[(Quatorze heures cinquante minutes)]
[M. Bertrand: … du premier pouvoir. Cette trosième partie de la session a été courte, six semaines – un mois et demi – mais néanmoins plus productive, aussi curieux que cela puisse paraître, que la première partie de cette session, qui n’avait pas été plus longue, en novembre et décembre 1981, il y a un an.
En effet, du 9 novembre au 19 décembre 1981, nous avons adopté 18 lois publiques et
lois privées, alors que cette année, du 9 novembre au 18 décembre 1982, nous avons adopté 2a lois publiques et 15 lois privées. Evidemment, celles qui ont été davantage mises en relief au cours des derniers jours, et pour lesquelles quelques jours de plus sont encore nécessaires avant que la poussière ne soit tout à fait retombée, sont ces lois auxquelles tout le monde fait référence: le projet de loi nu 105, la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le projet de loi no 110, la Loi sur les conditions de travail et le régime de pension des membres de l’Assemblée nationale.
Bien sûr, on retiendra aussi qu’il y a eu deux lois spéciales: la loi 105 dont je viens de parler, et la loi 84, celle qui assurait la’ reprise du transport en commun sur le territoire de le Communauté urbaine de Québec. Enfin, il ne faudrait pas oublier deux lois fort importantes adoptées à l’unanimité d’ailleurs, comme le furent la plupart des lois adoptées durant cette partie de la session: d’abord le projet de loi no 86 sur le Charte des droits et libertés de la personne, bonifiée, améliorée, et aussi le projet do loi no 90, la Loi sur l’Assemblée nationale du Québec, le loi des lois, celle qui, ayant maintenant été adoptée à l’unanimité, donne de bonnes indications de ce que sera la réforme parlementaire et du degré de consensus que nous pourrons atteindre pour que cette réforme parlementaire s’inscrive le plus rapidement possible dans nos institutions, dès 1983.
Il y d’autres lois aussi pour n’en mentionner que quelques unes qui ont donné suite au remaniement ministériel du mois de septernhve dernier: le projet de loi no 95 sir !e rr.inistbre au
projet de loi no 89. Il y a d’autres lois qui ont eu pour principal objectif de rationaliser davantage nos ressources et de nous donner plus dr. rigueur administrative; c’était un des objectifs poursuivis. Je pense à cc point de vue au projet de loi no 96 permettant l’intégration de l’administration du système électoral, au projet de loi rio 88 modifiant le loi sur les
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Travail et une autre aussi très importante, celle créant le
ministère du Commerce extérieur, le
rdye c
autoroutes, permettant d’abolir l’Office des autoroutes et d’intégrer ce service à l’intérieur du ministère des Transports, et le projet de loi no 94 qui, tout en abolissant le ministère des Institutions financières, crée par ailleurs la fonction d’inspecteur général des institutions financières.
À tout cela il faut ajouter comme une des lois importantes, très importantes de cette courte session, le projet de loi ne 85 sur les valeurs mobilières. En fait pour ceux et celles que les statistiques intéressent encore, au cours de la session commencée le 9 novembre 1981 et qui s’est divisée en trois parties, jusqu’à maintenant, nous avons tenu 105 séances, adopté 84 lois publiques et 66 lois privées. En consultant les tableaux qu’on vous a distribués et qui vous donnent des chiffres pour toutes les sessions de nos premier et deuxième mandats de gouvernement, vous constaterez que la dernière a encore été fort productive.
Si vous me le permettez, contrairement à ce qui se passe dans ces traditionnelles conférences de presse bilan, je ne voudrais pas me limiter à un pur exercice de comptabilité législative. On ne peut pas avoir été ici à l’Assemblée nationale depuis plus d’un an sans sentir le besoin de dépasser l’analyse des bilans avec sa colonne de l’actif et sa colonne du passif. C’est moins le passé que l’avenir qui m’intéresse et me préoccupe à ce stade ci. Dans les premières secondes de son discours inaugural du 9 novembre 1981, le premier ministre du Québec disait: « Cette session de l’Assemblée nationale s’ouvre dans une atmosphère de crise d’une gravité sans précédent. » Rien n’était plus vrai à l’époque, et ce l’est encore tout autant aujourd’hui. C’est en effet sur ce fond de scène, la crise, que s’est développée la session. Crise multiple. Crise constitutionnelle d’abord, en 1981. Crise économique ensuite. Cela n’a pas cessé de nous miner, à toutes fins utiles, depuis un an et demi. Crise budgétaire, enfin. Pour faire face à ces trois étages de crise, nous avons dû prendre des décisions. Il serait faux de prétendre que nous ne nous sommes pas sentis plusieurs fois déchirés, autant au Conseil des ministres qu’au conseil des députés. Mais comme gouverner c’est choisir, nous avons choisi, douloureusement à l’occasion, mais nous l’avons tout de même fait en toute connaissance de cause. Ce fut donc, au total, une session de choix de plus en plus difficiles et de plus en plus durs de mois en mois. Faut il le dire, personne ne nous avait promis un jardin de roses.
J’avais dit, en juin dernier à la fin de la session, que j’espérais au plus haut point que cet étagement de crise, constitutionnelle, économique, budgétaire, ne déboucherait pas sur une crise sociale PncnrP plus grave. Voilà maintenant notre défi. À ceux qui prêchent la crise sociale, il faut se montrer capables de proposer une alternative. Cette alternative doit être un nouveau contrat social pour une société nouvelle. L’année 1983 doit être, et cela devra se réfléter dans nos débats à l’Assemblée nationale, une année où les choix difficiles, durs et déchirants qu’a dû faire le gouvernement, soient non seulement compris mais partagés avec l’ensemble de nos partenaires sociaux et économiques de même qu’avec l’ensemble de la population.
Ce nouveau contrat social pour une société nouvelle ne peut d’abord passer que par l’étape de la conciliation nationale, pour ne pas dire de la réconciliation nationale. Le Parlement du Québec, son Assemblée nationale, ses commissions parlementaires peuvent contribuer et être un lieu privilégié pour aborder ces questions. J’ai la conviction que la réforme parlementaire donnera des résultats extrêmement intéressants en faisant de nos institutions un forum d’excellence pour la discussion des grands enjeux en 1983.
Nous devrons discuter de ces grands enjeux avec, encore présente, la crise. Or, cette crise nous oblige de rencontrer, malgré tout, un certain nombre d’objectifs. Premièrement, la crise nous commande de nous occuper de la sécurité économique de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Donc, de mettre encore davantage d’argent dans les quelques marges de manoeuvre que nous pourrons dégager, dans tout ce qui peut permettre de combattre le chômage et de créer de l’emploi, particulièrement chez les jeunes; sinon, pour cette génération de filles et de garçons, ce pourrait être la catastrophe.
