de voir venir convenablement – et cela demande quelques mois – de se prononcer sur le gouvernement et de se prononcer, évidemment, sur le gouvernement qu’ils veulent avoir pour les quelque prochaines années. Lequel défendra le mieux les intérêts du Québec, lequel proposera les meilleures mesures comme gouvernement, il faut que ce soit développé d’une façon convenable.
Je pense que vous savez que M. Ryan a déjà dit que le livre beige avait peut-être besoin – il commence à être temps qu’il s’en rende compte – d’être légèrement modifié. C’est tout ce qu’ils ont comme programme qu’on peut appeler constitutionnel. Franchement, cela aurait peut-être besoin, en effet, d’être révisé un peu. Je n’ai pas de conseil a leur donner .
Et pour ce qui est de la bonne foi, je vous ferais remarquer une chose.
Je commence à avoir quelquefois mon voyage de cette répercussion assez fréquente des attaques de nos adversaires. Je prends les Québécois à témoins, très simplement, de ceci: Contrairement à d’autres, et à d’autres niveaux de gouvernement ici et là, est ce qu’il y a un seul engagement important que le gouvernement actuel n’ait pas tenu depuis les élections – et tenu quelquefois à son détriment pendant un certain temps, parceque c’est dur à faire passer – loyalement et complètement? Et pour ceux qui ont une tête sur les épaules et qui veulent regarder, est ce que, dans le cadre de la défense et de la promotion de l’autonomie du Québec et de la défense farouche, constante, de tous ses intérêts dans le cadre actuel, est ce que, depuis novembre 1976, à travers la pléthore invraisemblable de comités, de conférences, etc., on n’a pas, d’arrache-pied, défendu l’autonomie du Québec, tout en ne perdant jamais de vue ce qui est notre conviction pour l’avenir?
La reponse, il me semble, est assez claire. Et si le passé est garant de l’avenir, je crois que si on dit qu’on va le faire avec bonne foi, on va le faire aussi avec vigueur en ce qui concerne la défense des intérêts du Québec. Et la promotion des aspirations fondamentales du Québec, dans quelque renouvellement que ce soit, je laisse la population en être juge. Il est bien qu’on répète sans cesse les bobards des adversaires, mais quand même.
[M. INWOOD: M. Brosseau.
M. BROSSEAU: M. Lévesque, advenant la tenue d’un référendum fédéral sur une constitution dans laquelle il n’y aurait pas la notion d’égalité des peuples, qu’est ce qui arriverait?]
[M. LEVESQUE:] Vous me posez une question très hypothétique. Cette idée de référendum général que M. Trudeau a laissé entretenir jusqu’aux élections de 1979, qui a été abandonnée, à juste titre, par le gouvernement de M. Clark, là, je pense que ce sont les média sd’information qui l’ont invoquée et non pas le gouvernement fédéral lui même. Jusqu’à nouvel ordre, est ce qu’on pourrait leur laisser prendre des décisions aussi glissantes que celle là et on verra?
[M. INWOOD: M, Fraser.
M. FRASER- M. Lévesque, J’ai une question ê poaer’concernant la question de la responsabilité ministérielle. En 1965, le gouvernement libéral, à l’époque, a eu des élections sur une recommandation de M. Walter Gordon qui
l’échec, M. Gordon a démissionné. Vous avez eu un référendum sur le mandat de négocier la souveraineté-association. Cela aussi a été un échec. Je me demande si, au Conseil des ministres ou au caucus, soit vous même, soit un ministre, soit un député a demandé une démission à M. Morin qui a été en effet l’auteur ou un des auteurs ou à d’autres qui ont été impliqués dans cette stratégie après cet échec stratégique.]
[M. LEVESQUE:] Non, on a toujours le goût – j’ai vu cela se développer
très vite dans les commentaires externes qui ont suivi, mardi soir – de voir, parcequ’après tout cela ferait de l’action, s’il n’y a pas moyen de viser quelque bouc émissaire que ce soit. Je suis sûr qu’il y a pu y avoir des erreurs, mais pour ce qui concerne – des erreurs, il y en a toujours le long du chemin – l’ensemble de ce qui a été fait, il ne faut pas oublier que cela a été et très démocratiquement approuvé, depuis 1974, le référendum; depuis 1976, l’idée de le tenir avant la fin d’un premier mandat, autrement dit de ne pas mêler cela avec des élections générales; pour ce qui concerne la question, après de longues discussions, mais de mises au point aussi; de même que pour le livre blanc, que, par conséquent, tout le monde, sur l’essentiel, est coresponsable et, chercher des boucs émissaires, cela me paraît vraiment être plutôt l’affaire des autres, mais il n’en a pas été question dans nos discussions.
[M. INWOOD: M. Cleary.
M. CLEARY: M. Lévesque, est ce qu’il est juste de comprendre que le gouvernement du Parti québécois a l’intention de mettre en veilleuse,temporairement admettons, son option de souveraineté-association et que les propositions fédérales ne seront pas jugées par disons le miroir de cette option?]
