Discours du trône, Québec, 3 mars 1999

Madame le Lieutenant-Gouverneur,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Chef de l’Opposition officielle,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs de l’Assemblée nationale,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,

Les 125 femmes et hommes qui composent l’Assemblée nationale de 1999 ne sont pas appelés aujourd’hui à entamer uniquement un nouveau mandat, une nouvelle session et une nouvelle législature, bien que ces tâches soient déjà considérables.

Ils sont appelés à préparer un commencement tel qu’il en est donné à peu de générations. Le commencement d’une nouvelle décennie, d’un nouveau siècle, d’un nouveau millénaire.

Dans 10 mois, lorsque le compte à rebours sera complété, lorsque seront terminées les célébrations d’une nuit planétaire où se seront relayés, d’un fuseau horaire à l’autre, le goût de la fête et la crainte du bogue, les Québécoises et les Québécois, comme tous les autres peuples de la terre, se poseront une grande question. Ils se diront : « Maintenant, qu’est-ce qu’on fait? »

Ils se le demanderont chacun chez soi, comme il se doit, attachés à leurs situations et préoccupations immédiates. Ils se le demanderont aussi, comme jamais auparavant dans l’existence humaine, collectivement, interreliés par le son, l’image, la toile informatique, par des rapports humains et économiques denses et actifs.

Sans doute, ce commencement nous est donné par un effet de calendrier. Il n’en sera pas moins tangible, au premier chef parce que les citoyens et les peuples seront disponibles pour le changement. L’ouverture d’un nouveau millénaire porte avec lui une attente et une ouverture d’esprit. Il y aura, demain et après-demain, un moment – une année peut-être – où nous pourrons, mieux que d’habitude, donner une impulsion, prendre des décisions essentielles pour l’avenir.

Nous, élus du peuple québécois, avons la responsabilité d’être présents au rendez-vous auquel le millénaire nous convoque. Nous avons la responsabilité de permettre aux Québécoises et aux Québécois de saisir cette occasion de nous réinventer pour un siècle nouveau.

Nous devons créer le cadre et l’occasion, nous devons être à la fois leaders et animateurs, prêts à entendre et faire entendre, à parler et faire parler, à proposer et susciter des propositions, à agir et faire agir. Nous n’avons pas le droit de rater cet instant car, comme le disait Platon, « le commencement est la moitié de l’action ».

Et en un sens très fort, notre travail des dernières années a préparé ce moment. Lorsque nous avons invité tout le Québec à « oser », il y a trois ans, lorsque nous avons tiré l’alarme sur la situation désastreuse de nos finances collectives, notre objectif était d’extraire le Québec du carcan des déficits et de l’endettement, de lui redonner sa liberté d’action.

Nous sommes au fil d’arrivée de ce grand effort collectif.

Mardi prochain, dans son discours du budget, le ministre d’État à l’Économie et aux Finances fera ses comptes, et il pourra nous annoncer que, pour la première fois en quarante ans, les finances du Québec sont en ordre.

Dans trois semaines, le président du Conseil du trésor déposera à cette assemblée le livre des crédits et il pourra annoncer, comme nous nous y sommes engagés en campagne électorale, la fin des compressions en santé et en éducation et le début des réinvestissements.

Je vais laisser mes collègues, dans une semaine, livrer, dans l’ordre et en détail, les mesures que le gouvernement a arrêtées pour l’horizon immédiat. Elles sont nombreuses et prometteuses et couvrent tous les secteurs d’activité.

Notre propos, aujourd’hui, est de regarder plus loin et de voir plus large. D’indiquer qu’avec l’atteinte du déficit zéro, nous avons donné au peuple Québécois les moyens de ses ambitions dans la décennie qui s’ouvre.

Il y a deux ans et demi, nous nous sommes collectivement donné un autre défi. Lors du Sommet sur l’économie et l’emploi, à Montréal, nous avons voulu commencer le prochain millénaire en affichant un taux de création d’emploi comparable, sinon supérieur, à celui du Canada. Nous sommes en bonne voie d’atteindre cet objectif, alors même que le gouvernement canadien, année après année, investit deux fois plus dans l’économie de l’Ontario que dans l’économie québécoise.

Malgré ce handicap, notre taux de chômage se maintient depuis plusieurs mois sous la barre des 10% et, l’an dernier, plus de jeunes Québécois se sont trouvé un emploi qu’à aucun autre moment depuis 25 ans. Cette année encore, la croissance des investissements sera plus forte au Québec qu’au Canada, ce qui augure bien pour l’avenir.

Des finances en ordre, la fin des compressions et le début des réinvestissements dans la santé, l’éducation et ailleurs, la relance de l’emploi, notre ferme volonté de réduire le fardeau fiscal des particuliers au cours des années qui viennent : voilà des conditions qui font en sorte qu’aujourd’hui, au Québec, au-delà des problèmes importants et difficiles qui restent à résoudre, l’optimisme est de retour.

Dans la métropole et dans la capitale, un peu partout en régions, les Québécois sortent de la morosité économique dans laquelle nous les avions trouvés il y a quatre ans. On se remet à entreprendre, à bâtir, à rêver.

Voilà un climat propice au commencement qui se profile.

Le thème qui va dominer notre action, cette année, l’an prochain et pour tout le mandat qui s’ouvre, c’est celui de la jeunesse, la jeunesse du Québec. La jeunesse au sens strict, car nous voulons que les jeunes Québécoises et Québécois soient mieux équipés pour la vie et davantage engagés dans la construction de leur société. La jeunesse au sens large, car c’est le Québec tout entier qui doit s’imprégner du dynamisme, de l’élan et de l’énergie des commencements.

La maternité et l’enfance

La priorité de notre gouvernement pour la jeunesse du Québec commence avec la famille et l’enfance.

De toutes sortes de façons, nous voulons mettre la famille québécoise au centre de notre action. D’abord en aidant les parents à avoir les enfants qu’ils désirent. Et à cet égard, nous trouvons proprement scandaleux que la réforme fédérale de l’assurance-emploi ait réduit la capacité des mères de profiter de congés de maternité auxquels elles ont droit.

Nous voulons aller dans le sens inverse et établir ici un régime québécois de congés parentaux équitable, accessible à tous les travailleurs et travailleuses, y compris ceux qui ont un emploi autonome, comme c’est le cas d’un nombre croissant de nos jeunes.

Notre politique de la petite enfance, un des plus grands succès du Québec des années 90, va continuer à se déployer. Nous allons accélérer le calendrier d’implantation des garderies à 5 dollars, pour faire en sorte que les enfants de tous âges soient admissibles au programme dès septembre 2000. Nous allons bien sûr augmenter le nombre de places de garde, pour en offrir 174 000 en quatre ans et près de 200 000 en six ans. Nous prenons l’engagement de maintenir le tarif quotidien à 5 dollars pendant tout le mandat de notre gouvernement.

C’est bien simple, nous voulons qu’au Québec les jeunes couples sachent qu’ils peuvent concilier le travail et la famille et planifier l’un et l’autre avec le plus de sécurité possible.

Nous sommes attentifs à la quantité de services offerts, mais également à leur qualité, au nombre d’enfants par éducateur et à la rémunération accordée et nous allons nous pencher sur chacun de ces aspects.

Le régime d’allocations familiales, qui couvre désormais les besoins essentiels de tous les enfants du Québec, sera bonifié, notamment pour les familles monoparentales et pour les enfants handicapés.

Et puisque nous vivons une époque où beaucoup de couples se font et se défont, nous allons continuer à assurer la sécurité de revenu des enfants, en ramenant à 30 jours le délai moyen d’attente pour la perception automatique de nouvelles pensions alimentaires.

Surtout, nous voulons mettre plus d’argent dans les poches de toutes les familles québécoises, en réduisant progressivement et significativement leur fardeau fiscal, y compris pour les parents qui ont fait le choix de rester à la maison pour prendre soin de leur enfant.

Cet investissement massif dans la petite enfance, comme l’instauration de la maternelle plein-temps, est le meilleur gage de succès de nos enfants à court, moyen et long terme. C’est notre meilleur atout contre le décrochage et la détresse. C’est notre meilleure préparation à la réussite humaine, sociale et économique.

L’éducation primaire et secondaire

Nous allons prolonger cette action en identifiant, dès le préscolaire, les problèmes d’apprentissage de certains élèves et en leur offrant immédiatement un soutien et un encadrement appropriés. Nous le ferons aussi, systématiquement, aux niveaux primaire et secondaire. Le ministre d’État à l’Éducation aura, d’ici quelques jours, des décisions à annoncer en ce sens.

