Discours du trône, Québec, 11 janvier 1927

Louis-Alexandre Taschereau, 1920-1936

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

S’il m’est déjà arrivé, en l’absence du Lieutenant-Gouverneur, d’exercer les fonctions d’Administrateur de la Province, c’est par contre la première fois qu’il m’est donné de présider l’ouverture d’une session de notre Législature. J’en suis d’autant plus heureux que l’occasion m’est ainsi fournie de participer à vos travaux.

Je suis sûr de formuler les vœux de chacun d’entre vous en souhaitant à l’honorable M. Pérodeau le plus agréable voyage.

Je sais que je traduis également vos sentiments en disant au nouveau Gouverneur Général du Canada, le très honorable vicomte Willingdon, que le choix que Sa Majesté a fait de sa personne pour représenter la Couronne britannique, en notre pays nous a tous réjouis et que sa récente visite en notre Capitale lui a conquis, ainsi qu’à Lady Willingdon, le cœur de notre population.

Notre premier devoir est de remercier la Providence des bienfaits dont Elle a comblé notre Province en cette dernière année, et tout particulièrement de l’abondante récolte dont Elle nous a gratifiés.

S’il est malheureusement impossible de remplir, dans nos foyers, les vides qu’y a causés la guerre, le Canada a cependant la consolation de triompher graduellement de la crise économique dont il a souffert dans la perturbation d’après-guerre.

L’industrie et le commerce ont pris, dans Québec, un nouvel essor. La confiance renaît partout, et nous marchons vigoureusement de l’avant. Ce mouvement est activé par le gouvernement, qui s’emploie à seconder les efforts de notre population, et qui prend à son compte les initiatives qui s’imposent.

Alors que les peuples européens, et même quelques-unes des provinces voisines de la nôtre, ploient sous de lourdes charges financières, il me fait plaisir de constater que jamais le bilan de Québec n’a été meilleur qu’aujourd’hui.

Cette dernière année fiscale s’est non seulement soldée par un excédent considérable, mais elle a permis au gouvernement de racheter, à même ses revenus ordinaires, un million de dollars de ses obligations.

C’est l’intention du gouvernement, en obtenant le même résultat pour l’exercice en cours, d’effectuer un nouveau rachat d’obligations.

Le développement industriel de la province se poursuit de merveilleuse façon. Partout surgissent de nouvelles usines qui nous apportent un double bienfait économique. Elles contribuent à retenir nos gens chez nous, et à créer des marchés pour nos produits agricoles.

L’établissement de ces grandes industries peut parfois toucher à des droits très légitimes. Ce qui s’est passé au Lac Saint-Jean en fournit un exemple.

Aussi le gouvernement est-il bien déterminé à voir à ce que ces droits soient protégés. Il verra à ce que les personnes qui ont eu à souffrir des travaux effectués reçoivent une indemnité absolument satisfaisante. Dès le début de cette session, il vous demandera de pourvoir à la création d’un tribunal dont il assumera entièrement le coût. Ce tribunal, composé d’hommes compétents et impartiaux, fixera rapidement, sans frais et d’une manière définitive, la juste indemnité à laquelle chacun a droit.

Notre classe agricole, qui est à la base de notre prospérité nationale, a besoin de trois éléments pour maintenir et accroître ses progrès: des chemins, des marchés et des écoles.

On vous demandera de répondre à ces trois besoins.

Grâce à la régie des alcools, l’état de nos finances nous permet, après des années d’une expérience suivie, d’adopter une politique de voirie encore plus généreuse.

Mon gouvernement vous priera de l’autoriser à prendre entièrement à sa charge l’entretien de tous les chemins améliorés de la Province, et d’assumer également les frais d’entretien des autres routes après qu’elles auront été améliorées. Outre l’économie considérable qui en résultera pour les municipalités, l’unité de direction et de travail qui sera ainsi obtenue, nous vaudra une voirie beaucoup meilleure.

Pour que nos produits agricoles puissent s’écouler avantageusement, mon gouvernement vous invitera à voter les crédits nécessaires à la création et au maintien de marchés à l’étranger.

Un projet de loi vous sera aussi soumis dont l’objet est de permettre au gouvernement de prendre à son compte le paiement de l’amortissement des emprunts contractés pour la construction de certaines catégories d’écoles rurales. Le gouvernement s’acheminera en faisant largement la part voulue à la petite école, vers l’aide additionnelle qu’il entend accorder très prochainement à l’enseignement supérieur.

J’ose espérer que ces mesures, qui s’inspirent du désir d’améliorer le sort de nos cultivateurs et de nos colons, auront pour effet de les encourager dans leur travail et de les tenir attachés au sol.

Pour aider la colonisation et l’agriculture dans la région du Lac Saint-Jean, mon gouvernement se propose également de vous demander de voter un subside en argent à une compagnie qui construira et complétera le chemin de fer de ceinture de ce grand lac.

Le chemin de fer de Rouyn est maintenant complété, et a déjà inauguré un service régulier. Il permettra aux grands centres commerciaux de notre Province d’alimenter cette superbe région minière, où l’un des plus puissants hauts fourneaux du Canada est en voie de construction.

Nous avons raison de croire que bientôt les richesses que l’on extraira des mines de Rouyn assureront à notre Province un revenu considérable.

Les succès obtenus dans Québec par l’industrie de la pulpe et du papier y ont amené l’établissement de grandes usines qui font un appel considérable à nos ressources forestières. Le gouvernement entend sauvegarder ces usines en poursuivant activement sa politique de protection de la forêt, de reboisement, de sage exploitation des réserves du Nouveau-Québec, et d’inventaire de nos forêts, inventaire maintenant complété sur une étendue de onze millions d’acres. Toutefois, il croit qu’avant de favoriser l’établissement de nouvelles usines, il est bon d’assurer une abondante réserve forestière aux usines déjà en existence ou dont la construction est décidée, sauf cependant dans ces régions nouvelles où de telles usines pourraient devenir la source d’une activité inespérée.

Après avoir été pendant près d’un an à l’étude, la Loi des Accidents du Travail sera mise en force le premier avril prochain. Le gouvernement a confiance qu’elle donnera satisfaction aux ouvriers et aux patrons et que les taux d’assurance qu’on est à fixer ne constitueront pas un fardeau trop lourd pour l’industrie.

La Commission chargée d’établir le salaire minimum des femmes s’est réunie plusieurs fois, et paraît avoir réglé bon nombre de cas à la satisfaction générale des intéressés.

Mon gouvernement projette de faire un pas de plus dans sa politique de colonisation en ajoutant à la prime de défrichement une prime additionnelle de résidence et de premier labour.

D’autres mesures, d’un intérêt moins général, réclameront votre attention.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics pour l’année fiscale écoulée vous seront soumis. Vous y constaterez un état financier des plus satisfaisants.

Vous serez invités à voter les crédits du prochain exercice.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je vous prie d’accorder le plus grand soin aux travaux de cette session que j’ai l’honneur d’inaugurer au nom de Sa Majesté le Roi et sur lesquels je prie Dieu de répandre ses bénédictions.

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