Discours du trône, Ottawa, 17 février 1972

Pierre Elliott Trudeau, 1968-1979 et 1980-1984

Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,
Au cours des mois passés, nous avons aussi appris que le Canada
n’était pas
étranger aux perturbations intérieures. En octobre 1970, avec la
ferme appui du
peuple canadien, une des plus sérieuses difficultés qu’ait
éprouvées le pays
depuis plusieurs années fut surmontée dans la calme et la
discipline. Il y eut
des moments pénibles, mais il y eut aussi d’admirables exemples de
détermination et de courage.

Plus récemment, une autre épreuve, d’ordre économique cette fois, et venue de
l’extérieur plutôt que de l’intérieur, nous a révélé que le Canada
et les Canadiens possèdent toute la vigueur et tout le ressort voulus pour
surmonter aussi pareille adversité.

Dans l’entretemps, des contestations de tout ordre à travers le
monde nous ont
rappelé que, pour les êtres qui ne trouvent dans la société ni
compréhension
véritable de leurs aspirations ni satisfaction réelle de leurs
besoins, la
caractère fascinant et prometteur des réalisations techniques
modernes perd
tout intérêt et devient absurde. En cette époque de gigantisme et
dans un
système social de plus en plus impersonnel, l’un des défis majeurs
que les
gouvernements sont appelés à relever, c’est de dissiper le
sentiment
d’isolement qui étreint tant d’hommes, qui leur fait perdre le sens
de leur
personnalité et de leur valeur, et qui finalement les empêche de
s’épanouir.

L’isolement prend bien des formes au Canada: éloignement
géographique,
distinctions sociales injustes, dénouement économique. Sous chacune
de ces
formes, il représente dans une certaine mesure un rejet, une
exclusion, une
aliénation. Notre pays trahit son intention profonde s’il néglige
de s’assurer
que son bien le plus précieux, à savoir ses ressources humaines,
n’est pas
gaspillé. Nous devons nous efforcer de lever les barrières de
l’isolement, de
permettre à chaque Canadien d’éprouver ses possibilités intimes,
même s’il ne
peut pas toujours les réaliser complètement, et de proposer à nos
consciences
l’image d’un pays ouvert et fraternel.
La participation à cet exaltant projet qui s’appelle le Canada nous
enrichit
tous et chacun. Nos objectifs et nos espoirs tiennent à
l’effervescence et à la
vitalité de cette terre fortunée. Nous qui sommes ici, nous avons
la
responsabilité de voir à ce que ces objectifs et ces espoirs soient
réalisables
afin que le Canada devienne conforme à l’idéal que nous ont légué
nos ancêtres;
afin que, dans ce pays si grand, d’amples étendues subsistent
intactes; afin
que ses ressources, gérées avec sagesse, soient équitablement
partagées et
transmises d’âge en âge; afin que dans notre société, la dignité de
chaque
personne soit reconnue; bref, afin que chacun soit incité à
consacrer au
progrès du pays le meilleur de lui-même.

Voilà les objectifs qu’il nous sera donné de poursuivre au cours de
la session
qui commence. Le gouvernement vous soumettra des propositions
touchant le
développement continu de nos richesses nationales, les modalités
d’une aide
plus généreuse à ceux qui parmi nous sont dans la nécessité,
l’engagement d’un
plus grand nombre de Canadiens dans l’ardeur si satisfaisante de
l’action
commune, la protection de notre patrimoine naturel, le renforcement
du sens de
notre identité et de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes.

