Merci. Ça commence bien, M. le Président. Je veux d’abord vous
saluer spécialement à nouveau, je veux également saluer M. le chef de
l’opposition officielle, M. le député de Rivière-du-Loup et Mmes et MM. les
membres de cette Assemblée.
C’est au terme d’une saison bien particulière que nous nous retrouvons ici.
Cette saison, M. le Président, je l’appellerai le printemps des contrastes.
Pendant que les Québécois vivaient des moments intenses de démocratie, les
images qu’ils recevaient étaient celles de la guerre en Irak. Les circonstances
exceptionnelles qui ont prévalu lors de cette élection auront permis aux
Québécois de mesurer l’inestimable valeur de notre démocratie et de notre paix.
Au cours de ce conflit, les Québécois sont descendus dans la rue par centaines
de milliers plus d’une fois pour déclarer leur attachement à la paix, et, le 14
avril, ils ont également affirmé leur attachement à la démocratie.
Ce jour-là, les Québécois ont porté au pouvoir une nouvelle équipe. Elle est
compétente et riche en talents et en expérience. Nous nous montrerons dignes de
la confiance que les Québécois ont placée en nous, nous donnerons suite au désir
de changement exprimé par les Québécois. Notre gouvernement est celui de tous
les Québécois. C’est celui des femmes autant que des hommes, c’est celui des
enfants qui remplissent nos écoles de joie et d’espoir jusqu’aux aînés qui ont
bâti cette société unique. Nous serons à l’écoute des citoyens, ceux qui sont
nés ici comme ceux qui se sont joints à nous. Notre diversité est pour moi une
très grande source de richesse.
M. le chef de l’opposition officielle, je suis content de vous retrouver. Je
sais que vous et votre équipe formerez une opposition coriace. Là-dessus, je
n’ai aucune espèce de doute. Les débats que nous aurons seront parfois
enflammés. Ils seront attisés par notre passion commune, notre passion commune
du Québec et de ses gens. Je vous souhaite un séjour ressourçant dans
l’opposition. Je salue également tous les députés de l’Assemblée nationale et
souhaite la bienvenue en particulier aux nouveaux élus.
Notre démocratie, Mme la lieutenant-gouverneur le disait, notre démocratie est
l’une des plus vieilles du monde. Elle est aussi parmi les plus vivantes et les
plus vigoureuses. Cette Trente-septième Législature en sera sans doute un
nouveau chapitre. Notre équipe est issue d’une formation politique dont les
racines remontent aux origines de notre démocratie. Cette formation est associée
de près à nos plus grandes réussites. Au cours de notre histoire, les
gouvernements du Parti libéral du Québec ont réaffirmé à chaque époque les
valeurs fondatrices de notre société: justice sociale, liberté individuelle,
identification au Québec, attachement à la démocratie. Les gouvernements du
Parti libéral du Québec ont toujours été là pour placer le Québec sur la voie du
progrès économique et social et pour relever les défis de leur époque. Notre
gouvernement relèvera les défis qui se présentent à nous afin que le Québec et
ses citoyens poursuivent leur progression dans le siècle nouveau.
Le Québec, il faut le dire, est à l’heure des décisions. Nous sommes arrivés au
bout d’un modèle de fonctionnement. Ce modèle a été créé il y a une quarantaine
d’années par de grands Québécois. Il nous a permis d’aller loin, mais nous
devons maintenant le revoir pour continuer à progresser. Les Québécois en sont
conscients, et c’est pour cette raison-là qu’ils nous ont élus.
Le Québec, il faut le dire, affiche des réussites remarquables. Le Québec est
parvenu à préserver sa culture et sa différence en confrontation directe avec la
loi du nombre et du temps. D’un point de vue historique, l’épanouissement du
Québec français témoigne de la fierté et de la bravoure de notre peuple. Notre
langue commune demeure le coeur de notre identité québécoise. Notre gouvernement
s’inscrira dans la continuité des gouvernements précédents qui ont avec
constance et avec détermination promu l’usage et la qualité du français. Nous
allons honorer cette responsabilité historique.
Le Québec figure parmi les États industrialisés les plus avancés. Nous sommes
des chefs de file dans des domaines aussi déterminants que les biotechnologies,
l’industrie pharmaceutique, l’énergie, l’aérospatiale et plusieurs, plusieurs
domaines de recherche médicale. Notre économie est moderne. Elle repose à 70 %
sur le secteur des services, donc sur notre connaissance, sur notre matière
grise. Le Québec compte une des plus fortes concentrations d’emplois en haute
technologie d’Amérique du Nord. Nous avons de grandes écoles dont la réputation
déborde largement nos frontières. Nos ingénieurs ont érigé des barrages sur les
plus grands fleuves du monde. Nos artistes émeuvent des publics sur tous les
continents, et l’entrepreneurship québécois a étendu son succès jusque dans le
cyberespace. Les réussites du Québec sont absolument éclatantes. Nous pouvons
être fiers d’être Québécois. Ces réussites reflètent l’extraordinaire talent des
Québécois. Toutefois, la poursuite de l’épanouissement de ces réussites risque
d’être compromise par un État qui n’est plus adapté à la réalité des années
2000.
L’État québécois est sous pression. Il ne parvient plus à soigner efficacement.
Nos écoles manquent de ressources pour accompagner les élèves en difficulté. Nos
infrastructures se détériorent, qu’il s’agisse de nos routes ou de nos systèmes
d’aqueduc, par exemple. Le Québec souffre d’un sous-investissement dans des
secteurs stratégiques. Il faut aujourd’hui faire un constat: l’État québécois,
qui a donné le signal de notre émergence parmi les sociétés les plus modernes du
monde, a vieilli. Il se trouve aujourd’hui en décalage face aux citoyens, il ne
parvient plus à répondre efficacement à leurs besoins, et les Québécois en font
les frais tous les jours. Il fait de nous les citoyens les plus taxés du
continent. Il place notre niveau de vie au 52e rang sur 60 États et provinces du
nord du continent. Cet État mal adapté nous coûte 37 % plus cher qu’en Ontario
et 25 % plus cher que dans le reste du Canada.
Il s’en trouvera, M. le Président, peut-être pour dire que c’est là le prix de
notre différence; eh bien, nous refusons cette analyse. Notre différence, ce
n’est pas une taxe. Je pense plutôt que le prix payé par les Québécois, c’est le
prix payé pour des gouvernements qui ont manqué à leur devoir, à leur devoir de
réviser périodiquement leurs façons de faire, comme tous les citoyens du Québec
ont dû le faire, que ce soit dans leur travail, dans leur entreprise, dans leur
foyer et leur famille.
Je pose aujourd’hui une question à tous les membres de cette Assemblée: Pendant
combien de temps l’État québécois peut-il exiger davantage de sacrifices de ses
citoyens que de lui-même? Pendant combien de temps l’État québécois peut-il
continuer à tout taxer, à se mêler de tout, avec pour résultat de souvent faire
les choses à moitié?
