Je remercie beaucoup le présentateur de la brièveté avec laquelle il a fait sa présentation. C’est dangereux de faire comme ça des espèces de nécrologies par anticipation; vous avez remarqué par exemple qu’il a dit à propos d’une émission que j’ai faite dans les années 1956-59 : « tout le monde se souviendra ». Peut-être une partie des gens qui ont plus de 25 ans, mais que ceux qui ont moins de 25 ans, ça me surprendrait beaucoup.
Je vous remercie, Mesdames, Messieurs les dirigeants, les membres de la Société, Monsieur le Maire, qui me faîtes l’honneur d’être ici ce soir, à cette soirée, Messieurs les membres des conseils municipaux aussi, mes chers collègues de l’Assemblée nationale et certains de nos militants qui font preuve, j’espère en tout cas, moi je dirais, d’appui fidèle et même d’un certain masochisme. Quand je vois à quel point la salle est remplie, je me dis que j’ai besoin de ne pas être trop long, sinon tout le monde va mourir étouffé. Je vous remercie tous et toutes, je vous remercie beaucoup de vous être dérangés ce soir.
J’aimerais vous parler beaucoup plus longuement je parle ici aux membres, aux dirigeants de la société pour le Progrès de la Rive-sud. J’aimerais vous parler plus longuement de ce qui est après tout votre raison d’être, c’est-à-dire le progrès de cette grande banlieue métropolitaine qu’est la Rive-sud. Pourtant, je vais passer rapidement là-dessus, je vais l’effleurer quand même un peu. Après tout, c’est vrai : avec mes collègues qui sont ici, on est chargé vraiment, quelques-uns d’entre nous, de représenter les comtés de la Rive-sud, les intérêts de la région. Je vais quand même me permettre d’effleurer seulement le sujet, j’espère que vous me pardonnerez et que vous admettrez les deux raisons que je vais vous donner rapidement.
Premièrement, mes collègues et moi – on va commencer par Pierre Marois, mon voisin de comté, qui est député de l’ensemble de la région, depuis un an, on est plongé jusqu’au cou dans des dossiers extraordinairement complexes et diversifiés de cette grande banlieue métropolitaine. Vous admettrez que vis-à-vis de ces dossiers dont certains se compliquent, dans certains cas empirent depuis des années, un an ça n’a pas été énorme encore. Je crois tout de même que nous commençons à y voir clair et à amorcer une perspective, parce qu’il y a une chaude perspective de développement dans une énorme accumulation démographique comme celle qui a bien été, là littéralement obligée de suivre les plans (d’ailleurs des plans, on en a manqué) qui a été adoptée si vite depuis 10 ou 15 ans, qui a créé cette progression de la Rive-sud, qui maintenant dépasse littéralement les capacités de ceux qui l’ont mise en marche. Il s’agit maintenant de trouver un rythme de croisière, soit qu’on commence à distinguer la perspective qui va être nécessaire, et entre-temps, pendant l’année, on a quand même amorcé, là où ça pressait le plus, selon les lumières qu’on avait, amorcé les actions qui paraissaient urgentes, Par exemple (pas besoin de faire un long dessin), en ce qui concerne le problème le plus crucial de l’approvisionnement d’eau, je crois que, avec le concours des conseils municipaux, conseil des maires, qui s’en occupent maintenant, et avec évidemment les poussées du côté de la machine administrative, je crois qu’on peut compter que la première étape de déblocage concret dans ce domaine-là va être fait pendant l’année courante.
La même chose, on l’espère, en essayant de trouver au moins le commencement des solutions permanentes du côté du transport interurbain. Je pense que ça commence aussi à se profiler à l’horizon. Je pense d’avoir l’occasion de le faire, d’ici une semaine on va rencontrer les gens de la Commission de Transports de la Rive-sud pour essayer personnellement de voir, moi aussi, comment ça se présente. La même chose aussi du côté des services hospitaliers, où on a débloqué les travaux qui étaient plus qu’urgents du côté de l’hôpital Charles Lemoyne, dont le nouveau nom sera Pierre Boucher.
Le deuxième hôpital, dont on parlait depuis des années, eh bien! il commence à se rapprocher de la planche à dessin au moins.
Ca n’est pas si mal parce qu’il faut bien nous dire qu’il s’agit d’un nombre considérable de millions de dollars et il faut bien que ça soit mis en marche convenablement et aussi du côté du domaine municipal. Et là vous voyez, je ne parle pas seulement de la Rive-sud: le problème se pose ici mais il se pose partout dans le Québec. Quand je dis: le domaine municipal, je dis aussi bien les structures politiques de nos villes et les règlements électoraux, parce qu’il n’y en a jamais eu vraiment. Mais là aussi on espère déboucher sur des mesures précises , des réformes qui sont absolument nécessaires et puis qui, espérons-le, vont commencer à être mises en place avant les prochaines grandes échéances électorales dans le domaine municipal, et, je n’apprends rien à personne, cela a besoin d’être avant la fin de l’année qui commence.
Donc en bref, je crois que l’on peut dire : ça s’en vient, puisque c’est commencé dans certains des domaines où ça criait le plus fort, mais dans bien des cas, c’est encore à l’état d’ébauche, et surtout si j’envisageais cette perspective de développement, il y a quelque chose comme au-delà d’un demi-million de chances qui se sont accumulées littéralement depuis 10, 15 ans sur la Rive-sud sans que rien, au point de vue structure d’accueil, ait été préparé pour une avalanche comme celle-là. Ça demande – c’est indispensable – qu’on réussisse à tracer une perspective rationnelle de développement pour l’année. Il y a eu aussi des correctifs pour ce qui a été fait de travail dans le passé. Je pense que je n’ai pas besoin de vous le souligner: ça demande de notre part à nous, en ne nous prenant pas pour d’autres, parce que l’on fonctionne de Québec la plupart du temps, on n’est pas sur les lieux tout le temps. Ca demande beaucoup de réflexion de notre part avant de prétendre que l’on a trouvé notre perspective et je n’ai pas besoin de vous dire que ça demande aussi beaucoup de consultation, et puis un minimum de concertation avec les élus, avec les autres milieux représentatifs de la société du Progrès de la Rive-sud. Comme les autres, vous êtes maintenant reconnus par l’OPDQ, vous faites maintenant partie de nos interlocuteurs officiels. Je pense comme tout le monde qu’il serait prématuré d’avoir trouvé cette perspective de développement qui est absolument indispensable, sur laquelle il va falloir s’entendre si on veut sortir d’un certain aspect jungle qui s’est développé sur la Rive-sud, que ce serait prématuré de prétendre l’avoir trouvée. Alors c’est la première raison pour laquelle je n’ai pas envie d’entrer dans tous les détails parce que tant que tu n’as pas tout le portrait complet, tel qu’il doit être, je pense que ça ne sert à rien de se perdre dans la plomberie, sauf les endroits où ça coule à ce moment-là, ou ceux où ça ne coule pas, et dont on va s’en occuper d’urgence.
La deuxième raison pour laquelle j’aimerais élargir – si vous me permettez parce qu’on est tous Québécois, la Rive-sud, ça fait partie du Québec – élargir le tableau sommaire que je voudrais faire ce soir. Il y a beaucoup, une énorme quantité de questions qui se posent avec insistance, ici, dans la région, qui se posent également à l’échelle du Québec, des questions comme les logements convenables pour les personnes âgées, les soins à domicile, et que tous ces problèmes ne se posent pas seulement ici, mais se posent également pour tous les citoyens du Québec.
Vu que c’est la deuxième année, le début de la deuxième année du gouvernement, j’aimerais profiter de l’occasion, des quelques minutes qu’on va passer ensemble, pour essayer d’esquisser avec vous, quitte à avoir une période de questions pas trop longue après, pour voir si ça répond à toutes vos questions (je suis sûr que non, parce que ça va être sommaire) mais quand même d’esquisser un bilan de l’action d’ensemble qu’on a tâché au gouvernement de réaliser, ou en tout cas, d’entreprendre pendant la première année de notre mandat qui vient de se terminer. Peut-être que certains d’entre vous – c’est moins loin que mes émissions de télévision – se souviennent qu’on avait pris des engagements électoraux très concrets et qu’il s’agissait autant qu’il est humainement possible, sinon de les réaliser au complet, du moins de s’y attaquer pendant la première année. Alors je voudrais commencer par ça: la gratuité des médicaments pour les personnes âgées, pour ceux qui ont 65 ans, la date officielle, si vous voulez, dans la vie de quelqu’un où il devient officiellement retraité la plupart du temps. Alors pour les gens de 65 ans et plus, parce qu’on en avait trop vu, vous comme moi, qui ayant seulement leur pension pour vivre et ayant souvent moins de santé qu’ils en avaient avant, c’est sûr, et leurs revenus ayant baissé forcément puisqu’à la retraite, ils ont accumulé des fonds pour leur pension.
Vous comme moi, vous en avez vu qui, rendus à la fin du mois, sont seulement pensionnés, et victimes de ces maladies que l’on appelle chroniques, qui demandent un traitement permanent, et sont obligés dans le système quelque peu « racketeer » tel que celui des médicaments, on pourrait se le dire, sont obligés de se demander s’ils ont de quoi manger en même temps que de quoi se soigner. Alors ça nous paraissait au point de vue purement humain, un minimum de justice sociale, ce n’est pas avec ça qu’on va faire toute la politique du troisième âge, en tout cas, parmi les urgences, c’en était une qui nous apparaissait, alors ça, on l’a fait pendant la session qui s’est terminée, la session 1977.
On a découvert en même temps une chose particulièrement injuste, et qui peut d’une certaine façon contribuer à raccourcir la vie, en tout cas qui raccourcissait la vie active d’une façon absolument scandaleuse: c’était qu’on était les seuls, nous au Québec, qui réduisions la pension de la Régie des Rentes si quelqu’un continuait à travailler après 65 ans. Je ne le savais pas, on ne le savait pas au moment des élections, on l’a appris en étudiant les dossiers, et ça aussi on l’a corrigé, parce qu’il serait absolument odieux de dire à quelqu’un: parce que tu as 65 ans, tu as encore le goût de travailler, tu as encore la force de travailler, on réduit ta pension si tu as le malheur de continuer à travailler. Il l’a gagné à cet âge-là, sa pension. Je ne vois pourquoi on la lui enlèverait. Or, ça aussi a été corrigé.
