Discours du trône, Québec, 13 novembre 1957

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Il m’est agréable d’inaugurer aujourd’hui la deuxième session de la vingt-cinquième Législature.

A la reprise de vos travaux parlementaires je désire mentionner le fait historique mémorable de la visite au Canada de notre Gracieuse Souveraine et de Son Altesse Royale le Prince Philip. Nous réitérons à Sa Majesté l’expression de notre traditionnelle loyauté et nos souhaits respectueux d’un règne heureux et fécond.

Depuis la dernière session, pour combler les vacances à l’Assemblée législative, des élections partielles ont été tenues dans quatre comtés de la province, situés dans différentes régions. Elles ont fourni l’occasion a une partie importante et représentative des électeurs provinciaux de renouveler à l’administration actuelle, de façon bien remarquable, la confiance que l’électorat de la province lui témoigna en 1956. De nouveau le gouvernement a reçu le mandat de continuer la politique familiale, sociale et nationale qu’il a instaurée d’après un plan d’ensemble bien défini et qui se traduit par une orientation législative et administrative nouvelle et progressive.

Depuis quelques années l’industrialisation de la province a été colossale mais le gouvernement est profondément convaincu qu’une agriculture prospère demeure le gage indispensable de la stabilité et de la prospérité durables de la population. C’est pourquoi ceux qui cultivent la terre doivent pouvoir le faire dans des conditions de vie agréables et rémunératrices. Aussi le gouvernement continuera-t-il sa politique généreuse de prêt agricole qui répond aux besoins particuliers de notre agriculture et qui a produit, depuis une vingtaine d’années, de merveilleux résultats en affermissant la situation financière du cultivateur, en assurant le crédit de nos corporations municipales, scolaires et paroissiales, en facilitant l’établissement de milliers de jeunes cultivateurs et en procurant à la classe agricole de notre province des conditions d’emprunt exceptionnellement avantageuses à notre époque de restriction du crédit et d’augmentation des taux d’intérêt.

Le gouvernement poursuivra sa politique salutaire d’électrification rurale qui, depuis 1946, a permis d’augmenter de beaucoup la valeur et le rendement des fermes et d’y créer un climat plus attrayant.

La mécanisation des travaux agricoles, les méthodes modernes de colonisation et le drainage des terres, institués et poursuivis par le gouvernement actuel, augmentent de beaucoup l’actif de nos cultivateurs et de nos colons et facilitent leur travail. L’instruction agricole continuera d’être favorisée et l’industrie laitière ne cessera d’être protégée.

En tant que le problème relève de sa juridiction et n’est pas soumis aux caprices de l’économie internationale, le gouvernement s’efforcera d’activer la vente des produits agricoles à des conditions justes et raisonnables pour l’agriculteur et le consommateur.

Une excellente façon de créer des marchés où pourront s’écouler les produits de la ferme est de développer dans toute la province des centres industriels appropriés et variés. C’est la politique constante du gouvernement.

Dans l’opinion définitive du gouvernement, notre plus grande richesse est le capital humain; c’est pourquoi il accorde une attention toute particulière au bien-être, au progrès et à la prospérité de la population de la province et spécialement de la jeunesse.

Une des plus fécondes manifestations de véritable sécurité et de saine législation sociales réside dans la sauvegarde et l’amélioration de la santé publique. Les généreux subsides accordés par le gouvernement et sa sage politique de construction d’hôpitaux à travers notre immense province permettent aux malades d’être traités plus aisément et à proximité de leur domicile. Dans ce domaine vital le gouvernement a réalisé de nombreuses et fécondes initiatives qu’il est désireux de multiplier. Les méthodes qui s’avéreront les meilleures et les plus progressives pour sauvegarder la santé publique, sans compromettre nos droits essentiels, seront mises en pratique.

Toutefois, il ne suffit pas de conserver la santé physique pour assurer l’avenir; il faut aussi former les esprits sans oublier de forger les caractères. C’est pourquoi, dans un autre domaine de la plus haute importance, celui de l’éducation, réservé exclusivement à la juridiction provinciale, le gouvernement, comme toujours, à la lumière des droits et des devoirs de tous les intéressés, contribuera généreusement à la diffusion et au progrès de l’éducation à tous ses paliers. C’est l’opinion irrévocable du gouvernement qu’en matière d’éducation les droits des parents et ceux du Conseil de l’Instruction publique doivent être intégralement respectés. Même Si le rôle supplétif de l’état s’accroît à mesure que se développe notre province, il ne saurait supplanter la responsabilité primordiale des parents et des commissions scolaires. D’ailleurs, le gouvernement est profondément convaincu que le paternalisme d’État, qui paralyse l’initiative individuelle, doit être évité.

