[(Dix, huit heure trente-sept minutes)]
[M. Lévesque:] Mesdames et messieurs de la Tribune de la presse, chers collègues de l’Assemblée parlementaire et, bien sûr, vous tous et toutes qui peut-être nous faites l’honneur d’écouter cette conférence de presse ainsi que la déclaration que je vais faire tout de suite à la suite des travaux des dernières semaines que le gouvernement a terminés dans l’Estrie il y a deux jours…
On sait maintenant que 1983, après deux années qui étaient franchement intolérables, aura été celle de la reprise économique. Un peu comme on sent revenir la belle saison lorsque au mois de mars, en général, le temps se met d’abord imperceptiblement à s’adoucir et que la neige commence à fondre d’abord de l’intérieur, c’est comme cela aussi qu’au printemps – car la reprise c’est toujours plus sournois que la crise, hélas! – en mars justement on a senti que cela avait commencé à mieux aller. Pas partout malheureusement ni pour tout le monde, mais dans l’ensemble on sentait la reprise s’amorcer.
Ce qu’on a fait au gouvernement c’est ce que chacun dans la vie ferait dans les mêmes circonstances. D’ailleurs, c’est comme cela depuis trois ans. Dans la vie par exemple pour faire une comparaison en termes très profanes, supposons un cultivateur qui a une grande ferme très polyvalente, très diversifiée qu’il a bâtie avec sa famille de peine et de misère pendant toute sa vie. Tout à coup pendant deux années de suite, c’est la catastrophe. Il fait mauvais. Le temps est trop pluvieux ou trop sec. Par-dessus le marché, les prix ont baissé en bas des coûts de production. Donc, il faut éviter le désastre complet en réduisant le train de vie, couper les dépenses, diminuer les productions, même souvent s’hypothéquer davantage pour passer à travers, en tout cas pour sauver l’essentiel.
Voilà précisément ce que nous avons dû faire nous aussi, au gouvernement, couper, réduire et cela a fait mal. Il a quand même fallu fournir selon nos moyens des filets de sauvetage pour les emplois et les entreprises afin d’aider l’économie dans son ensemble à passer à travers. En même temps, il a bien fallu – c’était terrible on le sait – aller chercher aussi plus d’argent pour éviter de trop hypothéquer l’État qui est quand même l’entreprise de tout le monde.
Enfin – et ce n’est pas trop tôt – un printemps meilleur est arrivé cette année. L’agriculteur dont je parlais que fait il sur sa ferme? Après deux années terribles, dès qu’il se rend compte que la saison est belle à nouveau et que les prix se rétablissent, eh bien! il remet le plus vite possible sa terre en état. Il sème comme jamais. Il grossit son troupeau et cette
fois s’il emprunte encore c’est pour remonter la côte. Pendant tout l’été en se relayant la famille toute entière va sarcler, arroser, engraisser les bêtes et garder les doigts croisés jusqu’à l’automne.
En gros, c’est également ce qu’on a fait au gouvernement. Dès qu’on a vu au printemps que l’économie commençait visiblement à remonter la côte, on s’est dit qu’il fallait tout faire pour accélérer ce mouvement, pour aider à transformer la reprise en véritable relance. C’est ainsi qu’au printemps, avec tous les moyens du bord, on a fait un très gros effort – en fait un effort sans précédent – pour stimuler les investissements aussi bien privés que publics. On a mis au monde deux ministères dont les fonctions sont parmi les piliers les plus essentiels de l’avenir, soit le Commerce extérieur et la Science et la Technologie, en leur demandant de ne pas trop attendre l’expérience non plus pour se grouiller et c’est ce qu’ils ont fait depuis le début. Et puis, hélas! comme la reprise était loin d’être là pour tout le monde, on a aussi intensifié ce qu’on appelle les programmes de création d’emploi, ceux surtout qui ont le plus de chances de pouvoir fournir de l’emploi un peu durable. Quand on a fait le point en septembre, on a trouvé que la récolte, tout compte fait – mais pas partout – n’était pas mauvaise. Du côté des investissements, par exemple, dans le seul secteur de l’aluminium, deux projets pour un total de 2000000000 $ , deux gros départs aussi dans le domaine minier et dans l’ensemble de l’économie, des rappels au travail qui s’amplifiaient et qui s’amplifient encore. On s’en allait vers quelque chose comme 100000 emplois de plus que l’année dernière à pareille époque et même, ce qui n’est pas arrivé souvent dans le passé – ce qui en fait, sauf erreur, n’est jamais arrivé dans l’histoire du Québec – on s’en allait vers une croissance qui vient d’être qualifiée de surprenante où le Québec – et c’est une première – précède vigoureusement tout le reste du Canada. Bon! C’est alors que s’est posé une question, une question toute simple, mais fondamentale, la même question exactement que se poserait notre ami, l’agriculteur, à qui je reviens pour la dernière fois. Lui aussi, en arrivant à l’automne, s’il constate qu’il a fait une pas mauvaise année, la meilleure, en tout cas, depuis trois ans, il se la pose, la question: Puisque cela va mieux, ou bien je continue comme cela, [« business as usual »], comme on dit en anglais, sans trop rien changer, ou bien je prends un risque calculé, je prends le pari sur l’avenir, c’est-à-dire que je prends de l’expansion, j’investis, je modernise de l’équipement, j’essaie de nouvelles productions pour les marchés qui se développent et puis, en pensant à la relève, je demande aussi avec insistance à mes enfants d’aller vite se perfectionner davantage pour quand ce sera leur tour. Ai je besoin d’ajouter qu’en agriculture comme ailleurs, c’est comme cela, et seulement comme cela, qu’on devient champion?
C’est ce genre de pari sur l’avenir que nous avons tâché de bâtir de notre mieux ces derniers temps. Même si, ici et là, on osculte encore nos plaies et nos bosses et que cela affecte, évidemment, notre humeur, il nous a semblé que la façon même dont on a su traverser la crise et les leçons qu’on en a tirées, tout ce potentiel réactivé qu’on perçoit un peu partout et les résultats que cela donne déjà, tout cela permet au Québec de prétendre, sans présomption et de viser au championnat permanent. Et cela signifie qu’on se dote d’un appareil de production à la fois plus solide et plus diversifié pour affronter la concurrence ici même chez nous et aussi, bien sûr, sur les marchés extérieurs, ce qui exige deux choses d’abord et avant tout: investissements et innovations. Comme les plus beaux efforts dans ce sens là ne produiront pas d’emplois pour tous tout de suite – c’est bien sûr – il va falloir aussi prendre un tournant radical dans nos programmes de mise ou de remise au travail de manière que désormais cela serve à mieux former, à mieux recycler aussi les gens qui sont condamnés à l’oisiveté forcée, à commencer par les jeunes dont le sort doit être la préoccupation absolument centrale. La situation du chômage – tout le monde le sait – est criante chez les moins de 30 ans. Cette situation nous commande clairement de faire porter sur eux le gros de nos efforts, parcequ’ ils sont les plus durement frappés par la crise et que pour beaucoup d’entre eux, depuis trop longtemps, les horizons paraissent irrémédiablement bloqués ou bouchés. Or, s’ils constituent – c’est évident – notre principal problème de chômage, paradoxalement, les jeunes sont aussi la solution, parcequ’ ils sont la relève: la société du Québec ce sera eux, dans quelques années. D’autre part, n’est il pas illusoire de penser recherche sans utiliser nos jeunes scientifiques, de penser innovation sans mettre à contribution les ressources créatrices de la jeunesse, de penser multiplier le nombre d’entreprises sans donner aux jeunes une chance – aux jeunes administrateurs qu’on forme ici en plus grand nombre que partout ailleurs au Canada – de se faire valoir? Il y a des milliers de jeunes qui complètent chaque année leur formation dans nos collèges et nos universités. Il faut leur donner les moyens d’utiliser à plein leur compétence toute neuve et leur dynamisme. Malheureusement, des milliers d’autres sont insuffisamment qualifiés. À ceux là, il nous incombe de leur permettre de compléter leur formation de manière qu’ils puissent, eux aussi, mettre leurs talents au service de la collectivité.
En bref, le Québec ne sera productif, innovateur, concurrentiel, en fait, le Québec ne sera meilleur que si nos jeunes se voient offrir dès maintenant toutes les chances de devenir euxmêmes productifs, innovateurs et aussi bons sinon meilleurs que n’importe qui ailleurs. Bref, l’objectif des mesures dont je vais vous entretenir brièvement maintenant, c’est de susciter un élan auquel puissent se joindre tous ceux qui font ou qui feront ou qui sont déjà l’économie du Québec et de nous donner ainsi, pas seulement cette année, ce qui est un fait pour cette année, mais de façon permanente un rythme de croissance supérieur à la moyenne canadienne.