De ce côté-là, on avait promis d’augmenter les soins dentaires, plus rapidement les soins gratuits pour les enfants parce que c’est un des domaines les plus négligés dans certains coins du Québec. Alors on a multiplié par deux les années d’ouverture, c’est-à-dire, cette année, on a ouvert pour les enfants de 10 et 11 ans et l’an prochain ce sera 12 et 13 ans. On met les deux années ensemble à condition évidemment qu’on n’entre pas dans les détails, que nos amis les dentistes acceptent de faire leur part, eux aussi, et qu’on finisse par s’entendre sur la façon de procéder. En tout cas, au moins, le budget est prévu pour la deuxième année de suite, pourvu que ça puisse se réaliser. Je pense que c’est quelque chose qui est important pour l’avenir: il s’agit de la santé des jeunes, ça peut les affecter toute leur vie si on ne s’en occupe pas.
Maintenant, dans cet ensemble social, si vous voulez assembler tout ça très rapidement (parce qu’il y a beaucoup de gens qui s’imaginent qu’on a seulement travaillé sur la langue, je sais qu’il y a une certaine propagande qui ne parle rien que de la Loi 101), je m’excuse de vous infliger des énumérations avec très peu de commentaires, mais quand même ça fait partie des choses qui, je crois méritent d’être soulignées, surtout qu’il y en a beaucoup qui nous sont passées par-dessus la tête, et je ne blâme personne, parce que, dans l’avalanche des fins de sessions qu’on n’a pas réussi à corriger encore, surtout que c’était à la veille de Noël, et puis il y a un paquet de choses qui se sont ajoutées et évidemment, quand on est en train de faire les emplettes des fêtes, on n’a pas tellement le goût d’écouter ce qui se passe au Québec, surtout que c’est pas toujours facile à suivre.
Alors prends tout ça, là, pendant l’année, il y a eu par exemple une grosse augmentation (on va en tirer une plus grosse si possible, l’an prochain), du côté des soins à domicile. Je parlais des personnes âgées, et ça, je pense que ça demande aussi la collaboration d’une bonne partie des gens qui sont conscients de ce problème-là, dans la société. Il faut que le gouvernement fasse sa part au point de vue budgétaire. Quand on parle du logement des personnes âgées, on dit qu’on veut des foyers. C’est un problème en particulier dans une région comme la Rive-sud, qui a accumulé une telle progression de population depuis 10/15 ans et que ces problèmes-là n’ont pas été prévus. Alors il faut augmenter le nombre de foyers, les petits foyers autant que possible, pas des grandes baraques quasiment comme des camps de concentration. Le plus possible accélérer la mise à la disposition des gens qui en ont besoin de ce genre de logement et lits, parce que ou l’on ne veut pas casser maison comme on disait dans le temps, ou alors le foyer est mieux organisé.
Il faut aussi penser à ceci (et ça, on ne l’a pas fait assez), c’est que pour une énorme proportion des personnes qu’on dit âgées, qui ont tel ou tel âge, celui de la retraite, autant qu’il est humainement possible très souvent, ce qu’ils veulent, c’est de pouvoir rester là où ils ont vécu, de pouvoir demeurer dans le quartier qui a été celui de leur vie, de leurs amitiés, et ça, ça exige qu’on leur donne un coup de main à domicile. Je sais qu’il y a beaucoup de générosité qui s’est développée de ce côté-là. Il y a des organismes qui se sont créés. C’est loin encore de répondre aux besoins. Alors on va mettre un accent maximum, je crois, là-dessus, parce que c’est vraiment quelque chose de sain, au point de vue social surtout. Pour les gens qui ont vraiment toutes leurs racines dans un coin, on ne peut pas les déraciner simplement parce que l’on n’a pas la jarnigoine qu’il faut, et le bon sens social, pour leur donner un coup de main, juste pour les aider à se maintenir là où ils voudraient demeurer. Il y a bien des gens qui sont obligés de se « pitcher » littéralement sur les listes d’attente de foyers qui sont souvent comme le genre qu’on construit parce que l’on ne s’est pas donné la peine de voir qu’elle était, peut-être très simple, la réponse concrète à certains besoins auxquels ils ne peuvent plus répondre à leur âge.
Alors, de ce côté-là aussi, on a amorcé un effort additionnel l’an dernier. On peut essayer d’en faire un encore plus insistant cette année: on a ajouté cette année, pour beaucoup de gens que ça ne satisfait pas, on a ajouté 2 millions aussi pour stimuler le secteur des garderies: on ne l’a pas redéfini parce que, si l’on cherche une définition, il y a des gens qui se promènent, vous le savez, un peu partout dans le paysage avec toujours la même revendication. S’il fallait des garderies gratuites, complètement ouvertes à tout le monde, et contrôlées par les gens qui prétendent les organiser, moi je veux bien, mais il y a une chose qu’il faut quand même rappeler aussi: c’est que le nombre de millions que ça pourrait coûter, à supposer qu’on se jetterait là-dedans la tête la première, ce serait quelque chose d’assez extraordinaire. Là, on pourrait rejoindre le problème des priorités. Comment on organise nos priorités? Les priorités sont des choses qui valent la peine qu’on mette des gros efforts dessus, qu’on mette tous les moyens, à condition d’en faire un équilibre. Or, le système de la garderie publique, gratuite, etc., n’est pas le seul. On cherche actuellement un ensemble.
Pour vous donner des exemples: Un sondage qui a été fait assez soigneusement ici sur la Rive-sud, je pense que c’était par un de ces CLSS qui s’est rendu là. C’était une des grandes structures sociales de la région qui avait chargé quelqu’un de faire un sondage dont j’ai eu le résultat. Je ne vous le donne pas en détail. Ça donnait ceci. C’était basé sur un grand nombre de téléphones et de rencontres d’un certain nombre important de femmes, soit obligées de travailler, soit tellement prises par le besoin du foyer que, à l’occasion tu as besoin de pouvoir confier des enfants à un endroit comme une garderie, pour pouvoir respirer. Un grand nombre de femmes qui exigent le type de garderie qu’on revendique tout le temps. Un grand nombre d’autres, pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent, préfèrent trouver des gardiennes, essayer de s’organiser dans leur propre voisinage avec des amis, des gens qu’ils connaissent. Peut-être que ça leur inspire plus confiance, et c’est leur droit de penser comme ça. Dans les milieux ruraux, eux autres aussi, ils ont des droits qui existent, dans les milieux ruraux, on rejoint très souvent plutôt le besoin d’un minimum de soutien qui permettrait justement peut-être d’aider une famille; une semi-professionnelle pour garder les enfants, ou ça peut être des gens plus âgés qui adorent les enfants et ça les occuperait dans la vie. Puis ils sont capables de faire le travail beaucoup mieux que toute une série de bureaucrates qui organisent ça.
Alors il y a une variété de moyens qu’il s’agirait peut-être de mettre au point. De ce côté-là on travaille, puis on appelle ça la politique (il faut toujours que ça prenne un nom un peu savant), la politique de la petite enfance. En tout cas, si on peut finir par mettre la main sur l’ensemble de recettes qui répondraient à ce besoin-là dans une société comme évidemment celle d’aujourd’hui. Parce que la vocation féminine a tellement changée depuis 15-20 ans qu’il ne faut pas fermer les yeux: il est évident que, si on instruit les filles autant que les hommes, il n’y a pas de raison parce que l’on a découvert cette chose révolutionnaire que les femmes avaient autant de capacité que les hommes, eh bien il n’y a pas de raison qu’on ne leur donne pas la chance de faire une carrière. Seulement il s’agit de trouver les moyens les miteux adaptés à notre société, et aussi adaptés aux disponibilités par rapport à d’autres priorités. Tout ça, c’est dans le domaine social, et dans le domaine de la santé, où il y a eu beaucoup de travail de fait.
Et puis il y a également, je m’en voudrais de ne pas le souligner, une Loi de la Protection de la Jeunesse, qu’on attendait depuis pas mal d’années, parce qu’il fallait sortir de quelque chose qui était trop juridique, il fallait arrêter de considérer les jeunes, qu’on appelle délinquants, même tout jeunes, comme s’ils étaient quasiment des criminels en puissance. Il faut qu’il y ait un gros éclairage autre que le pur et simple éclairage juridique. Alors la nouvelle Loi de la Protection de la Jeunesse, qui a été négociée longuement par deux ou trois ministères, qui a été pilotée par mon voisin, monsieur Marois, au Parlement, est, je crois, un grand progrès. Elle entre en vigueur.
Et à partir du premier engagement qu’on a réglé, il y en a eu un deuxième, qui a été bien discuté, il va l’être encore longtemps tant qu’on n’aura pas vu ce que ça a donné, c’est du côté assurance-automobile. L’année passée, pendant la campagne électorale, on avait pris un engagement concret qui était de réformer au moins cette partie qu’on appelle corporelle. Pour moi, cela a été une révélation, quand on situe bien ça (il y a encore bien des gens qui ne l’ont pas encore saisi), la partie corporelle de l’assurance-automobile. Vous savez, il y a le corporel et le matériel. Règle générale, vous comme moi, tous ceux qui ont payé de l’assurance-automobile, c’est tout dans le même sac. Vous payez votre assurance. Evidemment il y a des catégories là-dedans. Vous payez votre assurance à votre assureur et vous vous trouvez à être assurés dommages à autrui, etc., et la ferraille. Or, il y a quand même une distinction fondamentale entre la vie et la santé des gens et la ferraille. Elle peut être belle, la ferraille, mais c’est rien que de la ferraille. L’engagement qu’on a pris l’année passée, c’était de faire cette étape du côté corporel, pas d’autre chose, pas de réformer l’assurance-automobile, de mettre de nouveaux contrôles, de nouveaux règlements sur la partie matérielle, « bumper » les ailes repeinturées qui ont été bossées, pas d’embarquer l’État avec les fonds publics dans le domaine matériel. Ca ne paraissait pas une priorité. Donc on a dit: première étape du côté corporel. La raison de le faire, c’est que ça faisait au moins cinq ou six ans que les rapports s’accumulaient: rapport Gauvin, dont tout le monde a parlé, qui a été ensuite suivi par le rapport Desjardins. Et puis là-dessus ils se sont embarqués: le BAC, une grosse organisation, le Barreau, qui a eu son mot à dire. C’était bien normal, il était très proche du sujet. Alors tout le monde jouait à attendre depuis cinq ou six ans, puis ça n’aboutissait pas, tout le monde disait : il faut un effort, mais ça ne venait pas. « Tout le monde veut aller au ciel, mais il n’y a personne qui veut mourir ». Ce qui s’accumulait pendant ce temps-là dans le Québec, – si ça ne vous est pas arrivé tant mieux, mais ceux à qui ça arrivait, c’était autre chose.