[M. LEVESQUE:] C’est exactement ce que je veux dire; c’est qu’on n’a pas le
droit – on n’a pas eu le mandat – de juger autrement qu’en fonction et de l’autonomie existante et des marges d’autonomie très importantes qui se sont accumulées comme demandes depuis longtemps et qui ont été justifiées par des approbations successives, vous le savez, de l’électorat québécois. Il n’est pas question de laisser aller quoi que ce soit de ce côté la; il ne peut pas en être question. Ce serait vraiment trahir littéralement l’évolution du Québec dans ce qu’elle a de plus connu et de plus approuvé par la population. Main cela ne nous donne pas le droit de juger quoi que ce soit qui vient pendant le temps qui court en fonction de notre option, pour l’instant, comme gouvernement. On n’a pas le droit de le repousser.
Le parti a parfaitement le droit de décider, mais je crois qu’il a parfaitement le droit de la maintenir, parceque notre conviction demeure que cela peut, rapidement à part cela, apparaître, en plus du progrès réel quand même qui a été fait dans l’ensemble du Québec cette fois ci, avec des reculs ici et là, mais l’ensemble a été un progrès, cela peut vite apparaître comme la seule solution, une solution simple pour les deux peuples concernés.
Mais on n’a pas le droit, nous comme gouvernement, tenant compte du mandat qui ne nous a pas été donné, de commencer à faire valoir dans des conférences, etc., la souveraineté-association, puisqu’on n’a pas eu le mandat de le faire.
[M. INNWJ00D: M. Chabot.
CHABOT: M. le premier ministre, vous avez commencé hier au Conseil des ministres, le caucus aujourd’hui, l’exécutif national et probablement de façon personnelle,â faire l’autopsie de cette campagne…]
[M. LEVESQUE:] Un peu, oui.
[M. CHABOT: Est ce que vous voudriez nous dégager, selon vous, trois ou quatre principales raisons auxquelles vous attribuez votre échec?]
[M. LEVESQUE:] À part nos failles à nous, parceque souvent on s’aperçoit après et on dit: J’aurais dû faire ci, j’aurais dû faire cela, malgré que c’est toujours plus ou moins marginal, je crois qu’au point de vue organisation, au point de vue climat de campagne, au point de vue, comment dirais je, enthousiasme absolument indescriptible des militants – vous avez dû le voir – du oui qui venait de tous les horizons politiques, c’était difficile de faire plus, et je crois que cela aurait été difficile de faire mieux.
Alors, il y a quand même des causes principales qui sautent aux yeux de ce qui est arrivé; il y a le vote massif du non des anglophones – et je crois que c’est leur droit le plus fondamental, mais c’est presque toute la marge de différence entre le oui et le non, quand vous regardez le résultat. Cela explique au moins la plus grande partie de 19 points de différence. On le savait, c’est un fait. Cela ne sert à rien, surtout après coup, de continuer à souligner cela juste pour se faire plaisir, parceque ce serait un peu comme de dire: Il
a fait mauvais. Il a fait mauvais, on n’y peut rien. C’est une première chose qui est évidemment très massive, très substantielle dans le résultat.
Il y a aussi – je pense que cela correspond un peu à des retombées assez normales des élections fédérales toutes récentes du 18 février – la volonté qu’expriment un bon nombre de Québécois, de toutes origines cette fois, de donner une chance, un sursis, si vous voulez, au fédéralisme, après les promesses qui ont été faites en particulier par le premier ministre fédéral. parcequ’après tout, c’était dans les retombées de sa réélection. Il a eu comme un nouveau mandat, c’est le cas de le dire. Alors, il s’agit de voir ce qu’il va en faire après les promesses qu’il a faites.
Je pense que beaucoup de Québécois ont tenu à dire: On va voir, après tout, il mérite au moins d’avoir une chance de le prouver. Il y a aussi des raisons sociologiques, mais il ne sert à rien d’insister, vous avez vu ce qui se passait. Il y a des raisons sociologiques, il y a des groupes qui sont plus friables devant une propagande constante de peur, devant une avalanche absolument sans précédent et profondément, à notre avis, immorale de publicité fédérale qui est venue enrichir, si on peut dire, la publicité légitime du Comité du non. Cela a aussi eu un impact, mais ne me demandez pas comment on peut évaluer tout ça. Ce sont les trois choses qui nous paraissent essentiellement se dégager de ce qui est arrivé. Avant qu’on puisse entrer dans plus de détails, ça va prendre des analystes qui ont eu plus de temps que 48 heures.
[M. LAPOINTE: Ne pourrait il pas arriver, M. Lévesque, à la suite de la victoire du non et du fait que vous allez participer en tant que gouvernement provincial à la négociation d’un fédéralisme renouvelé, que les militants indépendantistes du Parti québécois se sentent frustrés et demandent un retour à une ligne politique plus radicale?]
