[Martin=20040112]
[lieu=mexique]
C’est un plaisir et un honneur pour moi d’être ici à Monterrey à
l’occasion de la première rencontre des dirigeants des pays de
l’hémisphère occidental depuis le Sommet des Amériques tenu à
Québec. Il s’agit également de ma première rencontre internationale
à titre de Premier ministre du Canada.
Permettez-moi donc d’adresser au Président Fox mes remerciements les
plus sincères pour avoir accepté d’accueillir ce sommet décisif.
Sous votre direction, j’ai confiance que nous arriverons à des
résultats concrets qui permettront d’améliorer les conditions de vie
de tous les citoyens des Amériques. Je souhaite aussi, en raison du
décès prématuré du Premier ministre Pierre Charles, offrir toutes
mes condoléances au peuple de la Dominique. Le Canada, comme tous
les autres pays membres de la famille qu’est l’Organisation des
États américains, ressent votre grande perte.
Nous vivons une période difficile dans le processus hémisphérique.
De profonds changements sont survenus depuis le Sommet de Québec
voilà près de trois ans. La croissance économique est faible dans de
nombreux pays, et les gouvernements font face à de lourdes
pressions. La concurrence s’est intensifiée à l’échelle
internationale, tandis que de nouveaux défis font obstacle à
l’intégration économique régionale et internationale. En outre, de
nouvelles menaces planent sur notre sécurité – d’un côté, il y a le
terrorisme, de l’autre, la croissance du trafic de la drogue, la
corruption et le crime transnational. Tous ces éléments remettent en
cause les fondements mêmes de la démocratie.
Le Sommet des Amériques donne à tous les dirigeants élus
démocratiquement des pays de l’hémisphère l’occasion de se réunir en
vue de définir un programme pour les citoyens, de mesurer les
progrès accomplis et de faire face aux nouveaux défis.
Si nous sommes réunis aujourd’hui à Monterrey, c’est justement parce
que nous traversons une période difficile. La tenue de ce sommet
extraordinaire est donc tout à fait appropriée. Vous vous
souviendrez que c’est en ce lieu qu’en mars 2002, les dirigeants de
tous les pays du monde ont adopté le Consensus de Monterrey, une
série inédite de principes visant à définir un nouveau partenariat
pour le développement. Les pays en développement ont alors promis
d’établir les conditions nécessaires à la promotion d’un
développement durable, et en échange, les pays développés se sont
engagés à fournir de l’aide à ceux qui le font.
Quelles sont ces conditions dites nécessaires? Essentiellement,
comme l’a indiqué le G20 à Montréal il y a trois ans, il s’agit non
seulement d’établir des cadres économiques et réglementaires qui
favorisent la croissance, mais aussi de faire en sorte que de bonnes
politiques sociales soient mises en œuvre afin que tous les citoyens
puissent profiter équitablement des retombées de cette croissance.
Comment y parviendrons-nous? Il y a trois éléments, tous
d’importance égale. Premièrement, nous devons effectuer des réformes
financières et mettre en place un cadre réglementaire pour garantir
la transparence et l’efficacité des institutions; nous devons suivre
un ordre logique dans la libéralisation du commerce et nous assurer
que le système financier demeure solide. Deuxièmement, nous devons,
en même temps, créer un filet de sécurité sociale qui comprend
l’accès à des soins de santé et à un système d’éducation de haute
qualité. Et finalement, nous devons procéder à toutes ces mesures de
manière inclusive afin que ces politiques répondent aux besoins
exprimés par les citoyens eux-mêmes.
Comme le démontrent bon nombre d’études, même des réductions minimes
de l’inégalité jointes à une croissance modeste peuvent avoir des
incidences très importantes sur le plan de la réduction de la
pauvreté. Effectivement, c’est le fait de ne pas avoir mis en œuvre
ces changements d’une façon intégrée et équilibrée qui a entravé la
croissance, le développement et peut-être même la gouvernance
démocratique dans de nombreux pays.
Le Canada a proposé ce sommet extraordinaire afin que nous puissions
rétablir la confiance et le progrès dans les Amériques alors que le
protectionnisme connaît un nouvel essor et que les institutions
démocratiques, parfois fragiles, font face à des défis. À l’instar
de la première réunion tenue à Monterrey, j’espère que celle-ci
représentera un deuxième point tournant, qu’elle sera l’occasion
pour nous de renforcer une voie constructive axée sur la
coopération. Il nous faut trouver des moyens d’accroître l’équité,
de réduire l‘écart entre les riches et les pauvres, de créer des
possibilités dont tous et toutes pourront profiter et enfin, de
réduire la corruption dans notre hémisphère.
La notion de souveraineté au XXIe siècle renvoie de plus en plus à
des gouvernements ouverts, démocratiques et responsables qui
bâtissent des partenariats à tous les niveaux, créant ainsi un monde
plus sécuritaire et plus prospère pour tous. Nous devons tous
relever les défis posés par la mondialisation en adoptant la
libéralisation complète du commerce, en privilégiant la prudence en
matière de finances, en procédant à des réformes au chapitre de
l’économie et des investissements, et en nous engageant à soutenir
l’acquisition de connaissances et l’innovation. Mais en même temps,
sachant qu’une société épanouie dépend d’une population en bonne
santé et bien éduquée, nous devons maintenir notre engagement à
l’égard du filet de sécurité sociale. Chose très difficile pour
certains des pays ici présents.
Voilà pourquoi nous, les dirigeants des économies développées,
devons reconnaître la responsabilité que nous avons de fournir de
l’aide, tant sur le plan bilatéral que par l’entremise des
institutions régionales intergouvernementales qui œuvrent dans
l’hémisphère.
Monsieur le président Fox, de l’Arctique à l’Antarctique, cet
hémisphère est le nôtre, et je me réjouis d’avance à la perspective
de travailler avec vous et avec tous nos collègues pendant et après
ce Sommet, dans le but de renforcer notre collaboration pour ainsi
créer des sociétés ouvertes et équitables qui s’épanouiront.
[Martin=20040123]
[lieu=suisse]
J’aimerais discuter ce matin du besoin d’accroître l’efficacité de
la pratique de la politique à l’échelle internationale de sorte que
les retombées de l’interdépendance mondiale puissent être reparties
plus équitablement.
À son meilleur, et ce n’est pas toujours le cas, le processus
politique national est ouvert et dynamique. Il renferme la capacité
de choisir avec discernement entre des priorités et des intérêts
concurrentiels, de faire des choix qui montrent la voie à suivre.
Les débats et les échanges font partie de ce processus, que ce soit
au sein de nos cabinets et de nos corps législatifs, ou dans le
cadre de discussions communautaires avec nos citoyens, et ils
mènent, bien entendu, à la prise de décisions.
C’est d’ailleurs à la lumière des choix que nous arrêtons comme
collectivités politiques que nos valeurs se font le plus explicites.
Je tiens à souligner ce point, car lorsqu’on s’intéresse de près à
la scène internationale, on se rend compte qu’elle est étonnamment
apolitique. Le dialogue entre nations adopte une tournure nettement
technocratique et indirecte plutôt que transparente et spontanée.
Souvent, il s’articule davantage autour de la sauvegarde d’un
processus que de la recherche de l’innovation. Et trop souvent, lors
des grandes rencontres internationales, le dialogue suit un scénario
préparé à l’avance et se déroule derrière des portes closes – portes
qui sont des entraves aux consultations de l’extérieur et qui,
malheureusement et de façon quasi générale, restent imperméables aux
nouvelles idées.
Comme bon nombre d’entre vous le sait, les échanges les plus
fructueux entre leaders ont souvent lieu dans les couloirs, en tête
à tête, et ont très peu à voir avec l’ordre du jour officiel de
l’événement. Quand les leaders se rencontrent dans les forums
internationaux, il leur est difficile d’échapper au syndrome des «
documents d’information » pour s’attaquer directement aux problèmes
à régler, pour sortir des sentiers battus. Il est devenu
pratiquement impossible, dans ces réunions, de consentir à cette
espèce d’acte de foi qui, si souvent, s’impose si on veut sortir
d’un cul-de-sac intellectuel ou historique.
Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas de progrès. Simplement
que le progrès est d’une lenteur tellement pénible. J’estime donc le
temps venu d’examiner non seulement les décisions que nous prenons,
mais aussi celles que nous ne prenons pas, et de nous poser la
question suivante. Pourquoi ne pas avoir pris telle ou telle
décision? Permettez-moi de vous donner trois exemples où, me
semble-t-il, le débat entre dirigeants politiques doit s’affranchir
du scénario prévu, où nos engagements doivent passer de la forme à
la substance.
Premièrement, prenons le dilemme créé par l’opposition entre le
principe juridique de la souveraineté des États et la
reconnaissance, de plus en plus grande, qu’une intervention de
l’extérieur peut parfois s’avérer indispensable pour prévenir une
catastrophe humanitaire lorsque le gouvernement ne peut ou ne veut
pas protéger sa propre population. Si un gouvernement viole toutes
les normes associées à ce qu’on appelle une conduite responsable,
nous incombe-t-il à nous, en tant que collectivité internationale,
de protéger les citoyens dont il a la charge – ou, si on veut, de
protéger un peuple contre son propre gouvernement?
Récemment, une Commission d’experts internationaux mandatée par
l’ONU a répondu par l’affirmative à cette question et a cerné divers
types d’interventions acceptables, par exemple l’imposition de
sanctions ou, dans certaines conditions, l’intervention militaire –
avec l’approbation de l’autorité compétente.
Au Canada, nous sommes largement d’accord avec Kofi Annan lorsqu’il
déclare : « … ce qui est certain, c’est qu’aucun principe
juridique – même pas celui de la souveraineté – ne saurait excuser
des crimes contre l’humanité ». Lorsque les circonstances l’exigent,
comme ce fut le cas au Rwanda ou au Kosovo, des interventions
humanitaires sont justifiables. Nous ne souscrivons pas à la thèse
voulant que les États jouissent d’une immunité absolue en vertu du
principe de la souveraineté étatique. Cela dit, nous sommes
sensibles aux préoccupations exprimées par ceux qui craignent qu’on
utilise à mauvais escient le concept de l’intervention.
En fait, il faudrait amorcer un débat libre sur la nécessité
d’intervenir dans les cas où sont bafoués les préceptes les plus
fondamentaux de notre humanité à tous. Plus précisément, nous avons
besoin de principes limpides qui nous aideraient à déterminer quand
il convient de recourir à la force pour appuyer des objectifs
humanitaires.
Il est vrai qu’il y a eu dissension au sujet de l’Iraq, mais cela ne
devrait nullement nous fermer au débat, plus général, qui s’impose.
Là où je veux simplement en venir, c’est qu’on ne peut pas laisser
aux experts et aux diplomates le soin de mener ce débat : n’oublions
pas qu’il soulève les plus profondes questions politiques et morales
quant à la nature des États et à nos responsabilités les uns par
rapport aux autres. Les experts et les diplomates peuvent, certes,
ouvrir la voie, mais à moins que le débat ne soit le fait des
dirigeants politiques, il n’avancera pas lieu au rythme voulu et
n’arrivera pas à son terme non plus.
Un autre exemple d’acte de foi intellectuel nécessaire – que seul un
leadership politique est en mesure d’assurer – provient de
l’antagonisme entre les droits de propriété intellectuelle et la
nécessité d’offrir, aux pays les plus pauvres de la planète, des
médicaments à coût abordable.
Nous ne remettons pas en cause le bien-fondé des droits de propriété
intellectuelle : ceux ci favorisent la recherche et l’innovation,
encouragent et protègent les investissements et font en sorte que
nos scientifiques, nos artistes et nos inventeurs soient
équitablement récompensés pour leur dévouement et leur créativité.
Mais nous avons aussi une obligation morale à remplir, soit aider,
dans la mesure du possible, à soulager ceux qui souffrent. Laisser
des gens mourir sous prétexte qu’ils sont sans le sou est injuste,
tout simplement injuste, et, par surcroît, cela témoigne d’un manque
total de prévoyance.
Où se trouve le juste milieu à cet égard? On s’emploie actuellement
à le définir.
Une campagne en cours à l’échelle du globe vise à fournir des
médicaments à bon marché contre le VIH/sida. Au Canada, on compte
adopter sous peu une loi qui permettra à nos entreprises de fournir
aux pays africains, à bas prix, des médicaments génériques
anti-VIH/sida.
Bien qu’importantes, ces mesures ne sont qu’intérimaires. Au Canada
et dans d’autres pays développés, on a mis en place des régimes qui
garantissent l’accessibilité des médicaments à tous ceux qui en ont
besoin. Nous pouvons à la fois assurer la protection des droits de
propriété intellectuelle et offrir des médicaments à nos concitoyens
défavorisés. Les pays en développement n’ont pas les moyens de
s’offrir pareils régimes et, à l’heure actuelle, il n’existe à
l’échelle planétaire aucun régime susceptible de protéger les droits
de propriété intellectuelle tout en mettant les médicaments à la
portée des plus pauvres d’entre nous.
La question que l’on doit se poser est la suivante : doit-on
relancer le débat à chaque fois qu’apparaissent des maladies ou des
besoins inédits? Pourquoi ne pas poursuivre une franche discussion
politique dans le but d’arrêter des principes généraux selon
lesquels le monde réagirait avec compassion et de façon plus globale
aux nouvelles crises en matière de santé?
Autre question que l’on doit se poser : notre humanité
s’arrête-t-elle à nos frontières? Bien sûr que non.
Nous devons donc élargir notre conception traditionnelle des
responsabilités des États souverains, en ce qui concerne non
seulement celles qui incombent aux pays riches face aux pays
pauvres, mais encore celles de tous les pays les uns par rapport aux
autres.
Ce qui m’amène au troisième type de dilemme qui découle de
l’interdépendance moderne – notre gestion du patrimoine mondial, des
ressources qui appartiennent ni plus ni moins à l’humanité dans son
ensemble. Les pays civilisés ne permettent plus l’exploitation
effrénée et non réglementée de leurs propres ressources naturelles;
pourquoi, dès lors, ne réagissons-nous pas au pillage des ressources
internationales?
La surpêche en haute mer illustre de façon assez effroyable cet état
de fait. Au Canada, nous nous sommes déjà livrés à pareille
pratique, mais nous avons pris des mesures très sévères pour y
mettre un terme. Nous sommes heureux de constater que l’Union
européenne a, récemment, ratifié la Convention des Nations Unies sur
les stocks de poissons qui chevauchent la zone de 200 milles. Mais
on compte toujours des pays – des pays pauvres dans certains cas,
mais en particulier certains pays très riches – qui sont loin
d’adopter des mesures suffisantes. Il semble bien que les politiques
afférentes à la responsabilité s’arrêtent à la frontière des pays
intéressés… ce qui n’est plus acceptable dans un monde
interdépendant.
La première obligation d’un État souverain doit être envers ses
citoyens; c’est l’évidence même. Mais dans un monde interdépendant,
il ne saurait s’acquitter convenablement d’une telle obligation
qu’en étant partie prenante à l’univers qui déborde de ses propres
frontières. En outre, tous les États nourrissent aujourd’hui un
intérêt réel et légitime face au bien-être des autres pays, ce qui
confère aux dirigeants politiques une obligation particulière –
celle de faire en sorte que nos systèmes internationaux concourent
au mieux-être de tous.
Cela me ramène à la question que je vous ai posée au début de mon
intervention. Quelles sont les institutions et les structures qui
permettraient aux dirigeants de se mobiliser à titre de collectivité
politique?
Ce qui pose des difficultés aujourd’hui dans de nombreuses
organisations internationales, c’est qu’elles n’ont pas été conçues
de manière à faciliter la tenue de débats politiques informels comme
ceux qui s’imposent. Plus précisément, si les forums internationaux,
où sont requises des décisions audacieuses, demeurent axés sur la
ratification des résultats de négociations bureaucratiques menées
sous un minimum d’impulsion politique, ils risquent de servir de
prétexte à l’inaction.
Bref, les séances de photos ne peuvent aucunement se substituer à la
volonté politique. Les dirigeants politiques sont appelés à
travailler ensemble sur la scène internationale de la même façon
dont ils travaillent dans leur pays, lorsqu’ils obtiennent des
résultats heureux, c’est-à-dire qu’ils doivent engager des débats,
explorer les possibilités et rechercher des solutions fondées sur
des valeurs qui favorisent l’inclusion et non la division, qui sont
stabilisatrices et non destructrices, pragmatiques plutôt
qu’idéologiques.
C’est cette idée qui, dans la foulée de la crise financière qui a
secoué l’Asie, nous a incités, nous, Canadiens, à travailler de
concert avec les responsables d’autres nations à la création du
Groupe des Vingt. Nous envisagions le regroupement officieux de
ministres des Finances de toutes les régions du monde représentant
des traditions politiques, économiques, culturelles et religieuses
des plus différentes. C’est une formule qui a bien fonctionné, car,
rassemblés autour d’une table, les ministres des Finances peuvent,
entre pairs, exercer des pressions les uns sur les autres pour
arracher des décisions sur des points qui autrement resteraient
bloqués à tout jamais.
Par exemple, c’est à une réunion des ministres des Finances du G-20
que le Consensus de Washington sur la libéralisation financière a
été modifié pour inclure en parallèle le besoin de renforcer les
programmes sociaux. C’est ce que l’on appelle désormais le Consensus
de Montréal.
Le principal objectif du G-20 consistait à combler le fossé entre le
« nous » et le « eux » – fossé qui a sapé les fondements de tant
d’instances internationales. Nous avons vu une manifestation de ce
phénomène tout récemment, lors de la réunion de l’Organisation
mondiale du commerce, à Cancun, en septembre dernier, où le caucus
des pays en développement, le G-22, a défié les grands pays
développés sur la question de l’agriculture. Les pourparlers ont
échoué, ces pays ne faisant valoir qu’une facette du problème.
Mais imaginons un peu ce qui aurait pu se produire si les
protagonistes, rigoureusement campés de part et d’autre de cette
ligne de fracture agricole, s’étaient assis à la même table et
avaient été habitués à discuter et à débattre d’enjeux complexes de
manière informelle et à aboutir à la conclusion qui s’imposait. Or,
certains diront peut-être que c’est justement ce qui s’est produit,
sauf que la conclusion était négative. Sachez que de très rares
rencontres par-delà un fossé, ce n’est pas ce que j’envisage.
Si, à l’instar du Canada, vous estimez qu’il est dans l’intérêt de
tous qu’on en arrive à un déblocage de ces enjeux délicats, alors
nous devons parvenir à réunir le bon groupe de pays autour d’une
même table, et surtout à intervalles réguliers, mais dans un cadre
non structuré. Il faut procéder à une certaine introspection, à une
certaine confrontation des idées; par-dessus tout, nous devons nous
demander honnêtement à quoi devraient ressembler nos pays dans 5, 10
ou 20 ans.
Ce ne sera pas possible en regroupant les représentants de 100 pays
autour de la table, ni même en formant de petits groupes… si les
dirigeants brillent par leur absence.
Il ne conviendrait pas selon moi de reléguer aux oubliettes les
leçons du G 20 – leçons qui nous prouvent que, dans des cadres
officieux, les représentants de pays aux vues fort différentes
peuvent trouver un terrain d’entente et collaborer à la réalisation
d’un but commun.
Ce qui m’amène à mon deuxième front d’attaque : un G-20 pourrait
aider à orienter le plan d’action, mais il ne saurait remplacer nos
institutions internationales. Il nous faut des institutions
multilatérales efficaces. Des institutions qui ne soient pas des
fins idéologiques en soi, mais des instruments essentiels au
bien-être national. Aucune nation ne peut, à elle seule, « contrôler
» toutes les incidences de l’interdépendance. Nous pouvons toutefois
collaborer avec nos voisins, avec nos amis et alliés, avec nos
partenaires régionaux et internationaux. Car une chose est sûre :
nous devons impérativement travailler ensemble.
L’Organisation des Nations Unies se trouve au cœur même de ce réseau
international; si elle ne fonctionne pas, dites-vous bien que le
travail de toutes les capitales nationales sera sérieusement
entravé.
Il est vital que l’ONU joue adéquatement son rôle : elle nous
rappelle, comme aucune autre institution ne saurait le faire, que
toutes les nations défendent des intérêts qui doivent être reconnus,
que toutes les nations ont, les unes par rapport aux autres, des
responsabilités auxquelles elles ne peuvent se dérober. L’ONU occupe
le centre de la vision planétaire – une vision qui, bien
qu’affaiblie, mérite toujours d’être défendue; une vision qui veut
que ça marche pour tous ou que ça ne marche pas du tout.
Les mandats, structures et procédures de vote du système onusien
reflètent en grande partie le paysage géopolitique de
l’après-guerre. S’il n’est pas possible de les adapter aux réalités
d’aujourd’hui et aux défis de demain, il arrivera de plus en plus
qu’on les contourne.
Tout naturellement, la réforme du Conseil de sécurité monopolise les
débats, mais il existe maints autres champs d’action auxquels nous
devrions également nous intéresser. Par exemple, nous pourrions
éliminer en partie le double emploi et nous assurer que les
organismes coopèrent les uns avec les autres au bénéfice de leurs
États membres plutôt que de se quereller en vue de protéger leurs
propres intérêts institutionnels.
Il ne fait aucun doute que d’autres ministres – non seulement les
ministres des affaires étrangères – devraient participer plus
directement au travail des organismes de l’ONU. Je pense ici au
Conseil économique et social (ECOSOC), histoire d’insuffler un peu
de réalisme aux délibérations… qui en acquerraient, du même coup,
un caractère prioritaire. Et si ces organismes étaient incapables de
susciter la participation des ministres, nous devrions y voir un
signal indiquant qu’il y a sans doute lieu de repenser de fond en
comble leur fonctionnement.
En somme, il faut se demander comment le monde règle les dilemmes
politiques qui mettent en concurrence des objectifs par ailleurs
valables. Pris individuellement, les enjeux sont de taille. Et
l’importance des enjeux va de pair avec celle des valeurs qui les
sous-tendent. Envisagées dans leur ensemble plutôt qu’isolément, les
décisions que nous sommes appelés à prendre détermineront si tous
les progrès réalisés ces dernières décennies profiteront à tout le
monde ou si des centaines de millions, voire de milliards de
personnes, seront laissées pour compte à jamais.
Si je me suis attardé aujourd’hui au rôle que doivent jouer les
leaders, c’est pour faire valoir qu’au niveau national, le
leadership politique sert de catalyseur en matière de changement. À
titre d’exemple, le changement est invariablement au programme de
toute campagne électorale. Un candidat à une charge publique
n’oserait jamais dire à ses électeurs : « Je ne m’occuperai pas de
votre problème », ou encore, « Mes fonctionnaires prendront un temps
fou pour étudier la question », ce qui revient au même. Or, voilà
justement ce que beaucoup d’entre nous disons au sujet des enjeux
qui débordent nos frontières.
Posons-nous la question suivante : Quel est l’avenir de
l’interdépendance mondiale? La réponse réside dans le leadership
politique qui sera assuré dans les capitales nationales du monde.
Et, parallèlement, je dirais que la réponse réside également dans le
leadership dont feront preuve les gens qui se trouvent dans cette
salle. Nous avons collectivement une grande capacité d’influer sur
le cours des choses. Non seulement ici à Davos, mais dans nos
propres pays.
La plupart des gens ici présents ont tiré profit des possibilités
économiques créées par l’interdépendance moderne. Nous avons tous
intérêt à ce que les systèmes internationaux fonctionnent bien; pour
ce qui me concerne, je suis persuadé qu’ils ne donneront leur pleine
mesure que s’ils s’adressent à tous les citoyens du monde. Un échec
aura de terribles conséquences… et nos enfants et petits-enfants
nous le reprocheront à juste titre.
Il s’agit là, sans conteste, du plus grand défi de notre temps. Pour
ma part, je demeure, maintenant et à jamais, un optimiste dans
l’âme.
Merci beaucoup.
[Martin=20040301]
[lieu=usa]
[Notes pour une allocution de Paul Martin, Premier ministre du Canada
et coprésident de la Commission pour le secteur privé et le
développement]
Dans la série La voix des pauvres de la Banque mondiale, on entend
la plainte d’une femme du Brésil qui s’exprime ainsi : « Le riche
est celui qui dit ‘je vais le faire’ et qui le fait. Le pauvre, par
contre, ne peut réaliser ses désirs ou développer son potentiel ».
L’objet du Rapport de la Commission sur le secteur privé et le
développement, ce qui nous réunit ici aujourd’hui, est de prouver
que la deuxième partie de cette affirmation est fausse.
Notre objet est de prouver que les pauvres peuvent eux aussi
réaliser leurs désirs, qu’ils peuvent développer leur potentiel. Et
que nous pouvons faire quelque chose pour rendre ces désirs
tangibles et pour en faire une réalité.
Mais pour ce faire, nous devons également prouver que la première
partie de l’affirmation de cette femme est vraie, c’est-à-dire que
le riche est celui qui dit « je vais le faire » et qui le fait.