Ce qui s’accumulait, c’était jusqu’à 30% des gens qui payaient leur assurance et qui ayant eu de gros accidents, ont vu compromettre leur santé, ont été handicapés et qui étaient devant les tribunaux pendant un, deux ans, trois ans, puis qui finissaient par ne jamais être indemnisés, autour de 30%. Autrement dit, tu as payé ton assurance pendant des années. Tout à coup, tu en aurais besoin parce que tu as frappé un malheur, et là, ce que vous voulez (les talents juridiques, puis les intérêts des compagnies, parce que tant que tu ne paies pas l’intérêt, c’est toi qui le ramasse, comme compagnie c’est normal, elles sont là pour faire des profits), pendant ce temps-là les gens qui avaient été blessés, handicapés, éclopés attendaient. Ceux qui étaient indemnisés, très souvent au bout de deux ans, trois ans, ou bien ils s’écœuraient puis ils disaient que le diable les emporte ou bien ils acceptaient 1/5 ou 1/10, il y a déjà eu des gros jugements, et puis en moyenne c’était souvent ça.
Donc beaucoup de gens qui payaient mais ne touchaient pas l’indemnité à laquelle ils avaient droit à cause du fricotage dans le système. Et aussi cet autre danger absolument quotidien que quelque chose entre 1/5 et 1/4 des véhicules qui roulent sur les routes sont des dangers constants parce qu’ils ne sont pas assurés et que l’assurance n’était pas encore obligatoire. Alors pour essayer de corriger ça, vous savez le temps que ça a pris : c’est juste à la veille de Noël, après des semaines, des mois de commissions, de discussions puis de mémoires finalement, le régime a été approuvé à l’Assemblée nationale. Il entre en vigueur le premier mars. Il y a deux ou trois choses assurées en tout cas: premièrement l’assurance va être obligatoire pour tout le monde, ça c’était plus que le temps que l’on fasse ça. Il y en a d’autres qui l’on fait bien avant nous. Deuxièmement, il n’y aura plus personne qui ne sera pas indemnisé le plus rapidement possible jusqu’à concurrence d’un revenu de 18000$ par année. Si on veut s’assurer pour plus parce qu’on est quelqu’un qui fait beaucoup plus d’argent, qui se considère comme beaucoup plus valable, bien, écoutez, il n’y a rien qui empêche, comme ça a déjà été le cas pour la Croix Bleue, par rapport à la santé, de s’assurer additionnellement, si l’on veut. Ça, les compagnies sont prêtes à en vendre, des polices additionnelles, mais au moins on est sûr qu’avec ce plafond de 18000$ qui va rapidement être offert à tous les autres, sauf en ce qui concerne la perte de jouissance de la vie, la réhabilitation pour ceux qui en ont besoin, etc… tout ça est incorporé dans le régime au point de vue corporel. Il va falloir s’assurer et il va falloir que ça se fasse rapidement et que les gens aient l’impression que vraiment c’est leur système. Ça, on va pousser sur la machine pour ça. Il va falloir que tous ensemble, il y ait un autre effort qui se fasse: c’est que aussi, si on veut, là, pour l’instant, il y a encore 3/4 des gens qui vont payer moins cher cette partie de l’assurance-automobile. Car on peut dire que tous les véhicules de promenade, par exemple, ceux qui ne sont pas employés directement pour gagner sa vie (et ça c’est à peu près les 3/4 justement des véhicules sur nos routes) vont payer moins cher. Il n’y aura peut-être pas une grosse réduction, mais tout le monde normalement va avoir une réduction ou à peu près. Donc ça ne coûtera pas plus cher, puis l’indemnisation va être universelle, et en plus on ne courra pas après tout pour savoir en détail qui est le coupable puis qui n’est pas le coupable. Il y a des points de démérite, etc ou même au besoin, quand c’est criminel, les tribunaux peuvent juger ça. Ce n’est pas au moment où quelqu’un a eu un accident que, je crois, on doit courir dans tous les coins pour savoir à quel point il était coupable ou pas coupable, etc… Là, pour des gens qui ont été éclopés, ce n’est pas le moment de les traîner devant les tribunaux pendant des semaines, des mois puis des années comme ça arrivait. S’il est des choses qui sont de responsabilité flagrante, alors là il y a autre chose qui peut jouer contre vous. Mais vous pénalisez dans l’assurance dont vous avez besoin … Avec ça on peut couvrir à peu près, on couvre dès le départ, à peu près 85% de tous les revenus du Québec, quand on va jusqu’à 18,000$.
Si on ne veut pas que ça augmente indûment, parce que ça commence à un niveau qu’on peut maintenir, il va falloir qu’on devienne beaucoup plus conscient. Puis ça, le Gouvernement, le bureau des véhicules automobiles, la Sûreté du Québec sont là pour ça: il vont être plus conscients de la sécurité routière. Là, on ne réduira pas le nombre (c’est une espèce de loi de physique, je lisais ça hier), on ne réduira pas le nombre des automobiles sur les routes et si le même nombre d’automobiles continue à faire les mêmes folies, dans lesquelles on est devenu le champion de l’Amérique du Nord, les statisticiens vont vous dire qu’avec des hauts et des bas accidentels, on va continuer à avoir le même taux d’accidents et ils vont continuer à augmenter. La seule chose qu’on doit faire, et c’est là la loi de physique: quand les molécules restent du même nombre, si on veut diminuer l’effervescence, il faut diminuer la vitesse, il faut diminuer la vélocité des molécules. Supposons toutes les voitures sur la route, les molécules, si on continue de passer à travers toutes les limites de vitesse et de littéralement transformer nos routes en champs de courses, eh bien il ne faut pas s’imaginer qu’il va y avoir un miracle qui va se produire pour nous.
Si vous êtes allés en Ontario, ça arrive à tout le monde, si vous êtes allés dans l’État de New York à côté, vous avez sûrement remarqué comme moi que c’est effrayant comme nos réflexes fonctionnent vite quand on traverse la frontière. Tout à coup on rentre dans un monde où les automobiles sont considérées comme des instruments dangereux et ça a été décrété avec le soin que mérite un instrument dangereux. C’est juste à la barrière de chez nous, je le sais, ça m’arrive à chaque fois qu’on rentre chez nous, tu passes par Plattsburg, là tu viens de faire 55, 58, 60. 60, là tu commences déjà à y penser, puis tu le sais, à part ça, que tu prends le risque, mais aussitôt que le gars sort de la douane, je ne sais pas si vous avez vu ce qui arrive: 75, 80, là on défoule, ah oui, on se défoule, mais il ne faut pas s’imaginer que notre assurance-automobile, elle, ne défoulera pas, elle aussi. Là, on fait un gros effort, mais c’est à nous de le faire collectivement, aussi. J’ai entendu des gens qui disaient: 100 km/heure, ça fait 62 milles à l’heure, c’est à peu près le maximum autorisé. À côté de nous, aux États-Unis, ils ont diminué d’une façon absolument drastique le nombre d’accidents. Ils n’ont pas fait des thèses scientifiques, ils ont dit: il y a une cause, il faut réduire la vitesse des molécules, puis ils ont mis ça à 55, ce qui est à peu près observé maintenant. Je n’ai pas l’impression que la prospérité des États-Unis en a souffert, pas de ça. Au contraire, quand on sait le nombre de centaines de millions, même de milliards, qu’ont coûté les accidents inutiles, il me semble qu’on doit tous y penser collectivement. En tout cas, ça, c’est un engagement qu’on avait pris, on l’a tenu de notre mieux.
Dans le même domaine qui touche les consommateurs, on a mis au point une loi qui était attendue depuis plusieurs années. Elle est devant le Parlement maintenant. Une première tranche d’une nouvelle Loi de la Protection des consommateurs. Puis aussi une chose qui s’appelle le Recours collectif, ce que l’on appelle en anglais la « Class Action », où on est les derniers en Amérique du Nord: il ne faut pas s’imaginer qu’on invente le monde. Parce qu’il y avait toutes sortes de problèmes dans notre Droit civil, vous savez, ça c’est un héritage de Napoléon, qui est compliqué par son code de procédure. Alors il n’y avait personne qui avait trouvé le moyen, il fallait le trouver. Il y a eu des ajustements assez laborieux à faire, puis là on va avoir le droit à ce Recours collectif, parce que, vous le savez, les grosses compagnies peuvent abuser des gens, puis il y en a des très grosses dans le monde d’aujourd’hui. Le gars tout seul qui se fait voler ou qui se fait exploiter, il se dit qu’il n’y a pas grand recours.
Oui, il y a un recours juridique, mais il n’y a pas grand chance de l’exercer parce qu’il est tout seul, un nain vis-à-vis d’un géant, et c’est pour ça que, dans l’ensemble du continent, avec le Recours collectif, des groupes de consommateurs qui se sentent lésés peuvent s’unir et collectivement aller chercher un jugement, la justice dans certains cas, ou une correction à ce qui a été fait, et ça, c’est devant le Parlement. Ca aussi, ça va commencer à entrer en vigueur l’an prochain.
