Discours d’ouverture de Jean Charest, Québec, 9 mai 2007

Monsieur le Président,

Je suis heureux que vous ayez été reconduit dans vos fonctions. Dans notre
Assemblée nationale, vous êtes une exception. Vous avez fait l’unanimité.
Votre réélection est un gage de la bonne marche de ce nouveau Parlement.

Beaucoup de nouveaux visages animent cette Assemblée. Cinquante-six élus font
cette semaine leur entrée dans cette enceinte.

Comme vient de le mentionner le lieutenant-gouverneur, parmi eux se trouve le
premier autochtone élu à l’Assemblée nationale depuis 80 ans.

J’invite cette Chambre à saluer le député d’Abitibi-Est.

Le dernier autochtone à avoir siégé dans ce Parlement est un Huron de Wendake,
Ludger Bastien, qui a représenté les électeurs du comté de Québec entre 1924 et
1927.

Nous accueillons aussi le plus jeune député à avoir jamais siégé à l’Assemblée
nationale, le député de Marguerite-D’Youville, qui a 22 ans.

Je me reconnais un peu en lui. La première fois que j’ai été élu, en 1984,
j’étais moi aussi l’un des plus jeunes.

Mais les choses sont ainsi faites, Monsieur le Président, qu’on ne reste jamais
le plus jeune très longtemps.

Chaque Parlement a son histoire et c’est souvent une histoire de famille, comme
dans Mégantic-Compton où la nouvelle députée succède à sa mère, Mme Madeleine
Bélanger, qui elle-même, avait succédé à son mari, Monsieur Fabien Bélanger.
Je souhaite la plus cordiale bienvenue à tous mes collègues nouvellement élus.
Je les félicite d’avoir mérité la confiance des citoyens de leur comté.
Vous serez accompagnés, dans cette 38e législature, par des parlementaires
d’expérience qui sauront, je l’espère, vous inspirer et vous guider.

Je salue le nouveau chef de l’opposition officielle et député de
Rivière-de-Loup. Au terme d’une campagne déterminée, il aura vu sa députation
être décuplée. Félicitations pour le succès que vous avez obtenu.

Je salue également les membres du deuxième groupe d’opposition; une équipe
aguerrie qui saura faire entendre sa voix dans cette Assemblée.
Au passage, je présente mes respects au député de Pointe-aux-Trembles.

Nous voici réunis dans un Parlement fort différent de celui que nous avons
quitté le 21 février dernier.

En élisant un gouvernement minoritaire, les Québécois nous ont rappelé avec
force que c’est eux qui contrôlent le Parlement.

Au moment d’inaugurer cette législature, Monsieur le Président, j’ai envie moi
aussi, comme l’ont fait nos concitoyens, de bousculer les habitudes.
Je vais prendre aujourd’hui la liberté de m’adresser directement aux Québécois.
Après tout, nous sommes ici chez eux, dans leur maison.

Par votre choix du 26 mars dernier, vous nous avez envoyé un message clair. Vous
voulez un gouvernement différent.

Pourtant, pendant quatre ans, nous avons travaillé avec acharnement pour faire
avancer le Québec. Notre bulletin est bon. Mon équipe et moi en sommes fiers.
Le chômage au plus bas.

La cote de crédit du Québec au plus haut. Les meilleurs congés parentaux en
Amérique du Nord.

La relance du développement énergétique. Le Fonds des générations pour réduire
le poids de notre dette.

Un plan de lutte contre les changements climatiques.

Un travail sans précédent de reconstruction de notre système de santé.

Ce sont là quelques-unes de nos réalisations importantes.

En bonne partie, vous nous avez sanctionné pour des erreurs de parcours. C’est
vrai que nous n’avons pas réussi à baisser les impôts autant que nous l’avions
promis.

Mais il y a autre chose dans ce résultat.

Dans les jours qui ont suivi les élections, j’ai repensé aux raisons qui
m’avaient fait choisir le Québec en 1998. Je veux aujourd’hui les partager avec
vous.

Je suis fier de mon passage en politique fédérale. Mais après 14 ans passés à la
Chambre des communes, ma famille et moi avons choisi de rentrer à la maison.
Je souhaitais poursuivre mon engagement politique au sein du Parlement du peuple
québécois. En fait, j’ai choisi de revenir servir à Québec pour les mêmes
raisons que Jean Lesage l’avait fait en 1958.