Cependant, je tiens à redire ici ce que beaucoup d’éducateurs affirment avec de plus en plus de force. L’école peut mieux jouer son rôle d’instruire et elle le fera. Elle peut aider à mieux dépister et corriger les problèmes d’apprentissage et elle le fera. Mais elle ne peut pas se substituer au rôle des parents et du milieu familial. Il est temps pour le Québec d’avoir cette discussion. Avec les parents et le personnel enseignant, le ministre d’État à l’Éducation et la ministre déléguée à la Famille et à l’Enfance auront pour tâche de dégager des pistes qui permettront une plus grande prise de responsabilité des familles de toutes conditions et un meilleur partenariat entre les parents et l’éducation.

Déjà, la grande réforme de l’Éducation a augmenté le pouvoir des parents à l’école primaire et secondaire. Nous avons décidé de faire confiance aux parents, au personnel enseignant et aux administrateurs des écoles pour mieux répondre à leurs besoins locaux. Nous voulons valoriser leur compétence, leur savoir, leur liberté d’action et nous souhaitons que les enseignants et leurs organisations nous suivent sur ce chemin.

Il y a beaucoup à faire pour améliorer la réussite de nos enfants et de nos jeunes. Mais nous y sommes encouragés par les progrès et les pointes d’excellence que nous constatons déjà. Au cours des toutes dernières années, dans des concours internationaux, les élèves québécois du primaire et du secondaire se sont placés dans le peloton de tête en mathématiques, en sciences, en lecture et en rédaction. Contrairement à une idée reçue, notre taux de diplômation au secondaire est supérieur à la moyenne des pays industrialisés.

Nous faisons souvent bien, nous voulons faire mieux.

Avec l’introduction du nouveau curriculum, nous allons recentrer l’enseignement sur les matières de base. Nous voudrons, entre autres, améliorer la maîtrise des langues. Langue maternelle d’abord, que ce soit le français ou l’anglais, à l’oral et à l’écrit. Langue seconde ensuite, pour augmenter le niveau de bilinguisme individuel au Québec. Nous allons introduire plus généralement l’enseignement d’une troisième langue, notamment l’espagnol.

Un accent nouveau sera donné également à l’enseignement de l’histoire, car un monde emporté par le tourbillon du changement a besoin plus que jamais de savoir d’où il vient et de connaître ses repères. Nous allons ouvrir les portes du savoir en augmentant considérablement l’accès aux manuels de référence et aux manuels scolaires, bien sûr, mais aussi au livre sous toutes ses formes. Nous le ferons au-delà même de ce que nous avons déjà annoncé dans les bibliothèques scolaires, nous le ferons dans les bibliothèques municipales. Et nous créerons pour le livre et la lecture la Grande bibliothèque, une tête de réseau qui, loin de monopoliser les ressources, fera profiter les bibliothèques du Québec de plus de services et de plus d’accès au livre.

Nos adolescents et nos jeunes adultes ont ces années-ci une soif d’autonomie et d’indépendance qui leur fait honneur. Ils veulent décider de leur avenir, faire leurs propres choix et ils ont raison. Notre rôle est de les équiper, intellectuellement, pour assumer leurs choix.

C’est pourquoi nous voulons leur transmettre le goût du dépassement de soi, de la rigueur, le sens de l’effort, de la discipline même qui préparent l’autonomie. Nous voulons qu’ils acquièrent le respect de la différence et l’ouverture aux autres. Qu’ils partagent aussi les valeurs de justice, de solidarité, d’équité et de démocratie.

L’adolescent et le jeune adulte à l’heure des choix

Et voilà nos adolescents au seuil du choix pour leur avenir. Plus que jamais, nous voulons leur dire deux vérités fortes : d’abord, entre 15 et 20 ans, la priorité doit aller à l’éducation, à la formation et à l’acquisition de connaissances.

Nous enverrons ce signal en incitant les jeunes à rester à l’école. Nous le ferons en offrant à 60 000 jeunes chômeurs, dans les Carrefours jeunesse-emploi dont l’action sera renforcée et dans les nouveaux Centres locaux d’emploi, des parcours individualisés vers l’insertion, la formation et l’emploi. Nous le ferons aussi en modifiant la loi sur les normes du travail, pour qu’il soit bien compris que le travail à temps partiel des étudiants, c’est bien, mais que la réussite scolaire doit avoir la priorité.

Deuxième vérité forte à faire partager aux étudiants : c’est qu’il existe une clé pour l’emploi et pour le succès, une clé qui s’appelle « le diplôme ». Qu’on le répète dans toutes les écoles et dans toutes les cuisines : les jeunes diplômés travaillent beaucoup plus, gagnent beaucoup plus et œuvrent beaucoup plus souvent dans le domaine de leur choix que ceux qui ne complètent pas leurs études.

Et quand nous disons diplôme, nous voulons aussi dire diplôme de formation professionnelle et technique. Nous allons continuer à valoriser ces filières auprès des parents qui les connaissent et les apprécient mal, auprès des garçons plus enclins au décrochage et auprès des filles qui y sont sous-représentées. Nous allons développer encore les formations courtes, domaine où nous sommes largement en avance sur nos voisins canadiens et nous allons renforcer au niveau régional notre capacité de réaction rapide lorsqu’apparaissent ici ou là des besoins spécifiques de formation.

Cette révolution de la formation technique et professionnelle ne peut se réaliser qu’avec l’active participation des employeurs et des organisations syndicales. Faire une place aux jeunes, c’est accepter de prendre du temps, de l’espace, dans le milieu de travail, d’investir des énergies et de faire preuve de flexibilité pour la formation, les apprentis, les stagiaires. Et comme vient de le faire la Fédération des cégeps, j’appelle les employeurs à résister à la tentation d’embaucher à temps plein, avant même qu’ils n’obtiennent leurs diplômes, les jeunes en formation technique. Rendez-leur un vrai service en attendant qu’ils aient terminé leurs études.

L’économie du savoir, dans laquelle le Québec est si bien engagé, suppose la formation d’ingénieurs et de spécialistes, bien sûr, mais elle suppose aussi la formation de centaines de milliers d’artisans, de techniciens et de professionnels, intellectuellement outillés, non pour un emploi précis dans une entreprise donnée, mais pour l’évolution de leur profession pour des décennies à venir.

Nos adolescentes et adolescents doivent savoir que cette avenue prometteuse leur est ouverte et qu’ils auront encore le choix, s’ils le désirent, de prolonger leur formation en enseignement supérieur si et quand ils le décideront.

Au seuil de l’adolescence et du monde adulte, c’est le moment de toutes les ambitions, mais aussi de toutes les angoisses et de tous les dangers.

Alcoolisme, toxicomanie, itinérance, suicide : dans tous ces cas, comme dans celui des jeunes contrevenants, le Québec fait le choix, lucide et déterminé, de la prévention. Avec les titulaires de la Santé et des Services sociaux, nous allons redoubler d’efforts, dès les prochains mois, avec des budgets nouveaux pour répondre à la détresse d’une partie de la jeunesse québécoise, y compris dans certaines communautés, autochtones et culturelles, qui demandent une action adaptée à leur situation.

Se préparer pour la nouvelle économie

En Amérique du Nord, il y a un endroit où les jeunes de toutes conditions ont un accès à l’enseignement supérieur à coût abordable, c’est le Québec. Nous avons fait ensemble ce choix de société. Nous comptons préserver cette accessibilité, réduire l’endettement des étudiants, améliorer le régime d’aide financière et l’ouvrir aux étudiants à temps partiel. Nous entendons créer par législation le comité consultatif sur l’accessibilité financière et maintenir le niveau actuel des frais de scolarité, pendant tout notre mandat.

Et je tiens à dire ici haut et fort que pour préserver l’accessibilité des jeunes du Québec aux études supérieures, nous résisterons aux pressions du marché nord-américain, nous résisterons aux pressions politiques du Canada anglais, nous résisterons aux pressions des lobbies et à celles de l’Opposition officielle. Dans ce dossier, comme ailleurs, nous allons défendre les choix sociaux du Québec, nous allons défendre notre droit d’être différents.

Nous voulons d’une part des étudiants disponibles pour s’engager dans la recherche d’excellence que représente l’éducation supérieure. Nous voulons d’autre part des collèges, des universités et des instituts de recherche dynamiques, performants et se mesurant à ce qui se fait de mieux au monde.

Pour y arriver, nous nous engageons à partir du bon pied en nous préoccupant de l’endettement des institutions d’éducation supérieure, en mettant en place, pour la première fois au Québec, une politique des universités, doublée d’une véritable politique de financement de l’enseignement supérieur. Cela permettra d’investir dans les têtes, dans les équipements et dans l’avenir du Québec.

Comme nous l’avons dit en campagne électorale, nous voulons à la fois augmenter les sommes affectées à l’enseignement supérieur et nous assurer d’une utilisation plus judicieuse des sommes existantes. Nous pourrons mieux cibler nos actions, à l’aide de mécanismes transparents d’évaluation que nous comptons élaborer de concert avec les établissements.