Le premier ministre français ― le premier ministre de la République française ―
M. Jean-Pierre Raffarin, avec qui j’ai eu des entretiens lors de sa première
visite officielle au Québec comme premier ministre, disait récemment, et je
cite: «La politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et
repousser toujours la résolution des problèmes quotidiens.» Fin de la citation.
Je suis d’accord avec lui, les Québécois aussi.
Si nous voulons soigner nos enfants et nos parents sans délai, nous devons nous
doter d’un État capable de s’y consacrer. Si nous voulons que nos écoles soient
mieux équipées, que les élèves en difficulté soient mieux accompagnés, nous
devons dégager des ressources pour le faire. Certaines de ces ressources, il
faut le dire, sont à Ottawa. Nous devons les récupérer en obtenant le règlement
du déséquilibre fiscal. Mais cela ne nous dispense pas de l’obligation de faire
notre propre ménage. Nous devons nous organiser pour répondre aux besoins des
citoyens et nous devons le faire en rejetant la solution facile qui consiste à
toujours puiser dans la poche des citoyens. Nous avons un plan pour y arriver.
La nécessité de revoir le fonctionnement de notre État ne tient pas seulement à
la difficulté qu’éprouve le gouvernement à répondre aux besoins des citoyens.
Cette nécessité tient aussi du contexte dans lequel nous vivons. Le Québec ne
peut plus prétendre être une bulle comme à l’époque où l’État dans sa forme
actuelle a été conçu, à l’époque où nos concurrents étaient dans le village d’à
côté. Nous vivons dans un monde d’interdépendance, de concurrence
internationale. Les Québécois ont d’ailleurs été aux premières loges de ce
mouvement de libéralisation commerciale. Dès 1988, les Québécois ont endossé
avec enthousiasme le libre-échange avec les États-Unis puis l’Accord de
libre-échange nord-américain qui intégrait le Mexique à notre marché commun. Et
ce n’est pas fini: bientôt, ce sera la Zone de libre-échange des Amériques qui
réunira la terre de Baffin et la Terre de Feu dans un seul marché.
Cette adhésion des Québécois à l’ouverture des marchés témoignait de leur
confiance en eux et, soulignons-le, M. le Président, fait l’objet d’une presque
unanimité ici, à l’Assemblée nationale du Québec, que ce soit le chef de
l’opposition officielle, le député de Rivière-du-Loup, un gouvernement du Parti
québécois, le gouvernement libéral de Robert Bourassa en 1988. S’il y a une
chose que nous avions saisie à ce moment-là, c’est que notre avenir à nous, au
Québec, se trouvait dans l’ouverture des marchés. On a saisi l’occasion et, en
2003, on peut confirmer que nous avions raison de faire confiance en nous. Nous
avons raison de faire confiance dans l’ouverture des marchés pour l’avenir.
Permettez-moi de l’illustrer. L’économie québécoise est pleinement intégrée à
celle de l’Amérique du Nord. Notre produit intérieur brut dépend à 60 % des
exportations: 30 % envers le marché canadien, 35 % vers le marché américain et 5
% vers les autres marchés. Tous les jours, les entreprises québécoises, pour
créer des emplois, doivent donc gagner la comparaison des prix et de la qualité.
Le marché intérieur québécois n’est pas suffisamment important pour nourrir
notre croissance. Ça, c’est notre réalité démographique. Pour grandir, il faut
vendre aux autres. Nous devons être pleinement concurrentiels. Ça, ce n’est pas
pour nous une question de choix, c’est une question de survie. Or, dans l’état
actuel des choses, l’État québécois, par le poids qu’il exerce sur notre
économie, nuit à la position concurrentielle du Québec. L’interventionnisme à
tous crins est non seulement une stratégie de développement économique ruineuse
et inefficace, mais c’est une stratégie qui est de plus en plus contraire aux
règles du jeu. L’avenir économique du Québec, ce n’est pas l’interventionnisme,
c’est l’entrepreneurship. La détérioration de la capacité de l’État québécois à
bien servir les citoyens et la préservation de la position économique
concurrentielle du Québec nous imposent donc une révision du fonctionnement de
l’État.
De surcroît, la situation financière du Québec fait de cette révision une
urgence. Le gouvernement qui nous a précédés s’est vanté d’avoir présenté
plusieurs budgets équilibrés, six budgets prétendument équilibrés. Toutefois,
même si le Québec était prétendument en déficit zéro depuis 1998-1999, la dette
du gouvernement, et donc de l’État québécois, a augmenté de plus de 11 milliards
de dollars en cinq ans. La réalité est que le gouvernement précédent a balayé
chaque année ses dépenses excessives sous le tapis de la dette. D’ailleurs, le
dernier budget de ce gouvernement, présenté tout juste avant les élections,
prévoyait la répétition de ce scénario. L’avis que nous avons demandé à M. Guy
Breton, ex-Vérificateur général du Québec, a révélé une impasse de 4,3 milliards
de dollars…
Des voix: …
M. Charest: Je sens une réaction, M. le Président, de l’autre côté, bien
typique, parce qu’on a pris bonne note que nos prédécesseurs ont dit qu’il n’y
avait rien là d’anormal, si j’ai bien compris. Sauf que, pour nous,
l’inconséquence, l’insouciance et le manque de transparence ne sont pas normaux.
Je tiens à réitérer, M. le Président, notre détermination, car la situation des
finances publiques ne compromet pas notre plan, mais je répète qu’elle
transforme sa nécessité en urgence. Je dis aujourd’hui à tous les Québécois que
notre gouvernement respectera sa parole et ses engagements. Nous réaliserons
notre plan pour le Québec.
Dans quelques jours, le ministre des Finances présentera un budget. Il permettra
de stabiliser la situation des finances publiques. Il s’agit d’une condition
préalable à tout le reste. Dans les mois qui vont suivre, nous allons faire ce
qui ne s’est jamais fait de façon sérieuse et structurée: nous allons passer en
revue l’ensemble des ministères, sociétés d’État, organismes publics et
parapublics ainsi que l’ensemble des programmes qu’ils administrent. Nous allons
remettre à jour le fonctionnement de notre État. Nous procéderons avec méthode
et rigueur, selon des principes de gestion qui seront les principes de notre
administration.
Premièrement, nous allons recentrer l’État sur ses missions essentielles: santé,
savoir, prospérité et sécurité. Deuxièmement, dans ces missions essentielles,
notre premier souci sera la qualité des services aux citoyens. Moins de
structures, plus de services. À mon sens, l’État des années 2000 doit se
concevoir comme un instrument au service de la réussite de ses citoyens. Ce
n’est pas l’État qui signera la réussite du Québec, ce sont les Québécois. Nous
serons là pour chacun d’eux. Nous allons favoriser l’initiative individuelle et
leur responsabilisation.