[M. LEVESQUE:] Je crois que ça ne serait pas, à mon humble avis, tout à fait la meilleure voie de l’avenir puisque les progrès ont été constants, pour autant qu’on
comme je vous l’ai dit, cela appartient au parti dont, forcément, je suis un des militants, moi aussi, et on va tous avoir à décanter ça à ce niveau là et ça commence ce soir. Je n’ai pas à parler, pour l’instant, de la réaction du parti, elle va se développer elle même et on va l’accompagner tout le monde ensemble. Vous verrez bien ce que vous verrez, comme moi.
[M. PELLETIER: Une sous-question.
M. INWOOD: Une sous-question, M. Pelletier.
M. PELLETIER: Le parti, à l’heure actuelle, vous le mettez un peu devant un fait accompli; finalement, il n’y a pas encore eu de rencontre avec l’Exécutif national pour faire l’autopsie, il n’y a pas eu de discussions.]
[M. LEVESQUE:] Comme gouvernement, on est obligé d’enregistrer le fait et comme gouvernement on n’a pas le droit de se conduire du tout à rebours de l’essentiel qui a été le résultat du mardi 20 mai. Pour ce qui concerne le comportement du parti dans l’avenir, sa façon de s’orienter, j’ai dit simplement que je ne vois pas pourquoi, d’aucune façon, ça permettrait de dire: C’est nécessaire d’aller au galop par là ou bien de reculer. Je crois encore que ce qu’on a dans notre programme pourrait fort bien, très bientôt, constituer une solution de rechange après, hélas, que des illusions se soient de nouveau envolées.
Seulement, comme gouvernement, il faut que de bonne foi on dise: Non seulement on accepte le résultat, mais on va travailler en fonction de ce résultat. À condition que les autres disent: Maintenant, qu’est ce qu’on met sur la table, d’abord?
[M. PELLETIER: Ne serait il pas un peu difficile, M. Lévesque, d’avoir une position en tant que chef du Parti québécois et lare autre position en tant que chef du gouvernement? C’est-à-dire, dans la mesure oû les militants décideront de conserver, de continuer à axer sur la souveraineté.]
[M. LEVESQUE:] Je crois honnêtement que le parti – maintenant, j’aimerais autant que vous arrêtiez là et on va vous donner des nouvelles aussitôt qu’on en aura – a mûri extraordinairement depuis quelques années et il s’est enrichi d’une façon absolument sans précédent pendant les semaines de la campagne référendaire. Tout cela va affecter, si vous voulez, son comportement et j’aimerais autant qu’on puisse le discuter démocratiquement à l’échelle du parti. Je ne veux pas commencer à vous donner l’occasion de faire les titres et les commentaires que j’ai déjà vus.
[M. INWOOD: M. Harris.
M. HARRIS: Je pense que c’est compliqué mais j’aimerais poser un scénario possible et vous demander votre opinion par après. Donné…]
[M. LEVESQUE:] Mettez un scénario possible et mon opinion va être vite exprimée,. Je ne veux pas…
[M. HARRIS: Donné la possibilité que vous veniez a un accord avec toutes les autres provinces et le fédéral pour un nouveau 3DNA Act, si vous voulez, c’est à ce moment là que le projet de souveraineté-association devient une espèce de lettre morte, si vous voulez. Si, au contraire, vous trouvez que c’est impossible, il y a un paquet de gens qui vont vous accuser de ne pas avoir négocié de bonne foi. Est ce que vous ne vous trouvez pas dans une position plus ou moins impossible à ce moment?]
[M. LEVESQUE:] Écoutez, oui, et je pourrais vous en faire trois ou quatre autres scénarios. Pour l’instant, on va se contenter de ce qu’on a à dire aujourd’hui, d’accord?
[M. INWOOD: M. Picard.
M. PICARD: Une courte question, M. Lévesque. Je voudrais savoir quand votre gouvernement a t il l’intention de recevoir M. Chrétien qui, semble t il, s’est annoncé et est ce que la transparence dont vous parliez au début de votre intervention s’applique aussi à ce genre de réunion, dés ce moment la?]
[M. LEVESQUE:] Oui. Écoutez , si M. Chrétien… J’ai entendu des rumeurs flotter comme quoi il voulait faire cela vite, vite, vite, vite, parcequ’il avait des vacances à prendre. J’ai vu ailleurs qu’il devait faire rapport à M. Trudeau la semaine prochaine. Je ne sais pas exactement où c’en est; tout ce que je sais, c’est qu’on me dit qu’il voulait se présenter ce matin et nous étions pris dans les suites d’un Conseil des ministres très spécial hier – inutile de le dire – et puis un caucus extraordinairement important pour faire le point entre nous aujourd’hui. Cela aurait été complètement prématuré et on ne voit pas en quoi, entre les vacances et les rapports à M. Trudeau, je ne sais pas, il lui est impossible de rencontrer M. Morin lundi ou mardi au plus tard.
De toute façon, à partir de ce moment là, s’appliquerait quant à nous ce que je disais tout à l’heure, c’est qu’il n’y aura rien de caché.