En plus de tout ce que je viens de dire et de ce que nous annoncerons au budget et aux crédits, nous pourrions investir immédiatement dans l’enseignement supérieur et dans l’aide financière aux étudiants une somme de 635 millions de dollars. Je dis « nous pourrions », car cette somme, fruit de nos taxes et de nos impôts, dort depuis plus d’un an dans un compte à Ottawa. C’est la portion québécoise du monument que le gouvernement fédéral a décidé de construire pour le millénaire, un monument à l’inflexibilité et à l’arrogance d’Ottawa, un monument à la gloire des dédoublements et des gaspillages. Les Bourses du millénaire, le Québec s’est dit prêt à les gérer, à les distribuer, à apposer même sur les chèques s’il le faut un bouquet de feuilles d’érable. Nous sommes donc prêts à garantir tous les objectifs officiels du programme fédéral. Mais Ottawa préfère créer une nouvelle bureaucratie, gaspiller des millions de dollars en frais de fonctionnement et dédoubler notre régime de prêts et bourses dans le seul but, faut-il conclure, de faire reculer l’autonomie du Québec en matière d’éducation. Qu’on me comprenne bien : jamais cela ne sera fait avec la bénédiction du gouvernement du Québec. Nous sommes toujours disposés à gérer la portion québécoise du Fonds, mais nous ne poserons aucun geste qui faciliterait la dilapidation de deniers publics et le recul de l’autonomie du Québec.

Mais revenons au parcours du jeune Québécois. À ce stade, il a fait ses choix en éducation. Il tient son diplôme.

Sur le marché du travail.

Il est sur le marché du travail, devant le défi de l’emploi. Comment y répond-on ?

D’abord en préparant les emplois du nouveau millénaire.

Nous allons développer au Québec une culture de la curiosité, du savoir et de l’innovation. Nous partons d’une base prometteuse. Déjà, notre métropole, la quinzième ville nord-américaine en termes de population, est la première pour la proportion de ses travailleurs qui œuvrent en haute technologie. Peuple de sept millions d’habitants, nous sommes déjà parmi les dix nations les plus performantes au monde en aérospatiale, en technologies de l’information, en multimédia, en biotechnologie, en pharmaceutique, en ingénierie, en matériel roulant. C’est un exploit, cela doit devenir une habitude. En économie, c’est là que résident non seulement les emplois de la jeunesse d’aujourd’hui et de demain, mais le nouvel esprit de jeunesse du Québec tout entier. C’est bien simple, au cours des 20 dernières années, la moitié de la création nette d’emplois au Québec fut reliée aux secteurs à haute intensité en savoir.

Le nouveau ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie aura, dès le discours du budget, des outils et des budgets pour appuyer la recherche et l’innovation québécoise et pour aider à la création d’entreprises et d’emplois de pointe. Au cours des prochains mois, le ministre développera une politique québécoise de la recherche, de la science et de la technologie qui permettra une convergence nouvelle entre les milieux universitaire, industriel et gouvernemental.

Notre jeune Québécois est ambitieux. Il veut s’inscrire dans les courants mondiaux, il veut être en pointe dans son domaine, visiter la planète. Mais cela ne veut pas dire qu’il doit se déraciner, quitter sa région. La beauté du village global, c’est qu’on peut en être, peu importe le nom de sa région, sa ville, son village.

Dans le discours du budget, le ministre d’État à l’Économie et aux Finances expliquera comment nous voulons faire de chaque région du Québec un pôle de la nouvelle économie, en plus de développements prometteurs pour la métropole et la capitale nationale. Le ministre délégué à l’Industrie et au Commerce appuiera les petites et moyennes entreprises dans leur transition vers la nouvelle économie.

Nous voulons que les jeunes cerveaux des régions du Québec puissent trouver, chez eux, leur carrière d’avenir. En plus des Carrefours de la nouvelle économie, nous mettrons en place le Fonds de diversification de l’économie régionale, nous augmenterons notre aide aux jeunes entrepreneurs et à l’économie sociale, notamment pour la phase de consolidation de ces entreprises nouvelles.

Avec mes collègues de l’équipe ministérielle, notamment des Régions et de l’Emploi, je présiderai les Journées régionales pour l’emploi, autour des nouveaux outils de la concertation québécoise : les Centres locaux de développement, auxquels nous accordons des sommes nouvelles, et les Centre locaux d’emploi, dont nous complétons l’implantation. Avec nos partenaires sociaux et économiques, nous voudrons provoquer une mobilisation locale, régionale et nationale pour l’emploi. Nous avons commencé à faire reculer le chômage, notamment chez les jeunes. J’ai la conviction qu’ensemble, nous pouvons le faire reculer encore plus.

Nous pouvons, nous devons le faire dans tous les secteurs. Dans le secteur agricole et agroalimentaire, notre objectif est de provoquer la création de 15 000 emplois nouveaux d’ici 2005. Pour y arriver, nous entendons appuyer fortement la relève agricole, allant jusqu’à doubler les primes à l’établissement pour les jeunes diplômés. Nous voulons donner un souffle nouveau au soutien financier de nos agriculteurs, en abordant globalement le revenu de leurs entreprises et en les impliquant dans la gestion des outils financiers que nous voulons moderniser avec eux. Ces questions feront l’objet du rendez-vous des décideurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, le 25 mars, dans notre capitale.

Les Centres locaux de développement seront outillés pour faire davantage pour le développement rural et le ministre des Régions déposera la première politique québécoise de la ruralité.

Pour les régions côtières, nous mettrons sur pied un programme d’investissement des pêches et de l’aquiculture, pour plus d’emplois dans l’industrie de la pêche et l’instauration d’un statut professionnel aux pêcheurs et aide-pêcheurs.

Dans son programme de relance des parcs du Québec, le ministre responsable de la Faune et des Parcs a l’intention de faire appel aux jeunes pour la conservation et la mise en valeur de la faune et le développement récréo-touristique.

Le tourisme constitue également une source de prospérité et d’emploi, en pleine expansion, un peu partout sur le territoire. Le plan d’investissement du ministre délégué au Tourisme devrait favoriser la création de près de 7 000 emplois nouveaux d’ici trois ans.

Pas moins de 30 000 artistes et créateurs québécois ne cessent d’émerveiller un public qui s’étend désormais bien au-delà de nos frontières. À un point tel que la création artistique est devenue l’une des principales images de marque du Québec. Nous comptons faciliter l’intégration de la relève et des jeunes artistes au marché culturel du travail. Plus encore, nous voulons qu’une nouvelle génération s’approprie la culture québécoise en la transformant à son tour avec les sons, les images et les concepts qui lui sont propres. Nous fondons aussi de grands espoirs sur l’émergence du tourisme culturel et sur un tout nouveau programme, « Arts et collectivités », qui, en mettant les arts au service des plus démunis, instaurera des collaborations nouvelles entre les milieux artistiques et les organismes communautaires.

Dans la capitale nationale, le taux de chômage a chuté de plus de 2 points et demi de pourcentage en un an. Nous voulons contribuer à accentuer ces succès, en triplant la dotation au Fonds de diversification économique, tout en augmentant les budgets de la Commission de la capitale nationale.

La métropole vient d’enregistrer sa meilleure performance économique des 11 dernières années. Elle retrouve son rôle de locomotive économique du Québec, elle a repris la première place comme capitale canadienne des sièges sociaux et elle est en voie de s’imposer comme une des métropoles continentales qui comptent. L’actuelle tournée québécoise de son maire le démontre : la métropole s’ouvre à la fois à l’étranger et aux régions du Québec.

Pour utiliser une analogie que le maire de Montréal a rendue célèbre, on pourrait résumer la situation en disant que la métropole a terminé son adolescence, qu’elle a maintenant la maturité voulue pour assumer non seulement son indépendance, mais pour accepter son interdépendance avec le reste du Québec. J’en veux pour preuve que la ministre d’État aux Affaires municipales et à la Métropole déposera sous peu un plan d’action conjoint du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal. Le gouvernement du Québec sera au rendez-vous, c’est certain, pour continuer à soutenir la reconversion économique de Montréal, son regain culturel, touristique, financier. Il y sera aussi pour contribuer à moderniser la gestion de la région métropolitaine, pour l’aider à acquérir plus de cohésion, d’équité et d’efficacité.

En ce qui concerne l’ensemble des municipalités, qui ont fait leur juste part dans l’oeuvre commune d’assainissement des finances publiques, elles connaissent l’engagement du gouvernement de convenir avec elles, dans les meilleurs délais, d’un nouveau pacte fiscal. Le rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locales, que nous recevrons sous peu, servira de base de discussion dans ce dossier structurant pour les municipalités et l’économie québécoise.