La Providence nous a dotés de merveilleuses ressources naturelles que le gouvernement désire continuer à mettre en valeur dans l’intérêt public et de la meilleure façon possible dans les circonstances. Depuis quelques années, l’utilisation intégrale de nos ressources forestières, les développements miniers gigantesques et l’expansion extraordinaire de nos forces hydro-électriques ont puissamment contribué au progrès et à la prospérité de la province. La politique du gouvernement permettra d’accentuer ces progrès et d’en faire largement bénéficier notre province et tout particulièrement notre jeunesse.

L’immensité du Québec nécessite une politique de voirie adéquate et progressive. Le gouvernement veut doter notre population du meilleur système routier possible, en tenant compte non seulement des besoins d’une région mais de ceux de toute la province et tout spécialement de sa partie rurale. L’industrie du tourisme, importante dans une province historique et pittoresque comme la nôtre, reçoit l’attention sympathique du gouvernement. L’entretien des chemins d’hiver, instauré par le gouvernement actuel, est une initiative féconde qui sera continuée.

Le gouvernement ne cessera de coopérer, généreusement et de façon appropriée, au progrès et à la prospérité de notre grande industrie de la pêche.

Il attache beaucoup d’importance aux problèmes économiques des corporations municipales et scolaires. Il continuera, pour autant que le permettront les circonstances, à alléger leur fardeau financier.

La coopération entre le travail et le capital est indispensable au véritable progrès. Les employés et les employeurs ont des droits et des devoirs incontestables les uns envers les autres et tous les deux envers le public. La meilleure garantie de l’exercice des droits de chacun se trouve dans l’accomplissement du devoir par chacun.

Le gouvernement apprécie les services signalés que rendent à notre peuple les différentes professions et toutes seront traitées avec justice, mais la classe agricole et la classe ouvrière seront l’objet d’une sollicitude particulière.

Le gouvernement a reçu l’invitation du nouveau gouvernement fédéral de participer, à la fin de novembre, à une conférence fédérale-provinciale qui se tiendra dans la capitale canadienne. Malgré la session en cours, le premier ministre se rendra à cette réunion avec quelques collègues. A cette occasion il réitérera l’expression de la politique constante du gouvernement actuel en matières constitutionnelles. Parce que les principes invoqués sont fondamentaux et que leur application est essentielle, le gouvernement croit devoir les réaffirmer.

Les remarquables et continuels progrès dont profite notre immense province, en particulier de nombreuses régions autrefois peu favorisées, nécessitent des dépenses considérables qui exigent l’utilisation plus complète des sources de revenus que la constitution canadienne reconnaît aux provinces, à la province de Québec en particulier.

Le gouvernement reconnaît les droits et les obligations de l’autorité fédérale. Québec ne demande pas de faveurs mais bien le respect intégral de ses droits, prérogatives et libertés.

Dans son opinion définitive, les attributs essentiels au gouvernement responsable, que nos pères ont chèrement conquis et qui constituent pour nous un héritage précieux et inaliénable, doivent être respectés et sauvegardés. C’est une vérité évidente que la maîtrise des pouvoirs fiscaux nécessaires à chaque autorité gouvernementale est indispensable au gouvernement responsable.

Québec désire sincèrement coopérer à la grandeur et à la prospérité du Canada dans le respect des droits et des devoirs de tous les intéressés.

Le gouvernement exprime l’espoir que cette conférence soit couronnée d’un entier succès auquel la Législature sera appelée à collaborer.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Conformément à la politique inaugurée depuis 1945, les comptes publics de la dernière année fiscale vous seront rapidement distribués et vous voudrez bien voter les crédits nécessaires à l’administration de la province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

En outre des projets de loi d’intérêt privé et des projets législatifs indiqués précédemment, plusieurs projets d’intérêt public vous seront soumis. Ils se rapportent entre autres aux objets ci-après: la saisie des biens et du salaire d’un débiteur; la Loi pour faciliter la conciliation entre locataires et propriétaires; les tribunaux d’appel en matière civile et en matière criminelle; le Code de procédure civile et la Loi des tribunaux judiciaires; l’aide aux corporations municipales pour l’établissement d’aqueducs et de systèmes d’égout ainsi que pour la protection contre l’incendie; les pouvoirs spéciaux des corporations municipales au sujet des nouvelles maisons d’habitation; la Loi pour améliorer les conditions d’habitation; la circulation sur les chemins publics; la Loi de la pêche; la Loi des cités et villes et le Code municipal.

Je prie la divine Providence de bénir et de féconder vos travaux et de continuer à répandre Ses bienfaits sur notre chère province.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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