Discours du trône, Québec, 8 novembre 1950

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,

La troisième session de notre vingt-troisième Législature s’ouvre au début d’un mois spécialement célèbre à cause de deux grands événements qui apportent beaucoup de bonheur à la population de notre province.

Le premier novembre Notre Très Saint Père le Pape définissait le dogme de la glorieuse Assomption de la Mère de Dieu. Dans quelques jours, Il déclarera bienheureuse la vénérable Marguerite Bourgeoys, une illustre pionnière de l’éducation au Canada et la fondatrice d’une noble communauté religieuse qui poursuit, avec grand succès, son œuvre salutaire. Comme il convient, le gouvernement catholique de Québec a délégué deux membres de notre Conseil Exécutif à ces mémorables cérémonies dans la Ville Éternelle.

C’est la première fois que je préside l’ouverture d’une session de la Législature et je veux d’abord réitérer à mon prédécesseur, Sir Eugène Fisses, nos meilleurs souhaits d’une heureuse retraite et de nombreuses années de santé et de bonheur. Comme couronnement d’une carrière publique fructueuse, Sir Eugène Fiset occupa, avec beaucoup de succès et de dévouement, le poste de lieutenant-gouverneur de Québec pendant plus de dix ans, fait sans précédent depuis la Confédération.

Quant à moi, je m’efforcerai d’accomplir fidèlement les devoirs qui m’incombent et de continuer, à Bois de Coulonge, les saines traditions de mon prédécesseur. Avec beaucoup de plaisir et d’émotion je reviens à Québec. Me sera-t-il permis d’ajouter que j’y retrouve des souvenirs très chers: ceux du père de ma mère, l’honorable Honoré Mercier, et de mon oncle, Sir Lomer Gouin, qui ont joué, dans la vie publique québécoise, un rôle particulièrement remarquable?

C’est ici même à Québec, en 1864, que furent jetées les bases de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Près d’un siècle plus tard, exactement quatre-vingt-six ans, dans la même vieille capitale, les représentants de tous et de chacun des onze gouvernements du Canada – événement historique de haute signification -, se sont réunis pour jeter les bases d’une nouvelle constitution essentiellement canadienne, faite au Canada, pour les Canadiens et par des Canadiens.

Mon gouvernement a été bien heureux de faciliter la tenue de cette très importante conférence dans la vieille capitale. L’atmosphère cordiale qui en a caractérisé les délibérations et les décisions est de bon augure. Nous sommes persuadés que le respect intégral de l’autonomie provinciale est essentiel à l’unité nationale bien comprise. Les représentants de notre province à ces assises historiques ont proclamé avec raison que la constitution canadienne est la résultante, d’abord et surtout, d’un pacte conclu entre deux grandes races, dont les traditions, les talents et la culture enrichissent le Canada d’un actif insurpassé.

De toute évidence, notre province est profondément attachée aux principes démocratiques et au gouvernement responsable pour l’établissement duquel nos ancêtres ont livré des luttes inoubliables. Nous sommes convaincus que le seul système gouvernemental approprié et juste est celui en vertu duquel l’état provincial et l’état fédéral, chacun dans sa sphère respective, possèdent les pouvoirs essentiels au gouvernement responsable et démocratique, et cela, tant au point de vue législatif et administratif qu’au point de vue financier. C’est l’intime désir du gouvernement et sa ferme intention de coopérer amicalement, sur des bases justes et constitutionnelles, au succès de ces assises intergouvernementales canadiennes.

La Législature a été convoquée pour aujourd’hui, afin de pouvoir aider davantage les malheureuses victimes des sinistres de Rimouski et de Cabano. Mon gouvernement a déjà fait beaucoup pour les secourir, mais des lois spéciales s’avèrent nécessaires en l’occurrence.

Comme toujours, mon gouvernement est d’opinion que l’agriculture doit occuper la première place dans l’économie de la province et des mesures adéquates vous seront soumises dans le but et avec l’effet de contribuer encore plus au progrès et à la prospérité durable des cultivateurs; facteurs indispensables de stabilité économique et nationale.

