Discours du trône, Ottawa, XX XXXX 1980

Pierre Elliott Trudeau, 1968-1979 et 1980-1984

Honorables membres du Sénat, membres de la Chambre des communes.

J’ai l’honneur de vous souhaiter la bienvenue à la première séance
de la trente-deuxième législature du Canada.

Au cours des dernières semaines, mon épouse et moi avons traversé
une période de convalescence, et je profite de cette occasion pour
remercier du fond de mon coeur nos concitoyens de toutes les régions
du pays pour les bons voeux qu’ils nous ont fait parvenir.

Le Canada a reçu récemment la visite du prince de Galles qui a accepté,
il y a deux semaines, certains engagements à Vancouver et à Victoria.
Le duc d’Edimbourg assistera au cinquième Congrès d’étude du
Commonwealth qui commencera à Kingston le 18 mai. En juillet, la
princesse Margaret prendra part aux célébrations marquant le 75e
anniversaire de l’entrée de la Saskatchewan et de l’Alberta dans la
Confédération.

Le Canada entretient de longue date des liens très étroits avec les
Pays-Bas et c’est avec grand plaisir que je représenterai notre pays
à la cérémonie d’accession au trône de Son Altesse Royale la princesse
Beatrix, le 30 avril à Amsterdam.

Pendant la première année de mon mandat, j’ai eu le plaisir de visiter
la capitale de chacune des provinces ainsi que des Territoires du
Nord-Ouest. Mon épouse et moi-même comptons maintenant nous rendre
au Yukon et dans un certain nombre de villes et villages de notre
vaste et beau pays. Cette découverte du Canada et de nos concitoyens
avive de jour en jour notre conscience de l’immense richesse naturelle
et humaine du pays où nous avons le privilège de vivre.

Nous assistons aujourd’hui non seulement à l’ouverture d’une nouvelle
législature, mais aussi au début d’une ère nouvelle. Au seuil des
années 80, le Canada fait face à de graves problèmes, mais nos
possibilités dépassent largement nos difficultés. Comme nos
prédécesseurs, nous saurons être à la hauteur de la situation. Aucun
défi ne nous arrêtera, car l’histoire de ce pays a prouvé maintes
et maintes fois que les Canadiens sont capables de tout quand ils
font preuve d’une ferme volonté de travailler ensemble.

Les Canadiens attendent beaucoup de ce nouveau Parlement. Ils lui
demandent d’agir, et d’agir maintenant. Sa première tâche sera
d’examiner rapidement les nombreuses mesures législative essentielles
qui ont été laissées en plan par les législatures antérieures. La
bonne marche des affaires de l’Etat en dépend. Le gouvernement compte
sur la collaboration des députés et des sénateurs de tous les partis
pour mener cette tâche à bien.

Le Parlement se doit aussi de préparer dès maintenant l’avenir. A
l’occasion de la dernière élection générale, mes ministres ont reçu
le mandat de mettre en oeuvre un programme qui apportera au Canada
justice, sécurité et prospérité au cours des années 80. Durant la
campagne, un certain nombre d’engagements ont été pris qui formeront
l’essentiel des travaux de ce Parlement. C’est ainsi que vous serez
appelés à examiner un programme d’action pour: répondre aux besoins
des particuliers, en augmentant la sécurité matérielle des personnes
âgées et les chances d’avenir des jeunes, et en travaillant à assurer
l’égalité des femmes; garantir aux Canadiens des approvisionnements
en énergie à un prix équitable pour tous; promouvoir une nouvelle
politique nationale d’expansion économique destinée à créer des
emplois, à stimuler la croissance, à tirer profit des forces
régionales, et à accroître le niveau de propriété et de contrôle de
notre économie par les Canadiens; consolider les institutions fédérales
tout en les rendant plus sensibles aux aspirations provinciales et
régionales; amener le Canada à jouer un rôle énergique sur la scène
internationale.