Deuxièmement, la crise nous commande de poursuivre nos actions dans le sens du progrès et de la croissance, en étant cependant conscients que les idées mêmes de progrès et de croissance doivent faire l’objet d’un débat large et ouvert dans le contexte d’une révolution technologique qui est déjà là et à laquelle nous n’tchapperons pas.
Tout le monde a eu le mot virage à la bouche depuis quelques mois. Une société qui est appelée à prendre autant de virages et qui n’apprendrait pas à les absorber et à les apprivoiser est une société qui risque de prendre quelques « sheers » – passez moi l’expression – et rouler tout droit vers un sérieux dérapage.
Enfin, troisièmement, la crise nous commande de créer – j’oserais dire de recréer – un climat de confiance en nous mêmes. La crise ne peut pas n’avoir que des effets négatifs. Parmi les effets positifs qu’elle comporte, il y a surtout ces remises en question auxquelles elle nous invite. Remises en question au niveau de notre échelle de valeurs. Remises en question aussi au niveau de la définition même des priorités. Remises en question, enfin, au niveau de nos modèles d’organisation sociale, économique et politique. Ce climat de confiance renouvelée, la crise aura pu en être un des éléments moteurs en faisant en sorte que nous mettions davantage notre imagination au pouvoir, que nous fassions davantage preuve d’esprit inventif et créatif et que nous nous montrions capables de nous adapter à un monde nouveau. Voilà des défis qu’il m’apparaît possible de relever.
La crise, elle est entrée dans le parlement par la grande porte en 1981. Il n’est pas impossible de penser qu’elle en resorte aussi par là quelque part au cours de la prochaine année. La réforme parlementaire peut y contribuer et si le climat de nos débats parlementaires s’est avéré positif et constructif, j’ai confiance que nous pourrons sortir d’un certain Québec pour entrer dans un nouveau. Il y a plus de 20 ans, on y était parvenu tous ensembles. 20 ans après
et à 20 ans du XXIème siècle, nous allons maintenant voir dans quelle mesure nous sommes
assurer que je ferai tout en mon pouvoir pour que la réforme parlementaire nous aide à créer un contexte plus propice pour livrer la marchandise. La population n’attend rien de moins de nous.
M. Saint-Louis: On est déjà en campagne électorale?]
[M. Lévesque:] Pour ce qui est de la perspective, je n’ai pas beaucoup de choses à ajouter à ce que Jean-François vient de vous dire. Pour ce qui est de l’immédiat, j’ai bon espoir qu’avant la fin de janvier, tout dépendant, on pourrait mettre en marche certains efforts nouveaux tout en consolidant ceux qui existent déjà et qui ont du rendement; certains efforts nouveaux du côté du maintien de l’emploi et du côté en particulier des jeunes dont les problèmes préoccupent plusieurs ministères et le comité des priorités en particulier depuis une couple de mois. Également, si possible en janvier, un commencement de ce qu’on a appelé la concertation sectorielle dans certains des coins qui paraissent les plus urgents aussi bien nos interlocuteurs, si vous voulez, qu’ils soient patronaux ou syndicaux qu’au gouvernement lui même.
On a traîné cela comme un boulet parcequ’ il le fallait bien pour au moins que cela finisse avec l’année 1982. D’un côté, il y avait cette espèce de blocage devenu complet à la fin des négociations publiques et parapubliques. Il fallait évacuer ce problème, veut, veut pas. Également, c’est le long processus de complément, si vous voulez, à la Loi de l’Assemblée nationale qui comportait, comme vous le savez, ce sujet toujours hypersensible des traitements et des pensions parlementaires. Je pense que c’est très bon que l’Opposition nous ait amenés a scinder cela ce qui fait que maintenant on verra plus clair dans les deux sujets. Je pense que d’une façon décente, cela a été réglé. Tout le monde n’est pas content, mais enfin je ne crois pas qu’il y ait eu d’abus et c’est comme si le rideau tombait au moins sur ces parties qui littéralement nous empêchaient de faire plus que le quart ou la moitié, des efforts constants qu’il faudrait faire sur l’ensemble des problèmes en particulier économiques et forcément financiers, budgétaires.
J’espère que très concrètement, j’ai bon espoir, que d’ici la fin de janvier au plus tard sur les plans que je viens d’indiquer on pourra y avoir une sorte de relance. Ce ne sera pas encore la relance économique, on le sait, mais une relance vraiment concrète et aussi substantielle que possible l’action nécessaire du gouvernement. C’est tout ce que je voulais dire.
[M. Harris: C’est Normand Rhéaume, Pierre Morin, Jacques L’Archevêque.
M. Rhéaume: J’ai une question pour vous, M. Lévesque, c’est la suivante. Vous venez de dire précisément que la loi 105 et la loi 70 qui l’a précédée, cela constituait un geste pour évacuer finalement le problème que constituaient en elles mêmes les négociations.]
[M. Lévesque:] Du moins, on l’espère.
[M. Rhéaume: Oui. Justement, ma question porte là-dessus. La façon que vous avez choisie, au-delà des motifs et des raisons financières et budgétaires, c’est-à-dire couper tes salaires de 20% pendant trois mois, même s’il y a une modulation pour les bas salariés, n’avez vous pas l’impression que cela contient le germe potentiel d’une crise sociale et politique qui pourrait peut-être créer un problème beaucoup plus grand que celui que vous aviez à traiter cet automne et l’annulation, par exemple, de la conférence de presse de six ministres de votre gouvernement, peut en être une illustration préalable?]
[M. Lévesque:] Je ne veux pas être méchant, mais plus il y a des gens qui vivent de la nouvelle, c’est quasiment – je remarque cela depuis quelques jours, quand vous parlez, quand certains d’entre vous parlent de crise sociale, c’est Lamartine, je pense, qui avait un beau vers qui était: [Levez vous orage désiré], c’est-à-dire que cela ferait de la grosse nouvelle. Je ne suis pas sûr – je ne suis pas plus prophète que vous – que cela se réalise et j’espère de tout mon coeur que cela ne se réalisera pas avec l’ampleur que vous pouvez évoquer. Je n’ai pas plus d’indications que vous autres sauf que peut-être il y en a quelques unes que vous avez échappées en cours de route. Je vais vous donner un exemple. Il y a des gens qui cherchaient immédiatement s’il n’y avait pas une sorte d’ébranlement terrible du parti lui même, parceque , évidemment, c’est un parti démocratique et il y a des réactions. Il y en a eu une très enflammée et un peu échevelée aussi dans une des régions du parti, celle de Laurentides-Lanaudière. Cela a été souligné à juste titre. Il y en a eu d’autres qui, jusqu’à présent, n’ont pas été soulignées du tout. Pourtant, elles ont dû vous parvenir. En tout cas, moi, sauf erreur, je n’en ai pas vu. Dans un sens inverse, il y a déjà deux ou trois régions – l’Outaouais, entre autres, et la région de Laval, c’est-à-dire la région du nord de Montréal qui comporte les comtés que vous savez qui ont voté exactement des résolutions à l’inverse, qui étaient plutôt des résolutions douloureuses, mais d’appui à l’action du gouvernement. C’est un exemple. Cela va continuer à se développer. On verra.