Réunis dans cette salle, nous sommes certainement les riches et les
puissants aux yeux des 4 milliards de personnes qui gagnent moins de
5 dollars par jour.
Monsieur le Secrétaire général, vous avez déclaré récemment que nous
avions tous intérêt à ce que le commerce soit florissant aux quatre
coins de la terre, et en particulier dans les pays les plus pauvres
où, contrairement à la croyance populaire, le problème n’est pas le
commerce, mais l’absence de commerce.
C’est justement ce que les membres de la Commission cherchent à
faire valoir. Soit que l’absence d’un secteur privé dynamique dans
les pays en développement joue un rôle crucial dans l’écart
grandissant entre les riches et les pauvres.
Bien entendu, les pays sous-développés sont les premiers
responsables de la croissance et du développement équitable. C’est à
eux en effet que revient la responsabilité de créer les conditions
pour favoriser et appuyer le développement du secteur privé.
Mais nous tous dans cette salle pouvons faire quelque chose pour
remédier à cette situation, que nous soyons chef de gouvernement,
chef ou président d’une entreprise ou encore représentant d’une
organisation internationale, d’un organisme donateur ou de la
société civile.
Nous devons tous évaluer ce que nous pouvons faire pour accélérer le
développement durable et équitable des pays sous-développés et pour
réduire la pauvreté.
Plus particulièrement, nous devons nous demander par quels moyens
nous pouvons placer les ambitions des entreprises locales au cœur de
notre stratégie de développement.
Par exemple, le monde des affaires peut contribuer à montrer la
voie, soit en créant des liens avec les petits entrepreneurs des
pays en développement, soit en les aidant à aller de l’avant en
agissant comme mentor ou en leur offrant du soutien technique.
Nous pouvons tous nous appliquer à former des partenariats entre les
pays riches et les pays pauvres, entre les entreprises
multinationales et les entreprises locales et entre le secteur privé
et le secteur public, tant national qu’international.
Que pouvons-nous faire en tant que pays?
Permettez-moi de vous parler des mesures prises par le Canada.
Je suis heureux d’être accompagné par la ministre de la Coopération
internationale, l’honorable Aileen Carroll, qui vous dira quelques
mots sur les activités de l’Agence canadienne de développement
international qui visent à appuyer le développement du secteur
privé.
J’aimerais annoncer aujourd’hui le lancement de deux nouvelles
initiatives qui se situent dans la droite ligne des mesures
recommandées dans le rapport de la Commission, Libérer
l’entreprenariat.
Une des principales conclusions du rapport est qu’il est nécessaire
de mettre en place une infrastructure de courtage bien organisée qui
favorisera l’établissement de liens entre les secteurs privés des
pays développés et en voie de développement.
Nous devons faciliter les activités entre ces secteurs en réduisant
les risques et les coûts qui mettent souvent un frein à
l’investissement et à l’action.
La mise en place d’une infrastructure de courtage permettra de
soutenir la croissance des petites et des moyennes entreprises, de
tirer parti des compétences des secteurs privés et d’accroître
l’accès à l’information sur le marché, aux technologies et au
financement dans les pays en développement.
Elle renforcera les liens entre les acteurs du secteur privé,
notamment les entrepreneurs, les entreprises, les institutions, la
société civile et les organisations non gouvernementales dans les
pays développés et en développement.
Cette infrastructure de courtage permettra en outre d’ouvrir l’accès
des petites et des moyennes entreprises aux marchés nationaux et
internationaux et de mettre les partenaires et les investisseurs
internationaux en contact avec les entrepreneurs et les entreprises
locales.
Elle favorisera de plus l’utilisation des nouvelles technologies.
J’aimerais donc annoncer aujourd’hui que le Canada et le Programme
des Nations Unies pour le développement mettront sur pied un groupe
de travail tourné vers l’action qui sera composé d’experts provenant
des secteurs privé et public, et qui aura pour mandat d’examiner
l’infrastructure de courtage proposée et de faire des
recommandations sur la mise en place d’une structure
organisationnelle lui permettant de jouer son rôle.
En favorisant l’établissement de contacts d’affaires bidirectionnels
et la création de liens entre les petites et les moyennes
entreprises des pays développés et en voie de développement, on
réduira le coût de faire des affaires dans des marchés inconnus et
on accroîtra l’accès aux marchés.
Cela permettra en outre de réduire le coût de l’expansion des
activités dans les marchés existants dans les pays en voie de
développement.
La deuxième initiative canadienne dont j’aimerais faire l’annonce
aujourd’hui est la création d’un centre d’investissement pour les
entreprises locales au Bangladesh.
Ce centre fera la promotion de partenariats d’investissement dirigés
par des entreprises ou des entrepreneurs locaux.
Le centre offrira des services de financement, de location, de
garanties, d’investissement en actions et d’autres services destinés
à préparer les petites et les moyennes entreprises locales à devenir
des partenaires d’investissement performants et à les mettre dans
une position pour assurer leur croissance.
Il les préparera également à établir des liens avec de grandes
entreprises nationales ou des multinationales.
En dernier lieu, nous verrons si ce centre d’investissement pour les
entreprises locales pourrait servir de modèle pour d’autres pays
considérés comme prioritaires pour recevoir l’aide au développement
du Canada.
Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs :
Les membres de la Commission déposent aujourd’hui non seulement un
rapport, mais aussi une liste de mesures recommandées.
Nous voulons donner le coup d’envoi à un processus qui permettra de
libérer le potentiel entrepreneurial qui sommeille au fond de tant
de personnes qui vivent dans la pauvreté ou dans des circonstances
très difficiles dans les pays en voie de développement.
Plus que cela, nous voulons allumer la flamme de l’espoir chez cette
femme du Brésil, et chez ces milliards d’autres personnes dans le
monde, qui veulent voir leurs désirs se réaliser, et leurs capacités
se développer.
Afin de leur redonner la part d’humanité dont la pauvreté les prive.
Afin qu’elles puissent trouver la dignité, le respect d’elles-mêmes
et le gagne-pain auxquels elles ont droit en tant qu’êtres humains.
Nous espérons aujourd’hui que le rapport de la Commission et les
deux initiatives annoncées nous aurons permis d’entreprendre les
premières d’une longue série d’étapes qui mèneront les dirigeants
des secteurs privés et publics vers les partenariats éclairés qui
feront de la croissance des petites entreprises une réalité.
Et qui mettront la réalisation de notre rêve de mettre fin à la
pauvreté un peu plus à notre portée.
Version imprimable
[Martin=20040202]
[lieu=ottaea]
[discours du trône]
Honorables Sénateurs et Sénatrices,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de vous saluer en ce début de l’année 2004, alors
que nous savons, à titre de Canadiens et Canadiennes, que notre
histoire et notre aptitude au changement font partie de notre force
comme pays à la fois complexe et moderne. La dignité humaine et le
respect d’autrui, ainsi qu’une conscience réaliste de notre passé,
font de nous un peuple mûr et nous aident à aller de l’avant dans
l’expression de nos véritables valeurs.
Nous avons certes des valeurs propres à notre nation et nous pouvons
les porter sur la scène internationale de manière humanitaire et
efficace. En qualité de Gouverneure générale et de Commandante en
chef des Forces canadiennes, j’ai le privilège de voir ces valeurs
se manifester chez des Canadiens dans le feu de l’action.
Quand j’ai rendu visite à nos troupes à Kaboul, j’ai pu constater
qu’elles jouaient un rôle fondamental, fait de courage et
d’engagement. Durant la dernière année, nous avons été éprouvés par
des pertes tragiques et des blessures chez nos militaires qui
honoraient l’engagement du Canada envers la paix dans le monde. J’ai
dit aux soldats que chacun et chacune d’entre eux incarnait un
microcosme de la personnalité canadienne. Il en va du désir de créer
un monde où règnent équité, justice et dignité.
Cette facette de la personnalité canadienne s’illustre dans la vie
civile quand nous sommes frappés par des catastrophes naturelles,
comme les incendies dévastateurs en Colombie-Britannique ou
l’ouragan Juan qui a fait des ravages sur la côte est. Ma visite à
Kelowna et à Kamloops après ces feux destructeurs m’a confirmé que
les Canadiens savent penser aux autres, même quand ils font face à
la détresse et à la désolation. Bon nombre de ceux que j’ai
rencontrés m’ont assurée que leur cas n’était pas aussi grave que
celui de leurs voisins et ils s’inquiétaient davantage du sort des
autres.
C’est cette capacité de se pencher sur les besoins d’autrui, de
compatir à la souffrance du prochain comme si elle était nôtre, qui
témoigne de ce qu’il y a de meilleur en nous, Canadiens et
Canadiennes. Je crois que cela tient au fait que nous avons une
société bienveillante, où les Autochtones, les francophones, les
anglophones et les immigrants venus du monde entier jouent un rôle
important. Notre histoire nous a préparés à être innovateurs dans ce
monde moderne où la diversité a tant d’importance.
Je préside des cérémonies de remise de citoyenneté partout où j’en
ai l’occasion, d’un bout à l’autre du pays, ce qui m’a menée à
Saskatoon il y a dix jours à peine. Que ce soit à Saint-Jean, à
Québec, à Ottawa ou à Calgary, je m’adresse avec optimisme à nos
nouveaux concitoyens et concitoyennes. Car je sais qu’en regardant
autour d’eux, ils verront des exemples de ce qu’est le mode de vie
véritablement canadien, accepter et être accepté, comprendre et être
compris.
Lorsque nous jetons autour de nous un regard sur le Canada
d’aujourd’hui, nous voyons beaucoup de forces en présence et de
nombreuses réalisations, bref une société dotée d’une qualité de vie
enviable, avec tellement de potentiel, tellement de talent.
Nous pouvons miser sur ces forces pour élargir nos horizons et
étendre nos ambitions.
Les Canadiens et Canadiennes ont déjà relevé ce défi. Ils ont épousé
le changement avec une confiance nouvelle. Ils savent qui ils sont,
ils savent ce qu’ils veulent. Ils veulent un gouvernement qui
contribue à ouvrir la voie qu’ils désirent emprunter, un
gouvernement qui batte la marche et qui les incite en outre à bâtir
leur avenir.
Nous voulons que les gouvernements reflètent nos valeurs dans les
gestes qu’ils posent, notamment qu’ils respectent notre volonté de
vivre selon nos moyens, d’investir dans la mesure de ces moyens, et
de préparer l’avenir.
Les Canadiens ne veulent pas qu’on se satisfasse du statu quo : ils
en attendent davantage de leur gouvernement. Ils veulent un
gouvernement capable de susciter le changement et d’établir un
consensus national autour d’objectifs communs, un gouvernement qui a
la sagesse d’aider chacun de nous à réaliser ces objectifs.
Les objectifs du gouvernement du Canada sont clairs.
Nous voulons un Canada avec des assises sociales solides, où les
gens sont traités avec respect, où ils sont épaulés au besoin, où
personne n’est laissé pour compte. Nous voulons un pays où les
Canadiens — les familles et les collectivités — ont les outils
nécessaires pour trouver des solutions locales aux problèmes locaux.
Pour le XXIe siècle, nous voulons une économie forte où les emplois
sont enrichissants et bien rémunérés, une économie qui soit fin
prête pour la prochaine grande révolution technologique et qui
s’appuie sur de solides assises financières.
Nous voulons pour le Canada un rôle influent qui suscite la fierté
dans le monde où résonne notre voix indépendante, faisant pénétrer
les valeurs distinctives des Canadiens dans les affaires
internationales. Le moment est venu de prendre notre place,
d’assumer nos responsabilités, de faire le poids.
Aujourd’hui le gouvernement propose un programme ambitieux pour
lancer notre pays sur cette voie, un programme qui devrait être
évalué et apprécié en fonction des objectifs que nous avons fixés
ainsi que de la détermination et de la persévérance manifestées en
vue de les atteindre.
Pour atteindre ses objectifs et mettre en valeur ses réalisations,
il faut du temps. Que cela ne soit pas une excuse pour l’inaction.
Le gouvernement est déterminé à faire les premières démarches
requises aujourd’hui et à faire fond sur elles, de façon constante,
dans la mesure où nos ressources le permettent. Ainsi, dans une
dizaine d’années, nous verrons que nous avions fait les bons choix
pour le pays.
Ce discours du Trône marque le début d’un nouveau gouvernement, d’un
nouveau programme, d’une nouvelle façon de faire les choses.
Il traduit un renouveau fondé sur le partenariat, sur les
possibilités, sur la réussite et sur l’engagement véritable des
Canadiens et Canadiennes.
Changer le mode de fonctionnement à Ottawa
Le point de départ de la réussite consiste à veiller à ce que les
Canadiens croient en leur gouvernement, de telle sorte qu’ils
puissent mettre leur confiance dans l’État.
Nous devons amener les citoyens à s’engager davantage dans la vie
politique de leur pays. Un tel mouvement doit s’amorcer là où il
doit avoir la portée la plus profonde, soit au Parlement, en
veillant à améliorer son fonctionnement. Cela sous-entend qu’il faut
rétablir le contact entre les citoyens et leurs députés.
Cela s’entend aussi d’un nouveau partenariat avec les provinces et
les territoires, un partenariat qui mette l’accent sur l’intérêt des
Canadiens. Cela veut aussi dire, dans notre façon de gouverner,
l’instauration d’une transparence plus grande, de règles d’éthique
et d’une imputabilité financière.
Le gouvernement du Canada est déterminé à replacer le Parlement au
centre du débat national et du processus décisionnel et à rétablir
la confiance de la population dans l’intégrité et la saine gestion
des affaires de l’État.
À cette fin, dans une première étape, le gouvernement déposera sans
tarder devant le Parlement un plan d’action pour la réforme
démocratique.
L’un des éléments de cette réforme est un nombre sensiblement plus
grand de votes libres, ce qui permettrait aux députés de mieux faire
valoir les opinions de leurs commettants lorsqu’ils le jugent à
propos.
Un autre élément de la réforme a trait à l’élargissement du rôle des
députés dans l’élaboration des projets de lois.
À cela s’ajoute un rôle élargi des comités parlementaires pour que
les députés puissent amener le gouvernement à une reddition de
comptes plus serrée et jouer un rôle clé dans l’étude des
nominations importantes.
Les secrétaires parlementaires, de leur côté, assureront des liens
plus étroits entre le gouvernement et le Parlement, ainsi qu’à
l’endroit des Canadiens.
En rehaussant sensiblement le rôle de tous les députés, le Parlement
retrouvera sa vocation première de tribune où les Canadiens et
Canadiennes puissent constater que leurs opinions sont examinées et
que l’on fait valoir leurs intérêts. En bref, une tribune où ils
puissent infléchir les politiques qui ont une incidence sur leur
vie.
Rétablir la confiance et l’imputabilité
Le renouveau démocratique a aussi pour tâche de rétablir la
confiance. Trop de Canadiens boudent leurs gouvernements. Cette
tendance doit être renversée.
Les Canadiens veulent que le gouvernement du Canada s’emploie
davantage à respecter des règles d’éthique. Voilà pourquoi l’un des
premiers gestes posés par le gouvernement a été de resserrer les
règles d’éthique auxquelles sont assujettis tous les titulaires de
charge publique de l’administration fédérale. Voilà aussi pourquoi
le gouvernement demandera au Parlement de rétablir et d’adopter
immédiatement le projet de loi créant le poste de commissaire à
l’éthique indépendant relevant du Parlement lui-même et celui de
conseiller sénatorial en éthique.
Dans cette optique, le gouvernement a créé un nouvel organisme pour
maintenir l’excellence dans la fonction publique. Une fonction
publique professionnelle et non partisane, s’appuyant sur les
talents et l’engagement des Canadiens de toutes les régions, est
source de force et d’avantages. Les fonctionnaires ont un rôle
important à jouer dans ce programme de changement; ils veulent
améliorer notre façon de gouverner. Les Canadiens méritent la
meilleure fonction publique qui soit et notre programme ne peut se
faire sans elle.
Il y a renouveau démocratique quand les programmes du gouvernement
atteignent leurs objectifs et qu’ils sont dans le droit fil de ce
qui compte vraiment dans la vie des gens. Les Canadiens
n’attendent-ils pas de leur gouvernement qu’il fasse bon usage de
leurs taxes et de leurs impôts? Ils veulent avoir la certitude que
l’on utilise les fonds publics — leur argent — à bon escient.
À cette fin, le gouvernement enclenche un processus continu d’examen
des dépenses, supervisé par un nouveau comité du Cabinet. L’objectif
est d’assurer que les dépenses correspondent aux priorités établies
et que chaque dollar d’impôt est investi avec soin, donnant ainsi
les résultats escomptés par les Canadiens.
Des rapports plus étroits
Le renouveau démocratique n’existe que si Ottawa est à l’écoute de
ce que disent les provinces et territoires — toutes les régions du
pays — et s’il adopte de nouvelles façons de travailler avec
l’ensemble, au nom de tous les Canadiens et Canadiennes.
Les champs de compétence doivent être respectés. Toutefois, dans le
quotidien, les Canadiens ne passent pas leur temps à se demander
quel gouvernement fait ceci ou cela. Ils attendent à juste titre que
leurs divers ordres de gouvernement collaborent et se concertent en
vue du bien commun, chacun mettant à profit ce qui fait sa force.
Ils attendent simplement que les gouvernements s’attellent à la
tâche.
Voilà pourquoi le gouvernement est déterminé à donner un sens plus
constructif à ses relations avec les provinces et territoires.
Renforcer les assises sociales du Canada
En changeant la manière dont il fonctionne, le gouvernement aidera
les Canadiens et Canadiennes du pays à atteindre leurs objectifs, et
ce, en commençant par le renforcement des assises sociales du
Canada.
Grâce à un tel changement, tous les Canadiens auront véritablement
l’occasion de pleinement développer et mettre en pratique leurs
compétences et leur savoir. Cela veut dire qu’il faut écarter les
obstacles qui réduisent les perspectives d’avenir. Cela veut aussi
dire que l’on s’appuiera sur l’équité, une valeur fondamentale
propre à la population canadienne. Il ne peut en être autrement pour
nous qui avons hérité d’une si grande prospérité.
Une telle orientation se concrétise dans le régime de soins de santé
universels, dans les programmes sociaux qui cherchent à donner
l’égalité des chances à tous les citoyens, dans les programmes
d’aide au revenu et de soins ponctuels à l’intention des personnes
âgées, dans un esprit d’ouverture envers les immigrés et les
réfugiés, dans le rejet du racisme, dans l’importance accordée à
l’égalité des sexes, enfin dans les mesures adoptées pour donner de
meilleures perspectives d’avenir aux Canadiens d’origine autochtone.
Partenaires d’un Canada en santé
L’engagement du gouvernement envers les soins de santé repose sur un
principe fondamental : que chaque Canadien et chaque Canadienne,
quels que soient son revenu et son lieu de résidence, ait accès,
lorsque nécessaire, à des soins de qualité — et cela, en temps
opportun.
Le gouvernement souscrit pleinement à cet objectif: offrir des soins
de santé universels, de grande qualité, financés par l’État, et ce,
en conformité avec les principes énoncés dans la Loi canadienne sur
la santé à l’égard du régime d’assurance des soins médicaux.
Le temps d’attente exigé pour établir un diagnostic important ou
recevoir un traitement qui s’impose constitue l’épreuve décisive
pour mesurer la qualité de notre système de soins de santé. Le temps
d’attente doit être réduit.
Cela exigera une réforme et une amélioration fondamentales des
installations et des procédures de tout le système de soins.
Il y a toutefois beaucoup de choses qu’il est possible de faire
aujourd’hui.
Vendredi dernier, le Premier ministre annonçait que le gouvernement
du Canada avait jugé qu’il était maintenant en mesure, sans pour
autant être déficitaire, d’accorder cette année aux provinces et aux
territoires un transfert supplémentaire de 2 milliards de dollars au
titre de la santé. Ces fonds serviront à réduire le temps d’attente,
à améliorer l’accès aux services de diagnostic et à accroître
l’effectif médical et infirmier.
En regardant vers l’avenir, le gouvernement fédéral attend de
travailler, de concert avec ses partenaires provinciaux et
territoriaux, à la réforme qui s’impose et à la durabilité à long
terme du régime de soins de santé. Il apportera son soutien au
Conseil de la santé, dans l’élaboration des indicateurs qui
permettront d’établir les objectifs liés au temps d’attente, cette
information devant permettre aux Canadiens et Canadiennes de juger
des progrès accomplis en ce sens.
Les Canadiens désirent également être protégés contre les nouveaux
dangers qui menacent la santé, qu’il s’agisse d’une pandémie ou de
la contamination de l’eau. La protection de la santé des Canadiens
est une priorité majeure du gouvernement.
La soudaine apparition du SRAS a montré de façon évidente notre
fragilité face aux maladies infectieuses qui peuvent éclore où que
ce soit dans le monde.
Des maladies comme le SRAS et la grippe aviaire plus récente
constituent une menace qui ne peut que s’aggraver en raison de la
mobilité de plus en plus grande des personnes à l’échelle mondiale.
Le gouvernement prendra donc les devants en établissant un régime de
santé publique adapté, d’abord en créant une agence de santé
publique qui verra à ce que le Canada soit relié, aux plans national
et mondial, à un réseau chargé du contrôle des maladies et de
l’intervention en cas d’urgence.
Le gouvernement nommera en outre un agent de santé publique en chef
et entreprendra un examen général — qui s’impose — des mesures
fédérales de protection de la santé, par le biais d’une loi
canadienne sur la protection de la santé.
Le renforcement de nos assises sociales implique également que l’on
améliore la santé des Canadiens dans son ensemble. On commencera
donc par promouvoir la santé afin de réduire l’incidence des
maladies évitables. Le gouvernement et ses partenaires travailleront
en ce sens, respectant le vieil adage selon lequel il vaut mieux
prévenir que guérir.
Le soin de nos enfants
L’avenir de nos enfants, c’est, dans les faits, l’avenir du Canada.
La science enseigne que les premières années de la vie peuvent
donner forme à l’avenir d’un individu ou au contraire le freiner, et
qu’une intervention précoce et efficace peut être durablement
bénéfique.
Les gouvernements ne remplacent pas les parents, mais ils ont un
rôle à jouer: d’une part en veillant à ce que les familles reçoivent
l’aide dont elles ont besoin et bénéficient des outils nécessaires
et, d’autre part, en protégeant les enfants de toute forme
d’exploitation et d’abus.
Nous devons nous assurer que chaque enfant connaît le meilleur
départ qui soit dans la vie, que tous les enfants du Canada sont en
état d’apprentissage au moment d’entrer à l’école, et que nous
veillons sur leur santé, que nous assurons leur bonheur, et que nous
protégeons leur liberté de se développer sans crainte, mentalement
et physiquement. Telles sont les assises du développement global de
la jeune enfance.
Et voilà l’objectif. Il existe toutefois d’importantes étapes que
l’on peut franchir aujourd’hui même, et qui sont le prix initial à
payer en vue d’un engagement durable.
En premier lieu, en collaboration avec les provinces et territoires,
le gouvernement fédéral accélérera l’exécution des projets découlant
du Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes
enfants, ce qui implique un meilleur accès à la garde, et ce, plus
rapidement.
En deuxième lieu, pour aider les collectivités à recenser les
enfants à risque sur le plan de la capacité d’apprentissage, le
gouvernement étendra son fructueux projet pilote communautaire,
Comprendre la petite enfance, à au moins une centaine de
collectivités. Celles-ci, dûment formées et dotées des outils
nécessaires, peuvent elles-mêmes faire beaucoup pour leurs enfants.
En troisième lieu, le gouvernement fera davantage pour garantir la
sécurité des enfants, d’une part en établissant une stratégie visant
à enrayer l’exploitation sexuelle dans l’Internet, et d’autre part
en présentant à nouveau le projet de loi relatif à la protection
juvénile.
Donner leurs chances aux Canadiens handicapés
De nombreux Canadiens et Canadiennes handicapés sont prêts à
participer à la vie du pays mais éprouvent des difficultés sur le
marché du travail et au sein de leurs propres collectivités. Trop
souvent, les familles sont laissées à elles-mêmes quand il s’agit
d’assurer la garde d’un parent gravement handicapé. Ici aussi le
gouvernement du Canada a un rôle à jouer.
Nous voulons d’un Canada où les citoyens et citoyennes souffrant
d’un handicap ont la chance de contribuer à la prospérité du pays et
d’en bénéficier, qu’ils soient étudiants, travailleurs, bénévoles ou
membres d’une famille.
Le Canada ne peut se permettre de voir gaspiller les talents des
personnes handicapées; il ne peut tourner le dos à ceux et à celles
qui fournissent des soins à des membres de leurs familles gravement
handicapés, et qui leur permettent de vivre dignement.
En faveur des personnes handicapées, et de concert avec les
provinces et territoires, le gouvernement s’emploiera d’abord à
combler les lacunes en matière d’éducation, de perfectionnement des
compétences et de soutien approprié au lieu de travail, de même que
le manque de locaux adaptés.
Le gouvernement donnera l’exemple en encourageant l’embauche, la
préparation adéquate des lieux et le maintien des Canadiens
handicapés au sein du gouvernement du Canada, le plus important
employeur au pays, ainsi que dans les secteurs assujettis à la
réglementation fédérale.