Troisième principe: transparence et efficacité. Les Québécois ont le droit de
savoir ce que fait leur gouvernement de chaque dollar qu’il perçoit à même le
fruit de leur travail. Les Québécois doivent en avoir pour leur argent. Il faut
chasser cette idée que l’État est forcément inefficace, parce que c’est faux. Il
y a dans l’État québécois des organisations qui sont des modèles d’efficacité.
Nous le reconnaissons et nous les reconnaîtrons.
Quatrième principe: décentralisation, partenariat et imputabilité. L’État
québécois ne peut pas tout faire tout seul. Il doit apprendre à faire confiance
et à déléguer. Nous ouvrirons l’État québécois au partenariat, que ce soit avec
les municipalités, des organismes communautaires ou des entreprises privées.
Chaque partenaire identifié sera imputable des responsabilités qui lui seront
confiées et des ressources afférentes devant les élus de l’Assemblée nationale.
C’est sur la base de ces principes de gestion que nous inaugurerons six grands
travaux qui seront le coeur de la réingénierie de l’État québécois. Ces travaux
seront coordonnés par la présidente du Conseil du trésor sous mon autorité.
Chacun de ces travaux sera piloté par un ministre qui s’adjoindra la
collaboration de collègues députés et, au besoin, de ressources externes. Nos
six grands travaux sont les suivants:
Numéro 1: révision des structures de l’État et des programmes gouvernementaux,
sous la supervision de la présidente du Conseil du trésor;
Numéro 2: revue des modes d’intervention du gouvernement dans l’économie, sous
la responsabilité du ministre du Développement économique et régional, en
collaboration avec le ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la
Famille;
Numéro 3: réorganisation des services de santé, sous la responsabilité du
ministre de la Santé et des Services sociaux;
Numéro 4: décentralisation, déconcentration, sous la responsabilité du ministre
des Affaires municipales, des Loisirs et du Sport et de la ministre déléguée au
Développement régional et au Tourisme;
Numéro 5: recentrage du réseau de l’éducation sur l’élève et l’étudiant, sous la
responsabilité du ministre de l’Éducation;
Numéro 6: simplification et allégement du fardeau fiscal, sous la responsabilité
du ministre des Finances.
M. le Président, il est important que les Québécois comprennent que ce que nous
entreprenons n’est pas en soi exceptionnel. Ce qui, par contre, est exceptionnel
au Québec, c’est que cela n’ait pas déjà été fait. Nous pourrons donc nous
inspirer des expériences de plusieurs autres gouvernements. Nous pourrons nous
comparer à plusieurs autres gouvernements. Le Québec doit supporter, même
encourager la comparaison. Il doit reconnaître ses forces autant que ses
faiblesses pour mieux capitaliser sur les unes et combattre les autres. Il ne
s’agit nullement ici d’être les tenants d’un courant de gauche ou d’un courant
de droite. Notre formation politique, vous le savez, a toujours visé le
pragmatisme. Il s’agit de faire appel à l’innovation et au sens créateur du
Québec et de tous les Québécois.
Je convie les Québécois à envisager ces travaux avec enthousiasme. C’est un
formidable projet que nous avons élaboré avec les Québécois. Nous allons
insuffler un vent d’air frais au Québec. Nous allons ouvrir les fenêtres de
notre grande maison. Nous allons nous donner une société dans laquelle nous
serons plus libres et plus prospères. Le Québec sera plus stimulant pour chacun
de nous.
Nous verrons des changements dans nos structures et nos façons de faire. Il y
aura, et c’est normal, il faut s’y attendre, une résistance, toute naturelle, au
changement, comme, soit dit en passant, comme il y a 40 ans, lorsque les
Québécois se sont levés pour faire la Révolution tranquille et nous faire
accéder à la modernité. Les Québécois de la Révolution tranquille étaient
confiants et enthousiastes. Nous le sommes encore plus aujourd’hui. Nous le
sommes parce que nous savons qu’aucun sommet ne nous est inaccessible.
Nous allons donner aux Québécois un État plus efficace, moins coûteux, moins
bureaucratisé, un gouvernement d’aujourd’hui. Ce gouvernement sera capable
d’assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes et de bien servir
les citoyens du Québec, de bien les soigner, de bien les éduquer. Nous allons
dégager les ressources humaines et financières qui nous sont nécessaires pour
relever les défis nouveaux et pour solidifier les assises de notre développement
et de notre croissance. Nous allons donner aux Québécois un gouvernement dont
ils seront fiers. La réorganisation de l’État sera en toile de fond de notre
plan pour le Québec.
Nos priorités sont connues. Nous avons présenté notre plan pour le Québec le 12
septembre 2002, plus de six mois avant l’élection générale, et nous avons
l’intention et la détermination de réaliser ce plan. On a eu l’occasion de le
dire, permettez-moi de le réaffirmer aujourd’hui: la santé est notre première
priorité. Notre système public de santé est non seulement un rempart contre
l’injustice, mais encore faut-il l’ajouter, le rappeler, que c’est aussi pour
nous un avantage économique concurrentiel. Au cours des dernières années, ce
joyau québécois a vécu des crises à peu près perpétuelles. Il est vrai que les
systèmes de santé sont au carrefour de plusieurs des principaux changements qui
modifient notre société. Que ce soient le vieillissement de la population, les
avancées technologiques, la hausse du prix des médicaments, la pression est
forte sur tous les systèmes de santé du monde. Grâce au dévouement de tout le
personnel du réseau de la santé et des services sociaux, incluant les
infirmières et les médecins, à qui je veux rendre hommage aujourd’hui, la
qualité des services est demeurée élevée. Cependant, l’accès aux services s’est
détérioré sérieusement.
Nous avons dit maintes fois que nous remettrions sur pied notre système de santé
et de services sociaux. Je le redis aujourd’hui. Si le gouvernement d’hier n’est
pas parvenu à dominer les pressions qui s’exercent sur le réseau, je vous
soumettrai respectueusement que c’est parce qu’il a voulu s’attaquer à des défis
des années 2000 avec des solutions des années soixante. Nous réussirons parce
que notre système public de santé sera administré par un État qui aura adapté
ses façons de faire aux défis d’aujourd’hui et aux priorités d’aujourd’hui.
Nous allons nous attaquer avec énergie, et en débloquant les ressources
nécessaires, aux pénuries de médecins et de personnel infirmier. Dans cinq ans,
il y aura au moins 1 500 infirmières de plus dans le réseau et 750 médecins de
plus en formation. Dans l’intervalle, nous allons rebâtir le réseau de la santé
et des services sociaux. Nous allons décentraliser son administration afin que
les directeurs d’établissement notamment puissent pleinement exercer leurs
compétences et trouver des solutions adaptées à leur propre situation. Notre
réseau d’institutions universitaires de santé sera consolidé et modernisé.
