[(Seize heures quatre minutes)]
[M. SAINT-LOUIS: Le premier ministre, M. Lévesque, m’a avisé qu’il ferait tout d’abord un exposé en français, par la suite un bref résumé
de ses propos pour la télévision et la radio anglaise et, par la suite, nous passerons à la période des questions, période des questions qui sera répartie de la façon suivante, selon les voeux de M. Lévesque: trente minutes de questions en français et quinze minutes en anglais. L’on m’a avisé également
qu’il n’y aurait pas plus que 45 minutes de questions. M. Lévesque.]
[M. LEVESQUE:] Merci beaucoup. Je m’adresse en même temps, je pense,
a la radio, à un certain nombre de nos concitoyens et à vous, mesdames, messieurs de la galerie parlementaire qui, je le sais, attendiez comme un grand suspense les décisions qu’on avait annoncees aujourd’hui. Je commence par vous dire la décision.
Après toutes les consultations et toutes les discussions qui s’imposent en pareil cas – c’est la première fois que je vis cela; c’est, je crois, traditionnel – je vous annonce simplement que j’ai décidé qu’il n’y aurait pas d’élections générales cet automne.
Chacun sait que dans notre système parlementaire le scrutin n’a pas lieu
à date fixe, ce qui a pour avantage de permettre au chef du gouvernement, à l’intérieur de la limite légale de cinq ans, de déclencher la campagne électorale en tenant compte de son mieux de l’ensemble de la situation.
Cette flexibilité revêt une importance toute particulière en temps de crise
ou d’affrontements majeurs. Cela permet d’éviter de dissoudre l’Assemblée nationale à un moment qui serait inopportun ou qui pourrait même être gravement nuisible pour les intérêts de la collectivité.
Or, nous nous trouvons présentement devant une tentative de coup de force constitutionnel qu’Ottawa voudrait nous imposer d’ici la fin de l’année. Dans les circonstances, il m’a paru nettement contre-indiqué de tenir tout de suite
des élections générales qui verraient fatalement les intérêts et les affrontements partisans remplir aussitôt tout le paysage politique. Les Québécois seraient ainsi condamnés, dans l’ensemble, à n’avoir plus que ça et rien d’autre à l’esprit et à se diviser très durement, au cours de plusieurs semaines particulièrement cruciales, avec les inévitables retombées qui continueraient à alimenter la désunion pendant un bon bout de temps.
Cela se comprend, vu la précipitation avec laquelle le fédéral s’efforce de
bousculer tout le monde au milieu d’une confusion qu’entretient sans le moindre souci de la vérité sa propagande à jet continu. Mais même chez ceux qui sont les victimes de cette propagande, un malaise a commencé à apparaître, car ils ont à tout le moins le sentiment que ce n’est pas comme cela qu’on agit quand on a une bonne cause.
Il va donc falloir que, le plus vite possible, tout le monde ait l’occasion
d’y voir clair. J’ai eu, moi, l’occasion – et ça ne fait que commencer – d’expliquer pourquoi le Québec ne peut absolument pas accepter cette inqualifiable opération fédérale et pourquoi il est donc nécessaire de la faire échouer. Ce qui est en cause, c’est le droit fondamental du Québec de refuser toute modification du régime effectuée sans son consentement, bien sûr, mais aussi, et plus encore, c’est le devoir que nous avons de résister à une modification qu’on veut faire à nos dépens en nous enlevant unilatéralement des garanties et des pouvoirs en matière, surtout, d.’enseignement et de protection de la langue française dont le Québec a toujours eu besoin vital pour le développement et même pour la simple sécurité de sa personnalité distincte.
Je me permets à ce propos de souligner simplement et brutalement ce que camouflait au début le jargon du projet fédéral,.. mais que M. Trudeau lui même a été obligé d’admettre par la suite. En lui enlevant tout déguisement, un des effets de ce projet fédéral en matière d’éducation, ce serait d’aller demander, et très colonialement à part cela, au Parlement britannique, d’arracher le coeur même de notre loi 101 et de replonger automatiquement le Québec français dans l’insécurité et tout le Québec dans les déchirements d’il y a une douzaine d’années.
Compte tenu de l’urgence de la situation et du peu de temps dont nous disposons, il importe donc d’utiliser tout de suite et sans relâche tous les moyens qui sont à notre portée comme gouvernement. Maintenant que nous avons ajusté notre position dans ce sens, avec celle d’une majorité des provinces qui représente aussi une majorité de la population canadienne, nous allons nous efforcer de faire connaître à tous nos concitoyens les conséquences immédiates et les effets à plus long terme de la manoeuvre fédérale. Il faut chercher à rallier au Québec, comme d’autres le font ailleurs, le plus grand nombre possible de citoyens et de groupes conscients de ce qui risque de se passer et, pour quelque temps, tâcher un tant soit peu,d’oublier des objectifs et des intérêts partisans qui sont tout à fait légitimes, mais qui ne serviraient en l’occurence qu’à affaiblir la position du Québec, alors qu’au contraire, on a tous, par les temps qui courent, à servir une cause qui est incontestablement celle du peuple québécois tout entier.
Aussi ai je l’intention, dès le début de la semaine prochaine, de prendre contact avec les chefs des autres formations politiques dont les positions sur le coup de force d’Ottawa et sur sa façon de procéder nous sembleraient pouvoir s’harmoniser avec les nôtres.
La semaine prochaine aussi, le Conseil des ministres sera saisi d’un ensemble
de propositions d’actions concrètes qui seront annoncées au fur et à mesure et dès aujourd’hui, je tiens à vous dire ce qui ne vous surprendra guère que la convocation de l’Assemblée nationale va devoir se faire le plus vite possible avant la date qu’on avait prévue.
En terminant, et pour faire suite à ces décisions, je vous informe que nous venons d’adopter en Conseil des ministres le décret en vertu duquel le directeur général des élections met en branle aujourd’hui même le processus qui mènera à des élections complémentaires le lundi 17 novembre dans les comtés de Mégantic-Compton, de Johnson, Brome-Missisquoi et d’Outremont.
Vous vouliez, je crois, un résumé rapide en anglais, je vais essayer de le faire
de mon mieux. Ce n’est pas parceque je voulais emloyer les deux langues officielles, mais je dois vous dire que j’ai terminé le texte que je viens de vous passer il y a quelques minutes seulement.
[What I had to say, very briefly, was this. After all the consultations and the discussions which are traditional in such a case, I have decided that there will be no
VrD »`
year. In such circumstances, it ».ilk be in my judgement counter indicated to rams an
a
general election this fall. It is part of our parlémentary system that the date is not fixed and that the leader of the government or the head of the government ha- the advantage, inside of the legal limit of five years, to start an election campaign while trying to take into account as best he can, the total situation.