[M. PICARD: Est ce que cela veut dire que vous exigez que pareille rencontre ait lieu devant les journalistes?]
[M. LEVESQUE:] Cela pourrait l’être ou cela pourrait être un rapport immédiat, l’enregistrer pour que tout le monde sache ce qui s’est passé.
[M. INWOOD: M. Giroux,]
[M. LEVESQUE:] …quoi qu’il se passe, même s’il ne se passe rien.
[M. INWOOD: M. Thomas, une sous-question?
M. THOMAS: Est ce que ça veut dire que dés maintenant
une règle qu’il n’y aura pas de rencontre à huis clos, qu’il. n’y aura pas de discussions Privilégiées entre vous et M. Trudeau au téléphone?]
[M. LEVESQUE:] Non, je ne peux pas établir de règle comme ça. Je réclame au nom du gouvernement ce qui me paraît être la décence après toutes les promesses qu’il y a eu et forcément l’effervescence constitutionnelle je réclame au nom du gouvernement et
au nom du caucus aussi de notre gouvernement que ça soit la transparence la plus complète. Je ne peux pas imposer cette tranparence, etc. puisqu’on a une voix sur onze dans ces rencontres. Ce à quoi on s’engage, nous si les autres ne sont pas d’accord, c’est leur problème, on espère qu’ils seront d’accord – c’est que quelque réunion que ce soit au niveau des responsables politiques en ce qui concerne nous, les représentants du Québec, tout va être sur la table au fur et à mesure de ce qui s’est passé ou de ce qui ne s’est pas passé.
[M. INWOOD: M. Pelletier?
UNE VOIX: Cela va.]
[M. LEVESQUE:] Autrement di, le huis clos, quant à moi ça vient de finir
pour ce qui est de dire: on va zigonner quelque chose en coulisses et les citoyens ne le saurant pas. Là, c’est rendu à un point un peu trop déterminant dans l’évolution politique qui traîne dans paysage et souvent, trop souvent en coulisses depuis longtemps, pour qu’on continue à avoir des écrans de fumée constants dans lesquels tout est noyé à un moment donné.
[M. THOMAS: Est ce que ça veut dire que vous allez refuser d’assister à une réunion à huis clos?]
[M. LEVESQUE:] Pas nécessairement, mais vous pouvez être sûr d’une chose, c’est que vous allez savoir ce qui s’est passé tout de suite après.
[M. INW00D: M. Lacombe.
M. LACOMBE: M. Lévesque, le sais que voua n’aimez pas parler de ce sujet là et je pense que la réponse que vous avez faite à Graham Fraser tantôt sur l’avenir politique de M. Morin le prouve assez, mais il. y a quand même eu,
i7 y a une défaite importante.]
[M. LEVESQUE:] Là, vous venez de faire un préambule que je vais être obligé de réfuter, mais cela étant dit, c’est quoi?
[M. LACOMBE: Mais, enfin…]
[M. LEVESQUE:] Okay.
[M. LACOMBE: Disons que j’ai été imprudent. La défaite est très importante et elle suit sept défaites électorales dans )es élections partielles. Il. y a quelque chose visiblement nui ne marche pas dans la machine du parti ou dans la machine du gouvernement en campagne. Est ce que vous n’avez pas la nécessité urgente pour votre propre survie de faire une réforme importante de la machine du parti quelque part ou de la machine du gouvernement en campagne quelque part?]
[M. LEVESQUE:] Non. Je crois, honnêtement, que si vous regardez – on l’a dit, personne ne trouvait que c’était complètement anormal – par exemple, les élections partielles de l’automne dernier qui sont celles ou vraiment on a perdu deux comtés qui nous avaient fait confiance en 1976, ceux qui ont perdu la mémoire, je vais le leur rappeler, c’était dans la pire période pour n’importe lequel gouvernement, cette espèce d’échéance terriblement tendue et dure à traverser, même si on l’a traversée en six mois, contrairement à d’autres qui l’avaient fait en 18 mois ou 24 mois avant, cette échéance des négociations publiques, parapubliques, des grèves qui venaient à Montréal, par exemple, dans les transports en commun, tout cela accompagnant un climat de très grande tension et d’inquiétude, c’est sûr que cela a été un des facteurs déterminants de ces élections partielles. Je vous donnerais comme exemple de ce que je veux dire, à l’inverse, que, dans le comté de Maisonneuve et, dans l’ensemble, sur le fond de la question ce qui était un vote très difficile, on le sait, – le 20 mai, il y a deux jours, on a plutôt donné une majorité au oui.
Je ne vois pas là d’enseignement, à ce point tragique, qu’on doive tout chambarder. Il ne s’agit pas non plus de faire une espèce de naïveté aveugle et de dire: il n’y a rien à corriger, mais il y a une chose certaine, c’est que je crois que dans l’ensemble, les citoyens ont confiance au gouvernement actuel. Je crois quecontrairement à tout ce qu’on exploite du côté de nos adversaires, ils savent que quand on prend un engagement, on le tient et qu’on l’a fait avec bonne foi jusqu’ici et qu’on va continuer à le faire dans la période qui va précéder des élections dont la date sera fixée, comme c’est normal, en temps et lieux.