Pour ce qui est de certaines indications qu’on a de l’intérieur du monde syndical, il y a au moins, chose certaine, une incertitude au-delà des clameurs qui sont normales au lendemain et, quand cela fait mal, cela fait mal. Bon’ On le sait. Mais au-delà de ces clameurs, il y a quand même une incertitude et certaines réactions internes qui donnent l’impression qu’il va quand même falloir que l’ensemble des syndicats regardent un peu, après les fêtes ou pendant les fêtes – enfin. ce n’est pas à moi de leur dire quand – l’état réel de l’opinion syndicale du secteur public. On est très conscient que c’est un effort très désagréable et très substantiel qui vient d’être imposé – il n’y a pas d’autre mot au monde syndical du secteur public. Ce n’est jamais quelque chose qui est facile à avaler. Seulement, moi, j’ai comme l’espoir qu’à la réflexion, en regardant l’état de l’ensemble de la société, en profitant peut-être du temps des fêtes – on se rencontre pendant le temps des fêtes – pour rencontrer des gens de l’ensemble de la société justement et non pas seulement de leur secteur, les syndiqués du secteur public vont comprendre – beaucoup le comprennent déjà – que l’effort qui est demandé est un effort, si vous voulez, qui n’est pas excessif par rapport aux difficultés que rencontre la société. Vous dites: La façon, la manière de le faire… Évidemment, on se serait fait tomber dessus à bras raccourcis si on avait décrété unilatéralement en juin. D’autres l’ont fait après, selon leurs propres conceptions, le fédéral avec ses 6% et 5% et l’Ontario, d’une autre façon. Nous, on a préféré compter sur la négociation. Cela n’a pas marché. D’accord, on s’est trompé dans les faits. I1 y a eu un échec, mais il nous semblait valable de prendre ce pari. On l’a pris. De toute façon, il n’y a pas de manière agréable de faire accepter ce qui est effectivement un recul par rapport aux expectatives et par rapport aussi à une espèce de tradition établie qu’un gouvernement accepte toujours de se laisser traverser.
[M. Rhéaume: M. Lévesque, je ne pense pas que les danses carrées du temps des fêtes éliminent la contradiction.]
[M. Lévesque:] Écoutez…
[M. Rhéaume: Ce que je veux dire, M. Lévesque…]
[M. Lévesque:] Je vous ai dit: Je ne suis pas plus prophète que vous…
[M. Rhéaume: Oui…]
[M. Lévesque:] …mais cela ne sert à rien de pousser trop, votre bateau plus longtemps, parceque je vais vous dire: Vous aurez raison ou vous aurez tort. On le verra quelque part entre la mi-janvier et la fin de janvier, quoi.
[M. Rhéaume: Oui, mais, sans parler de boule de cristal, M. Lévesque, l’exemple que vous avez donné d’un certain appui à votre gouvernement, il vient de l’intérieur même de votre propre parti. Effectivement, ce n’est pas écarté, mais, dans le monde syndical, on sait que les votes de grève sont maintenus. Ils s’accentuent d’au moins 20% de marge par rapport aux décrets que vous avez présentés.]
[M. Lévesque:] Ce que j’ai dit…
[M. Rhéaume: C’est le germe d’une pensée…]
[M. Lévesque:] … à propos du parti, c’est que certains… J’ai vu des commentaires même qui disaient: Voici une résolution qui dit littéralement, sur un ton enflammé, donc, qu’il va y avoir du brasse Canadiens. Cela s’en vient dans le Parti québécois. Il va probablement y en avoir un peu. C’est sûr. Il va peut-être y en avoir un peu plus qu’un peu, mais uns chose certaine, c’est que ce n’est pas exactement conforme, on dirait, dans certains cas, à certaines appréhensions et, dans d’autres cas, à certains espoirs, pas pour l’instant. Bon. Et la même chose du côté syndical. Tout ce que je sais, c’est que, dans certains des syndicats – et certains qui sont stratégiques – il y a quand même une opinion extrêmement partagée. Je ne peux pas en dire davantage. C’est comme vous dites: On n’a pas de boule de cristal ni l’un ni l’autre.
[M. Girard: M. Lévesque, j’ai une sous-question là-dessus. Y en a-t-il qui commencent à constater, pourquoi l’an dernier, à peu près à pareille date, vous avez pris le contrôle sur votre parti par le référendum interne que vous avez entrepris?]
[M. Lévesque:] Oh! Je n’ai pas pris de contrôle. Ce sont les membres qui ont répondu à une question qui me paraissait et qui me paraît encore se poser de façon urgente – c’est tout – sur la façon, enfin! les perspectives, ce qu’on peut appeler les perspectives intellectuelles ou politiques du parti, c’est tout.
[M. Girard: Ce à quoi je veux en venir, c’est à ceci. Est ce que maintenant cela ne vous place pas dans une meilleure situation que celle dans laquelle vous auriez pu être pour faire face aux situations qui peuvent se produire en 1983? Espérons quelles seront belles, mais…]
[M. Lévesque:] Non, je ne vois pas le rapport. Évidemment, écoutez, le conseil national du parti, entre les congrès, c’est lui qui se réunit en général périodiquement, va se réunir de nouveau à la fin de janvier. Il continue d’être parfaitement libre de prendre les attitudes qu’il veut; je pense qu’il ne s’est pas gêné pour prendre des attitudes qui n’étaient pas toujours nécessairement – c’est le moins qu’on puisse dire – flatteuses pour le gouvernement et cela continue, c’est normal.
[M. Saint-Louis: J’aurais une petite question également sur le même sujet, M. le premier ministre. Vous avez dit tout à l’heure que vous aviez pris le pari de négocier, mais est ce que les dés n’étaient pas une peu pipés? Comme au « blackjack » à peu près, vous donnez un six aux syndicats et vous savez que vous avez un as dans le trou avec la loi 70 et vous dites: On va négocier, je vais vous jouer cela, moi, là!]
[M. Lévesque.] Écoutez, on aurait pu…
[M. Saint-Louis: La loi 70, c’est un as quand on joue au « blackjack », non?]
[M. Lévesque:] On est à peu près – je lisais des choses à propos des pays européens – un des seuls cas au monde où 50% du budget ont pris l’habitude d’être négociables. Cela ne peut plus durer. Partant de là, il y a une masse salariale qu’il faut définir, en conscience, en fonction de la capacité de payer de la société. Cela se fait à peu près partout; ici, on l’a oublié, mais il faut, à un moment donné, revenir à cela, surtout en période de crise. Il y a avait plein de polichinelle – je ne sais pas si vous le savez – que certaines des composantes importantes du front commun, de paraphe en paraphe, avaient des règlements qui étaient, à toutes fins utiles, terminés et qui auraient permis de régler complètement, sauf qu’il y avait ce ciment du front commun qui a empêché, semble t il, que cela ne se sache. Enfin, vous pouvez vérifier, vous avez des moyens d’information. Donc, il y en a eu de la négociation malgré tout, il y en a eu plus que vous me semblez l’imaginer.
