Discours du trône, Ottawa, XX XXXX 1947

William Lyon Mackenzie King, 1921-1926, 1926-1930 et 1935-1948

Honorables membres du Sénat,
membres de la Chambre des communes,

depuis mon arrivée au Canada, j’ai visité les 9 provinces. Je vous rencontre aujourd’hui pour la première fois, à l’ouverture d’une session parlementaire. Je tiens à vous dire dès l’abord combien je prise ces nouvelles relations. Je les apprécie d’autant plus qu’elles me permettent de continuer en temps de paix les rapports mémorables que j’ai eus en temps de guerre avec les troupes du Canada.

La nouvelle année est heureusement marquée par une détente dans les relations internationales. Malgré maintes déceptions, un progrès notable vers le relèvement du monde s’est produit en 1946. Le Canada a assumé toutes ses responsabilités dans l’élaboration de la paix et dans les tâches qu’impose la restauration de l’univers. Nul pays n’occupe aujourd’hui une place supérieure dans l’estime des autres nations.

L’établissement d’une paix durable reste la préoccupation primordiale des peuples. C’est là la pierre angulaire de notre politique extérieure.

L’instabilité de la situation du monde, conséquence inévitable de la guerre, a rendu extrêmement difficile l’instauration de la paix. Il y a eu progrès. Après des conférences prolongées, l’accord s’est fait sur les traités de paix, qui seront bientôt signés, avec l’Italie, la Finlande, la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie. Vous serez invités à approuver les traités dont le Canada devient signataire.

Les Nations Alliées sont maintenant en voie de déterminer l’avenir de l’Allemagne et de l’Autriche. Le Canada a récemment fait connaître l’attitude positive qu’il entend adopter à l’égard de ces règlements.

En ce qui concerne les mesures d’ordre international prises pour soulager les infortunés et relever les pays ravagés par la guerre, le Canada a joué un rôle de premier plan. Nous avons lieu d’éprouver de la gratitude de ce que notre pays ait pu participer comme il l’a fait à l’allégement des souffrances humaines, à la distribution de vivres aux affamés et à la restauration des pays dévastés. De concert avec d’autres nations, le Canada cherche à résoudre le problème troublant que posent les personnes déplacées, et à accroître la collaboration internationale en divers domaines.

C’est la politique du gouvernement d’assurer aux Nations Unies l’appui chaleureux du Canada. Il accorde une attention particulière aux débats relatifs à l’énergie atomique, de même qu’à la réglementation et à la réduction des armements. Mes ministres suivent aussi avec intérêt l’activité des Nations Unies concernant la question des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que les méthodes à employer pour honorer le mieux possible les obligations acceptées par tous les membres de l’organisation des Nations Unies. Le gouvernement a l’intention de proposer la création d’un comité composé de membres des 2 chambres qui sera chargé d’étudier ces questions et de faire rapport à leur sujet.

L’assemblée générale des Nations Unies a terminé, le mois dernier à New-York, sa première session qui avait débuté à Londres il y a un an. La délégation du Canada, aussi bien à Londres qu’à New-York, représentait le gouvernement et l’opposition, ainsi que les deux chambres du Parlement. La délégation canadienne a participé activement et de façon pratique aux travaux de l’assemblée, du Conseil économique et social, de la Commission de l’énergie atomique et d’autres organismes internationaux. Vous serez invités à examiner des mesures législatives destinées à permettre au Canada de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la charte des Nations Unies, et à approuver d’autres ententes découlant de l’extension que prend la structure de l’organisation internationale.

Le Canada a accueilli avec faveur la décision prise par les Nations Unies de convoquer une conférence internationale du commerce et de l’emploi. On espère que, de cette conférence, sortira une charte internationale qui, abolissant ou réduisant les restrictions, assurera l’essor continu du commerce international. Au cours de l’automne, des entretiens préliminaires sur le commerce ont eu lieu à Londres entre les nations du Commonwealth. Les discussions se poursuivent avec d’autres membres de l’organisation des Nations Unies. La délégation canadienne à cette conférence recevra instructions de favoriser le plus possible cet effort concerté des Nations Unies en vue de supprimer les entraves au commerce et d’aider ainsi à maintenir l’emploi à un niveau élevé.

Dans notre propre pays, le passage de la guerre à la paix s’est effectué rapidement. Le rapatriement et la démobilisation des troupes sont à peu près terminés. Presque tous les ayant-droits d’anciens combattants sont rendus au Canada. Un seul ministre de la couronne a maintenant compétence sur les trois armes. Les armées de mer, de terre et de l’air font présentement l’objet d’une réorganisation conforme aux nécessités d’après guerre.