Tous ces engagements seront respectés, toutes ces promesses tenues,
et le gouvernement saura remplir son mandat.

La force et la vigueur du peuple canadien devraient nous donner
confiance en l’avenir. Nous avons assez de ressources et de créativité
pour faire des années 80 une décennie de l’espoir et non du doute.
Pourtant une question obscurcit l’horizon et contraint notre élan.
C’est la question de l’unité du pays.

Le Canada existera-t-il encore comme pays à la fin de cette décennie
ou se sera-t-il disloqué sous l’effet des tensions auxquelles il est
soumis depuis plus d’une décennie. Bâtirons-nous ensemble notre avenir
entre Canadiens ou nous laisserons-nous séduire par l’isolationnisme
régional.

Partout au pays, des forces sont à l’oeuvre qui tentent de nous diviser
au lieu de nous unir. Le Canada a été bâti sur le partage mais cette
tradition est aujourd’hui remise en cause dans chacune de nos régions.
Ainsi, dans les provinces de l’Atlantique, défavorisées depuis si
longtemps, la simple perspective de nouvelles richesses a déjà donné
lieu à des querelles sur leur distribution éventuelle. Dans les
provinces du centre, certains craignent que leur région ne soit en
train de perdre peu à peu sa puissance économique, et cette crainte
a donné naissance à des sentiments d’envie et d’amertume. Dans l’Ouest,
bon nombre de Canadiens estiment que l’on ne tient pas compte de leurs
problèmes, que l’on n’écoute pas leurs appels, et que l’on apprécie
pas à sa juste valeur leur apport au pays.

Face à toutes ces récriminations, mon gouvernement affirme sans
équivoque sa volonté de faire en sorte que le Canada continue d’être,
de grandir et de prospérer. Depuis toujours, les Canadiens et les
Canadiennes savent qu’il est infiniment plus excitant et enrichissant
d’appartenir à un pays qui occupe la moitié d’un continent que de
se limiter à une seule région ou à une seule province. Le fédéralisme
renouvelé auquel mon gouvernement s’engage à consacrer tous ses efforts
saura non seulement renforcer les droits et libertés des individus
et des minorités, mais aussi veiller à ce que le Canada demeure: un
pays fort, qui commande en premier lieu la loyauté de tous ses
citoyens; un pays où l’on considère la diversité comme un atout et
non comme un fardeau; un pays dont la population accepte de partager
d’abord ses richesses avec les plus démunis; un pays où l’on favorise
l’initiative, où l’on voit l’audace d’un bon oeil et où l’on encourage
l’esprit d’entreprise; un pays dont les habitants savent ouvrir les
yeux, leur esprit et leur coeur à la grande famille des nations, et
refusent de confondre leurs propres frontières avec les limites de
l’univers.

il est temps de dissiper le doute et de mettre fin à l’incertitude
qui pèsent sur notre avenir. Dans toutes les régions du pays nous
devons faire échec aux forces de désintégration, qu’elle soient d’ordre
économique ou politique. Aussi le gouvernement espère-t-il ardemment
que le référendum tenu au Québec dans quelques semaines sera, non
seulement pour les Québécois mais pour tous les Canadiens, l’occasion
de sortir de l’ambiguïté et de réaffirmer avec force leur vouloir
vivre collectif et leur commune appartenance au Canada.

Pour renforcer l’esprit d’unité et favoriser l’éclosion du renouveau,
mon gouvernement s’engage à interpréter un non à la souveraineté-
association comme un oui au renouvellement de la fédération canadienne
et à mobiliser en conséquence toutes les ressources dont il dispose
pour négocier ce renouvellement dans le respect et la justice.

I. les citoyens d’abord.

Les Canadiens sont des gens raisonnables. Ils comprennent que
l’économie mondiale traverse actuellement des temps difficiles et
ils n’ignorent pas que leur pays ne peut échapper complètement aux
effets d’une récession économique et d’une inflation généralisée.
Dans ce contexte, mon gouvernement fondera son action sur les deux
principes essentiels qui sont au coeur du programme qu’il a soumis
à la population.