This is particularly important when you have a crisis or major confrontation, because there could be moments, and this is one of them, where a sort of vacuum at government level could be very detrimental to basic interest of the Québec collectivity or Québec community. The rampaging effort of the federal government to try and modify, in fact not just bits and pieces but deep down the very nature of the federal regime and the constitution is something which is suppose1to be imposed upon us before the end of this
election campaign at the very same moment when they are trying to bulldoze or railroad
a
that kind of change which is absolutely unacceptable,to do it against the will of #.àe
majority of provinces, as you have found out over the last few days land to do very specifically against the interests, very directly affecting the interests, some of the most fundamental interests of Québec itself, whteh means that at the very moment ,when quite a few
provinces go along with us in not
just unease, but a beginning of the fight which is required
to stop the unilateral action of Ottawa and the Trudeau ,yernment)
t would be, I repeat, irresponsible to more or less leave them in the lurch for quite a few weeks and have more division as you have in any hotly contested election campaign, than-we have already. As you may have heard, or if you have not, I am-telling you it is this pressing that, on the first front where we have to work together, which is the judiciary front, as soon as next
Thursday) in Winnipeg, the ister of justice from.Québec and.-the-team that Mr Yves Pratte, the former Supreme Court Justice, has accepted to coordinate, are going to meet with their colleagues of other provinces in order to figure out the best way to enter into-action in that particular field.
I know that a lot of people in Québec have not gathered yet,on account of the incredible precipitation of the federal action, which is confusing people, along with its continuous propaganda, all the importance of what is at stake.
As far as Québec is concerned, some vital things are at stake in a way which has to be resisted by all legitimate means and. all legitimate means that are in the possession of a government.
I think even those who are victims of the federal propaganda are beginning
to feel some unease, to say the least, because the kind of bulldozing which is being done with continuous propaganda is not exactly the way that somebody who has a good cause wants to push it through. It is normally something more candid than that when you are sure of your basic principles.
So, we are going to resist. For the time being, this excludes elections this /all. As soon as the beginning of next week, on the parliamentary level, I am going to meet with the leaders of the other parties and try and find out, since they do, I thinks without exception, object very deeply to the method and the conception of the federal coup de force or coup d’Etat?~ how much of our positions can be harmonized and that will lead us, very quickly, much more quickly than the date that was anticipated) to bring the National Assembly together, in other words, quite a bit before the theoretical date we had, which was November 11th.
As soon as text week also, there is going to be a plan of action, very detailed, which is going to be submitted to the.dtto-be
submitted to the cabinet and announced so.n as bacoma op, at ~. That 49
being said to fulfil. a promise that I made gyp( mont rago before vacant ridings l
will be represented as soon as possible after the beginning-because we have a hurry here`te – tt b o – of the session. In other words, we have already had the order in council that tells the oairector general of elections to 1~Aeg the
means Megantic-Compton, Brome-Missisquoi, Outremont and Johnson.]
[M. SAINT-LOUIS: Première question en français, M. Girard.
M. GIRARD: 14. le premier ministre, vous avez complètement rejeté l’hypothèse d’élections à l’automne. Est-ce que cela signifie qu’elles auront lieu le printemps prochain comme on a aussi mentionné cette possibilité?]
[M. LEVESQUE:] Non. C’est un plaisir assez douteux, même si, parfois, c’est intéressant de lire toutes les hypothèses. J’ai assez vécu la série d’hypothèses
qui ont fabriqué des suspenses pendant des semaines et des semaines, vous ne tirerez pas un mot de mon corps, sauf que forcément, cela nous mène à la fin de l’année. Après cela, faites vos jeux.
[M. GIRARD: Maintenant, l’autre question que j’ai à vous poser est la suivante: Est-ce que les élections complémentaires qui auront lieu dans quatre circonscriptions électorales se feront sous le signe de l’opposition constitutionnelle que vous voulez livrer au gouvernement fédéral? En d’autres termes, est ce que vous
profiterez de ces quatre élections complémentaires pour faire un test des possibilités pour le gouvernement actuel de faire opposition ou de faire échec au projet du gouvernement Trudeau?]
[M. LEVESQUE:] Écoutez , comme comtés qui sont tres bien séparés des autres, parceque ce sont des élections partielles, il va s’agir beaucoup forcément des problèmes de comtés qui rejoignent dans beaucoup de cas des problèmes généraux du Québec. Et inévitablement, c’est sûr, puisqu’on va être en pleine action, il va s’agir également de faire appel, si vous voulez, à la conscience et je dirais même à l’instinct de conservation des citoyens en matière constitutionnelle, parcequ’il y a du pain et du beurre et l’avenir du Québec qui est impliqué dans le coup de force fédéral. Donc, cela ne pourra pas éviter d’être présent dans la campagne. Cela ne doit pas éviter d’être présent dans la campagne.
[M. SAINT-LOUIS: M. Cowan. ~.
M. COWAN: Est ce qu’on doit comprendre \prés votre annonce que MM. Couture et
me
process for by-elections Lrn the four vacant ridings for,Nov
mber 17, -$eriday., which
dans toute élection, surtout quand il s’agit de
Joron vont rester au sein du gouvernement jusqu’aux élections?]
[M. LEVESQUE:] En temps et lieu, et cela peut venir assez bientôt, une décision de ce côté vous sera communiquée aussitôt que j’aurai eu la chance d’ajuster nos positions ensemble, parceque tout le monde sait que M. Couture pour des raisons qui n’étaient pas de son ressort, et M. Joron, parcequ’il a, après dix ans d’action politique constante, décidé que s’il ne voulait pas devenir un carriériste de la politique, il devait s’en aller et faire autre chose. Donc, dans les deux cas, ils ont offert leur démission – vous le savez, – je leur ai demandé de demeurer au poste pendant un certain temps. Je vais ajuster avec eux… la perspective dans laquelle ils vont voir la suite dans les prochaines semaines.
[M. SAINT-LOUIS: M. Lépine.
M. LEPINE: M. Lévesque, verse-xrle.a, dans votre exposé ‘ vous soulignez ça plu
sieurs fois ~ous dites,, e vais citer, parceque je pense que c’est important, « 41
y a encore bien des gens et pas seulement au Québec qui n’ont pas pu saisir l’importance fondamentale des enjeux. » C’est peut-être un peu une sous-question à celle
de Normand Girard tantôt; est ce que vous allez profiter des élections complémentaires pour en parler beaucoup/ de ce sujet et)justement, informer les gens ou si vous pensez, dans votre plan d’action, à une véritable campagne de sensibilisation des Québécois sur le dossier constitutionnel?]
[M. LEVESQUE] Je parlais tout à l’heure d’un plan d’action qui serait d’abord soumis au Conseil des ministres, action concrète, dès mercredi prochain et qui serait
annoncé au fur et à mesure. Cela implique évidemment de l’action politique à l’échelle
du Québec qu’on annoncera au fur et à mesure. Une chose certaine, c’est qu’il faut une mobilisation, je dirais, au moins aussi intense qu’en période électorale. Il faut la maintenir parcequ’il s’agit d’intérêts nationaux. Il ne s’agit pas de l’intérêt d’un seul parti. Je pense que les attitudes qui ont été prises par les trois partis reconnus, au moins sur l’ensemble de ce qu’essaie de faire le gouvernement fédéral, confirment que même chez les dirigeants politiques qui sont reconnus, comme on dit dans le jargon parlementaire, qu’il y a cette conscience’il y a un danger pour des intérêts vitaux du Québec. Il s’agit de voir jusqu’à quel point ça peut s’harmoniser, c’est ce que je vous ai dit. Je vais essayer de voir les autres dès la semaine prochaine.