Vous savez tous que dans les grands hôpitaux du Québec on compte aussi des
dizaines d’unités d’accréditation syndicale. Il y a là un problème de
fonctionnement. Nous allons nous y attaquer. Nous allons revoir l’organisation
du travail avec un objectif très précis: de le rendre plus humain, plus
flexible.
Notre système a besoin d’une injection de bon sens et de pragmatisme. Nous
allons l’administrer. Le réseau de la santé et des services sociaux s’ouvrira au
partenariat avec les cliniques privées, par exemple. On y fera notamment des
opérations mineures sans frais pour les patients. Le réseau s’ouvrira aussi sur
la sous-traitance. Je refuse de voir notre système public de santé comme une
chapelle qui proscrit toute relation avec le secteur privé comme s’il s’agissait
là d’un sacrilège. Les soins et services doivent être payés par l’État, mais
l’État peut conclure des ententes de services pour soigner plus vite ou pour
réduire ses coûts de fonctionnement. Nous allons réunir les établissements dans
un véritable réseau de soins et de services en mettant à profit les moyens
technologiques d’aujourd’hui. Les Québécois sauront quels sont les services
disponibles et où ils peuvent les obtenir le plus rapidement possible.
Nous abolirons les régies régionales de la santé et des services sociaux. Ces
organismes, nés de la noble intention d’un gouvernement libéral, soit dit en
passant ― parce qu’il faut faire preuve de lucidité ― se sont avérés un détour
plus qu’un raccourci. Nous les remplacerons par des organisations moins lourdes,
essentiellement dédiées à la coordination des services.
M. le Président, nous allons réduire les listes et les délais d’attente, que ce
soit à l’urgence, pour une chirurgie, pour des examens diagnostiques, pour des
services de réadaptation, des services à domicile ou pour une place
d’hébergement. Nous allons répondre aux besoins de tous les Québécois dans
toutes les régions du Québec. Nous nous engageons à des résultats et nous nous
engageons à la transparence. Je confirme la création prochaine d’un poste de
commissaire à la santé qui sera doté des mêmes pouvoirs que le Vérificateur
général.
Notre gouvernement réinvestira dans le réseau de la santé et des services
sociaux, comme on s’est engagés à le faire. Ces réinvestissements nous
permettront d’augmenter les effectifs mais aussi de renouveler les équipements
et d’augmenter les services. Dans cinq ans, notre système de santé sera en forme
et la population du Québec sera en meilleure santé grâce à un accroissement des
efforts de prévention.
Nous exigerons aussi que le gouvernement fédéral assume sa part de
responsabilité dans le financement du système de santé. La Loi canadienne sur la
santé n’a de sens que si le gouvernement qui la prescrit s’assure que ses
partenaires ont les ressources suffisantes pour la respecter. Nous serons de
toutes les batailles, comme nous l’avons été et comme je l’ai été
personnellement dans le passé.
Je veux, d’autre part, confirmer, en cette occasion et devant vous tous, un
engagement personnel. Nous trouverons dès le prochain budget les ressources
additionnelles pour mettre en place des services de stimulation précoce destinés
aux enfants autistes du Québec.
Mr. Speaker, finally, our Government will assure that the letter and the spirit
of Bill 142, which guarantees access to health care and social services to the
English speaking population in their language, is respected. That, the people of
Québec can be assured of.
Il y aura donc, M. le Président, un respect intégral de cette première priorité
que le Parti libéral du Québec a proposée à la population du Québec, le 14 avril
dernier, et qu’ils ont acceptée: de faire de la santé la grande priorité du
prochain gouvernement libéral.
M. le Président, notre gouvernement fera aussi de l’éducation une priorité de
tous les jours. La connaissance est le germe de notre croissance. Il faut la
semer, la faire grandir, la faire fleurir pour récolter chaque année les fruits
du progrès et du développement. Nous allons favoriser l’autonomie des différents
partenaires au sein du monde de l’éducation, autant chez les directions
d’établissement que dans les commissions scolaires. Nous allons donner plus de
latitude aux enseignants pour qu’ils expriment plus librement leur passion pour
leur métier et pour notre jeunesse.
J’ai dit que notre gouvernement serait au service des citoyens; cela inclut nos
enfants et leurs parents. Nous allons investir dans l’accompagnement et
l’encadrement des élèves en difficulté. Nous allons intervenir dès le primaire
afin de prévenir le décrochage scolaire. Nous allons augmenter d’une heure et
demie la durée de la semaine de classe au primaire, développer l’aide aux
devoirs et introduire l’enseignement de l’anglais dès la première année. Les
Québécois sont prêts pour cela. Il n’y a pas de contradiction, il faut le dire,
M. le Président, à promouvoir la pleine maîtrise du français et favoriser
l’apprentissage d’une deuxième et même d’une troisième langue.
Nous allons ouvrir les écoles secondaires au mentorat. Nos adolescents ont
besoin d’encadrement, mais ils ont aussi besoin de modèles de réussite. Je dis
aujourd’hui aux Québécois qui ont du temps à donner, notamment aux jeunes
retraités, qu’il y a des jeunes dans nos écoles qui veulent se faire parler
d’une vie réussie. La réussite de nos enfants et la lutte au décrochage scolaire
ne sont pas seulement l’affaire du monde scolaire. C’est très important de le
rappeler. Il n’y a pas seulement là une affaire d’école ou de classe, c’est
l’affaire de tous les Québécois.
Nous investirons dans la formation professionnelle et technique, cela afin
d’augmenter les débouchés pour nos jeunes et pour aider nos entreprises à faire
face aux pénuries de main-d’oeuvre qualifiée. Nous soutiendrons les cégeps et
les universités, tout spécialement en région.
Nous aurons également dès cette année, avec tous les partenaires concernés, un
grand débat, un débat très important sur la qualité, l’accessibilité et le
financement de l’enseignement universitaire. C’est un enjeu stratégique de
première importance pour le Québec. Dans cinq ans, le taux de décrochage
scolaire aura diminué. Nos écoles secondaires seront des milieux d’enseignement
plus ouverts où nos adolescents auront accès à des modèles de réussite. Ils se
sentiront mieux appuyés. Nous aurons augmenté le nombre de diplômés des
formations professionnelle et technique, et nos universités entreverront
l’avenir avec enthousiasme.
M. le Président, les Québécois ne veulent plus se faire dire encore longtemps
qu’ils sont les citoyens les plus taxés du continent. Je les ai entendus, et
cela achève. Nos orientations économiques sont claires: nous allons baisser les
impôts de tous les Québécois dès l’exercice financier 2004-2005, comme le
stipule le cadre financier rendu public le 12 septembre 2002. Sur cinq ans, nous
visons à réduire l’impôt des particuliers d’une moyenne de 27 %. Dans la
distribution des baisses d’impôts, nous allons privilégier les familles avec
enfants et la classe moyenne. On ne baissera pas les impôts pour le seul plaisir
que cela procure, nous les baisserons parce que c’est nécessaire, parce que
notre fardeau fiscal est un obstacle à notre développement. C’est le meilleur
incitatif pour que nos gens parmi les plus brillants aillent gagner leur vie
ailleurs. C’est aussi le meilleur incitatif pour que les gens parmi les plus
brillants d’ailleurs ne viennent pas gagner leur vie ici.