Pour y arriver, la première chose à faire, en tout cas, sans doute, la plus pressante, c’est de donner à l’ensemble de nos entreprises la chance de mieux s’installer sur les marchés et de prendre de l’expansion, ce qui exige, d’abord – la crise l’a démontré dramatiquement – qu’on allège les contraintes financières qui pèsent sur les entreprises, c’est-à-dire, le manque de capital de risques et le coût trop élevé de la dette. En accord et en coopération avec nos principales institutions financières, la Société de développement industriel va donc lancer sans délai un programme massif de financement des entreprises qui comprendra une garantie de prêts pour couvrir une partie de la perte éventuelle de même qu’une aide à la capitalisation. C’est un programme qui s’adressera aux entreprises manufacturières, bien sûr, aussi aux établissements d’hébergement touristique et également aux entreprises de services techniques, surtout aux entreprises de génie qui ont du potentiel exportateur. Comme on sait, de plus, que tout le monde est hanté – surtout dans le domaine économique – par la crainte d’une nouvelle flambée des taux d’intérêt, le programme offrira également, à des conditions qu’on ne saurait refuser, une protection contre des hausses qui dépasseraient les taux préférentiels.
Cette garantie de prêts jusqu’à concurrence de 2000000000 $ devrait, à notre avis, générer, au bas mot, plusieurs centaines de millions d’investissements additionnels dans nos petites et moyennes entreprises. À quoi s’ajoutera très bientôt, ce qui donnera suite d’ailleurs à une résolution du récent sommet de la jeunesse, la création de bourses d’affaires sous la forme de prêts d’établissement à taux réduit pour les jeunes diplômés de cégeps et d’universités qui pourront ainsi se lancer, soit en fondant leur propre entreprise, soit en devenant partenaire dans une entreprise existante. On verra rapidement, j’en suis sûr, que les fruits dépasseront la promesse des fleurs. Cela fait une transition un peu forcée, mais cela m’amène à peu près naturellement à parler de la forêt, cette grande richesse qui est renouvelable à condition qu’on la renouvelle et aussi de l’hydroélectricité.
Ce sont là nos deux principaux réservoirs de ressources dont le développement et l’entretien touchent sans exception toutes et chacune des régions du Québec. Pour ce qui est d’abord du domaine forestier, nous avons réussi depuis dix ans à multiplier par quatre le rythme du reboisement et c’est ainsi que cette année, on a mis en terre 65000000 de nouveaux arbres, ce qui est sans précédent, mais c’est encore très loin d’être assez. Nous avons donc l’intention d’atteindre, d’ici deux ans, une production annuelle de 300000000 de plans en pépinières afin qu’on arrive bientôt après parcequ’ il faut que cela sorte de la pépinière pour aller croître un peu et ensuite être mis en terre, donc, 300000000 en pépinières pour qu’on arrive bientôt après à une égale intensité de plantation sur le terrain et qu’ensuite cela se maintienne perpétuellement au moins à ce niveau. Vous voyez ici, en pépinière, en 1973, c’est un peu mince, en 1983, on est rendu à 100000000 de plans en pépinières. Dans le sol, à 65, à cause de ce délai entre la pépinière et la plantation. À 150 et à 300 pépinières, 150 sur le terrain en 1985. Il faut absolument atteindre le rythme de croisière de 300000000 de plans à la fois en pépinières et plantés chaque année et cela autant qu’on puisse le savoir à perpétuité.
Vous savez, il y a des pays, je ne vous parlerai pas de la Chine, ils font 1000000000 de plantations d’arbres par année, mais ils ont beaucoup de main-d’oeuvre, on le sait. Mais
beaucoup de pays, les pays scandinaves, par exemple, font au moins un rythme de plantation, c’est-à-dire de renouvellement de la forêt égal à celui qu’on se propose. Soit dit en passant, c’est intéressant: 300000000 de plantation d’arbres transformés en hectares, ou si vous voulez en milles carrés cela voudrait dire chaque année l’équivalent de deux fois la superficie de file d’Orléans et de l’île de Montréal, les deux, deux fois. Et c’est ce dont nous avons besoin.
Du même coup nous avons décidé aussi d’éliminer complètement les moyens chimiques dans l’entretien des plantations et cela aura deux conséquences extrêmement importantes: La mise hors la loi, une fois pour toutes, de polluants qui sont dangereux pour l’environnement et, du même coup, la création annuelle de plusieurs milliers d’emplois saisonniers dont les travaux auront une valeur – je pense que tout le monde le sait – absolument inestimable pour l’avenir.
Maintenant, du côté des ressources hydroélectriques. Il y a des évaluations d’origine américaine qui viennent de nous souligner ces jours derniers que nos réserves d’énergie, au Québec, dans ce seul grand secteur, représentent, tenez vous bien, plus de trois fois toutes celles dont dispose l’Alberta sous forme de gaz ou de pétrole. Il est donc normal qu’on pense, entre autres choses, à en exporter une certaine partie. Il est normal aussi qu’on en parle beaucoup de ce sujet par les temps qui courent et parfois même à tort et à travers. Il n’est peut-être pas sans intérêt, par conséquent, que vous sachiez ce que notre gouvernement, à la suite de ceux qui nous ont précédés, a déjà fait sur ce plan, en termes d’argent, parceque si on tombe dans les mégawatts, les tétajoules et enfin tout ce jargon qui accompagne la production hydroélectrique, on ne s’y retrouvera pas; en argent, tout le monde comprend.
Voici pour les années 1972 à 1978. Si vous ne les voyez pas, c’est parceque ce n’était pas très développé encore. Je dois dire sans méchanceté qu’il y a des gens qui en parlent mais qui n’ont pas tellement pratiqué ce qu’ils prêchent. En tout cas, cela a donné cela jusqu’en 1978. Il y a eu un premier saut en 1978: c’était 16000000 $ canadiens. En 1979, comme vous le voyez, cela a monté à 110000000 $ à 293000000 $ l’an dernier à 328000000 $ pour l’année courante de revenus qui rentrent des États-Unis seulement au Québec pour des ventes d’électricité. Et il va y avoir des sauts en 1985-1986 et ensuite 19871988 jusqu’à tout près de 1000000000 $ par année de revenus sur la base de contrats signés. Ils sont signés. Ils entreront en opération quand les lignes seront prêtes et quand on aura tous les permis, mais ils sont signés. Donc, les Américains, nos amis du Sud, attendent l’équivalent de 1000000000 $ déjà de ventes annuelles de surplus ou d’énergie garantie, mais surtout de surplus électriques. Alors, d’accord. Qui est ce qui peut ne pas être d’accord pour l’exportation? J’ajouterai d’ailleurs qu’il y a aussi des contrats d’énergie ferme comme on dit c’est-à-dire garantie à l’année, dont on discute aussi depuis un bon bout de temps avec nos interlocuteurs américains. Ce genre de transaction extrêmement compliqué, il faut bien le dire – j’en ai connu un certain nombre dans les années soixante – on envie maintenant la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt. Ce genre de transaction est extrêmement compliqué et cela ne se bâcle pas en criant ciseau. Cela ne se bâcle pas non plus par la magie de quelques discours présomptueux ou d’une visite protocolaire par-ci par-là. Mais quand même d’accord pour l’exportation. Seulement, à notre humble avis, ce qu’il faut privilégier en tout premier lieu, c’est plutôt d’importer grâce à l’électricité, d’importer chez nous le plus d’entreprises et le plus d’emplois possible. Cela est rentable et c’est durable et cela développe en même temps. Nous avons déjà obtenu des résultats vraiment spectaculaires avec un programme de rabais des tarifs électriques pour de nouveaux investissements de grande taille. L’expansion de 500000000 $ de Reynolds à Baie-Comeau et le chantier de 1 500000000 $ , le plus gros investissement d’une claque qui soit venu au Québec dans quelque domaine que ce soit, qui va s’ouvrir avec Pechiney, à Bécancour. Ils sont là pour en témoigner. Je sais que d’autres projets analogues vont se concrétiser dans un proche avenir. C’est pourquoi la décision a été prise ces jours derniers d’appliquer un équivalent de ce programme non plus seulement aux alumineries mais aussi aux industries métallurgiques et électrochimiques et aussi à la chimie minérale. Il y a là en perspective, et dans des secteurs de pointe, des possibilités sérieuses d’implantation pour plus de 1000 mégawatts de puissance disponibles. Tout cela, c’est l’emploi qu’on doit faire de l’énergie que nous produisons, mais, bien sûr, il faut également qu’Hydro investisse elle même directement, elle qui est la plus grande de toutes les entreprises du Québec.
