Discours du trône, Québec, 14 février 1948

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

L’ouverture de la quatrième session de notre vingt-deuxième législature coïncidant avec les premiers jours de la nouvelle année, il me fait plaisir de vous offrir mes meilleurs souhaits.

Le mariage de Son Altesse Royale la princesse Elizabeth a été célébré récemment. A Leurs Altesses Royales, la Princesse Elizabeth et le duc d’Edimbourg, la population de la province de Québec offre ses vœux de bonheur.
Au nouvel archevêque de l’église-mère de Québec, Son Excellence Monseigneur Maurice Roy, nous présentons nos hommages et nos respectueuses félicitations.

Le progrès et l’existence même de plusieurs nations sont actuellement ébranlés par le chaos économique et menacés par des idéologies malsaines qui causent des misères sans nombre. Fait remarquable, notre province jouit d’une prospérité constante et donne au monde l’exemple de la stabilité, résultat du respect de l’ordre et de l’autorité, car, dans Québec, l’attachement invincible à nos traditions et la pratique d’une saine politique familiale, sociale et nationale, ont été et demeurent une excellente garantie de bien-être réel et de progrès durable.

Nous savons que l’agriculture est le réservoir de nos forces vives et la forteresse de l’ordre. Mon gouvernement lui conserve la place prépondérante qu’elle occupe et doit occuper dans notre économie. Vous serez donc appelés à voter des sommes additionnelles pour continuer l’œuvre du Prêt agricole, instituée en 1936, et assurer à nos cultivateurs les bienfaits permanents de cette grande institution provinciale.

Mon gouvernement note avec satisfaction que le Prêt agricole s’est avéré profitable à tous les points de vue. De la somme d’environ soixante millions de dollars prêtée aux cultivateurs, depuis onze ans, seuls cent cinquante dollars ont été perdus, soit à peine un quart de cent par mille dollars. C’est là une manifestation de l’honorabilité de notre classe agricole et un certificat de haute compétence administrative.

Afin d’assurer la pérennité de notre héritage agraire, de donner du travail permanent à notre main-d’œuvre agricole et d’atténuer les effets de la crise du logement dans les villes, mon gouvernement vous demandera de voter des subsides substantiels pour compléter l’œuvre salutaire et féconde de la récupération, par le drainage, des terrains marécageux susceptibles d’être cultivés. Une politique de colonisation réaliste et progressive est un complément indispensable à l’agriculture, à l’équilibre de notre population et au progrès de la province.

Des mesures appropriées ont donc été prises et seront perfectionnées pour agrandir de beaucoup notre domaine agricole, en particulier dans la région du lac Matagami où le développement de ressources naturelles très riches laisse prévoir un magnifique essor.

Selon l’inventaire auquel il a été procédé, la mise en valeur de ce territoire rendra possible la fondation de 225 nouvelles paroisses de colonisation et l’établissement de plusieurs centaines de mille personnes.

La région est très riche en ressources forestières, minières et hydrauliques; le potentiel d’énergie électrique est estimé à trois millions de chevaux-vapeur.

Mon gouvernement s’occupe avec beaucoup d’attention à compléter son programme bienfaisant d’électrification rurale qui garantit le bien-être et le progrès de notre classe agricole et le développement de notre petite industrie.

Nous attachons une grande importance à la santé, le plus précieux de tous les biens terrestres. Pour protéger et sauvegarder la santé physique de notre peuple, mon gouvernement continuera d’aider les hôpitaux existants et réalisera l’établissement de nouveaux centres hospitaliers lorsque les besoins le justifieront. Nous continuerons aussi d’assurer les services médicaux nécessaires à celles de nos campagnes qui en seraient encore privées.

La santé de l’âme et de l’esprit est d’une importance primordiale; mon gouvernement entend la sauvegarder en contribuant généreusement au succès de l’éducation et en faisant une lutte énergique et sans compromis aux théories subversives et aux idéologies malsaines qui n’ont pas leur place dans la province de Québec.