Maintenant le troisième engagement qu’on avait pris, c’était de donner un maximum de stimulation du côté du logement et du côté de l’équité dans le domaine du logement rare. Là, il y a maintenant une Loi permanente, même s’il s’agit de l’étoffer. La Loi du contrôle des loyers était toujours provisoire d’année en année. Autrement dit, chaque année, il fallait la revoter, toujours boucher des trous. Alors là, on a voté une Loi permanente qui n’est pas encore améliorée tellement, mais c’était accompagné de ce que l’on appelle un Livre Blanc. Puis là, on pourra travailler dessus, mais au moins il n’y aura plus cette espèce de panique à chaque année avant le 31 décembre de renouveler une Loi qui était temporaire depuis 25 ans. Et du côté du logement, c’est-à-dire ce qui manque comme logement, ce qui manque surtout, ce qui manque le plus douloureusement c’est du côté des personnes âgées encore, et du côté des familles qui n’ont pas beaucoup de revenus. Vous avez vu, il y a beaucoup de logements vacants, par exemple dans la région métropolitaine, ça fait deux fois que ça fait les manchettes, et quand vous regardez un peu, vous vous apercevez que c’est surtout des studios d’une pièce, ou d’une pièce et demi ou deux pièces, qui sont essentiellement des garçonnières, qui n’ont pas besoin d’être bien grandes parce qu’il n’y a pas d’enfants. Mais du côté des familles en particulier, des familles malprises, qui n’ont pas beaucoup de revenus, et du côté des personnes âgées qui ne peuvent pas se payer des loyers de fou, il y a encore des trous à boucher dans tous les coins du Québec. Si je vous donnais simplement la moyenne, il y a eu 1787, je parle des personnes âgées, 1787 unités de logements en 3 ans. C’est pas beaucoup pour trois ans par rapport au besoin. À force de pousser et de stimuler, on va réussir à en sortir. D’après une confirmation qu’on m’a donnée, ça ferait 3000 cette année, pour l’année 1977, l’année budgétaire qui va finir au mois de mars 1978. C’est toujours ça de pris, mais on a encore beaucoup de chemin à faire.
Il y aussi un domaine où il faut faire beaucoup de chemin, ça, on le voit dans tous les vieux centres villes. Vous avez le Vieux Longueuil, le vieux Trois-Rivières, le Vieux Montréal. Il y a un gaspillage qu’on a laissé se faire, et qu’il faut arrêter, de ces vieux quartiers, qui ne sont pas des vieux quartiers parce qu’ils étaient mal choisis: c’est là d’instinct que les gens sont allés en premier, c’est là qu’ils ont trouvé. par exemple à Montréal, que c’était plus près du fleuve, c’est la même chose ici sur la Rive-sud. Quand je vois les vieux quartiers, c’est ce qu’il y a souvent de mieux choisi, c’est là que ce serait le plus vivable, mais c’est là qu’on a laissé se dégrader les choses. Alors tout cet aspect restauration, rénovation des vieux quartiers, il faudrait qu’on mette beaucoup l’accent là-dessus, parce que toutes les villes qui ont vieilli dans le monde, dans le monde civilisé en tout cas, se rendent compte que ce n’est pas une chose à laisser aller, parce que, sinon, tout ce que l’on ferait, c’est pour faire de l’étalement urbain. On continue à accumuler des faubourgs, puis des banlieues, puis banlieues par dessus banlieues, des villes nouvelles, puis des promoteurs qui, littéralement, dévorent de plus en plus nos terres agricoles par exemple, pendant qu’en fait il y a des milliers de pieds carrés absolument habitables, vivables et qu’on a laissé se dégrader, et qui ont déjà les services publics: l’aqueduc est là, les services qui coûtent cher sont là. On laisse littéralement se dégrader pendant qu’on continue à encourager la promotion dans tous les coins, avec tout ce que ça peut impliquer de problèmes, éventuellement les nouveaux services qui coûtent les yeux de la tête. Alors, sans prétendre réorienter de force le développement de la société, il faudrait tout de même mettre un accent de plus en plus précis là-dessus: revivifier les Centre-ville qui en ont besoin, les plus vieux morceaux qui étaient quand même très bien choisis et qui seraient bons si on s’en occupait correctement.
Du côté de l’agriculture, on avait pris également un engagement, complété par d’autres: c’était d’arrêter la dégringolade du budget. Dans un monde où la moitié des gens et plus crèvent de faim encore et où l’on a un climat qui ne nous permettra pas de faire des oranges, c’est quand même pas mal scandaleux de ne pas être capable de se suffire un peu plus quand il s’agit de la viande, quand il s’agit de certains légumes. Ce n’est pas le climat qui nous empêche, c’est toute une série de mauvaises politiques, dont une partie d’ailleurs que l’on ne contrôle pas dans le Québec, mais en tout cas on n’a pas fait notre effort de ce côté. Alors on a au moins enrayé cette année la dégringolade du budget agricole. On l’a même augmenté de 15%. Ce n’était pas facile pendant une période d’austérité. Par les petites choses, là, en tout cas, pour commencer, comme la distribution du lait dans les écoles, qu’il va falloir intensifier: c’est toujours bien mieux que certaines liqueurs gazeuses. Et ce n’est pas ça qui va sauver l’agriculture, mais ça a un effet à la fois social et agro-alimentaire, c’est quand même la preuve que l’on donne à nos producteurs qu’on s’intéresse à leur production, puis, deuxièmement, ce n’est pas mauvais pour la santé des enfants, ça, c’est sûr. Il y a des trentaines d’Etats américains qui font ça depuis des années, puis ils ne s’en sont jamais repentis.
Alors on a amorcé ça cette année et on a lancé aussi ce qui était déjà dans le tableau mais il s’agissait de l’activer: la Société québécoise d’initiative agro-alimentaire, pour que nos producteurs avec un instrument comme celui-là, et d’autres qu’ils se sont donnés, puissent être le plus proche possible du marché de la transformation, parce qu’il y a tout un circuit dans le domaine alimentaire qui est extraordinairement important pour la société qui ne veut pas devenir complètement dépendante des autres. Après tout, vous savez, parmi les choses qui ne changeront pas, on va continuer à avoir besoin de manger deux ou trois fois par jour et ceux qui ne font pas l’effort convenable d’occuper leur territoire et de le faire rendre au maximum sont vraiment des inconscients. Ils finissent d’ailleurs par tomber dans les pattes de n’importe quel exploiteur de l’étranger s’ils ne maintiennent pas, eux, cette production essentielle. Alors ça, c’est vraiment une priorité et au lieu de laisser la queue de la ligne comme c’est arrivé trop souvent (j’ai des souvenirs de ce côté-là, je faisais partie d’un gouvernement), il s’agit de la garder au centre de l’occupation parce que, pour l’avenir, c’est une des choses essentielles.
Du côté des municipalités, on avait pris l’engagement d’essayer de les aider aussitôt que nos disponibilités le permettraient. Là, je dois avouer que l’on n’a pas fait grand chose parce que c’est une chaîne. On a amélioré le régime de subventions aux municipalités, on a baissé le plancher qui permet aux municipalités d’avoir une subvention, on a essayé de rendre ça moins arbitraire, moins conditionnel. On a essayé de mettre des budgets du côté des travaux municipaux aussi pour soutenir leurs droits. Mais vraiment le problème des revenus municipaux est en train d’étouffer beaucoup de nos municipalités et one ne l’a pas réglé cette année. Je l’avais dit d’ailleurs l’année passée, on avait un peu la frousse du budget qui nous attendait. J’ai dit : quand on pourra, parce que beaucoup de gens disaient que les municipalités auraient besoin d’un pour cent de plus de la taxe de vente. Alors on a enlevé l’impôt scolaire et puis envisage de remettre l’impôt foncier complètement aux municipalités, dans chaque cas des centaines de millions, puis quand on pourra faire quelque chose, que ce soit ça ou l’équivalent, on le fera. Cette année, on espère avoir une marge de manoeuvre qui nous permettrait d’aller un peu plus loin quand on aura discuté du prochain budget. La loi sacrée dit que l’on ne peut pas en parler d’avance. On est conscient du fait que, dans la répartition des ressources, les municipalités sont maganées. Dans beaucoup de cas même, elles sont très très mal prises, elles sont à la veille de manger la moitié des revenus dans certain cas et ça n’a pas de sens. Seulement donnez-nous encore un petit peu de temps pour voir comment on pourrait s’en sortir. On va faire notre possible.
J’aboutis, en terminant, au premier des engagements qu’on avait pris, je parle juste des engagements concrets, et le premier de nos engagements, c’était de mettre fin, de mettre le point final une fois pour toutes à cette espèce de cancer des caisses électorales, du tripotage d’argent des partis politiques, et de réglementer la vie du parti. Les partis, c’est trop important, ça peut devenir des gouvernements, c’est bâti pour ça. À ce moment-là, quand ça devient des gouvernements, Ça contrôle les milliards et ça a le dernier mot à dire sur les milliards et il est absolument inconcevable qu’on laisse les partis se conduire comme des clubs de racketeers, si on ne fait pas attention, alors qu’on leur donne des sommes pareilles. Ca faisait des années que l’on en parlait. Alors ça, je suis très fier, c’est une des choses en moi dont je suis fier, on aura laissé ça en tout cas, si ça peut rentrer dans nos usages politiques, d’avoir passé une loi qui s’appelle la Loi no 2, qui va forcer désormais tous les partis politiques à donner leurs sources de revenus importantes parce que les citoyens ont le droit de savoir qui fait vivre les partis politiques. Ils sont parfaitement libres d’élire qui ils veulent, ils ont droit de savoir qui les fait vivre financièrement et de quelle façon.