De même, le gouvernement entend rendre le régime fiscal plus
équitable pour les personnes handicapées et pour les familles qui
les soutiennent, en se fondant sur les conclusions du Comité
consultatif sur les mesures fiscales. Celui-ci lui remettra son
rapport l’automne prochain et le gouvernement mettra en œuvre des
mesures immédiates dans des secteurs jugés prioritaires.
Les Canadiens et Canadiennes autochtones
Les Autochtones du Canada n’ont pas eu l’occasion de partager
pleinement la prospérité de notre pays. Bien que certains progrès
aient été accomplis, les conditions de vie dans beaucoup trop de
communautés autochtones ne peuvent être qualifiées que de honteuses.
Une telle situation fait outrage à nos valeurs. Il est dans notre
intérêt collectif de prendre ici un virage. Et nous devons le faire
aujourd’hui.
Notre objectif est de voir les enfants autochtones profiter d’un
meilleur départ dans la vie, ce qui constitue l’assise de progrès
ultérieurs dans l’acquisition des connaissances et des compétences
nécessaires à leur réussite.
Notre objectif est de voir les débouchés économiques prendre corps,
tant pour les Autochtones que pour leurs communautés.
Nous voulons voir les Canadiens et Canadiennes autochtones
participer pleinement à la vie nationale sur la base de leurs droits
et des traités historiques, grâce à une plus grande autonomie
économique et à une meilleure qualité de vie.
Le gouvernement du Canada collaborera avec les Premières Nations
pour rehausser la gouvernance au sein de leurs communautés, et
assurer une plus grande transparence et une responsabilisation
accrue; en effet, ce sont là les prémisses de l’autonomie
gouvernementale et du développement économique. Le leadership
autochtone s’est engagé sur ce plan, et des progrès rapides sont
essentiels.
Afin d’appuyer les capacités de gouvernance au sein des communautés
autochtones et pour enrichir le dialogue à cet égard, le
gouvernement, de concert avec les Premières Nations, établira un
centre indépendant sur le gouvernement des Premières Nations.
De plus, le gouvernement accordera une importance accrue à
l’éducation et au perfectionnement des compétences, car c’est là une
condition essentielle pour assurer aux individus des perspectives
d’avenir et leur pleine participation. En vue d’atteindre cet
objectif, le gouvernement, en collaboration avec les provinces et
territoires et avec les partenaires autochtones, élaborera une
nouvelle stratégie de développement des ressources humaines
autochtones.
Il arrive trop souvent que les besoins des Autochtones vivant à
l’extérieur des réserves fassent l’objet de disputes juridiques.
Nous ne pouvons reculer devant ces problèmes. Le gouvernement du
Canada cherchera des solutions pratiques en collaboration avec ses
partenaires afin d’aider les Autochtones à faire face aux défis
particuliers qu’il leur faut relever. Dans ce but, le gouvernement,
de concert avec les provinces et les municipalités qui le désirent,
donnera plus d’ampleur à la Stratégie pour les Autochtones vivant en
milieu urbain, laquelle a eu jusqu’ici de bons résultats.
Le gouvernement enclenchera également des discussions avec les
autres ordres de gouvernement et avec les leaders des Métis sur la
place que ceux-ci doivent occuper dans ses politiques.
Enfin, le gouvernement adoptera une approche plus cohérente face à
la problématique autochtone. Pour y parvenir, il a créé un comité du
Cabinet chargé des affaires autochtones, sous la présidence du
Premier ministre, un poste de secrétaire parlementaire ainsi qu’un
secrétariat des affaires autochtones au sein du Bureau du Conseil
privé.
Des lieux où il fait bon vivre — Un nouveau pacte pour les
collectivités
Nos collectivités, nos villes, nos municipalités jouent un rôle
vital en ce qui touche nos objectifs sociaux et notre compétitivité
économique. Qu’elles soient grandes ou petites, rurales ou urbaines,
les collectivités canadiennes sont confrontées à de nouveaux défis
sans avoir, souvent, les moyens ni les outils nécessaires pour y
faire face.
Le Canada dépend de ces collectivités qui peuvent attirer les plus
grands talents et devenir concurrentielles en matière
d’investissements grâce à des centres dynamiques dans les secteurs
du commerce, de la formation et de la culture. Nous voulons des
collectivités qui offrent des logements abordables, des moyens de
transport efficaces, des soins de santé de qualité, d’excellentes
écoles, des quartiers sécuritaires et des espaces verts abondants.
Dans ce but, le gouvernement du Canada est déterminé à instaurer un
nouveau pacte à l’intention des municipalités canadiennes.
Ce nouveau pacte aura pour cible les infrastructures dont on a
besoin pour assurer une qualité de vie et une croissance durable.
Ce nouveau pacte permettra à nos collectivités d’être plus
dynamiques, d’étendre leur rayonnement culturel, d’être plus unies
et d’être partenaires du renforcement des assises sociales du
Canada.
Ce nouveau pacte procurera un financement fiable, prévisible et à
long terme.
Ainsi, le gouvernement collaborera avec les provinces en vue de
partager avec les municipalités une partie des recettes tirées de la
taxe sur l’essence ou d’arrêter d’autres mécanismes fiscaux qui
permettraient d’atteindre les mêmes fins.
Cela pourtant requiert du temps et l’accord des autres ordres de
gouvernement. Le gouvernement du Canada, quant à lui, est prêt et sa
participation initiale, dans le cadre de son propre champ de
compétence, consiste à rembourser pleinement à toutes les
municipalités la portion de la taxe sur les produits et services
qu’elles doivent actuellement payer.
Au cours de la prochaine décennie, cette mesure procurera aux
municipalités canadiennes un nouveau financement stable d’environ 7
milliards de dollars qui les aidera à respecter leurs priorités
majeures.
Le gouvernement s’appliquera sans tarder à l’affectation des fonds
prévus dans les programmes d’infrastructure actuels, afin que nos
partenaires puissent bien planifier leurs activités.
Dans l’ensemble, il s’agit d’investissements concrets et continus
dans le transport urbain, le logement à prix abordable, l’eau saine
et des routes en bon état. C’est ce que les municipalités
canadiennes ont demandé. Et c’est ce qu’a fait le gouvernement.
Les administrations municipales du Canada peuvent jouer un rôle
crucial en aidant le gouvernement à réaliser ses priorités
nationales, soit l’intégration des immigrants, l’amélioration des
perspectives d’avenir pour les Canadiens autochtones vivant en
milieu urbain, la lutte contre le sans-abrisme ainsi que les mesures
de protection civile et d’intervention. Le nouveau pacte donne aux
responsables municipaux une place véritable à la table où se
décidera le changement dans la vie nationale.
Le gouvernement prêtera concours aux collectivités afin qu’elles
puissent s’aider elles-mêmes.
L’un des meilleurs moyens d’y parvenir est d’emboîter le pas aux
personnes hors du commun qui appliquent leurs compétences
entrepreneuriales non pas dans le but de réaliser des profits, mais
plutôt afin d’améliorer les conditions sociales et environnementales
dans nos collectivités partout au Canada.
Ces nouvelles approches au développement communautaire, parfois
appelé l’économie sociale, suscitent de plus en plus de revirements
heureux dans la situation d’individus et de quartiers défavorisés :
des collectivités qui s’emploient à enrayer le sans-abrisme, à
combattre la pauvreté et à assainir l’environnement.
Le gouvernement du Canada veut apporter son soutien à ceux qui
participent à ce mouvement social entrepreneurial. Il améliorera
leur accès aux ressources et aux outils dont ils ont besoin. Il
cherchera à élargir, par exemple, la portée des programmes offerts
actuellement aux petites et moyennes entreprises, en étendant leur
rayon d’action pour inclure l’entrepreneuriat social.
Le secteur bénévole et les millions de bénévoles canadiens jouent un
rôle essentiel dans nos collectivités aux chapitres de la qualité de
vie, de l’équité et de la vitalité. Le gouvernement continuera de
faire avancer l’Initiative du secteur bénévole, de renforcer les
moyens dont disposent les organismes philanthropiques et caritatifs,
et de donner plus de poids à leurs opinions, y compris leurs moyens
d’expression, et de mobiliser les bénévoles.
Une autre caractéristique déterminante de nos collectivités et de
notre réputation à l’étranger consiste en la vitalité et en
l’excellence de notre vie culturelle. Les artistes et les
entreprises culturelles du Canada comptent parmi nos meilleurs
ambassadeurs; ils constituent en outre un élément de plus en plus
dynamique de l’économie du savoir. Leur travail est le miroir de
notre société et accroît l’héritage que nous léguerons aux
générations futures.
Le gouvernement travaillera avec les parlementaires à moderniser nos
politiques sur les arts et la culture ainsi que les institutions
culturelles fédérales; ainsi, elles sauront mettre à profit les
nouvelles possibilités technologiques qu’offre l’ère numérique tout
en reflétant la diversité régionale et le multiculturalisme du
Canada.
La dualité linguistique est au cœur de l’identité du pays. Elle nous
caractérise aux yeux du monde. Elle nous y ouvre des portes.
Le gouvernement veillera à valoriser cet atout dont bénéficie
l’ensemble des Canadiens. Il s’assurera que les groupes minoritaires
de langue officielle disposent des outils nécessaires afin que leurs
membres puissent pleinement contribuer à l’essor de notre société.
Bâtir une économie du XXIe siècle
Une économie vigoureuse, conçue pour s’épanouir au XXIe siècle, est
la condition préalable à la réalisation de nos aspirations en tant
que nation et en tant qu’individus.
Les objectifs sociaux et économiques d’un pays sont indissociables.
Une économie plus vigoureuse exige des assises sociales plus
solides. Et si nous voulons bâtir une société plus juste, plus
équitable, il nous faut une économie plus vigoureuse.
Où voulons-nous en être dans une dizaine d’années?
Nous voulons que le Canada soit un chef de file mondial dans le
développement et l’application des technologies d’avant-garde du
XXIe siècle, comme la biotechnologie, l’écotechnologie, les
technologies de l’information et des communications ainsi que celles
de la santé et la nanotechnologie. Nous voulons prendre les devants
dans l’application de ces capacités à tous les secteurs afin de
créer des entreprises concurrentielles sur le plan international,
des entreprises en démarrage aux multinationales. Nous voulons être
les
meneurs dans la création d’emplois de haute qualité qui répondront
aux aspirations des jeunes Canadiens et qui les retiendront dans ce
pays, œuvrant à l’édification d’un Canada encore meilleur.
Nous envisageons un Canada qui attire les capitaux et les
entrepreneurs du monde entier.
Un Canada où un nombre croissant de femmes entrepreneurs ont toutes
les chances de réussir et d’apporter une nouvelle perspective vitale
à notre économie.
Un Canada édifié sur les bases de l’innovation, doté de centres de
recherches universitaires de premier ordre, d’une réglementation
intelligente et de modes de financement novateurs, le tout s’alliant
pour faire de notre pays un chef mondial quant à la mise en marché
de concepts inédits.
Un Canada où toutes les régions, du nord au sud et de l’est à
l’ouest, récoltent les fruits d’une économie du XXIe siècle — sur
nos fermes, dans les secteurs forestier et minier et dans celui de
la pêche, de même que dans nos collectivités rurales, où les
communications modernes aident à éliminer les distances.
Cet objectif sera atteint grâce en grande partie aux efforts des
Canadiens eux-mêmes. Le gouvernement a néanmoins un rôle crucial à
jouer en tant qu’animateur.
Un cadre macroéconomique robuste est essentiel. Pour faire en sorte
que les gains chèrement acquis pendant la dernière décennie ne
soient jamais gaspillés, le gouvernement du Canada s’est engagé
irrévocablement à gérer prudemment les deniers publics, comme en
témoignent les budgets annuels équilibrés et la réduction régulière
de la dette en proportion de l’économie. Ce gouvernement n’acceptera
jamais de gonfler ses dépenses au point de sombrer dans le déficit.
Le Canada est une nation commerçante. Une économie du XXIe siècle se
doit d’être une économie ouverte sur le monde. Il faut que les
biens, les services, les capitaux et les connaissances des
Canadiens, et les Canadiens eux-mêmes, puissent atteindre les
marchés internationaux.
Les exportateurs et les investisseurs canadiens ont des occasions
plus nombreuses d’ajouter à notre relation extrêmement fructueuse
avec les États-Unis en nouant des liens économiques plus étroits
avec d’autres régions du monde. En particulier, on ciblera davantage
les nouveaux géants économiques que sont le Brésil, la Chine et
l’Inde.
L’apprentissage à vie
Le plus important investissement économique du Canada se fera dans
le capital humain.
L’objectif du gouvernement est de faire en sorte que le manque de
ressources financières n’empêche pas ceux et celles qui ont la
motivation et la capacité de le faire, de poursuivre des études et
de viser l’excellence, que leur but soit de se qualifier dans un
métier ou d’obtenir un diplôme collégial ou universitaire.
Dans la poursuite de cet objectif, le gouvernement du Canada de
concert avec les provinces et territoires, s’emploiera à moderniser
le Programme canadien de prêts aux étudiants pour aider ceux et
celles qui souhaitent étudier à surmonter les obstacles financiers à
l’éducation et à la formation postsecondaires. Il actualisera et
améliorera le système de subventions et de prêts. Cela permettra
d’élargir l’accès aux études des familles à faible et à moyen
revenu, et de leurs enfants, et de tenir compte de la hausse du coût
d’une éducation postsecondaire.
Le plafond des prêts sera relevé pour refléter l’augmentation du
coût des études.
La définition des dépenses admissibles sera élargie pour inclure des
biens indispensables comme les ordinateurs.
Le seuil du revenu familial sera augmenté pour améliorer l’accès des
familles de la classe moyenne qui ressentent les effets de la hausse
des coûts.
Des mesures seront prises pour améliorer les conditions de prêt
applicables aux étudiants à temps partiel.
La solution en ce qui concerne une plus grande accessibilité à
l’aide financière ne doit cependant pas se limiter à accorder des
prêts plus généreux, car l’augmentation du niveau d’endettement pose
ses propres limites tant psychologiques que financières.
Le gouvernement compte donc offrir aux étudiants à faible revenu qui
s’inscrivent en première année dans un établissement postsecondaire
une nouvelle bourse couvrant une partie des frais de scolarité.
Il faut aussi faire davantage pour encourager les familles à
économiser pour l’éducation des enfants, et ce, dès la petite
enfance. Le Régime enregistré d’épargne-études et la subvention qui
s’y rattache ont eu un effet stimulateur remarquable, mais la
participation des familles à faible revenu — souvent les personnes
qui en profiteraient le plus — n’a pas été, malheureusement, très
forte. Le gouvernement créera donc de nouveaux incitatifs afin
d’encourager davantage les familles à revenu modique à commencer à
investir, dès la naissance de leurs enfants, dans leur éducation à
long terme.
Pour relever les défis qui accompagnent la nouvelle économie, les
travailleurs canadiens doivent avoir la possibilité de perfectionner
leurs compétences, d’améliorer leurs aptitudes à lire et à écrire,
de poursuivre leur formation en milieu de travail et de s’engager
sur la voie de l’apprentissage à vie.
Le gouvernement va donc, de concert avec les conseils sectoriels,
les syndicats et les entreprises, parfaire et améliorer ses
programmes afin de favoriser le perfectionnement des compétences.
Il travaillera aussi avec les provinces pour actualiser ses
programmes axés sur le marché du travail, de manière à mieux
refléter la réalité du XXIe siècle, comme la croissance du travail
indépendant et le besoin du perfectionnement continu des
compétences.
Le gouvernement élargira également le bassin des talents et des
compétences du Canada en assurant une meilleure intégration des
nouveaux immigrants dans l’économie et dans les collectivités. Les
immigrants, qui ont contribué à bâtir le Canada dès le début de son
histoire, seront essentiels à notre prospérité future. Le
gouvernement fera sa part en vue d’accélérer la reconnaissance des
titres de compétence étrangers et des antécédents professionnels. Il
mettra aussi en œuvre des mesures visant à informer les candidats à
l’immigration et à les encourager à obtenir les titres de compétence
nécessaires avant qu’ils n’arrivent au Canada.
Science et technologie
Les entrepreneurs canadiens ont fait de grands progrès en édifiant
l’économie axée sur l’innovation et la technologie qu’il nous faut
pour réussir dans les années à venir. Le gouvernement du Canada a
aidé à jeter les fondements d’une réussite encore plus marquée en
effectuant des investissements très substantiels dans la recherche
fondamentale, soit 13milliards de dollars depuis1997.
Ces investissements assurent le flot continu de connaissances de
base et de personnes hautement qualifiées, duquel dépend notre
succès économique futur.
Maintenant, nous devons faire beaucoup plus pour garantir que nos
investissements dans le savoir se traduisent par des réussites
commerciales. Nous devons faire beaucoup plus pour nous assurer que
nos idées et nos innovations ne restent pas lettre morte et qu’elles
parviennent sur le marché.
Nos petites entreprises novatrices font face à deux obstacles
majeurs, l’accès à des fonds adéquats aux premières étapes et la
capacité de mener les activités de recherche et développement
nécessaires à la mise en marché de leurs idées et à une véritable
croissance.
Le gouvernement les aidera à surmonter ces obstacles en s’appuyant,
par exemple, sur les capacités de la Banque de développement du
Canada en matière de capital de risque.
Le gouvernement donnera accès à des capitaux pour favoriser la mise
en marché de la science dans des secteurs où nous pouvons prendre
notre place parmi les chefs de file mondiaux, que ce soit
l’environnement, la santé, la biotechnologie ou la nanotechnologie.
Il mettra aussi à profit l’expérience et l’étendue des services
offerts par le Conseil national de recherches du Canada afin d’aider
les petites entreprises à combler l’écart au chapitre de la mise en
marché, en leur assurant la capacité de recherche et l’expertise
qu’elles ne peuvent développer seules.
Pour mieux intégrer et cibler les efforts envisagés, le nouveau
conseiller national en sciences ralliera à nouveau les universités,
les collèges et les entreprises autour d’un programme scientifique
vraiment national.
Développement régional et rural
L’économie du XXIe siècle est prometteuse pour toutes les régions du
Canada. L’objectif du gouvernement est de faire en sorte que chacune
des régions ait l’occasion d’aller de l’avant, sur les plans social
et économique, dans un mouvement de progrès continu. Tout comme nous
partagerons les possibilités qui s’offrent à nous, nous mettrons en
commun la prospérité qui en découle.
Le gouvernement reste donc déterminé à soutenir le développement
économique par l’entremise des organismes régionaux, qui doivent
s’attacher à renforcer les actions d’une économie du XXIe siècle, en
se fondant sur les atouts de la population.
Le gouvernement mettra davantage l’accent sur les possibilités
d’accroître la valeur des ressources naturelles par l’application
d’une technologie et d’un savoir-faire avancés, de développer les
ressources énergétiques du pays dans le but de jouer un rôle de
premier plan dans la gestion de l’environnement, et de maximiser le
potentiel de nos vastes zones côtières et marines au moyen d’un
nouveau plan d’action pour nos océans.
Le gouvernement élaborera une stratégie axée sur le Nord, pour
s’assurer que le développement économique lié à l’énergie et aux
mines se réalise en partenariat avec les Canadiens et Canadiennes de
cette région, en se fondant sur la gestion de nos écosystèmes
nordiques les plus fragiles.
Le gouvernement est déterminé à promouvoir l’économie agricole, à
prendre les mesures nécessaires pour protéger l’accès aux marchés
internationaux, et à faire en sorte que les agriculteurs ne soient
pas laissés à eux-mêmes dans des circonstances qui ne relèvent pas
de leur contrôle. Le gouvernement est également déterminé à stimuler
un secteur agricole avancé sur le plan technologique, grâce à un
réseau de transport et à une infrastructure de science appliquée qui
renforcent la compétitivité des agriculteurs canadiens et la
salubrité de notre alimentation, lesquelles n’auront pas leurs
pareilles sur les marchés mondiaux.
Le développement durable
La protection de notre environnement naturel, maintenant et pour les
générations futures, constitue l’une des grandes responsabilités qui
incombent aux citoyens et aux gouvernements en ce XXIe siècle.
L’éclosion de la population mondiale et les impératifs du
développement économique, qui ne se limitent plus à un petit nombre
de pays riches, font du développement durable un défi d’envergure
nationale et planétaire.
Les Canadiens, intendants de vastes espaces et de ressources
abondantes, ont un sens aigu de la responsabilité quand il s’agit
d’aider les autres populations du monde à relever le défi
environnemental.
Ce faisant, nos concitoyens montrent comment tourner ce défi à leur
avantage, en faisant preuve de leadership dans le domaine des
technologies vertes et en adoptant des moyens de transport et des
maisons éco-énergétiques ainsi que des procédés industriels non
polluants. Toutes ces pratiques favoriseront l’innovation, les
nouveaux débouchés et des collectivités plus saines.
C’est cet esprit qui animera l’approche du Canada au changement
climatique.
Freiner les incidences de plus en plus néfastes de l’activité
humaine sur le climat constitue un projet d’envergure planétaire qui
s’étalera sur des dizaines d’années.
Le gouvernement du Canada respectera les engagements qu’il a pris en
signant l’accord de Kyoto relatif au changement climatique, selon
une stratégie qui donne des résultats de longue durée tout en
soutenant une économie forte et prospère. À cette fin, il élaborera
un plan national équitable de concert avec les administrations
provinciales et territoriales ainsi que d’autres intervenants.
Nous nous sommes engagés dans cette voie, et nous persisterons. En
fait, nous irons au-delà du protocole de Kyoto. Nous renforcerons
notre gestion de l’environnement.
Premièrement, le gouvernement commencera par mettre de l’ordre dans
ses propres affaires. Il lancera un programme de 3,5 milliards de
dollars, étalé sur dix ans, pour nettoyer les sites contaminés qui
relèvent de sa compétence. Le gouvernement du Canada complétera ce
programme par des travaux de 500 millions de dollars, d’une durée
comparable, faisant ainsi sa part pour aider à restaurer certains
autres sites, notamment les étangs bitumineux de Sydney.
Deuxièmement, le gouvernement intensifiera ses efforts en ce qui
concerne l’air pur et l’eau saine. Nous entamerons des discussions
avec les États-Unis sur les questions transfrontalières et, avec les
provinces, sur l’instauration de lignes directrices plus rigoureuses
relativement à la qualité de l’air et de l’eau. Par ailleurs, nous
engagerons les ressources requises pour assurer l’approvisionnement
en eau potable des communautés des Premières Nations.
Troisièmement, faisant fond sur les recommandations de la Table
ronde sur l’environnement et l’économie, le gouvernement inclura
dans son processus décisionnel des indicateurs clés relatifs à l’eau
saine, à l’air pur et à la réduction des émissions.
Quatrièmement, le gouvernement augmentera les ressources destinées à
appuyer les technologies environnementales novatrices et stimulera
davantage leur mise en marché.
Enfin, cinquièmement, nous inviterons les Canadiens et les
Canadiennes à participer directement au processus : «le défi d’une
tonne» entend ainsi sensibiliser la population et la renseigner en
montrant comment les choix des consommateurs contribuent aux
émissions qui sont à l’origine du changement climatique. L’objectif,
ou le défi, consiste à réduire les émissions de mille kilogrammes
par personne, par année — puisque la gestion de l’environnement est
l’affaire de tous.
Le Canada et le monde
Les Canadiens sont bien placés pour tirer profit des nouvelles
réalités mondiales : l’ouverture au monde, l’acceptation de
l’interdépendance des nations et la conscience de nos
responsabilités planétaires.
Les Canadiens veulent que leur pays joue un rôle à la fois pertinent
et indépendant dans les efforts internationaux visant à accroître la
sécurité, la paix, la collaboration et l’ouverture. Ils désirent que
le Canada retrouve sa fierté et son influence dans le monde.
Dans quel monde aspirons-nous à vivre dans dix ans?
Nous voulons que les avantages de l’interdépendance mondiale se
fassent ressentir d’une manière plus équitable sur la planète.
Nous voulons que les pays s’entendent sur de nouvelles règles qui
s’appliqueront aux interventions internationales lorsqu’un
gouvernement manque de protéger ses propres citoyens de la tyrannie
et de l’oppression.
Nous voulons des institutions multilatérales qui fonctionnent bien.
Aucun pays ne peut assumer à lui seul la gestion des conséquences de
l’interdépendance planétaire.
Nous voulons une collaboration accrue de tous les pays afin de
garantir que les politiques économiques s’accompagneront de
programmes sociaux plus vigoureux pour combattre la famine, la
pauvreté et la maladie, et pour aider à hausser le niveau de vie
dans les pays en développement.
Le Canada peut contribuer à l’atteinte de ces objectifs.
Nous pouvons jouer un rôle particulier fondé sur nos valeurs: la
primauté du droit, la liberté, la démocratie, l’égalité des chances
et l’impartialité. Comme certains l’ont dit, le monde a besoin
d’autres pays comme le Canada.