Dans le monde concurrentiel dans lequel nous évoluons, la concurrence fiscale
est aussi un enjeu. De façon plus générale, notre action économique visera à
laisser s’exprimer le plus librement possible les forces vives de la croissance;
je pense, entre autres, à nos PME et à nos entrepreneurs. Pour les aider, nous
allons commencer par arrêter de leur nuire, nous allons réduire les taxes qui
nuisent à l’investissement, comme la taxe sur le capital, que nous abolirons
graduellement au cours de ce mandat, pour les PME. Nous allons notamment amender
la Loi sur la formation de la main-d’oeuvre afin d’éliminer ses effets pervers.
Cette loi, ainsi faite, amène les PME à défrayer des coûts de formation dans les
grandes entreprises. Nous allons également revoir l’ensemble des programmes
d’aide, de crédits d’impôt, de subventions de toutes sortes, qui sont ruineux,
qui compliquent la vie des entreprises et qui ne participent pas à notre
croissance. Le Québec, faut-il le rappeler, subventionne quatre fois plus que
l’Ontario, plus que toutes les autres provinces canadiennes réunies. Pourtant,
on n’a reçu que 17,7 % des investissements privés. C’est moins que la part de
notre population à l’intérieur du Canada ou le pourcentage de notre économie.
Les investisseurs, M. le Président, ne recherchent pas les subventions, ils
recherchent un lieu propice à la rentabilité et à la croissance. Eh bien, nous
allons créer un contexte propice à faire des affaires au Québec. C’est dans
cette perspective que j’ai donné instruction au ministre du Développement
économique et régional de revoir les mandats de la SGF, d’Investissement Québec,
de La Financière du Québec et des sociétés Innovatech. Nous voulons que leurs
actions soient davantage ciblées sur le soutien aux PME. Ces sociétés d’État
devront par ailleurs procurer aux Québécois un retour sur leurs investissements.
L’avenir économique du Québec, ce n’est pas, je le rappelle, le dirigisme de
l’État, c’est l’entrepreneurship. Eh bien, nous allons stimuler cet
entrepreneurship.
Nous allons aussi mieux soutenir l’innovation et la recherche et le
développement. Nous viserons notamment à augmenter le bassin d’ingénieurs, de
techniciens, de scientifiques et à mieux soutenir la recherche fondamentale et
la recherche appliquée. Nous allons aussi faciliter la vie quotidienne des
entreprises.
Nous allons alléger et simplifier la réglementation. C’est bien connu, il y a là
un fouillis qui empoisonne la vie des entrepreneurs, qui ne sert ni l’intérêt
des citoyens ni les intérêts des entreprises. Nous allons nous donner un
mécanisme qui entraînera une révision obligatoire de toute nouvelle
réglementation après une période de cinq ans. Et, de cette façon, nous allons
éviter de recréer le problème que nous voulons régler.
Nous allons aussi revoir les lois du travail afin qu’elles reflètent mieux la
réalité des employeurs et des travailleurs d’aujourd’hui. Nous allons notamment
réviser l’article 45 du Code du travail afin de faciliter le recours à la
sous-traitance.
Dans cinq ans, les Québécois ne seront plus les citoyens les plus taxés du
continent. Le Québec aura une croissance durable; elle s’appuiera sur ses forces
réelles et non sur un interventionnisme d’une autre époque. Notre économie sera
pleinement concurrentielle. Nous aurons également amélioré la gouvernance des
outils économiques dont nous disposons.
Est-il important de rappeler les résultats décevants, inquiétants de la Caisse
de dépôt et de placement du Québec, qui constituent pour nous une préoccupation
très sérieuse. Nous allons évaluer la mission, le mandat et la gouvernance de la
Caisse afin que nous ne revivions plus jamais les pertes et les écarts que nous
avons vécus au cours des dernières années.
L’État se repositionnera face à l’activité économique. Plutôt que de chercher à
se substituer aux entreprises, il investira dans les citoyens. Parallèlement à
des investissements accrus en formation professionnelle et technique, nous
allons consacrer des investissements sans précédent pour accompagner ceux qui
ont besoin d’aide pour intégrer le marché du travail et sortir de la pauvreté.
Nous allons attendre des efforts de ceux qui sont en mesure de les fournir et
nous allons valoriser leurs efforts. Il sera toujours plus payant de travailler
que de ne pas travailler. Nous allons revoir l’ensemble des programmes
d’incitation au travail et de soutien au revenu afin de véritablement ouvrir les
portes d’une vie meilleure aux travailleurs à faible revenu et aux prestataires
de l’aide sociale.
Le Québec a besoin de l’effort de tous ceux qui sont en mesure d’en fournir. En
quatre ans, le Québec devra combler 640 000 postes laissés vacants par des
départs à la retraite ou créés par la croissance de notre économie. C’est un des
défis les plus importants auxquels nous faisons face. Nous voulons la
participation du plus grand nombre possible. Nous avons besoin des idées et des
talents de tous les Québécois.
Nous voulons notamment une plus grande participation des personnes handicapées.
25 ans après la création de l’Office des personnes handicapées du Québec, nous
allons améliorer la loi qui assure le respect des droits de ces personnes,
conformément à notre engagement. Nous allons aussi réviser les programmes
destinés à ces personnes. Nous allons les seconder plus activement dans la
conquête de leur autonomie et dans leur pleine contribution à notre devenir.
Nous serons par ailleurs solidaires de nos concitoyens inaptes au travail. Nous
améliorerons leurs conditions de vie. Notre gouvernement sera aussi un
gouvernement de compassion.
M. le Président, le Québec, c’est aussi et beaucoup… fondamentalement, c’est
nos régions. Elles sont au coeur de notre identité, elles sont aussi au coeur de
notre mission. Les citoyens des régions du Québec seront parmi les premiers
bénéficiaires de la réingénierie de l’État québécois. La réorganisation de
l’État fera entrer le gouvernement du Québec dans l’époque des partenariats et
de la confiance réciproque. Nous ferons confiance aux citoyens des régions.
Nous allons conclure avec chacune des régions du Québec des ententes de
partenariat. En vertu de ces ententes, les régions assumeront des pouvoirs et
des responsabilités en fonction de leur volonté et de leur capacité de les
assumer. Ces responsabilités et les ressources afférentes seront administrées
par des élus des régions. Ils bénéficieront de sources de financement
diversifiées et rendront compte à l’Assemblée nationale de l’utilisation de
l’argent public. Ils auront la marge de manoeuvre requise pour travailler en
fonction de leurs priorités propres et au développement de leur région. Nous
ferons confiance enfin aux citoyens des régions du Québec.