Il y aura de l’action politique non seulement dans les élections partielles, sur ce plan là, mais à l’échelle du Québec autant que possible.
[M. LEPINE: Cela peut vouloir dire une reprise de la publicité gouvernementale là dessus.
]
[M. LEVESQUE: Si la publicité fédérale ne cesse pas, oui.]
[M. SAINT-LOUIS: M. Samson.
M. SAMSON: M. Lévesque, est ce que vous pouvez me donner quelques indications plus précises sur ce qu’on retrouvera au menu à l’Assemblée nationale dans les semaines à venir?]
[M. LEVESQUE:] Non. J’ai demandé au comité des priorités du Conseil des ministres de se réunir dés demain soir; et la journée de samedi, pour qu’on déblaie ça. I1 y a,
je l’ai dit, ça se peut qu’en session régulière, parceque session régulière session spéciale, on n’est pas rendu là, on va y être d’ici deux ou trois jours, mais ça se peut qu’en session régulière l’Assemblée nationale se réunisse pas mal plus vite et il faut qu’il y ait un programme législatif, quel qu’il soit. On a pas mal de choses qui sont déjà sur la planche il y a du nain sur la planche, il y a des choses qu’il va falloir ajuster, peut-être pas un programme complet de session, mais au moins des éléments essentiels de ce que pourrait être cette session, sans compter le débat nécessaire autour des actions fédérales.
[U !us M. SAMSON: Vous dites avant la date prévues us n’avez’ précisé cette date
encore?]
[M. LEVESQUE:] Je n’ai pas de date encore. Le plus vite possible, c’est comme
je vous ai dit.
[M. SAINT-LOUIS: M. Fraser.
M. FRASER: M. Lévesque, quand vous parlez d’un plan d’action, est ce que vous
»
parlez uniquement d plan d’action…
pas mal de travail qui est déjà prêt, mais il s’agit de mettre ça ensemble.
Comme
que ce qui était prévu. Ca’ i veut dire qu’il faut qu’il y ait un
discours inaugu
… parlez uniquement du plan d’action de contrer le fédéral ou est ce que
vous parlez, en terme. général, d’un plan d’action ou d’autres éléments qui pourraient entrer, d’actions concrètes qui visant l’économie ou d’autres aspects gouvernementaux.]
[M. LEVESQUE:] J’ai l’impression, c’est peut-être une des raisons aussi que j’ajouterais, mais ce n’est pas la raison fondamentale, un des motifs que j’ajouterais à ma décision, vous savez, comme j’ai dit, une campagne électorale s’affaire – c’est normal, c’est légitime – à accentuer des divisions et à creuser- des fossés qui, des fois, prennent un peu plus de temps ou un peu moins de temps à se combler après.
Tout le monde sort de là, on le sait, toujours un peu fatigué, cela prend une certaine reprise. Ce n’est pas pour rien qu’il y a toujours à peu près deux semaines dans le changement de gouvernement, par exemple, entre le départ des uns et l’arrivée des autres. Alors, de créer un vacuum comme ça, ce serait créer l’occasion rêvée pour les technocrates fédéraux et l’entourage passablement servile des politiciens qu’on a élu à Ottawa et pour le gouvernement fédéral lui même, ce serait créer quasiment le climat rêvé pour qu’ils puissent continuer à entretenir la confusion. Ce n’est tout de même pas pour rien, je suppose que le premier ministre fédéral, au cas où, annonce qu’il va se promener à la télévision pendant une heure, je pense, demain, sauf erreur, et qu’il s’en vient faire un discours au Québec. Cela rappelle des souvenirs pas tellement lointain, ça. Je n’ai pas l’impression que c’était sans tenir compte du fait que ça pourrait peut-être aider à confusionner une campagne électorale au Québec et mêler les torchons et les serviettes le plus possible. Je crois que ça doit être évité.
Par ailleurs, je peux dire une chose, que si M. Trudeau ne s’était pas donné
un échéancier particulièrement serré et particulièrement cynique qui était préparé d’avance dans des scénarios qui ont été révélés, peut-être qu’on aurait pu avoir une élection convenable et quand même avoir la chance de voir venir les événements. Là, il n’y a plus de jeu. I1 s’est fixé lui même des dates dans le genre du 8 décembre pour que tout soit bâclé, accompli. C’est ça qu’il faut empêcher.
Troisièemement, et là, je rejoins, je pense, plus directement votre question. Je crois que même si le problème, appelons constitutionnel de façon générale, ne pourra pas être évité tant qu’il y aura cette incertitude générale au Canada et au Québec en particulier sur l’avenir et comment on doit le dessiner, on ne pourra pas éviter ce sujet là, mais il y a une chose certaine, c’est que la prochaine campagne électorale devrait porter, aussi intensément que possible, sur des choses économiques, sur des choses socio-économiques qui préoccupent les gens dans leur vie quotidienne. C’est important de garder ça en réserve et de garder ça à l’esprit aussi. Et, si on met le tout dans un climat de crise intense, je crois qu’à ce moment là, ça ne ferait pas ni une bonne campagne électorale, ni des bons programmes électoraux, ni quelque chose qui, comme il se doit, devrait rejoindre
des préoccupations des gens sur d’autres plans aussi, en particulier dans le domaine socio-économique, c’est-à-dire là où se trouve la vie quotidienne. Je dois vous dire qu’il recule encore dans les rumeurs, mais que dans les semaines qui viennent ou plus tard, il va y avoir aussi un budget fédéral dont l’effet va être légèrement brutal, comme vous vous en doutez. Et cela va affecter les Québécois, comme cela affecte tous les Canadiens. Il y aura là aussi, des choses qu’il faudra dire. Tout cela m’a amené, en plus de la question fondamentale qui est de résister à une manoeuvre fédérale qui est absolument contraire aux intérêts du Québec et je pense aussi, à long terme, du Canada tout entier, en plus de cela, là aussi c’est d’éviter cette confusion que d’autres aimeraient bien entretenir, continuer à entretenir, jusqu’à ce que tout ait été « bulldozé » à leur façon.
[M. FRASER: Deuxième question. Quand avez vous pris cette décision de façon finale?]
[M. LEVESQUE:] Pendant le week-end de l’Action de Grâces.
[M. SAINT-LOUIS: M. O’Neill.
