Discours du trône, Québec, 19 novembre 1958

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Il m’est agréable d’inaugurer aujourd’hui la troisième session de la vingt-cinquième Législature.

Depuis la prorogation des chambres, de remarquables événements se sont produits qui ont profondément impressionné la population de la province.

Au cours de l’été 1958, notre province a été heureuse d’accueillir Son Altesse Royale la Princesse Margaret et de pouvoir manifester de nouveau sa traditionnelle loyauté.

Les fêtes qui ont marqué le centenaire de l’apparition de la Sainte Vierge à Lourdes, fêtes auxquelles la province était officiellement représentée, venaient à peine de se terminer que l’Église était plongée dans un deuil douloureux par la mort de son illustre chef, Sa Sainteté le Pape Pie XII. Nous pleurons un grand pontife qui est entré vivant dans l’histoire, mais l’Église est éternelle et nous avons aujourd’hui la joie d’offrir à Sa Sainteté le Pape Jean XXIII nos religieux hommages, nos souhaits respectueux et 1’assurance de notre filiale soumission.

Le 300e anniversaire des débuts de l’établissement du sanctuaire national de Sainte-Anne de Beaupré et le 35Oe anniversaire de la fondation de Québec par Champlain ont donné lieu à de mémorables manifestations religieuses et patriotiques auxquelles le gouvernement a été fier de coopérer. La province a été profondément honorée par la nomination de notre éminent compatriote, Son Éminence le Cardinal Paul-Émile Léger, comme légat papal aux inoubliables cérémonies à Sainte-Anne de Beaupré.

Ces fêtes ont mis en lumière l’impérieux devoir qui nous incombe de conserver jalousement et de faire fructifier pour les générations futures l’incomparable héritage que nous devons au dévouement, à l’esprit de travail, à l’héroïsme et au patriotisme de nos ancêtres.

Aussi le gouvernement continuera-t-il de mettre en application, dans tous les domaines de l’administration, une politique progressive qui s’inspire des leçons du passé, répond aux besoins du présent et sauvegarde l’avenir.

Le gouvernement se propose d’intensifier les mesures susceptibles de contribuer au progrès de l’agriculture, garantie de survivance et source de stabilité essentielles.

A cette fin, il vous demandera d’augmenter les fonds consacrés au prêt agricole dont les bienfaits salutaires sont plus manifestes que jamais. Une nouvelle législation favorisant l’établissement des fils de cultivateurs sur la terre s’ajoutera aux avantages du prêt agricole dont plus de 27,000 jeunes et leurs familles ont profité.

Le gouvernement verra à compléter les travaux, aujourd’hui très avancés, de l’électrification rurale. Il accroîtra, par le drainage et la colonisation, l’étendue de nos terres arables. Il facilitera la vente des produits agricoles dans toute la mesure de ses droits constitutionnels. Il aidera généreusement au succès de l’enseignement agricole.

Tout en sauvegardant le caractère essentiellement agricole d’une bonne partie de notre province, le gouvernement continuera de coopérer à son développement industriel qui augmente les marchés agricoles et contribue puissamment à la prospérité de notre population.

C’est l’opinion définitive du gouvernement que la stabilité politique et administrative, s’inspirant des vérités fondamentales, est nécessaire pour assurer le progrès durable de la province.

L’entreprise libre, dont notre agriculture est un exemple, consciente de ses droits et respectueuse de ses obligations, constitue le moyen le plus efficace pour assurer la prospérité de la province.

L’étatisation, sauf dans des conditions exceptionnelles, ne répond pas aux besoins de la province et n’est pas conforme à ses meilleurs intérêts; elle est contraire aux principes démocratiques, à la véritable liberté et à l’esprit d’entreprise. De plus, elle tarirait les sources de revenus requises dans une province en plein essor et compromettrait gravement le pouvoir d’emprunt nécessaire à tous les paliers de l’administration publique.

Il est conforme à la politique et aux réalisations du gouvernement de faire respecter les droits légitimes de tous et chacun, les droits des cultivateurs et des ouvriers tout spécialement. Il faut ne jamais oublier qu’à tous les droits correspondent des devoirs inséparables.

D’ailleurs, employés et employeurs font généralement preuve d’une saine collaboration qui, malheureusement, jouit d’une publicité moins tapageuse que celle suscitée par les conflits de travail.