[M. LACOMBE: Je ne veux pas n’étirer là-dessus, mais seulement une sousquestion, vous avez dit, par exemple, pendant la campagne, que quand on vous posait des questions de détail sur le fond de l’option, vous répondiez volontiers très souvent que ça regardait le deuxième référendum. Vous nous dites aujourd’hui que le deuxième référendum, c’est une idée qui n’a pas pris et on a fait le deuxième tout de suite. À côté de ça, vous aviez des comtés oû vous attendiez des résultats pas mal plus importants que ceux que vous aviez eus, par exemple, dans l’Est de Montréal…]
[M. LEVESQUE:] Je comprends.
[M. LACOMBE: Est ce que vous n’avez pas fait, finalement, une erreur stratégique qui oblige è une réévaluation de votre machine?]
[M. LEVESQUE:] L’Est de Montréal, enfin, vous mêlez un peu les pommes et les oranges, les torchons et les serviettes et aussi avec le fond du problème. Je veux bien, mais j’aimerais ça essayer de sérier les morceaux. Pour ce qui est de l’Est de Montréal, abstraction faite de Sainte-Marie, Saint-Jacques et Maisonneuve, c’est vrai qu’il y a eu une sorte de recul par rapport à ce à quoi on pouvait s’attendre normalement, croyons nous. On s’est trompé, donc, il va falloir l’évaluer. On ne sait pas exactement, j’avoue humblement, qu’on n’a pas fini toute l’analyse.
Est ce que ça rejoint les trois principales raisons que j’ai données tout à l’heure, qu’on a identifiées, je pense comme tout le monde qui se donne la peine de regarder, comme cause de la défaite, ça reste à voir? Il s’est passé quelque chose qui était une sorte de tassement, c’est sûr, dans l’ensemble, si vous voulez, de l’Est français de Montréal, enfin, les parties francophones surtout, c’était frappant.
Quelle est l’explication? Écoutez, comme ils disent en anglais, votre réponse est aussi bonne que la mienne pour l’instant, je ne sais pas. Pour ce qui est de réviser tout en fonction de certains échecs, il ne faut tout de même pas paniquer. On s’en va à des élections, mais je vous assure, pas au mois de juin, ni au mois de juillet.
Alors ce sera ou bien avant la fin de 1980 ou bien en 1981 pas très avancée. Cela nous donne le temps de regarder, parcequ’on n’est pas des démissionnaires et je ne me sens pas du tout démissionnaire. De toute façon, c’est complètement idiot de parler de démission parceque cela ne se fait pas comme cela en démocratie. En démocratie, un homme, une femme peuvent démissionner à un moment donné ou être amenés à démissionner, c’est sûr, en fonction de solidarité ministérielle, en fonction de divergences de vues totales. Je n’ai pas remarqué cela au lendemain de mardi soir. Je ne le vois pas non plus se profiler pour l’instant. Mais entre cela et un gouvernement qui ferait exprès pour littéralement tout confusionner les gens, changer tous ses fusils d’épaule simplement parcequ’il y a eu quelques échecs même cuisants en cours de route, il y a une sacrée marge.
Je crois que le démocratie exige qu’un gouvernement sortant aille le plus vigoureusement possible chercher un autre mandat, si les citoyens sont d’accord. Sinon, ce sont les citoyens qui lui disent: C’est le temps de t’en aller. Je ne vois pas cela autrement.
[M. INWOOD: M. Picard.
M. PICARD: M. Lévesque, vous avez dit tant8t quelque chose qui m’a beaucoup frappé. Vous avez dit que, s’il advenait qu’au cours de ces négociations, on
puisse trouver une formule qui satisfasse les aspirations fondamentales des Québécois – je reprends vos mots – vous n’étiez pas des maniaques et on verrait. Pourriezvous quand même nous définir,aujourd’hui, autour de quoi – les deux ou trois points principaux – pourrait s’articuler une telle formule dans le cadre du fédéralisme?]