Le Canada peut aider à changer les choses, il peut faire bien plus
que sa part. Il nous faut mieux travailler, et travailler plus
intelligemment dans les domaines de la diplomatie, du développement,
de la défense et du commerce international. Tous ces secteurs sont
désormais profondément interdépendants et leur incidence ne cesse de
croître dans la vie quotidienne des Canadiens.
Pour nous guider dans le bon chemin, le gouvernement a entamé une
étude intégrée de ses politiques internationales, la première depuis
une décennie marquée par le changement.
L’étude se terminera l’automne prochain et les résultats seront
ensuite soumis à l’examen d’un comité parlementaire. Les Canadiens
auront alors l’occasion d’exprimer leurs propres points de vue.
Certains éléments cependant ne sauraient attendre d’être passés en
revue, soit en raison de l’urgence de la situation, soit parce que
la voie à suivre est bien évidente.
Un impératif moral nous oblige à déployer tous nos efforts afin que
des millions de personnes souffrant de maladies infectieuses
mortelles, par exemple le VIH/sida, dans les pays les plus pauvres
de l’Afrique en particulier, puissent se procurer plus facilement un
traitement médical. Le gouvernement du Canada poursuivra la démarche
législative entamée en vue d’autoriser l’envoi de médicaments
génériques dans les pays en développement.
L’obligation du Canada ne se limite pas à ces efforts. Nous sommes
un pays riche sur le plan du savoir. Nous devons utiliser plus
souvent nos recherches et notre science pour aider les pays en
développement à résoudre leurs problèmes les plus urgents.
Le gouvernement du Canada continuera de jouer un rôle de chef de
file dans la création d’un nouvel instrument international portant
sur la diversité culturelle, de participer activement à la
Francophonie, et de promouvoir et de diffuser nos œuvres et produits
culturels à travers le monde.
En 2010, le monde aura les yeux braqués sur le Canada quand
Vancouver et Whistler accueilleront les Jeux olympiques d’hiver. Ce
sera une occasion d’inspirer fierté et réussite chez l’ensemble de
la population, et de renforcer la participation des Canadiens aux
activités sportives, aux niveaux les plus élevés comme au sein des
collectivités.
Compte tenu de nos objectifs en matière de politique étrangère, nous
devons nous doter de moyens efficaces pour pouvoir apporter une
contribution militaire aux efforts collectifs visant à protéger la
paix et la sécurité internationales. Nos militaires, hommes et
femmes, risquent leur vie pour notre salut lorsqu’ils prennent part
aux opérations qui se déroulent à l’étranger. Le tragique incident
survenu la semaine passée en est un rappel. La population canadienne
tout entière soutient nos militaires et leurs familles. Nous devons
absolument leur fournir le matériel et la formation nécessaires pour
accomplir leur tâche.
C’est dans cette perspective que le gouvernement fera des
investissements immédiats pour acquérir des biens d’équipement
importants, tels que des nouveaux véhicules blindés et des
hélicoptères pour remplacer les Sea King.
Un gouvernement n’a pas de rôle plus fondamental que la protection
de ses citoyens.
C’est pourquoi le gouvernement a déjà créé le ministère de la
Sécurité publique et de la Protection civile et nommé un conseiller
en matière de sécurité nationale auprès du Premier ministre. Il a
aussi mis sur pied le Comité du Cabinet de la sécurité publique, de
la santé publique et de la protection civile, ainsi que la nouvelle
Agence des services frontaliers du Canada.
Devant la responsabilité qui lui incombe de répondre aux nouvelles
menaces telles que le terrorisme autre que d’État, et d’assurer une
gestion efficace des situations d’urgence, le gouvernement
formulera, de concert avec ses partenaires canadiens, la première
politique du Canada en matière de sécurité nationale. Cette
politique énoncera publiquement les principes qui guideront les
actions gouvernementales et servira de schéma directeur pour assurer
la protection effective de notre pays tout en renforçant le
caractère ouvert de notre société.
Outre le territoire commun de l’Amérique du Nord et en plus des
échanges commerciaux et des mouvements d’investissement très
fructueux — il s’agit de la relation économique bilatérale la plus
importante du monde — le Canada et les États-Unis sont aussi unis
par des liens amicaux et familiaux, par les mêmes valeurs
démocratiques ainsi que par des intérêts et des responsabilités
partagés.
Le gouvernement est par conséquent déterminé à suivre une approche
nouvelle, plus avisée, pour entretenir cette relation toute
particulière.
Afin d’assurer que la frontière demeure ouverte et praticable, étant
donné la circulation intense des personnes, des marchandises et des
services entre nos deux économies, nous devons tenir compte des
préoccupations de chacun de nos pays en matière de sécurité.
Pour faire fond sur le succès qu’a connu l’initiative de la
«frontière intelligente», le gouvernement engagera des discussions
avec les États-Unis pour renforcer davantage la sécurité en Amérique
du Nord tout en facilitant la circulation commerciale et
touristique. Dans les principaux corridors commerciaux, il
concentrera ses efforts sur les investissements dans
l’infrastructure afin de faciliter le commerce toujours croissant
entre nos deux pays.
Conclusion
Le Canada et les Canadiens sont en position de confiance pour
réussir dans leurs entreprises au cours des années qui viennent.
Nous sommes partis à pas mesurés, à la hauteur de nos moyens. Notre
programme est ambitieux, car nous sommes un pays ambitieux.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Vous serez appelés à voter les crédits nécessaires pour financer les
services et les dépenses approuvés par le Parlement.
Honorables Sénateurs et Sénatrices,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Puisse la Divine Providence vous guider dans l’accomplissement de
vos devoirs et l’exercice de vos responsabilités.
Version imprimable
[Martin=20040301]
[lieu=usa]
[nations-unies]
C’est avec beaucoup de plaisir que le coprésident Zedillo et
moi-même vous présentons, au nom des autres membres de la Commission
– Monsieur le secrétaire général – le Rapport de la Commission sur
le secteur privé et le développement.
Il s’intitule Libérer l’entreprenariat : mettre le monde des
affaires au service des pauvres.
Car c’est bien l’objectif que nous espérons atteindre, à savoir
déterminer les pratiques exemplaires, les réformes de base et les
politiques intérieures ainsi que les partenariats nationaux et
internationaux qui libéreront l’entreprenariat dans les pays en
développement.
Nous mettons l’accent sur le potentiel inexploité des petites
entreprises locales et des micro-entreprises informelles mises sur
pied dans les villages de contribuer au développement économique
intérieur.
Voilà les principaux acteurs dans les efforts de développement.
Les employeurs locaux, mus par l’énergie et l’innovation ainsi que
par les rêves d’un seul individu, d’une seule famille ou d’une
simple petite entreprise partie de rien.
Tous se taillent un créneau en créant des emplois dans les
collectivités locales, en versant des salaires et à répondant à la
demande locale.
Tous ont le potentiel nécessaire afin de croître, de nouer des liens
avec d’autres entreprises, petites et grandes, et de faire prospérer
l’économie nationale à mesure qu’ils conquièrent de nouveaux
marchés.
Il s’agit d’un nouveau pilier du développement. La libération de
l’entreprise privée locale – appuyée par des institutions
démocratiques nationales solides.
Le Rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la
mondialisation, rendu public la semaine dernière à Londres, nous
montre que des idées nouvelles émergent de diverses sources qui nous
permettront d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le
développement.
Nous croyons que notre rapport répond à cet appel.
Nous sommes d’avis qu’il complète également les objectifs du Pacte
mondial lancé par le Secrétaire général relativement à la recherche
de nouveaux partenariats avec les grandes entreprises
multinationales.
Pendant trop longtemps, les spécialistes en matière de développement
ont négligé ou minimisé le rôle de l’entrepreneuriat dans la
croissance économique, la création d’emplois et l’accroissement de
la productivité.
Les gouvernements qui souhaitent aider leurs populations à sortir du
marasme chronique de la pauvreté doivent miser sur les conditions
qui permettront aux entrepreneurs locaux de réussir.
Mais pour que les entrepreneurs réussissent et qu’ils fournissent
les emplois et les salaires essentiels à l’édification d’une société
plus équitable et prospère – pour que leurs entreprises s’enracinent
et s’épanouissent – il faut des partenariats.
Des partenariats à l’échelle nationale et internationale – des
partenariats intersectoriels – mettant à contribution les petites
entreprises et les micro-entrepreneurs, les institutions de
développement multilatérales, la société civile et les grandes
sociétés privées.
C’est ici où la communauté internationale peut intervenir.
À titre de facilitateurs et de catalyseurs, nous pouvons contribuer
à l’expansion des marchés, créer de nouvelles possibilités
d’affaires, fournir une expertise et promouvoir la réforme de la
réglementation.
Et ce, dans l’optique de favoriser un secteur privé concurrentiel
qui se mobilise activement et qui apporte directement des bienfaits
aux pauvres.
Afin de réduire la pauvreté et de renouveler le respect de soi, la
dignité et la prise en charge de soi.
Grâce à de nouvelles idées, à des pratiques exemplaires et à des
approches novatrices – dont un grand nombre sont décrites dans le
rapport – nous pouvons stimuler des réflexions nouvelles et, plus
important encore, des actions nouvelles chez tous ceux qui ont un
rôle à jouer dans le développement – qu’ils appartiennent au secteur
public, au secteur privé, aux organismes internationaux ou à la
société civile.
Permettez-moi de formuler quelques observations qui découlent du
rapport.
En premier lieu. Aucune solution en matière de croissance
économique, ni aucun modèle ne convient à tous les pays ou à toutes
les situations. Chacun présente un contexte économique et culturel
particulier.
Néanmoins, bien des pays en développement ont en commun l’esprit
d’entreprise. Il s’agit d’un réflexe solide au niveau local. On voit
cet esprit d’entreprise à l’œuvre dans la plus petite ville du pays
le jour du marché.
Sans aucun doute cet esprit existe.
Il se manifeste chez les agriculteurs dans leur champ, qui apportent
leurs biens au marché. Chez les femmes qui créent leurs propres
mini-entreprises parce qu’il s’agit de la seule possibilité qu’elles
ont de trouver un emploi et un gagne-pain.
Ils représentent tous des sources potentielles considérables de
création de la croissance et du développement économiques pourvu
qu’ils aient la chance et la possibilité de concrétiser leurs rêves.
Nous pouvons leur donner cette possibilité. En repérant les
obstacles et en travaillant de concert à leur élimination.
En deuxième lieu. Il y a la gouvernance.
Les entreprises privées locales ont besoin de prévisibilité; elles
doivent être assurées d’être traitées de façon équitable et de
bénéficier de règles du jeu uniformes.
Elles comptent sur la primauté du droit et sur un régime de
réglementation qui vise à favoriser, et non à étouffer, l’esprit
d’entreprise.
Sans ces réformes, le plein potentiel des petites et moyennes
entreprises sera amoindri, et les efforts que nous déployons pour
encourager les entreprises informelles à se joindre au secteur
officiel de l’économie seront réduits à néant.
En troisième lieu.
Si nous, des pays développés, appuyons l’acquisition du savoir et le
perfectionnement des compétences dans nos propres économies en les
considérant comme cruciaux, n’est-il pas logique et correct que nous
aidions à accorder les mêmes avantages aux entrepreneurs dans les
pays en développement?
N’oublions pas que les pays développés sont riches parce qu’ils ont
tiré parti de l’énergie et de la vision de leurs entrepreneurs. Si
cette recette a fonctionné pour bon nombre d’entre nous, elle
donnera aussi des résultats dans les pays en développement.
En quatrième lieu.
Les sociétés multinationales qui ont des succursales dans les pays
en développement peuvent jouer un rôle important dans la croissance
des entreprises locales en les aidant par leurs connaissances et
leur expertise au moyen du mentorat et de la formation.
Nous pouvons faire davantage en favorisant les liens entre les
sociétés multinationales et les petites et moyennes entreprises.
Finalement, qu’est-ce qui nous a motivé à rédiger ce rapport, et à
le faire aussi rapidement? D’où vient l’urgence? Pourquoi cet appel
à l’action?
Parce que le défi le plus urgent que nous devons relever au XXIe
siècle, c’est de mettre fin à la pauvreté. Atteindre sur le plan
humain les Objectifs du Millénaire pour le développement.
Le premier paragraphe de notre rapport en donne une explication
détaillée. Des chiffres que nous connaissons tous!
Malgré les progrès énormes accomplis au cours des 50 dernières
années, 1,2 milliard de personnes – le cinquième de la population du
globe – vivent avec moins d’un dollar par jour, sans avoir accès à
bon nombre des services sociaux essentiels à une vie décente.
Ce nombre est consternant!
Transposons ces chiffres en une image – et laissons aller notre
imagination. Imaginons des multitudes de personnes, de tous les
âges, de tous les groupes ethniques, représentant en une image toute
l’humanité, vivant dans une pauvreté abjecte.
C’est pourquoi il nous faut trouver de nouvelles réponses.
L’écrivaine chilienne Isabel Allende a dit : « Comment ne pas parler
de guerre, de pauvreté et d’inégalité lorsque des gens qui souffrent
de ces calamités n’ont pas voix au chapitre? »
Tel est le précepte moral à la base de l’aide aux pays en
développement. C’est pourquoi nous visons à libérer l’individu et à
mettre à profit les ambitions et les énergies des petites
entreprises qui existent pratiquement partout dans les pays en
développement.
C’est là, à notre avis, que réside l’espoir; c’est là où nous
pouvons commencer à faire reculer la pauvreté, à entendre ces voix
qui ne s’expriment pas aujourd’hui.
Plus qu’un tour de force en matière d’analyse, plus qu’une
collection de faits et de statistiques, ce rapport est un appel à
l’action.
Il ne faut mesurer sa contribution que par la mise en œuvre des
mesures qu’il a recommandées de prendre de toute urgence.
Monsieur le secrétaire général :
Au nom de tous les membres de la Commission, je tiens à remercier
l’équipe qui a apporté une contribution rapide, experte et
considérable à la production de ce rapport.
Nous avons bénéficié énormément de l’apport et de l’aide de nombre
de personnes et d’organismes, en particulier de Mark Malloch Brown
et des Nations Unies, dont nous vous remercions, Monsieur le
secrétaire général.
[Martin=20040308]
[lieu=ottawa]
[Notes pour Le très honorable Paul Martin à l’occasion de l’annonce de financement à l’échelle nationale de la Fondation canadienne pour l’innovation ]
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour partager
cette annonce importante.
Notre gouvernement s’est engagé à collaborer avec les Canadiens pour
bâtir une véritable économie du XXIe siècle, une économie qui
favorise l’esprit d’entreprise et qui veille à ce que tout le pays
en récolte les fruits.
Nous sommes également déterminés à renforcer nos assises sociales et
à garantir que tous les Canadiens sans exception jouiront de cette
prospérité.
Notre succès dans l’atteinte de ces objectifs repose de plus en plus
sur notre capacité collective, en tant que Canadiens, à innover.
Les idées et les découvertes constitueront la monnaie d’échange du
XXIe siècle. Et cette monnaie, elle doit être canadienne.
Les recherches effectuées aujourd’hui sont la source des emplois de
demain. C’est pour cette raison que nous devons investir de façon
substantielle, pour que le Canada soit le premier à transcender les
nouvelles frontières du savoir.
C’est ainsi que nous pourrons assurer une meilleure qualité de vie,
de bons emplois et de meilleurs salaires.
Et c’est pour ces raisons que l’annonce faite aujourd’hui est si
encourageante.
Le financement que vient tout juste d’annoncer M. Strangway
permettra d’aider nos instituts de recherche à demeurer des chefs de
file sur la scène internationale.
Non seulement ils disposeront de meilleurs outils, mais ils pourront
attirer et maintenir en poste des chercheurs de renommée mondiale.
Nous en avons fait du chemin depuis que la FCI a été créée.
Depuis 1997, le gouvernement du Canada a investi plus de 13
milliards $ dans la recherche, et grâce à ces investissements, le
Canada a pu mieux se positionner dans les rangs attribués par
l’OCDE.
Notre prochain défi : mettre à profit notre innovation. Ainsi, nous
pourrons résoudre l’équation fondamentale, c’est à dire que la
recherche et le développement ouvrent sur les marchés et la
commercialisation.
Nous avons deux objectifs : faire de la recherche au nom de la
recherche, et faire de la recherche dans le but de placer le Canada
en première ligne dans l’économie du XXIe siècle.
L’innovation est le moteur de nos vies.
De la découverte de la fusion du fer à la création des moteurs à
combustion interne, en passant par la fabrication des micropuces, il
est clair que les nouvelles technologies peuvent profondément
changer notre existence.
Les technologies façonnent le monde qui nous entoure, ainsi que la
perception de la place que nous occupons dans ce monde. Les percées
technologiques ont toujours été garantes de changements sociaux et
de développement humain.
Heureusement, le Canada est depuis toujours un pays d’inventeurs et
d’innovateurs. On peut dire que la contribution du Canada en matière
de science, d’ingénierie et de médecine est importante.
Et ce n’est pas fini.
Les 585,9 millions $ annoncés aujourd’hui qui seront investis dans
les infrastructures de recherche nous aideront à atteindre nos
objectifs.
Comment nous y prendrons nous?
Nous devrons créer un environnement de recherche fiable, actif à
l’échelle nationale, et trouver la façon et l’infrastructure
nécessaire pour y donner vie.
Nous devrons attirer – et maintenir en poste – des chercheurs
renommés.
Et nous devrons créer de nouveaux réseaux et partenariats nationaux
et internationaux.
Ces investissements aideront les universités, les hôpitaux
d’enseignement et les instituts de recherche, qu’ils se trouvent à
Terre-Neuve ou en Colombie-Britannique.
De plus, les diplômés et les membres de la collectivité de la
recherche pourront avoir accès à des programmes de formation
uniques. Ils n’auront pas à quitter le pays pour demeurer à la fine
pointe dans leur domaine.
Parallèlement, l’approche utilisée par la FCI permet d’accumuler des
fonds qui seront investis grâce à de nouveaux partenariats vraiment
novateurs entre les chercheurs, les entreprises et tous les ordres
de gouvernement, notamment les partenaires provinciaux.
Mesdames, Messieurs,
Si vous jetez un coup d’œil autour de vous, vous pourrez sentir
l’excitation que ses investissements créent.
Je félicite nos instituts de recherche, ainsi que les partenaires
provinciaux et du secteur privé, de s’être engagés à nous aider à
atteindre nos objectifs – et à aider le Canada à faire concurrence
aux chefs de file mondiaux.
Je félicité également tous les chefs de projet; sachez que votre
travail profitera à tous les Canadiens, et ce, pendant encore bien
des années.
J’aimerais conclure en remerciant M. Strangway.
L’extraordinaire leadership dont vous faites preuve, votre
engagement profond à l’égard de l’excellence, et votre contribution
en matière d’innovation au Canada ont contribué à établir les bases
solides sur lesquelles repose la FCI, et à lui garantir un avenir
prometteur.
Vous avez fait un travail remarquable, et nous vous en remercions.
Version imprimable
[Martin=20040309]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin – À l’occasion de la visite de son Excellence le Secrétaire général M. Kofi Annan ]
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de la Chambre,
Mesdames et messieurs,
J’ai le grand privilège de souhaiter la bienvenue au Parlement au
Secrétaire général des Nations Unies, monsieur Kofi Annan.
Votre Excellence, le Canada est peut être un jeune pays, mais nous
avons l’un des systèmes de gouvernement ininterrompus le plus ancien
au monde, et au cours de notre histoire, nous nous sommes montrés de
fervents démocrates.
Cette chambre magnifique, la Chambre des communes, est le moteur de
notre démocratie, et parfois… disons que c’est assez bruyant.
J’aimerais bien croire que le calme qui règne dans le moment, chose
rare, reflète le ferme soutien que les membres des deux côtés de la
Chambre accordent aux politiques du gouvernement, mais en vérité, je
soupçonne que ce calme rend surtout hommage à votre personne et à
l’institution remarquable que vous dirigez.
Les Canadiens ont été parmi les premiers partisans les plus loyaux
des Nations Unies, et ils le sont toujours. Cela ne devrait donc pas
surprendre de constater qu’un bon nombre d’entre eux contribue de
façon essentielle aux activités de l’ONU.
Permettez moi de vous présenter six de ces Canadiens ici présents
aujourd’hui.
Le lieutenant général Roméo Dallaire, défenseur compatissant et
éloquent de la responsabilité de protéger qui incombe à la
communauté internationale
Le major général Andrew Lewis, revenu dernièrement de l’Afghanistan,
où il était commandant adjoint de la Force internationale
d’assistance qui apporte de véritables changements là bas, qui aide
à reconstruire ce pays déchiré par la guerre
Stephen Lewis – l’envoyé spécial du Secrétaire général pour le
VIH/sida en Afrique
Maurice Strong – sous secrétaire général et conseiller spécial
auprès des Nations Unies
Un homme qui a beaucoup contribué à faire de l’environnement une
responsabilité à l’échelle mondiale.
Louise Fréchette, qui s’est distinguée pendant de nombreuses années
au service de la fonction publique du Canada et qui est aujourd’hui
Vice-secrétaire générale des Nations Unies.
Louise Arbour – juge à la Cour suprême du Canada, procureur en chef
du Tribunal pénal international à La Haye et bientôt Haut
commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
Votre Excellence, le Canada est un acteur international. Notre
sécurité, notre prospérité et notre environnement sont intimement
liés à ce qui se passe au delà de nos frontières.
Aucun pays n’est plus ouvert au monde que le Canada, et aucun pays
n’a autant intérêt à veiller au fonctionnement équitable et efficace
de nos institutions internationales.
Ceci est vital pour le Canada – c’est dans notre intérêt fondamental
que la communauté internationale soit guidée par la primauté du
droit et qu’elle soit tenue de s’y conformer.
Notre engagement mondial dépasse le simple intérêt propre au sens
étroit du terme.
C’est aussi une question de cœur, une croyance en la dignité de
chaque personne, et c’est dans leur bien-être qu’il faut trouver des
solutions équitables aux problèmes d’envergure internationale.
Notre engagement à l’égard du multilatéralisme est bien plus que
l’expression d’un simple vœu; c’est la reconnaissance du fait que le
destin du Canada en tant que nation libre exige l’équité à l’échelle
planétaire, l’intégrité, le courage et l’imagination.
Voilà les qualités dont le monde a besoin si nous voulons relever
les défis d’aujourd’hui et de demain.
Voilà aussi les qualités qui nous viennent spontanément à l’esprit
lorsque nous songeons à la vie et à la carrière de notre honorable
invité.
En 2001, le prix Nobel de la paix a été attribué aux Nations Unies
et à son Secrétaire général.
Et à juste titre, car Kofi Annan témoigne, dans sa personne, des
aspirations les plus nobles que nous nourrissons tous pour la
communauté des nations.
L’ONU a pu traverser les moments critiques de son histoire grâce à
la direction de secrétaires généraux sans pareils.
Il en est de même aujourd’hui, et sans aucun doute, Kofi Annan
mérite sa place auprès des grands dirigeants des Nations Unies.
Les temps sont difficiles à l’heure actuelle.
la menace du terrorisme;
l’écart grandissant entre les riches et les pauvres dans le monde;
le besoin de protéger notre patrimoine mondial des ravages de la
pollution et de l’exploitation insensée des ressources naturelles;
la responsabilité de protéger.
Tous des défis auxquels il faut faire face et qui exigent que les
nations se chargent de leurs responsabilités internationales et
qu’elles mettent, ensemble, l’épaule à la roue.
Au cœur de tout cela, il y a les Nations Unies. Si l’ONU ne
fonctionne pas, de plus en plus de personnes seront laissées pour
compte. Nos problèmes vont s’intensifier et des solutions durables
risquent de nous échapper.
Nous vivons dans un seul monde, où toutes nos destinées sont liées.
Kofi Annan, en paroles et en actions, a consacré toute sa vie à nous
rappeler cette vérité fondamentale.
Il a traité des dossiers les plus graves de notre temps, qu’il
s’agisse des guerres dans le Golfe ou dans les Balkans, du statut du
Timor Oriental ou des tentatives d’instaurer la paix au Moyen
Orient.
Votre Excellence, le Canada convient avec vous qu’il existe une
responsabilité collective de protéger toute personne contre les
menaces à leur sécurité.
Kofi Annan est une source d’inspiration dans la lutte visant à
mettre fin aux tragédies qui affligent le monde.
Par exemple, il a joué un rôle de direction crucial dans la création
du Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida et dans la campagne
visant à fournir des médicaments peu coûteux à ceux qui en ont
besoin dans les pays pauvres.
Le Canada a été à l’écoute. Nous sommes le premier pays membre de
l’OCDE à avoir déposé un projet de loi ayant pour objet l’envoi de
médicaments génériques à faible prix aux plus démunis parmi les
pauvres atteints du VIH/sida.
Je ne peux envisager une meilleure façon de commémorer la visite du
Secrétaire général au Parlement que de voir les honorables députés
et sénateurs de tous les partis s’unir pour adopter ce projet de loi
rapidement.
Il est temps de passer à l’action.