Grâce aux grandes et nouvelles améliorations dont elle profite, la Province a réalisé de gigantesques progrès. L’amélioration dont notre voirie, en particulier notre voirie rurale, a bénéficié depuis quelques années et la multiplication de travaux publics très considérables à travers notre immense province apportent une puissante contribution à la prospérité de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et au succès de notre importante industrie touristique. Aussi le gouvernement se propose-t-il de multiplier ces progrès.

La mise en valeur de nos ressources forestières, hydrauliques et minières a nécessité, en ces derniers temps, des placements de capitaux se chiffrant à des centaines de millions de dollars. Ces énormes investissements ont profité à notre économie et créé de l’emploi pour nos jeunes au succès desquels le gouvernement s’intéresse de façon efficace et généreuse.

C’est pour aider à l’établissement durable et profitable de notre jeunesse que le gouvernement ne cesse de consacrer à l’éducation, – domaine exclusivement réservé à la province -, des subventions qui augmentent sans cesse et se totalisent à des centaines de millions de dollars. Il vous soumettra une nouvelle législation dont le but et l’effet seront de l’autoriser à aider financièrement les étudiants pauvres en argent mais riches en talents et en esprit de travail. Depuis quelques années, les succès et les progrès réalisés ont été incomparables à tous les paliers de l’enseignement. Cette politique féconde se continuera à la lumière, comme il convient, des droits et des devoirs de tous et chacun.

Le gouvernement n’oublie pas qu’à la santé de l’esprit doit s’ajouter celle du corps et c’est pourquoi il multiplie à travers la province les établissements d’hospitalisation dans le but de rendre leurs services accessibles à toute la population de notre immense province, comme il est juste et à propos de le faire. Sans compromettre nos droits essentiels, le gouvernement se propose de multiplier les moyens d’action les meilleurs pour sauvegarder la santé publique.

Le gouvernement se propose d’ajouter aux bienfaits de la législation sociale qu’il a instaurée en vous recommandant d’adopter une loi facilitant la construction d’établissements où les personnes âgées et sans foyer pourront demeurer.

En plusieurs circonstances le gouvernement a généreusement coopéré au règlement des graves problèmes financiers qui affectent les corporations municipales. Il entend continuer cette coopération et faire tout en son possible pour obtenir une répartition juste et appropriée des sources publiques de revenus.

La stabilité économique, sociale et nationale étant intimement liée à la stabilité constitutionnelle, le gouvernement considère toujours comme un problème de vitale importance celui des relations fiscales fédérales-provinciales. C’est pourquoi il réitère les déclarations contenues dans le discours du Trône de 1954 pour affirmer, une fois de plus, sa politique constante et indéfectible en matière constitutionnelle:

« Les remarquables progrès dont bénéficient notre immense province et, spécialement, de grandes régions autrefois peu favorisées, progrès qui s’avèrent grandissants, nécessitent des dépenses considérables qui exigent l’utilisation plus complète des sources de revenus que la constitution canadienne reconnaît aux provinces, à la province de Québec en particulier.

« Le gouvernement reconnaît les droits et les obligations de l’autorité fédérale; il réitère que la province ne demande pas de faveurs mais bien le respect intégral de ses droits, prérogatives et libertés.

« Dans l’opinion définitive du gouvernement, les attributs essentiels du gouvernement responsable, qui a coûté très cher et que nous considérons très précieux, doivent être respectés et sauvegardés. Il est indéniable qu’au point de vue matériel un des éléments indispensables du gouvernement démocratique et responsable réside dans les pouvoirs fiscaux nécessaires à chaque autorité gouvernementale.

« C’est notre intime désir de coopérer à la grandeur et à la prospérité du pays dans le respect des droits et des prérogatives de tous et chacun. »

De nombreux projets de loi d’intérêt privé et d’intérêt public vous seront soumis dont plusieurs, parmi ces derniers, seront portés à la connaissance de la Législature dès les premiers jours de la session suivant une tradition établie depuis une dizaine d’années.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale vous seront communiqués avec diligence comme cela se pratique maintenant et vous voudrez bien voter les subsides nécessaires à l’administration de la province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je demande à la divine Providence de bénir et de féconder vos travaux au cours de cette session.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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