En 1998, comme en 1958, le Québec faisait face à des enjeux importants pour son
avenir. Des défis qui imposaient une remise en question de nos façons de faire
et des moyens d’action de notre État.

C’est ce que nous avons entrepris il y a quatre ans et que nous devons
poursuivre avec persévérance.

En 1998, comme en 1958, les Québécois s’interrogeaient sur leur adhésion au
système politique canadien.

Or, chaque fois que le peuple québécois a élu un premier ministre qui croyait
dans le fédéralisme canadien, ce choix a toujours été source de progrès dans la
défense des intérêts du Québec.

Et le Québec, c’est aussi le Parti libéral du Québec. La seule formation
politique qui a fait le voyage avec les Québécois depuis la colonie jusqu’à la
nation.

Le Parti libéral du Québec, c’est le parti des libertés et du progrès.
C’est la lumière de la modernité après la grande noirceur.

C’est l’éducation pour tous, l’assurance hospitalisation, le français comme
langue officielle, un ministère consacré à la promotion de notre culture,
l’égalité entre les femmes et les hommes, le développement économique,
énergétique, et maintenant le développement durable.

Il faut s’éloigner un peu pour voir la fascination que le Québec exerce en
Amérique du Nord et dans le monde.

Comment notre peuple, perché au nord des Amériques, qui ne fait pas 3 % de la
population du continent, a pu maintenir une culture et une langue françaises
aussi vivantes et dynamiques pendant 400 ans?

Comment notre peuple, dans un tel environnement, peut rayonner mondialement dans
des domaines aussi variés que l’énergie, le cirque, le cinéma, l’animation 3D,
les télécommunications, l’aéronautique, la recherche médicale, l’optique et la
photonique, et le génie conseil?

Chacun de vous participe au prodige québécois. Il y a dans tous ces succès une
partie de vous.

Tout récemment, le gourou international du marketing, Clotaire Rapaille, disait
ceci en entrevue à Radio-Canada :

« La dimension centrale, c’est le Québec. C’est la mission du Québec en Amérique
du Nord de donner cette complémentarité qui manque entre l’instinct un peu
brutal de l’Américain et le côté un peu parental des (Canadiens) anglais. […]
Les Québécois ont un avenir fantastique s’ils assument cette mission qu’ils ont
en Amérique du Nord. »

Le Québec est une inspiration pour les peuples qui n’ont pas l’avantage du
nombre.

Devant la résilience du peuple québécois, le grand historien britannique Arnold
Toynbee, disait dans le numéro de mars 1949 de la revue The World Review :
« J’ai l’idée que le peuple d’avenir dans les Amériques pourrait bien être les
Canadiens français. […] Si l’humanité est destinée à connaître enfin des jours
heureux, alors je prédirais qu’il y a un avenir dans l’Ancien Monde pour les
Chinois, et dans l’Amérique du Nord pour les Canadiens. Quoi qu’il arrive, je ne
crains pas d’affirmer que ces Canadiens de langue française seront là pour vivre
les dernières heures de l’humanité dans l’Amérique du Nord. »

Que serait le Canada sans le Québec? Le Canada devra un jour le reconnaître.
Nous sommes les cofondateurs de ce pays. Il porte l’empreinte de notre nation.

Ces dernières élections se sont aussi déroulées avec, en fond de scène, un
questionnement identitaire qui, en passant, n’est pas propre au Québec, mais
propre à notre époque.

Je suis né à Sherbrooke. Je suis à demi Irlandais. Je le suis de par ma mère
dont le souvenir m’émeut chaque jour.

Est-ce que je suis moins Québécois pour autant?

Bien sûr que non. Est-ce que quelqu’un né au Québec, mais prénommé Mustafa ou
Helena serait moins Québécois que vous et moi?

On ne peut dresser de telles barrières entre nous.