M. O’NEILL: M. Lévesque, [tan-t-d3 1q’ vous n’avez pas eu autant d’appui]
[M. LEVESQUE:] Il faut dire que j’attendais aussi pour voir ce qui se passe à Toronto – je m’excuse si j’anticipe un peu – pour vraiment finaliser ce qui était déjà final. C’est un gros morceau. C’est important de savoir que non seulement le Québec n’est pas seul et j’ai eu des curieux commentaires de la part de ce que j’appellerais les porte-parole officieux ou officiels du gouvernement fédéral, dans les journaux ou ailleurs qui disaient: C’est curieux, il en reste seulement sept qui parlent. On pourrait renverser cela et dire: curieux, il y en a seulement trois du côté du coup de force fédéral.
[M. O’NEILL: Cela veut dire que, si vous n’aviez pas eu cet appui, que vous
ti
étiez revenu isolé de Toronto, votre décision eut été différente au sujet des
élections?]
[M. LEVESQUE:] La seule chose que je pourrais dire, c’est que c’est possible.
[M. SAINT-LOUIS: M. Lacombe. M. Marsolais.
M. MARSOLAIS: M. Lévesque, lorsque vous parlez d’un front commun, vous parlez d’un front commun des partis politiques, j’imagine?]
[M. LEVESQUE:] Non. Je parle d’un front commun que je pourrais appeler un front commun national, à l’échelle du Québec. Souvenez vous que cela s’est développé au moment de la loi 63 pour des raisons qui étaient évidentes, en tout cas, du côté du Québec français. Mais ce à quoi nous ramènerait assez précisément le geste éminemment colonial du gouvernement fédéral actuel qui, en se cachant derrière le rapatriement, demande au Parlement britannique, Parlement anglophone, sauf erreur, d’arracher au Québec français certains éléments essentiels de ses pouvoirs d’identité, cela pourrait nous ramener exactement au déchirement qu’on a vécu il y a une douzaine d’années autour de la loi 63
et de ses effets évidents, cela mérite au moins qu’on essaie d’oublier un petit peu, pour contrer cela, les compartiments de partis. Mais ce ne sont pas seulement les partis, quand je parle de front commun. J’ai cru comprendre, en écoutant les nouvelles que vous avez dû voir vous autres aussi, que d’instinct il y a des gens qui l’ont vécu, le temps de la loi 63 et qui se réunissent de nouveau en disant…: On pensait que c’était fini. Il faut
comprendre à quel point il y a un danger poison pour pas mal d’années si on ne
fait pas attention et que c’est toujours sacrement plus dur de revenir d’un mauvais coup que de l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.
[M. SAINT-LOUIS: M. Delisle.
M. DELISLE: M. Lévesque, je voudrais savoir si, à titre de chef du Parti québécois, vous avez été récemment saisi de sondages et je voudrais savoir quelle part ces sondages ont pu avoir dans la décision que vous nous annoncez aujourd’hui.]
[M. LEVESQUE:] J’ai bien l’impression que,si on entrait en campagne aujourd’hui, ce serait très serré. Les gens disent souvent nez-à-nez, c’est à peu prés ce que nos sondages nous disent mais d’une façon qu’il est difficile d’interpréter, c’est-à-dire qu’on a une avance dans tous nos sondages y compris les plus récents, une avance substantielle dans les votes francophones au Québec. Les libéraux ont, de leur côté, en plus évidemment des francophones qui votent avec eux – il y en a quand même un bon nombre – ils ont également le bloc massif du vote anglophone. Et puis il y a les indécis sur lesquels tout le monde fait des hypothèses, comme c’est normal. À partir de là, moi, je dirais que ce serait une campagne extrêmement serrée où je n’ai pas la moindre idée de quel serait le résultat parceque je ne suis pas un expert en évaluations de ce genre, mais je dirais que1selon nos perceptions et selon les sondages, on partirait probablement nez-à-nez et il s’agirait de voir quel courant se développerait le long du chemin.
Vous savez, je dois vous dire que ce n’est pas si fondamental que ça, parceque j’ai l’impression qu’un gouvernement comme le nôtre, il ne sera jamais sûr de gagner ses élections. Un parti comme ça est appelé à vivre dangereusement. Alors, tout ce que je peux vous dire, c’est que la décision sur des élections qui est reportée pour des raisons qu’en conscience, je crois impératives, elle ne prendra pas au fond plus longtemps qu’il ne faut, une fois que cette étape là sera franchie. Mais ne m’embarquez pas dans des dates, vous n’en aurez pas.
[M. DELISTE: Est ce que je pourrais savoir, en question additionnelle – vous avez rencontré vos députés tantôt – quel était le sentiment de ceux ci?]
[M. LEVESQUE:] La première chose, ils étaient bien contents que j’aie fini de
me brancher parceque la dernière fois qu’on s’est vus au caucus, c’était au point de vue des saisons acceptables, dans le genre 27-27. Alors, finalement, ils m’ont laissé le paquet. Je crois que tout le monde était – c’est toujours un peu ça – soulagé de voir que la décision était prise. Deuxièmement, j’ai l’impression que ceux qui étaient plutôt…
j’ai l’impression que ceux qui étaient plutôt pour l’automne, à partir de leurs perceptions, de leur comté ou de leur région avec une certitude morale – ce qui est vrai dans pas mal de coins du Québec c’était mûr et il n’y avait pas d’hésitation à se lancer, admettent quand même, même ceux là, admettent que la décision se justifie à mesure que les jours passent et qu’on voit les implications de ce qui risque de se passer. Je connais des éditorialistes pour qui j’ai beaucoup de respect et que je ne nommerai pas qui ont commencé, il y a à peine une journée ou deux, à comprendre certaines des implications de ce qui est toujours du jargon; il y a quatorze pages ou vingt pages de jargon qui traînent devant la Chambre des communes. Il faut démêler les dangers qu’il y a là-dedans et je vous jure que quand vous les démêlez, ceux qui sont le moindrement politisés se rendent compte de ce que ça veut dire, mais j’ai remarqué qu’il y a des éditorialistes parmi les plus cotés qui commencent à peine à voir – et ce n’est pas un blâme, ça prend un certain temps ce qu’il y a derrière cette plomberie là.
[M. SAINT-LOUIS: M. Lépine.
M. LEPINE: Une petite question technique. Vous dites que vous voulez convoquer l’Assemblée nationale plus tôt que ce au,-‘ était prévu, donc avant le résultat des élections complémentaires.]
[M. LEVESQUE:] Oui.
[M. LEPINE: Cela veut dire que vous ne répondrez pas à votre promesse
de convoquer l’Assemblée avec tous les sièges comblés. C’est une petite question technique.]
[M. LEVESQUE:] Je sais bien.
[M. LEPINE: D’abord, ça va se faire.]
[M. LEVESQUE:] Oui, c’est vrai. Je ne pense pas que j’aie dit que pour le jour de l’ouverture… J’ai dit: ils seraient là pour la prochaine session. Ils vont y être et ça va être encore le discours inaugural. Qu’est ce que vous voulez? On ne peut pas faire plus.
[M. LEPINE: Maintenant, dans le cadre de cette session la, M. Levesque;
vous voulez parler aux partis politiques de l’Opposition la semaine
prochaine.
Est ce qu’il se peut dans vos hypothèses que vous tentiez de faire adopter par
l’Assemblée nationale une résolution condamnant le geste d’Ottawa?]
