Louis Olivier Taillon, 1887 et 1892-1896
Honorables Messieurs du Conseil Législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,
C’est avec plaisir que je vous vois de nouveau réunis au siège du gouvernement pour accomplir les devoirs importants que vous imposent la constitution et l’intérêt public. Soyez les bienvenus.
Nous devons rendre grâces à la divine providence de l’abondante moisson dont elle a favorisé notre pays.
Puissent les produits de l’industrie agricole obtenir des prix rémunérateurs ; Nous verrons alors la prospérité des agriculteurs se communiquer aux autres classes de la société, et nous ne souffrirons plus de la crise qui, bien qu’elle n’ait fait qu’effleurer notre pays, pendant qu’elle sévissait ailleurs, a cependant entravé le mouvement des affaires.
Mon gouvernement s’est attaché à diriger, autant que possible, l’industrie laitière, et, afin d’empêcher l’encombrement dans le marché du fromage, il a favorisé tout spécialement la fabrication du beurre et a accordé des primes pour le fonctionnement des beurreries en hiver. Depuis trois ans que ces primes ont été accordées, la production du beurre fabriqué en hiver a plus que doublé.
Cette question d’équilibre dans la production étant en bonne voie, mon gouvernement a travaillé à rétablir en Angleterre la réputation de ce produit important de la province de Québec, réputation que des exportations faites dans de mauvaises circonstances avaient compromise. Les résultats obtenus jusqu’à présent sont des plus satisfaisants : le beurre de la province est classé en Angleterre parmi les meilleurs produits similaires du monde entier. L’exportation de cet article, qui périclitait en 1894, a repris vigueur. L’été dernier, elle a doublé celle de l’année précédente, et tout promet des développements encore plus considérables pour l’avenir.
Le chiffre total de la production de l’industrie laitière de la province de Québec, qui ne s’élevait pas à trois millions de dollars en 1890, a dépassé sept millions en 1894.
Si les dépôts faits dans les banques et les caisses d’épargne par les particuliers sont un critérium de la prospérité d’un pays, nous avons le droit d’en conclure, d’après les renseignements puisés aux sources officielles, que la province de Québec marche à la tête des provinces de la Confédération canadienne, sous ce rapport.
Pendant que toutes les branches de l’agriculture accomplissent des progrès qui attirent sur nous l’attention des provinces sœurs et des pays étrangers, de nouvelles régions sont ouvertes à l’exploitation agricole. Les terres fertiles de la Matapédia, du Lac Saint-Jean, du Témiscamingue et du nord de Montréal sont prises par des colons courageux venus des anciennes paroisses et de quelques villes du Canada et des États-Unis. Ce mouvement de colonisation, que mon gouvernement a favorisé le plus possible, s’explique surtout par le succès de l’agriculture dans toute la province, et par l’attention et la sollicitude que les classes dirigeantes témoignent à cette industrie. Le peuple apprécie de mieux en mieux la noblesse et les avantages de la carrière agricole, et il y a lieu d’espérer que cette juste appréciation offrira un remède efficace à la dépopulation des campagnes et à l’émigration qui ont fait tant de mal à cette province.
L’état de nos finances permettra à mon gouvernement de vous proposer l’abolition des licences de manufacture et de commerce et des taxes directes sur certaines personnes. Mais la situation financière ne pourra être réglée définitivement qu’après que les entreprises de chemins de fer, qui sont sur le métier, auront été complétées ou abandonnées, et après que la commission chargée d’arbitrer les comptes en dispute entre le gouvernement du Canada et les gouvernements de Québec et d’Ontario aura fini sa tâche.
D’après les lois que vous avez déjà votées, la construction des chemins de fer subventionnés par la province devra être terminée ou abandonnée dans un délai restreint.
Quant à l’arbitrage, je vous exprimais l’espoir, l’an dernier, que je pourrais vous en annoncer la fin à l’ouverture de cette session. A mon grand regret, cette espérance a été déçue. Ce n’est pas que mon gouvernement ait négligé cette affaire importante, ce n’est pas non plus qu’il y ait eu mauvais vouloir de la part des autres parties intéressées; mais l’étude des matières en litige a présenté de plus grandes difficultés et nécessite plus de travail qu’on ne l’avait prévu. Il est à craindre qu’il ne s’écoule encore plusieurs mois, avant que l’on arrive à la fin de cet arbitrage. Espérons que, pour éviter un si long retard, les trois gouvernements régleront, par un compromis, quelques-unes des réclamations les moins considérables.
L’intempérance continue ses ravages au sein de notre population. Il est du devoir du gouvernement de faire exécuter avec encore plus de vigueur et d’efficacité les lois relatives au débit des liqueurs enivrantes, et à vous, comme à tout bon citoyen, il incombe de faciliter cette tâche. On apprend bien vite à éluder les lois édictées pour protéger la société contre les dangers de ce commerce; c’est pourquoi, cette année encore, vous serez appelés à modifier ces lois.
La commission chargée de codifier les lois de la procédure civile a fini son travail. Vous pourrez, pendant cette session, étudier dans son entier le projet de code qu’elle a préparé. J’aime à croire que vous y trouverez les réformes que la magistrature, le barreau et les justiciables attendent depuis longtemps.
Les lois adoptées par la Législature de cette province, il y a quelque vingt années, pour préserver la pureté électorale ont certainement produit d’heureux résultats dans les premières élections qui ont suivi leur mise en vigueur ; mais l’ardeur des luttes de partis, la facilité avec laquelle on règle, au moyen de compromis, les contestations d’élections, certaines modifications adoptées par la Législature, et peut-être aussi une application moins rigoureuse de ces lois par les tribunaux, en ont déjà diminué l’efficacité. C’est pourquoi vous serez invités à étudier des amendements à la loi électorale et à la loi des élections contestées.
Vous aurez aussi à légiférer sur divers autres sujets d’une importance moindre.