Discours du trône, Québec, 16 novembre 1955

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

A l’aube de la quatrième session de la vingt-quatrième Législature, que nous inaugurons aujourd’hui, la province de Québec bénéficie d’un progrès et d’une prospérité extraordinaires. Continuant son rôle séculaire de pionnière, notre province, par des initiatives heureuses et multiples dans tous les domaines, coopère largement au bien-être et au développement du pays.

Le Québec jouit, à l’heure actuelle, d’une excellente situation économique et sociale qui est le résultat, en bonne partie, de l’heureuse orientation que le gouvernement a su donner à sa législation et à son administration. Les solutions qu’il apporte aux divers problèmes, s’offrant à son attention, révèlent un plan d’ensemble bien défini, conforme aux exigences profondes et aux meilleurs intérêts de la province.

Dans ce plan d’ensemble, le gouvernement a toujours considéré qu’une agriculture prospère est essentielle à la province et favorise le bien-être de toutes les classes de la société. Aussi continuera-t-il d’adopter les mesures nécessaires à ces fins.

Il est particulièrement fier de l’œuvre accomplie par l’Office du Crédit Agricole du Québec qui, depuis le commencement de ses activités, en 1937, jusqu’au 31 octobre 1955, a prêté 1 26 203 995 dollars à 46 936 emprunteurs. Ces prêts ont non seulement permis à 25 803 cultivateurs de se maintenir sur leurs terres et à 21 133 jeunes agriculteurs de s’établir, mais ils ont constitué une force de stabilisation de toute la vie rurale en créant un climat d’optimisme et de confiance et en fortifiant les finances des organismes ruraux, entre autres les fabriques et les corporations scolaires et municipales. C’est le désir du gouvernement de demander à la Législature l’autorisation de multiplier les bénéfices du crédit agricole.

L’électrification rurale a complété les bienfaits du prêt agricole. Elle a augmenté de plus de 60 millions de dollars la valeur des fermes du Québec et elle a fait passer de moins de vingt pour cent, qu’il était à la fin de 1944, à quatre-vingt sept pour cent, en 1955, le nombre des propriétés rurales électrifiées. Le gouvernement vous proposera d’augmenter les subsides destinés à l’électrification rurale.

La mécanisation des fermes, le drainage des terres, la construction, l’amélioration et l’entretien de la voirie rurale, en toutes saisons, font partie d’une politique agricole instaurée par le gouvernement actuel, politique qu’il entend compléter et qui contribue puissamment à rendre la vie à la campagne plus facile et plus agréable ainsi qu’à maintenir un juste équilibre entre la ville et la campagne.

Afin de faciliter et de stabiliser davantage la vie rurale, le gouvernement vous demandera l’autorisation de porter à 850 000 dollars par année sa contribution à la protection contre l’incendie et d’adopter une loi pour aider à la construction d’aqueducs et de systèmes d’égouts municipaux.

Le gouvernement porte une attention particulière au règlement des problèmes qui découlent de la vente des produits agricoles. Suivant sa politique, il multipliera les bienfaits de l’enseignement agricole.

Le gouvernement est profondément convaincu que la colonisation est un complément logique de l’agriculture, dont elle étend le domaine, et, en conséquence, il fera tout en son pouvoir pour en assurer le succès.

C’est en tenant compte d’une base rurale essentielle à notre province que le gouvernement active son développement industriel phénoménal. Il le fait en coopérant au progrès de toutes les régions de la province, en encourageant la petite industrie en particulier et en permettant à l’initiative privée de recevoir une juste rémunération pour son travail et sa contribution au bien public.

Depuis une dizaine d’années nous sommes témoins d’une mise en valeur prodigieuse de nos ressources naturelles. La province occupe le premier rang au Canada dans le développement des ressources forestières et hydrauliques. Son essor minier est gigantesque. De vastes régions qui, hier, étaient inoccupées et improductives bourdonnent aujourd’hui d’activité et procurent à la classe ouvrière, aux techniciens, à la jeunesse en particulier, des emplois rémunérateurs et de brillantes opportunités. C’est conforme à la politique et aux réalisations du gouvernement de coopérer, de façon juste et pratique, à la mise en valeur de nos ressources naturelles et d’assurer, d’une façon durable, le progrès et l’avenir de toute la province.

L’agriculture, l’industrie, le commerce et le tourisme, comme d’ailleurs la population de la province en général, sont grandement favorisés par des voies modernes de communications qui, semblables aux artères du corps humain, font circuler la vie à travers notre immense territoire. Le gouvernement poursuivra la construction, l’amélioration et l’entretien du réseau routier à la charge de la province et qui, à l’heure actuelle, s’étend sur plus de 26 000 milles, soit une distance plus grande que la circonférence du globe à l’équateur. Les subsides nécessaires à ces fins vous seront demandés.

Les pêcheries, pêcheries maritimes, pêcheries intérieures et sportives, contribuent à la richesse de la province, au développement du tourisme et à de saines récréations. Le gouvernement s’emploiera davantage, si possible, à favoriser leur progrès.