Le 17 mars dernier, lors de la fête des Irlandais, l’archevêque de Montréal,
monseigneur Jean-Claude Turcotte, a prononcé une homélie très touchante à la
basilique Saint-Patrick. Il disait ceci :

« Every immigrant has a story to tell of how he or she came to Quebec. A welcome
properly offered means being open to that story, and desiring to share it. It is
the start of building a society of friends, rather than strangers. […] As I look
at the walls of this basilica, I see alternating patterns of the shamrock and
the fleur-de-lys: “accommodation” is written there, for all to see, as two
cultures stand side by side, not as strangers, but as brothers and sisters.
»

Naître au Québec est une chance.

Immigrer au Québec est un privilège.

Intégrer les immigrants est une responsabilité.

C’est un geste réciproque.

Pour celui qui arrive, c’est prendre avec le Québec les valeurs québécoises :
les libertés individuelles, l’égalité entre les femmes et les hommes, la
séparation entre la religion et l’État.

De façon prioritaire, c’est aussi prendre avec le Québec cette langue qui est le
cœur de notre liberté et de notre identité. Intégration égale aussi
francisation.

Pour celui qui accueille, intégrer les immigrants, c’est s’ouvrir à la
différence et reconnaître les compétences.

Je crois dans la diversité qui enrichit notre identité. Mais je dénonce le zèle
religieux qui l’appauvrit.

Nos chartes ont toujours eu pour but de protéger les minorités contre les abus
de la majorité. Elles n’ont jamais eu pour dessein de permettre l’inverse.
C’est donc dire qu’il y a une limite, une ligne qui doit être tracée.
La Commission Bouchard-Taylor, chargée de faire le point sur les pratiques
d’accommodements raisonnables, nous aidera à tracer cette ligne.
Mais nous pouvons déjà agir dans l’intervalle. Nous allons, par exemple,
renforcer le message livré à chaque immigrant selon lequel nos valeurs
fondamentales ne sont pas négociables.

Ce message, nous allons le rendre public, pour que tous les Québécois sachent ce
qu’on attend de ceux qui sont invités à venir partager notre avenir.
Nous ferons cela tout en réaffirmant notre conviction selon laquelle le seul
Québec possible est un Québec de la diversité.

Il n’y a pas plus beau cadeau que le Québec puisse recevoir que les espoirs de
quelqu’un venu d’ailleurs. Le Québec n’est jamais aussi grand que lorsqu’il
ouvre ses bras.

Certains croient qu’on grandit lorsqu’on lève le menton. Mais en agissant ainsi,
on ne fait que s’empêcher de regarder l’autre.

Moi, je pense qu’on grandit lorsqu’on tend la main. Ma position, c’est celle des
rapprochements, des rapprochements indispensables.

C’est ça être libéral.

Cela nous rappelle que sur le plan des valeurs, les partis politiques dans cette
Assemblée ne sont pas interchangeables.

Il y a des principes et un idéal dans la tradition de notre formation politique.

Dans ce Parlement, chaque élu assume une responsabilité qui est hors de
l’ordinaire.

Le gouvernement ne pourra pas décider seul. L’opposition ne pourra pas seulement
s’opposer. En d’autres mots, dans un Parlement minoritaire, les responsabilités
grandissent et les intérêts partisans diminuent.

Le premier devoir de ce Parlement est de réunir les Québécois, de bien les
représenter, de bien défendre leurs intérêts.

Nous n’avons les moyens d’aucune fracture.

Ni sur la base de l’ethnicité, ni sur la base de la religion.

Nous n’avons les moyens d’aucune rivalité. Le Québec, ce n’est pas une métropole
contre une capitale nationale ou des régions contre les villes.

Il n’y a qu’un seul Québec.

Une seule nation.

Je vous dis aujourd’hui, à tous les Québécois, que nous, les élus, nous allons
travailler ensemble.

C’est le défi que vous nous avez lancé.

La tâche que vous nous avez confiée devient maintenant notre mission.

Le 18 avril dernier, j’ai formé un nouveau Conseil des ministres.

C’est le premier gouvernement de notre histoire qui comprend autant de femmes
que d’hommes.

Ce nouveau gouvernement égalitaire, je l’ai fait en pensant à l’avenir du
Québec, mais aussi en pensant à mon épouse Michèle et à mes filles, Amélie et
Alexandra.

Je veux qu’il soit clair pour elles, comme pour toutes les jeunes filles du
Québec, qu’aucun sommet n’est hors de leur portée.