Mon gouvernement croit qu’une politique de colonisation à la fois réaliste et progressive est un complément nécessaire à l’agriculture; il entend réaliser cette politique aussi parfaitement que possible.

En ce qui concerne la santé, beaucoup a déjà été accompli. Artisan de la multiplication des sanatoriums et des hôpitaux, mon gouvernement généralisera et perfectionnera les moyens de protection de la santé publique. Toutefois, il est persuadé que la santé corporelle est incomplète sans la santé spirituelle.

Mon gouvernement s’occupe avec succès de l’établissement durable et profitable de notre jeunesse. Il facilite à nos jeunes une éducation et une formation saines, respectueuses des principes éternels et conscientes des conquêtes réalisées par les progrès de la science. Il sera toujours agréable à mon gouvernement de contribuer généreusement au succès de l’enseignement, à tous ses paliers, et de respecter intégralement les droits des parents et ceux du Conseil de l’Instruction publique.

Il est certain qu’il ne suffit pas de développer et de fortifier le corps pour prévenir la maladie; il faut aussi empêcher la contagion pernicieuse. Avec une sage prévoyance, que d’autres pays lui envient, mon gouvernement mène depuis longtemps la lutte contre le communisme athée et ennemi de la démocratie et des valeurs spirituelles ont la richesse de notre civilisation chrétienne. La lutte anticommuniste sera poussée avec plus de vigueur que jamais, si possible. C’est un devoir sacré qui ne porte aucune atteinte à la vraie liberté, celle des honnêtes gens.

Mon gouvernement est fermement convaincu que le sens de la responsabilité personnelle et la grande loi du Travail sont des gages nécessaires de progrès et de prospérité durables. Il n’a pas confiance au paternalisme d’état non plus qu’à la démagogie. Il désire sincèrement réaliser toutes les améliorations légitimes, possibles et appropriées, mais il sait qu’aucun gouvernement au monde ne peut tout faire seul.

Le capital et le travail sont tous deux indispensables; ils ne doivent jamais oublier que la meilleure manière d’assurer l’exercice d’un droit c’est encore et toujours par l’accomplissement du devoir qui lui est corollaire. La coopération entre l’employé et l’employeur est absolument nécessaire mais elle doit être étayée sur la justice et sur le respect des droits et des devoirs de chacun.

Sa réputation traditionnelle d’ordre et de stabilité, un des grands actifs de notre province, favorise les développements industriels extraordinaires dont Québec bénéficie depuis quelques années. Des richesses minières, inutilisées jusqu’ici, commencent à être mises en valeur et de nombreuses industries, petites et grandes, naissent un peu partout dans la province, multipliant les emplois rémunérateurs et garantissant une prospérité continue.

Ces développements féconds, de même que les progrès énormes réalisés dans notre importante industrie du tourisme, nécessitent l’expansion de nos services publics, et plus spécialement de notre voirie. Un bon réseau routier est aussi vital que la parfaite circulation du sang dans l’organisme humain ; il est indispensable à la vie agricole, industrielle et commerciale. Il a dans chaque pays, dans chaque province, ses exigences particulières et son caractère propre. En matière de voirie, de fructueuses améliorations ont été accomplies qui doivent être continuées et complétées suivant un plan méthodique et avec diligence. Mon gouvernement se propose de faire davantage pour faciliter les moyens de communications durant l’été et durant l’hiver.

Mon gouvernement attache une importance primordiale à la protection ainsi qu’à la mise en valeur de nos immenses ressources naturelles: forêts, pouvoirs d’eau, mines, faune, pêcheries. Pour atteindre entièrement cet objectif, il emploiera les procédés les meilleurs et les plus conformes aux intérêts de la province et au bien-être de sa population.

Mon gouvernement continuera à généraliser et encourager la petite propriété, un des facteurs les plus efficaces et les plus solides de paix sociale et de réels progrès.

Diverses lois d’intérêt public et privé, concernant plusieurs domaines administratifs, seront soumises à votre étude et à vos décisions.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale terminée vous seront communiqués. Vous voudrez bien voter les crédits nécessaires à l’administration de la province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je demande à la divine Providence de bénir et de féconder vos travaux et de répandre ses bienfaits sur notre chère province.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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