[M. LEVESQUE:] Je dois vous dire une chose – je répète ce que M. Dunton a dit
et ce que nous ont dicté sans arrêt douze ans du gouvernement de M. Trudeau et une trentaine d’années avant – c’est que personne n’a trouvé encore – écoutez, tous les échecs sont là pour le souligner – cette espèce de quadrature du cercle dans le régime fédéral entre ces espèces de niveaux qui, continuellement, noient le poisson, donnent, d’une part,onze gouvernements avec dix provinces et, d’autre part, deux peuples. Je trouve encore étrange comme perspective, pour vous donner juste une illustration, ce que M. Trudeau disait l’autre jour dans son allocution de mardi soir par ailleurs très bien sentie et, je crois, respectueuse, enfin, après l’événement de tout le monde. Il est allé chercher une citation d’Emmanuel Mounier, ce qui fait très bien dans le paysage,et il disait ceci: [« Comme l’écrivait Mounier, nous avons tous plusieurs petites patries sous la plus grande et,en ce sens, on peut être authentiquement québécois, terre-neuvien ou albertain tout en étant vraiment canadien.] Cela étant dit, arrive ensuite ceci: [« Le fédéralisme est la seule voie de l’avenir pour notre monde inquiet. »] C’est beau, c’est une splendeur, sauf que ce n’est pas exactement le courant actuel du monde. Enfin, cela, c’est une autre paire de manches. Mais enfin, on a le droit chacun à ses convictions, sauf qu’il faudrait
cela, c’est une sorte de pétition de principe philosophico-politique, mais ensuite cela dit ceci, comme conclusion: pour notre monde inquiet, donc le fédéralisme, [« parce qu’il est seul capable de marier efficacement le besoin d’intimité culturelle… »]
Vous voyez à quel point cela fait presque une petite chambre close, le
besoin d’intimité culturelle des groupes et des personnes avec les mises en commun qui s’imposent pour régler les problèmes, etc. J’avoue que cette notion très salonnarde jusqu’à un certain point, d’une intimité culturelle, douillette et qui ne va pas plus loin, ne me paraît pas pour l’instant – je ne veux pas aller plus loin – nous annoncer un renouvellement dans le sens que vous avez évoqué. On verra. Ce qu’on est obligé de dire pour le moment, c’est: On verra. C’est à M. Trudeau de nous définir, à partir de son intimité
culturelle, ce que serait un régime dans lequel on pourrait avoir l’épanouissement,
la création d’emplois et tous les moyens dont un peuple a besoin pour
que sa culture ne devienne pas justement une sorte d’intimité de musée, mais quelque
chose de vivant et de dynamique et qui produit.
[M. INW00D: Quelques questions en anglais maintenant, M. le premier
ministre, si vous voulez.]
[M. LEVESQUE:] Oui, d’accord.
[M. INWOOD: Mr Wildgust.
M. LEVESQUE: You mind, if we try to reply what we can inside of the next fifteen minutes, because I really have to get ready for another meeting.
M. WILDGUST: M. Lévesque, can you set some preconditions for participating in constitutional talks concerning confidentiality and that there would have to be concrete and imaginative proposals from Ottawa? In this context, are you promising that the Parti québécois government would sign on the dotted line for renewed federalism…
M. LEVESQUE: I am not promising…
M. WILDGUST: … that followed a sort of trust of previous government’s demands or would Mr. Morin’s comments of Tuesday night that we will see the intellectual bankruptcy of the federal government in a few months would that become a self propelling prophecy. Where do you situate your self between those two?
M. LEVESQUE: Mr. Morin’s comments were based on the renewed disaster our failure over so many years, including the twelve years of Mr. Trudeau, of any kind of renewed federalism which would at the same time answer some
of the basic needs of provincial governements, not just Québec. I think I am I
not telling you anything new, and you have seen in another 48 hours that there cropping up, again, which is normal, but not only that, but also the basic aspirations of one people as defined all along the way and especially by Laurendeau and Dunton, so many years ago, the basic aspirations to concrete and acceptable equality, fundamental equality.
This can be like squaring the circle, it has been like squaring the
circle for so many years. Now, since we have Mr Trudeau’s head on the block right before the referendum with a promise – it looked a bit like instant pudding, but everybody knows it will not be any kind of instant pudding; we are not out of the woods – but we have that promise. Is there enough imagination which has not been found yet and enough concrete realism to bring about something which would answer both needs? Look, as I said in French, we are not maniacs. We do not have the mandate to push our solution. We can still believe, deep down, that it is going to eventually prevail, in the interest of everyone, and, in the meantime, we do not have a mandate to push it. So, we will not push it, period. And, as far as good faith is concerned – contrary to a lot of know-ails who were not there over three and a half years -we have not, I think, lacked good faith. I think we have put more than many others in the implementation of every commitment we have made, if the past is any kind of proof for the future, plus the fact that, for three and a half years, the interminable rounds of negotiations that we had,constitution-wise, including the so-called short list that Mr Trudeau himself put on the table before the end of his last government and we accompanied with all the files and all the competence we could, foot by foot,
on the basis of autonomy, including, in many cases, joint efforts by quite a few provinces, including Québec. We did that in good faith for three and a half years. We do not have a mandate to do anything else. The only think I can say is that we will put the same good faith, since we do not have a mandate to do otherwise, in whatever but he has to start – the »promisor » puts on the table as an initial content to promises he made which were a blank cheque. Now, he has his blank cheque. It is up to him to fill it…
M. WILDGUST: Are you saying then…
M. LEVESQUE: … or begin to fill it, anyway.
M. WILDGUST: … that if there were a proposal that came close to the laurendeau-Duntan « egalitL » formula, that a Parti québécois government would negotiate renewed federalism?