J’ai voulu briser le plafond de verre, cette barrière invisible, qui fait que
les femmes approchent des niveaux décisionnels, sans pour autant atteindre les
premières marches.

Je n’ai pas besoin de convaincre les femmes de l’importance de cet enjeu. C’est
un combat qu’elles mènent depuis plus de 60 ans.

Je l’ai donc fait aussi en pensant à mon fils Antoine. Je l’ai fait pour dire à
tous les hommes du Québec, et spécialement aux pères, que l’égalité entre les
femmes et les hommes ne peut être véritablement atteinte que si nous nous en
faisons aussi des ardents promoteurs.

C’est pour mon parti une valeur fondamentale. C’est pour moi, comme père et
comme homme, un principe de vie.

Fidèle à la tradition du Parti libéral du Québec, mon nouveau gouvernement
travaillera pour la prospérité du Québec.

Je veux d’abord protéger votre niveau de vie.

Nous voulons le faire en réduisant vos impôts.

Réduire les impôts, c’est un moyen d’encourager le travail, de récompenser
l’effort, d’appuyer notre économie.

Vous travaillez fort, je le sais. Vous méritez d’en garder davantage pour vous.
Pour le Québec, c’est aussi un enjeu de concurrence. Dans ce monde de
concurrence, nous devons aussi être le plus compétitifs possible sur le plan
fiscal.

Globalement, notre économie va bien. Le secteur de l’énergie et celui des mines,
par exemple, tournent à plein régime.

Mais d’autres secteurs sont éprouvés.

Je comprends l’insécurité vécue par nos travailleurs forestiers et
manufacturiers.

Je comprends l’angoisse de nos agriculteurs, qui veulent vivre dignement de la
terre.

Je comprends la difficulté vécue par les entrepreneurs qui cherchent des
travailleurs qualifiés.

Nous nous entendons dans ce Parlement pour renforcer notre économie et
solutionner ces problèmes. Alors nous allons agir avec détermination.
Pour stimuler l’investissement.

Pour soutenir l’innovation.

Pour aider le secteur manufacturier à faire face à la concurrence
internationale.

Pour former les travailleurs.

Pour appuyer nos agriculteurs.

Pour intégrer à l’emploi tous ceux qui le peuvent.

Et pour associer les Premières Nations et les Inuits au succès du Québec.
Je propose dès aujourd’hui aux partis d’opposition de faire du renforcement de
notre économie notre cause commune.

Nous entraînerons la communauté des affaires, les syndicats et les centres de
formation dans une offensive concertée pour relever le défi de la productivité.
Nous allons appuyer notre métropole afin qu’elle puisse diversifier ses sources
de revenus et mieux assumer son rôle crucial de locomotive économique du Québec.
Nous allons aussi continuer de soutenir nos artistes et ceux qui diffusent leurs
œuvres. C’est notre identité. Notre renommée.

C’est aussi une inspiration. Je souhaite que cet esprit conquérant, celui de
notre cirque, de notre cinéma, de notre chanson se transpose dans toutes nos
entreprises. Je veux que la force créatrice du Québec devienne notre plus grand
levier de croissance.

Il y a quelques jours, j’ai participé au 125e anniversaire de la fondation de
Papier Rolland à Saint-Jérôme.

C’était une journée où la tradition et l’histoire rencontraient l’avenir et le
développement durable.

Une journée pleine d’espoir.

En 1965, Jean Lesage s’était rendu au même endroit pour inaugurer la machine
numéro 8 de cette usine.

En 1992, Papier Rolland a été achetée par Cascades. Une transaction qui a marqué
la réunion de deux des plus grandes familles de notre secteur manufacturier, les
Rolland et les Lemaire.

Ce groupe incarne aujourd’hui le renouveau du papier québécois. Il saisit tout
le potentiel du recyclage et s’investit avec confiance dans l’ère du
développement durable.

L’histoire inspire le présent. En décembre, Cascades poursuivait sa croissance.
Elle prenait le contrôle de la compagnie Norampac avec l’appui de la SGF, fondée
par le même Jean Lesage en 1964.

Nous avons tout ce qu’il faut pour faire du Québec une réussite économique. Des
entrepreneurs de talent, un savoir-faire exceptionnel et des leviers de
développement économique puissants.