[M. LEVESQUE:] Si ça vous vient à l’esprit, c’est sûr que ça vient à l’esprit de d’autres. Ce n’est sûrement pas à exclure dans les possibilités…
[M. SAINT-LOUIS: Mlle Gallichan, ça va? !’. L’Heureux.
_m11_-.._«_1(_
M. b~HEUftL’tfX: …ce qui ne veut même pas dire que vous n’êtes pas d’une originalité folle’
M. L’HEUREUX: H. Lévesque, j’essaie de voir dans quelle mesure la raison que vous invoquez va être jugée convaincante par les électeurs. Vous êtes à la fin d’un mandat normal de gouvernement.]
[M. LEVESQUE:] Oui.
[M. L’HEUREUX: L’option fondamentale de votre parti a été rejetée au référendum. Est ce que vous n’auriez pas eu plus de poids politique en allant chercher par une élection un mandat spécifique de vous opposer au rapatriement
de la constitution puisque, de toute façon, dans le mois qui vient, les tribunaux vont être saisis de l’affaire; et déjà, ça constitue une première…]
[M. LEVESQUE:] Oui.
[M. L’HEUREUX: …démarche d’opposition?]
[M. LEVESQUE:] Oui. Il y a deux plateaux dans la balance et c’est sûr
que ceux qui veulent le voir de ce côté là peuvent le voir de ce côté là. Il y des gens qui disent: C’est une fin de mandat, un peu comme Trudeau quand il a essayé de passer à la sauvette un changement fondamental du Sénat et il s’est fait dire par les tribunaux que ça ne se faisait pas. Ce sont des choses qui peuvent arriver dans l’esprit des gens de dire: Cela aurait peut-être été mieux d’aller chercher un mandat nouveau. Notre mandat n’est pas illégitime comme. comme gouvernement. I1 existe pendant cinq ans, légalement. Je ne vous ferai pas de garantie sur quoi que ce soit. Je suis tanné d’entretenir des suspense à tout bout de champ, qu’on fabrique à partir de n’importe quelle phrase que je dis là dessus. Mais quelque part en 1981, en tout cas, il y aura des élections. Entretemps, les gens peuvent dire: C’est une fin de mandat. D’un autre côté, ce que je dis, moi, c’est que pour corriger cette situation qui, pour certains peut sembler déplaisante, il aurait fallu littéralement se transformer en champ de bataille électoral avec les irruptions fédérales déjà prévues dans le cas du premier ministre fédéral, pendant au moins cinq semaines plus les quelques semaines que ça prend après, soit les mêmes fatigués pour revenir, ou pour des nouveaux qui prendraient le pouvoir pour comprendre ce qui se passe. Moi, je pense que ça aurait été irresponsable, c’est tout. Chacun peut avoir son opinion.
[M. SAINT-LOUIS: Mf. Fraser.
M. FRASER. M. Lévesque, vous parlez, dans votre raison de ne pas avoir d’élections, de faire ce front commun, parceque ce que le fédéral va faire, c’est d’arracher le coeur même de notre loi 101…]
[M. LEVESQUE:] En matière d’éducation.
[M. FRASER: En matière d’éducation. Si je comprends bien la clause, c’est que ça touche la question des gens de langue maternelle anglaise qui sont citoyens canadiens. Donc, moi, je crois…]
[M. LEVESQUE:] M. Fraser, je n’entrerai pas dans la plomberie. Ce que j’ai dit – je peux vous donner des textes qui vous l’expliquent – brutalement, je l’ai simplifié. Vous vous rappellerez que même M. Trudeau, une fois que ce n’était plus possible de rester un peu flou derrière le jargon du projet fédéral, a admis, il y a quelques jours, qu’en effet son projet créerait deux classes d’immigrants et que ces deux classes d’immigrants, une fois devenu citoyens au bout de trois ans, il y en a qui pourraient avoir accès aux écoles anglaises au Québec et d’autres à qui ça n’arriverait pas, ce qui nous mettrait dans l’absurdité la plus totale et par définition créerait des déchirements et nous ramènerait, mais encore plus bêtement qu’autrefois aux déchirements qu’on a vecus au temps de la loi 63.
D’ailleurs, M. Trudeau ne s’est pas caché pour dire: Moi, ce que je préférerais, c’est encore le [« free choice »]. Il y a tout de même un sacré bout; on sait ce que ça veut dire,au Québec.
[M. SAINT-LOUIS: M. Lacombe.
R/11 – page 2
M. LACOMBE: M. Lévesque, eet-ez-gac M. Trudeau a fait savoir qu’il
n’attendrait pas le résultat des contestations devant les tribunaux et qu’il procéderait avec sa résolutionj. Dans cet éclairage là, si les recours aux tribunaux se trouvent inefficaces pour les provinces, avez vous envisagé des solutions de recours directs à Londres? Par :exemple, adopter une résolution à l’Assemblée nationale demandant des modifications à la constitution interne du Québec?]
[M. LEVESQUE:] Je dirais d’abord qu’en ce qui concerne les arguments de M. Trudeau, il faudrait quand même que quelques uns d’entre nous, comme on le fait, nous, de notre côté, aient l’occasion de consulter quelques juristes. Cela peut aider des fois. Je ne veux pas dire que c’est tous les jours que le mensonge sert à Ottawa, mais je dirais qu’il y a une fréquence qui devient quelque chose d’assez exceptionnel. Quand, à l’intérieur d’un régime existant qui est contractuel entre des parties, – fondamentalement c’est ça le régime fédéral – et qu’une des parties, unilatéralement, sans le consentement, prétend modifier ce contrat, et en particulier le modifier au détriment direct de certaines, et dans certains cas, de toutes les parties – pensez, par exemple, à l’espèce d’invraisemblable fouilli qu’on essaye d’ajuster comme une formule d’amendement à rechange et à répétition – il y a là des dangers très visibles dans le régime fédéral, tel qu’il existe depuis 113 ans, pour des intérêts fondamentaux des provinces, par modification unilatérale, par chambardement unilatéral. Quand on a essayé ça une fois, en ce qui concernait le Sénat, à partir du bill C-60, qui est mort depuis ce temps, qui n’a pas passé, vous vous souviendrez peut-être que les tribunaux, y compris la Cour suprême, ont fait savoir au gouvernement fédéral qu’il n’avait pas le droit. Alors, M. Trudeau peut dire ce qu’il dit, nous, nous sommes convaincus exactement du contraire. Cela n’exclut pas que, dans la perspective des autres étapes, on mette en commun, avec d’autres provinces, tout ce qu’on peut pouvoir, qu’on croit pouvoir faire valablement en ce qui concerne ce que je pourrais appeler la prise de conscience nécessaire du Parlement britannique aussi, au cas où…
[M. LACOMBE: Est ce que vous envisagez une résolution modifiant la constitution?
de soumettre à l’Assemblée nationale]
[M. LEVESQUE:] La question a été posée; j’ai dit que ce n’était pas exclus comme possibilité, mais ce qu’on a à faire doit commencer, quand même vous l’admettrez, le plus vite possible par la rencontre – parceque ce sont quand meme des choses que l’on discute un peu – des chefs des autres partis politiques.