Et en même temps, cette loi-là est faite pour encourager les petits donateurs, ceux qui ne donnent pas des fortunes, qui ne prétendent pas manipuler les partis en coulisse comme ça c’est fait trop souvent, nais peuvent avoir le goût que ce soit tel ou tel parti (ils sont libres de choisir celui qu’ils veulent) avoir le goût d’encourager un parti. Alors, au point de vue fiscal, on donne un certain soulagement par la nouvelle Loi pour encourager le citoyen ordinaire comme on l’appelle à donner un coup de main au parti qu’il a choisi et puis en même temps pour éliminer par la Loi les groupes de pression, que ce soit les compagnies ou les syndicats: ils n’ont pas d’affaire à boycotter les partis parce que ça ne vote pas, une compagnie, ça n’a pas le droit de vote . Il y a des gens qui font des grands: « Oui, mais le droit aux associations! » Ils ont le droit de s’associer pour toutes sortes de choses et ça a déjà été jugé par des tribunaux ailleurs que le droit d’association ne doit pas aller jusqu’au droit de tripoter, puis de manipuler la vie collective. Par conséquent la meilleure façon de régler le problème, c’est encore de dire: si vous êtes actionnaire de telle compagnie, ou si vous êtes membres de tel syndicat, eh bien ! comme individu, comme citoyen, vous avez parfaitement le droit au maximum si vous voulez, mais en groupe, pour représenter des intérêts qui sont exposés tout le temps à des affaires, à des pressions sur les Affaires publiques, à ce moment-là, on ne vote pas pourquoi on vous permettrait de commencer déjà à faire réussir vos pressions en décidant d’acheter par l’intérieur des partis politiques sans que les gens s’en doutent. On est aussi bien de nettoyer ça. Sur ce même plan, ils nous ont fait pas mal de mal dans notre histoire, ce que l’on peut appeler les combines et un certain manque de propreté, de moralité, si vous voulez des mots classiques, dans les affaires publiques. On a pas mal intensément travaillé toute l’année, on n’a pas toujours réussi, il y a eu des gaucheries, mais on a essayé d’éliminer des mauvaises habitudes.
Dès le mois de janvier 1977, par exemple, on avait éliminé la vieille pratique d’aller chercher des petits amis du côté des avocats, des grands bureaux d’avocats privés, pratique qui coûtait en 1976 $4 millions en honoraires seulement, pour faire un travail que les avocats permanents du gouvernement sont parfaitement capables de faire. Ça dévalorisait la Fonction publique et puis, en même temps, c’était vraiment du tripotage d’argent. Depuis janvier 1977, c’est maintenant des bureaux d’avocats permanents qui s’occupent de ces choses-là, ce qui permettra d’économiser, sûrement et en même temps aussi , quand même, de revaloriser des gens qui se voyaient littéralement souffler des causes au bénéfice de tel ou tel ami à 50$ de l’heure, etc.
La même chose est arrivée du côté de la sélection des juges. Ça a toujours été dans le genre : « Est-il du bon bord? » Enfin pas toujours, mais trop souvent, c’était arbitraire, c’était discrétionnaire. Si c’est un gars que l’on connaissait bien, qui avait vécu assez dangereusement avant pour savoir, des fois les questions c’était: est-il catholique? Je n’ai pas besoin de dire ce que signifie le mot catholique. Ça risquait toujours de se produire. Mais quand même, la fonction de juge, c’est l’une des plus responsables, des plus sacrées de notre société, et là aussi il y a une revalorisation nécessaire. Et pour l’amorcer, en tout cas pour ne plus se faire prendre, il y a une nouvelle façon de choisir les juges. Quand il y a des postes vacants, ils sont assistés, il n’y a pas de mystère là-dedans. Un juge, c’est un poste comme un autre, plus important que beaucoup d’autres postes, mais justement pour cette raison, il ne faut pas que ce soit des cachettes. Donc les postes sont affichés, les candidatures sont ouvertes, c’est-à-dire que si les avocats, les juristes pensent qu’ils sont aptes à devenir juges , ils présentent leur candidature et il y a un jury de trois personnes parmi lesquelles il y a un représentant du public qui siège là-dessus et jusqu’ici ça a donné de bons résultats. En tout cas, ça a sorti l’arbitraire traditionnel de ces sélections-là.
Dans un autre sens, qui est plus facile, mais ça peut être bon pour l’avenir, on a décrété au mois de juillet une enquête sur les Jeux olympiques. Ça devrait démarrer bientôt au niveau de la Justice. Ça ne tourne pas vite. Le Président a été nommé, il a fallu choisir les commissaires. Ils sont trois, eux autres, il a fallu qu’ils trouvent leur conseiller, etc. Puis qu’ils commencent à ramasser les dossiers. En tout cas, quelque part, pas trop loin en 1978, ça devrait démarrer, pas seulement pour aller gratter ce qui c’est passé, parce qu’une affaire d’un milliard et demi ça mérite d’être gratté, mais aussi pour qu’on tire de là des enseignements qui pourront être utiles dans l’avenir, qu’on ne recommence pas des orgies invraisemblables comme celle-là. Et la même chose, d’une autre façon, s’est appliqué à deux autres points où ça sentait terriblement mauvais: la Société des Alcools du Québec, puis les Loteries.
La Société des Alcools, c’est encore à l’état d’enquête, mais sur l’extorsion, sur des choses qui étaient purement et simplement du coulage organisé des fonds publics, là il faut attendre la fin de cette enquête. Pour ce qui est de la Loterie, vous savez sûrement qu’au mois de novembre, on a aboli le vieux système qui était la distribution des préventes, et par voie de concours encore, il y a un nouveau groupe de concessionnaires de la Loterie qui a été choisi. Ils sont en marche avec le début de l’année et rien qu’en partant, il va y avoir 8 millions de plus par année qui va rester dans les caisses d’Etat de la loterie, argent qui coulait chez des gens, qui étaient choisis purement et simplement pour leurs connections, contacts, au fond qui faisaient faire le travail par les autres.
Alors c’est clair que derrière tout ça, il y a un effort qui se fait pour essayer d’assurer autant que possible la vie de l’argent du gouvernement, quand c’est l’argent de tout le monde, lui donner des chances. C’est pas facile de trouver une recette, vous savez, les contrats de professionnels par exemple, les ingénieurs, les architectes, pas facile de sortir d’un choix qui est purement le choix du privilégié, puis, quand même, trouver des critères équitables, admettons-le. Mais on va peut-être finir par en trouver. Je me souviens, j’étais ministre des Travaux publics en 1960-61, dans le temps de monsieur Lesage. Comment est-ce qu’on peut sortir de cette maudite habitude, chaque fois que l’on change de gouvernement, de changer, même de créer des bureaux d’ingénieurs ou des bureaux d’architectes, par simple favoritisme, tu vides celui-là, tu remplis celui-là, chacun son tour sur la petite voiture, mais c’est pas avec ça que l’on bâtit. Si on ne fait pas attention, les bureaux solides et cohérents qui peuvent durer, puis représenter le génie convenablement dans le Québec, ou l’architecture. En tout cas on cherche.
La même chose , pour prendre un autre extrême, je vais prendre le côté du placement étudiant, où il y a eu des erreurs de parcours cette année, mais au lieu de demander au député de nous recommander, je ne sais pas combien de gars (ce qui peut être bien fait: je ne dis pas que la plupart des députés, quel que soit leur parti, ne font pas de leur mieux mais ils ne sont pas équipés pour le faire) et, vu que je ne connais pas tout le monde, ça ne donne pas une chance égale, ça donne une meilleure chance à celui qui peut trouver la porte du bureau et venir se présenter. Alors on a essayé un nouveau système. On va voir, avec les erreurs de parcours, puis les gaucheries, voir si on ne peut pas faire la preuve, et se rendre compte une fois pour toutes, que le patronage, c’est-à-dire le coulage, le tripotage, ça peut sortir de l’administration publique.
A ce point de vue-là, je voudrais dire une chose très simple. Il y a des rumeurs qui ont circulé, elles sont venues jusqu’à moi, ici par exemple, sur la Rive-sud, avec les rumeurs que l’on fait circuler, c’est tellement facile d’inventer des choses, puis ensuite de ne pas les prouver. Des rumeurs sur de soi-disant manoeuvres qui se feraient en coulisse pour le Parti québécois, c’est-à-dire le bon vieux système qui dit: si tu ne paies pas , tu ne seras pas bien vu. Moi, je peux vous dire une chose: ces rumeurs-là, on les a répétées. Je ne sais pas de quel officine ça sort, je sais qu’il y a toujours cette bonne volonté chez certains de nos adversaires, mais là encore, on ne peut pas prouver. Mais si on me donne des preuves, parce que je n’ai pas l’illusion que la nature humaine change parce que c’est le Parti québécois, si on me donne des preuves, je l’ai dit après les élections, je le répète ici ce soir, que l’on nous donne des preuves, à ce moment on agira, puis on va s’aider nous aussi au besoin, parce qu’il faut que ce soit dans notre parti que ça rentre dans les moeurs en premier, si on veut en faire une habitude. Mais ceux qui nous inventent n’importe quoi, puis ensuite qui cherchent qui a vu l’homme qui a vu l’ours, tous ceux-là j’ai l’impression que c’est inventé par des gens qui ont tout simplement de la mauvaise volonté et qui disent: si on ne peut pas le prouver, on va au moins le répandre assez pour semer la confusion. Mais je le répète de nouveau: si on nous apporte les preuves, que ça vienne de n’importe quelle source, des sources qui peuvent être protégées, là on ne commencera pas à dire: c’est un tel, etc… (Mais il nous faut des preuves), à ce moment-là on agira et on cherchera par la même occasion.
Maintenant, en terminant, ou avant de terminer, je voudrais juste dire quelques mots quand même sur un des sujets les plus centraux de n’importe quelle société d’aujourd’hui, dans un monde comme nous autres, qui est le sujet économique. J’ai dit de mon mieux, très brièvement, ce qu’on a essayé de faire pendant la première année, ce que l’on a amorcé. On a laissé des choses de côté, on a essayé de frapper les points principaux. Il va y avoir longtemps le domaine économique, qui n’est pas un cadeau dans aucune société occidentale actuellement. C’est-à-dire que l’ensemble des pays du monde atlantique, dont on fait partie, sont en pleine récession et on peut camoufler ça comme on voudra, c’est en pleine récession. Il y a une stagnation de la croissance en Europe comme en Amérique, parce que les statistiques sont différentes. On sent une inquiétude vis-à-vis du chômage qui s’accroît dans tous les pays, surtout le chômage chez les jeunes qui devient de plus en plus inquiétant, et en plus de la crise du pétrole, qui a littéralement fait flamber l’inflation partout, il y aussi les vices de structures. Les vices de structures dans les secteurs économiques, dans la croissance, dans le déséquilibre qu’il y a dans le monde entre les pays surdéveloppés et les pays qui ne réussissent pas à manger, et tout ça crée une situation au point de vue économique qui est, particulièrement difficile. On est dans une période de crise économique internationale, qu’on l’accepte ou pas.