L’industrie est presque entièrement réadaptée, des fins de guerre, à la production du temps de paix. Plus d’un million de personnes sont passées de l’armée et des industries de guerre à des emplois civils ordinaires. Jamais l’embauchage ne s’est élevé à un si haut niveau. Il dépasse de 30% celui de 1939. Au cours de 1946, le commerce extérieur du Canada a atteint des sommets inconnus jusqu’ici en temps de paix. Jamais, en temps de paix, le revenu national n’a pris de telles proportions. Les perspectives du commerce et de l’emploi, en 1947, sont des plus favorables. Malgré l’ample rendement de toutes les industries primaires, la demande de produits naturels de la ferme, des pêcheries, des mines et des forêts continue de dépasser la production. Grâce à des accords relatifs à l’organisation des marchés, le gouvernement cherche à assurer la sécurité et la stabilité constante du revenu des producteurs primaires.

Bon nombre de régies et de restrictions, en vigueur durant et immédiatement après le conflit, n’existent plus. D’autres ont fait l’objet d’un relâchement considérable. On a supprimé la régie des salaires et des traitements, de même que celle d’une foule de prix et de denrées. La suppression d’autres régies se poursuit d’une façon ordonnée.

Le gouvernement a adopté pour ligne de conduite de ne maintenir, à l’égard des prix et des denrées, que les régies jugées nécessaires pour protéger les consommateurs contre une hausse subite et marquée du coût de la vie, et pour assurer une distribution équitable des denrées et des services essentiels dont il y a pénurie. Vous serez invités à étudier les mesures qui pourront s’imposer pour maintenir l’application de ce programme, une fois expirée la loi sur les pouvoirs transitoires résultant de circonstances critiques nationales. A l’égard des domaines où il paraîtrait bon de maintenir ces mesures transitoires ou d’autres de même nature, les projets de loi nécessaires seront soumis à votre approbation dans le plus bref délai possible.

Quant aux mesures édictées sous l’empire des pouvoirs de guerre dont le besoin existera pendant une période prolongée, les projets de loi propres à donner à leurs dispositions une forme statutaire seront déposés sans retard. Par suite de cette façon de procéder, vous serez saisis d’un certain nombre de mesures concernant, entre autres questions, les relations ouvrières, l’agriculture, l’organisation des marchés, l’immigration, la défense, les finances et le commerce d’exportation.

La pénurie des matériaux de construction accuse une réduction progressive, de sorte que s’accroît la construction de nouveaux logements. En dépit de tous les obstacles, le nombre des unités d’habitation terminées en 1946 s’est rapprochée de l’objectif fixé par le gouvernement. La collaboration des autorités provinciales et municipales a notablement aidé à l’aménagement de logements d’urgence.

Depuis la dernière session du Parlement, des négociations tendant à la conclusion d’accords fiscaux se sont poursuivies avec certaines provinces. Au cours de ces entretiens, les propositions fédérales ont fait l’objet de modifications destinées à résoudre les problèmes particuliers à chaque province et à procurer à toutes un traitement paritaire.

Des accords fiscaux avec plusieurs provinces sont désormais fait accompli. Le gouvernement est prêt à passer des ententes analogues avec les autres provinces. Vous serez invités à approuver les accords fiscaux qui seraient conclus.

Mes ministres se sont engagés, une fois établies des relations financières acceptables avec les provinces, à tâcher, dans une conférence générale ou autrement, d’élaborer avec elles des ententes satisfaisantes sur les mesures relatives aux placements publics et à la sécurité sociale.

Il sera proposé, au cours de la présente session, des modifications à la loi des pensions de vieillesse.

Vous serez invités à étudier une mesure destinée à rectifier la représentation à la Chambre des communes en conformité de l’amendement récemment apporté à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Des amendements à la loi des élections fédérales seront également soumis à votre examen.

Il vous sera en outre demandé, au cours de la session, d’approuver certaines autres mesures législatives.

Membres de la Chambre des communes,

les comptes publics de la dernière année financière et les crédits de l’année prochaine vous seront présentés. Les crédits révéleront des réductions appréciables et encourageantes des dépenses publiques.

Vous serez invités à prendre des dispositions financières en vue d’assurer tous les services essentiels.

Honorables membres du Sénat,
membres de la Chambre des communes,

puisse la divine Providence bénir vos délibérations et guider les nations dans les efforts qu’elles tentent pour instaurer une paix juste et durable.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

Share