Discours du trône, Québec, 3 novembre 1931

Louis-Alexandre Taschereau, 1920-1936

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Mon gouvernement a cru devoir, cette année encore, vous convier â une date plus hâtive qu’à l’ordinaire, afin de vous inviter à pourvoir, si nécessaire, aux mesures à prendre pour faire face aux conditions économiques qui affectent le monde.

Loin de nous de vouloir prêcher le pessimisme; Québec est peut-être la moins affligée de ses provinces sœurs et, d’ailleurs, la rude leçon que les événements ont donnée à tous a créé, je l’espère, un esprit de solidarité internationale et un retour à des principes d’économie politique et individuelle qui ne sauraient tarder de faire sentir leurs effets bienfaisants.

Je prie Dieu pour que ce vœu se réalise bientôt.

Vous me permettrez de m’arrêter un instant pour exprimer le chagrin que notre province a éprouvé de la mort de son Éminence le Cardinal Rouleau, arrivée depuis la prorogation de la dernière session.

La crise mondiale a créé de nouveaux problèmes auxquels les législateurs doivent trouver une solution.

Le chômage, que l’on a peut-être exagéré dans un pays comme le nôtre où un long hiver arrête nécessairement beaucoup de nos activités, va requérir encore votre attention.

On vous demandera de voter les crédits nécessaires pour permettre de coopérer avec les autorités fédérales et municipales.

Mon gouvernement croit que le retour à la terre est encore le meilleur remède au chômage, parce qu’il offre un caractère de permanence qui manque à trop des palliatifs temporaires auxquels on a eu recours et qui deviennent un fardeau trop lourd pour les gouvernements et les municipalités. De plus, les ressources publiques ne sont pas inépuisables et il faut que la charité des citoyens vienne se joindre à elles.

Nos municipalités, pendant les jours de prospérité, se sont lourdement endettées; les secours qu’elles ont accordés aux victimes du chômage ont ajouté à leur fardeau.

Pour assurer leur stabilité financière, mon gouvernement vous demandera d’approuver une loi pourvoyant à la création d’une commission d’experts appelée à se prononcer sur tous les emprunts que désireront faire les municipalités.

La loi électorale a besoin de plusieurs modifications dont la plus importante est la révision des listes électorales par une procédure expéditive et peu coûteuse, après l’émanation des brefs d’élection. Il importe que personne ne soit privé de son droit de suffrage.

Un projet de loi vous sera présenté à cet effet.

Mon gouvernement vous demandera également de créer des chefs-lieux pour les nouveaux comtés établis précédemment.

La commission instituée pour étudier les divers systèmes d’assurances sociales a fait un travail considérable et plusieurs de ses membres ont visité les pays étrangers pour s’enquérir de leur fonctionnement.

Le rapport de la commission n’est pas encore complet; le gouvernement s’empressera de vous le soumettre dès qu’il l’aura reçu et vous demandera d’en faire l’étude.

Un ministère du Travail, créé à la dernière session, vient de voir compléter son organisation par la nomination d’un ministre du Travail. Mon gouvernement forme l’espoir que les ouvriers de la province, qui voient un des leurs présider à ce ministère, seront satisfaits de la réalisation du désir qu’ils avaient formulé à cet effet.

Je puis ajouter que la nouvelle loi des accidents du travail est venue en vigueur le premier septembre dernier et donne satisfaction.

Le crédit agricole est nécessaire à nos cultivateurs. Le système fédéral ne semble pas donner satisfaction, quelque louables que soient les motifs qui l’ont inspiré. Si ce système ne peut être amélioré, mon gouvernement cherche un autre régime qu’il vous soumettra dès qu’il sera arrêté.

La dépression commerciale et industrielle a considérablement affecté les revenus de la province, comme ceux du reste de tous les pays, et les octrois aux chômeurs ainsi que les grands travaux de ponts, de voirie et de colonisation que le gouvernement a entrepris pour donner de l’emploi aux ouvriers rendent nécessaires un emprunt et la création de nouvelles sources de revenu. Les nouveaux impôts seront toutefois extrêmement légers.

D’autres mesures d’un intérêt général et particulier vous seront soumises.

Vous saurez leur donner toute votre attention.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics pour l’année fiscale expirée le 30 juin dernier vous seront soumis.

Vous constaterez avec plaisir que cet exercice s’est terminé par un excédent considérable des recettes sur les dépenses ce qui est un indice de la prospérité de la province et un facteur puissant de son crédit et de sa stabilité financière. On vous demandera de voter les crédits nécessaires à l’administration pour le prochain exercice. Je prie la divine Providence de bénir vos travaux et de les rendre fructueux.

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