Nous opterons pour le sur-mesure plutôt que de faire le mur-à-mur. Nous croyons
dans l’autonomie régionale. Nous croyons que l’attachement des gens des régions
à leur coin de pays et leur désir de voir leurs enfants grandir près d’eux sont
des moteurs d’initiative. Eh bien, cet esprit d’initiative rayonnera. Dans cinq
ans, les régions du Québec auront développé des créneaux d’excellence créateurs
d’emplois et de richesse. Les citoyens des régions seront fiers d’avoir su
générer leur prospérité.
Tout en confiant aux régions du Québec le pouvoir de prendre en main leur
avenir, nous leur disons que nous assumerons nos responsabilités en région. Le
gouvernement développera les services de santé en région et soutiendra les
maisons d’enseignement, de l’école primaire à l’université. Nous allons aussi
favoriser l’occupation du territoire. Nous développerons des incitatifs pour que
les jeunes qui sont partis reviennent en région et pour que les nouveaux
arrivants découvrent les beautés de nos campagnes. Nous allons contribuer au
développement du tourisme en région. Nous allons notamment faire en sorte que
les grands événements de nos villes participent à la promotion des attraits des
régions.
Nous allons aussi brancher les régions. Avant la fin de ce mandat, des
connexions Internet à haute vitesse seront disponibles dans toutes les régions
du Québec. L’économie du savoir n’est pas incompatible avec l’économie du
terroir. Et faut-il rappeler aussi que cette question d’être connecté, d’avoir
accès à l’Internet haute vitesse, c’est aussi important aujourd’hui, en 2003,
que jadis l’accès à l’hydroélectricité l’a été ou l’accès au téléphone.
Nous investirons également dans les infrastructures de transport en région. Une
économie forte doit reposer sur des infrastructures de transport adéquates. La
croissance du Québec dépend de l’exportation. Le Québec doit se donner les
moyens, justement, de livrer la marchandise. Le secteur des transports en
région, comme partout ailleurs au Québec, a été victime de l’incapacité de
l’État à cibler ses actions. La réorganisation de l’État nous aidera à dégager
des ressources pour le développement des infrastructures en général et des
infrastructures de transport en particulier. Nous favoriserons l’interconnexion
des modes de transport ― ce qu’on appelle l’intermodalité ― afin d’optimiser nos
infrastructures existantes. Nous devrons innover, innover dans nos modes de
gestion, et nous recourrons, lorsque ce sera souhaitable, au partenariat
public-privé afin d’accélérer la réalisation des travaux. Le Québec aura
notamment une voie de contournement à sa métropole.
Les régions du Québec, c’est aussi la ruralité, nos champs, nos forêts, nos
ressources minérales et nos cours d’eau. Notre gouvernement accompagnera les
producteurs agricoles dans l’adoption de pratiques respectueuses de
l’environnement. Nous favoriserons le développement d’une agriculture
diversifiée et, de concert avec le secteur bioalimentaire, nous répondrons aux
enjeux nouveaux reliés, entre autres, à la sécurité alimentaire.
Dans le domaine des pêches, notre gouvernement soutiendra les entreprises et les
individus confrontés au difficile problème de la diminution des ressources. Nous
verrons à ce que la même chose ne se produise pas avec l’industrie forestière.
Nous instituerons une enquête scientifique, publique et indépendante sur la
gestion de la forêt publique québécoise. Cette enquête visera tout autant à
protéger notre patrimoine forestier qu’à assurer le maintien de notre
productivité, de la productivité de notre ressource et des emplois qui y sont
directement reliés.
Le gouvernement consacrera des efforts soutenus pour accompagner l’industrie
forestière et soutenir les travailleurs et les communautés concernés par le
contentieux sur le bois d’oeuvre. Nous collaborerons avec le gouvernement
fédéral et on fera toutes les représentations requises. D’ailleurs, dans les
jours suivant mon élection, j’ai eu l’occasion d’aborder ce dossier directement
avec le secrétaire d’État américain, Colin Powell, lors de mon passage à New
York. Par la suite, j’ai eu l’occasion de recevoir l’ambassadeur américain, M.
Cellucci, à l’Assemblée nationale, pour une session de travail, et cette session
de travail, de tout évidence, a porté en bonne partie sur ce dossier du bois
d’oeuvre. Nous sommes, il faut le dire, à la recherche d’une solution durable et
permanente, mais nous saisirons chaque occasion pour rappeler à nos partenaires
américains à quel point il y a là un enjeu important pour le Québec et à quel
point c’est important, M. le Président, de trouver une solution qui va éviter
qu’on revienne à nouveau, dans cinq ans d’ici, avec des pénalités venant des
États-Unis.
En matière d’énergie, nous allons accélérer la mise en oeuvre de projets
hydroélectriques actuellement à l’étude. Nous agirons dans le plus grand respect
des communautés locales. Elles seront associées à la réalisation des projets.
L’hydroélectricité demeure plus que jamais une solution d’avenir pour le Québec.
Nous développerons notre potentiel énergétique, mais nous remettrons aussi de
l’avant des programmes d’efficacité énergétique. Nous agirons de façon
responsable afin d’éviter que le Québec ne se retrouve en déficit énergétique en
2006. Nous développerons aussi d’autres formes d’énergie renouvelable et nous
poursuivrons par ailleurs les démarches entreprises en vue de l’exploitation de
ressources gazières du golfe Saint-Laurent.
Le Québec est une des économies modernes qui dépend aussi le plus sur son
patrimoine naturel pour assurer sa croissance. Nous allons le préserver. Nous
affirmerons l’engagement du Québec dans le développement durable avec l’adoption
d’un véritable plan vert qui réconciliera les impératifs de croissance
économique et de sauvegarde de notre patrimoine naturel et environnemental.
Dans notre programme politique, nous avons clairement indiqué que la famille
constituait une de nos priorités. Pour nous, le soutien à la famille ne tient
pas en quelques mesures, il tient dans une façon de concevoir le rôle de l’État.
Les familles bénéficieront de notre action. Elles seront privilégiées dans la
distribution des réductions d’impôts. Leur vie sera facilitée par l’amélioration
des services de santé. L’accompagnement des élèves en difficulté et
l’introduction de l’aide aux devoirs dans les écoles du Québec contribueront
directement à faciliter leur quotidien. Nous encouragerons l’adoption par les
entreprises de toutes les mesures susceptibles de favoriser la conciliation
travail-famille. Je dis aujourd’hui aux dirigeants d’entreprise que, dans un
contexte de pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, il est dans votre intérêt et
dans celui de votre organisation d’être à l’écoute de vos employés, qui sont
aussi des parents.