Le premier de ces principes est que les Canadiens sont prêts à
accepter des sacrifices pour surmonter les problèmes économiques des
années 80, mais qu’ils ne toléreront pas l’injustice. Ce n’est pas
la première fois qu’ils doivent s’adapter à une situation difficile
et, au besoin, ils le feront encore dans l’avenir, mais seulement
si le fardeau est réparti équitablement.

Le second principe est tout aussi important. Les Canadiens
reconnaissent que le pays doit vivre selon ses moyens et, en
conséquence, ils comprennent que l’Etat ne peut répondre à toutes
les exigences ni satisfaire tous les groupes. Aussi, dans l’emploi
qu’ils feront des ressources limitées dont ils disposent, mes ministres
se porteront-ils d’abord au secours des plus démunis.

Mon gouvernement reconnaît en particulier la nécessité de protéger
les Canadiens que frappent le plus durement des taux d’intérêts
inacceptables. Il s’appliquera à aider ceux pour qui la renégociation
de l’hypothèque sur leur maison constituera un fardeau trop lourd en
cette période particulièrement difficile, afin de leur éviter le
cauchemar d’une saisie hypothécaire. De l’avis de mes ministres, cet
objectif peut se réaliser sans que le gouvernement ait à instaurer
un programme de subventions coûteux. La hausse des prix touche
également de façon particulièrement pénible les agriculteurs et les
petits entrepreneurs, et mon gouvernement est conscient de leurs
problèmes. Afin de leur venir en aide, le montant maximal des prêts
consentis aux termes de la loi sur les prêts aux petites entreprises
et de la loi sur les prêts destinés aux améliorations agricoles sera
porté à 100000 dollars. Le gouvernement envisage d’autres mesures dans le
même sens.

Ce sont les personnes âgées et celles qui sont le moins en mesure
de subvenir à leurs propres besoins qui sont les principales victimes
de l’inflation. Le gouvernement vous demandera d’étudier dans les
meilleurs délais une loi destinée à hausser de 35 dollars par mois et par
ménage, d’ici le 1er juillet de cette année, le supplément du revenu
garanti accordé aux personnes âgées. Ce sont surtout des femmes qui
bénéficieront de cette disposition. Le Parlement viendra ainsi en
aide à plus de 1,3 million de Canadiens du troisième âge qui en ont
le plus grand besoin.

A côté de ce secours immédiat apporté aux personnes âgées à faible
revenu, le gouvernement prévoit convoquer dès l’automne une conférence
nationale sur les pensions. Il faut s’employer dès aujourd’hui à
rechercher de meilleurs moyens d’assurer la flexibilité, la
transférabilité et la sûreté des régimes de pension publics et privés.
Pour amorcer la réflexion, le gouvernement publiera sous peu une
importante étude sur le système canadien de pensions.

L’un des objectifs fondamentaux du gouvernement est de procurer du
travail à un plus grand nombre de Canadiens. Comme les jeunes, les
femmes, les autochtones et les handicapés sont ceux qui ont le plus
de mal à trouver de l’emploi, le gouvernement modifiera ses programmes
et réaffectera ses ressources de façon à mieux répondre aux besoins
de ces groupes. Par ailleurs, afin de mieux préparer la main-d’oeuvre
d’aujourd’hui au marché du travail de demain, le gouvernement mettra
l’accent sur la formation professionnelle dans des domaines plus
stratégiques.

Des efforts particuliers seront déployés en vue de créer des emplois
pour les autochtones et de former les femmes à des activités non
traditionnelles.

Les députés joueront un rôle important dans la sélection des projets
de création d’emplois, et le gouvernement entend collaborer plus
étroitement avec les organismes bénévoles et les organisations locales
dans la mise en oeuvre d’un programme de services communautaires.

