Discours du trône, Québec, 15 mai 1888

Honoré Mercier, 1887-1891

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Appelé par la confiance de ma souveraine à prendre part, comme chef de l’exécutif, au gouvernement de ma province natale, je viens avec le plus grand plaisir vous inviter à commencer les travaux de la seconde session de la sixième législature de cette province. Ces travaux, quoique peu nombreux, sont importants, et je n’ai pas de doute que vous les exécuterez avec honneur pour vous et avantage pour le pays que vous représentez. Tout en regrettant avec moi les circonstances incontrôlables qui ont retardé la convocation de cette législature, vous serez heureux d’apprendre que l’intention de mon gouvernement est de vous réunir de bonne heure, l’hiver prochain.

L’emprunt autorisé l’an dernier a été négocié avec une puissante institution française, dans des conditions particulièrement avantageuses.

La conférence interprovinciale, dont vous avez sanctionné la convocation, a réuni, dans l’ancienne capitale les représentants autorisés des cinq plus grandes provinces de la confédération canadienne; et vous serez invités à approuver les résolutions de cette conférence qui l’ont été déjà par les assemblées législatives d’Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Manitoba, et qui sont destinées dans la pensée de leurs auteurs, à garantir et assurer l’autonomie et la prospérité des provinces.

Vous serez heureux d’apprendre qu’il y aura cette année un excédent considérable de recettes sur les dépenses; et j’ai raison d’espérer que, grâce à une administration prudente et économe des deniers publics, il n’y aura plus de déficits à l’avenir.

Les procès intentés il y a quelques années, pour recouvrer des corporations commerciales la taxe imposée en 1883, ont été terminés avec succès en Angleterre; et la collection des arrérages, faite avec célérité, a mis dans la caisse provinciale des sommes considérables. L’application de la loi actuelle présente quelques difficultés que les amendements feront disparaître, en attendant que le réajustement du subside fédéral permette à mon gouvernement de considérer l’opportunité d’abroger cette loi.

La mise en force de nouveaux règlements relatifs à l’administration des terres de la Couronne a déjà donné des résultats satisfaisants, en augmentant le revenu du trésor et en assurant plus de crédit au commerce de bois; et certaines poursuites intentées depuis quelques temps, devront faire cesser les fraudes regrettables qui ont, durant ces dernières années, détourné de leurs fins légitimes, les argents destinés à la colonisation.

L’œuvre de la codification de nos statuts commencée en 1876, est enfin terminée et les statuts révisés de la province auront force de loi le premier juillet, jour anniversaire de la Confédération.

Les travaux de trois commissions royales vous seront soumis incessamment; l’une de ces commissions créée en 1885, avait rapport au chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental; et les deux autres, nommées en 1887, se sont occupées, l’une des asiles d’aliénés et des lois qui les régissent; l’autre des moyens à prendre pour améliorer nos institutions agricoles et notre système de culture. J’attire spécialement votre attention sur les rapports de ces commissions et sur les projets de loi qui vous seront soumis en conséquence.

La loi de la dernière session créant un ministère spécial d’agriculture et de colonisation, a été mise en force et l’organisation de ce département important devra donner une impulsion vigoureuse et nouvelle au progrès des deux grandes causes nationales par excellence; pour assurer davantage ce progrès vous serez invités à voter des sommes plus considérables que d’habitude en faveur de l’agriculture et de la colonisation.

Les lois de la procédure civile demandent des amendements. Il faut diminuer le coût et la longueur des procès, et mon gouvernement a cru devoir consulter, à ce sujet les juges et autres personnes, capables de l’éclairer. Les avis qui ont été recueillis vous seront soumis, en même temps qu’un projet de loi ayant pour objet de simplifier et accélérer certaines procédures; et vous serez appelés à considérer l’opportunité de créer une commission de juges, d’avocats et d’hommes pratiques, en dehors des professions, chargée de suggérer les modifications nécessaires aux lois de notre procédures civile.

Mon gouvernement ayant pressé le règlement définitif de la question du fonds des écoles qui est commun entre les deux provinces de Québec et d’Ontario a reçu en acompte, un paiement de cent mille piastres, et vous serez appelés à autoriser la nomination d’arbitres, à l’instar de la législature de la Province sœur, afin de hâter le règlement final de cette question et de nous mettre le plus tôt possible en possession de ce qui peut nous revenir de ce chef.

La politique de la construction des ponts en fer, inaugurée à la dernière session, a été accueillie avec tant de faveurs par les autorités municipales et les citoyens en général, qu’il sera nécessaire d’accorder cette année un octroi plus élevé afin de développer d’avantage cette politique nouvelle.

Je suis heureux de vous informer que la question des Biens des Jésuites, pendante depuis si longtemps entre les autorités religieuses et civiles, et qui a créé tant de malaise dans ce pays, recevra bientôt une solution favorable et satisfaisante pour tous les intéressés, et que mon gouvernement espère soumettre à votre approbation, pendant cette session même, un règlement à ce sujet. Les obstacles qui empêchaient la vente du terrain de l’ancien collège des Pères Jésuites, situés en cette ville, ont disparu; le principe de la restitution en nature est abandonné par qui de droit, et il ne reste plus qu’à fixer à l’amiable, le chiffre de la compensation à être accordée. A l’occasion du règlement de cette délicate question, certaines institutions d’éducation protestantes recevront une allocation raisonnable, proportionnée à l’importance numérique de la minorité, en cette province.

Mon gouvernement, désirant seconder les efforts que font les autorités religieuses et les sociétés de tempérance, désire vous soumettre pendant cette session, des amendements à la loi des licences propres à rendre l’octroi ces licences plus difficile, et la punition des délinquants, plus facile.

Messieurs de l’Assemblée législative,

Les comptes publics pour l’année financière 1886-87 vont être distribués incessamment, et le budget des dépenses de l’année prochaine, préparé avec toute l’économie possible, vous sera soumis dans quelques jours.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

La politique nouvelle des chemins de fer, inaugurée en 1882 et modifiée en 1886, a fait naître des besoins impérieux qui ne sauraient être ignorés plus longtemps, sans mettre en danger de grands intérêts que la Province doit protéger, en accordant de nouveaux octrois à des entreprises négligées jusqu’à ce jour.

Les circonstances semblent favorables à la conversion des obligations anciennes de la province, en des obligations nouvelles, portant un intérêt moins élevé. Vous serez invités à faire une étude spéciale de ce cette importante question dont la solution pourrait diminuer considérablement les dépenses annuelles et permettre au gouvernement d’accorder des octrois plus élevés à l’instruction publique, à l’agriculture et à la colonisation.

Je laisse à votre patriotisme et à votre intelligence la garde des graves intérêts que vous avez à protéger, et je prie Dieu de vous guider dans l’examen de ces grands projets et de bénir les efforts que vous ferez pour les réaliser.

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