Monsieur le Président,
Monseigneur,
Chers collègues,
Chers amis,
mes chers confrères et consoeurs de l’âge d’or,
Pour reprendre les termes de la présentation de Madame Pronovost, pour un gars qui n’aime pas les complications j’ai eu besoin de tout mon humour cette semaine surtout du côté des invitations. Je remercie en son absence, monsieur le Maire Drapeau d’avoir souligné qu’il y a quand même des dialogues encore possibles à la même table avec les municipalités. En dépit de ces problèmes d’invitations que j’ai eus cette semaine en tout cas, je veux vous dire une chose, c’est que celle-ci, pour tout l’or du monde je ne l’aurais pas manquée. Je suis venu très rapidement car je sais que vous avez une soirée assez remplie. Tout d’abord, je veux vous féliciter pour l’ampleur de ce congrès; féliciter les organisateurs, féliciter aussi les dirigeants de la Fédération, M. Jutras et tous les autres qui lui ont donné une telle ampleur et qui ont fait quelque chose qui, à condition de ne jamais l’oublier, a un rôle extraordinairement important à jouer dans une société comme la nôtre. Une des résolutions qu’on m’a remise tout à l’heure, souligne que la Fédération doit être le porte-parole, le défenseur de la personne âgée. Je veux vous parler un petit peu de ça rapidement, à condition évidemment qu’on découvre où se trouve exactement la ligne, où commence l’âge d’or, le troisième âge, le deuxième âge, car on commence à avoir toutes sortes de définitions. J’ai vu des groupes qui me disaient que c’est plus qu’une question d’âge quand ils ont su que je venais d’arriver à l’âge officiel. Moi, je considère que l’âge officiel, 55 ans, c’est une période d’apprentissage. Est-ce qu’on ne pourrait pas s’entendre pour que la période d’apprentissage de l’âge d’or ou du troisième âge, peu importe, commence à 55 ans? Moi, je me sens en plein comme un apprenti. On pourrait établir que la personne âgée est celle qui a 65 ans, du moins pour le moment. Les lois actuelles ont été rédigées dans cet esprit et les pensions sont également distribuées à partir de 65 ans. Donc, actuellement au bout de 10 ans l’apprentissage est terminé et on arrive à ce qu’on peut appeler le troisième âge véritable. Au sujet du troisième âge, j’ai découvert certaines petites choses que tout le monde devrait savoir. Ainsi, d’ici 5 ans, le nombre de personnes de 65 ans et plus va augmenter, chez nous au Québec, 3 fois plus vite que l’ensemble du reste de la population. Le taux de croissance des personnes âgées de 65 ans et plus va être de plus de 3 % par année à comparer avec celui de l’ensemble de la population qui sera d’un peu moins de 1 %. En chiffres absolus cela signifie que dans cinq ans, les Québécois de 65 ans et plus auront augmenté de 77 000. Je pense que toute la société doit tenir compte de cette réalité. Il faut que vous en teniez compte vous aussi, qui êtes vraiment le relais entre l’ensemble de la société et les gens qui ont les problèmes de l’âge. Les problèmes de l’âge sont tous reliés les uns aux autres. D’abord la santé: qu’on le veuille ou non il y a toujours des problèmes de ce côté-là à mesure qu’on vieillit. Ensuite,le problème de l’isolement: très souvent on voit ses contemporains qui disparaissent et puis un moment donné, on se dit qu’il faut tout de même garder le contact. Il y a également le problème des loisirs qui rejoint celui de l’isolement: là-dessus vous faites un travail qui est véritablement une splendeur et je tiens à vous en féliciter d’une façon très particulière. Donc, tous ces problèmes sont reliés parce que finalement il y en a un qui est au fond de tous ceux-là: le problème du revenu, qui est relié aussi très directement souvent à celui du logement. Je demande à ceux qui sont ici de nous aider à ne jamais oublier qu’il y a plus de la moitié des ménages de 65 ans et plus qui sont en dessous de ce qu’on appelle le seuil de la pauvreté. Il y a trois personnes âgées sur cinq qui sont obligées de recourir au supplément de la pension et il y en a un tiers qui n’ont pas d’autres revenus que la pension de vieillesse. Quand on parle des personnes de 65 ans et plus, on se trouve donc en présence d’un secteur de la population dont l’expansion numérique va aller littéralement en galopant pendant les années qui viennent. Pensons-y parce que c’est aussi un des plus négligés des secteurs du Québec et c’est là que se ramassent les problèmes les plus