Nous poursuivrons le développement des places en garderie. Rappelons la réalité.
Le système, dans son état actuel, ne répond pas aux besoins. Il manque au-delà
de 33 000 places. Nous allons revoir les bases de financement. Nous protégerons
les garderies à 5 $ par jour pour le plus de gens possible. Mais nous voulons
d’abord que tous les parents aient une place pour leurs enfants. Un gouvernement
qui met en place un programme dont il sait qu’il n’arrivera pas à le financer ne
répond pas aux besoins des citoyens. Il fait deux choses: il alimente le cynisme
et la frustration. Nous répondrons au besoins des parents. Nous aurons une
approche basée sur l’efficacité, en étant conscients que les besoins des parents
sont variables et que l’offre de services, justement, doit varier.
Notre soutien à la famille consiste aussi à reconnaître la contribution des
aidants naturels, ceux et celles qui hébergent un parent âgé ou en perte
d’autonomie. Nous allons compenser leurs efforts et les remercier pour leur
compassion.
Nous allons par ailleurs nous attaquer au problème de logement, dont les
familles sont les premières victimes. Je confirme aujourd’hui l’engagement pris
par notre formation politique. Nous devancerons l’échéancier de construction de
13 000 nouveaux logements sociaux. Tout sera complété en 2007.
On ne saurait par ailleurs parler d’aide à la famille sans parler d’aide aux
femmes, qui sont encore aujourd’hui les piliers. Nous ferons en sorte que les
conditions de vie des femmes s’améliorent. Nous aiderons les femmes chefs de
famille monoparentale à améliorer leurs revenus. Nous leur accorderons une
importance toute particulière dans notre plan d’intégration au marché du
travail. Elles font face à des responsabilités énormes, nous les aiderons.
S’il est un fléau particulièrement odieux dans notre société, c’est celui de la
violence conjugale. Nous ferons tout pour l’enrayer. Au cours de la campagne
électorale, je me suis engagé à répondre aux besoins exprimés par les maisons
d’hébergement pour femmes victimes de violence. Je confirme cet engagement. Nous
allons protéger les femmes et leurs enfants. Nous allons aussi consacrer des
efforts afin de briser le cercle vicieux de la violence. Nous allons miser sur
la prévention, le dépistage, la sensibilisation et la formation.
Dans l’esprit de notre soutien à la famille, je tiens par ailleurs à dire aux
jeunes Québécois que les dossiers jeunesse sont maintenant sur le bureau du
premier ministre. J’en fais donc une préoccupation personnelle. Les jeunes ont
une conscience des enjeux et des considérations universelles qui est, pour moi,
une inspiration. Ils croient à la liberté, à l’environnement, à la diversité
culturelle aussi. Ce sont des jeunes qui ont obtenu… qui ont fait pression
pour que les négociations sur la mondialisation intègrent des enjeux relatifs à
la protection de l’environnement et à la protection des travailleurs. Je suis
très optimiste pour notre jeunesse, M. le Président. On va soutenir les projets
d’éducation, d’accès au travail, d’amélioration de la santé et on va accroître
leur implication dans les communautés. On a besoin de leurs idéaux.
Le respect des citoyens et de la démocratie est une autre préoccupation qui
transcende les grands dossiers, qui imprégnera l’ensemble de nos décisions. La
démocratie, faut-il le rappeler, n’est pas une option de notre véhicule
collectif. Ce n’est pas un toit ouvrant dont on se sert lorsqu’il fait beau et
que l’on ferme lorsqu’il pleut. Nous respecterons la démocratie beau temps,
mauvais temps.
Notre gouvernement a le mandat de réorganiser l’État et nous le ferons. Le
gouvernement qui nous a précédés n’avait pas le mandat de forcer des fusions
municipales qui ont touché plus de 75 % des citoyens du Québec. Dans ce dossier
précis, il a franchi la ligne au-delà de laquelle le juste leadership devient
autoritarisme. Je redis ceci devant vous, devant vous tous, que je souhaite la
réussite des nouvelles villes, mais je redis aussi que les citoyens qui désirent
s’exprimer sur l’organisation de leur communauté pourront le faire. Le ministre
des Affaires municipales présentera un projet de loi cadre conforme à la
position que nous défendons depuis octobre 2000. Ce projet de loi affirmera par
ailleurs le principe de la fiscalité d’agglomération de manière à ce que les
citoyens paient leur juste part.
Notre gouvernement, avec son plan pour réorganiser l’État et décentraliser les
pouvoirs, sera un allié de tous les jours du monde municipal, de notre capitale
nationale et aussi de notre métropole. Nous procéderons à une actualisation du
pacte fiscal entre le gouvernement et les municipalités. Nous allons travailler
à diversifier les sources de revenus des municipalités et des MRC. Nous allons
aussi leur donner les moyens pour qu’elles puissent mieux contrôler leurs
dépenses.
Notre attachement aux principes démocratiques nous amènera par ailleurs à
présenter, au printemps 2004, un projet global de réforme des institutions
démocratiques. Nous modifierons notamment le mode de scrutin afin que la
distribution des sièges dans cette Assemblée reflète plus fidèlement les
suffrages exprimés. Nous réviserons la Loi électorale afin de favoriser
l’exercice du droit de vote. Nous voulons que chaque citoyen du Québec se sache
investi du pouvoir de changer les choses et se sente encouragé à exercer son
droit et d’être entendu. Je veux que ce soit vrai lors des scrutins, mais je
veux aussi que ce soit vrai au quotidien, et il y a des moyens pour cela.
Nous utiliserons les moyens technologiques d’aujourd’hui en appui à la vitalité
de notre démocratie. Un des projets corollaires à la réingénierie de l’État est
la création d’un gouvernement en ligne qui rendra aux citoyens tous les services
applicables par Internet plus efficacement et à moindre coût. Ce gouvernement en
ligne permettra par ailleurs de consulter les citoyens autant sur les politiques
publiques que sur leur satisfaction à l’endroit des services rendus par l’État.
Nous allons faire de notre démocratie, qui est l’une des plus vieilles du monde,
l’une des plus avant-gardistes du monde.
Et je voudrais aussi, M. le Président, que l’État québécois, de par ses
effectifs, soit le plus juste reflet possible de la diversité de notre société.
Les Québécois aiment à se voir comme une société ouverte, accueillante,
tolérante. Cette image qu’ils se font d’eux-mêmes n’est pas surfaite. Au cours
des 10 prochaines années, 44 % des employés de l’État prendront leur retraite.
Si ce contexte nous fournit une occasion historique de réduire la taille de
notre État sans brusquer personne, il nous place aussi dans la situation de
devoir préparer une relève importante. Les communautés culturelles, les
autochtones ainsi que les anglophones du Québec doivent être représentés à tous
les niveaux de l’État québécois. On doit refléter l’ensemble des composantes de
la société.