[M. SAINT-LOUIS: M. Pépin.
M. PEPIN: M. Lévesque, j’aimerais revenir ê ce qui s’est passé à Toronto. Il semblerait que le gouvernement fédéral, après avoir déposé sa résolution devant la Chambre des communes, a tout de même poursuivi, plus ou moins officieusement, une négociation avec la Saskatchewan, à tout le moins, pour modifier une partie de la réso
lution. Est ce que cette discussion
avec le Québec? Est ce que tous les ponts les deux gouvernements sur le contenu?]
[M. LE’/ESQUE:] Autant que j’ai pu savoir – et, là-dessus, je peux vous référer à
un article qui n’a pas été démenti, qui est terriblement détaillé, un article du Toronto Star, il y a à peu près deux ou trois jours, juste à peu près au moment où nous nous
sommes rencontrés à Toronto et qui expliquait en détails toutes les tractatations qui avaient précédé et suivi les attitudes affichées par M. Davis, d’Ontario, pour qui ce genre de chambardement constitutionnel, fondamentalement, rejoint ses intérêts, mais il a fallu l’acheter littéralement en éliminant du projet fédéral ce qui était censé s’appliquer à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick, c’est-à-dire le fameux article 133, parceque c’est bien beau de parler d’aider les minorités à se retrouver dans le paysage en dehors du Québec, les minorités francophones, mais je ne sais pas si vous avez vu l’opinion
de certains des porte-paroles des minorités; ils sont insultés profondément par le fait que, dans les deux cas, où se trouvent les minorités les plus importantes en dehors du Québec, c’est-à-dire l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, on s’est arrangé au fédéral pour négocier le support contre l’abandon d’une partie essentielle de ce qu’on prétendait garantir aux minorités, c’est-à-dire que les lois, les règlements, les tribunaux puissent être, comme ils sont obligatoirement, au Québec, on l’a appris à nos dépens récemment, et au Manitoba, également, dans les deux langues officielles, en Ontario et au Nouveau-Brunswick. On a marchandé cela avec l’Ontario pour être sûrs que l’Ontario restait dans le cadre fédéral peu importe les autres modifications.
Dans le cas de M. Blakeney, je sais qu’il y a eu des tractations – j’en sais même plus long que je pense je pourrais en dire – qui continuent. Je dirais simplement ceci: M. Blakeney, comme juriste – je ne pense pas trahir de grosses confidences, vous vous souvenez de ses attitudes en septembre, à la conférence constitutionnelle – trouve, disons, assez indiqué, qu’un certain nombre de gens contestent judiciairement le projet fédéral, mais il pense plus indiqué dans son cas par rapport à un point des possibilités en matières de ressources, de taxes indirectes, de continuer à voir s’il ne peut pas arracher quelque chose qui pourrait faire son affaire un peu.
Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est tronquer des droits contre des taxes indirectes, mais enfin…
[M. PEPIN: Ma question portait sur les contacts entre les deux gouvernements. Est ce que tous les contacts sont rempus? Vous n’avez pas eu, vous, de propositions après la conférence de septembre.]
[M. LEVESQUE:] Moi, directement, non. Certains de mes collègues ont sûrement eu des approches par d’autres homologues fédéraux sur tel ou tel point, mais rien qui puisse ressembler à ce qu’on pourrait appeler une reprise quelconque des négociations en coulisse ou autrement.
[M. SAINT-LOUIS: M. Van De Walle.
M. VAN DE `MALLE: M.-Lévesque, j’aimerais savoir, dans le cadre de votre opposition au projet fédéral, est ce que vous songez à vous rendre à Londres
personnellement?]
[M. LEVESQUE:] Je dirais simplement ceci: ce qui est prévu – la date sera fixée éventuellement parceque cela se fait de concert avec nos interlocuteurs en France, c’est que sûrement il y aura un voyage parceque c’est un engagement qu’on avait pris les uns et les autres avant la fin de l’année, je pense bien, une rencontre qui se tiendrait à Paris pour faire le point sur nos relations. Je pensais indiqué au moins de visiter les amis Belges, à Bruxelles, et aussi dans le pays Wallon où ils sont francophones, parceque je n’en ai pas eu l’occasion depuis quatre ans, mais ce serait une journée peut-être ou quelque chose comme cela. Pour ce qui est de Londres, il n’y a pas de décision de prise et je ne peux pas en annoncer aujourd’hui.
[M. SAINT-LOUIS: Nous avons maintenant terminé les questions en français, à moins qu’il n’en reste une toute dernière.]
[M. LEVESQUE:] Mais ne la fabriquez pas simplement pour répondre à M. Saint-Louis.
[M. SAINT-LOUIS: Une toute dernière, M. O’Neill.
M. O’NEILL: Au Conseil des ministres, ce matin, pouvez vous nous donner une idée des proportions des interventions en faveur et défavorables à l’idée d’}us.e élection partiellefplutôt que général]
[M. LEVESQUE:] Il n’y a eu aucune intervention précise de ce côté là, parce
qu’il était entendu depuis la semaine dernière qu’au point où on en était, si vous voulez, fluctuant là-dessus, je prendray la décision et que tout le monde le saurait. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas qui, comme je l’ai dit, en fonction de leur situation de comté ou régionale, plus optimistes, moins optimistes, etc., ne gardent pas leurs idées; c’est normal, mais il n’y a personne qui a fait d’intervention, à partir du moment où la décision a été annoncée, pour commencer à dire: Cela aurait peut-être bien été mieux ceci, mieux cela, au contraire, j’ai l’impression qu’on est tous conscient du fait qu’à mesure qu’on approfondi cela depuis quelques jours, il serait irresponsable de se lancer en campagne électorale avec toutes les retombées éventuelles qui voudraient un mois et demi, deux mois excusez l’expression, irait chez le diable pour résister à quelque chose qui est, je crois, extrêmement dangereuse pour le Québec. Tout le monde est d’accord là-dessus.
[M. O’NEILL: Mais si tout le monde était d’accord, pourquoi est ce que cela a duré aussi longtemps?]
[M. LEVESQUE:] On n’a pas parlé seulement de cela. Je dois vous dire qu’il
a fallu parler aussi du domaine scolaire. Écoutez , au-delà de la constitution, il y quelques dizaines de milliers de parents au Québec qui, dans certains cas, n’ont pas eu d’école pour leurs enfants depuis le début de l’année scolaire. Si vous ne le savez pas, je vous apprend qu’il y a une injonction qu’on avait demandée et qui a été accordée, sauf erreur, aujourd’hui, il y a quelques heures – on n’a pas eu le temps de l’étudier en détail – mais qui enjoint aux enseignants les plus impliqués, depuis trop longtemps, de rentrer en classe. À quel moment? Je ne le sais pas. Je sais qu’ils n’étaient pas tellement enthousiastes devant cette perspective. Après tout, tous les citoyens sont tenus à respecter des ordres comme ceux là et je n’ai pas de raison de présumer qu’ils ne 1a respecteront pas; mais il a fallu parler de cela un peu.