M. LEVESQUE: We would look, wait and see, O.K.? For the moment, we
are taking a commitment that there would be, for as long as we
are a government
without any other mandate, there will be a staunch defence and promotion of
Qu6bec’s interests that have to be, either protected or advanced, and I think no self-respecting provincial government can do otherwise and this counts double for a provincial government which also has that national aspect to think about.
M. LEVESQUE: That is going to be
our posture and that is the way eventually we will
go to any negotiations, with an open mind to anything concrete
itnd with good faith. In other words not trying to
sabotage things on account
of our option because we do not have a mandate to do it. M. INWOOD: Mr Benedetti.
M.BENEDETTI: I do not want to try that.
M. INWOOD: …
M. LEVESQUE: You are more less in my position. I do not have much time either.
M. INWOOD: Mr Saint-Laurent.
M. SAINT-LAURENT: Mr Lévesque, Mr Ryan has challenged your credibility in
titutional talks because of your commitment to sovereignty-association. How
because your ultimate goal is the destruction of the federal system.
M. LEVESQUE: I will leave the people to judge on our good faith after three and a half years and our quality as defenders of Quebec interests in any kind of
called renewal, whatever comes eventually. To judge that,in contrast with what so-called
appeared as Mr Ryan and his entourage policy positions in the/ beige paper, because
that would renew federalism in a sense that Quebec – if ever that came
about – would just give up hope about any of its most fundamental aspirations, and it is up to the people to make up their minds about the legitimicy and the credibility of either of the possibilities, and that, eventually, will be thrashed in a general election.
M. SAINT-LAURENT: How do you expect to deal with what will likely be the Liberal’s constant attacks on your government and appeals for your resignation3
M. LEVESQUE: Oh, good lord! A government does not resign. A person does;
a government resigning is not just a suicide-like attitude, it is crazy. It does not at all mean a minimum respect of democracy. A government, whatever the straits it can be in, when the time comes, should go to the people and if the people want to kick you out, then they make the decision. You do not kick yourself out as a government. That is so absurd, it does not require much answer.
M. INWOOD: M. Bazay.
M. BAZAY: Mr Lévesque, are you not trying to play an impossible game now in the constitutional field? The people have rejected your option, you say yourself,
terms of negotiating any kind of renewed federalism or participating
even in cons
are you going to answer those
who say that,in fact, you cannot negotiate this,
so- because they judged you on the bas is of your option, and yet you are still trying
to wear the federalist and sovereignty-association hat at the same time. Is it not an impossible think to do, and do you even have the mandate now to try
to say that you are the person who can judge the goods that the federalists are trying to deliver?
M. LEVESQUE: Look, my only answer, because this
is going back again and again
on something we had in French – and I know you are a good bilingual person – and the time is getting short.
My only answer is simply this: It is up to the people to decide who they endow with credibility. It would not be the first time that they would think that maybe it is better. Whatever the options for the future, as long as we
do not pretend we have a mandate that we do not have, it is better to have staunch and tenacious defenders and promoters of Québec’s interests than people who are ready to resign on them, practically before they start, which is the case of the Liberal stance for the moment.
M. BAZAY: Does it not follow from this referendum that your government should step aside and let those who say that they want renewed federalism?
M. LEVESQUE: I do not think that, in any kind of normal democracy a government steps aside, it goes to an election when the time comes. We do not see the need for an election in June or July. The decision about whether it is this fall or early in 1981 remains to be taken by us, not by the media and not by Mr Ryan.
M. INWOOD: Mr Vermette.
M. VERMETTE: Mr Premier, do you believe that Prime Minister Trudeau’s two preconditions for negotiations – number 1, the maintaining of the existence of the federal system and, number 2, a charter of human rights – are reasonable or exaggerated, according to you?
M. LEVESQUE, As far as the first one is concerned, even before Tuesday’s results, a fortiori, afterwards, I think I understand it and that, for the moment, we have to accept.
As far as the second one is concerned, it is already something which shows that we had better wait until we see some substantial content to Mr Trudeau’s promise of renewed federalism. After twelve years, that is an old condition or precondition- let’s say – of Mr Trudeau’s and it is one that, not just Québec, but Québec, first and foremost, refused because when you include linguistic rights in a constitutional entrenchment, that means that you are literally curtailing any right, basically, for Québec’s society or for Québec’s Parliament, the only one it can control, as a society, to accompany and develop linguistic and cultural evolution. That, we can go into, chapter and verse, when the time comes, but it is already an indication that, for instance, and I know a lot of people who would be happy, but I know a majority and a massive majority of Quebec’s French majority population who would think this is the end of any kind of basic security for our cultural development. It could mean the flying away of some of the most important chapters, including school chapters of Bill 101, and, that, I do not think Québec
Will it be a new development in this idea of a charter or a hill of rights, including community rights? That remains to be seen, but for the moment, it is an indication of something that I think we’d better wait and see developed a bit more.
M. VERMETTE: You told the Prime Minister to deliver the goods and to put up or shut up – you talked about substantial content – what is your definition of substantial content?