[M. Harris: M. Morin.
matières à négocier et il y en a tellement qui
ont été négociées que c’est un secret de
M. Morin: Oui. M. Lévesque, à Pointe-au-Pic vous nous aviez parlé d’une concertation possible, vous nous aviez donné plusieurs fois l’exemple de Corvée-habitation. Aujourd’hui, M. Bertrand nous parle à nouveau de cela. Est ce que vous pourriez nous donner plus de détails sur la forme que cela pourrait prendre après le mois de janvier? Il semble que ce soit beaucoup plus sectoriel, beaucoup moins public. Est ce que vous pensez aussi aller bien loin avec cela?]
[M. Lévesque:] Quel que soit le chemin qu’on fera avec cela, comme vous dites, cela va quand même être mieux que si on ne faisait pas de chemin du tout. Je pense que c’est le minimum que La Palice vous donnerait comme réponse au départ. La forme que cela prend, c’est un peu sur la lancée de ce qu’on disait à Pointe-au-Pic. On n’a pas traîné quand même. Malgré toutes les autres préoccupations dont on vient de parler et de reparler, on a fait ce qu’on a pu avec le temps dont on disposait. On a mis au point un groupe de travail où, en dehors des permanents du gouvernement, qui sont quand même des fonctionnaires de niveau stratégique, un représentant du monde syndical et un représentant du monde patronal ont accepté de venir périodiquement – à toutes les deux semaines à peu près – faire le point et voir comment pousser certaines approches. C’est général, c’est relié directement au comité des priorités.
En même temps, il y a eu une série de rencontres assez prometteuses pour essayer de voir d’abord s’il y avait une volonté de travailler ensemble et s’il y avait aussi moyen d’identifier certains secteurs. Je ne pourrai pas vous les donner aujourd’hui, mais il semble qu’il y ait une sorte de convergence qui se soit faite. On a rencontré – parcequ’ il s’agit essentiellement du secteur privé, c’est-à-dire du monde industriel, du monde commercial – la FTQ au plus haut niveau, la CSN au plus haut niveau et le CSD. Finalement, il y a une convergence qui s’établit de ce côté. Du côté patronal, je pense que c’est à peu près la même chose qui semble s’être dessinée pendant ces rencontres qui n’ont pas fait de bruit, c’est normal, mais qui ont eu lieu assez intensément.
On espère demain, au Conseil des ministres, faire le point, voir comment on déboucherait sur plus d’actions concrètes, au mois de janvier, si le dialogue est rétabli; sinon, le plus vite possible en 1983. À partir d’un certain choix initial de secteurs industriels ou de secteurs économiques précis, sans nécessairement singer Corvée-habitation qui donne quand même de sacrés bons résultats, on veut essayer de voir ce qu’on pourrait mettre en marche ensemble, sans fla-fla, sans trompette; autrement dit, qu’on l’annonce les uns et les autres quand nous serons prêts à démarrer et, ensuite, vous tenir au courant des résultats, en cours de route, comme on le fait dans le domaine de l’habitation.
Tout le monde parle aussi fréquemment d’un sommet, au sens énorme du terme, c’est-àdire le grande rencontre d’une conférence économique. C’est sûr qu’il y en aura une en 1983, je pense bien que c’est inévitable, mais pas dans le sens que c’est urgent ou qu’il faut commencer tout de suite là-dessus, on aura le temps en cours de route. Il y a des sujets qui débordent les compartiments sectoriels et qui, nécessairement, atteignent tout le monde. Je vous donne un exemple: Où est ce qu’on va maintenant qu’Ottawa a décicé de fourrer cela dans un livre vert pour le reste du pays? Où est ce qu’on va nous, le Québec, dans la perpective de l’année qui vient? Il faudra assez vite des refinancements avec le régime de rentes, par exemple. Il y a d’autres exemples de ce genre qu’on voudrait bien pouvoir discuter de ce qu’on pourrait appeler une table centrale de concertation. Je crois que ce n’est pas urgent, parceque ce ne sera pas fait pour le premier janvier 1983, évidemment. C’est difficile de faire des changements dans un régime de rentes quand on est tout seul et que le reste du pays, représenté par Ottawa, n’est pas prêt à bouger, mais enfin, on verra.
[M. Harris: M. Jacques L’Archevêque.
M. Girard. Samedi, je pense que vous aviez identifié le textile comme faisant partie de ces discussions sectorielles qui ont lieu à l’heure actuelle.]
[M. Lévesque:] C’est-à-dire que toute une foule de secteurs ont été évoqués et comme il ne s’agit pas de s’en aller dans toutes les directions en même temps, on ne pourrait pas, d’ailleurs ce ne serait pas possible de coordonner cela avec tant d’interlocuteurs. Parmi les secteurs qui ont été évoqués, il y en a un certain nombre, je ne peux pas vous dire, de deux, trois ou quatre, qui seraient ceux qui pourraient déclencher une action nouvelle. Le choix se fera; mais quant à nous, celui qu’on fera à partir de ce qu’on a dégagé, on essaiera de le faire avant Noël, c’est-à-dire demain si possible, ou mercredi au plus tard, et après les fêtes, on verra d’abord quelle est la réaction à nos suggestions, mais je pense qu’elle serait bonne puisqu’ils ont été consultés et deuxièmement, comment cela peut s’organiser sans grande cérémonie, comme des gens qui ont le sens des affaires, les deux pieds sur terre et qui essaient de produire.
[M. Harris: M. Jacques L’Archevêque.]
[M. Lévesque:] Vous alliez dire une marge de manoeuvre. N’oubliez pas une chose, c’est que cela coûte de l’argent au gouvernement, cela coûte souvent de l’argent ou des efforts à nos partenaires, l’habitation en est un bon exemple, mais c’est un domaine où l’effort gouvernemental, quel qu’il soit, qui est garanti par les fonds publics a l’avantage que si cela marche, cela rapportera éventuellement. Cela maintient de l’emploi, crée de l’emploi. Autrement dit, les gens payent de l’impôt en travaillant au lieu de s’en aller dans la passivité imposée ou obligée de l’assurance chômage ou de l’aide sociale.
[M. L’Archevêque: Un autre sujet, M. Lévesque. le dossier consitutionnel. La semaine dernière, vous avez envoyé une lettre à votre homologue fédéral pour lui expliquer les conditions…`
[M. Lévesque:] Oui, j’écoute.