Une attention spéciale sera accordée aux problèmes d’emploi des
handicapés, dont les difficultés transcendent les frontières
régionales, sexuelles et culturelles. Des modifications seront
apportées à la loi canadienne sur les droits de la personne pour
protéger les droits des handicapés.

La reconnaissance du rôle de la femme dans la société canadienne a
fait des progrès marqués, et le gouvernement se doit d’appuyer cette
évolution et d’en faire tenir compte dans ses initiatives. étant l’un
des principaux employeurs au pays, mon gouvernement est décidé à donner
l’exemple par les mesures qu’il appliquera dans la Fonction publique.
Le gouvernement estime que toute forme de discrimination fondée sur
le sexe doit disparaître.

Le gouvernement proposera d’amender le code criminel de manière à
résoudre, entre autres, le grave problème de la violence à l’égard
des femmes, et, de concert avec les administrations provinciales et
territoriales, il s’efforcera d’améliorer les services sociaux et
les soins offerts à celles qui sont victimes d’actes de violence.
Par ailleurs, le temps est aussi venu de faire relever de la loi des
aliments et drogues les infractions relatives au cannabis et de
supprimer la peine d’emprisonnement dont est punissable la simple
possession de cette drogue.

II. énergie: approvisionnement sûr à des prix équitables.

De la politique énergétique du gouvernement dépend le succès de toutes
ses politiques économiques. La politique énergétique est au Canada
des années 80 ce que la politique ferroviaire était au Canada d’il
y a un siècle. Tout comme l’expansion des chemins de fer fût un
instrument de développement du pays, l’exploitation de l’énergie peut
aujourd’hui être un facteur de croissance et de prospérité pour toutes
les régions du Canada.

Mon gouvernement est d’avis qu’il faut fixer le prix du pétrole en
fonction des conditions du contexte propres au marché canadien, plutôt
que de le soumettre aux caprices d’un marché mondial instable et
imprévisible. Ce prix doit être fait au Canada. Le nouveau prix pondéré
qui sera fixé incorporera progressivement les coûts du programme
d’indemnisation des importateurs de pétrole et permettra de maintenir
au pays un prix unique pour tous les consommateurs. Ce prix tiendra
compte du droit des provinces et des sociétés productrices de tirer
un juste revenu de leurs ressources et de leurs investissements.

Le gouvernement a déjà entamé des discussions avec les provinces
productrices, et il poursuivra vigoureusement le dialogue afin d’en
arriver à un accord conforme à l’engagement qu’il a pris dans ce
domaine auprès de la population canadienne. Mon gouvernement n’a pas
l’intention de hausser de 18 cents la taxe d’accise sur les carburants
utilisés pour le transport, et le prix fait au Canada que paieront
les consommateurs sera inférieur à celui que proposait le budget du
gouvernement précédent.

Le gouvernement mettra sur pied une agence de surveillance des prix
du pétrole qui aura pour mandat de faire enquête et d’informer le
gouvernement et les citoyens canadiens sur les coûts, les bénéfices,
les immobilisations et le niveau de propriété canadienne des sociétés
pétrolières.

Malgré l’abondance de ses ressources énergétiques qui lui donnent
l’immense avantage d’être l’un des principaux exportateurs d’énergie,
le Canada doit encore importer une partie de son pétrole. Mon
gouvernement est résolu à réduire cette dépendance en encourageant
les économies d’énergie et en favorisant la diversification des sources
d’énergie au pays.

Afin d’accroître les économies de pétrole et d’essence dans les secteur
des transports, vous serez invités à approuver une mesure législative
établissant des normes de consommation pour les automobiles. On vous
soumettra également des mesures visant à encourager l’adoption de
normes plus élevées pour l’isolation des maisons et à améliorer le
programme actuel en ce domaine.

