Discours du trône, Québec, 9 mars 1882

Joseph-Adolphe Chapleau, 1879-1882

Honorables Messieurs du Conseil Législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,

En inaugurant ce cinquième Parlement de notre Législature, j’ai à constater avec le plus profond regret, l’odieux attentat qui a été commis sur la personne de Sa Majesté la Reine, et qui a créé au milieu de nos populations autant de douleur que d’étonnement.

Mon premier devoir est de remercier la Providence, qui a conservé à l’affection de ses sujets, une Souveraine aussi aimée et aussi respectée, et que ses hautes qualités semblaient devoir soustraire aux criminels complots qui se trament si fréquemment de nos jours contre les chefs de nations.

Nous saisissons l’occasion de la réunion de cette Législature pour offrir à notre Souveraine l’expression de notre affection, de notre loyauté et de notre reconnaissance, pour les bienfaits dont elle a comblé ce pays.

La République voisine a été moins heureuse, et je dois exprimer, à l’occasion du crime qui a fait disparaître de ce monde un grand citoyen, le Président des États-Unis, des condoléances d’autant plus vives que nos relations avec ce pays ont été plus amicales.

Mon gouvernement s’est occupé activement du projet d’attirer sur son chemin de fer le trafic de l’Intercolonial, et les négociations qu’il a ouvertes avec celui de la Puissance, engageront, j’ai toute raison de le croire, le gouvernement d’Ottawa à faire une demande au Parlement pour l’établissement d’un service de transport des trains, par bateaux à vapeur, de Québec à Lévis, de nature à nous assurer une communication directe avec l’Intercolonial. Cette perspective a ajouté à notre propriété provinciale, une valeur dont mon gouvernement a cru devoir profiter. En conséquence, il sera soumis à votre considération et à votre approbation, une mesure dans le but de réaliser l’idée qui a dominé dans la politique de la province, depuis l’inauguration de nos entreprises de chemin de fer.

Je suis heureux d’annoncer que la voie ferrée entre Québec et Ottawa construite à force de sacrifices, comme le premier chaînon de la grande route du Pacifique, va enfin entrer dans la solution que le pays prévoyait et désirait, en utilisant la position géographique de notre province pour y déverser l’immense commerce de l’Ouest, et nous osons l’espérer, plus tard celui de l’Orient, et faire de nos grands ports de mer, les centres de l’échange du trafic entre Victoria, Winnipeg, Chicago et Halifax.

Vous serez priés de vous occuper incessamment des arrangements qui sont pour laisser ce chemin de fer, et les ressources qu’il peut développer, à l’initiative de l’industrie privée, si votre approbation leur est accordée.

Ces mesures auront pour effet de dégrever la province d’engagements onéreux, de lui permettre au moyen d’un revenu fixe, de maintenir l’équilibre dans ses finances, et de nous autoriser à poursuivre la politique d’améliorations et de progrès que le succès a déjà tant de fois couronnée.

J’ose espérer qu’en s’occupant de cette grave matière, la Législature la considérera comme une de ces questions nationales, intéressant toute notre province, et s’élevant au-dessus des considérations ordinaires de la politique.

Je suis heureux d’annoncer que les mesures adoptées par le gouvernement pour l’administration du domaine public, ont produit d’excellents résultats, et les rapports qui vous seront soumis, vous feront connaître l’augmentation considérable des revenus qui en découlent.

Mon gouvernement s’est appliqué à développer les ressources de la province au moyen des capitaux et l’esprit d’entreprise qui nous viennent des pays étrangers; et cette politique a eu pour effet d’attirer chez nous de grandes combinaisons financières et industrielles, dont les opérations ne pourront manquer de modifier avantageusement l’économie agricole de la province.

Les hommes d’affaires de la Grande-Bretagne et de la France, ont déjà répondu favorablement à ces efforts, et mon gouvernement se propose de continuer cette œuvre, en établissant des relations plus régulières avec ces pays.

C’est dans ce but que mon gouvernement a pris part à l’exposition géographique de Venise, et l’attention que la province a reçue des savants, et des spécialistes de l’Europe entière, a été aussi flatteuse qu’elle sera féconde en bons résultats.

L’industrie des mines, des bois, des phosphates, des sucres, des beurres et fromages, subit en ce moment, une transformation qui a déjà produit des résultats considérables, et mon gouvernement se propose de donner un nouvel élan à ce mouvement, par d’autres mesures d’encouragement, lesquelles tendront à assurer la prospérité générale, et à stimuler la colonisation de nos terres incultes.

Parmi ces encouragements, se trouve d’abord l’institution d’une école des mines, sous la direction de professeurs recommandés, puis celle d’écoles spéciales pour l’utilisation des produits de la ferme.

L’administration de la justice nécessite des réformes. L’Assemblée Législative a, pendant la dernière session, chargé la commission de la révision et de la codification des statuts, de préparer un projet de réorganisation des tribunaux, et de refonte des lois de procédure. Le rapport de la commission sera soumis à votre considération accompagné d’un projet de loi qui vous mettra en mesure de vous prononcer sur le mérite des améliorations qu’il suggère.

L’œuvre de la révision des statuts a été continuée. La compilation des lois en force dans la province est terminée, et vous sera soumise avec le second rapport de la commission.

Des lois concernant les terres publiques, la protection des colons, la profession des arpenteurs, et d’autres projets de loi en rapport avec le Département des Terres, seront également soumises à votre considération.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics vous seront soumis et des subsides vous seront demandés pour la prochaine année fiscale. Vous serez satisfaits je crois des opérations des derniers douze mois, et plus encore du prochain exercice financier, basé sur une politique prévoyante, et sur une exploitation raisonnée de nos ressources.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je remercie la Providence de l’abondante moisson et des bienfaits qu’elle nous a accordés dans le cours de l’année. J’espère qu’elle vous inspirera dans vos travaux, pour qu’une sage législation seconde sa sollicitude.

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