Le mois prochain, décembre, tout le monde aura l’occasion d’examiner en détail et de discuter ce qu’on appelle son plan d’équipement, c’est-à-dire le document où elle dessine l’horizon tel qu’il lui apparaît présentement en matière de futures installations de production d’énergie, mais d’ores et déjà, il est convenu, de toute façon, avec ses dirigeants qu’Hydro-Québec va maintenir, en 1984, au moins le niveau d’investissements de cette année et qu’un effort équivalent sera fait aussi pour 1985, ce qui signifie, concrètement, qu’on va accélérer la construction de deux superlignes de transport en provenance de la Baie-James et que les programmes d’amélioration du réseau de distribution et aussi les programmes d’enfouissement des câbles, surtout dans la région métropolitaine, seront également devancés et, d’autre part, dans des secteurs de haute technologie où le Québec serait ainsi le premier à démarrer, le premier non pas seulement au Canada mais, autant que je sache, le premier en Amérique, il y aura, sous le leadership d’Hydro-Québec, la mise en chantier de notre première usine de fabrication d’hydrogène liquide et celle également de notre premier Centre de recherche en électrochimie. Hydro-Québec entre ainsi de plain-pied dans cet effort sans précédent qu’il va falloir faire du côté de la recherche et de l’innovation, ces deux conditions indispensables à tout progrès
vraiment dynamique aussi loin qu’on puisse voir dans l’avenir. Sur cette toile de fond essentielle, l’objectif, c’est tout simplement – ce n’est pas présomptueux, nous avons examiné la situation présente et le potentiel – d’amener le Québec à la première place au Canada en ce qui a trait à la formation et à l’emploi des scientifiques.
On va donc augmenter considérablement et très vite les budgets d’équipements et de fonctionnement des équipes et des centres de recherche existants et aussi les multiplier dans les secteurs que le virage technologique a déjà identifiés. Aussi, afin de briser une fois pour toutes l’isolement qui d’ailleurs s’est effrité, heureusement, afin de briser définitivement l’isolement de l’université face à l’économie, le gouvernement appuiera la création d’une bonne demi-douzaine de centres de recherche appliquée qui seront établis conjointement par l’industrie et le milieu universitaire et sans oublier, bien sûr, les noyaux de recherche qui vont également se constituer dans les cégeps ainsi que l’introduction – tout le monde est au courant, je pense – de l’informatique dans l’ensemble du système scolaire. Puisque évidemment, toute cette innovation doit être à la portée des utilisateurs, il est entendu qu’aux 1600 professionnels scientifiques ou techniques qui travaillent déjà dans 300 de nos PME, nos petites et moyennes entreprises, on s’arrangera pour en ajouter un nombre égal, d’ici quatre ans, soit une moyenne de 400 par année.
D’autre part, bien sûr, on n’inventera pas le monde dans tous les domaines. Or, parmi les programmes classiques, si j’ose dire, qu’on a lancés depuis l’an dernier, il y en a deux surtout qui rejoignent beaucoup de gens dans toutes les régions ou presque du Québec et dont il faut à tout le moins dire un mot. D’abord, il y a Corvée-habitation. Corvée-habitation nous a permis, cette année, de précéder de très loin l’ensemble du Canada pour les mises en chantier domiciliaires. Eh bien! au lieu de se terminer incessamment, comme on l’avait prévu, ce programme, on a décidé qu’il serait prolongé jusqu’au 15 juillet 1984, avec des taux de 9,5%, garantis pour trois ans, et l’on maintiendra une subvention de 1000 $ par unité dans toutes les municipalités participantes.
D’autre part, comme on a encore des dizaines et des dizaines de milliers de logements qui ont besoin de réparations majeures et qu’au rythme actuel, c’est très simple, on n’aurait même pas fini en l’an 2000, le gouvernement est déterminé – on discute cela avec nos partenaires, nos interlocuteurs – à faire en sorte que 25000 logements devront désormais être rénovés chaque année pendant au moins cinq ans.
Quant à l’épuration des eaux, il faut bien dire très franchement que le programme d’accélération qu’on a proposé au printemps n’a pas marché comme on l’espérait. Trop d’intervenants, trop de procédures avec des délais qui deviennent absolument invraisemblables, alors que notre retard dans ce domaine demeure absolument effarant. À la longue, c’est non seulement dangereux pour la santé mais cela contribue à dégrader – cette espèce de pollution de l’eau – toute la qualité de la vie, tout l’entourage, tout l’environnement. Il faut donc absolument briser cet embâcle. Désormais, aussi bien l’entreprise privée que la Société d’assainissement des eaux pourront réaliser des projets selon la formule clé en main, comme on le dit, c’est-à-dire des projets qu’on part du début et qu’on rend jusqu’à la livraison à partir d’un seul contrat, d’un seul maître d’oeuvre.
Désormais, également, toutes les usines existantes ou à venir bénéficieront du plus bas de tous les tarifs d’électricité, ce qui va couper en deux les frais d’exploitation dans le domaine de la, fourniture d’énergie. On sait – on a discuté de cela avec Hydro-Québec et elle est d’accord – que ce sont les coûts d’exploitation qui souvent paraissent le plus effarants – pas la construction mais le fait qu’année après année il faut ensuite les exploiter ces usines d’épuration. D’abord, le plus bas des tarifs existants pour toutes les usines existantes au à venir, et toute nouvelle usine qui se mettra en marche ou qui se construira dans les plus brefs délais pourra également profiter pendant plusieurs années du rabais temporaire qui s’applique au nouveau projet industriel. Cela veut dire qu’à partir du moment – d’ici à 1986 qui est la limite qu’on s’est fixée – où des nouvelles usines d’épuration des eaux entreraient en activité, en 1983, 1984, 1985, 1986, il y aura jusqu’en 1992 des rabais additionnels comme ceux qu’on consent aux nouveaux projets majeurs d’industrialisation.
Pour la région métropolitaine de Montréal en particulier, dans ce secteur de l’épuration des eaux il y a un très gros morceau. En fait, un morceau de près de 700000000 $ qui est le futur intercepteur pour la partie sud de l’île de Montréal. Sur cet intercepteur on avait établi un moratoire. Ces jours derniers on a décidé, de concert avec les dirigeants de la communauté urbaine, de lever immédiatement ce moratoire pour que les travaux puissent s’enclencher pour quelque 50000000 $ déjà en 1984. Cette décision découle en bonne partie du fait évident – que beaucoup de gens n’avaient pas constaté mais qui est vrai et qui saute aux yeux – que jusqu’à présent la métropole a trouvé plus malaisé que la plupart des autres régions – je dis bien pas toutes – d’entrer dans la reprise économique. Comme le dynamisme du Québec tout entier – je pense qu’on est d’accord là-dessus – est forcément accroché en grande partie à celui de Montréal, il faut faire quelque chose et sans tarder, quelque chose de substantiel, un [« crash program »] comme on dit en anglais.
En plus du nouvel intercepteur qui vient d’être débloqué ces jours ci, nous sommes convenus avec la ville de Montréal de commencer immédiatement la rénovation des zones industrielles dégradées ou vétustes qui attendent depuis longtemps. Aussi, de renouveler l’entente sur la rénovation des quartiers historiques et d’accélérer les programmes d’habitation notamment sur le terrain des anciennes usines Angus où quelques centaines d’unités de logement vont apparaître dès l’année 1984.
Je suis également en mesure d’annoncer dès maintenant la mise en chantier au centre-ville d’un complexe de 160000000 $ extraordinairement important pour ce qui est de la réanimation de toute une partie du centre-ville. Dans ce complexe, les fonds publics permettront aussi d’installer enfin la salle de concert qui sera la maison de l’orchestre symphonique de Montréal.
D’autre part, c’est dans l’Est montréalais que débutera dès septembre prochain la construction du nouvel édifice du Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIA. Enfin, nous nous sommes mis d’accord avec la ville de Montréal pour nous atteler conjointement à la remise en état et à une réorientation de Terre des hommes qui – à moi, en tout cas – apparaît absolument fascinante, qui a quelque peu périclité ces dernières années, mais qui demeure toujours, pour les Montréalais comme pour les visiteurs de l’extérieur, une des attractions les plus irrésistibles de la métropole. Et, enfin, partant de là, je dois ajouter que d’ici quelque temps, dans les semaines qui viennent, il y aura très sûrement – plus que probablement – d’autres projets importants qui seront annoncés.