Le gouvernement est intimement convaincu que le bien-être et le progrès de la province doivent être fondés sur une politique saine en matières éducationnelles. Dans ce domaine vital – que la constitution réserve exclusivement aux provinces, à notre province spécialement -, nous, du Québec, avons raison de nous glorifier de notre remarquable système éducationnel, que nous entendons conserver jalousement parce qu’il tient compte des valeurs religieuses et morales et qu’il respecte les droits de tous. Le gouvernement vous recommandera l’adoption de mesures opportunes pour continuer, et améliorer s’il y a lieu, les initiatives qu’il a prises à ce sujet. L’aide à l’éducation, à tous ses paliers, – élémentaire, spécialisé, secondaire et universitaire – est une des meilleures formes de législation sociale et l’une des plus excellentes méthodes d’assurer l’établissement durable de notre jeunesse. Seront multipliées, entre autres, les facilités de l’enseignement spécialisé qui est intimement lié au développement industriel actuel et qui a pris un essor considérable dans la province depuis l’institution du Ministère de la Jeunesse, en 1946.

Une des plus fécondes manifestations de véritable sécurité sociale et de saine législation sociale réside dans la protection et l’amélioration de la santé publique. Dans cet autre domaine vital, le gouvernement a opéré des réformes considérables et pris d’heureuses initiatives avec la coopération du corps médical et des institutions hospitalières qui nous sont propres et précieuses. Depuis 1945 plus de cent nouveaux hôpitaux et sanatoria ont été construits ou agrandis à travers notre immense province et près de seize mille nouveaux lits ont été mis à la disposition des malades. Grâce à cette heureuse décentralisation de l’hospitalisation, les malades peuvent trouver plus rapidement et près de chez eux les soins médicaux dont ils ont besoin. Le gouvernement est désireux de multiplier ces initiatives salutaires et de mettre en application les méthodes qui s’avéreront les meilleures et les plus progressives pour sauvegarder la santé publique, mais sans compromettre nos droits essentiels.

Ces réalisations éminemment sociales profitent beaucoup à la classe agricole et à la classe ouvrière. D’ailleurs, le gouvernement désire ardemment sauvegarder les droits de toutes les classes de la société, mais il estime nécessaire de ne pas oublier qu’aux droits correspondent toujours des obligations et que l’action de l’État ne peut jamais remplacer avantageusement le sens de la responsabilité personnelle qui demeure un gage de succès insurpassable.

Le gouvernement attache beaucoup d’importance aux problèmes financiers des corporations municipales et scolaires qui émanent de la juridiction provinciale. C’est sa constante volonté et son intime désir d’obtenir une répartition juste et adéquate des sources de revenus publics, proportionnellement aux obligations et aux droits de chaque autorité gouvernementale. Le gouvernement continuera, en autant que raisonnablement possible dans les circonstances, à alléger le fardeau financier des corporations municipales et des corporations scolaires.

Mais il ne faut jamais oublier que la grande question de l’heure est sans aucun doute le problème constitutionnel, en particulier le problème des relations fiscales fédérales-provinciales. Parce que les principes que nous invoquons sont fondamentaux et que leur mise en application est essentielle, nous croyons à propos de réitérer, à ce sujet, les déclarations que contenait le discours du Trône l’an dernier:

« Les remarquables progrès dont bénéficient notre immense province et, spécialement, de grandes régions autrefois peu favorisées, progrès qui s’avèrent grandissants, nécessitent des dépenses considérables qui exigent l’utilisation plus complète des sources de revenus que la constitution canadienne reconnaît aux provinces, à la province de Québec en particulier.

« Le gouvernement reconnaît les droits et les obligations de l’autorité fédérale; il réitère que la province ne demande pas de faveurs mais bien le respect intégral de ses droits, prérogatives et libertés.

« Dans l’opinion définitive du gouvernement, les attributs essentiels du gouvernement responsable, qui a coûté très cher et que nous considérons très précieux, doivent être respectés et sauvegardés. Il est indéniable qu’au point de vue matériel un des éléments indispensables du gouvernement démocratique et responsable réside dans les pouvoirs fiscaux nécessaires à chaque autorité gouvernementale.

« C’est notre intime désir de coopérer à la grandeur et à la prospérité du pays dans le respect des droits et des prérogatives de tous et chacun. Le gouvernement formule l’espoir que les pourparlers actuellement en cours, entre les autorités provinciales de Québec et les autorités fédérales, soient couronnés d’un entier succès auquel la Législature sera appelée à coopérer. »

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale vous seront communiqués avec diligence et vous voudrez bien voter les crédits nécessaires à l’administration de la province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

En outre de la législation annoncée précédemment et des bills privés, plusieurs lois d’intérêt public vous seront soumises, entre autres, pour améliorer de nouveau la loi des accidents du travail, pour faciliter davantage la construction d’habitations familiales, pour assurer le progrès et le développement de la région de Baie-Comeau, en particulier, et de la province en général, pour coopérer au règlement des problèmes financiers de la vieille capitale, pour collaborer à l’établissement et à l’administration d’une salle de concert à Montréal, pour assurer plus encore la mise en valeur de notre domaine forestier, pour faciliter les activités de la Régie des transports, de la Régie des Services publics, de la Régie de l’électricité, de la Commission municipale de Québec, pour modifier la législation des tribunaux de nature provinciale, pour amender le Code de procédure civile, pour amender le Code municipal, pour coopérer au règlement des problèmes qui proviennent de la pollution des eaux, pour prolonger l’application de la loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires.

Je prie la divine Providence de bénir Vos travaux et de continuer de répandre sur la Province Ses grâces les plus abondantes.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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