[M. L’Archevêque: …auxquelles le Québec s’attend. Si jamais Ottawa…
M. Lévesque. …
M. L’Archevêque: M. Trudeau devrait vous répondre cette semaine ou au plus tard au retour de vos vacances des fêtes, quant aux conditions posées. D’abord, est ce que ces conditions posées par le Québec sont des conditions fermes? D’autre part, est ce qu’une réponse éventuellement négative d’Ottawa pourrait empêcher le Québec de participer à la conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones?]
[M. Lévesque:] J’ai rencontré les représentants du peuple autochtone, c’est-à-dire des Amérindiens et des Inuits, la plupart des élus principaux, il y a une semaine à peu près. Je leur ai dit qu’on prendrait une décision le plus vite possible après les fêtes; elle n’est pas encore prise parcequ’ il s’agit d’eux d’abord et avant tout dans cette conférence éventuelle du mois de mars 1983. Par conséquent, la réponse de M. Trudeau sur l’ensemble en tout cas de la démarche constitutionnelle aura nécessairement, je ne l’ai pas caché, une influence sur les décisions qu’on aura à prendre relativement à sa réponse ou à son absence de réponse. Là-dedans se profile très spécifiquement le problème des droits des Amérindiens et des Inuits qui est quand même un élément très spécifique, je viens de le dire, et très sui generis, si vous voulez. Alors, en voyant comment le tableau se présentera après les fêtes, on prendre une décision, on verra.
[M. L’Archevêque: Est ce qu’il y a d’autres démarches prévues par votre gouvernement pour obtenir d’Ottawa et du reste du Canada, soit un droit de veto, soit un droit de retrait?]
[M. Lévesque:] Non, la seule démarche a été d’abord d’envoyer cette lettre à M. Trudeau. Après tout, on ne rit pas des gens en pleine face. C’est au moins comme on le dit en anglais [« Put up or shut up »]. Quand il a dit il y a quelques mois, c’était au mois d’août, je crois, et certains autres de ses épigones on dit la même chose autrement, mais il a dit: Je suis prêt à tendre la main. Si M. Lévesque veut se mettre avec moi, on verra s’il n’y a pas moyen d’assurer cela. Bon, d’accord. S’il veut le faire, qu’il le fasse. On le lui demande très simplement. En même temps, la copie de cette demande a été envoyée, comme c’est normal, avec quelques annexes, aux premiers ministres des autres provinces. Pour l’instant, c’est cela.
[M. L’Archevêque: Vous n’avez pas l’intention de négocier avec les autres provinces un front commun pour obtenir un droit de veto pour le Québec.]
[M. Lévesque:] Non.
[
M. DeBlois: Je vais répéter un peu la même question que celle de M. L’Archevêque. M. Trudeau, quand même, comme réaction préliminaire à votre lettre, a dit au réseau TVA: Il faudrait peut-être que M. Lévesque fasse pression sur les autres provinces, ou enfin quelque chose du genre. Je ne sais pas si, che vous, cela suscite un commentaire.]
[M. Lévesque:] Oui, je sais, c’est une façon de se défiler en première réaction. On verra la suite.
[M. Lesage: M. Lévesque, peut-être sur le même sujet, au sujet de la conférence sur les
autochtones. Ne pensez vous pas que, quelle que soit la réponse du premier ministre fédéral, le Québec devrait quand même participer à cause du problème particulier en cause?]
[M. Lévesque:] C’est la question qu’on se pose sur cette partie très spécifique de la conférence, mais on n’en est pas encore rendu à une décision. On va en parler demain, et après les fêtes, on finalisera une décision s’il y a lieu, mais en mettant tout cela ensemble le mieux possible.
[M. Harris: Normand Girard.
M. Girard Je n’ai plus de question.
M. Rhéaume: J’aurais une question sur le Régime de rentes. M. Lévesque: Ne vous forcez pas.
M. Rhéaume: Non, ne vous inquiétez pas. Sur le Régime de rentes, le Vérificateur général nous rappelait la semaine dernière qu’en 1985, les prestations dépasseront les cotisations et qu’à compter de 1992 ou à peu près, cela commencera à être déficitaire. Pour l’an 2000, ce sera à
sec.]
[M. Lévesque:] Avant 1992, s’il n’y a rien de changé.
[M. Rhéaume: Dans cette perspective…]
[M. Lévesque:] Je peux vous dire que 1984-1985, c’est la plaque tournante, à partir de quoi il va sortir plus d’argent qu’il ne va en entrer.
[M. Rhéaume: La question, c’est de dire: Il semble y avoir le début de l’ombre d’une urgence dans ce cas pour les Québécois.]
[M. Lévesque:] Oui, il y a le début de l’ombre et même plus. Il commence à y avoir une urgence qui pointe le nez concrètement. J’avoue que je ne comprends pas pourquoi le fédéral a fait cela sous forme de livre vert. Livre vert, cela veut dire…
[M. Rhéaume: Si vous permettez, M. Lévesque, ma question ne porte pas nécessairement
surtout pas dans la perspective fédérale, mais dans la perspective québécoise. M. Lazure avait préparé un projet d’ensemble sur la réforme des régimes de retraite, dont le Régime de rentes. C’est là-dessus que je veux vous poser la question.]
[M. Lévesque:] Je me permets de vous rappeler une chose très simple. Il y a pas mal de
va-et-vient au Canada et les deux programmes sont harmonisés. Cela
a quand même de va l’importance, les décisions qui se prennent à Ottawa. Comme vous le savez, c’est un pot général pour le reste du pays qui marche sur un [« pay es you go »], il n’y a pas de réserve. Dans notre cas, comme vous le savez, on l’a équipé d’un financement régulier qui n’est pas un financement complet. Ce n’est pas financé à 100%, mais c’est quand même une réserve qui doit être rajustée périodiquement. Ce sera la même chose au fédéral, parceque , d’année en année, il va sortir plus d’argent qu’il ne va en entrer. J’ai mal compris, mais c’est leur décision, qu’au lieu du livre blanc auquel on pouvait s’attendre – au moins un livre blanc, sinon une décision – que ce soit un livre vert, c’est-à-dire essentiellement une perspective pas pressée. On croit que cela va presser beaucoup plus vite que ce que semble indiquer le fédéral. Il va falloir probablement essayer de voir s’il n’y a pas moyen de les amener à se décider plus vite que ce que laisse entrevoir un livre vert. Les projets qu’on a faits sont consolidés maintenant; le Dr Lazure particulièrement a été l’architecte principal, le maitre d’oeuvre, si vous voulez, parceque cela demande plusieurs ministères ensemble, de ce travail qui est long, qui est extraordinairement complexe, mais dont les grandes lignes sont simples. Premièrement, il faut refinancer. Autrement dit, il va falloir aller chercher un peu plus d’argent – ce n’est pas ruineux – pour renflouer la suffisance, si vous voulez, du fonds, et deuxièmement, il va falloir se poser la question de certaines bonifications du régime tel qu’il est, qui semblent de plus en plus sauter aux yeux, comme, par exemple, le cas des personnes isolées, surtout les femmes qui sont mal protégées et qui devraient être mieux protégées. Enfin, il y a une série de choses qui ont été étudiées. Le moins qu’on devrait fire cette année, en tout cas dans l’année 1983, celle qui va commencer – c’est ce que j’évoquais tout à l’heure – c’est de mettre cela sur la table avec les interlocuteurs principaux qui sont aussi bien les employeurs, parceque l’entreprise paie, que les employés – ils paient aussi – pour qu’on fasse une sorte de consensus là-dessus. Après cela, on verra.