Chez les nations autochtones, la volonté d’entreprendre est maintenant manifeste et nous mettrons en ouvre le fonds de développement de 125 millions sur cinq ans pour soutenir des mesures et des projets autochtones de développement économique et d’infrastructures communautaires.

La position de mon gouvernement est claire : envers les nations autochtones, l’heure est aux partenariats, dans le respect mutuel des intérêts communs et des différences. Nous favorisons la conclusion d’ententes, le développement de l’autonomie gouvernementale et financière, l’amélioration des conditions sociales et économiques. Aux chutes Churchill comme ailleurs sur le territoire, nous privilégions une approche de négociation où chacun peut tirer profit du développement économique et des emplois, tout en préservant ses traditions, son environnement et ses droits.

Créer de l’emploi, c’est notre priorité, et nous avons aussi bien l’intention de garder les emplois que nous avons déjà. Plusieurs fois, ces dernières années, nous avons réussi à renverser des décisions de fermetures d’usines. Il s’est développé au Québec un refus du fatalisme dont nous devons saluer les effets. Nous allons passer à l’étape de la prévention. Le ministre de l’Industrie et du Commerce va créer une vigie pour détecter les signes avant-coureurs de fermetures d’entreprises et créera un groupe tactique d’intervention hâtive pour intervenir avant que l’irréparable ne se produise.

Dans tous ces emplois qui se créent pour nos jeunes et nos chercheurs d’emploi, on trouve un nombre croissant d’emplois précaires et autonomes.

Les jeunes se retrouvent devant un marché du travail plus complexe, plus exigeant, moins sécurisant, de telle sorte que, même lorsqu’ils travaillent, il leur faut parfois attendre trois, cinq ou même dix ans avant de bénéficier d’une stabilité financière. Alors ils attendent. Attendent avant d’avoir des enfants, avant d’investir dans l’achat d’une maison. Attendent avant de s’impliquer dans le tissu social et communautaire.

Nous n’avons pas le pouvoir de faire reculer la réalité économique et de transformer tous les emplois en emplois réguliers. Cependant, nous avons le pouvoir de réduire la précarité lorsqu’elle ne répond pas à un choix ou à une nécessité économique et nous avons l’intention de donner l’exemple en le faisant progressivement pour les employés de l’État. Nous avons surtout le pouvoir de fournir aux travailleurs autonomes un filet social adapté et renforcé qui leur permet de progresser dans leurs parcours professionnel et familial avec plus de sécurité.

Le régime de congés parentaux, dont j’ai parlé, sera un de ces outils, et il y en aura plusieurs autres : je pense à la reconnaissance juridique du statut de travailleur autonome et à la création d’un guichet unique, au ministère du Revenu, pour cette clientèle. Au cours des prochains mois, nous voudrons également rendre disponibles aux travailleurs autonomes, dans les Centres locaux d’emploi, les mêmes services et le même soutien pour la formation professionnelle qu’aux autres travailleurs et chercheurs d’emploi. Plus largement, les consultations engagées par la ministre d’État au Travail et à l’Emploi pour moderniser le Code du travail viseront en particulier à adapter nos lois à cette nouvelle réalité.

Lorsqu’ils entrent sur le marché du travail, les jeunes se heurtent à un autre phénomène, celui des clauses orphelins. Soyons clairs : il s’agit de clauses où l’entreprise et une majorité de syndiqués s’entendent pour réduire les droits ou la rémunération des travailleurs les plus jeunes. Depuis près d’un an que ce débat est lancé, le gouvernement québécois, en tant qu’employeur, a fait en sorte de ne jamais proposer ou accepter de telles clauses. La ministre d’État au Travail et à l’Emploi déposera sous peu un projet de loi pour mettre de l’ordre dans ce dossier. Il s’agit d’un équilibre délicat, où il faut protéger les droits des jeunes sans créer de rigidités telles qu’elles ferment les portes de l’emploi.

La ministre a aussi le mandat de reconfigurer les lois du travail en fonction du nouvel environnement économique. Il y a là une responsabilité gouvernementale, mais également un défi lancé aux partenaires du marché du travail qui devront savoir proposer, innover, changer.

L’encadrement législatif de l’emploi doit notamment prendre en compte les diverses réalités des salariés pour mieux les soutenir et les défendre, tout en favorisant l’élan des entreprises vers la création d’emplois. En un mot, si nous pensons que l’autonomie et la polyvalence des employés sont des atouts dans l’économie du nouveau siècle, l’insécurité et l’angoisse permanentes, elles, ne sont ni des facteurs de réussite économique ni des conditions propices à la qualité de la vie.

Là, comme ailleurs, nous disons Oui à l’économie de marché, mais Non à la société de marché.

La réinsertion et l’exclusion zéro.

Le jeune adulte québécois a maintenant passé le cap de la vingtaine. Comme cela arrive malheureusement dans certains cas, les bouleversements de la vie ou de l’économie l’ont peut-être conduit au chômage, à l’aide sociale, ou à se retrouver dans la situation de ce qu’on appelle  » les sans-chèques « .

Si le sort a voulu que ce Québécois souffre de conditions qui rendent impossible son retour au marché du travail, la solidarité sociale lui garantira un revenu constant, grâce notamment à la clause d’appauvrissement zéro.

Mais dans la grande majorité des cas, le Québécois dont nous suivons le parcours est apte au travail. Nous avons donc, ce jeune et nous, une tâche commune : la réinsertion en emploi.

Et ce Québécois à la recherche d’emploi n’a pas à se demander pourquoi ni comment s’organisent les services gouvernementaux de l’emploi. Il veut savoir ce qu’on attend de lui et ce qu’on peut faire pour lui. En 1999, enfin, il obtiendra ces réponses en frappant à une seule porte.

À compter de juillet, tous les chercheurs d’emploi qui ont besoin de l’aide financière de l’État seront traités sur un même pied. Ils seront tous considérés comme en cheminement vers le marché du travail, sans étiquette, sans stigmate. Ils recevront d’Emploi-Québec des allocations leur permettant de se consacrer à plein temps à leur parcours de formation et d’insertion. Nous mettons donc fin à une longue tradition selon laquelle les prestataires de la sécurité du revenu engagés dans des programmes d’aide à l’emploi recevaient des allocations nettement inférieures à celles des prestataires d’assurance-emploi participant aux mêmes activités. Nous investirons 100 millions de dollars dans cette harmonisation, donc 100 millions de plus pour la réinsertion en emploi.

Nous avons dit que le diplôme était la clé pour entrer sur le marché du travail. C’est encore vrai lorsqu’on veut réintégrer le marché du travail. La formation constituera le principal outil stratégique d’Emploi-Québec, qui y consacrera 350 millions de dollars par an.

Cette orientation très nette en faveur de l’emploi se conjuguera avec la lutte contre l’exclusion sociale. Le ministre de la Solidarité sociale proposera des actions d’intégration visant une participation élargie à des activités socialement utiles et valorisantes, dans la perspective de ce que nous appelons désormais : l’exclusion zéro.

Pour y arriver, les activités bénévoles et communautaires seront également soutenues et encouragées. Déjà, ces organismes bénéficient d’un investissement gouvernemental de l’ordre de 300 millions de dollars par an. Le ministre de la Solidarité sociale présidera à l’élaboration de la première politique québécoise de reconnaissance de l’action communautaire autonome et il fera des recommandations quant aux suites à donner au Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Nous voulons une société tolérante, et nous entendons respecter notre engagement à l’égard de la reconnaissance des conjoints de fait, y compris des conjoints de même sexe. Nous voulons une société conviviale, une société en sécurité et en santé.

Une société en sécurité et en santé.

Vendredi, la ministre de la Santé et des Services sociaux fera état des orientations qu’elle compte adopter pour le réseau de la santé. Mardi, dans le discours du budget, le ministre des Finances annoncera les ressources qui seront dégagées pour y parvenir. Il va sans dire que nous honorerons la totalité de nos engagements électoraux dans ce domaine.

Après des années d’une réforme nécessaire et difficile, réforme de structures et de modes de fonctionnement, réforme de budgets et d’organisation du travail, nous avons maintenant les outils et les moyens de mettre résolument les personnes et leurs besoins au centre de notre action.

Grâce au travail accompli depuis quatre ans, les services de santé et les services sociaux peuvent et doivent maintenant se déployer tout naturellement autour des besoins du malade, en continuité, du point d’entrée dans le système jusqu’aux soins à domicile.

Donner la priorité aux personnes, c’est également reconnaître l’essoufflement du personnel, notamment du personnel infirmier et d’y répondre par des ajustements appropriés. C’est reconnaître aussi qu’il faut réfléchir à nouveau sur la pratique médicale, la place du médecin de famille, son rôle et ses responsabilités.