Dans ces domaines et dans tant d’autres, soit, par exemple, la
signature en septembre 2000 par les dirigeants de 147 pays de la
Déclaration du Millénaire qui énonce les objectifs en matière de
développement du XXIe siècle, Kofi Annan nous rappelle que les
grandes causes comme la guerre et la paix ne peuvent jamais être
séparées des droits de la personne et de la liberté individuelle.
Que Kofi Annan reste calme et résolu au sein de la tempête est
étonnant. Non seulement s’attaque t il aux crises dans le monde avec
une détermination et une imagination extraordinaires, il est tout
aussi direct dans ses appels au changement au sein même des Nations
Unies.
Cette grande institution n’est pas brisée, mais elle est mal en
point. Les nombreux problèmes auxquels nous faisons face ne peuvent
être facilement réglés par des modèles créés il y a 50 ans pour
gérer des situations bien différentes.
C’est pourquoi le Secrétaire général a mis sur pied un groupe de
haut niveau sur les menaces, les défis et les changements
nécessaires qui le conseillera quant à la façon de faire en sorte
que l’ONU soit en mesure de mener à bien ses tâches.
Il peut être assuré que le Canada se tiendra à ses côtés pour
veiller à ce que la réforme qu’il a entreprise aille de l’avant et
qu’elle s’implante. C’est le moins que nous puissions faire.
Il est bien trop facile de critiquer les Nations Unies, comme s’il
s’agissait d’une entité lointaine et abstraite. Ce n’est pas du tout
le cas. Les Nations Unies, c’est nous. Ceux qui sont responsables,
ce sont les 191 États qui en sont membres, et c’est nous qui devons
rendre les comptes tant en ce qui concerne ses échecs que de ses
réussites.
Le Canada a fait sa part et davantage au fil des ans,
que ce soit en déployant des efforts incessants aux chapitres des
droits de la personne,
dans le maintien de la paix ou dans d’autres domaines primordiaux.
Là où se manifestent la douleur et la souffrance, vous trouverez des
Canadiens et des Canadiennes issus de divers milieux en train
d’apporter leur aide. L’Afghanistan et Haïti ne sont que les
exemples les plus récents, où les Canadiens et les Canadiennes
membres de nos Forces armées défendent la cause de la démocratie
avec courage et compassion.
Votre Excellence, cette chambre est divisée par rapport à bien des
questions, et cela témoigne de notre esprit démocratique. Mais je
peux vous assurer que chaque personne ici présente rejoint ses
collègues dans l’admiration que nous vouons au travail que vous
accomplissez.
Nous sommes tous unis par le même engagement profond à l’égard du
multilatéralisme et du maintien de la santé et de la vitalité des
Nations Unies.
Monsieur le Président, j’aimerais vous présenter le Secrétaire
général des Nations Unies, Monsieur Kofi Annan.
[Martin=20040330]
[lieu=ont]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire du métro de la Commission des transports de Toronto (TTC)]
Je suis très heureux d’être à Toronto à l’occasion de cet événement
charnière.
Il y a cinquante ans, le maire Lamport et le Premier ministre Frost
baissaient
ensemble la manette qui donnait le feu vert au métro. C’est ainsi
qu’a été inauguré le premier métro du Canada. Mais saviez vous – moi
je ne le savais pas – qu’on avait composé une chanson en son
honneur? Toronto Subway Song a été enregistrée en 1950.
Je ne vous la chanterai pas – mais en voici un extrait : « Oui, nous
aurons un métro à Toronto; il faut ramener le travailleur chez lui
aussitôt… ».
Disons que ça ne remportera pas un prix Juno, et il faudrait mettre
les paroles à jour. Car ce n’est plus seulement le travailleur qui
veut rentrer à la maison rapidement, c’est aussi la travailleuse. Et
encore, aujourd’hui, c’est la famille qui travaille; ce sont les
enfants qui reviennent de l’école, de leurs cours de musique; ce
sont les gens qui reviennent d’un événement sportif; les amis qui se
rendent visite; ce sont les courses chez l’épicier qu’il faut faire.
Un métro comme celui de Toronto est essentiel – non seulement pour
les travailleurs, mais pour le 80 % de la population canadienne qui
vit aujourd’hui dans des villes.
Jane Jacobs – cette vénérable Torontoise et philosophe des villes –
a dit : « Les villes qui sont vitales ont d’extraordinaires
capacités innées de comprendre, de communiquer, d’inventer et de
trouver les moyens de faire ce qu’il faut pour résoudre leurs
difficultés ».
La qualité de vie que nous voulons s’exprime également par un réseau
de transports efficace et durable sur le plan de l’environnement.
Par la façon dont nous vivons individuellement; la façon dont nous
vivons ensemble.
Pour certains, la qualité de vie s’associe davantage à la santé, à
de bons restaurants, à un milieu artistique et culturel d’avant
garde et créatif. La qualité de vie est aussi liée de près aux
transports – aux possibilités de se déplacer.
Mais certains modes de transport comportent des coûts. Des coûts qui
se répercutent sur notre qualité de vie. La pollution atmosphérique,
les dommages causés à l’environnement, les interminables bandes de
béton qui traversent les espaces verts et les attraits naturels de
la ville.
Si nous ne sommes pas prudents, si notre comportement reste le même,
nous vivrons bientôt entourés de trop de béton et de pas assez
d’arbres; nos vies seront remplies de trop d’heures passées dans la
circulation – et de trop peu de temps passé à la maison avec nos
proches.
Voilà pourquoi il faut faire des transports en commun beaucoup plus
qu’un simple choix parmi d’autres – les transports publics doivent
s’imposer. Ils doivent devenir un premier choix.
Aujourd’hui, je suis heureux d’annoncer que le gouvernement du
Canada, de concert avec le gouvernement de l’Ontario et la Ville de
Toronto, a pris un ensemble de mesures d’une valeur de 1 milliard $
qui permettront de renouveler la Commission des transports de
Toronto et les transports en commun dans cette ville. Dans le cadre
du Fonds canadien sur l’infrastructure stratégique, le gouvernement
du Canada contribuera 350 millions $ sur les cinq prochaines années.
Cet investissement fait en collaboration servira à moderniser le
métro et à améliorer ses stations. Il prolongera la vie des
véhicules légers sur rail. Il permettra l’achat de nouveaux trains
de métro et d’autobus non polluants, ou propulsés par une forme
d’énergie hybride ou alternative. Le réseau d’autobus express sera
amélioré pour mieux servir les utilisateurs. Les améliorations
annoncées aujourd’hui permettront de réduire considérablement les
émissions de gaz à effet de serre au Canada et à minimiser les
polluants atmosphériques dans la ville.
Les statistiques sont très éloquentes à cet égard. La TTC transporte
1,3 millions de passagers tous les jours – tous des conducteurs
d’automobiles potentiels si le réseau de transports en commun
n’existait pas. Fait encore plus impressionnant : 1 ligne de métro à
Toronto permet d’éliminer 53 000 voitures de la route chaque heure.
La TTC représente l’équivalent annuel de 365 millions de voyages en
auto, et aide ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre
de plus de 8 mégatonnes par année. C’est un véritable système
cardio-vasculaire qui assure la vitalité de cette magnifique ville.
C’est ce qui propulse cette ville – et de façon durable – dans
l’avenir. La TTC fait battre le cœur économique, culturel et social
de Toronto.
On pourrait même dire que, sans la TTC, Toronto ne serait pas
devenue la ville de renommée internationale que nous connaissons
aujourd’hui. La contribution financière du gouvernement du Canada à
la revitalisation de la TTC permettra de mieux servir les Torontois
et d’améliorer leur qualité de vie.
Pour notre gouvernement, la qualité de vie dans nos villes est une
priorité. C’est pourquoi dans le discours du Trône, nous avons
annoncé un « nouveau pacte » avec les villes canadiennes, fondé sur
un partenariat avec les provinces et les territoires, et entièrement
respectueux de leurs champs de compétences.
Nous étions sérieux. Et la semaine dernière, le Budget a montré que
nous tenions parole. Il l’a montré avec le remboursement de la TPS
pour les collectivités, qui s’élèvera à des milliards de dollars au
cours des dix prochaines années. Il l’a montré avec des fonds pour
la formation linguistique offerte aux immigrants, avec l’aide aux
Autochtones vivant en milieu urbain, avec la décontamination des
sites fédéraux, avec le développement des technologies respectueuses
de l’environnement, et avec l’appui aux secteurs communautaires et à
but non lucratif.
Et aujourd’hui, nous le démontrons à nouveau par le financement des
infrastructures dans les collectivités.
Ce que le gouvernement du Canada, la province de l’Ontario et la
ville de Toronto ont accompli avec ces mesures illustre bien ce que
trois ordres de gouvernement peuvent réaliser ensemble – au service
de la population de la région du Grand Toronto et de l’Ontario.
C’est ce à quoi les citoyens s’attendent de notre part – de la part
de tous les dirigeants élus.
Permettez moi de féliciter tous ceux et celles qui se sont réunis
dans un esprit de collaboration afin de mettre sur pied cet
important projet pour les résidents de Toronto.
Cette grande ville ne mérite rien de moins. Et quelle belle façon de
le démontrer en ce 50e anniversaire.
Version imprimable
[Martin=20040414]
[lieu=NB]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à la BFC Gagetown (Nouveau-Brunswick)]
En tant que pays, nous entamons l’une des plus importantes décennies
dans notre histoire. Et en tant que Canadiens, nous aurons des
décisions importantes à prendre.
Aujourd’hui, dans le court laps de temps qui m’est alloué, je veux
vous parler de l’avenir de la défense du Canada dans un monde à la
fois complexe et changeant.
Et je veux aussi profiter de mon passage sur cette base historique
pour rappeler les grands exploits que nous commémorerons en juin.
Il y a 60 ans, les Canadiens travaillaient aux côtés de leurs alliés
britanniques et américains à planifier le débarquement en Normandie
et la libération de l’Europe. La liberté, la justice et la
démocratie étaient plus que jamais en péril tandis que la plus
grande armada jamais assemblée faisait route vers la côte de France
à la veille du jour J.
La feuille d’érable était certainement à l’honneur en ce 6 juin 1944
où des citoyens-soldats de toutes les régions du Canada – garçons de
ferme, commis de bureau, pêcheurs et étudiants – surgirent de leurs
embarcations sur la plage de Juno et entrèrent dans l’histoire. Nos
troupes avancèrent plus loin à l’intérieur des terres que toute
autre force alliée ce jour-là. Au crépuscule, l’ampleur de la
victoire initiale se révéla aux citoyens de toutes les parties du
Canada, et ils prirent conscience des sacrifices à venir.
Il est tout aussi important aujourd’hui que le Canada monte aux
créneaux – comme nous l’avons fait lors du débarquement en
Normandie. Liberté, justice et démocratie : ces valeurs qui ont
motivé l’action du Canada il y a 60 ans sont aussi essentielles
aujourd’hui qu’elles l’étaient hier.
Comme on l’a affirmé : « le monde a besoin de plus de pays comme le
Canada ». Je suis entièrement d’accord. Certes, le Canada ne peut
changer le monde à lui seul, mais il peut jouer un bien plus grand
rôle que ne le suggère son poids. Le besoin est indéniable, et
l’opportunité est là.
Étant donné son prestige à l’étranger et sa diversité culturelle, le
Canada est fort bien positionné pour assumer un rôle catalyseur dans
les dossiers contemporains de la sécurité planétaire. Qu’elles
répondent à des situations de crise, comme ce fut le cas
dernièrement en Haïti, ou qu’elles assument un rôle de direction
dans la mission de l’OTAN en Afghanistan, les Forces canadiennes ont
démontré que nous pouvons faire une contribution exemplaire.
C’est sur cette toile de fond que nous devons examiner le rôle de
l’Armée canadienne dans le XXIe siècle. Pendant la guerre froide,
les lignes de bataille étaient clairement tracées. Nous connaissions
notre adversaire et nous pouvions prédire où serait le front. Mais
la guerre froide est terminée depuis plus de dix ans. Et le 11
septembre a démontré très clairement que les menaces ne sont plus ni
simples ni prévisibles.
La véritable menace à notre sécurité au XXIe siècle provient des
cellules terroristes. Le front s’étend de nos jours des rues de
Kaboul aux voies ferrées de Madrid et aux centres urbains du Canada.
Notre adversaire peut mener ses activités autant dans les montagnes
de l’Afghanistan que dans les villes européennes ou à l’intérieur de
nos propres frontières.
Il n’y a pas de front intérieur. Le conflit n’est pas « là-bas ».
Notre conception de la sécurité et de la défense du Canada doit
tenir compte de cette réalité. Il ne suffira pas de moderniser nos
forces armées selon les anciens schémas. Pour la première fois en
dix ans, nous procédons à une étude des politiques internationales
qui nous aidera à définir clairement nos valeurs dans les domaines
de la politique étrangère, de la défense, de l’aide et du commerce.
L’examen, qui sera exhaustif, sera terminé d’ici la fin de l’année.
Nous veillerons à ce qu’il fasse correspondre nos objectifs et
capacités en matière de défense aux objectifs de notre politique
étrangère et que nous puissions continuer de remplir nos obligations
au chapitre de la défense et de la sécurité.
Le temps est venu de prendre des décisions et des mesures
stratégiques. Nous devons profiter de l’occasion pour rehausser le
rôle du Canada au sein de la communauté des nations. Qu’est que cela
signifie pour nos forces? Pour les Forces canadiennes, cela veut
dire respecter un certain nombre de principes.
Premièrement, cela implique que la politique de défense, de concert
avec la diplomatie et le développement, doit contribuer à protéger
nos intérêts et à projeter nos valeurs. Cela signifie en outre qu’il
faut procéder de façon stratégique et ordonnée, donc, se concentrer
sur ce que nous faisons de mieux et sur ce dont le monde a le plus
besoin.
Deuxièmement, nos forces doivent avoir l’entraînement et
l’équipement nécessaires pour remplir leurs missions à l’étranger,
qu’il s’agisse de missions de sécurité et de stabilité comme celles
de maintien et de consolidation de la paix, ou de missions d’aide en
cas de catastrophes et de protection civile.
Troisièmement, il faut que notre entraînement et notre équipement
soient modernes, pertinents et utilisables. Le remplacement de nos
chars par le système de canon mobile est un bon exemple du
changement opéré, le nouvel environnement stratégique exigeant qu’on
choisisse un équipement plus léger et plus mobile.
Quatrièmement, avec nos alliés, les Forces canadiennes doivent se
déployer rapidement là où l’on en a le plus besoin, que ce soit au
Canada ou à l’étranger.
Cinquièmement, nos forces doivent être capables de soutenir leurs
opérations où qu’elles soient et aussi longtemps qu’il le faut.
Et enfin, les Forces canadiennes doivent avoir les moyens
nécessaires pour évoluer en parallèle avec nos proches alliés et
partenaires, ainsi qu’à leurs côtés, dans toute une gamme de
missions à l’étranger. Et dans le cas de situations d’urgence
intérieures, elles doivent travailler étroitement avec d’autres
ministères et les premiers intervenants.
Pour résumer, notre objectif est de mettre sur pied des forces aptes
au combat, adaptées à leurs tâches, interopérables et rapidement
déployables. À quoi faut-il s’attarder dans l’examen mené?
Fondamentalement, nous devons nous assurer que nous sommes capables
de protéger les intérêts du Canada, tant au pays qu’à l’étranger.
Ces dernières années, nous avons pris un certain nombre de mesures
importantes afin de prévenir les attaques terroristes au Canada. En
ce moment même, nous nous préparons à donner au Canada sa première
politique de sécurité nationale. Cette politique visera en partie à
assurer la sécurité des Canadiens en temps de crise au pays. À cet
égard, la politique de sécurité nationale et la nouvelle politique
de défense seront étroitement liées.
Comme nous avons pu le constater lors des inondations au Manitoba,
de la tempête de verglas en Ontario et au Québec, des incendies de
forêts en Colombie-Britannique, et de l’après-ouragan en
Nouvelle-Écosse, les Canadiens comptent sur les Forces dans les
situations d’urgence.
Dans l’examen de la politique de défense, nous essayons donc de voir
comment les Forces canadiennes peuvent mieux aider les autorités
locales, provinciales et fédérales à assurer la sécurité intérieure
dans les domaines essentiels de la protection civile et de
l’intervention en cas de catastrophes naturelles.
À cet égard, la Force de réserve du Canada aura un rôle critique à
jouer. Le système de réserve ne donne pas sa pleine mesure. Tout
plan cohérent en vue de protéger nos intérêts devra faire de la
Réserve un acteur clé dans la protection des citoyens et de leurs
collectivités.
Le 11 septembre nous a a également appris que nous ne pouvons pas
protéger nos citoyens chez nous en veillant seulement à la défense
de la moitié nord de l’Amérique du Nord.
Nous devons être prêts à affronter nos adversaires n’importe où dans
le monde, en étroite collaboration avec nos alliés. Il ne fait aucun
doute qu’en aidant à porter la paix, la stabilité et la prospérité
dans des pays comme l’Afghanistan, nous contribuons grandement à
accroître la sécurité de la population canadienne sur notre
territoire.
Je suis donc heureux d’annoncer aujourd’hui que lorsque notre
engagement actuel prendra fin en août, le Canada enverra un escadron
de reconnaissance blindé comptant environ 600 soldats qui œuvrera au
sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en
Afghanistan. Cet escadron sera soutenu par quelque 200 membres de la
force aérienne.
Donc, grâce à nos véhicules Coyote – des véhicules qui sont à la
fine pointe de la technologie – le Canada offrira à la force
internationale de 34 pays présentement déployée à Kaboul une
importante capacité de reconnaissance et de surveillance.
Le rôle du Canada en Afghanistan illustre en tous points le nouveau
type d’opération que les Forces canadiennes seront appelées à mener.
Il s’agit d’une mission multilatérale, autorisée par les Nations
Unies, dirigée par l’OTAN, entreprise à l’invitation du gouvernement
afghan et destinée à redresser un État à la dérive afin de priver
les terroristes d’un terrain d’action.
Cette mission marie défense, diplomatie et développement. Ainsi, nos
militaires assurent la sécurité qui permet à des organismes comme
l’ACDI de favoriser la tenue d’élections et le développement
démocratique en Afghanistan.
Cette approche dite « 3-D », parce qu’elle intègre la diplomatie, la
défense et le développement, représente le modèle dont sera inspirée
l’intervention canadienne en cas de crise internationale. Par
exemple, le multilatéralisme est clairement la voie privilégiée pour
dénouer les crises internationales. Mais l’absence de consensus
planétaire ne doit en aucun cas nous condamner à l’inaction.
Beaucoup trop souvent par le passé, les pays ont refusé de prendre
la direction des opérations en temps de crise. Beaucoup trop souvent
aussi, ils ont eu le sentiment que ce n’était pas de leur ressort et
ils ont compté sur d’autres pour faire le boulot. Et beaucoup trop
souvent aussi, nous avons assisté aux conséquences tragiques de
l’incapacité de la communauté internationale de donner suite aux
principes mêmes de la Charte des Nations Unies.
Ainsi que le général Roméo Dallaire nous l’a enseigné, tous les pays
ont le devoir de veiller à ce que le génocide rwandais ne se
reproduise jamais plus. Nous devons prendre cette responsabilité à
cœur.
Le Canada doit militer activement en faveur de l’intervention pour
protéger la sécurité des populations menacées. Nous devons
poursuivre nos efforts en vue de renforcer nos institutions
multilatérales, en particulier les Nations Unies. Et surtout, nous
devons jouer un rôle de premier plan dans les réactions
internationales aux situations de crise.
Car, au bout du compte, nous ne pouvons pas nous contenter de
défendre nos idéaux par la parole. Nous devons les défendre par nos
actes. Et c’est là que des Forces canadiennes modernes et adaptées
sont absolument essentielles.
Enfin, en attendant le résultat de l’examen, nous ne restons pas les
bras croisés. Nous y allons d’initiatives pour améliorer vos outils
et vos conditions de travail.
Bien équiper nos troupes a été le grand objectif de notre
gouvernement. Ces derniers mois, il a agi promptement pour que cet
équipement si nécessaire parvienne là où il le faut – entre vos
mains.
Nous avons affecté 1,3 milliard de dollars à l’accélération de
l’acquisition de nouveaux aéronefs à voilure fixe pour les activités
de recherche et sauvetage. La capacité de la flotte s’en trouvera
sensiblement accrue et cela permettra aux Forces canadiennes
d’investir dans d’autres priorités.
Nous procédons aussi rapidement que possible à l’acquisition des
nouveaux hélicoptères maritimes pour les forces aériennes. Ce projet
de 3 milliards de dollars est l’un des tout premiers que le
gouvernement a mis en branle. Et nous attendons des propositions
d’ici quelques semaines.
Nous accélérons l’achat de systèmes de canon mobile pour l’Armée.
C’est précisément le type de moyens militaires dont les Forces
canadiennes ont besoin maintenant et pour l’avenir.
Demain, à London, le ministre de la Défense nationale fournira
d’autres détails sur cet achat de 700 millions de dollars. Enfin, je
suis heureux d’annoncer aujourd’hui que le gouvernement a approuvé
le projet d’acquérir trois nouveaux navires de soutien interarmées
pour la marine. Ce projet de 2,1 milliards de dollars améliorera
considérablement la capacité maritime du Canada, tant au pays qu’à
l’étranger.
Je tiens cependant à dire que cet investissement de 7 milliards de
dollars dans les Forces canadiennes depuis décembre vise uniquement
à faire en sorte que quand nous demandons aux hommes et aux femmes
des Forces canadiennes de s’exposer au danger, nous leur fournissons
le matériel dont ils ont besoin pour s’acquitter de leur mission
efficacement et en toute sécurité.
Les gens sont au cœur de tout ce que fait le gouvernement. Et à la
Défense, je sais que prendre soin de nos militaires est au centre de
sa mission. Nous devons veiller à ce que personne ne soit laissé
derrière. Dans cette veine, le gouvernement a apporté ces dernières
années de nombreuses améliorations à la qualité de vie, et je crois
que ces changements ont fait des Forces canadiennes un employeur
plus souple, davantage à l’écoute.
Plus jamais on ne dira aux militaires du rang que si l’on avait
voulu qu’ils aient une famille, on leur en aurait fourni une. Dans
cet esprit, nous vous avons annoncé dans le récent budget que les
militaires dont la mission en Afghanistan les expose au danger
n’auront plus à payer d’impôt sur le revenu. C’est certainement là
la moindre des choses quand on pense aux sacrifices que vous et vos
familles faites pour notre pays.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’annoncer que cet allégement fiscal
sera étendu aux membres des Forces canadiennes qui servent en Bosnie
et en Haïti. En fait, tous les déploiements outre-mer à risque élevé
ou moyen seront inclus. Vous n’aurez pas à payer d’impôt sur le
revenu pendant ces missions.
Pour conclure, comme je le disais au début de mon discours, le
Canada est arrivé à un point tournant de son histoire. La mise en
place d’un nouveau plan stratégique pour les Forces canadiennes
constitue un important moyen de faire en sorte que le Canada joue
dans le monde un rôle déterminant qui suscite chez nous un sentiment
de fierté.
Que ce soit en Afghanistan, en Bosnie, en Haïti ou chez nous au
Canada, nos militaires forment une force du bien, et sont prêts à
faire une contribution exemplaire.
Il n’en tient qu’à nous de les appuyer – de vous appuyer. Et il n’en
tient qu’à nous de réaliser le changement transformateur nécessaire
pour renforcer les Forces canadiennes et la place du Canada dans le
monde.
Merci de votre attention.
[Martin=20040416]
[lieu=ont]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin devant le Empire Club et le Canadian Club]
Il y a un siècle, un grand banquet avait lieu à quelques rues de la
colline du Parlement. C’était une autre époque.
Les murs étaient décorés du drapeau britannique. L’air était rempli
de fumée de cigare et de pipe. Les femmes dans l’assistance
portaient des gants blancs. Et sir Wilfrid Laurier était sur
l’estrade.
Le gouverneur général se leva, le chef de l’Opposition se leva —
tous se levèrent pour applaudir lorsque l’illustre Premier ministre
libéral proclama avec audace que le XXe siècle appartiendrait au
Canada.
Un siècle s’est écoulé depuis cette soirée et cette déclaration,
mais le sentiment d’optimisme national atteint des sommets tout
aussi élevés de nos jours.
Nous sommes sûrs de notre identité et de ce que nous voulons
accomplir comme nation. Le pays est fortement uni. Tant d’autres
nous envient nos programmes sociaux.
La diversité culturelle de notre société fait sa richesse. Notre
budget est équilibré — un exploit qu’aucun autre pays du G8 n’a pu
réaliser. Nous contribuons activement à faire régner la paix et la
liberté dans les régions troublées du monde.
Aujourd’hui, la confiance de Laurier résonne aux quatre coins de ce
grand pays, mais le monde a changé. Pour notre génération, réussir
ne signifie pas veiller à ce que le XXIe siècle appartienne au
Canada, mais à ce que le Canada appartienne au XXIe siècle.
