Lomer Gouin, 1905-1920
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Il m’est bien agréable, en vous souhaitant la bienvenue, à la reprise de vos travaux parlementaires, que ma première parole soit pour constater publiquement que notre province a peu souffert de la crise économique et financière qui s’est fait si vivement sentir ailleurs.
Depuis la session dernière, le parlement impérial a consacré par une loi l’augmentation de subvention que les représentants des pouvoirs fédéraux avait promise lors de la conférence interprovinciale de 1906. Grâce aux démarches de mon gouvernement, il a été pourvu à ce que ce statut, bien que voté au mois d’août, prit effet dès le premier juillet, et nous avons en conséquence touché, quelque temps après, le subside additionnel.
En s’adressant aux tribunaux pour protéger son territoire contre les empiètements des autorités de Terre-Neuve, mon gouvernement n’a pas cessé les négociations qu’il avait précédemment entamées relativement à la fixation de la frontière entre ce pays et le nôtre, et j’ai le plaisir de vous annoncer que le gouvernement de Terre-Neuve a accepté notre proposition de soumettre cette question à l’arbitrage du comité judiciaire du conseil privé de Sa Majesté.
L’annexion de l’Ungava à notre province est toujours l’objet de nos instances auprès du gouvernement d’Ottawa. Ce dernier n’a pas encore acquiescé à notre demande, mais il y a tout lieu d’espérer qu’il le fera bientôt.
Il importe que les lois qui régissent l’administration des affaires municipales dans nos campagnes soient d’interprétation facile et répondent aux conditions et aux besoins actuels. Notre code municipal ne satisfait plus, à ces exigences et vous serez appelés à étudier un projet qui en autorise la refonte.
L’augmentation des affaires judiciaires dans quelques districts de notre province a rendu nécessaire l’adoption de mesures propres à en faciliter davantage l’expédition. Vous serez en conséquence saisis de certains projets de loi relatifs à la réorganisation des tribunaux de juridiction criminelle chargés de juger les procès sommaires, à la nomination de juges additionnels à la cour supérieure du district de Montréal, et à diverses autres matières ressortissant à l’administration de la justice.
L’accroissement de la criminalité dans certaines parties de la province, surtout celles où se porte particulièrement l’immigration, préoccupe vivement mon gouvernement, et il est fermement résolu à ne rien négliger pour assurer la sécurité des personnes et de la propriété.
Le troisième rapport de la commission chargée de la révision de nos statuts sera soumis à votre considération sans délai. Vous serez appelés aussi à voter une loi décrétant l’entrée en vigueur de cette refonte.
Mon gouvernement s’occupe activement de l’organisation des deux écoles techniques industrielles et de l’école des hautes études commerciales que vous l’avez autorisé à créer, à votre dernière session, et je crois pouvoir vous annoncer que l’établissement de ces institutions sera, avant longtemps, un fait accompli.
Deux nouvelles écoles normales ont été fondées, l’une aux Trois-Rivières et l’autre à Nicolet, afin d’assurer la formation d’un nombre suffisant d’institutrices compétentes et d’accélérer ainsi le progrès de l’enseignement dans nos écoles primaires.
Pour induire les commissions scolaires à augmenter le traitement des institutrices et pour encourager celles-ci à persévérer dans la carrière de l’enseignement, de nouvelles primes annuelles seront payées aux commissions scolaires les plus méritantes, ainsi qu’aux institutrices qui enseigneront depuis plus de dix ans.
Mon gouvernement se propose aussi d’accorder des octrois spéciaux aux municipalités pauvres pour les aider à remplacer leurs maisons d’écoles défectueuses par de nouvelles, construites conformément aux plans approuvés par le département de l’instruction publique.
Je constate avec plaisir que le progrès agricole s’accentue davantage tous les jours. Grâce à une inspection plus efficace les produits de la ferme sont maintenant d’une qualité supérieure, et nos cultivateurs peuvent les vendre à des prix de plus en plus rémunérateurs.
Mon gouvernement a augmenté la subvention qu’il accordait à l’école d’agriculture d’Oka, afin de mettre cette institution en état de rendre plus complet l’enseignement qui y est donné. Cette action recevra, sans doute, votre approbation.
La loi sur la voirie rurale votée à la session dernière a déjà produit de bons résultats. Mon gouvernement désire cependant favoriser davantage le perfectionnement de nos voies de communication ; c’est pourquoi il vous demandera de l’autoriser à pourvoir plus largement à l’amélioration des routes et à la construction des ponts en fer.
La colonisation se ressent évidemment de la prospérité de l’agriculture; jamais nos terres n’ont été plus recherchées par les colons. Le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour encourager le défrichement de notre domaine public et rendre plus facile l’ouvre de nos pionniers.
Les étudiants que la province a envoyés suivre les cours de l’École forestière de Sale s’occupent actuellement, sous la direction du ministère des terres et forêts, de 1a création d’une pépinière destinée à la propagation des arbres de haute futaie. Ce projet, qui nous permettra de tenter le boisement de certaines régions de notre territoire, est en voie de pleine réalisation.
La commission nominée pour étudier la question des accidents du travail n’a pas encore terminé son enquête. Elle a déjà entendu de nombreux témoins, et j’espère que le rapport qu’elle devra vous faire avant longtemps vous aidera à préparer une législation protégeant également les droits des employeurs et ceux des employés.
Mon gouvernement vouas demandera de voter une loi assurant un salaire convenable aux ouvriers qui exécutent des contrats publics ou des travaux subventionnés par l’État.
La fréquence des accidents causés par les incendies dans les édifices publics, a rendu nécessaire l’adoption de mesures nouvelles. Un projet de refonte de nos lois, astreignant les propriétaires de ces bâtiments à des précautions additionnelles, vous sera soumis.
La question des garanties qu’offrent les compagnies d’assurance faisant affaires dans la province, occupe vivement l’attention publique. Afin de faire cesser le malaise qui existe à ce sujet, mon gouvernement vous proposera une mesure réglant l’organisation, le contrôle et l’administration de ces compagnies.
Vous serez aussi appelés à considérer l’opportunité de nommer un agent général qui représenterait la province dans le Royaume-Uni et travaillerait à y développer nos relations agricoles, commerciales et industrielles.
Il y aura bientôt trois cents ans que Québec a été fondé. C’est un évènement qu’il convient de commémorer et que, je n’en doute pas, tout citoyen de cette province désire voir célébrer dignement. Mon gouvernement sent qu’il a le devoir de contribuer au succès des fêtes jubilaires qui se préparent, et, il vous demandera de mettre un crédit à sa disposition pour cette fin.
Messieurs de l’Assemblée législative,
Les prévisions pour le prochain exercice et les comptes de l’année écoulée vous seront incessamment soumis.
Vous serez sans doute heureux de constater que, pendant le dernier exercice, les recettes ont de beaucoup excédé les dépenses, et ce, quoique l’on ait eu à faire face à des exigences imprévues et qu’aucune coupe de bois n’ait été affermée. Les résultats de l’exercice courant seront probablement aussi satisfaisants.
Demande vous sera faite de crédits plus considérables pour l’instruction publique, l’agriculture et la colonisation.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Vous serez appelés à légiférer sur plusieurs autres matières d’intérêt général, notamment sur l’administration des terres publiques, les ruines, la chasse, la pêche, les sociétés coopératives agricoles, la procédure civile et l’indemnité payable aux jurés.
J’ai confiance que vous étudierez avec soin les diverses questions qui seront soumises à votre attention, et que vous n’y apporterez d’autres solutions que celles que vous inspireront votre respect de la justice et votre souci du bien public.