Notre gouvernement répondra par ailleurs favorablement à une demande des
représentants des communautés culturelles. Nous confierons à des organismes
communautaires issus des différentes communautés l’accueil des nouveaux
arrivants. Nos nouveaux concitoyens auront ainsi pour guides dans la découverte
de notre société des gens plus sensibles à leur réalité.
C’est aussi dans un esprit de saine démocratie que nous nous engagerons dans la
réforme des tribunaux administratifs. Le sentiment de justice est étroitement
lié au concept de démocratie. Nous réformerons les tribunaux administratifs de
façon à ce que les décisions soient rendues plus rapidement. La justice doit
être accessible. Si elle ne l’est pas, elle perd son nom.
M. le Président, à chaque heure de chaque jour, dans tous les dossiers que nous
traiterons, dans toutes les discussions que nous aurons, dans tous les lieux où
nous serons, nous serons les représentants du peuple du Québec, nous défendrons
les intérêts du Québec, nous exigerons le respect de nos compétences, nous
ferons la promotion de notre autonomie.
L’affirmation du Québec passera par le soutien à notre culture. Notre
gouvernement s’inscrira dans la tradition des gouvernements libéraux. Ils ont
doté le Québec de ses principaux outils destinés au rayonnement de sa culture,
comme la SODEC ou la Loi sur le statut de l’artiste. Nous aiderons notamment nos
artistes à nous alimenter de l’énergie vitale de la création. Nous leur
permettrons de mieux vivre de leur art. Nous allons proclamer notre culture en
sachant qu’elle fait partie de nos forces et non se limiter à la protéger comme
si elle faisait partie de nos faiblesses. Nous ferons de notre culture un
tremplin capable de nous propulser.
L’affirmation du Québec passera aussi par le plein exercice de notre diplomatie.
D’abord, notre diplomatie intérieure. Nous établirons avec les nations
autochtones du Québec des relations basées sur le respect réciproque, la bonne
entente et le désir de grandir ensemble. L’harmonie entre les Québécois et les
nations autochtones est essentielle au développement du Québec et plus
spécifiquement du Nord-du-Québec.
Avec nos partenaires canadiens, le premier dossier à l’ordre du jour est la
question du déséquilibre fiscal. Le déséquilibre fiscal est une réalité reconnue
par tous les partis de cette Assemblée et partagée par toutes les provinces
canadiennes. Notre gouvernement redonnera au Québec son rôle de leader au sein
de la fédération canadienne. Nous proposerons d’établir à Québec un bureau de
négociation du déséquilibre fiscal. Nous proposerons aussi l’instauration d’un
conseil de la fédération, un lieu permanent d’échanges et de concertation entre
le Québec et ses partenaires. Nous offrons la coopération à nos partenaires
canadiens en sachant qu’elle demande et exige beaucoup plus d’efforts que la
confrontation.
Notre gouvernement se rangera par ailleurs aux côtés des communautés acadienne
et francophones hors Québec que le gouvernement précédent a pour ainsi dire
ignorées. Le Québec a une responsabilité face à ces communautés. Nous établirons
un centre de la francophonie dans les Amériques afin de resserrer les liens
entre les communautés francophones de ce continent.
Le Québec exercera aussi sa diplomatie internationale. C’est un gouvernement
libéral qui a donné au Québec son élan sur le plan international. Nous donnerons
un nouvel élan parce que c’est dans notre intérêt. Lors de la visite toute
récente du premier ministre de la République française, M. Jean-Pierre Raffarin,
nous avons convenu que le Québec et la France s’associeraient dans la lutte pour
la diversité culturelle. Dans ce dossier, le Québec, du seul fait de son
épanouissement en Amérique du Nord, peut jouer un rôle de premier plan sur la
scène internationale. Autre avancée dans les relations bilatérales
franco-québécoises, nous avons convenu d’initier des missions commerciales
conjointes dans les marchés étrangers.
Le Québec jouera également son rôle de charnière culturelle et économique entre
l’Europe et les États-Unis. Les États-Unis, tout particulièrement les États de
la Nouvelle-Angleterre, sont de loin le principal partenaire commercial du
Québec. Dès la semaine suivant notre élection, j’ai tenu à me rendre à New York
afin de réitérer l’amitié du peuple du Québec pour le peuple des États-Unis et
ouvrir des discussions sur les dossiers qui nous préoccupent.
M. le Président, nous convions aujourd’hui les Québécois à un grand renouveau de
notre société. Dans cinq ans, notre système de santé sera redevenu un des
meilleurs au monde. Nous aurons gagné des batailles contre le décrochage
scolaire. Nos jeunes, mieux appuyés, se sentiront capables de décrocher leurs
rêves. Notre économie connaîtra une croissance durable, elle reposera sur les
forces intrinsèques du Québec et non plus sur des artifices coûteux. Les
Québécois seront plus prospères, plus libres. Les régions du Québec connaîtront
un dynamisme nouveau. Les citoyens des régions en auront été les fiers
instigateurs.
Dans cinq ans, le Québec sera plus solide. Il sera appuyé par un État
transparent qui sera parvenu à concentrer ses ressources dans des missions
essentielles pour répondre efficacement aux besoins des citoyens. Cet État
croira dans la primauté des libertés individuelles. Il croira que la réussite du
Québec ne réside pas dans ses structures mais en chacun de nous. C’est cette
réussite individuelle qui permettra une meilleure répartition de la richesse et
une plus grande justice sociale pour l’ensemble de la société québécoise. Au
coeur de cet État se trouveront les employés de l’État. Ils auront été les
maîtres d’oeuvre de ce renouveau. Ils seront source de fierté pour tous les
concitoyens.
Notre équipe a la compétence, surtout la détermination et la passion du Québec,
pour mener son plan à terme. J’en appelle maintenant à l’engagement de tous les
citoyens du Québec. C’est avec eux et pour chacun d’eux que nous allons
renouveler le fonctionnement du Québec. C’est avec eux et pour chacun d’eux que
nous allons prendre les décisions nécessaires. Elles seront tournées vers
l’avenir plutôt qu’inspirées du passé.
M. le Président, il y a 40 ans, un gouvernement issu de notre formation
politique a placé le Québec sur la voie de la modernité. Les membres de ce
gouvernement étaient réunis par un enthousiasme et une conviction qui étaient
inébranlables. Ils avaient la certitude jusqu’au plus profond de leur âme
d’inaugurer quelque chose de grand, d’être ceux choisis par le temps et sa
nécessité pour amener le Québec plus loin. Ce même sentiment anime aujourd’hui
mon équipe et moi-même.
J’invite aujourd’hui, en terminant, tous les députés de cette Assemblée, peu
importe le côté où ils sont assis, à travailler ensemble de façon constructive
et à s’inscrire avec nous et avec tous les Québécois dans le sens de l’histoire
du Québec.
[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]