Il ne suffira pas de vouloir être à l’avant-garde. Il faudra y
mettre tous les efforts. Nous vivons dans un monde où les distances
sont réduites, les défis sont plus pressants et les obstacles plus
redoutables.
Les occasions se présentent moins facilement; il faut les créer.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous Canadiens? Cela veut dire que
dans tout ce que nous entreprenons, nous ne pouvons pas nous
contenter d’être simplement bons.
Nous devons viser collectivement à donner le meilleur de nous-mêmes,
car nous devrons faire face à la concurrence du monde entier.
Le gouvernement n’est pas à l’abri des réalités des temps modernes.
De son côté, il doit aussi offrir aux citoyens le meilleur
gouvernement possible. C’est pourquoi, même s’il n’y a pas longtemps
que nous formons le gouvernement, nous avons apporté d’importants
changements aux modes de fonctionnement à Ottawa.
Ces changements comprennent le rétablissement de l’influence des
députés au moyen de votes libres et l’accroissement de leur rôle
dans la nomination des titulaires de charges publiques importantes;
de nouveaux mécanismes de surveillance et de contrôle des dépenses
gouvernementales; et une nouvelle façon de rendre des comptes à la
population canadienne.
Voilà ce que doit faire le gouvernement. Nous avons constaté un
problème : le déficit démocratique. Nous avons donc pris des mesures
immédiates conçues pour entraîner un changement transformateur.
Je m’arrête là un instant. Un changement transformateur. De quoi
s’agit-il? Pour moi, cela signifie une approche ou une orientation
entièrement nouvelle, et non des mesures provisoires, imposées
progressivement.
Il faut s’y consacrer avec une détermination farouche. Mais ces
efforts sont récompensés par des résultats tangibles, par des
progrès visibles qu’on peut mesurer.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Remontons dans le
temps, il y a une dizaine d’années, alors qu’on préparait le budget
de 1995 au ministère des Finances.
À vrai dire, l’état des finances canadiennes était lamentable. Les
gouvernements successifs tentaient depuis près de 30 ans de
s’attaquer au problème à coup de mesures additionnelles.
On s’est retrouvé avec un gouvernement qui avait tellement emprunté
qu’il devait répondre d’abord à ses créanciers et ensuite seulement
aux besoins de ses propres citoyens.
C’est alors que nous avons compris qu’il ne suffirait pas de réduire
le déficit mais qu’il faudrait l’éliminer. Et que pour y arriver, il
faudrait mettre au rancart les vieilles méthodes, les vieilles
hypothèses et les idées reçues.
Or, c’est exactement ce que nous avons fait dans le budget de 1995.
C’était controversé; c’était difficile.
Mais, il nous a permis d’atteindre en quelques années l’équilibre
budgétaire, de réduire la dette et d’accorder les plus importantes
baisses d’impôt dans toute l’histoire du Canada.
Surtout, il nous a redonné les moyens de déterminer notre propre
avenir et de faire nos propres choix. De regarder par en avant.
Mais revenons au présent.
Le gouvernement est aux prises avec des défis différents, mais je
crois que nous devons adopter une approche tout aussi audacieuse.
Nous devons agir avec une détermination immuable. Nous devons
contester le statu quo. Par conséquent, nous avons cerné, parmi les
nombreuses missions et responsabilités importantes du gouvernement,
cinq domaines où nous devons agir avec une énergie, une créativité
et une urgence particulières.
Ces cinq domaines constitueront nos priorités absolues.
Il s’agit de la santé, de l’apprentissage, des peuples autochtones,
de nos collectivités — grandes et petites — et du rôle du Canada
dans le monde, soit autant de domaines où nous devons faire œuvre de
pionnier.
Tout en poursuivant ces buts, nous demeurerons prudents sur le plan
financier. Cela ne signifie pas, cependant, que nous serons entravés
par des contraintes impossibles.
Grâce à un examen rigoureux des dépenses — comme celui que nous
avons entrepris —, à la réaffectation des ressources et aux
nouvelles recettes engendrées par la croissance économique, nous
pourrons en fait réunir les fonds nécessaires pour réaliser des
progrès véritables dans les domaines qui préoccupent le plus les
Canadiens.
Notre approche sera progressiste et responsable. Et elle produira
les résultats voulus! Nous reconnaissons que le Canada sera dans dix
ans le pays que nous aurons façonné par les choix que nous faisons
aujourd’hui.
Toute discussion des priorités de notre gouvernement doit commencer
par les soins de santé, car aucun autre enjeu ne revêt une
importance aussi vitale, aussi viscérale, pour les Canadiens. Dans
aucun autre domaine, l’interaction entre le gouvernement et la
population n’est-elle plus lourde de sens et de conséquences.
La plupart d’entre nous ont vécu des moments d’anxiété dans une
salle d’urgence. Nous sommes nombreux à avoir attendu avec
appréhension les résultats de tests diagnostiques. Certains d’entre
nous ont passé de longues nuits à fixer avec espoir les moniteurs
d’une unité de soins intensifs.
Il ne se passe pas de jour dans nos hôpitaux sans que le cours de
vies humaines ne soit transformé. C’est dans ces moments-là que les
gens ont le plus grand besoin de leurs gouvernements.
Que voulons-nous alors? Nous voulons une réforme. Une réforme dont
le point de départ et la finalité est le patient et sa famille.
Une réforme qui fait en sorte que les médecins, les infirmières et
les autres professionnels de la santé sont disponibles au moment et
à l’endroit nécessaires.
Une réforme qui assure un accès en temps opportun à des services de
qualité qui produisent de meilleurs résultats sur le plan de la
santé.
Une réforme qui répond aux besoins et aux désirs des Canadiens et
Canadiennes où les tests diagnostiques, les chirurgies et les
traitements sont dictés par les besoins et non rationnés par
l’attente.
Nous avons besoin d’une réforme qui garantisse de manière absolue
que notre système universel de soins de santé — qui a vu le jour
alors que la génération du baby-boom arrivait à l’âge adulte — sera
là pour leurs petits-enfants et pour ceux qui viendront après.
Bien sûr, cela coûtera de l’argent. Le système doit être
adéquatement financé. Toutefois, la réforme ne se résume pas à une
question monétaire.
Le gouvernement fédéral a déjà affecté 37 milliards de dollars en
argent neuf aux soins de santé sur cinq ans. Cela représente une
augmentation des dépenses de plus de 8 p. 100. Et je vous informe
aujourd’hui que nous allons investir davantage.
Mais voici la réalité. Les dépenses du Canada au chapitre de la
santé sont déjà plus élevées par habitant que celles de la grande
majorité des pays industrialisés. Alors que nos résultats sont bons,
ils ne sont pas nettement meilleurs.
Guidés par les travaux de Roy Romanow et des nombreux autres qui ont
étudié à fond le système de soins de santé, et en collaboration
étroite avec les professionnels de la santé qui travaillent en
première ligne, nous devons réaliser une réforme véritable qui
produise des résultats concrets pour les Canadiens. Des résultats
qu’on puisse mesurer et dont on puisse rendre compte de manière
transparente afin que nous puissions tous voir si le système
fonctionne bien et quels sont les aspects à améliorer.
Notre tâche consiste à rétablir la confiance du public dans le
système de santé et dans notre capacité de le réparer. Pour y
parvenir, nous devons d’abord réaliser des progrès véritables dans
certains secteurs précis, c’est-à-dire ceux où les pressions qui
pèsent sur le système sont les plus visibles — ceux qui touchent
trop de Canadiens de très près.
Quand on parle de santé, on risque de se perdre en généralités.
J’essaierai donc de vous parler en termes précis : nous devons
réduire les listes d’attente. Les Canadiens, où qu’ils habitent, ont
besoin de savoir combien de temps il faut attendre pour une imagerie
par résonance magnétique, pour consulter un médecin, pour se faire
opérer la hanche et pour faire voir son enfant à l’urgence.
Les Canadiens ont également besoin de savoir comment les
gouvernements vont réduire ces listes d’attente.
Que peuvent faire les gouvernements pour réduire les listes
d’attente? De concert avec les provinces et les territoires, nous
devons trouver des façons de remédier à la pénurie de fournisseurs
de services médicaux qui sévit en trop d’endroits au Canada. Nous
devons ouvrir des places en médecine dans nos universités, tant pour
les jeunes Canadiens que pour les immigrants récents voulant faire
reconnaître leurs titres de compétence. Nous devons élargir de
manière appropriée le rôle des infirmières praticiennes et d’autres
travailleurs paramédicaux. Nous devons aussi veiller à ce que nos
installations de diagnostic soient adéquates et pleinement
utilisées.
En collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux,
nous devons également poursuivre les progrès amorcés dans le secteur
des soins primaires en vue d’assurer l’intervention qui est
nécessaire par le fournisseur de soins qui convient. Nous devons en
outre travailler à mettre sur pied un programme de soins à domicile
et de services de santé communautaires.
Pourquoi? Parce que des soins à domicile de qualité allégeront la
charge des services de soins de première ligne. Ils amélioreront la
qualité des services offerts aux Canadiens et se traduiront à terme
par un système moins coûteux et plus viable.
Le plan de réforme devra également inclure une stratégie nationale
sur les médicaments, car une pharmacothérapie ne devrait pas
représenter un fardeau financier excessif pour un Canadien qui en a
besoin.
La mise en œuvre de ces importantes réformes s’inscrit dans un plan
échelonné sur dix ans que nous allons essayer d’établir avec les
provinces et les territoires. Fini la bousculade annuelle pour
trouver des solutions à court terme.
À l’heure actuelle, les provinces ont besoin d’un accord à long
terme leur permettant de compter sur un financement prévisible. En
fait, nous avons tous besoin d’un engagement fondamental envers la
réforme.
L’assurance-maladie n’est pas un programme gouvernemental comme un
autre. Elle constitue l’expression de nos valeurs comme société.
C’est pourquoi je vais rencontrer les premiers ministres cet été —
pas seulement pour déjeuner, pour dîner ou pour la fin de semaine.
Mais pour tout le temps qu’il faudra pour nous entendre sur un plan
de réforme en profondeur à long terme qui débouche sur un système de
santé adéquatement financé et clairement viable.
Les soins de santé sont la priorité absolue de notre gouvernement.
Nous allons parvenir à une entente avec les provinces parce que
c’est cela qu’il faut faire. Nous allons mettre en œuvre un plan à
long terme parce que c’est cela qu’il faut faire. Et parce que c’est
cela qu’il faut faire, nous allons améliorer le système pour les
générations à venir.
J’aimerais maintenant vous parler d’apprentissage. Je voudrais
d’abord en souligner l’importance en le situant dans son contexte.
Nous savons tous qu’une économie vigoureuse représente le fondement
d’une société prospère.
C’est pourquoi nous essayons de réduire les impôts et la dette.
C’est pourquoi nous investissons dans la recherche et le
développement et cherchons à commercialiser le fruit de ces
activités.
C’est pourquoi nous cherchons à conclure des accords commerciaux
internationaux et à assurer que notre frontière avec les États-Unis
reste ouverte.
C’est pourquoi le développement durable ne peut pas être uniquement
un vœu pieux, mais doit sous-tendre la croissance économique.
Et surtout, c’est pourquoi il faut reconnaître la nécessité d’une
population apte à innover pour soutenir la concurrence au XXIe
siècle.
C’est bien simple, dans l’intérêt des citoyens et du pays tout
entier, le bassin de talents – des Canadiens bien instruits — doit
compter parmi les meilleurs et les plus profonds que l’on puisse
trouver.
Dans certains pays, il n’est pas rare d’entendre les gens parler de
la nécessité de restreindre le commerce, de fermer les frontières à
la concurrence internationale.
Cette approche est clairement malavisée, mais le fait est qu’au
Canada, ce n’est même pas une option envisageable avec une
population de seulement 31 millions.
Nous n’avons pas le choix. Nous devons affronter la concurrence
internationale et en sortir gagnants. C’est la raison pour laquelle
nous devons réduire les obstacles à l’apprentissage continu.
Certes, nous comptons parmi les pays où le pourcentage des citoyens
qui font des études postsecondaires est le plus élevé. Mais il faut
faire encore mieux.
Il faut remédier au fait que le pourcentage des étudiants qui
obtiennent un diplôme d’études supérieures est beaucoup moins élevé
chez nous qu’aux États-Unis.
Le gouvernement a un rôle important à jouer dans le secteur de
l’enseignement postsecondaire, en particulier en ce qui concerne
l’accès. Notre société ne peut pas enlever cette chance aux gens
pour la simple raison que leur famille est démunie.
C’est pour cette raison que le budget du mois dernier prévoyait
d’importantes mesures qui permettront de commencer à régler la
question de l’accessibilité. Nous avons créé un bon d’apprentissage
pour les enfants des familles à faible revenu.
Nous avons augmenté la contribution correspondante du gouvernement
aux épargnes d’études. Nous avons bonifié le Programme canadien de
prêts aux étudiants.
Nous offrirons aux étudiants issus de familles à faible revenu une
bourse pour la première année de cours, ce qui leur permettra de
mettre un pied dans la porte.
Cela dit, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire!
Par exemple, il nous faut reconnaître que le Canada est aux prises
avec une pénurie grandissante de main-d’œuvre et que nous devons
commencer à parler d’ouvrir des places d’apprentis pour nos jeunes
dans les métiers spécialisés.
Bref, il nous faut travailler avec les provinces, les collèges, avec
les syndicats et avec les conseils sectoriels de l’industrie pour
trouver des moyens de faire comprendre aux jeunes que l’éducation
comporte de multiples facettes.
Le dernier budget représentait le deuxième en quelques années à être
axé en grande partie sur l’éducation, mais ce n’est qu’un début. Il
faut reconnaître que le succès au niveau postsecondaire se prépare
dès la plus tendre enfance, en fait avant la naissance jusqu’à l’âge
de six ans, alors qu’il est possible de favoriser le développement
intellectuel et affectif.
Il faut encourager tôt l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture. Il faut identifier tôt ceux qui ont besoin d’une aide
d’appoint. Et plus tard dans la vie, les Canadiens doivent avoir
accès à une culture de recyclage professionnel permanent reposant
sur une série d’initiatives grâce auxquelles, avec le temps,
l’apprentissage continu devient un mode de vie.
Notre objectif est de faire en sorte que beaucoup plus de Canadiens
et Canadiennes puissent poursuivre leur apprentissage et leur
formation au-delà du secondaire, et qu’ils soient beaucoup plus
nombreux à continuer leurs études en vue d’obtenir un diplôme de
cycle supérieur, et à perfectionner sans cesse leurs compétences
tout au long de leur carrière. Il en résultera une meilleure qualité
de vie pour un plus grand nombre. Et leur succès individuel
favorisera le succès collectif du pays tout entier.
Les peuples autochtones du Canada représentent le secteur de la
société en plus forte croissance. Ils forment aussi le groupe le
plus jeune au sein de la population.
Les enfants autochtones représentent une partie importante de notre
avenir. Or, leur histoire en est une d’opportunités peu utilisées et
de promesses non remplies.
Pendant des décennies, les politiques gouvernementales bien
intentionnées n’ont pas produit les effets escomptés.
Notre objectif consiste à changer de cap.
Le gouvernement fédéral a pris diverses mesures dans les domaines
des services de santé, du logement, de l’éducation des jeunes
enfants et, plus récemment, de la salubrité de l’eau. Il s’agit
toutefois de problèmes qui ne se règleront pas simplement en signant
un chèque.
Il faut avoir l’intelligence de faire les choses autrement.
Laissez-moi vous en donner un exemple.
Les jeunes Autochtones se dirigent de plus en plus vers nos grands
centres urbains en quête d’un emploi et d’une vie meilleure.
Imaginez le choc culturel : un jeune d’une petite réserve isolée
débarquant seul au centre d’une grande ville.
Comment s’étonner qu’ils soient si nombreux à avoir du mal à
s’adapter.
Si les jeunes Autochtones s’installent dans les grandes villes en
grand nombre, nous devons leur offrir la possibilité de réussir.
Nous devons supprimer les obstacles qui limitent leurs perspectives
d’avenir, et c’est ce que nous allons faire.
En d’autres mots, s’il faut nourrir l’espoir et multiplier les
possibilités dans les réserves, le besoin est tout aussi grand au
cœur des villes.
Nous veillerons à éliminer les obstacles et à créer des occasions
pour nos peuples autochtones. Nous contribuerons à nourrir l’espoir
et à multiplier les possibilités.
Car ce sont là les éléments d’une équation humaine immuable :
l’espoir et les possibilités représentent la clé du succès dans les
réserves comme dans la ville.
Si nous voulons réaliser des progrès mesurables, il faudra
clairement changer d’approche, et cela vaut pour tout le monde.
Le gouvernement doit mettre fin à l’attitude paternaliste qui
caractérise tant de ses activités.
Les dirigeants autochtones doivent maintenant concrétiser les
principes d’ouverture et d’imputabilité.
Pour réaliser des progrès véritables, il faudra travailler en
partenariat, avec tous les droits et responsabilités qu’un tel
partenariat implique de part et d’autre.
C’est pourquoi j’ai invité les dirigeants autochtones de toutes les
régions du pays à venir s’asseoir à Ottawa dès lundi avec plus d’une
vingtaine de ministres et moi.
Il s’agira d’un important sommet. Le message doit être le suivant.
Les changements que nous souhaitons tous ne se mesureront pas en
propos ronflants, mais en améliorations sensibles des indicateurs de
qualité de vie que sont des soins de santé de qualité et des
logements convenables. Qui plus est, les changements se mesureront
au moyen des indicateurs économiques essentiels que sont le nombre
de jeunes qui terminent leurs études secondaires et qui fréquentent
l’université et le nombre d’entreprises autochtones prospères, soit
autant de facteurs qui contribuent au développement économique et à
l’autonomie.
Bref, nous avons besoin d’un nouveau départ — que ce soit lundi.
Parlons maintenant de nos milieux de vie.
Notre gouvernement a déjà accordé la priorité à la tâche d’aider les
collectivités à trouver de nouvelles sources de financement
prévisible à long terme, autant les grands centres que les plus
petites villes. En dispensant les municipalités de verser la TPS,
nous leur remettons plus de sept milliards de dollars sur dix ans.
Cela nous semble un bon début.
Mais ce ne peut être que le début. Dans tout le pays, les
municipalités sont sur la ligne de front de tous les problèmes
sociaux et de l’activité économique.
Le problème c’est qu’elles doivent faire face aux réalités
économiques du XXIe siècle avec un plan du XIXe siècle. Par
conséquent, le gouvernement fédéral demandera aux premiers ministres
et aux dirigeants municipaux d’entamer des discussions sur les
moyens de fournir aux villes et villages les ressources dont elles
ont besoin.
Il sera question de partenariats plus innovateurs qui nous
permettront de mieux faire face à l’énorme déficit sur le plan des
infrastructures auquel font face le pays et les municipalités.
Il sera aussi question, d’ici la fin de l’année, de la taxe sur
l’essence.
Nos grandes villes sont les points de convergence de l’innovation
économique, sociale et culturelle. De leur succès dépend celui du
pays.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à fournir aux
villes et aux collectivités de nouvelles sources de revenus
prévisibles et à long terme.
Mais ce n’est pas seulement une affaire d’argent. Il faut décider
comme pays de quelle façon nous allons nous organiser pour affronter
l’avenir.
Quel que soit le programme ou le gouvernement responsable, c’est au
niveau communautaire qu’il touche le citoyen.
La qualité de l’air et de l’eau, le logement pour les familles à
revenu modeste, les soins aux enfants, aux personnes âgées ou
handicapées, les émissions de gaz à effet de serre ou
l’assainissement des terrains industriels, l’immigration et le
besoin d’accroître notre population, la lutte contre le racisme —
toutes ces questions ont une grande portée nationale, et l’action
fédérale et provinciale sera beaucoup plus efficace si elle est
menée en concertation avec les municipalités, car ce sont elles qui
connaissent le mieux leurs collectivités.
De passage à Toronto il y a deux semaines pour une annonce sur le
transport en commun, j’ai évoqué la lourde responsabilité
qu’assument désormais nos plus grands centres urbains. Ceux-ci sont
les porte-étendards du Canada dans le monde. Notre succès dépend du
leur.
Je tiens à mentionner aujourd’hui nos plus petites municipalités,
dont les problèmes de congestion urbaine ne sont peut-être pas aussi
aigus, mais dont les besoins de développement économique sont sans
doute plus considérables.
J’ai eu l’occasion de discuter avec un grand nombre de dirigeants
dans les petites collectivités du pays.
Ils comprennent que l’innovation permettant d’augmenter la valeur
ajoutée dans les secteurs de l’agriculture, des pêches, des mines et
des forêts,
est essentielle non seulement au développement de leurs
municipalités,
mais de tout le pays.
Ils savent que la haute technologie et la recherche-développement
sont essentielles à la croissance de leur économie et qu’elles sont
indispensables pour permettre à leurs enfants de revenir contribuer
à l’économie des lieux où ils ont grandi.
C’est pourquoi il est vital d’aider ces petites agglomérations à
régler les problèmes les plus pressants en leur fournissant les
outils nécessaires pour mener la tâche à bien eux-mêmes.
C’est pourquoi nous devons veiller à soutenir la
recherche-développement aussi bien dans les universités régionales
que dans les plus grandes, et encourager l’investissement de capital
de risque dans les régions ainsi que dans les grappes économiques
qui s’y trouvent.
Pour résumer, nous respectons le fait que les provinces ont la
responsabilité première des municipalités. Mais en même temps, les
municipalités de toutes tailles sont des acteurs à part entière dans
la conduite des affaires nationales.
Il faut que le gouvernement fédéral en tienne compte dans sa manière
de traiter avec elles.
Pour atteindre de grands objectifs nationaux, il faut que tout le
monde soit à la table.
Pour cette raison, nous travaillons avec les provinces pour nous
assurer que les collectivités ont leur mot à dire sur les décisions
nationales qui les concernent. Ce n’est pas leur intérêt individuel
qui est en jeu, mais notre intérêt collectif.
La mission de bâtir des collectivités où il fait bon vivre n’est pas
seulement une entreprise altruiste pour le gouvernement du Canada.
C’est un impératif économique. Et c’est l’un des moyens les plus
concrets d’améliorer la qualité de vie des Canadiens.
Enfin, notre rôle dans le monde. Dans ce domaine aussi, le Canada
doit appartenir au XXIe siècle.
Le gouvernement a entrepris une vaste étude de ses politiques
internationales dont les résultats seront rendus publics cet
automne. Sans préjuger de ses conclusions, je peux affirmer que
notre objectif ne fait aucun doute : veiller à ce que l’influence de
la perspective canadienne s’accroisse sur la scène mondiale.
Il faudra à cette fin rompre avec les vieilles habitudes. Songez à
la guerre froide.
Nous savions qui était l’ennemi et où il se trouvait. Nous pouvions
prédire où serait le front, et un océan complet nous séparait de
tous les conflits.
Le monde d’aujourd’hui n’est plus le même. Aujourd’hui, il faut
s’attendre à l’imprévu. De l’instabilité régionale des États à la
dérive à l’intensification des maladies infectieuses, nous devons
redoubler de vigilance sur notre territoire et être prêts à être
plus actifs loin de nos foyers.
Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie un monde où nos
adversaires sont imprévisibles et difficiles à identifier, où nous
ne pouvons plus envisager notre sécurité sous des angles distincts —
intérieur, continental et international.
À une époque où des massacres aveugles sont perpétrés par de petites
cellules terroristes, le front s’étend de nos jours des rues de
Kaboul aux voies ferrées de Madrid; il traverse Manhattan et les
villes de toute l’Amérique du Nord. Le conflit n’est pas « là-bas ».
Il n’existe plus de problème international qui ne se répercute pas
sur nous d’une manière ou d’une autre.
Nous devons aborder la sécurité du Canada en fonction de cette
nouvelle réalité. Notre présence en Afghanistan illustre en tous
points le nouveau type d’opération que les Forces canadiennes seront
appelées à mener.
Il s’agit d’une mission multilatérale destinée à redresser un État à
la dérive à des fins humanitaires, mais aussi à priver les
terroristes d’un terrain d’action. Cette mission marie les trois
éléments que sont la défense, la diplomatie et le développement.
Elle représente le modèle dont sera inspirée la participation
canadienne à toute crise internationale dans l’avenir.
Nous souhaitons être un peuple qui contribue à rétablir et à
maintenir la paix dans les régions troublées. Nous allons donc
concevoir un appareil militaire qui soit en mesure d’accomplir cette
mission et lui en fournir les moyens financiers.
Nous souhaitons être une nation qui contribue au développement
d’institutions solides. C’est pourquoi nous créons le Corps Canada
qui alliera le savoir-faire canadien à l’énergie et à l’idéalisme
des jeunes pour aider à faire progresser la démocratie et la
primauté du droit dans les États fragiles.
Notre stratégie visant à faire entendre la voix du Canada dans le
monde repose sur une simple réalité : l’interdépendance mondiale
grandissante.