Les ressources humaines sont l’âme du réseau de la santé. Elles doivent reprendre leur souffle, profiter de moyens accrus et se remobiliser autour de la seule tâche qui compte : prodiguer des soins.

Se préoccuper des personnes, c’est agir encore plus résolument face à deux problèmes récurrents qui contribuent à les insécuriser : l’encombrement de beaucoup de salles d’urgence et les listes d’attente en chirurgie dans certains secteurs névralgiques. Maintenant que la réforme est accomplie et que des ressources nouvelles sont disponibles, nous pourrons y concentrer plus que jamais nos énergies.

Les soins et les services à domicile seront appelés à se développer en quantité et en qualité pour répondre à une demande croissante. Les hôpitaux universitaires doivent jouer pleinement leur rôle et, en certains cas, des choix structurants doivent être faits rapidement.

La sécurité des personnes guidera le travail du ministre de la Sécurité publique. Le rapport de la Commission Nicolet sur les événements relatifs à la tempête de verglas nous permettra d’améliorer la capacité du Québec de répondre rapidement et adéquatement aux situations d’urgence, comme celle que nous avons vécue pendant le grand verglas.

En Amérique du Nord, le Québec est un des endroits les plus pacifiques, la criminalité y est faible et a encore chuté de 15 % depuis cinq ans. Paradoxalement, nos services correctionnels subissent une pression accrue et le gouvernement se penchera sur les mesures à prendre pour leur permettre de mieux assumer leur rôle. Le ministre de la Sécurité publique s’inspirera des recommandations du rapport d’enquête Poitras sur la Sûreté du Québec pour rendre nos corps policiers plus efficaces, plus professionnels, plus respectueux de l’éthique, plus proches des citoyens, plus intègres.

Intégrité. Rien ne peut se faire, en démocratie, sans assurer l’intégrité du processus électoral. Il doit être au-dessus de tout soupçon. Après le référendum de 1995, quand des plaintes avaient été portées sur l’interprétation de certains votes, nous avons immédiatement agi pour modifier le bulletin de façon à exclure dorénavant toute ambiguïté. Une enquête indépendante fut lancée par le Directeur général des élections, qui a porté des accusations. Aujourd’hui, des médias ont mis en lumière la faiblesse du niveau d’identification des électeurs au moment de voter. Le projet de loi 1 que déposera le ministre responsable de la Réforme électorale, visera à corriger cette lacune.

Un État moderne, branché, flexible.

Les jeunes du Québec ont déjà fait de l’Internet un de leurs outils privilégiés.

Voilà une génération de citoyens, de travailleurs et d’entrepreneurs qui pourront tirer le maximum de la nouvelle technologie pour leurs divertissements et leur culture personnels, et pour l’économie québécoise.

Avec le nouveau ministre délégué à l’Autoroute de l’information, l’État québécois compte être au rendez-vous. Les citoyens et les entreprises pourront bientôt communiquer avec l’État québécois, en toute sécurité pour leurs renseignements personnels, pour un nombre croissant de transactions et de demandes d’information. Un exemple parmi cent : demain, le citoyen québécois pourrait signifier une seule fois son changement d’adresse et la concordance serait relayée à tous les services gouvernementaux avec lesquels il transige. Et dès l’année d’imposition 1999, les déclarations de revenus du Québec pourront être acheminées via le réseau Internet. Moins de paperasse, moins d’attente, moins de tracas.

Nous poursuivrons d’ailleurs notre travail d’allégement réglementaire, qui a déjà fait disparaître en trois ans 400 000 permis et autorisations et réduit de plus de moitié le rythme d’adoption de nouveaux règlements. Nous sommes maintenant en vitesse de croisière pour simplifier les rapports entre le citoyen et l’État : dans quelques jours la ministre du Revenu va annoncer l’abolition de plus de 15 000 permis et certificats dans un seul secteur d’activité. Elle rendra également public son calendrier de travail pour d’autres secteurs. Plus globalement, nous allons reconduire pour deux ans le mandat du Groupe conseil sur l’allégement réglementaire.

Le régime environnemental a bientôt un quart de siècle, il est jugé trop mou par les écologistes et trop lent par les partenaires de l’emploi. Le ministre de l’Environnement se propose de satisfaire ces deux groupes en révisant en profondeur les systèmes d’autorisations et la procédure d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux. Et cette réforme, il l’articulera autour du contrôle des résultats plutôt que des processus. Le ministre de l’Environnement produira également une stratégie québécoise sur les changements climatiques pour respecter les objectifs fixés à Kyoto et il publiera la politique québécoise de l’eau.

Toute la fonction publique québécoise sera appelée à se réinventer. Sous l’égide du président du Conseil du trésor et en consultation avec les parlementaires, les fonctionnaires, les cadres, les syndicats et tous les intéressés, nous comptons lancer une profonde modernisation de la fonction publique. Elle mettra l’accent sur la qualité des services aux citoyens et sur l’atteinte de résultats mesurables. Le Québec est privilégié de pouvoir compter, je le constate tous les jours, sur une fonction publique professionnelle, compétente et loyale. La réforme que nous proposons donnera davantage de liberté d’action à des gestionnaires plus imputables. Elle leur permettra de se doter des outils les plus performants et de s’inspirer des pratiques des pays les plus avancés dans le domaine. Elle permettra de donner une nouvelle jeunesse à l’État québécois et d’accompagner le Québec dans ses ambitions de changement pour le nouveau millénaire.

Nous espérons attirer certains des meilleurs diplômés du Québec au service de leur collectivité et nous sommes d’accord avec la Commission des droits de la personne pour dire que la sous-représentation, dans la fonction publique, de Québécois d’origines diverses est simplement inacceptable. Nous avons réussi à augmenter considérablement et à brève échéance le nombre de femmes dans les rangs de la fonction publique. Pendant notre dernier mandat, leur place dans des postes décisionnels et stratégiques a fait un bond de 136%, et nous nous sommes engagés à faire mieux encore. Dans ce nouveau mandat, je ne vois pas de raison de ne pas arriver aussi à faire une place équitable à la diversité québécoise. Le ministre des Relations avec les citoyens et le président du Conseil du trésor proposeront un calendrier et des moyens pour y arriver.

Le Millénaire et le Sommet de la jeunesse.

Parmi le peuple québécois, on trouve un groupe en pleine croissance, par le nombre, par l’énergie et par la volonté de contribuer activement à l’avenir du Québec. Ses membres y entrent de plus en plus tôt et ils en font partie de plus en plus longtemps : les retraités et les aînés.

1999 est l’Année internationale des aînés. Et nous ne pouvons concevoir le Québec de l’an 2000 sans la participation et l’action des retraités et des aînés dans ce que nous voulons construire pour les jeunes Québécois.

1999, année du déficit zéro, donc de la liberté financière retrouvée, année de la mobilisation pour l’emploi et contre l’exclusion, année des aînés.

2000, année des commencements. Année qui sera marquée, dès ses premiers mois, par la tenue du Sommet du Québec et de la jeunesse.

Il y a donc lieu de procéder, symboliquement et concrètement, à un formidable passage de flambeau du Québec d’hier au Québec de demain.

J’annonce aujourd’hui que les célébrations québécoises du millénaire seront organisées sous le signe de la jeunesse du Québec et sous le thème « On réinvente notre monde ». Un budget de plus de 10 millions de dollars servira à financer des projets « jeunes » et qui visent un partenariat entre les générations. Les activités du programme du millénaire québécois s’échelonneront entre l’automne 99 et mars 2001. Ses modalités seront annoncées ce printemps.

Pour le passage du 31 décembre 1999, les Québécoises et les Québécois seront appelés à démontrer une fois de plus que nous savons concilier la fête et la nordicité.

Cette nuit-là, 10 000 scouts, du Québec et de 140 pays, se sont déjà donné rendez-vous ici, dans la capitale nationale. Avec eux, et en réseau avec des manifestations qui se dérouleront simultanément dans la métropole et en régions, nous organiserons un événement national pour accueillir le nouveau millénaire.

Puis, dans les mois qui suivront, au Sommet du Québec et de la jeunesse, les décideurs et la jeunesse québécoise réactualiseront la phrase de Félix-Antoine Savard : « J’ai beaucoup mieux à faire que m’inquiéter de l’avenir : j’ai à le préparer. » Ce sommet abordera des thèmes qui occupent immédiatement nos esprits: l’éducation et la formation, l’emploi, la réussite, l’effort qui doit être réalisé pour nos jeunes en difficulté.

Le ministre d’État à l’Éducation et à la Jeunesse expliquera sous peu le cheminement et les chantiers qui nous prépareront à ce grand remue-méninges.

Il nous dira que le Sommet doit aussi voir plus large, et d’au moins deux façons.

