Discours du trône, Québec, 9 janvier 1934

Louis-Alexandre Taschereau, 1920-1936

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

L’année qui vient de finir appartient encore à la période de dépression qui s’est appesantie sur le monde entier. Je suis cependant heureux de voir poindre une aurore nouvelle. La confiance renaît, le commerce et l’industrie sont plus actifs, nos banques ont conservé toute leur stabilité, le chômage diminue en plusieurs endroits, et l’on comprend mieux que le travail et l’économie, tant pour les gouvernements que pour les familles et les individus, sont encore les meilleurs et peut-être les seuls facteurs décisifs du retour à la prospérité. La convalescence sera longue, mais elle est commencée.

Notre province fut rudement atteinte, pas au même degré peut-être que les provinces sœurs, mais sa vie économique, dans tous les domaines, a été affectée; et, si de louables initiatives ont dû être ajournées, moins à cause de la nécessité d’économiser que par suite de la diminution considérable des revenus, elles sont encore au premier plan du programme d’action et de progrès que des jours meilleurs nous permettront d’exécuter dans toute son étendue.

Beaucoup de gouvernements ont voulu compenser par de nouvelles taxes la décroissance de leurs revenus. Le gouvernement de Québec a cru que le fardeau dont les contribuables sont chargés est suffisamment lourd sans qu’on l’augmente encore, et il a préféré accuser courageusement un déficit pour l’exercice expiré que d’ajouter aux impôts, estimant que les générations futures qui profiteront de nos progrès devront assumer leur part des sacrifices de l’heure présente.

J’ignore ce que l’année nouvelle nous réserve; quoi qu’il en soit, cependant, le gouvernement se refuse de recourir à l’imposition de tous nouveaux impôts.

Malgré la crise économique, des progrès notables ont cependant été réalisés dans la Province.

Le retour à la terre est certainement le meilleur remède au chômage. L’habitude des secours directs détruit tout esprit d’initiative et répugne de plus à la fierté du travailleur canadien. Ce mouvement vers la terre a pris beaucoup d’ampleur, car 3,500 familles, soit au moins 17,000 personnes, sont devenues des colons. L’année courante a même vu s’accentuer l’exode des villes vers les campagnes.

Notre industrie minière a bénéficié d’une activité sans précédent, grâce à la diminution de la royauté exigible et à la construction de chemins qui ont rendu facile aux mineurs l’accès des raines.

En dépit de la dépression, le gouvernement a cru qu’il fallait maintenir en bon état les chemins construits pendant les jours de prospérité, afin de conserver ce précieux capital; il a cru aussi qu’il était nécessaire de rendre ces voies attrayantes aux touristes et agréables à nos gens. Durant l’année écoulée, 157 milles de chemins ont été construits; 260 sont en préparation.

Nous avons généreusement contribué à l’avancement de l’agriculture, et le rendement de la récolte a été supérieur à celui de l’année antérieure.

Les octrois aux écoles, tant supérieures que primaires, n’ont pas été réduits; et, si les revenus de l’Assistance publique sont moindres, la caisse de ce service a été remplie à même les fonds généraux de la province. De ce seul chef, nos institutions de bienfaisance ont reçu au delà de $5,000,000.

Mais de nouveaux problèmes vont surgir, au cours de cette période de reconstruction économique.

Législation sociale et ouvrière, aide à la colonisation et à l’agriculture, développement de nos richesses naturelles, instruction publique, hygiène, mines et pêcheries, voilà autant de questions que vous aurez à étudier.

Le gouvernement vous soumettra des projets de lois permettant aux municipalités, dans leurs territoires respectifs, de municipaliser les systèmes d’énergie électrique, si tel est le désir des contribuables.

Il vous demandera également de l’autoriser à créer et à maintenir des fermes où les malheureux, au sortir de la prison, au lieu d’être déversés sans moyens de subsistance dans les grandes villes où ils n’ont souvent pour toute ressource que de retomber dans le crime, pourront refaire leur vie et reprendre une place honorable dans la société.

Le gouvernement vous présentera en outre un projet de loi pour contrôler le prix du lait, de manière à rendre l’industrie laitière plus rémunératrice pour le cultivateur, mais sans ajouter aux charges du consommateur. Cette loi assurera également la pureté des produits laitiers.

Enfin, vous devrez étudier une loi des assurances qui, je l’espère, mettra fin au conflit entre le Dominion et les Provinces.

Diverses autres mesures d’un intérêt général vous seront aussi soumises. Je les mentionne succinctement :

La protection des bûcherons dans la forêt; le contrôle des taux électriques; le contrôle du transport par camions; la refonte de nos lois de police, afin de procurer à notre Sûreté provinciale l’avantage d’une direction unique; la permanence des droits de coupe de bois accordés aux concessionnaires qui se seront conformés aux exigences de leurs permis; l’extension juridique de la convention collective du travail, système hautement réclamé par nos unions ouvrières.

L’étude de ces projets de lois demandera de votre part tout le travail et tout le soin que, je le sais, vous voudrez leur donner. Ces lois sont importantes et contribueront au progrès de la Province, au retour à une vie économique plus stable et au bonheur de notre population.

Il vous incombera de voter les crédits nécessaires.

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