Je n’ai pas besoin de vous dire que le Québec est poigné dans cette conjoncture-là. L’économie a besoin que les autres marchent pour pouvoir marcher, ça, on ne s’en sortira pas. C’est quand même aux ventes de papier journal qu’on revient aux États-Unis, ça veut dire que les journaux qui ont 200 pages ont beaucoup d’annonces, mais ça veut dire que l’activité aux États-Unis marche aussi, parce quand elle ne marche pas, ça diminue les pages d’annonces parce que les entreprises annoncent moins. Je n’ai pas besoin de vous dire que le ralentissement économique ralentit la publicité, c’est comme un cercle vicieux. À ce moment-là, les ventes de papier journal n’augmentent pas, elles ont tendance à diminuer et on pourrait multiplier 12-15 exemples comme ça.
Il me semble que le bon sens nous dit que, ouvert comme on l’est sur le monde parce qu’on achète beaucoup de choses et qu’on doit vendre beaucoup de choses, s’il y a un ralentissement, une conjoncture de langueur, puis de mélancolie économique, chez la plupart des pays affectés, ça nous affecte nous autres aussi, qu’on le veuille ou pas, ça c’est une loi de la nature économique. Puis il y a aussi une chose dont on dépend, qui est plus proche, qui est la politique fédérale, et là je le dis sans aucune partisannerie, mais il y a tout de même un sacré bout à se raconter des histoires. Le Québec, jusqu’à nouvel ordre, c’était une province du Canada, le gouvernement fédéral qui a des pouvoirs qui dépassent tous ceux des provinces. S’il s’en sert mal, tout le monde paye. Il y a un argument bien simple que je vais employer pour illustrer cette espèce, littéralement, de problème pan-canadien dont on fait partie. Tout le monde parle du chômage et Dieu sait que c’est douloureux. Si on pouvait faire plus avec les moyens du bord. Je vais vous expliquer pourquoi on peut difficilement faire plus tout seul à Québec. Voici ce qui est arrivé depuis mettons 3 ans: on ne fera pas des petites discussions sur le mot dernier, puis il y a deux mois, comme ça arrive souvent à l’Assemblée nationale. C’est un jeu classique: les statistiques du mois sortent, et puis là, du côté de l’opposition, on dit que c’est la fin du monde, puis de notre côté on essaie de leur dire que ce n’est pas tout à fait ça, mais là 3 ans, c’est quand même une série statistique.
Depuis 3 ans, voici ce qui est arrivé: le chômage a augmenté de 71% en Ontario et, à l’échelle du Canada tout en entier de 64%, alors ce n’est pas un problème québécois. C’est un problème ici qui nous fait mal, mais c’est un problème pan-canadien. Je ne veux pas être injuste, comme certains ministres fédéraux qui sont allés traîner des calomnies jusqu’à Washington: actuellement, on les voit se servir d’espèces de boyaux d’arrosage pour éteindre le feu à la Sun Life. S’ils n’avaient pas commencé par le mettre, ce feu, chaque fois qu’ils ont eu l’occasion depuis un an, ils ne seraient pas à ramper comme ils le font actuellement… Mais qui est-ce qui a les leviers principaux au point de vue économique? Je ne veux pas être injuste: ce que j’ai dit sur la conjoncture, sur la situation internationale, que le Canada est poigné dedans tout entier… Mais qui a les leviers principaux pour faire face à une situation comme ça? Qui est-ce qui a la plus grosse force budgétaire, plus grosse que tout le monde? 45 milliards de dollars cette année, ce n’est pas rien. 11 milliards de dollars, au Québec, qui nous reste. C’est beaucoup, on fait ce que l’on peut avec ça.
Mais 45 milliards de dollars, ça, c’est le gros paquet d’argent tiré de la poche de tous les contribuables du Canada. Il y a à peu près la moitié de nos impôts, comme ceux de toutes les provinces. Ils s’en vont où? À Ottawa, avec 45 milliards de dollars comme masse budgétaire. Quand c’est bien orienté, mal orienté, bien dépensé ou mal dépensé, c’est ça, au point de vue budgétaire. Si ça crée de l’emploi ou si ça crée rien que du « patchage », c’est ça qui a le premier effet sur l’économie. Faudrait pas se conter des histoires. On paye pour ce gouvernement-là. Qui est-ce qui a la politique douanière? Qui peut décider que ça rentre ou que ça ne rentre pas, au Canada, les produits étrangers puis à quel rythme, puis à quel volume que ça rentre dans le corps ou que ça ne rentre pas dans le corps de nos propres productions? Il ne s’agit pas de faire le mur de Berlin autour du Canada ou autour du Québec, mais il s’agit d’avoir la tête sur les épaules, puis assez de jarnigoine pour savoir qu’à certains moments, ce n’est pas le temps d’ouvrir les vannes parce que tu peux créer le chômage d’une façon invraisemblable. Où est la politique douanière, puis qui est seul à décider, ce qui rentre et ce qui ne rentre pas? C’est le gouvernement fédéral. Ce n’est pas nous, à Québec, ni dans aucune autre province. Ça, c’est un pouvoir fédéral. Quand ça cogne sur les agriculteurs du Québec, par exemple, les empêchant à toutes fins utiles de bâtir leur production de boeuf et qu’on continue de dépendre d’une façon presque caricaturale d’une production étrangère pendant que l’on a de la terre puis de l’eau, et qu’élever des troupeaux, ce n’est pas le froid qui empêche ça, parce qu’il fait plus froid dans l’Ouest. Alors à ce moment-là, c’est quand même des politiques qui ne dépendent pas de nous mais d’Ottawa. Et avec le textile, avec la chaussure, qu’on appelle les secteurs mous, les secteurs fragiles, nos vieux secteurs industriels perdent quelque chose comme 20000 emplois depuis 3 ou 4 ans. C’est parce qu’on a laissé, je n’ai rien contre les gens de l’Extrême-Orient, les chemises de Hong Kong, les chemises de Taiwan, les souliers italiens, etc … rentrer à pleines pochetées ou à plein bateau ou à plein avion ou à plein container, comme on dit aujourd’hui. Il faut échanger avec l’étranger mais il arrive une chose, c’est que la moitié des emplois du textile, la moitié de tous les emplois canadiens du textile, se trouvent dans le Québec. C’est peut-être parfois, que ça donne l’impression que ça fait moins mal, quand c’est le Québec qui mange la claque, de pouvoir vous parler des produits d’ailleurs. C’est des choses que l’on est obligé de soupçonner à l’occasion. Or, cette politique douanière, elle n’est pas à Québec, elle est à Ottawa.
Il y a finalement cette politique monétaire, cette espèce de grand mystère pour beaucoup de gens que ça énerve les questions monétaires. C’est bien normal parce que c’est bien important. La politique monétaire, là aussi, avec la Banque du Canada, Ottawa est tout seul à décider quelle doit être la masse monétaire chaque année. On n’a pas un mot à dire là dedans et ça veut dire les taux d’intérêt, ça veut dire la facilité ou la difficulté du crédit, ça veut dire quelque chose qui ne touche pas juste les entreprises mais les individus aussi dans leur vie, dans leur développement, puis dans leur régression quand c’est mal administré. Mais ça, on n’a pas un mot à dire là-dessus.
La masse budgétaire principale, la politique douanière qui est nos frontières, puis la politique monétaire qui affecte le crédit et littéralement toute la vélocité de l’économie, tout ça, c’est entre les mains d’un gouvernement qui se trouve à Ottawa et sous lequel le chômage a augmenté de 66% au Québec depuis 3 ans, 71% en Ontario et puis 64% dans l’ensemble du Canada. Ça, c’est les faits et une des raisons pour lesquelles c’est comme ça, c’est qu’ils ont tout fait mais uniquement sur un plan, c’est-à-dire toujours cette obsession de l’inflation qui est valable, l’inflation, même au risque de créer du chômage et de bloquer l’économie par des mesures qui ne donnent pas de résultats. Si c’était la première fois, on comprendrait mieux, mais je vais vous lire quelque chose qui a été dit pas par un professionnel devant ses pairs – vous savez que c’est sévère les gens qui se jugent entre eux -, devant les autres professionnels de sa profession qui est celle d’économiste, à l’Association des Economistes du Québec au mois de décembre 1977. Le 9 décembre 1977, il y a quelques semaines, Monsieur Pierre Fortin, qui est un des dirigeants de cette Association et qui n’a rien à voir avec la politique autant que je sache, disait ceci: « C’est la troisième fois en 20 ans que le Fédéral tente de mater l’inflation au moyen de politiques monétaires et fiscales créatrices de chômage et sans effet sur les prix ». Et Dieu sait que c’est vrai. « Je fais ici allusion aux expériences de 1959-1960, de 1969-1970 et puis de celle qui se poursuit actuellement. »
Et chaque fois le Québec et les Provinces atlantiques ont dû payer, surtout le Québec et les Provinces atlantiques, en chômage accru plus que leur part du coût de la politique fédérale. Ça, dans le régime actuel on n’y peut rien, sauf de dire, quand on a l’occasion, comme on va l’avoir le mois prochain, ce que l’on pense de tout ça. Il faudrait que les citoyens sachent concrètement qu’il y a cette division de responsabilités et que les responsabilités primordiales jusqu’à nouvel ordre, au point de vue économique, se trouvent là, les grands leviers se trouvent là et, s’ils sont mal employés trois fois de suite dans des politiques qui sont du cul-de-sac et qui font souffrir des gens, il faut tout de même qu’on le sache. Quand on dit trois fois, pendant ces années-là, c’est trois fois à peu près exclusivement le même gouvernement. Quand on est à même d’en juger, ça compte plus que certains petits refrains pour des citoyens conscients.
