Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959
Honorables messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Vous avez été convoqués pour continuer l’élaboration des mesures progressives que le gouvernement désire appliquer sans tarder, pour reprendre l’étude des projets particuliers, plusieurs d’intérêt public, qui sont devenus caducs à la dissolution de la dernière législature, et aussi pour examiner différentes autres lois qui vous seront soumises.
L’avènement de Sa Majesté le roi George VI, dont le noble caractère et les belles qualités avaient depuis longtemps gagné tous les cœurs, a été salué avec joie chez nous. Au milieu des vicissitudes des temps présents, il est consolant de constater que le trône reste non seulement le symbole du lien qui unit les nations britanniques, mais le rempart de nos institutions démocratiques et de nos libertés constitutionnelles. Daigne le Ciel guider toujours les actions de notre nouveau Souverain et lui accorder, ainsi qu’à notre très gracieuse Souveraine, un règne long, heureux et des plus prospères.
Le redressement économique, en notre province, s’effectue graduellement, mais sûrement. Grâce aux qualités de notre population, grâce aux initiatives du ministère, grâce aussi aux mesures que vous avez approuvées à la dernière session, l’avenir s’annonce meilleur. Sans doute, de savoir que la politique et la législation sont orientées vers la protection du capital humain, que l’agriculture et la colonisation occupent, dans les préoccupations administratives, le rang qui leur appartient, que les ressources naturelles serviront la collectivité, que l’on s’emploie à faire à notre jeunesse la place qui lui revient dans la mise en valeur de notre patrimoine, jeunes et vieux de chez nous ont repris confiance. Cette foi en des lendemains féconds, le gouvernement vent travailler à l’affermir davantage avec votre précieuse collaboration.
Déjà vous avez voulu, par des lois, assurer l’honnêteté des élections, améliorer le sort des travailleurs, rendre plus efficace la loi des retraites pour la vieillesse, procurer aux agriculteurs et à ceux qui désirent le devenir les fonds dont ils peuvent manquer, venir en aide à la petite propriété, faire disparaître la duperie des obligations industrielles mal garanties; de son côté, le ministère, tout en veillant à l’exécution de ces lois, a pris les moyens de faire payer des salaires raisonnables aux ouvriers; de réprimer les abus de certains concessionnaires, particulièrement de compagnies distributrices d’électricité. Au cours de la session qui s’ouvre, vous serez appelés à continuer le travail de réforme que vous avez commencé l’automne dernier.
Des mesures importantes vous seront soumises en vue d’aider à la restauration de l’agriculture et au progrès de la colonisation.
Le gouvernement n’oublie pas que, chez nous, la colonisation est intimement liée à l’agriculture. Aussi recherche-t-il l’expansion agricole en poursuivant d’après un plan d’ensemble la séparation du domaine arable du domaine forestier, de telle sorte que défricheurs et exploitants de la forêt soient entièrement libres sur leurs terres respectives et puissent en tirer tout le rendement qu’ils ont droit, d’en attendre.
Pendant les vacances, deux comités d’étude ont, été formés: l’un pour indiquer les moyens de sauvegarder la petite propriété dans les centres urbains, l’autre pour faire toutes suggestions propres à améliorer la loi actuelle sur les contrats collectifs; de plus, il s’est tenu à Québec un congrès forestier dont les délibérations ne manqueront pas d’avoir les meilleurs résultats, surtout si elles reçoivent l’adhésion très utile des autres provinces de la Confédération, dont les représentants seront convoqués à cette fin dans le plus court délai possible. Le gouvernement se propose d’accueillir favorablement les recommandations de ces comités et de la conférence projetée.
L’avenir de l’industrie minière du Québec est des plus brillants. Les progrès qu’elle a accomplis et les avantages dont elle peut bénéficier depuis quelques mois permettent de fonder sur elle de grandes espérances. Mais il ne faudrait pas que la spéculation vienne tout gâcher. C’est pourquoi on vous demandera. d’approuver une loi destinée à mieux prévenir les fraudes dans le commerce des titres miniers et à protéger l’épargne contre les menées des exploiteurs.
Suivant l’autorisation que vous lui avez donnée à la dernière session, le ministère fait procéder, par des techniciens compétents et impartiaux, à l’inventaire de notre patrimoine national, inventaire nécessaire pour bien connaître la valeur de nos ressources et de nos moyens d’action, indispensable aussi pour offrir à toute initiative les éléments de sécurité et de stabilité propres à assurer le succès. Les techniciens ont commencé leur travail par nos ressources hydro-électriques.
Le gouvernement n’a accordé aucun permis autorisant l’aménagement de chutes d’eau; il a amené certaines compagnies à. vendre l’électricité à des taux plus bas; mais il n’entend pas s’arrêter là dans la voie des réformes qui s’imposent. Les abus dans la distribution de l’électricité doivent cesser partout où ils existent et le ministère est bien déterminé à les combattre avec énergie, par tous les moyens à sa disposition, mais avec toute la prudence dont les administrateurs de la chose publique ne doivent jamais se départir. Dès cette session, il vous soumettra toute la législation actuellement possible en vue de remédier aux abus des compagnies d’électricité. Entre autres choses, il vous proposera d’accorder, de façon efficace et juste, à toute municipalité de notre province le droit de municipaliser le service de l’électricité dans son territoire. De plus, il vous demandera de créer un organisme possédant le pouvoir d’installer certaines centrales électriques, qui devront rester la propriété de la Province et dont l’exploitation, indépendante des compagnies d’électricité et des clientèles politiques, devra s’effectuer dans l’intérêt général.
Le gouvernement désire appliquer les meilleures méthodes de venir en aide aux mères et aux orphelins nécessiteux, et il vous soumettra une législation à ce sujet.
Nos lois ont besoin, en général, d’être coordonnées et leurs textes manquent de la clarté et de la précision nécessaires. Vous serez invités à en autoriser la refonte.
La constitutionnalité des lois qui déterminent l’organisation de quelques-uns de nos tribunaux a été révoquée en doute. Ces tribunaux ne peuvent rester ainsi sous la menace continuelle de poursuites en invalidation de leurs décisions. Une réorganisation s’impose. Un projet de loi sera présenté vue de raffermir l’autorité de ces tribunaux et de mettre leur compétence à l’abri de toute atteinte.
Le gouvernement désire aider dans la mesure du possible au maintien du crédit municipal, qui est à la base du crédit de la province. Il vous invitera à étudier un projet de conversion volontaire des dettes municipales.
Vous serez appelés à légiférer sur la voirie, dont il importe de diriger les activités de façon à en faire profiter toute la province; sur le Chômage, auquel vos ministres s’efforcent de remédier avec l’intention bien arrêtée d’y mettre fin le plus tôt possible; sur plusieurs autres problèmes, particulièrement la protection des classes travailleuses, la santé publique, l’éducation et les pêcheries.
Messieurs de l’Assemblée législative,
Les comptes publics de l’an dernier vous seront distribués. Tout indique que les résultats de l’exercice courant seront plus satisfaisants. Le gouvernement travaille à rétablir l’équilibre entre les revenus et les dépenses, en pratiquant l’économie et en activant la rentrée des contributions. L’étude du rajustement de notre système d’impôts est devenue nécessaire, et vous saurez y donner toute votre attention.
Le gouvernement considère qu’il est de l’intérêt général de continuer et de poursuivre l’enquête commencée au comité des comptes publics.
Le budget des dépenses prévues pour le prochain exercice vous sera soumis, et je vous demanderai de l’approuver.