D’abord, il doit se poser les questions d’équité entre les générations. S’il est vrai que la pyramide des âges fera en sorte que, de décennie en décennie, de moins en moins de travailleurs financeront le revenu de plus en plus de retraités, c’est aujourd’hui qu’il faut poser le problème et choisir des pistes de solution, pas lorsque nous serons au pied du mur. Avec la réforme de la Régie des rentes, nous avons assuré l’équité intergénérationnelle dans les droits de retraite mais qu’en est-il des autres grandes dépenses publiques ?

Au Sommet du Québec et de la jeunesse, il faut réfléchir, non seulement au Québec de l’an 2000, mais au Québec de l’an 2020, et de l’an 2050. Il faut éviter ensemble, aujourd’hui, les problèmes d’après-demain. Il faut aussi préparer ensemble, aujourd’hui, les réussites à venir. Il faut choisir d’investir sur le moyen et le long terme.

Ensuite, il faut se poser la question de la place du Québec dans le monde. Pour chaque jeune du Québec, la mondialisation est un phénomène à la fois emballant et angoissant. Y a-t-il une stratégie, à la fois économique et culturelle qui permet au Québec, non seulement d’être actif dans la mondialisation sans y perdre son âme, mais d’en user comme d’une façon de renforcer son originalité, de la projeter dans l’avenir ?

Une stratégie qui permet d’en faire un défi individuel, une aventure collective et un avantage ?

Je crois que la réponse commence à émerger d’elle-même, dans le Québec qui se dessine. Parce que nous sommes différents, parce que nous sommes des Nord-Américains parlant le français, le Québec est devenu à plusieurs égards un creuset d’innovations européennes et américaines.

Dans le secteur universitaire, il existe 400 programmes de recherche conjoints entre les universités québécoises et européennes. En 30 ans, plus de 100 000 Québécois et Français ont travaillé les uns chez les autres.

Dans le secteur industriel, le Québec compte aujourd’hui presque autant d’entreprises américaines qu’européennes. Elles travaillent côte à côte dans des concentrations qu’on retrouve rarement ailleurs.

En aérospatiale, en pharmaceutique, en multimédia, présents aux mêmes tables sectorielles, Européens, Américains et Québécois travaillent ensemble, s’échangent main-d’œuvre, idées, concepts. Ces entreprises sont entraînées dans le modèle québécois de concertation, lui-même une création québécoise originale adaptant à l’Amérique du Nord des pratiques européennes.

Parfois, des entreprises québécoises deviennent les porteurs, en Amérique, de technologie européenne : c’est le cas de Bombardier qui exporte au sud la technologie française de Gec-Alsthom. Le Global Express, de Bombardier, est un exemple d’intégration réussie de technologies britannique, française, allemande, japonaise, québécoise et canadienne. Quebecor et Cascades renvoient l’ascenseur en implantant en Europe des technologies nord-américaines de traitement des pâtes et papiers.

Le fait que 50% de la population active du Québec, 60% de Montréalais, que 80 % des cadres et ingénieurs montréalais soient individuellement bilingues, le fait que le taux de trilinguisme soit deux fois plus élevé au Québec que dans le reste du Canada, donnent à des centaines de milliers de Québécois la capacité individuelle d’intégrer, dans leur cerveau, dans leurs équipes et dans leur travail, des idées, des concepts et des techniques venus de Paris et de New York, de Munich, Mexico et Los Angeles.

En culture, il est indubitable que le Cirque du Soleil offre à des spectateurs enchantés une recombinaison québécoise de cultures européennes et nord-américaines.

En musique populaire, y a-t-il un autre peuple au monde qui se sente personnellement concerné à la fois par les cérémonies des Grammys américains et des Victoires français, comme s’il s’agissait du gala de l’Adisq ?

Parce que nous sommes différents et déjà en symbiose avec le monde, nous avons commencé à développer ce que j’appellerais L’avantage québécois.

L’avantage de pouvoir réfléchir simultanément en québécois, en américain et en européen. L’avantage de pouvoir apprendre, comprendre et intégrer ce qui se fait de mieux sur les deux continents. L’avantage de pouvoir réunir autour de nous et chez nous des chercheurs, des investisseurs, des artistes de deux continents. L’avantage d’avoir créé ici, grâce au modèle québécois, un cadre convivial où la jonction peut avoir lieu et faire naître de nouvelles idées.

Au cours de la dernière décennie, le Québec a principalement fait porter son action sur les États-Unis et la France. Nous nous proposons de repousser les frontières dans les deux directions. Avec la décennie des Amériques, nous voulons, en 10 ans, faire du Québec un partenaire actif et constructif des Amériques. En Europe, nous voulons tisser des liens plus étroits avec d’autres membres de la communauté européenne.

Dans l’année qui nous sépare du Sommet du Québec et de la jeunesse, j’aimerais que les jeunes, les décideurs, les membres du gouvernement et de cette assemblée réfléchissent aux façons de tabler sur cet avantage et d’en tirer le maximum pour l’avenir.

Cet avantage, on le trouvera d’abord dans la tête des jeunes Québécois, dans ce qu’ils auront appris, vu et vécu. Dans cette optique, en éducation, l’apprentissage des langues devient impératif, et nous voulons faire en sorte que tout Québécois qui le désire puisse avoir accès, gratuitement, à brève échéance, à l’apprentissage du français, de l’anglais, et d’une autre langue, principalement l’espagnol. À cette fin, nous devrions nous fixer un objectif d’augmentation du bilinguisme et du trilinguisme individuel au Québec ; en éducation supérieure, il faut réfléchir aux moyens de multiplier les occasions pour les jeunes Québécois d’acquérir des connaissances aux États-Unis et en Europe ;

– nous devons réfléchir aux façons d’augmenter en Europe et pour les Amériques le nombre des échanges en milieu de travail et en formation, comme le fait avec grand succès l’Office franco-québécois pour la jeunesse ;
– le Québec est au carrefour du droit civil et de la common law. Pouvons-nous favoriser, chez nos étudiants en droit commercial, une spécialisation qui les rendrait plus utiles encore aux entreprises québécoises, américaines et européennes ?
– en recherche, pouvons-nous nous fixer comme objectif de faire des chercheurs québécois, chaque fois que c’est possible, des pivots de la recherche américaine et européenne – qu’ils deviennent graduellement des experts de l’intégration de ce qui se fait de part et d’autre, et qu’ils attirent par conséquent ici des chercheurs d’Amérique et d’Europe ? Pouvons-nous mieux intégrer dans les écoles techniques et professionnelles des apports américains et européens ? Pouvons-nous multiplier les programmes d’invitation des experts étrangers au Québec dans plusieurs domaines, pour qu’ils enrichissent le creuset québécois et qu’ils en témoignent dans leur pays d’origine ?
– en économie, pouvons-nous inciter les entreprises québécoises à prospecter la technologie sur les deux continents et en valoriser dans la recherche d’investissements la capacité du Québec de faire la jonction entre les technologies européennes et américaines ?
– dans le domaine culturel, à l’image de l’école de cirque de Montréal, qui recrute dans le monde entier, pouvons-nous favoriser l’émergence d’institutions culturelles qui font du Québec un carrefour des arts ? et cette orientation n’est-elle pas une occasion rêvée de mettre à contribution des Québécois d’origines diverses dans un projet commun ?

L’avantage québécois peut être une façon bien à nous de faire et de prendre notre place dans la mondialisation. Il peut être une façon de donner à chaque jeune Québécois qui s’y intéresse l’occasion d’être superbement branché sur le monde parce qu’immanquablement québécois. Il permet d’inscrire la recherche personnelle d’excellence dans un projet collectif, celui de faire du Québec un des endroits les plus intéressants de la planète.

Je le soumets à votre réflexion.

Trouver sa place dans le monde, se faire reconnaître à l’étranger, cela suppose que l’on se connaisse ici, entre nous, au Québec.

Il faut trouver des façons nouvelles de se retrouver entre Québécois d’âges et de régions diverses. Il y a aujourd’hui plus de jeunes Québécois qui font des échanges avec le reste du monde qu’entre nos régions. Je sais que le ministre des Relations avec les citoyens vient d’annoncer un programme qui permettra aux étudiants de la métropole et des régions de se visiter et de se connaître et c’est une excellente initiative.

Dans la même veine, j’aimerais que, d’ici le Sommet, des organisations de jeunes et de retraités, des organisations francophones et d’autres communautés linguistiques, des organisations des régions et des grands centres urbains réfléchissent à l’idée d’un grand brassage québécois. On pourrait faire en sorte qu’à la fin de l’adolescence, les jeunes Québécois qui le désirent puissent donner quelques semaines d’un de leurs étés pour contribuer, dans une autre région québécoise, au bien-être de leurs concitoyens, au bien-être du Québec. Peut-on imaginer que, grâce notamment au travail de bénévoles à la retraite, des jeunes Gaspésiens donnent un coup de main dans l’ouest de l’île de Montréal ? Que de jeunes hispanophones de Parc Extension prennent un bain d’Abitibi ? Et qu’ensemble, anglophones de l’Outaouais, francophones de Mauricie et néo-Québécois prennent la route pour découvrir un Québec qu’ils ne connaissaient pas, et qu’ils en reviennent en sachant qu’ils ont fait leur part, donné leur temps, retroussé leurs manches pour le bien commun, simplement parce qu’ils sont Québécois ?