La sécurité économique est évidemment un des meilleurs moyens de
combattre
l’isolement social. Pour que tous les Canadiens puissent partager
notre
richesse nationale, il est impérieux de multiplier les emplois et
de surmonter
les incertitudes économiques. En d’autres mots, pour protéger et
mettre en
valeur cas idéaux et ces droits qui font du Canada une patrie très
humaine, une
économie saine est absolument essentielle, et c’est là un but
hautement
prioritaire parmi ceux que s’est fixés le gouvernement.
L’instabilité
économique est un phénomène social aujourd’hui commun à tous les
pays
industrialisés. Heureusement, ses conséquences nous ont moins
touchés que
d’autres. Nos réalisations aux chapitres de l’augmentation du
produit national
brut réel, de la création de nouveaux emplois et du maintien de la
stabilité
des prix sont le fruit d’une politique qui favorise un climat
économique dont
peuvent profiter les affaires et les autres secteurs de la société.
Le
gouvernement s’est employé aussi à raffermir et à stimuler
l’économie des
régions moins développées du Canada. En même temps, toute une gamme
de
programmes ont été lancés pour faire face aux problèmes des
individus, comme
des localités, touchés par le chômage à différentes époques de
l’année.
Le chômage demeure pour le gouvernement un grave souci et l’un des
principaux
objets de son action, pour améliorer le climat économique, la
collaboration
avec le monde des affaires et de l’industrie se fera encore plus
intense. A
mesure que s’accélérera la marche de l’économie, le secteur privé
pourra
fournir un nombre croissant d’emplois aux Canadiens qui en ont
besoin.
Néanmoins, la gouvernement redoublera d’efforts pour multiplier
autant que
possible les emplois et utiliser au mieux la compétence et
l’initiative de ceux
qui veulent du travail. Il continuera aussi à agir pour empêcher
l’érosion des
revenus en conservant une stabilité raisonnable aux prix des biens
et services
nécessaires aux Canadiens.
A l’instar de l’économie de tous les autres pays industrialisés, le
nôtre doit
s’appuyer sur des chefs d’entreprise imaginatifs qui ont recours à
la recherche
et qui ne redoutent pas l’innovation, ainsi que sur une stratégie
industrielle
hautement rationalisée. A cet égard, vous connaîtrez bientôt des
propositions
ministérielles qui auront une immense portée sur le développement
à long terme
du pays: elles concernent l’utilisation de la science et de la
technologie non
seulement dans le but de favoriser l’industrie, mais aussi
d’assurer aux
Canadiens une vie meilleure; elles touchent également une stratégie
industrielle pensée en fonction des particularités de l’économie
canadienne.
Dans un cas comme dans l’autre, les principes d’action du
gouvernement seront
exposés au cours de la session.
Depuis plus de dix ans, la question de la maîtrise de notre
environnement
économique suscite un intérêt croissant et donne lieu à des
controverses et à
des débats de plus en plus vifs. La discussion met l’accent sur la
notion de
l’identité canadienne, d’une part et, d’autre part, sur le
bien-être économique
des Canadiens, On prendra des dispositions additionnelles visant à
la solution
de ce problème.
Un mélange de réalisme et d’imagination avait inspiré les
fondateurs du Canada,
il y a plus d’un siècle, et c’est dans le même esprit qu’auront été
élaborées
toutes les propositions relatives à ces politiques. Elles veulent
permettre à
notre pays de jouer un rôle prépondérant et indépendant dans des
champs
d’action déterminés; elles veulent rendre l’ensemble du Canada
moins vulnérable
aux contrecoups des événements prévisibles ou non, qui peuvent
survenir au
delà de nos frontières

L’élaboration d’une politique de concurrence souple et moderne est
nécessaire à
une industrie solidement structurée et fortement compétitive sur
les marchés
internationaux. C’est par une consultation avec tous les secteurs
de la société
canadienne qu’on parviendra à formuler une politique susceptible de
promouvoir
efficacement une économie progressive, capable d’une croissance
rapide et d’une
évolution dynamique. Durant les prochaines semaines, le
gouvernement continuera
ses consultations et saisira le Parlement d’une politique revue et
améliorée à
la lumière de représentations et d’avis judicieux.

Les exportations constituent l’un des principaux facteurs qui
peuvent renforcer
l’économie canadienne. Le gouvernement poursuivra vigoureusement
ses démarches
afin d’établir et de conserver, de par le monde, des débouchés pour
le Canada.
Il verra à mettre en oeuvre, pour élargir les succès déjà obtenus
par les
missions ministérielles en pays étrangers, diverses mesures dont
l’une, par
exemple, consistera à offrir de meilleures facilités de crédit. On
encouragera
le secteur privé de la finance à participer plus activement au
financement des
exportations. Le gouvernement continuera à étendre les programmes
relatifs au
raffermissement du secteur industriel secondaire. On peut compter
sur une
coopération plus étroite avec les autres pays dans les domaines
scientifique et
technologique. Dans le dessein d’ouvrir des débouchés additionnels
aux
fabricants canadiens, on entreprendra de négocier de nouveaux
accords
commerciaux, et les rouages de consultation avec la Communauté
économique
européenne et ses Etats membres seront consolidés. On poursuivra
les
pourparlers avec les Etats-Unis en vue d’accroître les avantages
mutuels des
deux partenaires commerciaux les plus importants au monde.

On annoncera prochainement une politique destinée à stimuler un
secteur
économique connexe, bien que distinct, à savoir le tourisme.