C’est pourquoi il faut penser plus loin que le G8 et inclure à titre
de partenaires à part entière des puissances émergentes comme la
Chine, l’Inde et le Brésil.
Aucune solution aux défis de l’avenir — que ce soit la viabilité de
l’environnement, la libéralisation du commerce, la stabilité
financière ou la paix et la sécurité — ne sera possible si ces pays
ne sont pas à la table.
C’est pour cette raison que le gouvernement du Canada préconise un
G20 des dirigeants, dans le prolongement du succès du G20 des
ministres des Finances créé au lendemain de la crise financière
asiatique.
En même temps, nous sommes déterminés à préserver et à faire
progresser notre association la plus importante, soit celle qui nous
entretenons avec les États-Unis.
Parce qu’elle est si essentielle à nos intérêts respectifs, nous
devons établir une relation plus subtile fondée sur un dialogue
éclairé, un ensemble de valeurs communes et le respect de nos
différences.
La politique est foncièrement locale. Et les États-Unis sont comme
toutes les démocraties. Ainsi, ce sont les intérêts régionaux des
États-Unis au Congrès qui ont conduit les dossiers du bois d’œuvre
et de la maladie de la vache folle dans l’impasse.
C’est pour cela que nous établissons à Washington un nouveau
secrétariat qui facilitera de précieux contacts entre les élus
canadiens et américains, et favorisera des liens plus étroits entre
les députés fédéraux et provinciaux et leurs homologues du Congrès.
Le Canada est un pays souverain indépendant. Nous sommes ambitieux
et déterminés. Nous assumons avec confiance notre rôle en Amérique
du Nord et dans le monde.
Nous sommes conscients des avantages du multilatéralisme. Nous
reconnaissons qu’une réforme de bon nombre des grandes institutions
internationales s’impose, y compris des Nations Unies.
Nous sommes conscients que pour trop de gens, les avantages de la
mondialisation sont un mythe entrevu à travers un regard obstrué par
la maladie, la famine et la guerre. Nous sommes conscients que nous
pouvons améliorer les choses et nous sommes résolus à le faire.
Il ne saurait y avoir de plus grande manifestation de notre
souveraineté que d’œuvrer à rendre le monde meilleur qu’il ne
l’était avant nous.
Mesdames et messieurs, voilà nos priorités. Dans plusieurs des cinq
domaines mentionnés, les premières responsabilités sont de
compétence provinciale. Nous respectons ceci.
Certains voient là une raison pour limiter nos efforts. Nous voyons
cela comme une occasion de développer la coopération et le
partenariat.
De démontrer aux Canadiens que leurs gouvernements partagent la même
volonté de réaliser des progrès véritables dans les dossiers qui les
préoccupent le plus.
De prouver aux Canadiens que leurs gouvernements comprennent que
leurs actions et priorités actuelles façonnent le Canada de demain.
Quand Wilfrid Laurier s’est adressé à la nation en 1904, il ne
pouvait pas savoir tout le succès que le Canada connaîtrait au cours
du siècle qui suivrait, tous les progrès qu’il accomplirait, ni
toute la vaillance dont il ferait preuve.
Mais c’était un homme d’une grande vision, et il incarnait les
convictions progressistes qui sont une partie intégrante de nos
réalisations nationales.
« Je suis un libéral, a-t-il dit au début de sa carrière politique.
Je suis de ceux qui pensent qu’en toute chose humaine, il y a des
abus à corriger, de nouveaux horizons à ouvrir et de nouvelles
forces à développer. »
Laurier savait, comme nous le savons aujourd’hui, qu’on n’ouvre pas
de nouveaux horizons du jour au lendemain. La réalisation de nos
objectifs est donc devant nous.
Mais la vision c’est tout de suite.
Un pays capable de relever les défis d’une époque incertaine. Un
peuple qui a suivi la voie du changement tout en s’affirmant comme
nation.
Je vous remercie.
[Martin=20040419]
[lieu=ottawa]
Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’ouverture de la première Table ronde Canada-Autochtones ]
Bienvenue à vous tous. Je voudrais remercier les Anciens qui sont
aujourd’hui avec nous, en particulier l’Ancien William Commanda,
pour sa prière d’ouverture et pour nous avoir tous invité à nous
réunir ici dans le territoire ancestral algonquin.
Je voudrais aussi remercier les dirigeants autochtones qui sont
venus des quatre coins du pays pour participer à cette toute
première Table ronde Canada-peuples autochtones.
Comme vous, j’attendais ce jour important avec impatience. Cette
journée est le résultat des réunions que nous avons eues par le
passé avec les dirigeants des cinq organisations nationales –
l’Assemblée des Premières nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami, le
Ralliement national des Métis, l’Association des femmes autochtones
du Canada et le Congrès des peuples autochtones – qui sont toutes
représentées ici aujourd’hui.
Le Canada ne serait pas ce qu’il est sans les Autochtones. Vos
traditions, vos cultures et vos langues l’enrichissent énormément.
Les Premières nations possèdent un lien particulier avec les terres
et les rivières du Canada. En fait, la colonisation européenne en
Amérique du Nord vient du fait que les Premières nations étaient
prêtes à partager ces richesses. Il est maintenant temps de
renouveler et de renforcer l’engagement qui lie le gouvernement et
les Premières nations.
Il ne fait aucun doute que nous devons renforcer nos relations avec
la nation métisse du Canada. Il est temps de reconnaître la
contribution des Métis à notre pays.
Il faut absolument reconnaître, dans un premier temps, la culture,
le mode de vie et l’environnement uniques des Inuits, et dans un
deuxième temps, leur contribution grandissante à la réalisation de
notre rêve à l’égard du Nord.
Les défis auxquels les Autochtones sont confrontés constituent le
plus grand défi que le Canada doit relever.
C’est un défi aux conséquences énormes – pas seulement pour les
personnes d’origine autochtone, mais pour le pays tout entier.
Plus de la moitié de la population autochtone vit maintenant en
milieu urbain, et ce nombre ne cesse de croître. Bon nombre d’entre
eux sont de jeunes Autochtones qui déménagent pour trouver du
travail et avoir une meilleure qualité de vie. Et beaucoup ont de la
difficulté à s’ajuster au contexte urbain et à des exigences très
différentes de celles des collectivités qu’ils connaissent.
Si les jeunes Autochtones ne réussissent pas, c’est nous tous qui
perdons. Pendant trop longtemps, nous avons tourné le dos à cette
réalité morale et économique.
Nous ne pouvons contourner ou ignorer la réalité démographique. La
population autochtone est celle qui grandit le plus vite au Canada,
et les enfants autochtones sont une part importante de notre avenir.
Or, pour eux, c’est un avenir façonné par des attentes ignorées et
des promesses non tenues.
Ça ne peut pas continuer.
Le discours du Trône mentionne que les Autochtones doivent
participer pleinement à tout ce que Canada a à offrir et jouir d’une
plus grande autonomie financière et d’une qualité de vie toujours
meilleure, le tout basé sur les droits ancestraux et sur les traités
que nos aïeux ont signés jadis et qui ne doivent pas être oubliés.
Mais il ne faut pas oublier la réalité d’aujourd’hui. Il faut la
reconnaître également.
La triste vérité est que nous n’avons pas besoin d’indicateurs
économiques pour voir la différence de qualité de vie entre la
majorité des Autochtones et les autres Canadiens.
Autrement dit, nous devons briser le cycle de la pauvreté, de
l’indignité et de l’injustice qui est le lot quotidien de trop
d’Autochtones. Nous devons améliorer véritablement leurs conditions
de vie. Et tout cela doit mener à l’autonomie financière.
Quels moyens allons-nous prendre pour réussir?
La réponse comporte trois éléments.
Premièrement, nous devons nous fixer des buts précis – pour
renverser la vapeur et redonner espoir.
Honnêtement, des énergies considérables et de grands efforts ont été
déployés dans un passé récent. Mais pour être franc, les résultats
ne sont tout simplement pas satisfaisants. Nous devons aller plus
loin. Nous devons faire encore mieux.
Nos buts doivent avoir comme raison d’être d’organiser chacun de nos
efforts et de cibler chacune de nos interventions.
Quels devraient être ces buts?
Chose certaine, ils devront viser de meilleurs soins de santé et de
meilleures conditions de logement; un nombre plus élevé de jeunes
finissants du secondaire; plus d’Autochtones à l’université; des
entreprises autochtones plus prospères; un développement économique
accru; une plus grande autonomie.
Mais quels que soient ces buts, ils doivent être atteints
conjointement, et il doivent être pertinents – et mesurables.
Le résultat final de nos objectifs doit être, quand nous les aurons
atteints, d’avoir mis un terme aux terribles préjugés selon lesquels
les Autochtones seront toujours un peu – ou beaucoup – distancés par
les autres Canadiens.
Le deuxième élément requis pour réussir consiste à démontrer notre
volonté politique de se mettre au travail afin d’atteindre nos buts
et de maintenir le cap, quoi qu’il arrive. En tant que Premier
ministre, vous pouvez compter sur mon soutien – et celui de mon
gouvernement. Nous sommes déterminés. Nous ne dévierons pas de notre
objectif.
Bien entendu, la volonté politique n’est pas à sens unique. J’invite
tous les dirigeants autochtones ici et ailleurs à prendre un
engagement semblable et à se joindre à nous pour faire bouger les
choses radicalement. Pour travailler avec nous et pour œuvrer les
uns avec les autres. Pour mettre de côté les problèmes du passé et
les rivalités politiques afin que nous puissions effectuer les
grands changements souhaités.
Quant à nous, nous allons réserver des sièges à la table – comme
nous l’avons fait aujourd’hui – pour les collectivités et les
dirigeants autochtones. À l’avenir, le gouvernement discutera avec
eux avant d’élaborer des politiques. Ce principe de collaboration
constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat.
Le troisième élément nécessaire pour réussir veut que nous
convenions d’un plan concret pour atteindre nos objectifs.
Si les 8 milliards de dollars dépensés chaque année ne donnent pas
les résultats escomptés – améliorons la façon de les utiliser. Si la
structure du gouvernement ne fonctionne pas, modifions-la.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien fait du bon
travail. L’interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non
inscrits aussi. Cependant, le gouvernement travaille en
collaboration avec de nombreux ministères, d’où le besoin d’une plus
grande coordination – et le Cabinet du Premier ministre est là pour
donner un coup de main.
C’est la raison pour laquelle notre nouveau gouvernement a annoncé
la création d’un Comité du Cabinet chargé des affaires autochtones,
présidé par le Premier ministre. J’ai également nommé un secrétaire
parlementaire chargé des affaires autochtones.
Nous avons aussi, au sein du Bureau du Conseil privé, établi un
Secrétariat des affaires autochtones, qui coordonne le travail du
gouvernement.
Mais nous devons faire encore plus. Par exemple, les dirigeants
inuits ont durant des années déploré l’absence, au sein du
gouvernement, d’un secrétariat chargé des questions inuites. Et,
pour parler franchement, c’est là une omission de notre part.
Alors, nous allons y voir. Aujourd’hui, je suis heureux d’annoncer
la mise sur pied d’un nouveau Secrétariat inuit au sein du ministère
des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Autre chose : les ministres doivent s’assurer que leurs ministères
font leur travail en concertation avec les communautés autochtones.
Et étant donné le large éventail de programmes publics, il importe
que les ministères travaillent de plus près les uns avec les autres.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada
est représenté en si grand nombre aujourd’hui – plus de 40
représentants, dont plus de 24 ministres du Cabinet.
C’est tout probablement le plus important rassemblement de ministres
à l’extérieur de la salle du Cabinet depuis des décennies. Et, s’ils
sont ici, c’est pour faire progresser notre action.
Lorsque j’ai formé le nouveau gouvernement, j’ai donné à chacun des
ministres une lettre de mandat lui indiquant ce qu’il devait
accomplir. Aujourd’hui, j’écris de nouveau aux ministres, pour leur
demander de travailler en concertation avec vous et de vous
consulter au préalable sur les importantes mesures politiques qui
vous concernent.
Des changements sont également requis de votre côté.
Accroître les moyens d’action pour améliorer la transparence,
l’imputabilité et la bonne gouvernance est une étape importante vers
l’autonomie gouvernementale des Autochtones.
C’est pour cela que nous créons le Centre indépendant sur le
gouvernement des Premières nations. Cet organisme stimulera
l’application des meilleures pratiques liées au renforcement de
l’imputabilité et de la transparence, tout en développant les
principes de l’autonomie gouvernementale. Je sais, pour en avoir
déjà discuté avec les dirigeants autochtones, que cette initiative
vous tient à cœur.
Jusqu’à présent, nous avons parlé des changements requis au sein de
l’appareil gouvernemental. Il ne fait aucun doute que ces
changements sont des facteurs importants pour atteindre nos buts.
Toutefois, ils ne constituent pas un plan en soi. Or, aujourd’hui,
et dans les prochains jours, nous travaillerons ensemble à
l’élaboration d’un plan.
Dans ce contexte, nous devrons nous pencher sur une foule de
questions. Mais dans le cadre des discussions que j’ai eues avec les
dirigeants autochtones partout au pays, six domaines clés sont
ressortis comme devant faire partie intégrante de ce plan.
Premièrement, il est essentiel de faciliter l’amélioration des
résultats scolaires des générations les plus jeunes parmi les
populations autochtones – de l’école maternelle jusqu’à la douzième
année. Les éducateurs et dirigeants autochtones doivent être les
premiers concernés dans ce débat. Ce principe s’applique tant aux
réserves qu’aux centres urbains.
Cela signifie appuyer des mesures novatrices telles que la création
de conseils
scolaires des Premières nations et d’établissements d’enseignement
autochtones qui veilleraient à ce que les plus hautes normes soient
observées et à ce qu’un programme respectueux des principes, des
valeurs et de l’histoire de nos peuples autochtones soit créé. Des
mesures novatrices sont également requises en matière d’éducation
postsecondaire. À cet égard, l’Université des Premières nations en
Saskatchewan est un modèle à suivre.
Deuxièmement, il ne suffit pas de chercher à améliorer la santé des
populations autochtones en général : nous devons également
reconnaître leurs besoins particuliers. Il faudra donner davantage
de moyens d’action aux administrations qui offrent des soins
essentiels à la communauté en ce qui a trait aux problèmes de
dépendance et de suicide chez les jeunes, dont les taux sont
alarmants, ainsi qu’à l’épidémie de diabète, une maladie qui sévit
dans de nombreuses communautés autochtones.
Troisièmement, nous devons favoriser les possibilités économiques
pour les Autochtones vivant à l’intérieur et à l’extérieur des
réserves. Nous devons simplifier et consolider les programmes
fédéraux. En facilitant l’accès à ces programmes, les obstacles à
l’emploi seront réduits, et le climat d’investissement dans les
communautés autochtones permettra d’encourager le partenariat et
l’entrepreneuriat.
Nous devons reconnaître que l’exploitation de nos ressources
naturelles, si importantes en elles-mêmes, doit également être un
outil de développement économique et de création d’emplois pour les
Autochtones du Canada. Nous avons fait des progrès importants à ce
chapitre depuis quelques années, mais cela ne doit être qu’un début.
Quatrièmement, nous devons faire mieux en matière de logements
sociaux. Nous devons proposer d’autres modèles pour la construction
de logements dans les réserves, et élaborer une stratégie nationale
pour régler les problèmes de logements à l’extérieur des réserves.
Cinquièmement, nous devons assumer nos responsabilités, à la fois
dans ce que nous faisons de bien et dans ce que nous ne faisons pas
très bien. Il faut se doter d’un bulletin réaliste et transparent en
matière autochtone pour établir des cibles précises à atteindre et
prévoir des moyens de mesurer nos progrès et nos réalisations en la
matière.
Enfin, nous devons trouver des moyens plus efficaces de conclure les
négociations concernant les ententes d’autonomie gouvernementale et
les revendications territoriales. Nous ne pouvons plus laisser les
tribunaux décider. Ceux-ci ne peuvent définir les liens qui nous
unissent. Nous, nous le pouvons, en maintenant une collaboration
basée sur le respect mutuel et la confiance. C’est la voie que nous
devons tracer.
Mesdames, Messieurs
La Table ronde d’aujourd’hui nous donne l’occasion de nous engager
ensemble à améliorer de manière fondamentale la qualité de vie des
Autochtones.
Bien entendu, nous savons que nous ne pouvons y arriver seuls. Il
faudra travailler avec les provinces, les territoires, les
municipalités et le secteur privé pour bâtir le nouveau partenariat
nécessaire à notre réussite collective.
Nous ne devons pas sous-estimer la quantité de travail que nous
aurons à accomplir. Pas plus que nous pouvons prétendre que ce sera
toujours facile.
Nous devons être prêts à travailler fort et à trouver des solutions
novatrices pour surmonter les obstacles auxquels nous ferons face.
Nous pouvons y arriver, mais pour cela, il faudra collaborer.
Aujourd’hui, dans cette salle, nous pouvons prendre les premières
mesures pour consolider cette relation. Nous entamons une nouvelle
ère de coopération.
Notre nouveau voyage ensemble sera long, mais la destination est
trop importante pour que nous la manquions.
Cette destination est une société dans laquelle tous les Canadiens –
Autochtones et non-Autochtones – sauront se soutenir mutuellement,
égaux dans les occasions qui s’offrent à eux, dans la dignité et
dans la qualité de vie.
Dans dix ans, peut-être regarderons-nous cette journée et cette
Table ronde comme le point de départ d’une nouvelle vie pour les
Autochtones du Canada. Un événement annonçant un avenir prometteur
et prospère.
Tel est notre objectif. Et avec un but précis, un plan concret et
une volonté politique de changement, nous serons en mesure de
l’atteindre.
Et maintenant, mettons-nous au travail.
Merci.
[Martin=20040429]
[lieu=usa]
[Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de sa visite à Washington, D.C.]
Merci, Lee, de cette présentation fort aimable.
J’aimerais également vous remercier, de même que le Woodrow Wilson
Center, et Nancy Birdsall et le Center for Global Development, de
coparrainer cet événement.
C’est un privilège de discuter avec vous et avec cet auditoire
distingué du regard que pose le Canada sur quelques unes des
questions les plus importantes auxquelles fait face la communauté
internationale.
Demain, je rencontre le Président Bush. Nous allons évoquer des
dossiers bilatéraux liés au commerce, comme nos exportations de bois
d’œuvre, où nos producteurs et vos consommateurs continuent de subir
les contrecoups de notre inacapacité de résoudre ce conflit une fois
pour toutes. Nous discuterons de l’ESB, la maladie de la vache
folle. L’industrie nord américaine de l’élevage bovin est fortement
intégrée, et elle exige l’ouverture sans délai de la frontière de
manière à accroître la confiance à son égard dans nos pays et à
l’étranger, une confiance fondée sur de solides connaissances
scientifiques.
Bien franchement, nous sommes toujours étonnés de constater la
rapidité avec laquelle la frontière peut être fermée lorsque des
pressions sont exercées aux États Unis. Quinze ans après la
conclusion de l’Accord de libre échange entre le Canada et les États
Unis, dix ans après son élargissement pour inclure le Mexique dans
le cadre de l’ALENA, nous devrions pouvoir faire mieux. Il nous faut
reconnaître que notre économie est effectivement nord américaine; le
Canada représente le marché extérieur le plus important pour 37 de
vos États. Vous êtes le plus grand marché extérieur du Canada. Le
protectionnisme ne rend service à personne.
Nous allons nous pencher aussi sur d’autres secteurs où une optique
nord américaine sert les deux pays. Par exemple le réseau de
distribution de l’électricité et l’environnement, où nous
examinerons des façons d’intensifier la coopération bilatérale afin
que nos deux pays puissent maintenir la salubrité de l’air et de
l’eau.
Nous allons nous entretenir aussi de questions internationales,
notamment notre engagement commun à promouvoir la démocratie et la
dignité humaine, notre détermination à lutter contre l’abomination
qu’est le trafic de personnes, et les mesures prises par nos deux
pays pour renforcer notre sécurité intérieure, de même que la
sécurité sur le continent et ailleurs dans le monde. C’est sur ce
dernier sujet que je souhaite m’étendre aujourd’hui – du point de
vue canadien sur la façon d’accroître notre sécurité à tous.
Le droit suprême de tout individu est le droit à la sécurité
personnelle. Par conséquent, le premier devoir d’un gouvernement
doit être de protéger ses citoyens. Cette responsabilité est mise à
l’épreuve de nos jours par toute une série de menaces inédites : les
États voyous, les États déliquescents ou en voie de l’être, les
organisations criminelles internationales, la prolifération des
armes et les terroristes prêts à agir au mépris des coûts humains, y
compris leur propre vie.
S’il était protégé autrefois par les océans, le front s’étend de nos
jours des rues de Kaboul aux villes américaines, des voies ferrées
de Madrid aux villes canadiennes. Notre adversaire pourrait mener
ses opérations dans les montagnes de l’Afghanistan, dans les villes
d’Europe ou à l’intérieur de nos propres frontières. Il n’y a pas de
front intérieur. Le conflit n’est pas « là bas ». Notre approche de
la sécurité doit donc refléter cette réalité.
Au Canada, nous travaillons dans trois secteurs connexes, mais
distincts – les mesures à prendre en territoire canadien, les
mesures à mettre en œuvre avec le concours des États-Unis, et nos
politiques extérieures visant à favoriser la sécurité dans le monde.
Nous venons de déposer au Parlement la toute première politique de
sécurité nationale du Canada. Cette politique énonce les nombreuses
mesures que nous avons adoptées depuis les événements du 11
septembre, et celles que nous prendrons, en vue de renforcer nos
capacités en matière de sécurité, notamment la somme de 8 milliards
$ qui sera dépensée pour combler les lacunes à cet égard.
En décembre dernier, le premier jour de mon entrée en fonction à
titre de Premier ministre, nous avons créé le ministère de la
Sécurité publique et de la Protection civile. J’ai demandé à la
vice-première ministre de diriger ce nouveau ministère pour
signifier clairement notre détermination à assurer son bon
fonctionnement dans l’ensemble de l’administration fédérale.
Nous procédons à l’amélioration et à l’intégration de nos capacités
aux chapitres du maintien de l’ordre, du renseignement, des
transports, de la santé publique, de la planification en cas
d’urgence, et d’autres secteurs semblables. Nous renforçons
également la coordination entre les divers paliers de gouvernement –
ce qui pose un défi particulier dans un État fédéral décentralisé
comme le Canada – et nous faisons participer le secteur privé à ces
efforts.
Nous travaillons de près avec Tom Ridge pour que la frontière reste
à la fois ouverte aux activités commerciales et touristiques
légitimes, et sécuritaire. Le plan d’action pour la frontière
intelligente porte fruit : les entreprises des deux côtés de la
frontière ont pu constater les bienfaits qu’entraîne la réduction du
temps d’attente et de la paperasserie, tandis que de nouvelles
technologies et une coopération accrue ont amélioré notre capacité
de détecter les déplacements à haut risque. Dans l’avenir, nous
espérons, de concert avec le Mexique et les États Unis, appliquer le
plan d’action à des secteurs comme la biosécurité, la sécurité des
aliments et la sécurité maritime.
Pour le Canada et les États Unis, une collaboration plus poussée en
matière de sécurité est chose naturelle. Notre sécurité est
indivisible. Comme l’a démontré l’horreur des événements du 11
septembre, il est impossible d’imaginer un attentat ciblé contre le
Canada ou les États Unis qui ne frapperait pas au plein cœur de nos
valeurs communes, de notre amitié profonde et de nos intérêts
nationaux vitaux.
Nous reconnaissons depuis longtemps que la défense de l’Amérique du
Nord est aussi la défense du Canada. Pendant près de 50 ans, nous
avons partagé avec notre voisin du Sud la responsabilité de la
défense aérienne de l’Amérique du Nord par l’entremise du traité de
NORAD. En 2002, nous avons mis sur pied un groupe binational de
planification de la défense dans le but d’examiner les types
d’attentat pouvant être perpétrés contre nous, de même que les
mesures que nous pourrions adopter pour renforcer la sécurité de
l’Amérique du Nord. Par exemple, des arrangements en vue du
commandement conjoint de la défense maritime et l’aide militaire aux
autorités civiles dans l’éventualité d’une urgence.
Une bonne défense signifie aussi que l’on intervient là où le besoin
se fait sentir. Les soldats canadiens sont présents dans certains
des points chauds les plus névralgiques de la planète. Presque 2000
troupes sont déployées en Afghanistan, et c’est un Canadien qui
commande actuellement la Force internationale d’assistance à la
sécurité (ISAF). Nous venons de renouveler notre engagement en
Afghanistan; notre mission se prolongera donc au-delà de la date
d’août 2004 fixée pour notre départ. De plus, un grand nombre de
soldats sont encore déployés dans les Balkans, dans le golfe
Persique et en Haïti.
Le fait demeure que le Canada se classe actuellement deuxième parmi
les pays membres de l’OTAN en ce qui concerne le pourcentage de
troupes déployées à l’étranger dans le cadre d’opérations
multinationales. Nous devançons les Français, les Anglais, les
Italiens, les Espagnols, et tous les autres sauf les Américains.