[M. Rhéaume: 3 voudrais simplement bien comprendre une partie de votre réponse. Avezvous dit que, finalement, une décision de votre gouvernement devrait attendre une harmonisation avec les décisions du fédéral dans ce domaine?]
[M. Lévesque:] Pas nécessairement, mais il reste quand même que, même si c’était seulement – c’est un peu beaucoup terre-à-terre, mais c’est un peu beaucoup important – par rapport au poids relatif de contribution que paient les entreprises, cela joue dans la concurrence économique. Il y a des questions à se poser.
[M. L’Archevêque: Normand, tu ne passeras plus de remarques sur les conférences de presse. Une voix: Cela va?
M. Harris: Seuls les… suivis de celui qui est à côté de Charles De Blois.]
[M. Lévesque:] …que M. Bertrand nous parle quand même de la suite parceque tout cela est à l’occasion de l’ajournement et non pas d’une prorogation.
[M. Marsolais: M. Lévesque, vous avez parlé tantôt de porter une attention particulière aux jeunes. Cela veut il dire que vous appuyez le projet de loi de M. Bisaillon?]
[M. Lévesque :] Il sera évalué au mérite avec le reste. On avait déjà vu la première version de ces perspectives; il les a révisées en cours de route pour les ajuster un peu mieux à la réalité et on va regarder son dernier produit au mérite. Vous savez, les bonnes idées viennent de n’importe où, je ne vois pas pourquoi on s’y opposerait, mais il s’agit de l’évaluer.
[M. Lacombe: Seulement une petite explication sur le premier paragraphe de la page 3 de votre lettre à M. Trudeau. Vous parlez de reconnaître l’égalité des deux peuples fondateurs, le
caractère distinctif de la société québécoise et après vous parlez du droit de veto et des compétences législatives. Vous revenez deux fois sur le droit de veto et les compétences législatives. Vous oubliez le caractère distinctif et l’égalité…]
[M. Lévesque:] Si vous vous donnez la…
[M. Lacombe: Ma question est: Pourquoi revenez vous sur ces deux là en disant explicitement que c’est essentiel, comme si vous aviez mis les deux premiers seulement pour faire bonne mesure.]
[M. Lévesque:] C’est ce qui nous apparaît, comme on l’a dit quelquefois récemment en Chambre; c’est une question d’opinion, mais il me semble que c’est assez clair dans la lettre. Ce qu’ils ont dit dans un paragraphe global à un moment donné reflète les points essentiels de toute la résolution qui a été adoptée à l’Assemblée nationale, vous vous en souviendrez. D’ailleurs, en annexe, je ne sais pas si vous l’avez vue, mais elle devrait l’être, on dit ensuite que parmi les choses les plus pressées et en même temps comme preuve de bonne foi, parceque c’est très concret, c’est spécifique, il y a ce droit de veto puisque tout le monde en parle après le jugement de la Cour suprême qui dit qu’il n’y en a pas et qu’il n’y en a jamais eu. D’autre part, il y a cette question des droits, des juridictions, de la « souveraineté », si vous voulez, du Québec en matière d’éducation parceque cela jamais on ne le prendra et jamais un gouvernement québécois qui se respecte ne prendra cela comme une base constitutionnelle acceptable. En somme, cela nous paraît être les choses les plus élémentairement évidentes comme urgence.
[M. Lacombe: Je voudrais vous demander si vous avez des raisons de croire qu’il y a quelque chose qui viendrait bientôt d’Ottawa sur la question du droit de veto. Je vous pose la question parcequ’ il y a plusieurs observateurs qui nous laissent entendre cela actuellement entendre toute une série de choses contradictoires de semaine en semaine par les temps qui courent. Alors, je n’ai pas d’indication précise. Je sais qu’il y a des gens qui laissent entendre. M. Harris: M. Morin.
M. Morin: Oui, seulement une question technique à M. Bertrand au sujet des commissions parlementaires. N’était il pas censé y avoir une commission sur la Caisse de dépôt et placement du )uébec? M. Parizeau y a fait allusion en Chambre.
M. Bertrand: Sur la?
M. Morin: Sur la Caisse de dfpôt et placement du Québec ou les sociétés d’État. M. Bertrand. Oui. Il n’y a pas encore de décision définitive. M. Morin: Mais M. Parizeau y a fait énormément M. Bertrand Il y a fait allusion.
M. Morin: …elle n’est pas dans la liste des…
M. Bertrand: Non, parcequ’on a voulu inscrire ici dans la liste les commissions parlementaires sur lesquelles on avait à toutes fins utiles arrêté une décision au moins quant à la période de l’année où elles se tiendraient. À ce point de vue, d’ailleurs, je vous remercie de poser la question parceque cela me permet d’indiquer que pour celle qui va siéger sur le dossier de Schefferville, c’est indiqué ici Sept-Îles, mais comme je l’ai dit aux gens de l’Opposition, on est prêt à regarder s’il n’est pas possible de la tenir à Schefferville. Cependant, il faut savoir que Schefferville se trouve à environ 350 milles au nord de Sept-Îles et que dans un contexte comme celui là, il y a un problème d’organisation technique et matérielle qui n’est pas facile. Donc, si jamais on était contraint de la tenir à Sept-fies, il est évident qu’on compenserait en tentant de faire en sorte que les gens de Schefferville puissent venir à Septlie . Mais nous allons faire l’impossible pour qu’elle puisse se tenir à Schefferville. Quant à…
M. Lévesque: Juste un petit mot…
M. Bertrand: Oui.]
[M. Lévesque:] Jean-François, je m’excuse, je veux ouvrir une parenthèse. On avait choisi Sept-Îles non pas pour boycotter d’aucune façon les gens de Schefferville, parceque ce sont eux qui sont la cause principale, enfin, la raison première de cette commission parlementaire, mais n’oubliez pas qu’il y a beaucoup d’inquiétude à SIDBEC aussi. C’est normal par les temps qui courent. Il y a également le problème de ITT à Port-Cartier sur lequel beaucoup de travail a été fait, mais qui est dur à faire démarrer. Il y a également des gens de la moyenne et de la basse Côte-Nord qui ont leurs problèmes particuliers. Alors, pour une fois qu’une commission parlementaire va sur la Côte-Nord, cela nous paraissait un peu indiqué qu’elle puisse siéger là où se trouve – tout le monde l’admettra – la plaque tournante de le Côte-Nord, c’est-à-dire à Sept-Îles. Si on décide qu’elle ira à Shefferville, je le dis personnellement, j’aimerais cela qu’elle puisse quand même faire une journée à Sept-Îles, pour que d’autres intervenants puissent également faire savoir de façon vécue, vivante, toutes les implications de la crise pour l’ensemble de la Côte-Nord.