Nos industries extractives et énergétiques ont constitué, de par
leurs
réussites, un des piliers de la richesse nationale du Canada. Elles
ont, au
cours des années, entrouvert de nouveaux horizons et stimulé la
croissance
d’importantes industries. Tout en accumulant des capitaux de
réinvestissement,
elles ont mis en valeur les aptitudes scientifiques et techniques
des Canadiens
et provoqué un salutaire excèdent d’exportations. Pour que soient
effectivement
relevés des défis comme ceux que constituent la préservation de
l’environnement
et le besoin croissant de ressources et d’énergie, tant au Canada
qu’à
l’étranger, il importe que soient maintenues et resserrées les
relations entre le gouvernement et l’industrie.

Le gouvernement continuera à reconnaître toute la complexité des
problèmes que pose le développement du Nord canadien; ce développement ne saurait
se faire au détriment des populations et de l’environnement septentrionaux. On encouragera sans cesse l’émergence de gouvernements locaux dans les territoires du Nord, afin que la population puisse participer et contribuer au façonnement de son propre avenir.

Les producteurs primaires d’aliments, c’est-à-dire les agriculteurs
et les
pêcheurs canadiens, constituent toujours une des assises
traditionnelles de
notre économie. Leur productivité constante et leurs moyens de
subsistance
intéressent au plus haut point tant le gouvernement que le pays
lui-même. Les
améliorations et les résultats observés ces derniers mois seront
maintenus,
voire raffermis. Les mesures déjà prises à l’intention des
pêcheurs, et qui se
sont traduites par une amélioration des prix dépassant parfois 50%,
seront étendues de façon que les avantages du soutien du prix des
produits de
la pêche profitent aux pêcheurs eux-mêmes. On garantira aux
cultivateurs de blé
un supplément de recettes équivalent à l’augmentation du prix de
vente de cette
denrée au consommateur canadien. Plutôt que le consommateur, c’est
le Trésor
qui assumera lui-même le coût de ce programme afin d’éviter un
déséquilibre du
coût de l’alimentation; et, en vue de prévenir une désorganisation
de la
production, un mode de répartition sera proposé où les paiements
seront
fonction de la superficie emblavée plutôt que de la production
effective de
blé. Le gouvernement favorisera davantage la situation des
agriculteurs et des
pêcheurs en mettant en oeuvre plusieurs plans. Il se propose
d’établir de
nouveaux offices nationaux de commercialisation et de donner suite
à un
programme d’encouragement à l’expansion des petites fermes.
L’extension récente
de nos zones de pêche permettra au gouvernement de s’occuper plus
activement de
la gestion de ses ressources marines et d’accroître du même coup,
pour les
pêcheurs canadiens, l’abondance des prises au large de nos côtes.
Les
programmes destinés à assurer des services aux Canadiens dépendent
de plus en
plus, quant à l’efficacité et à la qualité, de l’harmonie des
relations d’ordre
fiscal entre la gouvernement fédéral et les gouvernements des dix
provinces. On
présentera donc des mesures législatives, notamment en vue de
renouveler et
d’améliorer la formule de péréquation et de porter à 100% la
niveau de
stabilisation des recettes provinciales. Il s’agira, entre autres
choses, de
gérer les droits de succession et l’impôt sur les dons pour le
compte des
provinces qui la demanderont; de prolonger de deux ans les
transferts aux
provinces relatifs à l’enseignement post secondaire; de garantir aux
provinces
un revenu quinquennal en vue de sauvegarder les recettes de leur
impôt sur le
revenu dans le cadre du nouveau régime et de partager avec les
provinces
l’impôt spécial sur le revenu non réparti des sociétés.