Le calendrier électoral m’a poussé à faire récemment, et plutôt deux fois qu’une, le tour du Québec. J’en ai retiré la conviction qu’il y a chez nous, dans toutes les générations et dans toutes les régions, une réserve de générosité et une volonté d’entraide qui ne demandent pas mieux que de s’exprimer. L’an dernier à pareille date, sous le poids du grand verglas, le Québec a prouvé sa capacité d’entraide. Si nous pouvons le faire sous les intempéries, pourquoi ne pas décider de le faire pour le plaisir, par esprit civique et par beau temps ?

Vous le voyez, le Sommet du Québec et de la jeunesse sera une occasion où il faudra concilier notre devoir d’améliorer concrètement et rapidement la réalité des jeunes du Québec et notre désir de voir grand.

L’identité québécoise en 2020.

Le passage à l’an 2000 doit être l’heure des commencements, mais aussi l’occasion de prendre du recul et de nous poser quelques questions de fond.

La souveraineté et le fédéralisme ? Bien sûr nous en débattrons, chacun dans nos partis et ensemble. Contrairement à ce que prétendait le chef libéral, l’élection de mon parti ne déclenche pas un processus irréversible vers la souveraineté et, qu’il se rassure, nous ne le prenons pas au mot sur sa prédiction de campagne. Cependant, il est indubitable que la réunion des conditions d’un référendum gagnant sur la souveraineté fait partie du mandat que nous avons sollicité et obtenu. L’enjeu politique de l’élection était clair pour tout le monde.

Cela dit, la question de fond que je veux soulever maintenant en est une qui ne divise pas cette assemblée mais qui l’unit dans une même volonté de préserver l’identité québécoise de génération en génération.

La politique québécoise d’intégration des nouveaux Québécois, introduite par un gouvernement libéral, est vieille maintenant de plus de dix ans. La Charte de la langue française fut adoptée il y a plus de vingt ans, puis fut modifiée et adaptée de part et d’autre, jusqu’à faire aujourd’hui consensus parmi les membres de toutes origines de cette assemblée. C’est ma conviction que sur le plan linguistique, à quelques nuances près, nous avons employé autant que faire se peut l’action législative. Le reste de notre action doit être essentiellement incitatif.

Reste que le temps me semble venu, alors qu’aucun scrutin n’est imminent, de faire un peu de prospective et de se demander comment, en 2020 ou 2050, l’identité québécoise se portera. Plusieurs phénomènes se conjuguent aujourd’hui et agissent sur notre identité de telle façon que nous serions négligents de ne pas nous en préoccuper.

La mondialisation, bien sûr, a décuplé la force d’attraction de l’anglais dans nos vies, chez les francophones et chez les néo-Québécois. Nous proposons nous-mêmes, je viens de le dire, une meilleure connaissance de l’anglais chez nos citoyens francophones et chez nos jeunes en particulier. Cependant, c’est une variable qu’il faut maintenant intégrer lorsqu’on prépare l’avenir.

Il faut prendre acte du fait, nouveau et important, que les États-Unis sont maintenant le premier partenaire économique du Québec, désormais bien avant le Canada anglais. La nord-américanité du Québec s’en trouve renforcée. Cela a des effets qu’il faut connaître et comprendre.

Depuis quelques années, le gouvernement canadien a pour sa part décidé d’investir massivement le champ identitaire et culturel québécois. Il le fait sans la moindre coordination avec les objectifs et priorités décidés par les élus du Québec. Il faut en mesurer les conséquences.

Les enfants de la loi 101 sont en train de prendre leur place dans la société québécoise. Leur point de vue est neuf et différent, ils ont sans doute des choses à nous dire sur ce que nous sommes en train de devenir. Il faut les interroger et les écouter.

Les démographes nous envoient un signal d’alarme, à la fois sur la pyramide des âges de la première moitié du prochain siècle et sur l’affaiblissement prévisible de notre poids démographique, donc du poids politique et culturel de l’ensemble québécois au Canada et en Amérique. Peut-on leur faire la sourde oreille ?

Nous avons un même but : faire en sorte qu’en 2020, 2040, 2060 et ainsi de suite, sur ce coin d’Amérique, un peuple à plusieurs égards singulier et dont la langue officielle et commune est le français, préserve, modernise et lègue son originalité à travers le temps et le changement.

Peut-être sommes-nous en train d’y parvenir. Peut-être vivons-nous plus dangereusement que nous ne le soupçonnons. Je proposerai des façons de nous poser ces questions, de trouver les réponses qui éclaireront nos actions au besoin.

L’avenir politique du Québec.

J’aimerais dire quelques mots, en terminant, sur la place du Québec au sein du Canada. Il s’est produit, il y a un mois, le 4 février, un événement d’une très grande importance dans la façon dont ce pays est gouverné.

Le 4 février, neuf Premiers ministres de province et deux leaders de territoire ont signé, en moins de deux heures, un document soumis par le fédéral et qui fait en sorte que les gouvernements provinciaux, du moins les signataires, ne sont plus maîtres chez eux en matière de programmes sociaux.

Sans changer la constitution, le Canada anglais a accepté que le gouvernement fédéral devienne le véritable leader et décideur pour tout ce qui concerne la solidarité sociale. Les provinces, elles, ont accepté de devenir ni plus ni moins que les sous-contractantes des initiatives venues d’Ottawa. Elles ont même approuvé – que dis-je, applaudi ! -, la volonté d’Ottawa d’intervenir directement, auprès des citoyens et des organismes, dans les domaines de son choix. Et ceux qui croient que cette entente de trois ans ne sera pas reconduite à perpétuité ne comprennent pas la dynamique des relations fédérales-provinciales. Ce qui a été perdu par les provinces, le 4 février, risque fort d’être perdu à jamais.

Le chef de l’Opposition et député de Sherbrooke a bien résumé, dans une lettre ouverte aux journaux, les raisons pour lesquelles le Québec souhaitait poursuivre les négociations et ne pouvait signer le texte présenté. Je le cite lorsqu’il écrit que l’accord comporte des lacunes « de nature à porter ombrage a priori aux compétences de l’Assemblée nationale et à mettre en péril éventuellement certains des intérêts spécifiques au Québec. » Plus loin, il écrit que les dispositions de l’accord touchant la mobilité risque de servir « éventuellement à l’uniformisation des normes et ne mette en péril la spécificité québécoise. »

C’est tout à fait exact.

Plusieurs commentateurs, au Canada anglais, se sont demandés comment les premiers ministres provinciaux, gardiens des pouvoirs de leur législature respective, avaient pu ainsi aliéner leurs droits au profit du gouvernement central. Comment ils avaient pu, en quatre jours, abandonner leur position unanime en faveur des droits des provinces et se soumettre sans nuances à la volonté fédérale. Certains ont rappelé les déclarations publiques assez franches de quelques Premiers ministres à l’effet que leur véritable objectif était d’obtenir plus d’argent.

Cependant, je ne crois pas que les appétits budgétaires puissent expliquer à eux seuls le changement intervenu il y a un mois. Disons qu’ils ont facilité et peut-être accéléré l’émergence d’une réalité nouvelle au Canada anglais. J’ai beaucoup parlé à mes collègues des autres provinces pendant ce curieux processus. La vraie raison tient au fait que, dans chacune de ces provinces, une majorité de citoyens pense maintenant que le Canada doit être gouverné de façon plus unifiée, plus intégrée, d’un océan à l’autre. Ils pensent que les gouvernements provinciaux doivent déblayer le chemin pour les initiatives venues du vrai Parlement du Canada, celui d’Ottawa. Les Premiers ministres des provinces anglophones n’avaient pas la force politique d’empêcher cette nouvelle montée en puissance du gouvernement fédéral. À la base de ce mouvement vers l’uniformité, il y a le sentiment de plus en plus fort des Canadiens anglais de former un seul et même peuple.

Longtemps, le Canada anglais s’est cherché et a progressé à tâtons vers une façon de construire son identité et son pays. Voilà, la recherche est terminée. Le Canada anglais a fait son choix et, plus que jamais, ce choix, c’est Ottawa.

Le Québec observe cette tendance depuis plusieurs années, animé d’un double sentiment. D’abord personne, dans cette Assemblée, ne veut empêcher le Canada anglais de mieux coordonner ses objectifs, ses priorités et ses actions. Cependant, personne dans cette Assemblée n’accepte que le Québec soit soumis, contre son gré, à des priorités et des objectifs qui ne sont pas les siens.