Pour aller encore plus loin et renforcer notre économie, nous allons développer
les marchés.

We are in the process of building an interconnection with Ontario in order to
export more electricity to our neighbours. It has been some twenty years since
the last new connection going outside Québec was built.

We will draw inspiration from this connection to lift the barriers that still
hamper trade between us.

We will propose that Ontario enter into a free trade agreement with Québec.
Moreover, my government will exercise leadership in rallying business circles
and political decision-makers behind our proposal for a new economic partnership
with the European Union.

Nous nous entendons aussi dans ce Parlement pour que nos régions soient plus
autonomes, plus fortes.

Cette autonomie accrue, c’est un moyen de mieux occuper le territoire; c’est un
moyen pour que nos communautés rurales soient plus fortes; c’est un moyen de
reconnaître la volonté de nos régions de participer pleinement au développement
du Québec.

Cette reconnaissance du leadership qu’assument nos régions nous amène aussi à
reconnaître le leadership assumé par nos élus municipaux.

Avec eux, nous allons accélérer nos travaux de décentralisation.

Nous voulons que les municipalités puissent vous livrer de meilleurs services,
mieux adaptés à vos besoins.

Mon nouveau gouvernement sera à l’écoute des Québécois.

Je partage les inquiétudes de ceux dont les parents vieillissent.

Mon propre père a récemment fêté ses 84 ans. Il vient de quitter la maison qu’il
avait achetée l’année de ma naissance et qui n’a pas changé depuis 1978, l’année
où ma mère est décédée.

Je traverse avec lui cette étape de sa vie. Comme des milliers de Québécois le
font avec leurs propres parents.

Nous devons beaucoup à la génération qui nous a précédés.

Ces femmes et ces hommes ont pour la plupart connu une vie faite de durs labeurs
et de grands sacrifices.

Quelques jours après les élections, j’assistais aux funérailles de madame Amélia
Lareau, décédée à 91 ans. Elle était veuve et mère de 6 enfants. Elle a habité
la même maison à Sherbrooke pendant 60 ans. Sa fille Louise, en lui rendant
hommage, a dit cette phrase toute simple : « Elle a passé sa vie au service de
sa famille. »

C’est à cette génération d’aînés que nous devons aujourd’hui respect et
reconnaissance.

C’est pour eux que nous mettrons sur pied, après discussion avec les partis
d’opposition, une consultation publique sur les conditions de vie des aînés.
Avec le vieillissement de la population, nous voyons apparaître un nouveau
phénomène. Un nombre grandissant d’aînés actifs et en bonne santé qui veulent
continuer à travailler, à leur rythme.

Je veux valoriser leur apport. Ils sont expérience et sagesse. Pour eux, nous
allons faciliter la retraite progressive. Des discussions sont déjà en cours
avec le gouvernement fédéral pour aménager la réglementation fiscale.

Mon nouveau gouvernement intensifiera ses efforts pour soigner les Québécois
plus rapidement.

Nous avons fait un travail colossal dans notre premier mandat pour redéployer
les assises de notre système de santé. C’est sur ces nouvelles fondations que
nous pouvons désormais bâtir.

Nous mettrons en place la garantie d’accès aux chirurgies, que nous étendrons
graduellement.

Nous augmenterons les efforts de prévention et de promotion de saines habitudes
de vie.

Nous allons ouvrir plus grande la porte à une participation du privé dans notre
système public de soins de santé. L’État achètera des services au secteur privé,
comme le permet maintenant la loi 33, adoptée en décembre dernier.
Nous poursuivrons les travaux sur la place du privé dans notre système de santé
pour améliorer l’accès aux soins et aux services.

Mais nous le ferons sur la base d’un système public à l’intérieur duquel le
privé a un rôle. Il n’y aura pas de marchandisation des soins, pas de commerce
de la souffrance au Québec.

Pour nous, c’est une question de valeurs, une question de justice sociale.

Mon nouveau gouvernement sera à l’écoute de la famille.

Dans les dernières années, nous avons instauré une prime de soutien aux enfants,
développé les places en services de garde et institué les congés parentaux. Et
les naissances ont augmenté.