En outre, afin de libérer de leur isolement les victimes de la
pauvreté, la
réforme fondamentale des mesures de sécurité sociale, inaugurée
l’an dernier
avec l’adoption de la nouvelle Loi sur l’assurance-chômage, se
poursuivra. On
vous présentera un nouveau Code du travail qui tiendra compte des
nombreuses
représentations reçues ces derniers mois, ainsi que d’importants
amendements à
la Loi sur les justes méthodes d’emploi. Les programmes d’emploi de
la main-d’oeuvre du Canada seront améliorés et des mesures
supplémentaires seront
prises pour que les services de formation et de placement
correspondent mieux
aux besoins de citoyens particulièrement désavantagés et auxquels
ne peuvent
répondre les présentes dispositions du programme. Pour ceux qui
cherchent à
parfaire leur éducation, on accroîtra les prêts prévus aux termes
de la Loi
canadienne sur les prêts aux étudiants, ce qui permettra aux
étudiants
d’emprunter davantage au cours d’une même année et augmentera
considérablement
la somme des crédits affectés au programme.
L’isolement attribuable à l’injustice sociale est moins bien
compris que celui
qu’entraîne la pauvreté. Néanmoins, aucune société n’oserait fermer
les yeux
sur ses conséquences. La problème paradoxal que constitue
l’isolement dans un
milieu urbain ne saurait être résolu par une seule et unique
intervention.
Chose essentielle en tout cas, il importe d’assurer à tous les
Canadiens des
logements de bonne qualité et adaptés à leurs besoins. En 1971, on
a mis en
chantier plus d’habitations que jamais en une saule année, dont un
nombre sans
précèdent pour les familles à revenu modeste. Toutefois, il est
évident qu’une
simple augmentation proportionnelle d’aide financière ne suffira
pas à répondre
aux besoins du Canada en matière de logement. Ce qu’il nous faut,
et ce que le
gouvernement proposera, tout en tenant compte particulièrement du
besoin
d’habitations à prix modique, ce sont des idées nouvelles, des
recherches
poussées, de l’imagination dans l’amélioration du milieu. Pour que
notre
objectif d’un plein épanouissement social soit atteint, toutes les
barrières
qui contribuent à l’isolement doivent tomber. Nous ne pouvons
attendre de ceux
pour qui nos lois et nos
institutions sont dépassées ou inefficaces qu’ils les respectent et
les
appuient. L’activité gouvernementale doit refléter les aspirations
de tous les
Canadiens et non des seuls privilégiés. Un grand progrès dans cette
direction
fut l’adoption, au cours de la dernière session, d’une réforme
fiscale
répartissant plus équitablement,
entre ceux des Canadiens qui sont le plus en mesure de l’assumer,
le coût des
services sociaux. Un autre progrès, longtemps attendu consistera en
des mesures
pour assurer aux femmes l’égalité dans
la société canadienne. Ces mesures seront annoncées pendant la
session.

Vous serez en outre saisis de plusieurs dispositions d’un grand
intérêt social
pour les Canadiens, et concernant par exemple l’utilisation des
drogues à des
fins non médicales, l’indemnisation des victimes du crime et la
protection de
l’intimité. Des réformes additionnelles du régime pénal et de celui
des
libérations conditionnelles contribueront à rendre encore plus
humain le
traitement des délinquants. On vous proposera des projets de
réformes de
l’application du droit pénal. Le gouvernement fédéral s’est d’autre
part engagé
à participer à l’aide juridique, pourvu que soient conclus des
arrangements
satisfaisants au sujet des frais et des mécanismes administratifs.

Le gouvernement estime que la sécurité de revenu constitue le
fondement
primordial de la dignité personnelle et de l’engagement social. Le
nouveau
projet de loi sur la sécurité du revenu familial, dont vous serez
saisis,
représente un pas considérable vers l’établissement éventuel d’un
programme de
sécurité totale du revenu.

Ce projet de loi insiste sur la protection et reflète, aux yeux
du gouvernement, le vif
sentiment d’autonomie personnelle particulier aux Canadiens.