[M. Girard. Alors, cela ne serait pas une commission parlementaire qui porterait uniquement sur le pr blème de Shefferville? Cela serait une commission parlementaire qui porterait sur SIDBEC-Normines et sur tous les problèmes de la basse Côte-Nord.]
[M. Lévesque:] D’abord et avant tout, c’est justifié par l’effrondrement de la Iron Ore en ce qui concerne Shefferville. S’ils vont à Shefferville, c’est évidemment de Shefferville, à ce moment là, dont on parlera exclusivement. Je dis que, également, puisque les gens de la Côte-Nord voient rarement des parlementaires en groupe organisé, il me paraîtrait intéressant qu’ils puissent aussi faire un saut substantiel à Sept-Îles. C’est tout.
[M. Bertrand: De toute façon, dans l’avis qui paraîtra à la Gazette officielle, on devra élaborer un peu sur le mandat de la commission parlementaire. Dans la mesure où on élargirait
le mandat de la commission parlementaire dans le sens où l’indiquait le premier ministre, évidemment, la capitale régionale qui est Sept-Îles devient, à ce moment là, un endroit tout à fait indiqué. Dans la mesure où on déciderait de se limiter – cela n’est pas pour parler de l’importance même du sujet au dossier de Shefferville, Shefferville et son avenir, la commission parlementaire fera peut-être bien davantage d’efforts pour se rendre à Shefferville. Mais, en tout état de cause, pour ceux que cela peut intéresser, on avait déjà proposé qu’une telle commission parlementaire puisse se tenir à Montréal sur le dossier du transport en commun, à Mirabel aussi sur le dossier de Mirabel qui a été étudié à l’Assemblée nationale et qui le sera encore au mois de janvier.
Si cela intéresse les collègues journalistes, on se pose souvent des questions sur les coûts d’une telle opération; déménager une commission parlementaire en région. Or, effectivement, l’analyse s’applique à Montréal, cela n’aurait pas représenté plus de 2000 $ au niveau des coûts additionnels, le fait de tenir la commission parlementaire à Montréal plutôt qu’à Québec. C’est évident que d’aller dans des régions plus éloignées, moins équipées techniquement que ne peut l’être Montréal, cela peut engendrer certains coûts additionnels. Mais, c’est drôle comme, tout pris en considération, le bénéfice qu’on peut recueillir de tenir une commission parlementaire à l’extérieur de Québec et les coûts que cela entraîne, je crois que c’est quelque chose qui mérite vraiment d’être testé une première fois. Par la suite, on verra comment on doit appliquer les modalités de fonctionnnement pour d’autres types de commissions parlementaires qui iraient dans les régions. Mais, je pense que de commencer pas là est une très bonne idée.
Il y a une autre commission parlementaire, qui est annoncée pour les 1er et 2 février, c’est celle sur Québecair et le transport aérien. Il y a des dates – je dirais – trop précises qui vo;–s sont indiquées ici, celles des ter et 2 février. Je l’ai dit à l’Assemblée nationale, cela dépend du degré d’avancement des négociations dans le dossier Québecair et cela pourrait donc se promener, en tant que commission parlementaire, n’importe où entre le début du mois de février et le début du mois de mars. Mais, si jamais les négociations – on l’espère quant à nous – pouvaient aboutir le plus rapidement possible, on pourrait tenir la commission parlementaire au tout début du mois de février.
Quant à la commission de l’Assemblée nationale, évidemment, nous comptons bien la faire siéger avant la reprise des travaux, le 8 mars, pour être en mesure d’adopter, dans toute la mesure du possible, tous les éléments qui auront fait consensus en sous-commission sur la réforme parlementaire. Je dois vous dire, à cet effet, qu’après quelques réunions de cette souscommission, cela avance très vite et que la proposition gouvernementale qui avait été déposée à la commission de l’Assemblée nationale en octobre fait son chemin. Il y a un problème qu’il faut encore cerner un peu mieux, c’est celui de l’étude des crédits. Là-dessus, je dois indiquer qu’on a au moins fait un très grand pas en avant, c’est que, maintenant, les gens de l’Opposition
acceptent qu’on puisse sortir de cette période un peu « fofolle » qu’on connaissait continuellement à chaque année aux mois de mai et juin, pendant à peu près un mois et demi, qui consistait à concentrer l’étude des crédits sur quelques semaines et à ne rien faire d’autre, à toutes fins utiles, que d’étudier des crédits, et dans un cadre où, finalement, vous les gens de la presse et nous les parlementaires avions de la difficulté à se retrouver. Donc, l’idée serait de retenir la notion d’étude des crédits, cela demeure tout de même important d’analyser les crédits de chacun des ministères, mais de le faire sur l’ensemble de l’année. En d’autres mots, d’étaler sur toute une année ce qui normalement se faisait dans une période de quatre à six semaines. Je crois que le seul fait qu’on soit déjà arrivé à cette position de compromis sur laquelle on travaille, avec tout le reste qui a été proposé, cela est une bonne indication qu’on serait peutêtre en mesure, dès le début de l’année 1983, peut-être même lors de la réouverture, le 8 mars, déjà, de faire adopter par l’Assemblée nationale un certain nombre d’éléments contenus dans la réforme qui a été soumise à la commission au mois d’octobre dernier.
M. Girard: Mais comment cela va t il fonctionner si vous étudiez les crédits sur l’ensemble d’une année parcequ’ il me paraît que dans le passé l’étude des crédits devait être terminée pour permettre l’adoption du budget.
M. Bertrand: Très bonne question M. Girard. L’autre compromis auquel on est arrivé c’est
pourrait avoir dix ou quinze heures environ de commission plénière avec le ministre des Finances qui viendrait évidemment défendre l’ensemble des crédits du gouvernement et ensuite d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’heures avec différents ministres, différents ministères triés sur le volet par l’Opposition, par les députés ministériels pour répondre à des questions plus précises relativement à leur ministère. Une fois ce débat terminé, qui durerait environ 35 heures, on
adopté après cette période de 35 heures. Donc, plus nécessaire d’avoir adopté tous les crédits de tous les ministères selon une formule nouvelle qu’il nous reste à déterminer avant d’adopter le bu,’get du gouvernement du Québec.
M. Girard: Ce ne serait plus une étude des crédits détaillée, préalable à l’adoption. Le reste deviendrait une critique après coup.
