Discours du trône, Québec, 2 février 1943

Adélard Godbout, 1939-1944

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

En inaugurant cette quatrième session de la vingt-et-unième législature, il nous incombe de remercier Dieu d’avoir daigné préserver notre population civile des dévastations de la guerre, bien que les ennemis de la civilisation soient venus porter leurs attaques jusque dans nos eaux territoriales.

Depuis la prorogation des chambres en mai dernier, notre Législature a subi des deuils cruels. La mort nous a enlevé successivement le docteur Alfred-Valère Roy, conseiller législatif, M. Louis-Philippe Geoffrion, greffier de l’Assemblée législative, le docteur Louis-Joseph Moreault, député de Rimouski, M. Henri Panet, député de Rouville et, il y a quelques jours à peine, deux membres du cabinet, les honorables MM. Thisdel et Bastien. Nous garderons tous un fidèle souvenir de ces regrettés disparus.

L’abondante récolte dont la Providence nous a gratifiés en 1942 servira non seulement à nourrir nos armées, mais à secourir les peuples infortunés que les armées alliées libèrent du joug nazi. Nous ne saurions mieux leur témoigner notre vive sympathie.

Le sort des armes favorise de plus en plus les vaillantes Nations Unies, et nous pouvons espérer qu’une paix juste et durable mettra bientôt fin au pire fléau que le monde ait connu.

Pour que notre province soit en état de faire face aux problèmes d’après-guerre, mon gouvernement s’applique à pratiquer une rigoureuse économie dans son administration financière. Grâce à cette politique, il a pu subvenir à toutes les dépenses du dernier exercice, y compris les déboursés au compte de capital, sans recourir à des emprunts publics. La solidité du crédit de notre province s’est affirmée dans l’empressement que nos épargnants ont récemment mis à fournir les dix-huit millions de dollars requis pour effectuer le remboursement d’obligations échues.

Les exigences de la guerre, et les besoins de notre population, nous invitent à intensifier notre production agricole et à activer notre industrie laitière. Non content d’assurer un meilleur drainage, de hâter le défrichement de nouvelles terres, et de donner plus d’expansion aux écoles d’agriculture, le gouvernement se propose de faire bénéficier nos campagnes d’un service d’électricité plus étendu. La convention qu’il vient de signer avec le gouvernement de l’Ontario lui permettra d’étatiser des forces hydrauliques susceptibles d’un aménagement d’une puissance approximative de 400,000 chevaux-vapeur.

Une loi vous sera soumise qui vise à fournir aux colons disposés à s’établir dans de nouvelles régions une organisation semblable à celle qui existe dans nos vieilles paroisses. Ces régions offriront ainsi plus d’attraits à ceux qui se trouveront sans emploi par suite de la démobilisation des armées et de la désaffectation des usines de guerre.

Dans le but de sauvegarder notre domaine forestier, et d’en assurer une exploitation plus rationnelle et plus profitable, mon gouvernement a inauguré une politique de voirie forestière dont on peut attendre les plus heureux résultats. Il se propose également de multiplier nos colonies forestières et de leur donner un nouvel essor.

Tout en continuant à améliorer nos grandes artères de communication et à répondre aux besoins les plus pressants de nos districts ruraux, notre ministère de la voirie est à dresser un plan d’ensemble qui emploiera notre main-d’œuvre au lendemain de la guerre et contribuera à prévenir le chômage.

Nos richesses minières servent admirablement les industries de guerre. Grâce aux mesures prises par le gouvernement, l’extraction des métaux communs s’opère à un rythme constamment accéléré.

Nos pêcheries prennent aussi plus d’importance. Pour en hâter le développement, mon gouvernement projette d’accorder des garanties de crédit aux pêcheurs et d’accroître la capacité des entrepôts frigorifiques. Par suite d’une entente conclue avec Ottawa, les pêcheries des Îles-de-la-Madeleine cesseront d’être administrées par le gouvernement fédéral et seront entièrement soumises à la juridiction provinciale.

En prévision du retour à une vie économique normale, le gouvernement entend attribuer un rôle plus important à nos agences commerciales, et améliorer

les conditions générales en protégeant particulièrement le petit industriel et le petit commerçant.

Le bien-être social fait l’objet de notre constante sollicitude. Une commission sera nommée en vue d’apporter une solution aux problèmes qui se posent dans ce domaine. Elle sera spécialement chargée de donner suite aux recommandations de la commission d’enquête sur l’assistance publique, par l’établissement d’un système provincial d’assurance-maladie s’appliquant à notre population rurale aussi bien qu’à celles des villes, et sauvegardant les intérêts de la famille.

Soucieux d’améliorer le sort de la classe ouvrière, mon gouvernement vous demandera d’élargir les dispositions relatives aux maladies professionnelles, afin d’accorder une indemnité à certaines catégories de victimes qui sont actuellement privées de cet avantage.

Une loi vous sera présentée qui tend à encourager l’épargne en rendant plus généreuses certaines exemptions de droits de succession.

Vous serez priés de créer une commission du service civil et vous déciderez s’il est à propos de constituer dès maintenant, pour faire face aux problèmes d’après-guerre, un conseil d’orientation économique.

Pour répondre au vœu du conseil de l’instruction publique, vous serez invités à vous prononcer sur l’opportunité de rendre la fréquentation scolaire obligatoire et gratuite pour les enfants de leur sixième à leur quatorzième année.

Vous devrez considérer si nos écoles d’industrie ne pourraient pas mieux s’adapter aux besoins des temps présents et accorder à l’enfance une protection plus efficace.

Vous aurez à légiférer sur diverses autres matières d’intérêt général.

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