D’autres mesures seront prises, de concert avec les provinces, afin
d’accélérer la diversification des nos ressources d’énergie, et de
réduire sensiblement l’importation du pétrole dans la satisfaction
de nos besoins énergétiques. Mon gouvernement encouragera de façon
concrète les consommateurs à abandonner le pétrole au profit du gaz
naturel ou de l’électricité pour chauffer leur maison. Il favorisera
aussi la construction, dans les plus brefs délais, d’un gazoduc pour
desservir Québec et les Maritimes, et il entend avec impatience le
rapport de l’office national de l’énergie sur ce projet.

Mon gouvernement compte préserver Pétro-Canada et même accroître son
rôle d’instrument au service de l’intérêt public. Il a déjà augmenté
de 80 millions de dollars le budget de cette société pour l’année
en cours, et il lui confiera un nouveau mandat pour négocier et
conclure l’achat de pétrole auprès de fournisseurs étrangers.

Vous serez appelés à approuver une nouvelle loi sur le pétrole et
le gaz naturel au Canada. Elle accordera à Pétro-Canada et à d’autres
sociétés canadiennes de nouveaux droits préférentiels sur les terres
fédérales et établira des exigences plus strictes pour l’exploitation
et la mise en valeur de l’immense potentiel des régions excentriques.

Le gouvernement entend former une société canadienne des formes
nouvelles d’énergie et lui donner le mandat de stimuler l’exploitation
de nouvelles sources d’énergie renouvelable susceptibles de remplacer
le pétrole.

Mes ministres croient que les sociétés et les investisseurs canadiens
s’engageraient plus à fond dans le domaine de l’énergie si on leur
en donnait l’occasion. Mon gouvernement se fixe donc pour objectif
précis une participation canadienne d’au moins 50% dans l’industrie
pétrolière d’ici 1990, et il posera des premiers gestes pour atteindre
ce but.

III. Mise en valeur de notre potentiel économique.

Les richesses naturelles du Canada nous servirons d’instrument pour
mettre en oeuvre une politique industrielle vigoureuse. L’un des
premiers objectifs de mes ministres sera d’élaborer des politiques
économiques propres à créer des emplois, stimuler la croissance,
améliorer l’équilibre entre les régions, et permettre aux Canadiens
d’avoir la propriété et le contrôle de leur économie.

Mes ministres ont l’intention de maintenir les politiques de
restriction des dépenses et d’améliorer la gestion des affaires de
l’Etat, conformément aux suggestions du rapport Lambert et à l’action
déjà entreprise par l’administration libérale précédente. Mon
gouvernement réduira le déficit fédéral d’une façon progressive et
ordonnée, tout en gardant en tête d’autres objectifs comme réduire
le chômage et favoriser la croissance industrielle. Dans toutes ces
réformes, l’amélioration de l’efficacité du gouvernement fédéral
demeure un objectif aussi important que la réduction du déficit. Mes
ministres croient que les Canadiens veulent un gouvernement plus
efficace, pas nécessairement un gouvernement plus effacé.

L’alimentation et l’agriculture joueront un rôle de plus en plus
important dans l’économie canadienne des années 80. Pour renforcer
cette industrie, le gouvernement prévoit créer une société canadienne
d’exportation des produits agricoles qui sera chargée de trouver de
nouveaux débouchés pour les produits canadiens. Un projet de loi sur
l’importation des viandes sera en outre déposé pour assurer la
protection des consommateurs aussi bien que des producteurs.

Le transport est un élément vital de toute stratégie industrielle.
Mon gouvernement veillera à ce que le réseau de transport canadien
soit capable de faire face aux défis économiques des années 80. Il
considère que la production, le transport, la manutention et la
commercialisation des céréales des Prairies constituent une priorité
nationale. Les services de transport ferroviaire et les installations
portuaires seront en conséquence améliorés. Il vous sera également
demandé d’étudier de toute urgence une loi régissant le transport
des produits dangereux.

Dans le domaine des pêches, la production canadienne devrait augmenter
sensiblement au cours des prochaines années. Pour en faire profiter
au maximum les pêcheurs et les entreprises de transformation du
poisson, le gouvernement prendra d’importantes mesures pour relever
la qualité du produit et en assurer une mise en marché ordonnée.