Alors que le gouvernement provincial a la volonté enragée de travailler sur l’économie, je viens de vous le dire, il n’a pas les principaux moyens. Il prend les moyens dont il dispose. Avec toute la volonté du monde, la plus belle fille du monde n’a rien que ce qu’elle a, c’est la même chose pour un gouvernement: quand tu es réduit à ce qui reste, tu travailles avec ce qui reste. Pourtant, pendant l’année qui vient de s’écouler, deux fois de suite, au mois de mars dans le premier budget et au mois de novembre dans le deuxième budget on a réussi à trouver 80 millions $ au printemps et 250 millions $ directement fournis par l’État, par les fonds publics, c’est-à-dire, un total de 330 millions $, comme effort contre le chômage, pour soutenir l’emploi, dans tous les secteurs où on pouvait fonctionner et on a quand même réussi à réduire un déficit qui n’avait pas de bon sens. Il a fallu serrer les ceintures dans tous les coins. On a réussi à sortir 330 millions $ en deux programmes du côté de l’emploi. Ce qui me frappe, c’est qu’à la fin de !’année, en décembre, au fédéral, monsieur Chrétien a réussi à trouver 150 millions $ pour tout le Canada pour stimuler l’emploi. Un programme extraordinaire : 53 millions $ pour le Québec. Et en même temps, il annonçait que son déficit venait d’augmenter d’un milliard, et bien ça aussi ça compte, l’incompétence administrative, l’incompétence crasse, surtout quand, littéralement, elle s’étale depuis 10 ans.
Du côté des secteurs traditionnels, j’ai parlé de secteurs mous tantôt, on a bâti de peine et de misère ce qu’on a appelé les mini-sommets pour faire dialoguer ensemble les gens du secteur du vêtement, les gens du textile, les gens du meuble, de la chaussure.
Avec les employés qui gagnent leur vie et qui ont besoin d’argent pour chez eux et les gens du gouvernement, pour à la fois être bien sûr qu’on analysait correctement, qu’on tirait au moins de ce qu’on peut faire à Québec, nous autres, des enseignements (on a des programmes d’assistance maintenant dans certains de ces secteurs-là et ça commence à fonctionner) et en même temps pour mettre de la pression sur l’autre gouvernement qui, comme je le disais, contrôle les douanes, contrôle les importations. On a fini par débloquer un peu l’action au niveau fédéral (qui attendait depuis des années), peut-être parce que les élections s’en viennent: il n’y a rien comme ça pour ouvrir les yeux. En tout cas, à force de pression, il y a quelque chose qui a commencé à se dessiner, du côté du textile, puis peut-être, incessamment, du côté de la chaussure, assez agonisante.
En même temps on a travaillé sur des secteurs dont ça fait longtemps que certains avaient besoin qu’on les prenne en main, un par un parce que c’est par grandes tranches que l’économie se développe, ou alors qu’elle a des problèmes. Par exemple le secteur de l’amiante: des mois et des mois ont été mis là-dessus. Ca faisait des années qu’on se disait: au Québec, surtout dans les régions concernées, on est propriétaire de la ressource mais c’est tous les autres qui l’exploitent. Nous autres, on creuse les trous, puis on prend de l’acide, de l’amiante, puis on en vend ailleurs, puis de plus en plus, on se fait accuser dans le monde – pas nous autres directement, mais les compagnies qu’on a tolérées – d’avoir empoisonné je ne sais pas combien de gens en Europe, puis aux États-Unis…
Alors on a dit: il faudrait rentrer dans ce secteur là. Ça a pris des mois, mais le secteur de l’amiante on va rentrer dedans, pis on va rentrer dedans concrètement, solidement, pour faire aussi bien de la recherche sur la santé, mais pour la faire sur place, pour nos gens d’abord, pour aider aussi les utilisateurs ailleurs. On n’a pas d’excuse de ne pas s’occuper de l’avenir de cette ressource-là et de la laisser manipuler indéfiniment et exclusivement par les autres avec les résultats qu’on voit sur deux continents. En Europe, on a condamné, eux, c’est devant les tribunaux dans bien des coins. Alors il fallait bâtir une politique de l’amiante, on a mis des mois là-dessus mais elle a été annoncée et on va essayer de la concrétiser. Ca ne se fait pas en criant ciseau.
Même chose du côté des pâtes et papiers: on a perdu quelque chose comme 20% de notre marché, je crois que c’est ça, le chiffre, parce que les autres ont avancé plus vite et se sont modernisés pendant qu’ici on laissait péricliter ces vieilles usines qui s’appellent, disons Wayagamack, disons Domtar et East Angus, qui s’appellent de tel autre nom. Ailleurs il y a quelque chose qui a été modernisé mais l’ensemble du secteur, on l’a laissé vieillir. Il y a même des usines où il n’est pas entré de nouvelles machines depuis 1914. Les profits sont sortis, mais l’équipement ne s’est pas modernisé. Il fallait étudier ça avec l’industrie, ça a pris des mois ça aussi. Là, ça commence à se dessiner. Il va falloir que l’industrie mette du sien, que le gouvernement, que le fédéral aussi s’en occupe qui est responsable de la modernisation du secteur des pâtes et papiers. Monsieur Trudeau vient de découvrir la lumière, il fait une conférence fédérale-provinciale au mois de février. Espérons que ce ne sera pas seulement un exercice pré-électoral. Une conférence fédérale-provinciale, qui, dit-il, est supposée s’occuper justement du moyen terme, c’est-à-dire des trois ou quatre prochaines années pour amorcer quelque chose du côté sectoriel. Il vient de découvrir qu’il y a des secteurs économiques: c’est le temps après dix ans. Alors on va leur apporter tout ce que l’on a et on va discuter avec eux autres. Tant que l’on est dans ce régime-là, on est obligé. Seulement nous autres, la première année on s’est mis à travailler des secteurs comme l’amiante, les pâtes et papiers, comme l’agro-alimentaire avec SOQUIA, comme l’acier, comme l’ensemble de nos sociétés d’Etat, qui ont grandi un peu à la va-comme-je-te-pousse: SOQUEM, SIDBEC, l’Hydro, ça, c’est autre chose, ça, c’est le géant. Mais là aussi, il y a des choses qui ont besoin d’être ajustées à l’époque d’aujourd’hui. Alors on a travaillé là-dessus, sur tous ces secteurs essentiels qui sont l’économie du Québec. Et on commence à définir des solutions à l’autre niveau: ils finissent par sortir quelque chose d’autre que la routine qui nous a mis dans le trou depuis dix ans.
Du côté financier, on n’était pas devant un cadeau non plus. Ça, c’est de l’économie, aussi. Du côté financier, vous savez, le Canada était l’an dernier, je pense, encore, avec 22, 23 millions d’ habitants , le plus gros emprunteur international. Ça ne peut pas se maintenir. Et là-dedans le Québec comptait beaucoup plus que sa part. C’était rendu à ceci. C’est la façon d’évaluer, si vous voulez, l’emploi qu’on fait de son crédit. À ce point de vue là, quand il s’agit d’une collectivité, c’est de prendre le produit, que l’on appelle national brut, ici on appelle ça actuellement lie produit provincial brut, et de voir quel est le pourcentage des emprunts par rapport à ce produit total. Jusqu’en 1975, c’était 6%, mais en 1975, avec les délires conjoints des Olympiques et de la Baie-James, en 1975-1976, c’était rendu à 82% et, en 1976-1977, qui s’est terminée au printemps dont on a hérité, c’était rendu à 12%. Ça avait doublé en l’espace de deux ans. On ne peut pas maintenir un rythme comme ça et prétendre garder son crédit sur les marchés, garder la considération du bon emprunteur. Alors il a fallu serrer ça immédiatement et on a réussi. Ça va être 865 millions $ cette année, les emprunts, au lieu de 1400 millions $. On a réussi à ramener pour l’année courante à 6%, à retrouver le rythme normal des années d’avant jusqu’à nouvel ordre.
Ca fait mal, c’est douloureux à faire, parce que je n’ai pas besoin de vous dire que tous les gars arrivent, puis ils disent: j’ai besoin de tel budget, de telle chose qui crie, etc. On est obligé de travailler fort pour être sûr que l’essentiel des priorités, on va y répondre, tout en mettant un terme à des choses qui ne pouvaient plus continuer à escalader comme ça. Ca fait mal, mais ça rétablit la stabilité du Québec, qui était dangereusement menacée. Vous savez que c’est de ce côté-là que c’est le plus inquiétant. Pas les grands refrains politiciens qui disent: l’incertitude, parce qu’il faudrait leur …. ce soir ou demain matin puis que c’ est donc effrayant, de l’incertitude. L’incertitude, je ne sais pas si vous avez remarqué, les milieux financiers internationaux, ils l’ont reconnu la stabilité du Québec. Nos emprunts, ils sont faits cette année, en dépit de tous les sparages de tous ceux qui essayent de secouer la baraque chaque fois qu’il y a une chance de faire un refrain de propagande puis de dire que le Québec s’en va chez le diable, etc.
Les milieux internationaux, qui sont froids, qui sont calculateurs, qui, je n’ai pas besoin de vous le dire, avant de lâcher des millions, se disent: attends un peu, il faut voir où est-ce qu’on les envoie. Les emprunts du Québec, non seulement ils se sont réalisés mais, tout récemment, le gouvernement et 1’Hydro ont réussi le deuxième plus gros emprunt (pour avoir une perspective de sécurité financière pour les grands travaux de l’Hydro), le deuxième plus gros emprunt du monde occidental pour l’année 1977 : un milliard et quart, 1 milliard 250 millions d’une claque, par un consortium de banques internationales en Europe, parce que les grosses années 1979-1980 pour les travaux d’en haut, dans le Nord, demandent qu’il y ait une réserve financière. Eh bien, elle a été consentie et tout en restant à l’intérieur, quand même, de cette compression générale qu’on s’est imposée finalement. Ça, plus le fait que depuis un an il y a eu le démarrage à coup de centaines de millions du nouveau grand projet pâte et papier de Saint-Félicien, on ne l’a pas inventé.