Il a fallu parler également de ce qui s’était passé à Toronto et des suites à prévoir, parceque cela fait partie de notre travail qui est déjà sur la table et, comme toujours, il y avait un certain nombre de nominations à discuter et de remplacements ici et là. Cela a suffi pour nous occuper jusque vers 13 h, 12 h 45, je ne sais pas.
[M. SAINT-LOUIS: Nous passons maintenant aux questions en anglais.
l’ordre, je reconnaîtrai M. Harris, M. Vermette, M. Wildgust et M. McPherson. M. HARRIS: Mr Prime Minister, one of the criticisms I have heard…
M. SAINT-LOUIS: … Vermette, Wildgust et McPherson. M. Harris.
M. HARRIS: Mr Prime Minister, one of the criticismfI have
you ‘ C YL, Ad being in. agreement with the possibility
agreements between the provinces to perhaps open more schools
heard myself is that
a
V
government
to more
and, at the same time, you are .opposed to having the federal
in a new constitution, ar:d having difficulty.. M. LEVESQUE: I know, and you are not alone. M. HARRIS: It i- ` contradiction.
Le4Ld Do not forget that~,.,for over 90 years, if my name
. P..
tutionsal entrenchment of things that i+o supposed to be done in the western Manpt•~ba which were’ on-0-40 foot for generations which gives you an idea of what so-called constitutioP..or- garantees can mean when there is a resistance
tance in, what we call in ench « le milieu » and the society.
So, like the Pepin-Robarts report, I think that as far minorities outside Quebec
– which, I think,, is very.very possible – looking for a very
Gt~w v
4,a r,
t
M. LEVESQUE: ^J c- (fi
as French ninorities
outside Quebec., are concerned, and ~-é s-René-fr veagese, there
and it is a complete ploy, as far
fia; ;moi `:.
1
was constiprovince,
are concerned, the guarantee is continuous progress and open-mindedness which ‘,,been shown4’by.a growing. number of provincial governments. It is particularly true other/itaritimeLs’and in British Columbia.
in New Brunswick, for instance, and also in
It is
I thinkla bit catching. Why not have
that instead of maybe
negatively ction to some
so-called entrenched force fee, ing of a second language where the situation nac-.c=
yet. $d
This reminds,,one of the most remarquable minister,, & /067
fdne paragraph outs of
lies by omission of the federal prime
Zc
was announcing his package/was sti+l
014 41A-nall-1,
we had in Montreal in 1978, the first paraagreee in principal that people cé ed the francophone minority
outside Quebec and the English pminority inside Quebec have the right, for twaart ~
two
evening that
of the consensus
he
graph say « We all
to have education in schools of their choice, depending on the definition u give aA such people. »
But, there is a second paragraph that the federal prime
« I kxw
forgot, which said `a-:vu.2e considered by all of use fÂ,tton account of
aa!.~/G » d of t basic right
to accompany the process of change thaf;principal should be implemented according to
a z a on to be chosen by each province.
minister
in other words, population
demographic, of provinces
C~d what makes it even more obvious is that the bargan with Mr Davis amongh’others,
implemented according to a’rea oq to be chosen by each province, which means that, as far as outside Québec is concerned, the Trudeau« *,project is a pluyr
exclusion of Ontario, which was supposed to be part of the package until the last moment practically, but the exclusion of Ontario was the one thing that they needeed among others, may bet to get Mr Bill Davis and his government to go along, which ment that article 133 about English translation of laws, regulations,~bf i courts ;’ will keep on applying exclusively to Québec Manitoba, but not to the two provinces with the biggest French the minorities, in other words Ontario and New Brunswick. That gives yc.:, : think, a sort of ooh assestment of the kind of ploy it is 46~e ~ all minorities outside.
As far as Québec is concerned, we have been oper? to Zreciprocity agreement; but V
` ~ n
negotiated in a seneee which would be /UZ- ~~- ‘ as far as immigrants are concerned. That would be
101
the federal project and that is something which is totally unacceptable to Québec. It would right back to the confrontations and the apart we had about twelve years ago.
M. HARRIS: Spring
1A
personally and ,itxtY-zs often been
or fall, was
basically makes a decision alone. on your…
M. LEVESQUE:
it a very difficult decision for you to reach
said that in a situation like this the prime minister In this case, were you basically acting entierely
Look, there was so much consultations and so much helps from all of
you, ladies and gentlemen and your papers and different media that I had a sort of
to choose
from, but during the Thanksgiving week-end I made a
sort of final decision which was final, but Jin a sense was semi-final because,
since basically
C~1:L i(/-%- this federal close to « coup d’Etat » as far as federal
is concerned, I had to wait to finalize what was final until I found out how many of my they felt about th?hole thing.
M. HARRIS: Some people felt it was the toughest decision you have ever had to
make.
collegues in other provinces and how strong
M. LEVESQUE: I think for any premier or prime minister or what ver the title, it is, at the end of a mandate, or when the end of a mandate come closer and closer, probably one of the most difficult decision You know, it is the first time, I do not know. if I will have another one, it is the first time I have to make that kind of decision and I cannot say it is a picnic.
M. SAINT-LOUIS: M. Vermette.
R/16 – page 2
M. VERMETTE: Mr Lévesque, your hope to form a cummun front of 1
fW Québec political parties to count action, however wing…
a
e
M. VERMETTE: … is to counter unilateral action. However, given the 74beral leader’s previous statement that he might.not.be that interested in forting a common front, is there not perhaps a risk that the debate that we will witness in the National Assembly will be sort of a replay of the debate that we witnessed when the wording of the question was debated?
M. LEVESQUE: I’ do not think so, because I have to trust – I do not see why I should not, until further notice I hope there will not be further notice – before the September conference and after the September-conference and over the last few days, if I am not mistaken,. the opinions expresse&by Mr Ryan for the Liberal Party. I think those of the Union Nationale were very clear and they harmonize, I think, more or less totally with ours. I think Mr Ryan, on the basic coup de force or basic manipulation and hasty patriation to cover it up and the method used, agrees with us that it is something which is unacceptable.
I read that Mr Ryan was saying: It-is impossible to conceive of any kind
of – I think the words in French were « alliance en.profondeur’- common front in depth with the present government. It is obvious;.I think that will be excluded, but short term and for the next few weeks, which are going to..be crucial, I think I have reason to hope. that they would join along in a.common.position, as long as we discuss it and harmonize it on the basic things.- I see-no reason to doubt it, until it is expressed as something which is. not feasible.
You know, there are devoted. Liberal Party workers.who have joined with ours
over the last few days. The thing is sinking in, getting together-, making contacts, saying: On this thing, we should agree. There is something which I think is breaking up, in many minds,.temporarily, and no more, because parties are legitimate and should keep on fighting for government, but temporarily/is breaking down Asome of the party barri~rs on this particular case.