M. LEVESQUE: Look, when we see it, I think we will all be able to evaluate it. There is a sort of orientation, a framework of whatever he has to propose. Will it still be bill C-60, that was not exactly something that raised enthusiasm anywhere, not just in Québec, or will it be some sort of variable of that or will it be something
head on – you know – in the balance, that I
After all, he made the promise.
M. INWOOD: Mr. Trudeau. M. LEVESQUE: Not already!
M. TRUDEAU: No relation. Mr. Lévesque, it seems…
M. LEVESQUE: If you do not mind, this could be the last question, we will
be seeing each other again.
M. TRUDEAU: We will see. One supplementary perhaps.
It seems that the step by step approach of sovereignty-association did not
M. LEVESQUE: If you look at the overall result which we have not finished analyzing, you will notice that on the basis of what can be called in general terms sovereignty-association, in 1970, it was 20%, in 1973, 31%, in 1976, we have to discount that on account of the election and the Bourassa Government, and all that. So, in 1980, we end up with something which I think the immense majority of people were forced to vote upon as the basic question. The mandate – I did not hide – we were asking for was based on that second paragraph in the question which, in fact, said sovereigntyassociation. In other words, give us a mandate to negotiate in that direction and that is what we have put on the table.
The way our opponents treated it added to that in the sense that they said it was going to be immediate, practically separation tomorrow, so I truly believe that going from 31%, in 1973, on the basic question to above 40% in 1980 and very close to half of where the problem started and where it still lies essentially, approximately
with new imagination put into it?
Look, he has made such a solemn promise with his suppose he must come up with something.
work, at least not
this week, do you still believe sovereignty for Québec is inevitable?
half of French Quebec is not something to be discounted. It is a good, strong slap, until further notice. That is for sure. But it is progress also to anyone who looks at the result, you can see what they mean.
MR TRUDEAU: If you still believe it is inevitable, what is your time frame for it then?
MR LEVESQUE: I do not believe it is inevitable because I do have to respect the promises made without content, for the moment, by someone who, after all is Prime Minister of the Federal system of a Federal Canada. The promises were: we will make it to a renewed federalism and underlying that, was an appeal to
a maximum of their essential aspirations would be answered. That found possible over the years and the years and the years.
Now, look in good faith, let us wait and we will see and we will judge.
MR TRUDEAU: Do you think your government came to power to soon, are you running ahead of the population?
MR LEVESQUE: I honestly never asked myself that question. I think when they elected us with a plurality, not a majority, they were, I think, electing a government and replacing a government they did not want anymore and, you remember, was pretty surprised and a little bit nervous when it happened; not because it was premature. I think three and a half years have proved that we could give competent government and honest government and a reformed government which we
as much as it is possible under the present system I think we have done a reasonably correct job. It is up to the people to judge, when the election comes with all the mix up of the future constitutionally and what is required from the government. I do not think it was premature in any way, not with the results all told.
MR TRUDEAU: In that next election, whenever it comes, will you be running on a program of good government and a referendum later?
MR LEVESQUE: Well, we have to have a Food government concretely in any election program because, after all, people, in day to day existence and in various walks of life require that and justifiably so. In fact, I want the campaign through the « regroupements » you know, these movement; of getting together, many people on the « yes » side in walks, in various fields of work or in living let us say « habitants » or neighbciirhoods so that people who knew each other could get together,
Quebecers to believe that if they
voted « no » their deepest aspirations or at least has not been
needed for quite a few years. So, as
far as Quebec’s development and progress,
sign and stand up. This gave us an impression, absolutely fundamental, that Quebec’s society today, and even more promisingly tomorrow, is going to be vibrantly progressive, vitally interested in its own progress and anyone preaching a return to some sort of delapidated or obsolescent conservatism, had better think twice about proposing anything like that.
So, as far as we are concerned, a good government program, whenever the election comes, is going to be a progressive program, whatever the concrete aspects. As far as our constitutional stand at that time, it will depend on developments.
M. INWOOD: Mr Trudeau.
M. TRUDEAU: Would that election be a plebiscite?
M. INWOOD: Mr Trudeau, you know, he did say he had to go…
M. LEVESQUE (René): Would you mind sending me all your suggestions and we
will…
M. INWOOD: I would like to make just a couple of points before you go, though.
M. LEVESQUE: Okay.
M. INWOOD: The door now being wide open to Mr Chrétien and the point that in any future constitutional conference in which you would participate, you would try to see to it that they be wide open.
M. LEVESQUE: Not just try, but even if there should be no agreement
way, to our fellow citizens what is going on and how come it is going on that way or otherwise.
M. INWOOD. And about Mr Chrétien?
M. LEVESQUE: There were a lot of rumours. Some say he was in a hell of a hurry, because he needed holidays – we all do – and others say: Next week, he is supposed to report to Mr Trudeau. Whatever is true … What we said is that, at a cabinet meeting yesterday and at a caucus – a very important one,
today – Mr Chrétien would be welcomed by Mr Morin who can also go and meet him if feels like it, any time early next week, but we could not do it today.
M. INWOOD: Merci.
CFin A 17 h 37)]
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