urgents et les plus douloureux; des problèmes que très souvent on ne s’est pas donné la peine d’analyser parce que traditionnellement nos personnes âgées ne font pas de bruit, elles ne sont pas exigeantes et elles ne sont pas organisées. Or, nous vivons malheureusement à une époque où ce sont ceux qui crient le plus fort et parfois qui ont le plus de pouvoir de chantage qui réussissent à arracher les morceaux dont ils ont besoin. Vous constituez peut-être la première force de frappe, le premier mouvement de pression chargé de rappeler continuellement à notre société qu’elle a des devoirs de ce côté-là, des devoirs qu’à bien des égards elle a trop longtemps négligés. À ce sujet d’ailleurs, nous vous demandons un coup de main pour remplir nos engagements. Avant les élections puis aussi l’an dernier, pendant la campagne électorale, nous avons mis une priorité sur une politique qui s’adresse aux personnes âgées. Il faut faire attention au mot « priorité ». C’est un mot dont tout le monde abuse facilement. C’est un mot qui doit s’appliquer à des choses qui sont vraiment urgentes et qui méritent qu’on y consacre des énergies et des ressources. Il s’agissait d’abord et avant tout d’aider ceux qui sont les plus mal pris. Il y a, au Québec, des milliers de personnes âgées qui n’ont jamais eu la protection dont peuvent bénéficier les travailleurs d’aujourd’hui et qui n’ont jamais eu la chance de faire valoir leurs droits. Ils ont passé toute leur vie avec des salaires dont aujourd’hui plus personne ne se contenterait, même en tenant compte de l’inflation. Ils ont très souvent été obligés d’être comme on l’a dit tout à l’heure des bâtisseurs, de fournir leur force pendant toute leur vie pour se retrouver aujourd’hui presque complètement isolés, oubliés, laissés pour compte. Alors, tout ce que vous avons fait depuis une dizaine de mois, a été de ne pas oublier que ça pressait et que ça devait être une des priorités véritables, pas une priorité comme un mot abusif, mais une priorité concrète. Nous étions en période d’austérité – Monsieur le Maire ayant eu l’amabilité de venir ici, je ne dirai pas que c’était une austérité qui nous était imposée par certaines choses somptueuses qu’on s’était permises depuis quelques années – mais malgré l’austérité, nous avons essayé au moins de poser des jalons. Par exemple aujourd’hui, et je suis content que ça arrive aujourd’hui, le premier octobre, est entrée en vigueur une loi qui accorde la gratuité totale des médicaments à toutes les personnes de 65 ans et plus. Je pense que c’était un minimum qui vous était dû depuis longtemps. Ce n’est pas énorme ce que l’on a fait depuis dix mois et je suis bien conscient qu’il y a bien d’autres choses à faire, mais au moins on a essayé de remplir certains des engagements qu’on pourrait tenir la première année. J’ai vu assez de gens qui sont à l’âge de la pension, qui ne sont pas officiellement pauvres et qui n’ont pas envie de se déclarer officiellement pauvres parce qu’ils n’ont pas vécu comme des quêteux. Il y a une certaine dignité dans nos générations plus anciennes que parfois on devrait retrouver dans les générations qui ont suivi. Cependant, quand arrive la troisième ou la quatrième semaine du mois on n’arrive plus. Les revenus ne sont plus ce qu’ils étaient et la santé non plus. Arrivé à un certain âge, la maladie peut durer assez longtemps et nécessite beaucoup de médicaments. S’ils sont prescrits, il faut que ces médicaments soient disponibles gratuitement pour toutes les personnes de 65 ans et plus. Puis, on a découvert le long du chemin une chose qui était parfaitement injuste et que j’ignorais. La pension, c’est-à-dire, la rente du Québec était diminuée pour ceux qui avaient le courage et qui avaient encore le goût de travailler après 65 ans. Nous nous sommes dit que ça ne tenait pas debout. Je ne sais pas pourquoi on a mis un règlement de fou comme ça. Pourquoi donc décourager des gens qui ont encore le goût de travailler et de participer à la société? Nous avons donc mis fin à cette aberration et ce règlement est maintenant aboli. Du côté des loisirs, nous avons également posé certains gestes. Par exemple, depuis cet été, nous avons instauré la gratuité des terrains de camping gouvernementaux pour les personnes du troisième âge. Nous avons commencé aussi quelque chose dont je suis fier, à condition que ça devienne un petit réseau le plus vite