M. Bertrand: Critique et aussi en même temps examen. Vous l’aurez remarqué, c’est
ministre trace pour son ministère pour l’année qui vient et les crédits, cela a toujours été
qu’on accepterait en d’autres mots cette proposition qu’on a faite d’un débat sur le budget peu spécial où vous auriez si vous voulez, dix heures de discours un peu traditionnel comme les avait dans le passé mais sur une période de 25 heures, alors là sur dix heures. Ensuite,
un on on
pourrait – et là effectivement c’est la réponse à
votre question – décider que le budget est
autant, très souvent une analyse de ce qui s’est fait qu’une critique
des perspectives que le
l’occasion d’une forme de débat ambivalent où on parle à la fois des gestes
passés et des gestes
à venir. Alors, comme il y a des deux éléments dans toute cette notion d’étude des crédits, on
pense que le fait de l’étaler sur l’année ne pose pas véritablement de problème. C’est une façon en même temps de faire deux choses qui sont faites par des commissions spécialisées elles, la commission des engagements financiers qui va continuer de scruter les dépenses du gouvernement et aussi la nouvelle commission des finances publiques qui va jouer un rôle considérable et qui trimestriellement va venir évaluer, étudier les finances de l’État, les programmes d’emprunt etc. et là c’est le ministre des Finances qui répondrait. Tout cela en essayant d’introduire petit à petit, progressivement ce qu’on appelle, ce beau mot mais qu’il reste encore à concrétiser de l’imputabilité, c’est-à-dire d’avoir des fonctionnaires de l’État qui viennent répondre à certaines questions, relativement à des décisions dont ils ont la responsabilité au sein de leur ministère.
Une voix: Peut-être les deux dernières questions.]
[M. Lévesque:] Je vais vous interrompre une seconde. C’est que je suis vraiment obligé de partir. Vous permettez que je vous souhaite quelques jours de repos. On ne sera pas là, vous allez sûrement pouvoir vous reposer. Joyeux Noël. [Very briefly. Two little questions. You talked about job creation of programs, it was before you … just briefly.
Mr. Mooney: Mr. Levesque, I would like to ask you if you can characterize what we have been referring to as « négociations nationales » as a success and whether or not you had good cooperation from both the Unions and the private sector?
M. Lévesque: Of course, obviously as far as the word negotiation is concerned it was not a success, even though…
M. Richard: Les négociations nationales, plan de relancement?
M. Lévesque: Oh, that is another thing. I thought you were talking about the Common Front. As far as that goes, which is to try and implement a few, – as soon as possible, if possible before the end of January – a few joint ventures let us say in the sense of maintaining jobs or helping maybe create some, even though sometimes or more too often, temporary, we think the groundwork has been advanced enough that there is a good chance, at least in a few sectors that are considered most urgent, that that kind of joint endeavour, you know, with unions and « entrepreneurs » or bosses and the government can be launched in at least a few cases and then from there on, you keep on working.
M. Richard: Sir, you announced that at the end of January you would be stepping up action and programs for job creation but can you assure the people that this will not be done at the same time as in sectors like in education? Unemployment is created because teachers are taken out, in a sense, of the labour market.
M. Lévesque: I do not think a good assessment would lead you to that kind of conclusion. There may be some temporary unemployment, some recycling of people but it would not come with all that urgency or all that dramatic impact but we have got to admit, what we are loo’ ing for is – during January, before the end ;f January, hopefully, to find out whatever new
input can be designed and implemented in a sense of maintenance of jobs – God knows, we have to try and do our best on that – and also some job creation specially for young people. Everybody has been talking about young people but over the last two months, especially a very intensive effort has been put in by at least three or four Departments under the tutelage of the Priorities Committee so that vie could start implemen something soon in 1983.
It is also partly depending on what happens in the wake of the meeting of Finance Ministers because, apparently, there is some opening there which will be or not concrete. But
come together, I hope, before the end of January.
M. Richard: Would you characterize finally the year 1982 as we are wrapping it up as probably one of the lousiest years you have had to face? Would you sum up your feelings of that?
M. Lévesque: On that, you have no argument from me. That is it’.
M. Harris: If I understood correctly what I read in Le Devoir today, you have ruled out any springtime election or early election. That is correct. On the question of the Constitution, if I understood you correctly in French, you might attend the Constitutional Conference but it depends on the answer you get from M. Trudeau to the letter you sent.
M. Lévesque: What I said more precisely was this. M. Trudeau’s answer or lack of answer – you know, wishy-washing around it – will have an influence obviously on whatever Constitutional attitude we will take in the near future. That is also a fallout from a meeting I had – which, I had to leave without a decision – about a week ago with all the major elected representatives of the Indian peoples and also of the Inuit. I told them that in January, not too late in January, they will have an answer from us about our attending the Conference as far as specific problems of rights and recognition are concerned. So, that is the.. for January.
Mme Thompson: Mr. Lévesque, you must have a contingency, supposing Mr. Trudeau does not give you what you asked for, you could still get something added to the agenda on that March Constitutional Conference. I wonder if you left those doors open.
M. Lévesque: For a moment I leave the letter with you and it speaks for itself as far as it goes. When we get any further you will be among the first informed.
M. Daignault: Concerning the concentration between unions, management and the government, I am wondering if you have got any feedhock at this stage from bill 105. Do you think it sort … of jolted the unions to a certain extent? Maybe we should not start talking right away or maybe we should wait.
M. Lévesque: Something that you have to count on, what you are talking about is an approach, to develop an approach we had a sort of pilot project which is working out rather well in the field of housing to work out an approach on a few sectors that are in the private
that has to be… I think they are scheduled, supposed to meet again in January. All of that
will
ruy1. 1,
sector, In other words a few sectorial projects that I hope we could implement as joint ventures. Now I think as responsible people – and I am fully confident that they are – the union leaders in the fields where their members are in great difficulties in the private sector, in industry their « devoir d’état » as we say in French, otherwise their obvious duty is to do their best for those members and if some cooperation helps, doing the best effort possible, I do not see why it should be refused.
M. Daignault: Are you talking about the steel industry, the forest industry?
M. Lévesque: I am talking about few sectors that have been put on the table in preliminary conversations and a sort of consensus has apparently developed that we are going to
try and assess tomorrow… in priorities committee and then get in touch again maybe as soon as possible after Christmas…
Mme Thompson: …
before or
M. Daignault: Specifically…
M. Lévesque: Because there is still some give and take about which of the two or three – because you do not go in all directions at once – which are the two or three that would be the best to suggest. It will not be a suggestion by the government because we still have to get their feedback once the precise suggestions are made.
M. Girard: M. Lévesque, il y a une question qui a toujours l’habitude d’être posée à cette période-ci de l’année et je me rends compte que personne ne l’a posée. Vous avez écarté la possibilité d’une élection pour 1983. Est-ce que vous écartez un remaniement ministériel pour 1983?]
[M. Lévesque:] Il appelle cela une question. Ce n’est pas une question. Encore une fois,
[Merry Christmas] et une bonne année autant que possible, Joyeux Noël.
(Fin à 15 h 49)]
[QLévsq19821220cp]