Le règlement touchant la délivrance des permis sera modifié de manière
à faire profiter pleinement les pêcheurs de l’exploitation des
ressources de la zone de 200 milles. Des mesures législatives seront
aussi présentées pour garantir un niveau d’investissement suffisant
dans le domaine des pêches en permettant le recouvrement partiel des
coûts et le réinvestissement des profits accrus. Pour aider encore
davantage les pêcheurs, on portera à 150000 dollars le montant maximal
autorisé pour un prêt individuel accordé en vertu de la loi sur les
prêts destinés aux opérations de pêche.

Les ressources scientifiques et technologiques du Canada sont la clé
même de notre compétitivité comme nation commerçante. Mon gouvernement
encouragera un plus grand nombre de jeunes à poursuivre une carrière
en recherche par le biais d’un nouveau programme d’emploi dans les
domaines techniques et il incitera l’industrie à intensifier ses
travaux de recherche et de développement au Canada. Il réaffirme en
outre son engagement de porter les dépenses au titre de la recherche
et du développement à 1,5% du produit national brut.

Afin d’augmenter la capacité concurrentielle de l’industrie canadienne
à l’étranger et de créer ainsi des emplois au pays, mon gouvernement
compte mettre sur pied une société nationale de commerce. Il projette
aussi de rendre les programmes d’aide plus accessible aux petites
entreprises, de simplifier les formules de demande et d’assurer une
meilleure coordination de ses programmes.

Dans le but d’améliorer notre régime de négociation collective, le
gouvernement créera un bureau d’information du travail chargé de
fournir sur une base impartiale les données statistiques et les
renseignements nécessaires aux négociations. Afin de permettre un
nouveau départ dans les relations de travail qui prévalent aux Postes,
ce ministère sera transformé en société de la Couronne.

Mes ministres estiment que la population canadienne doit prendre
davantage en main sa destiné économique. Tout en se conformant à nos
engagements internationaux, le gouvernement fera donc vigoureusement
usage de sa politique d’achat pour favoriser la création et l’expansion
d’entreprises canadiennes autonomes.

La loi sur l’examen de l’investissement étranger sera modifiée pour
permettre de vérifier la façon dont les grandes sociétés étranges
s’acquittent de leur obligation d’apporter des avantages appréciables
au Canada. Ces modifications rendront en outre obligatoire la
publication des principales offres d’achat par des entreprises
étrangères avant que le gouvernement ne décide si elles sont
acceptables ou non. Le gouvernement prêtera son concours aux entreprises
canadiennes qui veulent racheter leur actif actuellement en mains
étrangères ou faire concurrence aux sociétés désireuses de devenir
propriétaires ou prendre le contrôle d’entreprises canadiennes.

IV. consolidation des institutions nationales.

Pour raffermir la conviction des Canadiens que leurs institutions
nationales sont en mesure de répondre à leurs besoins, mon gouvernement
proposera un programme destiné à rendre le Parlement plus efficace
et plus sensible aux besoins de la population.

Vous serez invités à mettre sur pied un comité parlementaire chargé
d’étudier le système électoral, afin d’assurer à nos institutions
parlementaires un maximum de représentativité et de responsabilité,
et de renforcer la confiance des Canadiens dans leur système de
gouvernement.

Pour satisfaire à son engagement de renouveler le fédéralisme, mon
gouvernement relancera le processus de réforme constitutionnelle.
Mes ministres prennent l’engagement de travailler au plein
épanouissement des deux principaux groupes linguistiques du Canada
et au développement des diverses cultures qu’on retrouve au pays.
Mon gouvernement cherchera à inscrire dans la Constitution une
déclaration des droits et libertés, y compris les droits linguistiques.

