Lomer Gouin, 1905-1920
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Je suis heureux de vous voir réunis pour commencer vos travaux parlementaires.
La joie que j’éprouve à saluer votre arrivée ne va pas cependant sans quelque appréhension. Successeur d’un homme distingué, qui depuis plus de dix ans présidait à l’administration de cette province avec autant de sagesse que de dévouement, je sens davantage le poids des responsabilités qui m’incombent, et c’est pourquoi je réclame votre aimable bienveillance et votre collaboration la plus active.
L’année 1908 restera mémorable dans l’histoire de notre province et de sa vielle capitale. Deux grands anniversaires y ont été célébrés : en juin, le deuxième centenaire de la mort de Mgr Laval ; en juillet, le troisième centenaire de la fondation de Québec par Samuel de Champlain. De l’aveu de tous, ces fêtes ont été grandioses et imposantes. Je suis certain d’être votre interprète en adressant le respectueux hommage de notre gratitude aux gouvernements qui ont daigné se taire représenter à ces solennités et, tout particulièrement à Son Altesse Royale le Prince de Galles, dont la présence a donné tant d’éclat aux cérémonies de juillet, ainsi qu’à Son Excellence le Gouverneur Général, qui a si largement contribué au succès de ces fêtes et a voulu dévoiler lui-même la statue du premier évêque catholique du Canada.
Mes ministres poursuivent toujours auprès du gouvernement fédéral leurs démarches relatives à l’annexion de l’Ungava, et il y a lieu d’espérer que cette annexion sera bientôt un fait accompli.
Vous apprendrez avec plaisir, sans doute, que tous les titres émis par la province de Québec lors de l’emprunt de 1575 ont été rachetés à leur échéance, le premier novembre dernier.
Il est agréable de constater que les pères de famille apprécient de plus en plus l’importance d’une bonne instruction et font de louables efforts pour améliorer l’enseignement qui est donné à leurs enfants. Mon gouvernement est toujours soucieux d’encourager les progrès de l’éducation populaire et il vous demandera en conséquence d’augmenter, cette année encore, les crédits destinés aux écoles primaires.
Trois nouvelles écoles normales pour filles ont été ouvertes en septembre dernier ; une à Nicolet, une aux Trois-Rivières et une troisième à Valleyfield. Il en sera fondé une autre à Hull dans le cours de la présente année.
L’organisation des deux écoles techniques industrielles et de l’école de hautes études commerciales, que la province a subventionnées, se poursuit avec toute la diligence possible.
Mon gouvernement, qui se préoccupe vivement de la diffusion de l’instruction agricole, a été heureux de voir l’Université Laval s’affilier l’école d’agriculture d’Oka. Celle-ci a pu, grâce à de nouveaux octrois, améliorer l’an dernier encore son installation matérielle et son programme d’études, et nous avons lieu de croire que ceux qui se destinent à la profession d’agriculteur y recevront l’enseignement le plus moderne et le plus complet.
Notre école d’industrie laitière de Saint-Hyacinthe rend à l’agriculture des services de plus en plus appréciés. Les expériences qui y ont été faites récemment sur l’homogénéisation du lait ont donné d’excellents résultats, et il est à espérer qu’elles contribueront à introduire chez nous cette méthode de traiter le lait, qui paraît offrir de si grands avantages aux producteurs et aux consommateurs.
C’est l’intention du gouvernement de poursuivre activement la campagne d’éducation qu’il a entreprise en faveur du perfectionnement de notre voirie. Afin que cette campagne soit plus fructueuse, il vous demandera de contribuer encore à l’amélioration des routes et à la construction des ponts en fer.
L’abolition des péages s’impose à votre considération, et je suis certain que vous donnerez une attention spéciale à cet important problème.
Nos terres sont de plus en plus recherchées par les colons. Pour encourager ces derniers, le gouvernement s’occupe de pousser avec vigueur la construction de chemins dans les nouveaux centres de colonisation. Il vous proposera aussi de modifier la loi des terres de façon à mieux protéger le domaine public contre la spéculation et à assurer davantage le défrichement des terres concédées.
Demande vous sera faite d’autoriser l’institution d’une commission qui devra chercher et indiquer les meilleurs moyens de prévenir et de combattre la tuberculose.
L’accroissement de la population en certaines parties de la province a rendu nécessaire le remaniement de notre carte électorale. Un projet créant de nouvelles circonscriptions vous sera soumis.
Les commissaires nominés pour étudier la question des accidents du travail ont terminé leur enquête. Le rapport qu’ils ont élaboré vous sera distribué, et j’aime à croire qu’il vous servira à préparer une loi protégeant également les droits des employeurs et ceux des employés.
Messieurs de l’Assemblée législative,
Les prévisions pour le prochain exercice et les comptes de l’année passée vous seront soumis.
Il vous fera plaisir, sans doute, de constater que l’excédent de recettes a été, l’an dernier, plus considérable que jamais et que l’équilibre budgétaire semble définitivement rétabli.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Vous serez saisis d’un projet de loi instituant une commission permanente à laquelle seront déférés les conflits qui surgissent entre corporations municipales et entrepreneurs de services publics.
Afin de faciliter la mise en valeur de nos chutes d’eau, mon gouvernement vous demandera d’accorder en certains cas le droit d’expropriation.
Vous serez appelés à légiférer sur plusieurs autres matières d’intérêt général, entre autres le régime électoral, le service civil, les mines, la chasse, la pêche et le flottage du bois.
J’ai confiance que vous étudierez avec soin chacune des questions qui vous seront soumises, et je fais des vœux pour que vos décisions vous soient toutes inspirées par l’amour de la justice et le souci du bien public.