Nous continuerons de développer les places en services de garde, avec le souci
d’offrir des solutions souples aux besoins variés des parents.

Un peu plus d’un an après la mise en œuvre des congés parentaux, dont le succès
a dépassé toutes les prévisions, nous évaluerons les moyens de répondre encore
mieux aux besoins des jeunes couples.

Notre gouvernement est celui, en Amérique du Nord, qui offre le plus important
soutien aux familles. Et il le demeurera.

Si à travers nos défis et nos débats, nous parvenons à ménager un espace dans la
vie des Québécois pour qu’ils puissent fonder une famille, alors nous serons sur
la bonne voie.

Si nous aidons tous les Québécois qui le veulent à illuminer leur foyer avec la
joie de l’enfance, alors nous serons un peuple heureux.

Voilà le sens de l’aide à la famille.

Mon nouveau gouvernement fera de l’éducation une priorité. Parce que notre
nation en dépend.

Mais nous allons ensemble obéir aux exigences de la réussite, en donnant à nos
universités les moyens de rivaliser avec les meilleures du monde.

La réussite implique l’effort.

La réussite est une responsabilité qui engage tous les Québécois.

Nous allons également renforcer l’apprentissage du français à l’école, mais
aussi la fierté de cette langue dans l’espace public. Nous allons promouvoir la
qualité du français parlé et écrit à travers tout le Québec.

Mon nouveau gouvernement marquera l’avènement du développement durable.
Nous ferons de chaque citoyen, qu’il soit individu ou entreprise, un agent de
changement et de développement durable.

Nous mettrons en œuvre notre plan de lutte contre les changements climatiques.
Nous créerons de la richesse avec notre énergie renouvelable, notre
hydroélectricité, notre pétrole à nous.

Nous travaillerons pour l’installation à Montréal d’une bourse du carbone.
Nous travaillerons avec nos voisins canadiens et américains, parce que nous
respirons le même air.

Nous reboiserons nos forêts. Nous transformerons la crise du secteur forestier
en une occasion de renouvellement de la ressource et d’amélioration de la
compétitivité de l’industrie.

Cette préoccupation des Québécois pour l’environnement a notamment été nourrie
par la formidable odyssée du Sedna IV en Antarctique. Ce périple, vécu et
raconté par le biologiste Jean Lemire, sur internet et à la radio, a fasciné les
Québécois.

Sous mon nouveau gouvernement, le Québec demeurera un leader nord-américain du
développement durable.

Voilà les priorités que nous mettrons en œuvre.

Nous gouvernerons pour vous en pensant, dans chacune de nos décisions et tous
les jours, à ceux que vous aimez le plus. À vos enfants, à notre jeunesse. Nous
gouvernerons pour les Québécois d’aujourd’hui et pour ceux qui feront le Québec
de demain.

C’est la trajectoire sur laquelle nous mettons le Québec. La trajectoire du
succès. Et sur cette trajectoire, nous établissons une étape.

Parce que notre gouvernement est minoritaire, nous devons travailler sur un
échéancier à plus court terme.

Alors je vous dis aujourd’hui ce que nous ferons d’ici décembre prochain.
Nous poserons 8 gestes principaux.

• Pour que vous ayez plus d’argent, nous baisserons vos impôts.
• Pour soigner plus rapidement, nous ouvrirons les premières cliniques privées
affiliées au réseau public.
• Pour élever la qualité de l’éducation et mieux réussir comme peuple, nous
procéderons au dégel des frais de scolarité en bonifiant de manière
correspondante le programme des prêts et bourses.
• Pour que nous soyons en meilleure santé, nous mettrons en œuvre un plan
d’élimination de la malbouffe dans les écoles.
• Pour que vous, les parents, sachiez comment progressent vos enfants à l’école,
nous ferons en sorte qu’un bulletin chiffré soit en vigueur dès la prochaine
rentrée scolaire.
• Pour protéger notre environnement, nous mettrons en place la redevance sur les
hydrocarbures, qui sera versée au Fonds vert.
• Pour que nos agglomérations fonctionnent mieux, au bénéfice de leurs citoyens,
nous allons travailler avec nos partenaires pour régler les problèmes.
• Pour que nous soyons plus en sécurité, nous présenterons une loi sur les armes
à feu semi-automatiques et à circulation restreinte.
Le jour le plus sombre que j’ai vécu comme premier ministre a été celui de la
tragédie du Collège Dawson. Cette loi sera pour nous la loi Anastasia, en
souvenir de la jeune Anastasia De Souza dont la vie a été fauchée ce jour-là.