Maintenant, j’en arrive à l’une des plus importantes décisions qui soit sortie de ces semaines de réflexion intensive que nous venons de vivre. Cela concerne ces milliers, ces dizaines de milliers de personnes aptes au travail, surtout les moins de 30 ans, à qui nos programmes de création d’emploi, terriblement temporaires pour la plupart, qu’il a bien fallu maintenir et même augmenter pendant la crise, n’ont pas permis – et tels qu’ils sont, ne permettraient jamais – de sortir du cercle vicieux des « jobines » et de l’aide sociale traditionnelle, c’est-à-dire d’une existence dangereusement diminuée et sans horizon. Tout en respectant le principe du libre choix, nous nous proposons de réorienter radicalement ces politiques et une partie sans cesse croissante des sommes énormes qui y sont consacrées et éventuellement – le plus vite possible, pourquoi pas? – tout cet énorme montant d’argent. Réorienter comment? Réorienter dans le sens de ce qu’on pourrait appeler une vraie normalité, c’est-à-dire que l’aide sociale, avec des suppléments pour les jeunes en particulier, serve désormais soit à la formation à l’école ou en entreprise ou les deux, ou encore, qu’elle serve de base, en quelque sorte salariale, pour des travaux ou des services communautaires durables – pas des histoires de quelques semaines – dont le besoin est clairement ressenti et que présentement on ne peut pas se procurer. En un mot, que l’aide sociale, et au plus tôt les montants additionnels qui sont consacrés aux programmes actuels, soit transformée en un puissant levier pour ouvrir de vrais emplois ou de la vraie formation. Dans un premier temps, nous utiliserons à cette fin toute la latitude malheureusement bien trop restreinte – mais c’est tout ce qu’il y a – que nous laissent les accords actuels avec le gouvernement fédéral. Mais, dès aujourd’hui, nous demandons avec insistance au gouvernement fédéral d’emboîter le pas dans cette réorientation qui n’est en réalité qu’un retour tardif au simple sens commun. En tout cas, c’est dans ce sens là, quant à nous, que se poursuivront à ce propos les discussions qui sont en cours avec Ottawa et, quoi qu’il advienne, c’est dans ce sens là que nous sommes fermement décidés à rebrasser au moins, et le plus vite possible, toute notre part québécoise de la facture. Bien sûr, il va falloir une période de transition la plus courte possible et déjà, d’ailleurs, nous avons l’intention de mettre en marche sans attendre – enfin! en attendant le moins possible – des projets qui correspondent à cette nouvelle orientation. Par exemple, très bientôt, un programme d’apprentissage en entreprise où on a bon espoir de pouvoir accueillir assez rapidement quelque 30000 jeunes et, par exemple encore, nous avons décidé de faire l’effort, y compris l’effort budgétaire, pour ramener ou garder aux études quelque 15000 élèves qui ont déjà décroché ou qui sont visiblement en danger de le faire. D’autre part, nous avons la ferme intention de favoriser activement le travail à temps partagé partout, dans la mesure où il est librement choisi, bien sûr, et, quant au secteur public, d’aménager là la possibilité de la retraite graduelle sous forme de temps partiel ou aussi de congés sabbatiques.
Je n’ai malheureusement pas le temps, même si c’était déjà bien long, de vous exposer ce soir – et je m’en excuse – chacune de la cinquantaine de mesures distinctes que comporte le plan d’action gouvernemental pour intensifier la relance économique. Nous en avons proposé un court résumé qui est disponible pour tous les intéressés, à commencer par des fiches plus techniques mais, qui sont, je crois, complètes et qui sont disponibles en commençant, bien sûr, par les membres de la Tribune de la presse et qui seront disponibles pour tous les intéressés, bien sûr, dans les jours qui viennent, mais je veux tout simplement mentionner, avant de terminer, que nous avons pris des décisions qui concernent aussi la rénovation des centre-ville, ce qui est un domaine d’extrême urgence et qui attend que depuis plusieurs années que cela se déclenche pour de bon, le domaine de l’agro-alimentaire, bien sûr, les immobilisations des ministères, mais cela viendra dans les budgets, un réexamen aussi du cadre législatif et réglementaire afin d’en assouplir le fonctionnement et dans certains cas de corriger certains aspects achalants, irritants, comme on l’a dit, qui s’y sont développés. Toutes ces mesures feront l’objet d’annonces détaillées par les ministres concernés au cours des jours ou des semaines qui viennent, et d’ailleurs un bon nombre d’entre elles atterriront bientôt à l’Assemblée nationale. Comme aussi atterrira, ai je besoin de le rappeler, le budget supplémentaire de mardi soir prochain.
En conclusion, j’ajouterai simplement que tout cela – si on le regarde clairement, sur une toile de fond qui est celle de la reprise économique qui s’est enclenchée – s’inscrit dans une perspective de plein emploi. Je sais bien que c’est très ambitieux comme expression. Il y a des gens qui nous disent de ne pas l’employer. Cela peut paraître téméraire ou même utopique. Pourtant, en y pensant bien, à condition de le définir convenablement, le plein emploi est ce que ce n’est pas le seul objectif humainement acceptable pour une société moderne et vraiment civilisée? En tout cas, c’est la seule perspective qui puisse inspirer cette concertation, cette mobilisation des énergies – que nous espérons voir s’intensifie – locales, régionales, nationales.
Partout, il faut se parler. On est 6 500000, il faut qu’on se parle, il faut qu’on agisse ensemble aussi. Donc, est ce que ce n’est pas la seule perspective qui peut sous-tendre ce genre d’effort de concertation et aussi ce minimum de solidarité que la crise nous aura à tout le moins fait découvrir?
Bien sûr, ce n’est pas pour demain, le plein emploi, quelle qu’en soit la définition. Mais il est possible de créer ensemble un contexte où personne ne se sente de trop, où tous ceux qui le veulent puissent aspirer concrètement à gagner leur vie dans tous les sens de l’expression. Bref, il faut tout faire pour que le Québec soit un pays d’emploi maximum et de pleine activité, et que ce soit avant tout le gaspillage du monde qui n’y soit plus toléré. Je suis convaincu que c’est faisable. Après tout, le Québec n’a t il pas réussi – au cours des dernières décennies, quand il a accepté de se donner des défis importants, quand il a pu se donner des défis importants aussi à l’intérieur de ses pouvoirs ou de ses moyens – à se placer à l’avant-garde, dans plusieurs domaines, en particulier, dans le secteur social et dans le secteur culturel? C’est désormais dans le domaine économique, dans le domaine de l’emploi que le Québec, si on veut, peut se situer là aussi à l’avant-garde et relever le défi de l’excellence et de la créativité. Tout ce que cela exige c’est de l’audace – il y en a au Québec autant qu’ailleurs – de la confiance – parfois il n’y en a pas autant qu’il devrait y en avoir, mais cela se développe – et ce goût de l’effort et de l’ouvrage bien fait aussi que la grande majorité d’entre nous n’ont jamais vraiment perdu, et je suis sûr que les autres aussi sont capables aussi de le retrouver. Merci.
[M. Rivest (Serge): Je comprends qu’il s’agira de la seule manifestation d’enthousiasme de la conférence de presse. Il y a un micro de chaque côté de la salle pour ceux qui désirent poser des questions. Il y aura, comme d’habitude, une période de questions en français et par la suite en anglais. Première question, Jacques L’Archevêque de Radio-Canada.
M. L’Archevêque: M. Lévesque, vous venez de faire appel à la confiance des Québécois dans le Québec. Est il exact que vous rattachez en quelque sorte à ce regain de confiance que vous espérez susciter avec ce programme votre propre avenir politique?]
[M. Lévesque (Taillon):] Non, j’avoue qu’on a manqué de temps pour finir le travail qu’on s’était donné. Je suis obligé d’annoncer qu’il y a certaines mesures, très importantes d’ailleurs, qui seront annoncées incessamment quand tous les fils seront attachés. Je n’ai pas eu le temps de penser à cela du tout.
[M. Rivest (Serge): Michel Morin, Radio-Canada.
M. Morin (Michel): M. le premier ministre, dans votre exposé de 34 pages qu’on nous a remis, jamais il n’est question du coût pour le gouvernement. J’aimerais savoir combien toutes ces mesures peuvent coûter au gouvernement? S’agit il plus globalement d’un réaménagement de
certaines des priorités du gouvernement? Dans quelle mesure cela pourra t il affecter votre prochain déficit?]