Par conséquent, nous avons élaboré une position qui permet au Canada anglais de se coordonner et au Québec de choisir, au cas par cas, de se joindre à lui ou de façonner sa propre action. C’est ce qu’on a appelé : « le droit de retrait ».

Il y a eu deux phases à cette négociation. La première visait à convaincre les provinces de consentir à la position du Québec. À deux reprises, en deux ans, j’ai demandé à mes homologues s’ils comptaient imposer au Québec les décisions qu’ils prendraient avec Ottawa. Deux fois, je leur ai expliqué que le Québec ne pourrait se joindre à leurs revendications que si ce droit de retrait était intégré à leur proposition. Les deux premières fois, ils sont restés sans réponse. Mais à notre troisième rencontre, l’été dernier à Saskatoon, les provinces ont accepté de reprendre à leur compte notre position qui conciliait, de façon concrète et pratique, les intérêts du Canada anglais et ceux du Québec.

Au lendemain de l’accord de Saskatoon, l’actuel chef de l’Opposition a salué la valeur de ce compromis, le trouvant proche des positions de son propre parti. Les autres provinces étaient donc conscientes du fait que les deux grands partis à l’Assemblée nationale appuyaient cette démarche.

S’est alors ouverte la seconde phase des négociations, avec Ottawa. Il ne manquait que la signature fédérale pour que l’accord soit unanime et effectif. Le Québec a participé de façon active et constructive à chacune des étapes suivantes, notamment pour la rédaction d’une position provinciale unanime et complète déposée à Victoria à la fin de janvier. Avec mes collègues, sur la question de la santé, j’ai moi-même proposé la lettre conjointe dans laquelle nous nous engagions à réinvestir en santé les sommes nouvelles que le fédéral allait verser selon « les arrangements existants ».

Dans les quatre premiers jours de février, lorsque les provinces, une à une, ont délaissé la position provinciale pour adopter la position fédérale, il n’y a pas eu de malentendu ou de nuit des longs couteaux. J’ai parlé à de nombreuses reprises avec plusieurs de mes homologues qui m’ont informé qu’ils allaient signer, tout en disant comprendre pourquoi le Québec ne pouvait le faire. Qui plus est, les représentants du Canada anglais étaient parfaitement au courant du fait que l’Opposition officielle du Québec était, elle aussi, en désaccord avec l’approche fédérale. La veille du jour où il a signé l’accord, le Premier ministre de l’Ontario avait eu des conversations avec le chef de l’Opposition du Québec. Et je n’ai rencontré personne, au Canada anglais, qui considère le chef de l’Action démocratique comme un adepte du pouvoir fédéral de dépenser.

Les Premiers ministres du Canada anglais savaient cette Assemblée unanime contre la proposition fédérale. Ils ont signé quand même. Ils ont signé, je puis en témoigner, sans négocier. Ils ont signé en rejetant la proposition québécoise de continuer à négocier.

Et ils ont signé une entente qui donne à Ottawa carte blanche pour agir comme bon lui semble dans la zone d’autonomie des provinces, soit directement, soit en convainquant de la justesse de son projet six provinces représentant à peine 15% de la population canadienne. Au moins un porte-parole fédéral a dit qu’Ottawa s’autorisera de cet aval pour imposer chaque fois au Québec son objectif, sa priorité, son programme.

Dans sa lettre ouverte aux journaux, le chef de l’Opposition trouve à bon droit que cette méthode est dangereuse. Il écrit qu’il aurait fallu éviter, et je cite  » que six provinces peu populeuses et contribuant moins que les autres aux revenus fédéraux, ne puissent imposer leurs objectifs au Québec.  »

Et d’expliquer qu’il en faudrait davantage pour imposer leur volonté au Québec. Malheureusement, il ne précise pas le nombre requis.

Monsieur le chef de l’Opposition, le 4 février, elles étaient neuf à signer un accord dont vous dites qu’il met en péril les droits du Québec. Elles étaient neuf. Je leur avais parlé. Vous leur aviez parlé. Et rien de ce que nous leur avons dit ne les a dérangés.

Il faut se rendre à l’évidence. Il y a quelques années, le Canada disait : « What does Québec want ? » — Que veut le Québec ? Aujourd’hui, le Canada anglais dit : « Who cares what Québec wants ! » — Ce que le Québec veut, ça ne nous intéresse pas.

One month ago, nine English-Canadian premiers signed an agreement that, in effect, gives Ottawa a leadership role in all matters of social policy and a lever to bring in uniformity from coast to coast in many fields. In this deal, the provinces applaud and encourage the central government’s efforts to bypass provincial assemblies and become directly involved in any matter of public policy. The provinces also accept to become mere subcontractors to the designs, objectives and priorities set by the federal government with the support of provinces that could represent as few as 15% of the population. Commentators have wondered why the premiers agreed to this major power shift. Some wrote that budgets had a big role to play and it is true that one premier came to Ottawa with the cry of « Show me the money ». I believe this may have helped the federal cause somewhat, but I feel there is something much more important at play. For decades, English-Canadians have been in search of a way of being Canadians. They have found it. A majority of them have gradually decided that Ottawa, not the provinces, was the paramount Canadian government and that it should have the means to act accordingly. The premiers knew they did not have the political clout to turn this tide. English-Canadians have decided that they want to be governed as a single, unified nation. Good for them. We, in Quebec, have no quarrel with that new resolve, as long as it takes into account Quebec’s wish to retain its personality, as long as it respects our desire to remain true to ourselves, as long as we are not bullied into following someone else’s vision. That was what the Saskatoon agreement was all about: a way to let English-Canada build the strong central government it wanted, while respecting Quebec’s ability to chose to opt in or out of each new step in the process. When the nine premiers signed the Social Union deal framed by Ottawa without Quebec’s consent, when they refused our request for more negotiations, they knew full well that all parties in this National Assembly would oppose the agreement. The Leader of the Opposition even states that their agreement could eventually « put in peril » Quebec’s specificity and the powers of Quebec’s National Assembly. They knew it, and they signed anyway. So let’s be clear. A few years ago, English-Canada kept asking : « What does Quebec want? ». Now, their message is : « Who cares what Quebec wants? ». This is a message Quebeckers must ponder.

Donc, le Canada a choisi son modèle. Le Canada avance avec un appétit qui ne connaît pas de borne. Aucune compétence québécoise n’est à l’abri : la santé, l’éducation, les ressources naturelles – il y aura une politique fédérale de l’eau – les renseignements personnels, la formation des jeunes, j’en passe. Nous sommes en route vers un dédoublement intégral.

Pour le moment, les électeurs québécois se sont mis à peu de chose près au neutre. Le 30 novembre, ils ont livré au parti qui forme l’Opposition officielle son résultat le plus faible en 22 ans et ils ont reporté le parti ministériel au pouvoir, mais sans excès. Quand à l’ADQ, les électeurs n’ont pas élargi son caucus. Bref, les électeurs ont livré un message nuancé, comme c’est leur droit.

Il ne faut pas se méprendre. Le peuple du Québec a démontré dans le passé une capacité de rebondissement considérable. Nous savons tous que cette capacité est toujours là, prête à se manifester. Mais nous devons être francs et dire aux Québécoises et aux Québécois que, dans le contexte canadien actuel, il y a un prix politique à payer pour rester trop longtemps dans l’indécision.

Chacun des deux grands partis a lancé une réflexion, à l’interne. Le chef de l’Opposition a dit que, chez lui, « tout est sur la table ». Je le mets amicalement en garde, la dernière fois qu’un chef libéral a dit une chose pareille, en 1990, son comité constitutionnel lui a suggéré de faire la souveraineté.

Chez nous, un comité dirigé par le vice-premier ministre mène un important brassage d’idées.

Cette période de réflexion est indispensable, mais elle doit être rapidement fructueuse. Car pendant ce temps, le Canada force le jeu, impose ses vues, multiplie les prétentions et se complaît dans une rare arrogance. Depuis le 4 février, grâce à la signature de neuf provinces anglophones, le Canada se construit en refusant très officiellement la différence québécoise. Le « péril », pour reprendre le mot du chef de l’Opposition, est réel.

L’an 2000, année des commencements. Le Québec a tous les atouts pour s’affirmer. Politiquement, le peuple du Québec doit décider si l’an 2000 sera le commencement d’un abandon graduel de sa capacité de gérer ses affaires. Il doit décider si, 40 ans après Jean Lesage, il lui importe encore d’être « maître chez lui ».

Il peut décider au contraire que l’an 2000 sera le commencement d’une reprise en main de sa force politique, d’un regain de volonté de parler de sa propre voix et de faire ses propres choix.

Merci.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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