possible: c’est ce que l’on peut appeler les auberges de l’âge d’or. La première a été ouverte au mois de juin. J’en suis particulièrement fier simplement parce que c’est un des plus beaux coins du Québec. C’est la Maison Montmorency, vous savez, l’ancien Kent House, ça vous rappelle peut-être des souvenirs. Achetée avec des fonds publics, on ne savait qu’en faire depuis trois ou quatre ans. Puis, une idée géniale est passée dans la tête de Yves Duhaime, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Il s’est dit: « Il y a déjà l’idée des auberges de la Jeunesse dans notre société moderne; alors, pourquoi ne pas développer également des auberges de l’âge d’or? » Alors, comme vous le savez, la première auberge de l’âge d’or fonctionne depuis cet été, juste à côté des Chutes Montmorency, dans l’ancien Manoir du Duc de Kent. Nous espérons d’ici un an ou deux former un réseau d’auberges de ce genre qui seraient situées dans les plus beaux coins du Québec. Du côté des vacances, nous sommes en train d’étudier la possibilité d’organiser également des centres de vacances qui pourraient être reliés aux clubs de l’âge d’or, de façon à ce que les gens qui n’ont pas la chance de pouvoir profiter d’endroits aménagés puissent en trouver ici et là au Québec. Enfin, il faut parler d’un problème crucial qui est celui d’une politique de logement. Cette année, nous réussirons à mettre en chantier à peu près 3000 unités de logements subventionnés. Nous avons mis un gros effort là-dessus, même si bien des gens ne s’en sont pas rendu compte. Nos amis les journalistes ont rempli les journaux puis la télévision du problème de la langue, mais pendant ce temps-là il y a d’autres choses qui se réalisaient, comme par exemple essayer de réorganiser puis de débloquer une politique de logement. J’espère que ça va s’accélérer maintenant, mais déjà, si on compare à la moyenne de trois ans avant cette année, la moyenne était de 1700 unités de logements subventionnés par année. Si monsieur le Maire était encore ici, je lui dirais que son Village olympique, dont on ne savait pas trop ce qui en arriverait, va au moins servir pour la moitié à quelque chose d’absolument essentiel; c’est que c’est devenu 970 appartements à loyers contrôlés; et parmi ces 970 appartements, qui s’ajoutent aux 3000 dont je viens de parler, la moitié seront réservés aux gens du troisième âge. Toutes ces mesures dont je viens de parler ne sont que des amorces. Il y a une chose fondamentale qu’il va falloir bâtir ensemble, c’est une politique qui répondrait aux besoins des gens de 65 ans et plus. Cette politique devrait s’articuler selon l’ordre suivant: premièrement, en autant qu’il est humainement possible, que les gens qui atteignent le troisième âge puissent d’abord et avant tout avoir tous les services nécessaires, tous les moyens requis pour continuer à demeurer chez eux, là où ils ont vécu, là où ils veulent continuer à vivre, pour aussi longtemps qu’ils le veulent. Ca implique une série de services tels que les soins à domicile par exemple. On a un peu augmenté le budget à ce chapitre cette année – on ne pouvait pas aller plus loin – mais ce n’est pas seulement une question de budget, c’est une question de compréhension dans la société; c’est une question de loisirs pour bien des gens qui pourraient mettre une partie de leurs temps libres à donner un coup de main aux personnes âgées. Celles-ci n’ont souvent besoin que d’une présence ou d’une fréquentation des gens du voisinage pour garder le goût de demeurer chez eux. Le deuxième pallier d’une politique qui se tiendrait debout consisterait à assurer un nombre suffisant de petits logements subventionnés pour les gens qui sont forcés, comme on dit, de casser maison, parce qu’ils n’ont plus la force nécessaire pour maintenir leur foyer. On a fait un certain chemin depuis quelques années pour construire de ces petits logements au profit des gens âgés du voisinage, mais il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins. Et finalement, il faut également qu’il y ait des foyers, des centres d’accueil. Mais il ne faut pas que les centres d’accueil, comme c’est arrivé trop souvent, deviennent quasiment des hôpitaux pour malades chroniques. Dans un centre d’accueil, il y a des gens qui peuvent être suffisamment en santé pour profiter de leurs loisirs, pour avoir le goût de vivre. Les hôpitaux nous coûtent assez cher pour que