Discours du trône, Québec, 19 janvier 1949

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Au début de la première session de notre vingt-troisième législature, il me fait plaisir de vous offrir mes vœux et de vous souhaiter une cordiale bienvenue.

La population de la province présente ses hommages et ses souhaits de bonheur à Leurs Altesses royales la princesse Elizabeth, le duc d’Edinburgh et le prince Charles, le nouvel héritier de la Couronne.

Depuis la dernière session, la mort a frappé deux membres de la législature. L’honorable Jonathan Robinson est décédé au champ d’honneur du travail; il fut un patriote sincère et un administrateur distingué et dévoué. L’honorable Pierre Bertrand sera vivement regretté par les milliers de personnes qui ont bénéficié de sa grande charité et par les innombrables amis qui ont toujours bien apprécié ses qualités de cœur et d’esprit.

Trois ans après la fin des hostilités mondiales, les traités de paix ne sont pas encore conclus. Demandons au bon Dieu de donner, au monde, la paix définitive dans la justice et la charité.

Notre province, remarquablement prospère, fournit à l’univers le spectacle tonifiant de la stabilité et du respect de l’ordre et de l’autorité. L’indéfectible attachement à ses traditions religieuses et nationales, la pratique d’une saine politique familiale, sociale et progressive assurent son bien-être et sa prospérité.

A l’aurore de cette nouvelle législature, mon gouvernement tient à réaffirmer son ferme désir de donner à notre administration et notre législation une orientation capable de garantir, de façon durable, la stabilité, la sécurité et la prospérité de la province.

Mon gouvernement est d’opinion que le paternalisme d’État est un grave danger pour le régime démocratique et une source de désastres irréparables. Il est convaincu que l’initiative personnelle et son corollaire, l’entreprise privée, constituent un système progressif et démocratique, qui convient le mieux aux traditions et aux besoins de notre province, qui est le plus conforme à ses meilleurs intérêts et le plus capable d’assurer à notre jeunesse des carrières rémunératrices.

Parmi les entreprises privées, aucune n’est plus importante que l’agriculture à laquelle revient une place prépondérante dans notre économie.

Le prêt agricole provincial, institué en 1936, en vertu des pouvoirs constitutionnels exercés par le gouvernement d’alors, s’est avéré profitable tant au point de vue familial, paroissial, et municipal que national. Demande vous sera faite de voter des sommes additionnelles pour continuer cette initiative salutaire.

Depuis 1945, mon gouvernement a mis en œuvre un bienfaisant programme d’électrification rurale qui facilite grandement l’activité agricole, contribue largement au bien-être du cultivateur ainsi qu’au règlement de ses problèmes. En moins de quatre ans, 7,871 milles de lignes nouvelles ont été terminé; 1,543 milles de lignes additionnelles sont en construction; 54,987 nouveaux clients qui étaient privés des avantages de l’électrification rurale en bénéficient aujourd’hui. Mon gouvernement désire continuer et compléter cette politique.

La récupération, par le drainage, de terrains marécageux, mais pouvant devenir propres à l’agriculture, sera augmentée et perfectionnée.

Une politique de colonisation à la fois réaliste et progressive est un complément indispensable à l’agriculture; mon gouvernement entend réaliser une politique de colonisation aussi parfaite que possible.

Plusieurs projets, destinés à favoriser le bien-être et le progrès de l’agriculture en général et de l’industrie laitière en particulier, seront soumis à votre approbation.

Mon gouvernement coopérera au succès de la petite industrie et facilitera, de façon raisonnable et juste, les progrès de l’industrie en général.

Il est persuadé que la décentralisation et la diversification des industries sont un gage de prospérité. Il est d’opinion que la véritable coopération est une formule de salut et, en particulier, que la coopération entre l’employé et l’employeur est indispensable à la prospérité provinciale.

La coopération produira tous les fruits désirables si, de part et d’autre, l’on reconnaît qu’aux droits correspondent des devoirs inéluctables.