Ces huit gestes contribueront à améliorer votre niveau de vie et votre qualité
de vie.

C’est de cette manière que nous allons procéder, en présentant des objectifs à
court terme qui marquent notre progrès sur la voie du développement à long terme
du Québec.

Le premier jalon de notre marche sera posé d’ici la fin du mois avec la
présentation d’un nouveau budget.

Ce budget sera le reflet de vos priorités.

Il sera guidé par deux maîtres mots : rigueur et transparence.

Vous travaillez fort pour chaque dollar gagné. Nous ferons en sorte que chaque
dollar prélevé en taxes ou impôts soit géré sainement.

Vous avez droit à un répit. Je demande à l’opposition de faire comme nous, de
prendre le parti de la classe moyenne, et de permettre des baisses d’impôt.

Mon nouveau gouvernement continuera de défendre chaque jour avec vigueur et
passion les intérêts du Québec.

Comme nous l’avons fait :

• en rapatriant la responsabilité en matière de congés parentaux;
• en obtenant de parler de notre voix à l’UNESCO;
• en obtenant la reconnaissance du fédéralisme asymétrique, en d’autres mots
être Canadiens à notre manière;
• et en voyant enfin le Québec être reconnu comme une nation.
Pour nous, la création d’alliances est une condition du succès dans la défense
des intérêts du Québec. C’est pour cette raison que le Québec a piloté la
création du Conseil de la fédération.

Cette volonté de créer des alliances est une de nos valeurs.

Elle remonte au libéral Honoré Mercier, qui a convoqué en 1887, ici même à
Québec, la première conférence interprovinciale.

Elle avait pour but de mettre fin au veto fédéral sur les affaires des
provinces.

Mercier avait compris que l’affirmation du Québec passe par le poids des
alliances et non pas par le repli du Québec sur lui-même.

Il avait compris aussi que la défense de nos intérêts pouvait parfois même
demander des alliances à l’intérieur des murs de cette Assemblée.

Nous mobiliserons cette Chambre afin de conclure avec le gouvernement canadien
une entente pour limiter le pouvoir fédéral de dépenser et assurer le respect
des compétences québécoises.

Ce n’est pas au gouvernement fédéral de dire au gouvernement du Québec où et
comment investir votre argent.

Cette 38e législature sera le témoin d’un événement exceptionnel. Une occasion
de réjouissance et de fierté; aussi une occasion de croissance et de
développement économique.

Notre capitale nationale célébrera en 2008, le 4e centenaire de sa fondation par
Samuel de Champlain;

Quatre cents ans ont passé depuis que les Premières Nations, aujourd’hui nos
partenaires, ont vu débarquer les Français, puis les Irlandais, puis tous les
autres.

J’invite aujourd’hui tous les Québécois, et tout spécialement les citoyens de la
capitale nationale, à s’investir dans la réussite de cette année de festivités.
J’invite les Premières Nations et les Inuits à se joindre au mouvement; la
nation huronne a d’ailleurs été désignée nation hôtesse de ces célébrations.
Cette ville, l’un des joyaux du patrimoine mondial, qui connaît une prospérité
exceptionnelle, doit s’unir derrière les artisans des fêtes du 400e et en faire
un succès mémorable.

Préparons-nous à fêter ensemble notre histoire et notre fierté.

Nous avons beaucoup de travail devant nous.

Le 26 mars dernier, vous avez réaffirmé votre autorité sur cette Assemblée.

Vous avez choisi un nouveau gouvernement libéral avec une opposition plus forte.

Vous nous demandez de travailler ensemble.

Votre décision représente un défi que nous allons relever.

Félix-Antoine Savard écrivait : « J’ai beaucoup mieux à faire que de m’inquiéter
de l’avenir. J’ai à le préparer. »

C’est ce que nous allons faire ensemble.

La réussite n’est pas affaire de taille et de nombre, mais de cœur et de génie.
Nous sommes cette réussite.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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