Les Canadiens sont fiers de leur pays et s’y sentent attachés de
multiples façons, physiquement,
culturellement ou économiquement. Ils retrouvent quelque chose
d’eux-mêmes dans ses vastes
espaces, ses rivages accidentés, sa vitalité débordante et sa
tranquille assurance. Le
gouvernement veut conserver d’immenses étendues du Canada l’état
naturel, afin qu’en jouissent la
génération présente et les générations futures. Grâce à
l’intégration du Nord canadien dans le
réseau des parcs nationaux, une part de la splendeur sauvage de ses
paysages sera préservée pour
toujours. Vous serez invités à approuver une mesure législative
créant, au nord du 60e parallèle,
trois nouveaux parcs qui rivaliseront avec les plus célèbres du
monde. Avec ces trois parcs, et
les sept autres qu’on a créés depuis 1968, chaque province et
territoire aura, pour la première
fois de notre histoire, un parc national dont nous pourrons tous
profiter.
Le Parlement sera saisi de mesures connexes en vue de créer des
sanctuaires de la
faune et de protéger certaines espèces menacées de disparition.
Tout en assurant l’avenir, il faut nous efforcer, dans la mesure du
possible, de
préserver et de restaurer les oeuvres du passé qui nous sont
essentielles pour
nous bien connaître en tant que peuple. On vous demandera d’étudier
à cette fin un
projet de loi tendant à créer et financer une société appelée à
protéger le
patrimoine canadien. Cette société contribuera dans une très large
mesure à
préserver des objets et des collections qui rappellent notre passé
et à les rendre
accessibles aux Canadiens de toutes les régions du pays. Jointe à
une politique
élargie des Musées nationaux, elle illustrera comment nos ancêtres
ont vaincu
l’isolement géographique et transformé leurs rêves en réalités.
Une autre forme encore d’isolement tient aux déficiences de
services de
communications. Le gouvernement s’inquiète de ce que, présentement,
plusieurs
collectivités sont dépourvues des services nationaux de
radiodiffusion et du fait
qu’environ un million de Canadiens dispersés en 260 localités n’ont
pas la
télévision dans leur propre langue. Le gouvernement propose donc
que la Société
Radio-Canada soit autorisée à étendre globalement ses services et
à tirer parti
du système canadien de communications par satellite domaine ou le
Canada est à la
pointe pour que, dans un délai de cinq ans, au moins 98% de
la population
soit rejointe.
Une société se fait souvent juger par l’histoire et par les autres,
d’après les
critères qu’elle-même a choisis. L’image qu’elle projette, les
valeurs qu’elle
épouse, le sort qu’elle réserve à ses membres défavorisés, voilà
autant de points
qu’elle-même détermine et qui servent dès lors à la juger. Dans nos
contacts
personnels, dans les relations fédérales-provinciales, dans les
rapports que le
Canada entretient avec les autres pays, nos valeurs nous servent de
guide et nous
distinguent à la fois. Le Canada s’est donné pour tâche d’améliorer
le sort de
tous, de régler les différends par la raison et non par la force,
de pratiquer la
tolérance, de reconnaître l’amour et la compréhension comme les
caractéristiques
essentielles de l’homme. Le gouvernement continuera donc à
participer sans aucune
réticence aux initiatives internationales orientées vers la paix et
le bien-être
de tous les peuples. Comme par le passé, il ne ménagera aucun
effort pour porter
secours, au nom des Canadiens, à tous ceux qu’éprouve quelque
désastre ou
calamité.
La précarité des affaires mondiales, que nous rappellent les
événements des
derniers mois comme ceux qui peuvent bientôt survenir, nous incite
à raffermir de
vieilles amitiés, à en établir de nouvelles, tant à l’intérieur
qu’à l’extérieur
des conseils et organismes des Nations Unies. Il est aussi stérile
et néfaste de
s’isoler au sein de la communauté internationale que, dans son
propre milieu. En
1971, les visites au Canada de chefs d’Etat ou de gouvernement
aussi distingués
que les présidents de la Yougoslavie, du Nauru et du Niger, et que
les premiers
ministres du Royaume-Uni, de l’Union soviétique, de Ceylan, du
Ghana, de la
Malaysia, de Fiji, du Sénégal et d’Israël, montrent l’universalité
de notre
ouverture sur le monde.
Le Canada reste prêt à communiquer et à s’entendre avec tous les
pays. Plus
particulièrement, nos liens avec nos amis de l’Europe nouvelle et
notre
attachement aux Etats-Unis conservent toute leur importance. La
force, le
dynamisme des Etats-Unis, ainsi que leur orientation vers
l’extérieur, sont
indispensables au succès des initiatives canadiennes à l’échelle
internationale,
comme à notre capacité de contribuer au bien-être de nos associés
du
Commonwealth et des pays qui bénéficient de notre aide économique,
y compris
les membres de l’Agence de coopération culturelle et technique des
pays
francophones que nous avions l’honneur de recevoir, l’automne
dernier, à
l’occasion d’une importante conférence. Le gouvernement, de même
que tous les
Canadiens, se préparent à recevoir très chaleureusement, au
printemps, le
Président des Etats-Unis et Madame Nixon.

Notre époque est pleine de contradictions. Les relations humaines
ne tendent
que trop, au sein de nos sociétés, à devenir massives et
impersonnelles, alors
que, sur l’ensemble de la planète, la rapidité des communications
crée une
nouvelle intimité entre les nations. Tout en présentant un défi
pour les
gouvernements et les individus, pareille situation comporte aussi
d’immenses
avantages. Ce défi, le Canada le relève; et ces avantages, le
gouvernement entend en faire profiter tous les Canadiens.

Honorables membres du Sénat
Membres de la Chambre des communes,

Puisse la Divine Providence vous guider dans vos
délibérations

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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