Discours du trône, Québec, 28 avril 1881

Joseph-Adolphe Chapleau, 1879-1882

Honorables Messieurs du Conseil Législatif,
Messieurs de l’Assemblée Législative,

Je suis heureux de vous voir réunis au siège du Parlement, pour vous occuper des intérêts de la Province, et je ne doute pas que vous y reveniez avec cet esprit d’entente et d’harmonie qui a caractérisé la législation que vous avez faite à la dernière session.

Je constate avec plaisir qu’une activité nouvelle se produit dans toutes les branches de l’industrie. Le commerce devient de plus en plus florissant, les manufactures se multiplient; l’agriculture, grâce surtout à l’encouragement généreux que vous lui avez donné, commence à prendre la place qu’elle a droit d’occuper dans le développement des ressources du pays.

Dans le grand mouvement qui permet à la Puissance d’établir sa nouvelle nationalité, la Province de Québec doit jouer son rôle avec fermeté, courage et talent.

Notre progrès est déjà très marqué: la Province a non seulement maintenu la position qu’elle avait prise dans la Confédération, mais elle a même agrandi ses horizons. Le cercle de ses opérations est devenu immense, et tout nous fait espérer un avenir aussi brillant que peut le désirer le plus sincère patriotisme. Un sentiment de généreux dévouement anime notre population, et vous n’avez qu’à seconder ses heureuses dispositions pour atteindre le but des légitimes espérances du pays.

Le Crédit Foncier, auquel vous avez donné l’existence légale à la dernière session, a commencé son oeuvre bienfaisante, et déjà son influence se fait sentir par l’abaissement des taux de l’intérêt et par une augmentation proportionnelle dans la valeur de la propriété.

L’établissement de l’industrie sucrière est en complète réalisation dans pas moins de trois comtés à la fois. Avec cette industrie, si riche en elle-même et susceptible de tant de développements, une révolution importante devra s’accomplir dans l’exploitation agricole.

La question de l’utilisation des riches dépôts de phosphates de la Vallée de l’Ottawa, qui paraissait abandonnée, a été reprise par mon gouvernement et résolue avec un succès qui promet de dépasser tous les résultats qu’on en avait d’abord espérés.

L’exploitation en grand de nos phosphates a fait naître l’idée de leur exportation à l’étranger; cette exportation, avec celle du bétail vivant et des produits agricoles, a déterminé la réalisation du projet d’une ligne de steamers transatlantiques que vous verrez, je l’espère, avant peu, faire le service régulier entre la France et le Canada, grâce au concours généreux qu’à notre sollicitation le gouvernement fédéral a bien voulu donner à cette importante entreprise.

Plus modeste, mais non moins importante dans ses bienfaisants résultats, la fabrication des fromages et des beurres a pris un développement assez considérable dans notre province, pour changer notablement le chiffre des exportations agricoles. Les amis de l’agriculture verront avec le plus grand intérêt les rapports qui vous seront soumis à ce sujet.

La colonisation a continué à prospérer durant l’année dernière. Il m’est agréable de constater que le retour de nos compatriotes, et le mouvement d’immigration des pays étrangers, donnent une preuve que notre province se fait connaître de plus en plus avantageusement à l’étranger.

L’exposition tenue à Montréal a été un brillant et sérieux succès, et j’ai le plaisir de vous annoncer que les plus grandes industries du continent d’Europe ont manifesté l’intention de prendre part à notre prochaine exposition. Mon gouvernement s’est fait un devoir de leur transmettre une invitation à cette fin.

Les subventions accordées par la Législature aux entreprises de voies ferrées ont eu pour effet de créer et de compléter un réseau provincial de chemins de fer qui nous donnent aujourd’hui les moyens de communication les plus directs non seulement avec les différentes parties de notre Province, mais encore avec les autres Provinces et le grand pays qui nous avoisine.

L’état des recettes du chemin de fer que la Province a construit, vous sera soumis. Cet état est très satisfaisant et vous servira pour apprécier l’action que mon gouvernement doit prendre pour l’exploitation future de cette grande entreprise.

La législation sur les mines, introduite à la dernière session, a déjà produit d’excellents effets qui ne peuvent que se développer.

Vous verrez par le rapport de l’honorable Commissaire des Terres de la Couronne, que les recettes de son Département, ont été considérables et devront excéder de beaucoup, pour l’année courante, celles des années passées. La vente des limites à bois qui a eu lieu est la plus importante et la plus productive qui ait jamais été faite.

Les ministères ont pu s’installer cette année dans nos édifices nouveaux, dont l’imposante grandeur est une solennelle affirmation de nos institutions provinciales et de l’importance que notre population attache au maintien absolu de notre système fédéral.

Peu de mesures d’un caractère public vous seront soumises à cette session. La législation de la dernière session a été considérable et rencontre pour le moment les besoins du service public.

Je suis heureux de constater la création simultanée de tant de choses susceptibles de contribuer à la prospérité générale de notre pays, et c’est une tâche plus agréable pour moi d’avoir à vous énumérer, comme je viens de le faire, ce que mon gouvernement s’est efforcé d’accomplir pour le bien de tous, que de vous proposer des innovations dans nos lois.

Vous aurez toutefois à considérer certaines mesures concernant l’administration de la justice, quelques amendements dans les lois de l’instruction publique et de l’agriculture, ainsi qu’une mesure pour la protection des ouvriers dans leur travail, leur salaire et leurs avances.

L’œuvre importante de la refonte des statuts est commencée par une commission organisée conformément à l’acte de la dernière session. Le pouvoir accordé à cette commission de changer le langage et l’ordre des statuts, et de suggérer des amendements, lui permet de rédiger les lois en un corps régulier et méthodique, et d’imprimer par là à cette refonte un caractère de permanence et de durée, qu’il eut été impossible d’attendre d’une simple révision des statuts. Il est dans la sphère des devoirs de cette commission de faire la recherche des matières qui sont du ressort de notre Législature. Cette étude, dans les circonstances, donne aux travaux de la commission une importance plus qu’ordinaire.

Un bill vous sera soumis pour étendre la durée des Parlements de la Province, et diminuer ainsi la fréquence des élections et les dépenses qu’elles occasionnent.

Le grand nombre de bills privés qui vous seront soumis est une preuve de la prospérité des affaires et de l’esprit d’entreprise qui règnent dans notre pays. L’industrie, les fabriques, et les compagnies de navigation et de chemins de fer devront retirer de cette législation des avantages dont nous aurons tous à nous féliciter.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics de la dernière année fiscale, ainsi qu’un état des recettes et des dépenses pour l’année courante vous seront soumis.

Les estimés pour l’exercice fiscal de l’année prochaine, seront également déposés devant la Chambre pour son approbation. Ces estimés ont été préparés avec toute l’économie que peut permettre l’efficacité du service public.

Les subsides nécessaires au service du gouvernement de Sa Majesté vous seront demandés.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Je n’ai aucun doute que vous apporterez à toutes ces questions le soin dont vous avez déjà fait preuve dans l’accomplissement de vos devoirs parlementaires. Je fais des vœux pour que la divine Providence bénisse vos efforts et que le succès couronne vos travaux.

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