Si quelqu’un avait dit: le Québec est devenu incertain, on doit se méfier, eh bien, je n’ai pas besoin de vous dire, les partenaires étrangers qui sont là avec la SGF, ils auraient pris leurs patins et ils seraient partis. C’est en marche de la même façon que British Steel , qui a pourtant bien des problèmes en Europe, qui est avec Sidbec: ils sont rendus dans les 500, 600 millions $ pour développer Normines, le nouveau centre de minerai de fer sur la Côte Nord. De la même façon que GM (et ça, c’est avant qu’il soit question d’autobus) avait décidé d’ajouter un autre 40 millions $ à peu près à son usine de Sainte-Thérèse. Et tout ça fait que, quand tu regardes l’ensemble, tu es bien obligé d’admettre ceci: c’est maintenant à peu près confirmé. Pour l’année 1977, on va avoir les derniers rapports: actuellement l’augmentation totale des investissements au Québec, ça été 14% pour 1977. L’augmentation totale, à l’échelle de l’ensemble du Canada, ça été 10% ou exactement 10.2%. C’est arrivé comme ça. Une chose certaine, c’est que l’incertitude, là, puis l’espèce de tentation de crises de nerfs qu’essayent de répandre chez certains milieux nos adversaires, je les comprends de combattre, mais quand ils essayent de faire mal au Québec ils ne s’en rendent même pas compte, je suis obligé de dire: heureusement qu’ils n’ont pas complètement réussi, mais il a fallu se tenir le corps raide puis les oreilles molles pendant l’année par exemple, devant cette espèce de débandade littéralement de propagande contre nous autres. Vous en avez vu un bel exemple ces jours-ci avec Sun Life.
Vous savez, ça, c’est de l’incertitude créée, fabriquée. Ce que je trouve amusant, c’est les incendiaires politiques comme monsieur Chrétien, qui revenait de Washington après avoir calomnié le Québec – il n’était pas si tôt devenu ministre des Finances, son premier discours à l’étranger, c’était pour littéralement, il n’y a pas d’autre mot, quelque peu baver sur le Québec. En combattant le gouvernement, mais, en ne s’en rendant pas compte, c’est ça essayer de créer de l’incertitude. Je trouvais ça très drôle que lui puis Trudeau se promènent autour de la Sun Life, deux incendiaires avec des boyaux d’arrosage, pendant les derniers jours, pour dire à la Sun Life: ne faites pas ça, ne faites pas ça. Tu ne peux pas t’empêcher de demeurer un peu sceptique sur les origines du scénario, mais on n’est pas rendu là encore… Tout ce que je veux noter pour l’instant, depuis la deuxième réunion du Conseil d’administration de cette éminente et vulnérable compagnie, c’est que le minimum de décence, ils ont au moins accepté de s’y ranger. On ne peut pas prendre une décision comme ça, à Toronto par dessus le marché, avec des procurations que les assurés ont envoyées il y a un an, un an et demi. Ça, c’est un cas nouveau. Ça, on leur avait souligné la semaine dernière qu’il y avait là des choses qui pouvaient ressembler à de la lâcheté. Au moins, la nouvelle décision, avec ce délai de trois mois, c’est qu’ils vont essayer de se munir de procurations convenables et qui soient respectables pour leurs assurés. Il est évident, d’après ce que l’on peut voir qu’ils n’ont pas changé leur décision, ils la remettent à trois mois et à ce moment-là, avec les nouvelles procurations et ceux qui pourront être-là, la Sun Life décidera. Mais quand ils font semblant, dans leur dernier communiqué, de dire qu’ils vont attendre deux ans pour le grand déménagement, entre nous, ce n’est rien de nouveau. Ils répètent simple ce qu’ils avaient déjà dit la semaine dernière en changeant les termes. Ils avaient dit: on s’en va, mais ça va prendre deux ans, deux ans et demi avant que ce soit fait. Alors ils répètent la même chose, et la seule chose qu’ils ont changée c’est qu’ils ont remis au moins l’assemblée à trois mois, et là-dessus ils espèrent qu’il va y avoir le Conseil d’administration de la Sun Life.
J’espère qu’il va y avoir des changements constitutionnels bientôt pour protéger les droits des minorités. Tout ce que je peux dire, c’est que ce souhait politique purement politique, qu’ils ont évidemment trouvé tout seul, ne leur a pas été inspiré par personne. Que ce soit purement politique, de la part d’hommes d’affaires, aura toute la considération que cela mérite et, en même temps, ça souligne à quel point il s’agissait là quand même, avant tout, d’une manoeuvre politique. Je dirais simplement ceci: quoiqu’il en soit, nous sommes sûrs que, d’une alerte à l’autre, des alertes de ce genre-là, l’opinion québécoise achève de se vacciner de mieux en mieux contre ce genre de chantage. Qui plus est, il me semble que l’opinion québécoise devient de plus en plus consciente – des exemples comme ça c’est très éducatif – de la nécessité de changer une situation et un régime qui l’exposent constamment à se faire à la fois berner et exploiter d’une manière que la dignité d’un peuple ne pourrait pas tolérer très longtemps encore, surtout, un peuple qui a évolué, qui a des nouvelles générations qui n’accepteraient pas certains procédés d’autrefois.
Quant au gouvernement québécois, je peux vous assurer qu’ il maintiendra calmement, jusqu’à la fin de cette « incertitude », le mot à la mode, (là, c’est une incertitude savamment entretenue) la circulation et le rythme normal de sa mise au point sur le plan linguistique, d’abord qui a été évoqué comme prétexte. Il terminera sa réglementation sur les sièges sociaux découlant de la Loi 101 et, comme il l’a toujours été, l’Office de la langue française demeurera à la disposition des entreprises, Sun Life comme les autres, qui manifesteront le désir d’en discuter. Et touchant par exemple, le droit des minorités, qui préoccupe les dirigeants de cette compagnie, on pourrait étudier avec soin, puisque ça les préoccupe, la possibilité, les accords de réciprocité au point de vue de l’enseignement des jeunes que le Québec a déjà proposés à l’ensemble des provinces canadiennes. Il y a peut-être des pressions utiles à faire jouer de ce côté-là si vraiment ça les intéresse et d’autre part du côté concernant la question de l’épargne des Québécois et de l’investissement – assurance ou autres par les milieux financiers qui sont autorisés à collecter cette épargne pour l’assurance. Concernant cette épargne et la question de l’investissement de ces institutions financières, le gouvernement québécois va continuer à les étudier avec le plus grand soin, à étudier les mesures qui lui permettraient peut-être d’aider à canaliser cette épargne plus sûrement, plus raisonnablement comme elle doit l’être, et là aussi, avec la Sun Life comme les autres, il demeure et il demeurera toujours ouvert à un dialogue constructif, sans la moindre arrogance mais aussi sans servilité, comme doit se comporter le gouvernement d’une société qui est adulte, qui est capable d’être responsable aussi.
Maintenant, ce soir, en terminant, je dois souligner que ça illustre un cercle vicieux qui est particulièrement morbide pour la santé d’une société. Ce cercle vicieux, c’est celui-ci, vis-à-vis de certaines entreprises que je ne blâme pas d’être ce qu’elles sont: c’est plutôt nous qu’il faudrait blâmer si on ne s’en rendait pas compte.
C’est ou bien être condamné à être rampant, et résigné à n’importe quel statu quo, et à ce moment-là risquer à la fois d’être exploité et méprisé, et je n’ai pas besoin de vous faire un portrait linguistique pour certaines de ces entreprises; ou encore de se tenir debout, de prendre certaines mesures et alors de nous exposer à d’autres chantages, et même à des efforts de déstabilisation. Il va falloir comprendre ce cercle vicieux qui illustre bien le genre de décision dont on n’a pas parlé depuis le début, ce soir – je m’excuse d’avoir été trop long.
Je vais passer très rapidement là-dessus: je voulais plutôt faire un sommaire, seulement les événements nous obligent à le souligner. Il va falloir se pencher sur notre vocation propre.
Monsieur Trudeau a fait une petite tournée pré-électorale, je crois le mois dernier, Sherbrooke, Stanstead; etc. Dans les comptes rendu que j’ai lus, lui aussi, il disait ça: Québec, il va falloir, si on veut que ça dure, qu’on arrête d’être comme un adolescent qui n’est pas capable de se décider s’il veut devenir un curé ou entrer dans la police montée. Il y en a bien qui, comme choix de vocation, aurait pris Premier ministre. C’était un choix, de sacerdoce, pour 1’au-delà, pas pour ici-bas. Dans l’état actuel des choses, c’est plutôt un sacerdoce dans les bas fonds. Il y aurait moyen de proposer mieux à la population, mais poigné comme on l’est, puisqu’il faut se brancher, je crois que le choix de vocation du Québec va se présenter bientôt. C’est un choix entre la vocation d’éternel adolescent de quelqu’un qui prolonge son adolescence, c’est vrai, et qui risquerait de devenir un raté s’il demeurait trop longtemps dans un état de dépendance, en continuant à recueillir chez lui les miettes qui tombent de sa propre table, ou l’autre vocation, celle d’un homme libre qui connaît ses dons, qui connaît ses ressources, qui cesse de se minimiser, qui cesse d’écouter les propagandes qui essaient toujours de lui faire croire qu’il est plus petit qu’il ne l’est. S’il ne faut pas se prendre pour d’autres; il ne faut pas non plus se prendre pour microscopique
Cet homme-là, étant libre, est sûr de lui et décide de se débarrasser de l’espèce de camisole de force qu’est un régime qui est dépassé et qui entretient encore à Ottawa ou ailleurs des préfets de discipline, comme au temps où j’étais petit gars et où i l fallait même demander la permission pour aller faire pipi. Il va falloir que cette décision-là soit prise. Je peux me tromper, mais je crois, et j’ai profondément confiance, qu’il y a chez nous assez de maturité et assez de fierté. Il y a ce goût presque nostalgique de la dignité d’un peuple, dans le Québec. Il s’affirme ces années-ci et il va s’affirmer de plus en plus, lorsque les enjeux auront été clairement expliqués, autrement que par des fofolleries comme ça et de l’indiscipline. Quand les enjeux auront été clairement expliqués et que viendra 1e moment de se brancher, le Québec choisira 1’option de l’homme adulte qui se respecte et qui n’est pas celle de l’éternelle dépendance.
Merci beaucoup.
[QLVSQ19780116]