les lits qui sont libres un peu partout soient transformés, là où c’est possible, en lits pour malades chroniques. Ainsi, on cessera d’encombrer les foyers et d’y créer un climat paralysant, comme cela se produit encore très souvent. Je vous le dis à nouveau, il y a des choses pour lesquelles nous aurons besoin de votre appui et de votre perception de la société. Nous venons de faire des tournées, moi et mes collègues, qui nous ont appris beaucoup de choses. Par exemple, quand je suis allé à Rouyn-Noranda en tournée, nous avons rencontré un groupe de bénévoles qui s’occupent d’aide domestique. Une dame du groupe, qui prodigue comme bénévole des soins à domicile avec tous ses petits moyens, nous a laissé un petit mémoire d’une page, et si vous le permettez, je vais vous le lire, ce sera presque ma conclusion. [Ce projet d’aide à domicile nous a permis de constater une fois de plus que dans notre région, deux personnes seulement étaient disponibles pour aller à domicile, l’autre travailleuse devant rester à la réception, alors qu’il aurait fallu trois travailleuses de plus pour donner un service vraiment complet. Vous voyez qu’ils ne demandent pas grand chose à la population, les gens âgés et les défavorisés, dont personne ne s’occupe. Ce n’est pas tout de leur donner un chèque d’aide sociale: certains en plus ont d’autres besoins. Les invalides qui ne peuvent pas marcher seuls, ne peuvent pas aller chez le coiffeur ou dans les magasins sans être accompagnés de quelqu’un. Nous en avons vu de toutes les sortes. Les handicapés physiques ou les malades à la maison ont besoin de contacts humains. Nous avons des témoignages de personnes âgées qui n’ont pas pu sortir de chez-elles depuis 3 ans. C’est vrai que ça existe. Elles ne peuvent pas aller à l’épicerie ou nulle part ailleurs et elles doivent toujours faire faire leurs commissions par les autres. S’il y avait une personne pour les accompagner ou si on pouvait leur fournir une chaise roulante, ces personnes pourraient à certaines occasions faire une sortie qui leur ferait du bien, elles se sentiraient sur le même pied d’égalité que les autres, malgré leur handicap. Ces personnes âgées, il ne faudrait quand même pas qu’elles s’en aillent en foyer; elles disent qu’elles sont bien chez elles, qu’elles regardent dehors et que c’est le même environnement depuis X années, qu’elles se sentiraient déracinées si elles allaient ailleurs. S’il y avait un service d’aide pour aller les aider deux jours par semaine pour les plus gros travaux, ça irait. On a rencontré beaucoup de ces cas; il s’agissait seulement de Rouyn-Noranda, mais j’ai vérifié et puis c’est vrai partout. Ces gens-là vivent de leur pension seulement: ils ne peuvent pas se permettre de se payer une aide mais le besoin est là quand même. Ils étaient tous contents de voir qu’enfin un service pouvait les aider, mais on leur a dit de ne pas se créer d’illusions, car on ne pouvait pas leur assurer que le service continuerait après le 27 mai.] Vous savez, c’est un de ces damnés programmes genre « perspective-quelque chose »; ça répond à un besoin, puis après ça on l’enlève. Mais malgré tout, ils ont l’espérance qu’un jour le service sera réinstallé sur une base annuelle. Je pense que là-dessus la Fédération, qui se veut le porte-parole et défenseur de la personne âgée, doit se servir des groupes de pression et doit agir elle-même comme un groupe de pression, parce que souvent, nous en avons besoin pour établir les priorités pour qu’on s’occupe en priorité de choses comme celles-là. Il me semble que c’est un des objectifs les plus nobles, les plus civilisés qu’une société peut avoir que d’assurer aux gens qui arrivent à un âge avancé la sécurité et tout ce qui peut rester de mesures de bonheur pour le temps qu’il leur reste à vivre. En terminant, et ce n’est pas parce que je viens d’entrer dans la fraternité, je vous dirai simplement ceci: parmi bien d’autres objectifs qu’un gouvernement est obligé de courir constamment, si dans 3 ans on se débarrassait de nous pour nous remplacer par d’autres et si pendant la durée de notre gouvernement nous avions réussi à bâtir une fois pour toutes une bonne politique civilisée pour les personnes âgées, eh bien moi, je serais très fier! Si nous pouvons le faire solidairement, ce sera d’autant plus sain, d’autant plus durable. Alors, bonne fin de soirée et bonne fin de Congrès.
[QLVSQ19771001]