[M. Lévesque:] Écoutez, c’est très difficile à dire. Je n’essaie pas de faire de cachettes c’est simplement que… Prenons un exemple concret et je vais ajouter quelque chose. Le programme Corvée-habitation: il y a de méchantes langues, parfois imprimées, qui nous soulignaient que le programme Corvée-habitation n’avait coûté qu’un pauvre petit 9000000 $ au gouvernement jusqu’à présent, comprenant les frais d’administration, etc. C’est vrai, jusqu’à présent. Mais si l’on tient compte des garanties et des coûts éventuels du programme, le gouvernement paiera jusqu’à 60%, comme convenu, de ce que cela peut coûter au total quand cela sera terminé et qu’on fera les comptes. Alors, c’est un exemple simplement pour dire à quel point ce n’est pas toujours facile. Par exemple, qu’est ce que pourra coûter éventuellement la part qu’on aura à assumer – mais on espère qu’il n’y en aura pas trop, que cela va marcher au contraire sans qu’il y ait de pertes – de ce programme de financement jusqu’à concurrence de 2000000000 $ qu’on vient d’annoncer, que la SOI va lancer. Le gouvernement accepte d’avance d’assumer des pertes. Cela serait artificiel; on a fait des calculs, mais ce sont des calculs où il y a des fils qui pendent nécessairement vers l’avenir. C’est sûr qu’il y aura beaucoup d’argent neuf. Je crois que vous en aurez peut-être un exemple avec le budget supplémentaire de mardi qui vient, il ne faut pas oublier que cela existe aussi. Il y aura aussi le budget d’avril ou de mai, le budget régulier qui lui aussi soulignera un effort. J’ai parlé tout à l’heure des investissements des ministères. On est en pleine revue des programmes. Alors, on ne peut pas vous dire ce qu’il en est sauf ceci: C’est que les investissements des ministères, l’argent neuf – parceque cela est de l’argent dépensé directement – vont augmenter l’an prochain. De combien je ne le sais pas encore. Tout cela m’empêche de vous dire combien. Je ne crois pas que cela soit la question principale. La question principale c’est que les instruments, les outils qu’on met en marche, l’argent qui est impliqué dans cela, tout cela, estce que cela va augmenter l’emploi? Est ce que cela va intensifier la création d’emplois durables et d’emplois dynamiques au Québec? Je crois que oui.
[M. Rivest (Serge): M. Normand Rhéaume, la Presse canadienne.
M. Rhéaume: M. Lévesque, je m’étonne moi aussi, dans la foulée de la question de mon collègue Morin, de l’imprécision de certaines mesures que vous annoncez ce soir. Non seulement une imprécision dans leur caractère financier mais aussi dans leur dimension finalement.]
[M. Lévesque:] Exemple.
[M. Rhéaume: Votre gouvernement a forcé l’Assemblée nationale à suspendre ses travaux durant un mois supplémentaire, donc une interruption depuis la dernière session de quatre mois et demi au lieu de trois mois et demi. On devait – c’était, sinon la promesse, du moins l’idée qui avait été évoquée – sinon aujourd’hui, mardi au plus tard, nous devions avoir le morceau, le grand cadeau au complet. Ce soir vous arrivez avec un certain nombre de choses substantielles mais toujours dans une perspective où tout n’est pas annoncé, où il va rester des morceaux qui vont être consacrés soit à M. Parizeau, soit à d’autres ministres. Je me demande dans quelle mesure cela ne rejoint pas l’idée émise en fin d’après-midi au caucus libéral par M. Bourassa, le nouveau chef de l’Opposition, quand il disait qu’il avait l’impression que votre gouvernement de plus en plus devenait un gouvernement spectacle, une espèce d’État Hollywood. Est ce que vous êtes d’accord avec cela?]
[M. Lévesque:] Seigneur! Qui est ce – en tout ces ce n’est pas moi – qui a profité d’un spectacle au petit Colisée pour annoncer le lancement de la Baie-James sur la mauvaise rivière il y a un certain nombre d’années. Franchement! Mais pour répondre sérieusement à votre question: les quelques semaines de plus qu’on s’est accordées, je peux vous dire qu’on n’a pas eu de temps libre. Si on avait été émiettés constamment entre la Chambre et ce travail on n’aurait pas pu l’accomplir. Vous dites: il y a certaines imprécisions. Mais si vous partez de ce que je viens de faire comme déclaration… Je pense que vous avez eu beaucoup de patience, c’était déjà une demi-heure et un peu plus. Je ne voulais pas abuser. Mais on vous a distribué des fiches complètes sur ce plan d’action et vous trouverez partout où elles sont disponibles… Car il y a des zones grises où on ne saura pas avant l’an prochain ou dans deux ans, dans trois ans pour certains programmes ce que cela peut coûter; je trouverais cela malhonnête de vous dire combien d’argent on va avoir dans cela. Mais tout ce qui est quantifiable je crois que vous l’avez dans ces fiches. Je ne vous en fait pas un reproche, vous n’avez pas eu le temps de les lire, vous les avez eues au tout début. Il y a eu des corrections jusqu’à la dernière minute pour être sûr qu’il n’y avait pas d’erreur. Tout ce qui est quantifiable se trouve là. Vous pouvez vous faire une idée si vous ajoutez à cela ce qui sera dans le budget supplémentaire. Si vous voulez juste voir la perspective d’ici la fin de l’année.
[M. Rivest (Serge): M. Robert Houle, Radio-Canada.]
[M. Lévesque:] J’oubliais une chose, c’est que ces quelques semaines nous ont permis aussi – autrement, cela aurait été tout un rafistolage et vous allez en avoir des preuves dans les jours qui viennent, à partir de mardi, le début de la session – d’articuler autrement, dans certains cas, des correctifs législatifs qui seront déposés en Chambre – on s’était engagé à faire cela et, dans certaine cas, c’est déjà fait, c’est prêt à aller en Chambre – et aussi d’articuler autrement, parceque la législation découle en partie des décisions qui seront prises par le gouvernement. Il a fallu mettre au point cela aussi. C’est là-dessus que je dis: On n’a pas eu beaucoup de temps. C’est tout ce que je peux vous dire.
[M. Rhéaume: Je pense que c’était le syndrome Garon qui consistait à annoncer plusieurs fois la même chose autrement. Cela va, je comprends. Merci.]
[M. Lévesque:] Non, vous autres, vous avez annoncé en partie certaines des choses qu’on annonce aujourd’hui, parceque vous en avez pigé des bribes ici et là, mais ce n’était pas une raison pour dire: On ne l’annoncera pas.
[M. Rivest: Robert Houle.
M. Houle: Vous dites que la question importante, c’est de savoir quel impact auront toutes ces mesures sur la création d’emplois durables, mais nulle part dans votre document, vous ne précisez – vous parlez de plein emploi qui est un objectif souhaitable ]
[M. Lévesque:] Éventuellement.
[M. Houle: … quels sont les objectifs à court terme en termes d’emplois durables à créer. Quel sera justement – c’est la question importante – l’impact qu’auront ces mesures sur la création d’emplois durables?]
[M. Lévesque:] On pourrait vous dire, par exemple, que simplement le fait – évidemment, c’est de l’emploi saisonnier, mais ce sont des résultats sacrement durables, et le Québec en a besoin – de cette accélération massive du reboisement et de ce que cela va impliquer surtout, si on tient compte du fait que les polluants, c’est-à-dire les produits chimiques ne sont plus employés pour l’entretien des plantations, cela va donner, si j’ai bonne mémoire, quelque chose comme 18000 emplois saisonniers.
Dans le domaine de l’emploi durable, le programme de financement des prêts pour les entreprises, surtout pour les PME, on dit: Cela peut ajouter, d’après nos meilleurs calculs, quelque chose comme 300000000 $ à 500000000 $ d’investissements, cette année, par année, pendant le temps que cela va durer, à ce qui est déjà prévu. Combien cela créera t il d’emplois? Ce serait un peu présomptueux de dire combien. Ce que je dirais, c’est que l’ensemble de ce programme va augmenter plus que substantiellement les prévisions d’emplois qui sont déjà faites. Vous savez, il n’y a pas longtemps, cela n’a pas été pris au sérieux, parceque c’était le gouvernement du Québec qui le disait aux Québécois, je suppose – c’est mieux quand c’est dit en anglais de l’extérieur – que de 1,5% de croissance économique que prévoyait normalement au moment du budget le ministre des Finances, on était passé à 2,9%, en dedans de quelques mois, parceque cela s’accélère et cela s’accentue. C’est le milieu qui fait cela, mais c’est aussi le gouvernement qui ne fait pas de tort en tout cas et dont les mesures ont ,aidé à cela. Cela vient d’être confirmé par un organe particulièrement conservateur, le Conference Board, qui dit que cela va plutôt être 3% et que c’est surprenant, c’est en tête de tout le Canada. Ce qu’on ajoute, cela devrait accélérer davantage. Cela va donner combien d’emplois? Un de vos prédécesseurs a cité il y a quelques minutes, non pas vous, mais un autre, ce jeu de 100000 emplois, etc. Cela ne me paraît pas très bon. J’aimerais mieux qu’on compte les résultats quand on les verra. C’est un jeu un peu enfantin.
