Discours du trône, Québec, 12 novembre 1953

Maurice Duplessis, 1936-1939 et 1944-1959

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Il m’est agréable de vous voir réunis pour commencer les travaux parlementaires de la première session de notre vingt-quatrième Législature.

Avant de commencer les travaux législatifs nous désirons évoquer un instant le souvenir ému du bon roi George VI. Nulle part la mort du Souverain n’a laissé des regrets plus vifs que dans la province de Québec où chacun avait appris à l’aimer et à voir en lui le monarque constitutionnel, gardien de nos libertés.

Nous offrons à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, en même temps que nos respectueuses sympathies réitérées, nos meilleurs souhaits d’un règne heureux et fécond marqué par la paix et l’harmonie entre les nations.

Évidemment, il ne saurait être question pour le gouvernement de proposer, dès cette première session, toutes les mesures progressives qu’il préconise.

En ces derniers temps, de multiples et fructueuses initiatives ont été réalisées dans tous les domaines de l’administration provinciale. Mon gouvernement a donné à la législation et à l’administration de la province une orientation définitive, fondée sur une saine politique familiale, sociale et nationale qu’il entend compléter et perfectionner.

A notre avis, le paternalisme d’État est un sérieux obstacle à la prospérité durable de notre province et constitue un danger pour le régime démocratique.

Le gouvernement est irrévocablement convaincu que le sens de la responsabilité personnelle est essentiel et que l’initiative individuelle, c’est-à-dire l’entreprise privée, est le système économique le mieux adapté à nos traditions, aux besoins de notre province et le seul capable de garantir à notre jeunesse de fertiles et riches carrières.

Parmi les entreprises privées, aucune n’a plus d’importance que l’agriculture qui doit toujours occuper une place prépondérante dans notre économie.

Afin de continuer l’œuvre salutaire du prêt agricole provincial, institué en 1936 en vertu des pouvoirs constitutionnels exercés par le gouvernement à cette époque, vous serez appelés à faire certaines modifications législatives et à voter de nouveaux et importants subsides à ces fins.

Seront accélérés et multipliés les énormes progrès réalisés dans le domaine de l’électrification rurale, du drainage des fermes et de la mécanisation des travaux agricoles, des moyens de communications rurales, ainsi que dans celui de la construction et de l’agrandissement des écoles d’agriculture et autres écoles contribuant à la prospérité agricole.

De plus, le gouvernement désire appliquer les meilleures méthodes constitutionnelles pour faciliter davantage la vente des produits agricoles et rendre pleine justice aux cultivateurs sans léser les droits des consommateurs.

Mon gouvernement est d’opinion que la colonisation est intimement liée à l’agriculture et qu’elle est indispensable à la stabilité économique de la province. Il continuera d’adopter les mesures les plus opportunes pour en assurer le succès. La conservation de la santé physique, l’une des plus grandes richesses humaines, a toujours été au premier rang des préoccupations du gouvernement, et les immenses améliorations par lui accomplies à ce sujet seront multipliées.

Il est certain que la santé de l’âme et de l’esprit est d’importance vitale et mon gouvernement entend la protéger efficacement. Il maintiendra sa lutte énergique et sans compromis contre la propagande subversive et d’inspiration athée.

En outre, seront continués les subsides remarquablement généreux consacrés au succès de l’éducation, à tous ses paliers, et en particulier au succès de l’enseignement spécialisé dont les progrès sont énormes et incontestables.

Comme toujours, mon gouvernement est convaincu qu’en matières éducationnelles, les droits des parents et ceux du Conseil de l’instruction publique doivent être intégralement respectés.

Le gouvernement entend assurer la mise en valeur et la complète utilisation de toutes nos ressources naturelles, forêts, pouvoirs d’eau, mines, etc., pour le bénéfice de la population et, en particulier, pour garantir l’établissement durable de la jeunesse. C’est pourquoi l’essor prodigieux, dont bénéficie la province depuis quelques années, a été précédé et accompagné de développements et de progrès extraordinaires dans le domaine de l’éducation, à tous ses paliers.

Mon gouvernement a puissamment aidé les commissions scolaires et libéré d’autant la petite propriété de charges onéreuses qui mettaient son existence en danger. Cette politique progressive sera poursuivie.

Il ne faut jamais oublier que l’éducation relève exclusivement de la juridiction provinciale et que la province a droit à toutes les sources de revenus qui lui sont nécessaires pour exercer ses prérogatives, remplir ses obligations et coopérer au progrès de l’éducation et au développement phénoménal de la province.

Dans la mise en application de son programme, le gouvernement s’inspire du fait que l’immensité territoriale de notre province exige une politique de voirie appropriée, qui tient compte des besoins de toute la province, en particulier des besoins de nos villages et de nos paroisses agricoles.

La construction de chemins de mines et l’adoption de plusieurs nouvelles mesures coopératives ont contribué puissamment à faciliter les développements miniers prodigieux dont profite la province et qui s’annoncent de plus en plus considérables et avantageux. La politique de mon gouvernement est de coopérer adéquatement à la mise en valeur de toutes nos richesses minières.

Le gouvernement sait la grande importance de nos pêcheries maritimes et de nos pêcheries sportives. Il entend collaborer à la mise en application des meilleures méthodes de conservation et d’expansion.

Vous aurez à étudier des projets législatifs destinés à assurer la sécurité des voyageurs sur les chemins publics et à protéger convenablement les immenses capitaux investis dans notre système de voirie provinciale.

Les services signalés rendus à notre peuple par les différentes professions sont hautement appréciés; toutes seront traitées avec justice, mais la classe agricole et la classe ouvrière seront l’objet d’une légitime sollicitude.

Nous considérons comme un impérieux et patriotique devoir une coopération juste et loyale entre le capital et le travail. L’employé et l’employeur ont tous deux des droits incontestables, mais tous deux doivent se souvenir qu’ils ont des devoirs non moins incontestables. L’accomplissement du devoir est toujours la meilleure garantie de l’exercice d’un droit.

Il ne faut jamais oublier que la sécurité et la stabilité scolaires, municipales et provinciales sont intimement liées à la sécurité et à la stabilité constitutionnelles. Il est d’élémentaire justice et nécessaire que notre province, en tout temps et, spécialement, à l’époque des progrès extraordinaires dont elle bénéficie et qui s’annoncent de plus en plus grands, puisse jouir, dans leur plénitude, des droits, prérogatives et libertés qui lui appartiennent légitimement et que lui reconnaît la constitution canadienne.

C’est l’opinion irrévocable de mon gouvernement que la constitution canadienne est un pacte d’honneur entre les deux grandes races. La province de Québec entend le respecter et demande à tous d’en faire autant. Le règlement définitif des problèmes constitutionnels est plus à l’ordre du jour que jamais. A ce sujet, une législation appropriée sera soumise à votre approbation.

Des projets législatifs concernant l’amélioration de la crise du logement, les relations entre propriétaires et locataires, l’organisation et la juridiction de nos tribunaux, les élections provinciales, la protection de l’enfance, la télévision et d’autres projets d’intérêt public qui se rapportent à plusieurs domaines administratifs seront soumis à votre approbation.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale vous seront communiqués. Il vous incombera de voter les crédits nécessaires pour le prochain exercice.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je prie la divine Providence de bénir et féconder vos travaux au cours de cette session que j’ai l’honneur d’inaugurer au nom de sa Majesté la Reine.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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