L’enseignement primaire et l’enseignement secondaire nous intéressent au plus haut degré et nous avons beaucoup fait pour faciliter l’enseignement universitaire. Nous nous proposons de faire encore davantage dans ces domaines.

Nous savons que l’entreprise privée bien entendue est la meilleure méthode de favoriser le talent, de lui faire donner son plein rendement et d’assurer l’établissement de notre jeunesse pour laquelle nous avons établi de nombreuses écoles spécialisées et multiplié les facilités d’éducation.

Nous sommes d’opinion que le paternalisme d’état est l’ennemi du progrès véritable. Nous croyons que la province de Québec sera développée plus rationnellement et plus rapidement par l’initiative privée bien comprise, c’est-à-dire saine et juste, consciente de ses devoirs et de ses droits, respectueuse de ses obligations envers le peuple, envers la province et envers la nation.

La coopération entre le capital et le travail est indispensable au véritable progrès. Les employeurs et les employés ont des droits mais tous deux ont des devoirs. Nous considérons que la meilleure garantie des droits de chacun se trouve dans l’accomplissement du devoir par chacun.

Mon gouvernement est d’opinion que nos ressources naturelles constituent une garantie matérielle certaine de sécurité nationale et qu’il est de son devoir d’en assurer la mise en valeur pour le bénéfice de la population et leur conservation pour les générations futures.

Il continuera à réaliser la permanence de nos forêts et à encourager l’utilisation intégrale de nos ressources forestières.

La crise du logement, due à des conditions qui échappent au contrôle du gouvernement, crée un problème très grave. Au cours de la session, vous serez appelés à étudier des législations importantes capables de remédier, dans toute la mesure du possible raisonnable, à cette situation malheureuse.

Nous favorisons les progrès de la petite industrie, convaincus que la décentralisation industrielle et la diversité de nos entreprises faciliteront l’établissement de la jeunesse.

Mon gouvernement est toujours désireux de coopérer à la grandeur du Canada. Il est d’opinion que la meilleure sauvegarde d’une véritable unité nationale réside dans l’application d’une politique de décentralisation législative et administrative.

Il considère qu’il est juste, qu’il est indispensable, que la province de Québec puisse exercer dans leur plénitude les droits, prérogatives et libertés qui nous appartiennent, qui sont nécessaires à notre avenir et qui nous sont,- par surcroît, reconnus par notre constitution.

Une législation vous sera soumise pour faciliter la collaboration intergouvernementale canadienne.

Les développements miniers dans la province, particulièrement ceux du Nouveau-Québec, autorisés il y a près de deux ans par une loi de la législature, et la construction récente de la route de Chibougamau, contribueront puissamment à la prospérité de la province ainsi qu’au bien-être de sa population.

Mon gouvernement réalise l’importance primordiale d’une excellente voirie, en particulier d’une voirie rurale destinée à servir la population de nos villages et de nos paroisses. Il affectera donc toutes les sommes nécessaires au perfectionnement de notre système routier.

Mon gouvernement a procédé à la réfection et à la construction de nombreux ponts faisant partie intégrante de nos routes; vous serez appelés à voter les subsides nécessaires à la continuation et au perfectionnement de cette politique progressive.

Le succès de nos pêcheries maritimes, le maintien de marchés avantageux pour nos pêcheurs, et l’ouverture de nouveaux marchés, reçoivent la meilleure attention du gouvernement. Le gouvernement connaît l’importance de nos pêcheries sportives qui sont un des nombreux attraits de notre province. Il fera en sorte d’en assurer la permanence.

Plusieurs projets de loi susceptibles d’améliorer le sort de toutes les classes de notre population vous seront soumis.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale vous seront communiqués et vous voudrez bien voter les dépenses nécessaires à l’administration.

Honorable messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Vos délibérations, j’en suis certain, seront fructueuses. Je demande à la divine Providence de bénir et de féconder vos travaux et de répandre Ses bienfaits sur la province.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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