M. VERMETTE: When rime inister Trudeau agonized over his decision and went into a fifth year…
M. LEVESQUE: Yes.
M. VERMETTE: … at the time, you said it was government by goldfarA’. Now, you are going into your fifth year. I was wondering if you felt comfortable with your previous statement.
M. LEVESQUE: Oh! look, I have learned to-6ays /ever say never. The onlythi’ is that there are a lot of people who say: Well, you know, Trudeau did that in 1979 and, temporarily, went the way of all.j/&’rJ\) the same could happen to you.
I
Yes, the same could happen to us, but in conscience, r do not think it would be
R/17 – page 2
responsible to launch fn election during the crucial weeks, the crucial two months which are facing us. As soon as 1981 comes, whatever the results, because we have to…
Fin R/17
16-10-80 16 h 55 R/18 – page 1
M. LEVESQUE: … as soon as 1981 comes, whatever the result•,because we have to try and b&’that federal offensive by all gafttlem-e^ agreemenS–and by as much
C-IL ),I
solidarity as possible. With others throughout Canada, but espacially all jobs in
is 6-LL x
Québecias soon as s, for better or for wort-W, but I hope for better, then
wl_
1981 is opened, I stmt- start making any kind of answer to any kind of questiona
about any kind of possible season or day.
))cam
M. WILDGUST: Just following upon that, N. Lévesque, just
-Y d erg ç- – ‘-iii .-I –)
it following( ext Spring. Now, do I gather you~
M. SAINT-LOUIS: M. Wildgust.
rl
openi:ing up the possibility
to clarify, :ybu aid
repeatedly in the past that
I
f
orn
for Fall’1981?.
M. LEVESQUE: I am open4ing.no possibility he beginning of 1981… possibilities-ad no possibility.
M. WILDGUST: that mean M. LEVESQUE:
v
All
that the statement/fall or.spring is now inoperative? a
There are twelve months in a year. ,Eleven, in fact, as far as our
legal limit is c ©cerned.
M. WILDGUST: As for the session that is coming up, you talked-to us a couple of months back dflthe Chateau Bonne-Entente about tt,e(regulating,.geti;ing rid of some
2 )I
bureaucratic a 2esBes.and things. Is that going to be the trust;bf the session that is
coming and =hoping also to put some distances between your Governement and
A
sovereignty-Associâtion)which the last CROP g»oeess would certainly help you
with the elector&1D,’,
M. LEVESQUE: As far as the
kind of central preoccupation to
it is the-preoccupation which we share with spokemen and people like that, but the more
4-rot? VVIVA
correct summarize,-because there are always
first
look at all the plumbing all
question is concerned, it can not be any over the place, but
Ire, 411t. « C.,
many others, including Frcnch business
you can simplify and the more you can things to be corrected or ajusted, that
has to be done. How much time have to do it? I do not know, but it is a part of the things that I think it should be done. As far as your second question…
M. WILDGUST: M. Lévesque, between your Government and sovereignty-Association…
M. LEVESQUE: There is one things for sure; we will not hide our basic colours, we still think that something which 50% of French-speaking Quebecers, 40% of total population of Québec endorsed, is something that neither will be forgotten, nor abandon ed by those who believe in it. That is it iJ Whatever the distances from. May 22 last:
M. SAINT-LOUIS: M. McPherson.
M. McPHERSON: K. Lévesque, I have two questions. The first is concerning your
R/1B – page 2
statement’abou` what was included and what was left out of the federal proposals and the positio,}of the other provinces. Are you suggesting that the
that did not joinwi-the common front earlier this week in Toronto were %~ G~h v
by the federal Government,that,in fact, their position was determined or influenced ijy the content of the federal proposals?
M. LEVESQUE: In the case of the Ontario Government…
FIN R/18
provinces
n
T
16-10-80 16 h 58
R/19- page 1
M. LEVESQUE: In the, ~c~as~~ of the Ontario government, with all the things possible that I do not know about, after all, I am talking about what I know, quite obviously, you can use the verb you want, but they were convinced to remain on the federal side, not only by the fact that some of the changes are, I would say, advantageous for Ontario while disadvantageous for all others, but also by the fact that they could make the federal government break what was a potential promess in its own script about article 133 applying to Ontario, New Brunswick and not just Quebec and Manitoba.
And if that had not been there, I think the Ontario support would have been minority
much less obvious and the/Conservative government of Ontario would not have gone to
the w Ak 1 of risking *ke-tearing apart its own party at federal level.
M. McPHERSON: My second question concerns the reasons behind your decisions’ not to call elections at this particular time. This decision you took as party leader as well as premier. /7o what extent was that decision influenced by doubts that y0U could win an election at this particular time and that might weaken the position;of
Quebec’s t opposition for that matter?
M. LEVESQUE: I go by pulse, you have tants, you check what tory lights about the
to the federal proposals
or the opposition of all the provinces
have always had doubts about election results because I do not
feelings, you check, and especially in talking with party miliis going on the-‘best/you
‘LA, 014,
can, polls add some usually contradic
whole situation. My feeling is that if we had gone into a
hcf
So it would have been very… And it will, whatever the time, a very
contested and closely contested, I think, campaign.
M. McPHERSON: What I meant by my question was whether or not the federal pro
campaign right now, with the risks involvedi as far as Quebec’s basic$ interests are concerned, for quite a few weeks, we probably would have been something like neck and neck to start with.
I think it is well know/that all polls, and I think we had the same feeling, will tell you that we have a substantial advantage to go into any campaign on the French majority side in Quebec, the Liberal arty, with its minority French support, also ha’e the mass of block vote of the non -Yrench-speaking majority, a very mass of
to
majority. Then, you start feeling out what is going to happen to Ahi-s-so-called undecided voters, and then you have as many working high policiesj as you can shake a stick-up.
posals would have worked against the Parti uébécois, in a fall election campaign. M. LEVESQUE: One think, It would have worked against…that- v4ey would have work%aagainst, he is basically the interestfôf Québec which are, I think, in great danger with this railroding 4 federal modification unilateraly because you can see that there were already setting up their potential rampaging over Québec if there should be a general election campaign with the federal Prime Minister setting the stage with when-I were. television presence tomorrow, I think, and radio or television, I do not know, anyway{ a media exposure of great substance plus a speach which is already, I think, set up over the next couple of weeks, in other words, trying to do the same job they did
a few months ago something which, I think, this time is not direct-lta
againts one party’s option, that has to be a Québec borne* and
Prime Minister that does it, is directed among essential things e4wees- fondamental rights of Québec.
M. SAINT-LOUI1q: À moins que le premier ministre…
M. LEVESQUE: Damn glad if ¢timid just the decision wbo-b-am,making today disturbs their plans which, I think, are unconscionable and then, that result to start with.
M. SAINT-LOUIS: Alors, c’est tout le temps qui est mis à notre disposition.
Merci.]
[M. LEVESQUE:] Merci beaucoup, à la prochaine.
[Fin a17h3)]
[QLévsq19801016cp]