[M. Houle: Oui, mais si vous proposez aux Québécois un plan de relance économique, c’est que j’aimerais savoir, c’est, de façon assez précise, quand vous parlez de plein emploi comme étant un objectif, est ce que c’est un objectif réaliste? Vous dites que, si c’est un objectif réaliste, on devrait donc être en mesure de voir, d’ici deux ans, trois ans, quel sera le résultat de cette démarche que vous entreprenez.]
[M. Lévesque:] Oui.
[M. Houle: Quel est l’objectif que vous visez d’ici deux ans?]
[M. Lévesque:] Vous vous souvenez peut-être que j’avais donné un seul exemple. C’est un peu comme ils disent en anglais: [« You are damned if you do and you are damned if you don’t. »] Si tu le dis, tu te fais engueuler et, si tu ne le dis pas, tu te fais engueuler aussi. Je sais bien qu’au fond, cela peut être amusant de faire ce genre d’appel du pied pour que je me jette la tête la première dans la piscine. Il n’y a pas longtemps, quelque mois, j’avais donné un exemple en disant: il faudrait créer tant d’emplois, seulement pour réduire le chômage au Québec de 13,5% à peu près à 10%. On y pense, mais on ne l’a pas proposé cette fois ci à cause de ce qui est arrivé. Vos éminents confrères, parmi les plus éminents d’ailleurs, littéralement, ont voulu faire du ridicule avec cela. Bien sûr, c’est au-delà de tout ce qui n’a jamais été fait au Québec, c’est sûr. Je pense qu’on peut aller au-delà de tout ce qui n’a jamais été fait au Québec. On y est allé deux fois depuis trois ans. Jamais il n’y a eu plus de création d’emplois au Québec qu’en Ontario excepté en 1980 et cette année en 1983. Notre vieux complexe vis-à-vis de l’Ontario, jamais… Les statistiques qu’on a et qui sont officielles – toutes les mêmes statistiques depuis 1967 aussi bien pour le chômage que pour l’emploi, ce sont les deux faces de la même médaille – nous apprennent que jamais le Québec n’a créé autant d’emplois – la plupart du temps il était loin derrière – annuellement que l’Ontario sauf en 1980 et maintenant que la crise est passée ou qu’elle est en train d’achever cette année en 1983.
Donc, ce que je vous dis, c’est que sur cette lancée en tenant compte de tous les efforts qui se font dans le milieu bien sûr, d’abord, dans les entreprises et le fait que le contexte international s’est amélioré et puis que forcément le gouvernement se démène, se déchaîne aussi pour aider à accentuer cette relance… Avec ce qu’on vient de présenter et ce qui sera annoncé encore pendant quelques jours y compris budgétairement, on a au moins la certitude qu’on va augmenter et de façon dramatique – j’en suis sûr – les emplois qui étaient déjà espérés. Je ne peux pas aller plus loin que cela.
[M. Rivest (Serge): Nous sommes à court de questions en français. Est ce que Bruno Corriveau…]
[M. Lévesque:] D’accord.
[M. Rivest (Serge): Bruno Corriveau du réseau Radiomutuel.]
[M. Lévesque:] Radiomutuel, on est encore en français.
[M. Rivest (Serge): Oui, bien sûr. Vous allez en avoir la preuve immédiatement.
M. Corriveau: M. Lévesque, à Pointe-au-Pic il y a eu deux comités ministériels qui avaient été créés, un sur l’emploi dont on a aujourd’hui le résultat. Un autre sur la question nationale. Ce comité ministériel sur la question nationale lorsqu’il aura un résultat le fera t il connaître aussi publiquement que ce qu’on a ce soir? Si oui, quand?]
[M. Lévesque:] Oui, je vous remercie de la façon dont vous posez la question. Vous ne m’obligez pas à répéter mais je vais quand même le faire rapidement. Je vais dire ce que j’ai dit dès le début, c’est que de toute façon ce qui était l’urgence absolue c’était la question de l’économie et de l’emploi. Ce qui n’a pas empêché l’autre comité de travailler. À Compton je dois dire que 90% des trois jours qu’on a passé là, cela a été pour mettre ensemble les mesures dont je vous ai annoncé la plupart tout à l’heure et que vous trouverez plus en détail dans les documents qui vous ont été remis. On a quand même pris un peu de temps – hélas! pas assez – pour examiner le travail qui a été accompli. Il y a beaucoup de travail qui a été accompli dans ce comité « sur la question nationale ». Ce travail va continuer et il va se terminer probablement d’ici quelques semaines. De toute façon pour répondre directement à votre question, il y aura des décisions de prises et d’annoncées en fonction de ces travaux.
[M. Corriveau: Ma deuxième question était pour savoir à quel moment cette décision sera annoncée.]
[M. Lévesque:] Sûrement avant la fin de l’année pour ne pas aller plus loin.
M. Rivest (Serge): Est ce qu’il y a d’autres questions en français? Normand Rhéaume.
[M. Rhéaume: M. Lévesque si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la question de la réorientation de l’aide sociale. Est ce qu’on peut dire que votre gouvernement envisage approximativement de remettre au travail ou de former environ 200000 ou 260000 bénéficiaires actuels de l’aide sociale?]
[M. Lévesque:] Je n’ai pas à la mémoire en ce moment le chiffre exact de ceux qu’on appelle les aptes au travail. Il y a toujours une distinction qu’il faut faire – sinon cela serait injuste – entre ceux qui sont inaptes au travail. Il y en a qui le sont que ce soit à cause de l’âge, de la santé, etc., et ceux là il faudrait au contraire améliorer leur sort peut-être sortir de cette expression aide sociale, revenu garanti mais peu importe ils y ont droit.
Pour ceux qui sont aptes au travail, ce à quoi on vise c’est de littéralement changer à 90 degrés le plus vite possible le système actuel qui dit qu’il y a l’aide sociale, certains petits suppléments de revenu garanti par exemple qui peuvent peut-être s’ajouter mais qui pour l’instant ne sont même pas là. Donc, c’est l’aide sociale et des « jobbines » ou alors passer vers des programmes éminemment temporaires la plupart du temps d’un certain nombre de semaines qui font que quelqu’un s’en va de l’aide sociale à l’assurance-chômage pendant un bout de temps et revient sur l’aide sociale. C’est un cercle vicieux et c’est cela qu’il faut briser. On est bien décidé quant à nous qu’on va le briser ce cercle vicieux. Avec les moyens dont on dispose on va faire notre bout de chemin de toute façon. De façon que tous ces montants servent massivement de plus en plus, soient réorientés vers ou bien la formation, la formation à l’école pour ceux qui n’en ont pas eu assez et qui veulent en prendre – il y a des mesures là-dessus dont je n’ai pas eu le temps de parler, mais qui sont déjà décidées et qui vont se mettre en marche – soit la formation en institution scolaire, soit la formation en entreprise ou un peu les deux à la fois comme cela se fait dans certains pays – et cela, on veut se lancer le plus vite possible – ou encore des travaux communautaires, mais des travaux communautaires qui ne donnent pas l’impression que ce sont des « jobines » improvisées qui ne mènent à rien, des travaux communautaires ou des services qui sont des créations durables et qui doivent se percevoir maintenant sur un horizon d’au moins un an et non pas de quelques semaines et cela, au plus sacrant.
[M. Rhéaume: Votre objectif demeure assez clair, mais ce que j’essaie de mesurer, M. Lévesque…]
[M. Lévesque:] Maintenant, n’oubliez pas une chose. C’est que 50%…
[ M. Rhéaume:…c’est l’ampleur du phénomène.]
[M. Lévesque:] … de la facture qui est en ce moment, juste pour l’aide sociale – sans compter pas mal de centaines de millions dans divers programmes – de 1 800000000 $ , cette facture est payée 50-50, moitié moitié par le fédéral sous le régime de la Loi d’assistance publique du Canada et par nous. Évidemment, c’est pour cela que j’ai dit – je le répète et je vous remercie de m’en fournir l’occasion – qu’il y a des pourparlers qui sont en cours. Il va même y avoir des conférences fédérales-provinciales incessamment. Ce qu’on demande officiellement au gouvernement fédéral, c’est de revenir avec nous, d’emboîter le pas dans cette décision qu’on va appliquer de toute façon pour notre partie, pour réorienter toutes ces sommes, mais en même temps, avoir une chance de réorienter la vie de gens qui, finalement, sont des victimes de ces politiques éparpillées et qui ne donnent vraiment pas d’horizon pour leur existence. Nous, on va faire notre bout, de toute façon, mais ce serait tellement mieux si le fédéral acceptait ce qui me semble être un retour au bon sens, au sens commun, de réorienter tout cela dans le sens formation, formation complétée, formation en entreprise, formation aussi mixte, les deux à la fois – parcequ’ on peut manquer de scolarité et sûrement manquer d’expérience sur le lieu du travail – et des travaux communautaires, mais qui ne soient des farces d’aucune façon, qui soient vraiment des choses sérieuses. Par exemple, très bientôt, on va mettre en marche ce petit programme – relativement petit – des jeunes volontaires, qui a été annoncé il y a quelques mois; cela a pris du temps avant de le mettre au point. Il y a des gens qui ont dit qu’il n’y avait pas d’emplois de créés là-dedans. Je comprends, il n’était pas en marche. Mais maintenant qu’il est prêt à démarrer, ce sera un horizon normal d’un an pour les projets et non pas quelques semaines par-ci par-là, de façon qu’il y ait vraiment une valorisation possible dans ce programme en attendant que tout soit réajusté dans l’ensemble.
