Discours du trône, Québec, 28 décembre 1867

Pierre Joseph Olivier Chauveau, 1867-1873

Honorables Messieurs du Conseil Législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,

C’est avec bonheur que je vous souhaite la bienvenue dans cette ancienne province de Québec, à l’occasion de l’ouverture de cette première session de notre Législature Provinciale.

La session du Parlement fédéral, qui vient de s’ajourner, est l’heureuse inauguration de la nouvelle constitution du Canada, et je ne crois pas me tromper en exprimant l’espoir que les sentiments de fidélité à Notre Gracieuse Souveraine, d’attachement aux institutions de l’Empire Britannique et de dévouement aux intérêts de la nouvelle confédération, qui se sont manifestés dans le Parlement, distingueront également cette première session de notre Législature.

La constitution vous a confié de grands intérêts et imposé de graves devoirs, relativement à l’administration de la justice, à l’instruction publique, à l’organisation civile et municipale, à la bienfaisance publique, au patronage des sciences, des lettres et des arts, à l’exploitation du domaine public, comprenant celle de nos vastes forêts et de nos mines si importantes, au développement de nos ressources sociales, à l’immigration, à la colonisation, à la police, et en général aux lois civiles et au droit de propriété.

Elle a en même temps pourvu à ce que tous ces intérêts fussent placés sous la sauvegarde des principes de la constitution britannique, et immédiatement après avoir accepté la tâche de présider au gouvernement de cette province, j’ai dû m’entourer de conseillers responsables au peuple, et partager entre eux la direction des divers départements de l’administration.

L’organisation de ces départements s’est opérée assez promptement pour épargner aux intérêts confiés à leurs soins les inconvénients d’un interrègne trop prolongé mais en même temps avec économie, tant sous le rapport du nombre des fonctionnaires, que sous celui des traitements qui leur ont été provisoirement accordés.

Messieurs de l’Assemblée Législative,

Quoique certains revenus soient affectés au trésor de cette province par la constitution, le montant annuel dont vous pourrez disposer sans recourir à de nouveaux impôts ne sera clairement établi qu’après l’arbitrage voulu par le quarante-deuxième article de la constitution, en ce qui concerne les finances des ci-devant provinces du Haut et du Bas-Canada.

Dans ces circonstances, il ne serait point prudent de soumettre à la Législature aucune mesure importante et entraînant des dépenses considérables ; mais comme d’un autre côté, le peuple de cette province ne saurait se résigner à voir languir même temporairement les intérêts de l’instruction publique, de la colonisation de la bienfaisance publique, le budget, pour ces divers services, ainsi que pour le service civil, vous sera soumis, en même temps qu’un état des dépenses encourues jusqu’ici pour l’installation, l’organisation et le fonctionnement du Gouvernement.

Honorables Messieurs du Conseil Législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,

Des mesures vous seront soumises pour l’organisation des départements de l’administration, pour l’interprétation des statuts, et pour le contrôle des dépenses du gouvernement.

Votre attention sera aussi appelée sur les moyens les plus propres à développer la colonisation et à stimuler le zèle des municipalités et des associations particulièrement en faveur de cette œuvre nationale si importante au point de vue des intérêts de cette province dans la confédération et du Canada lui-même sur ce continent. Vous jugerez sans doute aussi qu’un des moyens d’augmenter notre population, c’est d’attirer et de retenir parmi nous l’émigration des Îles Britanniques et du continent de l’Europe, en même temps que nous rendons plus facile l’établissement des enfants du sol sur les terres publiques.

Le perfectionnement de notre agriculture, une exploitation régulière et prudente de nos forêts et de nos mines, sont encore des sujets dignes d’occuper le gouvernement et la Législature.

Les progrès de l’instruction publique, la culture des sciences, des lettres et des arts sont à notre époque non seulement des moyens de développement et de prospérité pour un peuple, mais après l’élément religieux, constituent le signe le plus évident auquel se reconnaissent les nations vraiment civilisées.

Déjà l’ancienne province du Bas-Canada a fait dans cette direction des efforts récompensés par des succès remarquables, et, justement jaloux de ne nous laisser rien à envier aux autres pays, le gouvernement précédent à fait étudier en Europe les systèmes d’éducation qui y sont suivis ainsi que les institutions littéraires et scientifiques de l’ancien monde, dans le but d’ajouter aux nôtres ce qui peut encore leur manquer. Ce grave sujet devra attirer prochainement toute l’attention de mon gouvernement.

Occupant une position géographique importante dans la confédération, renfermant les deux villes les plus anciennes et les plus populeuses de l’Amérique Britannique, peuplée par les descendants des deux plus célèbres nations de l’Europe, ayant dans les nobles sacrifices consommés autrefois sur cette terre pour l’établissement de la foi chrétienne et de la civilisation, et même dans les luttes de nos ancêtres français et anglais, le passé le plus glorieux, cette province ne peut que jouir d’un avenir de bonheur, si ses habitants continuent de développer en paix et en harmonie les germes de prospérité qui leur sont échus. Je ne doute pas que votre sagesse et l’amour que vous portez à notre commune patrie ne vous en suggèrent les moyens.

Né au milieu de vous, ayant pris part aux délibérations et aux travaux des législatures et des Gouvernements précédents, j’ai à peine besoin de vous dire combien la haute mission qui vous a été confiée possède mon respect et mes sympathies. J’implore la divine Providence pour qu’elle daigne bénir vos travaux, et vous combler vous et vos familles de tous ses bienfaits pendant la nouvelle année qui va commencer et durant laquelle nous sommes appelés à poser les bases de la grandeur et de la prospérité de notre province de Québec, si chère à nous tous.

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