Un projet de Code du Travail vous sera soumis et mon gouvernement accueillera avec plaisir toutes les bonnes suggestions, de caractère constructif, qu’on pourra lui faire, car il veut que la province soit dotée du meilleur Code du Travail, respectueux des droits de chacun et sauvegardant les droits du public, c’est-à-dire le bien commun.

La santé physique, le plus précieux des biens terrestres, est un facteur essentiel à la stabilité et à la sécurité publiques Mon gouvernement multipliera et complétera les améliorations considérables qu’il a réalisées dans ce domaine.

Incontestablement, la santé de l’âme et de l’esprit est d’importance vitale. Mon gouvernement maintiendra, avec énergie et sans compromis, sa lutte efficace contre les idéologies et les propagandes subversives et d’inspiration athée qui n’ont pas leur place dans notre province.

L’enseignement, à tous ses degrés, primaire, secondaire, universitaire, continuera de bénéficier des généreuses attentions de mon gouvernement. L’enseignement spécialisé, dont les progrès sont particulièrement remarquables et nombreux depuis trois ou quatre ans, sera, davantage si possible, généralisé. Mon gouvernement s’occupera, avec beaucoup de soin, de faciliter et d’assurer l’établissement durable de notre jeunesse.

Nos richesses naturelles sont des garanties matérielles de survivance nationale et leur mise en valeur doit être rationnelle et juste. Les meilleures méthodes seront appliquées pour assurer la conservation et l’utilisation parfaite de notre domaine forestier.

C’est la politique de mon gouvernement d’adopter les méthodes les plus appropriées et les plus opportunes pour que nos richesses hydrauliques donnent le plus grand rendement possible et pour que notre population en bénéficie le plus largement.

L’avancement et le succès des pêcheries maritimes, la conservation et l’amélioration de nos pêcheries sportives continueront de recevoir la meilleure attention de mon gouvernement.

Depuis quelques années, le développement minier dans notre province a été extraordinaire. Les travaux entrepris dans le Nouveau-Québec et au Saguenay ainsi que la construction récente de la route de Chibougamau et celle de la route Senneterre-Mont-Laurier contribueront puissamment au bien-être de notre population et à sa prospérité.

En ces dernières années, la province en général et les régions rurales en particulier, ont beaucoup bénéficié d’une politique progressive de voirie et des nombreuses améliorations qui en ont résulté. En outre, des centaines de ponts ont été construits, reconstruits ou réparés et notre vaste système routier en a d’autant profité.

De façon manifeste, ces initiatives apportent une puissante contribution au développement de toutes nos régions. Mon gouvernement veut doter notre province du meilleur système de voirie possible, d’abord et surtout dans l’intérêt de notre population et ensuite, en vue des succès de la très importante industrie du tourisme dont l’essor et l’expansion ont été remarquables depuis 1945.

Des méthodes efficaces pour assurer la sécurité de la circulation sur nos routes seront soumises à votre approbation.

Vous serez appelés à perfectionner la législation relative à la crise du logement, crise qui toutefois résulte de circonstances indépendantes du gouvernement de la province.

Dans un domaine, important entre tous, mon gouvernement réaffirme que le facteur qui assurera le mieux l’unité canadienne et sauvegardera l’avenir de la Confédération, réside dans le respect de l’autonomie provinciale et dans la fidélité à l’esprit comme à la lettre du pacte fédératif.

Il est juste et indispensable que la province de Québec puisse exercer, dans leur plénitude, les droits, prérogatives et libertés qui lui appartiennent, qui lui sont, par surcroît, formellement reconnus par la constitution canadienne et dont dépend son avenir.

Mon gouvernement estime que la stabilité et la sécurité sociales, municipales, provinciales et nationales dépendent en bonne partie de la stabilité et de la sécurité constitutionnelles. Mon gouvernement est toujours heureux de coopérer, dans le respect des droits de chacun, à la grandeur du Canada. Un projet législatif vous sera soumis à ce sujet.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale écoulée vous seront communiqués et vous voudrez bien voter les crédits nécessaires à l’administration.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je demande à la divine Providence de bénir et féconder vos travaux et de répandre Ses bienfaits sur notre chère province.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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