[M. Rhéaume: Si vous me permettez…]
[ M. Lévesque:] Oui.
[M. Rhéaume: … de revenir à la source de ma question. Je voulais savoir si … Cet été, on a évalué les bénéficiaires de l’aide sociale aptes au travail à environ 260000, sur les plus de 800000, je pense. Je pense que…
000?
M. Rhéaume: Parfait) Tout ce que je veux savoir: Votre gouvernement envisage t il de remettre la totalité de ces personnes au travail?]
[M. Lévesque:] Au travail, à la formation, etc., du jour au lendemain, c’est évident que non. Mais c’est dans cette direction qu’on veut s’en aller maintenant et laisser l’autre de côté le plus vite possible.
[M. Rhéaume: Parfait. Quant au niveau de l’État, quelle économie cela signifierait il de ne plus avoir ces personnes à charge sur une période d’une année, par exemple?]
[M. Lévesque:] Ce n’est pas nécessairement une économie, mais c’est de l’argent qui…
[M. Rhéaume: Oui, je comprends très bien que ce n’est pas nécessairement une économie. Il y a un processus complexe, mais ce que je veux savoir: s’il y a 260000 bénéficiaires de l’aide sociale de moins demain matin au Québec, cela coôte combien de moins à l’État? C’est ce que je veux savoir.]
[M. Lévesque :] 1 800000000 $ divisés en deux. En gros, 900000000 $ au fédéral et 9000000000 $ au Québec. C’est clair?
[M. Rhéaume: 900000000 $ . D’accord, merci.
M. Rivest: J.-Jacques Samson, du Soleil.
M. Samson: Oui, deux brèves questions, M. Lévesque. D’abord, M. Sylvain Simard, le viceprésident de votre parti, réclamait au début de septembre une politique claire de l’emploi au Québec. La douzaine de programmes d’emplois qui existent actuellement seront ils maintenus?]
[M. Lévesque:] Non.
[M. Samson: Est ce la même gestion qui en sera faite?]
[ M. Lévesque:] Non.
[M. Samson: Excusez moi, une deuxième question, si vous voulez, tout de suite.]
[M. Lévesque:] D’accord.
[M. Samson: Je voudrais savoir quel sera le suivi qui sera fait de toutes ces mesures que vous annoncez ce soir. Est ce que c’est le comité spécial qui a été formé qui sera maintenu ou…]
[M. Lévesque:] Essentiellement, c’est quelque chose qui revient au Conseil des ministres dans son ensemble et forcément, on va réactiver, au moins pour les suivis, le comité de priorités qui avait été mis en veilleuse, parcequ’ on avait fait comme deux comités de priorités pour essayer de faire face à tout cela. Pour ce qui est des programmes de création d’emplois entre guillemets, la douzaine, comme vous dites, qui existent, il est évident que ce n’est pas du jour au lendemain, mais c’est un [« phasing out »] comme on dit en anglais, c’est-à-dire qu’ils vont diminuer et éventuellement disparaître, sauf peut-être si c’est requis, une partie de ces programmes pourraient encore servir, mais très spécifiquement dans des régions ou des localités qui sont particulièrement « maganées » et qui continueraient de l’être. Il faudrait sélectionner là où cela semblerait encore pouvoir être utile mais, dans l’ensemble, ils sont appelés à disparaître ou à se fondre dans cette nouvelle orientation. Aviez vous une autre question? I1 y en avait une deuxième.
[M. Samson: Vous avez répondu. Il y a un suivi qui sera fait…]
[M. Lévesque:] Un suivi. Il va être fait d’abord de façon absolument constante parcequ’ on n’annonce pas des choses pour rire. Deuxièmement, il va être fait fondamentalement par le Conseil des ministres, par le Conseil du trésor aussi, malgré toute sa mauvaise réputation habituelle – il faut quand même que ce soit calculé – et par le comité des priorités surtout, en liaison avec le Conseil du trésor et le Conseil des ministres, comme cela se fait normalement.
[M. Rivest (Serge): Passons maintenant à la période des questions en anglais. M. Bernard Saint-Laurent.]
[M. Levesque:] Oui, Mr. Saint-Laurent.
[M. Saint-Laurent: Yes, sir. I would like to start with a supplementary question. Somebody was asking a question in French about the use of chemicals in spraying and you said it was going to be applied to plantations, but major users of it, the users of those chemicals are Hydro-Quebec and the Ministry of Transport. Is that going to apply to them as well or are you going to continue spraying…
M. Levesque: Are you sure of what you are saying?
M. Saint-Laurent: Yes, sir. Aside from the private sector, which is the biggest user.
M. Levesque: It is not the same thing, apparently. I was just given supplementary information by one of my colleagues, Mr. Duhaime. What what you are mentioning about Hydro and about the Department of Transport, it is not the same kind of chemical than the one that is outlawed now.
M. Saint-Laurent: Alright.
M. Lévesque: If it should become obvious that through some sort of change, the same kind of polluant involving the same kind of danger should be used by other public sector enterprises or organizations, obviously, it would apply to them too.
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M. Saint-Laurent: OK. The question I would like to ask you, sir, is the following. I was just looking at the Montreal region here. Obviously, there are private investments and public investments, but we are talking about an awful lot of money and I would like to know if you have any more specific figures or a time frame for the things you are announcing tonight. I know you have talked about two years, I would like to know how much money you are talking about and over how long a period of time?
M. Ldvesque: As far as the public funds are concerned, in the sense of directly spending public funds, I could give you just a sort of ball park figure for the moment because in any way, I am not entitled to tell you about what public funds will be involved in the supplementary budget two days from now, Tuesday evening, and that is part of the total. So you will have a better picture of the whole thing Tuesday night. On the other hand, it is obvious that over the next two years, in public funds, quite a few hundreds of millions of dollars are involved. But it
program, which we are responsible for, of new financing measures for the set of entreprises in manufacturing or in some part of the tourist industry, specially basic equipment, and also for some of the exporting tertiary entreprises, specially the great engineering firms or the smaller ones that can become big, how many millions dollars are involved, eventually we will know. But this is a very complex calculation because those millions of dollars can bring in returns, revenue which goes far beyond the expenditures, so…
is not such a good calculation because, as I said in french a while ago, when
we have a new
M. Saint-Laurent: I understand that you must have some idea of how much money you plan to spend.
M. Ldvesque: Look, as many clean-cut evaluations as we could make that have to do with public funds directly, in the additional documents, the documents that you have been supplied with, that we have finished pratically at the last minute, the best and most honest evaluation that we have available is there; it will be completed along the way, but it is there as it stands for the moment.
M. Rivest (Serge): M. Ralph Noseworthy, CFCF.
M. Noweworthy: Yes sir. Pursuant to a question of Mr. St-Laurent with regards to the Montreal region, what about funds for the Montreal transportation system?
M. Ldvesque: I did not mention it. I could have, but I did not mention it because with the
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City of Montreal, with the president of the Urban Communauty, Mr. Desmarais, everybody knows that we met over the last few days, with our own colleagues of the Montreal area, we have had loads of meetings, and there are contradictory aspects in the various projects that are being proposed. What we are hoping for – and we have tried over the last few days to accelerate the prospect of a further expansion – is that we can come, I think it is becoming a little clearer but I cannot give you any guarantee that we can come, out of all that salad of projects that have been banded around, that we can come to some reasonable and quick decisions about a rational program of expansion. That is as much as I can say for the moment. I think that it is possible there is pretty soon a light at the end of that tunnel.
M. Noseworthy: Thank you. Another question, sir. Will you be going ahead with your plan to increase welfare checks, double them over a two year period and having that work hand in hand with a job training program?