Les députés, de quelque allégeance qu’ils soient, s’entendent sur
la nécessité de rendre plus accessible aux Canadiens l’information
qui les touche. Une mesure législative sur la liberté d’information
sera déposée afin de donner un vaste accès aux documents
gouvernementaux. Le droit d’un ministre de ne pas remettre aux
tribunaux certains documents gouvernementaux, en vertu du paragraphe
41(2) de la loi sur la Cour fédérale, sera supprimé.

Mon gouvernement déposera aussi un projet de loi visant à accroître
le droit d’accès de l’individu à l’information que possède le
gouvernement sur son compte et à mieux protéger la vie privée en
restreignant davantage encore l’utilisation possible des renseignements
personnels.

Conformément aux recommandations de la commission Marin, la loi sur
la Gendarmerie royale du Canada sera modifiée pour réglementer la
discipline interne et les procédures de grief, et pour permettre à
une autorité extérieure d’être saisie des plaintes du public au sujet
du comportement des membres de la GRC.

Mon gouvernement espère que ces mesures permettront dans les années
à venir de tisser des liens de confiance réciproque entre le
gouvernement et la population.

V. une politique étrangère active.

Mon gouvernement arrive au pouvoir à un moment où les perspectives
internationales sont particulièrement sombres. Les événements survenus
en Iran et en Afghanistan ont fait énormément de tort aux institutions
et au droit internationaux. Ils ont aggravé l’instabilité et sapé
la confiance.

En réponse à ces événements, mon gouvernement entend avoir une
politique étrangère active. Le Canada tablera sur les solides liens
d’amitié qu’il a noués avec nombre de pays. Notre action internationale
doit comporter, en particulier, l’engagement de rendre l’OTAN plus
apte à assurer la sécurité de ses membres et à faire progresser la
cause de la paix, et mon gouvernement est déterminé à s’acquitter
de ses obligations. Pour tenir ses engagements, il a décidé de faire
l’achat d’un nouveau chasseur.

Tout en reconnaissant qu’il a le devoir d’améliorer la sécurité de
l’Alliance, le Canada ne peut oublier les dangers d’un holocauste
nucléaire. Les tensions actuelles et la poursuite de la course aux
armements ne font qu’aggraver ces dangers. Le devoir du Canada est
clair. Mon gouvernement doit maintenir sa stratégie visant à étouffer
la croissance mortelle des arsenaux nucléaires dans le monde. Nous
devons prêter et nous prêterons notre concours aux efforts
internationaux en vue de négocier des ententes sur des moyens
vérifiables d’assurer le contrôle des armes et le désarmement. Nous
chercherons à rallier les autres membres de la communauté
internationale à cette cause qui touche la survie même des humains
sur cette planète. A cette fin, un poste d’ambassadeur au désarmement
sera créé au sein du ministère des Affaires extérieures.

Avant de conclure, je voudrais adresser un message particulier aux
députés de la Chambre des communes représentant les trois provinces
les plus à l’ouest.

On a laissé entendre, au cours des dernières semaines, que ces trois
provinces n’avaient pas de représentant élu à la direction du pays.
Cette affirmation est fausse. Le Parlement constitue l’assemblée
législative suprême du Canada, et chaque Canadien est représenté à
la Chambre des communes par le député qu’il a dûment élu.

Comme à tous vos collègues de la Chambre des communes, il vous incombe,
à vous qui avez reçu la confiance de la population de la Saskatchewan,
de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, de représenter vos
commettants devant l’ensemble du pays. Mais la situation actuelle
vous confère de façon encore plus marquée la responsabilité de
représenter le pays auprès de vos commettants. C’est là une tâche
que nul autre ne peut accomplir à votre place et mon gouvernement
est pleinement disposé à vous épauler dans vos efforts.

Messieurs les députés, vous serez appelés à affecter les crédits
nécessaires pour engager les dépenses et assurer les services approuvés
par le Parlement.

Messieurs les Sénateurs, messieurs les députés, puisse la divine
Providence vous guider dans vos délibérations.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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