M. Lévesque: It is not exactly the way we look at it. The way we look at it is that you have, right now, 1 800000000 $ being spent on welfare, half of which comes from the Federal Government, half of which is supplied by the Québec Government. Additional to that, you have quite a few, I think, hundreds of millions of dollars in job creation programs which add to the total. Sometimes some of those programs bring durable jobs; for instance, the Employment Certificate which was handed to young people, that new program, the « bon d’emploi », as we say in French. As far as we know – and we added some budgetary provisions for it until the end of the fiscal year – at least half of the 15000 or 20000 jobs that young people got through those « bons d’emploi », half of them were from the word « go » permanent jobs. So there is a mix-up there, but, in many cases, and during the worst of the recession, we even had to invent new programs in order to try and palliate at least some of the hurt.
In most cases, at least in very many cases, those programs supply only temporary jobs for a certain number of weeks. So, you go from welfare to unemployment insurance, back to welfare. It is a vicious circle and, eventually, it demoralizes people. That is what we want to get out of, completely, so that the same money can be used, not doubled necessarily, but used, period, to implement policies that will seriously look – specially for young people and, obviously, at more that 149 $ a month, which is the standard welfare payment – towards better training, a return to school when it is required.
All of that has to be voluntary, but if money can help stimulate it, so much the better. So, either to better the training in schools or in the work place, a new program is going to be launched with at least one year or two years for young people, not a few weeks, and we hope that about 18000 of them, according to the best calculations available, can in the near future
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use that program which would be in the working place, training on the job, let us say, in the enterprises with some proportion, when it is required, of additional schooling. It has been going very well in some European countries and in some such perspectives, they are ahead of us. So, that is the general direction we are trying to take.
M. Noseworthy: One last question, on my favorite topic, Mr. Godin’s favorite topic, Bill 101. What areas are you willing to change? The language of work? Signs?
M. Lévesque: The only thing I can tell you is that the changes, amendments ‘lie cas échéant », were needed, and some new perspectives are all going to be unveiled as soon as we come out of the next Cabinet meeting on Wednesday next and probably will be in the House by the end of the week, as far as legislation is involved.
M. Noseworthy: That would probably be with regards to the regulations regarding signs. M. Lévesque: Pardon?
M. Noseworthy: That will include the amendments to the regulations regarding signs.
M. Lévesque: Whatever is there, legislativewise, is going to be in the House and explanations will tell you also what regulations are to be changed.
M. Noseworthy: Merci bien.
M. Rivest (Serge): John Grant, CBC.
M. Grant: Mr. Lévesque, many of these measures are going to require at least a certain amount of cooperation from the private sector, the banks, the municipalities, even the Federal Government. Do you have assurances that you will get this necessary cooperation to make the program work?
M. Lévesque: Well, from the Federal Government, assurances, no. What we are doing is this: we are not starting a fight; we are proposing something very concretely and asking the
Federal Government, especially in the field of a so-called job creation and welfare programs,to join us in a new orientation which we think makes sense. As far as the financial institutions are concerned, it is no secret that there were meetings even during our three days in Compton, in
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the Eastern Townships, with some of the leading bosses of the financial institutions. There had been meetings by my colleagues with the « caisse populaire », in other words with the cooperative movement. As far as we can see there is no reason why we should not reach an agreement. Certainly, from what I know, there is a full agreement with the caisse populaire and as far as I could gather from the meeting in Compton, there should be, I think, gather from the meeting in Compton, there should be, I think, a reasonable measure of agreement from other financial institutions.
M. Rivest (Serge): Graham Fraser, The Gazette.
M. Fraser: Another question. In some of the speculations that went around the proposals that you were considering over the last few days, one of them concerned the welfare proposal and this job creation program and training program for young people. Is this program going to be fixed to an obligation on the part of a young person who is capable of working?
M. Lévesque: Not until further notice and I do not think ever, probably, in a democratic society. It cannot be because the basic principle is that it has to be voluntary. You cannot force people but, on the other hand, if you can induce them – and I think, without being too down-t-earth, money is a rather important incentive for anyone – additional money, if it is well used, can be an incentive which I think can be rather decisive.
M. Fraser: So, there will be an additional incentive for young people who are now on welfare to get more than the 149 $ they now have. Is there a possibility that if they refuse that and they are able, they would see the 149 $ reduced?
M. Lévesque: No, but one thing is sure, it would not be added to.
M. Fraser: Right. Another issue, I know – or I understand there were some speculations about it – is the debate over the metro extensions.
M. Lévesque: About?
M. Fraser: Over the extensions to the Montreal metro system in which there is, as I understand it, a debate between a surface metro on the one hand and a…
M. Lévesque: No. There is a debate about a surface metro because there is opposition by
the Montreal community, I think, especially by the City of Montreal as far as the Ahuntsic district is concerned. There is a rather rakid disagreement on the part of, I suppose, most of the urban community people. On the other hand, there is a rather dedicated stance as far as our own colleagues in the caucus are concerned and there is also this…
You are talking about the surface project, the light rail metro. There is also the new, still very new – in fact, not very well studied yet – proposal about this kind of light metro in another direction, in other words, from Radisson, which is temporary the end of the east-west line towards Pointe-aux-Trembles, and there may be others, because it has become so complicated, it takes a magician to try and unravel the whole thing. But there are additional semi-projects, I would say, that have been brought forth.
Out of all that and some discussions we had over the last few days, we think… Anyway, l think – I am not giving you any more guarantee on that, but I think, I hope – that we can come to some decent, rational conclusion which would entail some development of that light rail-onrail metro because it is tied to one of the biggest prospects of export markets that we have ever seen. You know, from Singapore to Mexico City – in Mexico they have been doing it for midtown – to Shanghai, which are huge, not just multimillion, but in some cases multiten million population urban communities, there is a market opening up for good, efficient technology that we can develop. Ontario is going in the same direction and we need to get our act together also. That is one basic factor in this whole perspective of urban transportation, at least part of it, that we put it in use, that we find out how good it is. Everybody knows it is bound to be good eventually, because it is proven. But it has to be proven in use.
M. Fraser: What is your schedule for decision-making on this? Can we expect something before the end of the year?
M. Rivest (Serge): Tom Kennedy, CBC.
M. Kennedy: Mr. Levesque, how close is your own political future, how closed is it tied to this?
M. Levesque : I do not know. I have not had time to think about anything like that over the last few weeks. Certainly not over the last three days. Give me a few weeks more, maybe I can answer you. Thank you very much. Merci.
M. Rivest (Serge): Ce n’est pas tout à fait fini, si vous permettez, M. Lévesque, si on pouvait en poser une.
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M. Lévesque: D’accord.
Une voix: One quick question, sir. It seems like a budget presentation without the important numbers; I wonder why you did not just wait for the budget presentation on Tuesday?
M. Lévesque: Well, I think that if we had put everything into the budget presentation, it would have become unfortunately – I am not criticizing the medias – a sort of one-day wonder because you know, it is all lumped together and no details come out. We thought the best thing was to try to give the jist of the decisions we made directly to the public tonight to explain it to all interested parties and more in detail tomorrow. Then, the budget is an obvious complement, and a very important one, on Tuesday. We know, we have learned from experience that we have to repeat quite a few of the things that we think are good and promising so that people can gather them more in detail so, we will go on tour, most of us for a while.
M. Rivest (Serge): Marie Thompson?
Mme Thompson: Mr. Levesque, I would like to know if we will be seeing a series of public hearings on the national question, independence, sovereignty-association.
M. Lévesque: You are talking about this other committee that we put together. No, our colleagues in that committee were aware, because I made it public from the beginning, that there would not be any kind of report. Certainly not at the same time as the set of decisions about the economic development, the economic recovery, which was obviously the most urgent of all questions that we had to deal with. That is what we have done. We spent about 90% of our time in Compton trying to put together – and even then as I told you a couple of times, those of you who were there, we did not have enough time to do it – the whole economic package.
Now, obviously, our colleagues in the other committee – I know, because I was there too – have worked very hard and quite a few things have been tackled. The work will continue and over the next few weeks, decisions will be made and they will be announced.
Mme Thompson: When?
M. Lévesque: Over the next few weeks. Certainly before the end of the year, what
decisions there are.
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Mme Thompson: Is one of the hypotheses a possibility of having public hearings?
M. Lévesque: Well, it all depends on the kind of decisions. Some decisions do not require any kind of public hearings, they are just decisions and we implement them. But, for the moment, I cannot see where public hearings would be required in any case, except maybe on some projects which have not jelled completely yet, but that would not be so much public hearings as erring towards the public.
Mme Thompson: What projects?
M. Lévesque: You will see it in due time. Mme Thompson: Thank you. M. Lévesque: O.K. Merci.
(Fin à 19 h 55)]
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