Nous ne prévoyons pas non plus la disparition prochaine du genre de
défis en matière de sécurité qui se pose. C’est pourquoi nous avons
annoncé récemment des décisions majeures au chapitre de
l’approvisionnement pour faire en sorte que nos militaires aient
l’équipement nécessaire pour faire leur travail.
La description de notre approche fait aussitôt, et clairement,
ressortir de nombreux secteurs où il y a cause commune avec les
politiques américaines. On peut constater également des divergences
par rapport à d’autres secteurs. Ça toujours été le cas, et c’est
l’un des aspects remarquables – sinon le plus remarquable – de la
relation entre le Canada et les États Unis, le fait qu’au fil des
ans, nos differences nous ont distingué l’un de l’autre, mais sans
jamais nous diviser. Dans le cas de l’Iraq, nous ne nous sommes pas
joints aux forces de la coalition. Je crois qu’il s’agissait d’une
bonne décision pour le Canada, et les Canadiens l’ont appuyée.
Cela dit, il n’y a pas de désaccord quant au travail à faire. À
cette fin, le Canada s’est engagé à verser 300 millions $ pour aider
le peuple irakien à reconstruire son pays et à établir une
gouvernance responsable et démocratique. Nous offrons déjà en
Jordanie de la formation aux forces policières irakiennes, et à
mesure que le permettra la situation, nous intensifierons nos
efforts à ce chapitre et dans d’autres secteurs liés au renforcement
des institutions.
Nous sommes prêts aussi, conjointement avec nos partenaires du Club
de Paris, à faire grâce des dettes de l’Irak à l’égard du Canada,
qui sont de l’ordre d’environ 750 millions $. Nous convenons du fait
que plus tôt l’ONU pourra retourner en Irak, mieux ce sera. Jusqu’à
présent, les politiques que je vous ai décrites, y compris le besoin
d’envoyer des troupes à l’étranger, sont surtout de nature
défensives, conçues pour contrer les menaces qui pèsent contre nous.
Ce débat revêt cependant une autre dimension, issue du besoin de
gérer en même temps et sur beaucoup de fronts les défis posés par la
mondialisation. Sur le plan économique, les bienfaits de la
mondialisation ont été énormes. Mais ils sont loin d’être répartis
également, et beaucoup trop de pays sont laissés pour compte. Même
si un plus grand nombre de personnes jouissent d’une meilleure
qualité de vie qu’auparavant, l’écart absolu entre riches et pauvres
s’accroît.
Nous sommes tous d’accord que cela ne peut continuer. Beaucoup
d’encre a coulé dans les tentatives de remédier à cette situation,
qui constitue le plus grand dilemme moral du monde. On a moins
analysé toutefois un autre aspect de la mondialisation, qui touche
directement à notre besoin de sécurité accrue.
La révolution informationnelle a permis de répandre des idées sur
les droits de la personne et la liberté politique qui ont transformé
des régions entières, mais qui ont aussi créé des tensions –
ethniques, religieuses ou culturelles – dans de nombreuses sociétés
traditionnelles. Ces tensions au sein d’États déliquescents ou en
voie de l’être, ou dans les pays qui ne peuvent soutenir le rythme
du changement dans le monde, sont l’équivalent d’une poudrière qui
attend une allumette.
Une vraie sécurité va bien au delà de la simple défense contre des
attaques. Elle passe par la conviction que nous serons véritablement
en sécurité le jour où les citoyens dans tous les pays pourront
participer pleinement à la vie nationale, lorsqu’ils verront
clairement que leur propre bien être et leur liberté exigent
l’existence d’un État fonctionnel qui les écoute et qui, en dernière
analyse, leur rend des comptes. Les mots clés ici sont « fonctionnel
» et « rend des comptes ».
Si nous avons appris une seule chose après avoir versé de l’aide à
l’étranger pendant des décennies, c’est qu’un pays ne réussira pas –
ne peut réussir – s’il ne se dote pas d’institutions publiques qui
fonctionnent bien; et le meilleur moyen de s’assurer que ces
institutions fonctionnent bien est de les obliger à rendre des
comptes aux populations qu’elles servent. L’aide étrangère est
importante, certes, mais ses bienfaits sont manifestement limités en
l’absence d’institutions fonctionnelles et responsables.
Nous en avons été témoins en Haïti. Il y a près de 10 ans, le
Canada, les États-Unis et d’autres pays intervenaient pour aider à
ramener le président démocratiquement élu au pouvoir. Nous n’avons
pas lésiné sur l’aide, et nous sommes engagés solennellement à aller
jusqu’au bout. Le problème, c’est que nous n’avons pas réussi à
édifier les structures institutionnelles dont Haïti avait besoin
pour pouvoir se tenir debout tout seul. Aujourd’hui, nous sommes de
retour là-bas. De fait, le Canada a été le premier pays à y dépêcher
ses troupes. Cette fois-ci, la communauté internationale doit rester
jusqu’à ce que la tâche soit bien accomplie.
Le Canada en a fermement l’intention. En effet, l’un des volets
particuliers de notre rôle dans le monde consistera à cibler
davantage nos efforts de manière à permettre aux pays qui ont besoin
de notre aide à bâtir les institutions gouvernementales modernes
qu’il leur faut pour assurer la sécurité de leurs citoyens et pour
donner à ces derniers les moyens de mener une vie décente.
Au Canada, nous faisons référence aux trois D – défense, diplomatie
et développement. Cela veut dire que nous intégrons rigoureusement
nos instruments de politique étrangère traditionnels, surtout
lorsqu’il s’agit de répondre au besoin des États vulnérables de
renforcer leur propre capacité de se gouverner. Comme il a été
démontré en Afghanistan, même la présence de troupes étrangères ne
peut garantir la sécurité à moins que l’on parvienne à une entente
sur le plan politique. De la même façon, il n’y aura pas d’entente
politique sans sécurité. Et un développement économique convenable
nécessite les deux – sécurité et stabilité politique – pour pouvoir
porter fruit.
L’élément commun aux trois « D » est le renforcement des moyens dans
tous les aspects de la gouvernance. Trop souvent, les gens ne
prêtent attention qu’à un seul élément, au détriment des autres.
Nous constatons cette approche lors de débats sur la sécurité
publique. Les experts nous recommandent de donner un peu de
formation aux policiers, de construire une prison ou deux, et puis,
quand la situation revient à la normale, de quitter.
À notre avis, c’est insuffisant. L’approche « 3 D » englobe
l’édification d’institutions publiques qui fonctionnent bien et qui
rendent compte de leurs actions à la population. « Non seulement en
ce qui concerne le maintien de l’ordre », mais les ministères, le
système juridique, les tribunaux, les commissions des droits de la
personne, les écoles, les hôpitaux, les réseaux d’énergie, d’eau et
de transports. Cela signifie qu’il faut déployer des efforts à
plusieurs niveaux et en même temps, d’une façon qui permet aux
différents éléments de se renforcer les uns les autres. Cela suppose
aussi l’existence d’un secteur privé dynamique.
L’an passé, Ernesto Zedillo et moi même avons coprésidé la
Commission des Nations Unies pour le secteur privé et le
développement. Notre rapport contenait un certain nombre de
recommandations, mais un message ressortait clairement de nos
reflexions. L’économie d’aucun pays ne peut évoluer à moins que
soient créées les conditions dans lesquelles la population peut avec
confiance investir dans son propre avenir. Et cela ne se produira
pas sans la mise en place des institutions qui assurent la stabilité
et qui mettent un frein à la corruption.
Si on se fie aux manchettes d’aujourd’hui, le besoin de renforcer
les institutions dont je vous parle est le plus criant en Irak. Mais
c’est vrai aussi de pays où, même s’il n’y a pas eu de conflit
dernièrement, on a besoin de notre aide pour créer les institutions
nécessaires ou pour éviter l’érosion des institutions
gouvernementales en place. L’Afrique est un exemple où des
dirigeants prennent des mesures décisives pour renforcer leurs
institutions, tant sur le plan national que régional. Et ils le font
par l’entremise du Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (NEPAD) – une initiative que soutiennent le Canada, les
États Unis et les autres partenaires du G8 par la mise en œuvre du
Plan d’action pour l’Afrique.
Le renforcement des institutions peut paraître une tâche simple,
mais dans la réalité, c’est très difficile. La ligne de démarcation
entre aide et ingérence est ténue. Il faut promouvoir des méthodes
de gestion modernes sans rejeter les traditions locales qui sont
valorisées.
Il n’existe aucun plan détaillé, mais, comme dans tant d’autres
domaines, ce bon vieux conseil est toujours valable : tirez parti de
vos atouts, et c’est pourquoi nous croyons que le Canada peut jouer,
et jouera, un rôle important, à mesure que les pays en proie à des
difficultés saisissent la nécessité d’édifier les institutions d’une
gouvernance moderne. Lorsque je pense aux atouts canadiens, j’ai à
l’esprit les premiers rudiments de notre pays.
L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, notre première
constitution, accordait au Parlement le pouvoir de légiférer pour
assurer « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » au Canada. Ce
n’est pas là une expression qui nous fait palpiter d’émotion, mais
elle n’est pas loin d’être la recette quand on veut construire pour
le long terme. Les temps ont changé, et ce que les Canadiens
attendent de leur gouvernement a changé également, mais « la paix,
l’ordre et le bon gouvernement » ont toujours été la formule juste
d’après laquelle mesurer la performance de nos institutions.
Nous avons, à mon avis, un autre atout dans cette entreprise, un
atout qui remonte à la fondation du Canada. Lorsque nous avons
débuté comme pays, nous avons réussi à regrouper en une seule
communauté politique deux groupes linguistiques et deux grandes
confessions religieuses. Au fil des ans, nous avons ajouté une riche
mosaïque de langues, d’ethnies et de religions, et nous nous sommes
efforcés de répondre aux préoccupations et aux revendications de nos
peuples autochtones. Certains aiment dire que le Canada a été le
premier État « post-moderne », le premier pays à rejeter
expressément l’idée selon laquelle un État signifie un seul peuple,
un seul groupe ethnique, avec une seule langue et une seule culture.
Le Canada ne s’est jamais présenté comme un « creuset »; nous nous
sommes toujours considérés comme une « mosaïque ».
C’est peut-être la raison pour laquelle le Sri Lanka s’est adressé à
des spécialistes canadiens pour qu’ils l’aident à développer une
solution fédérale à ses querelles interethniques. Ainsi, en tant que
grande nation industrialisée, mais jamais à titre de puissance
coloniale ou de superpuissance, le Canada jouit de certains
avantages particuliers, car il se focalise aujourd’hui beaucoup plus
qu’il ne l’a fait dans le passé sur le renforcement des
institutions, fondement essentiel selon lui d’un État moderne et
sûr. Ces avantages qui serviront de lignes de force dans notre
politique étrangère.
Jusqu’à maintenant, j’ai parlé de renforcement des institutions et
de meilleure gouvernance dans les pays, mais ce n’est là qu’un côté
de la médaille. Il y a aussi l’urgent besoin de faire en sorte que
les systèmes internationaux et les institutions multilatérales
fonctionnent plus efficacement. Il se trouve que nous avons besoin
d’une meilleure gouvernance internationale afin que les avantages de
la mondialisation soient répartis plus équitablement et que les pays
moins pourvus soient dispensés de certains des coûts inévitables de
cette mondialisation. Il nous faut des institutions multilatérales
qui fonctionnent parce que, malgré leurs nombreux défauts, elles
portent en elles une légitimité qu’aucun pays ne peut à lui seul
revendiquer. Elles défendent le principe selon lequel chaque pays
mérite de siéger à la table, car il a des intérêts légitimes à faire
valoir et des valeurs à faire respecter. Bien sûr, il est facile de
déplorer que telle ou telle institution ne fonctionne pas, mais
cessons de rejeter la responsabilité sur les autres. Les
institutions multilatérales, ce sont nous, les États membres
souverains. Nous sommes responsables de leur fonctionnement, qu’il
soit bon ou mauvais. La plupart d’entre nous admettront que la
réforme de nombreuses institutions internationales, qu’elles soient
ou non de la famille des Nations Unies, est nécessaire, et je
n’entends pas aujourd’hui m’appesantir sur de telles évidences.
Il y a cependant une proposition que j’aimerais faire. La
responsabilité d’une bonne gouvernance internationale retombe
principalement sur les épaules des dirigeants politiques des États
souverains. Mais il y a ici un réel problème; nombre des
organisations internationales d’aujourd’hui ne sont pas conçues pour
faciliter les débats politiques informels qui s’imposent entre
politiciens.
En bref, les dirigeants ne peuvent prendre les décisions hardies qui
sont nécessaires si les tribunes internationales continuent de se
limiter strictement à ratifier les résultats de négociations d’ordre
administratif. Les échanges les plus fructueux entre dirigeants ont
souvent lieu dans les coulisses de grandes réunions, en tête-à-tête,
très loin du programme officiel. Quand des dirigeants se rencontrent
à la faveur de tribunes internationales, il est difficile pour eux
de se libérer du syndrome du « dossier d’information » et d’en venir
aux choses sérieuses, à une réflexion qui sorte des sentiers battus.
Le débat que peuvent engager des fonctionnaires ou des diplomates a
nécessairement ses limites : seuls des dirigeants politiques peuvent
faire le saut qui est si souvent nécessaire pour rompre une impasse
intellectuelle, émotionnelle ou historique.
Les séances de photos ne sauraient remplacer la volonté politique.
Il nous faut trouver le moyen pour que les dirigeants politiques
travaillent les uns avec les autres sur le plan international, comme
ils travaillent chez eux avec divers groupes intéressés – en
débattant, en explorant et en cherchant des solutions axées sur des
valeurs qui unissent au lieu de diviser, qui stabilisent au lieu de
détruire, qui soient pragmatiques plutôt qu’idéologiques.
Comment faire pour y arriver? Une approche que je crois judicieuse
consisterait à examiner les enseignements reçus des ministres des
Finances du Groupe des 20, un groupe qui a été formé dans le sillage
de la crise financière asiatique survenue en 1997. Nous présagions
un regroupement informel de ministres des Finances, représentant des
centres d’influence établis ou nouveaux, et venant d’horizons
politiques, économiques, culturels et religieux très divers. Nous
voulions en finir avec la mentalité « nous contre eux » dont
souffrent de nombreuses réunions internationales, et cela a
fonctionné remarquablement bien – parce que la pression des pairs
est souvent un moyen très efficace de forcer des décisions.
Nous croyons qu’une approche semblable parmi les dirigeants pourrait
contribuer à résoudre certains des problèmes les plus difficiles
auxquels le monde est confronté. Nous devons réunir dans la même
salle la bonne combinaison de pays, pour qu’ils échangent leurs
idées sans scénario préétabli. Nous ne proposons pas une nouvelle
institution faite de briques et de mortier, mais nous croyons
vraiment qu’une nouvelle approche faisant intervenir directement les
dirigeants politiques pourrait contribuer à rompre de nombreuses
impasses. Je proposerais que nous convoquions un groupe de pays du
Nord et du Sud pour qu’ils s’attaquent seulement à un problème, et
que nous voyions où cela nous mène – ce pourrait être le terrorisme
ou la santé publique à l’échelle mondiale. Dans le contexte du débat
d’aujourd’hui, la santé publique est tout autant un problème de
sécurité que l’est le terrorisme. Par exemple, les États-Unis, le
Canada et les autres pays du G8, par leur travail au sein des
Nations Unies, ont fait beaucoup pour élaborer une réponse pleine
d’humanité à la crise du SIDA qui sévit en Afrique.
Au Canada, notre Parlement adopte des modifications législatives
pour permettre aux entreprises canadiennes de fournir aux pays
d’Afrique, pour un coût modeste, des médicaments antirétroviraux
génériques. Nous sommes le premier pays industrialisé à présenter un
texte de loi avant gardiste de cette nature. J’en suis très fier.
Toutefois, le besoin de médicaments bon marché dépasse le problème
du SIDA et l’Afrique. N’est-il pas possible de parvenir à un
équilibre entre le besoin incontestable de droits de propriété
intellectuelle, qui financent en grande partie la recherche
médicale, et la nécessité tout aussi évidente d’aider à soulager la
souffrance des personnes qui n’ont pas les moyens d’acquérir les
fruits de cette recherche? Les dirigeants d’un G-20 pourraient aussi
traiter d’autres questions, par exemple sauver la ronde actuelle de
négociations commerciales multilatérales, dont le principal obstacle
est l’agriculture. En effet, l’agriculture ne se résume pas à un
simple enjeu commercial de nature purement économique.
Dans des pays comme la France, le Japon et les États-Unis, il
constitue avant tout une question politique que seuls les dirigeants
politiques du plus haut niveau peuvent régler. Tout le monde
convient qu’un échec de la série de pourparlers de Doha ne
profiterait à personne, mais cette possibilité se profile pourtant à
l’horizon. Si les négociations échouent, de nombreux pays
considéreront à tort ou à raison que les mécanismes internationaux
que nous avons établis au fil du temps ne fonctionnent pas pour eux,
même s’ils sont utiles pour certains.
Ce projet étant de la plus haute importance pour notre sécurité,
nous enverrions ainsi un mauvais signal, alors même que nous tentons
de rassurer certains pays que nous nous préoccupons de leur avenir
et que nous désirons les voir profiter de la mondialisation et
prospérer.
Il est clair que nos institutions multilatérales ont besoin d’aide.
Nous devons réaliser des réformes institutionnelles majeures, et
agir dans ce sens sans tarder. Cela dit, la réforme prendra du
temps, mais nous ne devons pas permettre qu’elle serve de prétexte à
l’inaction.
Nous devons suivre une démarche à deux voies : entreprendre en
premier lieu une réforme institutionnelle multilatérale; traiter en
deuxième lieu des dossiers urgents comme l’assainissement de l’air,
l’eau, les maladies contagieuses, l’accès au marché des produits
agricoles et le terrorisme mondial.
Je pense d’ailleurs que le fait de commencer à répondre sérieusement
à ces dilemmes pressants faciliterait une réforme institutionnelle
attendue depuis longtemps. Bref, que le fonds passe avant la forme.
Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes complexes. Permettez
moi donc de vous en donner un autre exemple illustrant le fait que
la réforme institutionnelle et la résolution de problèmes
particuliers sont des objectifs qui se renforcent mutuellement,
toujours dans le contexte d’une sécurité accrue pour tous.
Dans la plupart des débats sur la saine gouvernance, tant à
l’intérieur de chaque pays qu’à l’échelon international, nous
partons du principe selon lequel la plupart des gouvernements
préfèrent bien travailler pour le compte de leurs citoyens plutôt
que de demeurer dans un isolement malsain. Malheureusement, nous
savons que ce n’est pas toujours le cas.
Comment réagir face aux pays qui refusent de faire les premiers pas
vers une citoyenneté nationale ou mondiale responsable? Que
devons-nous faire quand leur population est confrontée à une
catastrophe humanitaire? Que devons-nous faire lorsque les gens
baignent dans une culture de haine ou de violence alimentée par leur
propre gouvernement, comme cela a été le cas au Rwanda?
Si un gouvernement viole toutes les normes associées à ce qu’on
appelle une conduite responsable, avons-nous, en tant que communauté
internationale, la responsabilité de protéger (comme, dans cet
exemple, de protéger la population d’un pays de son propre
gouvernement)? Récemment, une Commission d’experts internationaux
mandatée par l’ONU a répondu par l’affirmative à cette question et a
énoncé diverses sortes d’interventions acceptables, par exemple
l’imposition de sanctions ou, dans certaines conditions,
l’intervention militaire – avec l’approbation des « autorités
compétentes ».
Au Canada, nous sommes largement d’accord avec Kofi Annan lorsqu’il
déclare : « … ce qui est certain, c’est qu’aucun principe
juridique – même pas celui de la souveraineté – ne saurait excuser
des crimes contre l’humanité ». Lorsque les circonstances l’exigent,
comme ce fut le cas au Rwanda ou au Kosovo, des interventions
humanitaires sont justifiables. Nous ne souscrivons pas à la thèse
voulant que les États jouissent d’une immunité absolue en vertu du
principe de la souveraineté étatique. Comme l’a souligné Elie
Wiesel, prix Nobel de la paix, « la neutralité aide toujours
l’oppresseur, jamais l’opprimé ».
En fait, il faudrait amorcer un débat ouvert sur la nécessité
d’intervenir dans les cas où sont bafoués les préceptes les plus
fondamentaux de notre humanité à tous. Nous devons convenir
clairement de principes qui nous aideront à déterminer quand il est
approprié de recourir à la force pour appuyer des objectifs
humanitaires.
Certains pourraient penser que tout cela nous éloigne du plan
d’action en matière de sécurité que nous devons mettre en place en
Amérique du Nord pour protéger nos propres citoyens. Je ne crois pas
que cela soit le cas, et j’imagine que vous serez d’accord avec moi.
Les points que je soulignerai ici sont très simples.
Tout d’abord, pour ce qui est de l’Amérique du Nord, nous devons
protéger nos frontières. Je tiens à vous assurer que le Canada fera
plus que sa part dans ce domaine.
Ensuite, la meilleure protection pour notre territoire est un monde
qui fonctionne bien. À cet égard, nos deux pays n’ont pas la même
capacité ni, par conséquent, la même responsabilité. Certes, nous ne
sommes pas une superpuissance. Toutefois, comme je l’ai déjà
indiqué, cela peut aussi être un avantage. Envisagées dans leur
ensemble plutôt qu’isolément, les décisions que nous prenons
collectivement détermineront si tous les progrès réalisés ces
dernières décennies profiteront à tout le monde ou si des centaines
de millions, voire des milliards de personnes, seront laissées pour
compte à jamais.
Nous devons démontrer aux peuples partout dans le monde que les
mécanismes internationaux peuvent fonctionner pour tous. Nous devons
intéresser chaque personne à la saine gouvernance, tant à l’échelon
national que sur le plan international.
Notre devoir est de protéger nos citoyens. Jour après jour, il est
de plus en plus clair que notre sécurité à long terme passe par la
propagation de la liberté partout dans le monde, que ce soit à
l’égard de l’oppression, de la corruption, de la faim ou de
l’ignorance et du désespoir – la liberté de jouir d’une vie sûre,
prospère et productive pour tous.
Nous ne pouvons fermer les yeux devant les menaces très réelles que
représentent pour notre sécurité les terroristes et les tyrans qui
sont motivés non par la pauvreté, mais par la haine. Toutefois, nous
ne pouvons pas non plus négliger le fait que la sécurité à long
terme passe par l’édification d’un monde plus équitable et plus sûr
pour tous les habitants de notre planète.
Je vous remercie.
[Martin=20040510]
[lieu=qué]
[Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion d’un déjeuner organisé par le CORIM, le CERIUM, l’Institut d’études internationales de Montréal à l’UQAM et l’organisation Montréal International]
Chers amis, tout d’abord, permettez-moi de vous remercier de m’avoir
invité à venir vous parler de politique étrangère ici chez moi, à
Montréal.
La vocation internationale de notre ville est bien connue. Carrefour
entre l’Europe et l’Amérique, Montréal abrite des organisations
internationales et accueille des institutions comme les vôtres,
autres signes tangibles de sa vitalité.
En politique étrangère, tout comme en politique intérieure, les
choix que nous faisons reflètent les valeurs qui nous tiennent à
coeur. Je m’en suis bien rendu compte il y a un peu plus d’une
semaine, au cours de ma visite à Washington. Évidemment, les sujets
traités ont été d’abord ceux qui sont au coeur des préoccupations
immédiates entre le Canada et les États-Unis, notamment le bois
d’oeuvre, le boeuf, l’Irak et le bouclier antimissile.
Sur le bois d’oeuvre et le boeuf, le protectionnisme ne sert à
personne. Sur l’Irak, j’ai rappelé mon appui personnel à notre
décision de ne pas nous joindre aux forces de la coalition. Mais
j’ai tenu aussi à regarder vers l’avenir et à souligner notre
engagement à aider les Irakiens à reconstruire leur pays et à se
doter d’un régime démocratique avec l’appui des Nations Unies. En ce
qui concerne le bouclier antimissile, le Canada prendra sa décision
en fonction de ses propres intérêts.
Une chose est claire : le Canada reste profondément opposé à la
présence d’armes dans l’espace. Nous voulons que l’espace soit
considéré comme un bien universel. J’ai aussi abordé deux idées à
plus long terme, qui vont être au coeur de la politique étrangère
telle que je la conçois pour le Canada de demain.
Ce sont deux idées qui évoluent depuis plusieurs mois, mais dont
j’aimerais vous parler aujourd’hui, parce que dans la dernière
semaine elles ont commencé vraiment à faire du chemin. Ce sont deux
idées qui s’inspirent des valeurs profondes du Canada. Des valeurs
comme la démarche multilatérale pour résoudre les différends, la foi
dans la règle de droit, la gouvernance et la transparence des
institutions comme conditions du progrès, et surtout la soif
d’équité et de justice, qui sont à la base d’une véritable sécurité.
Les deux idées dont j’ai l’intention de vous parler reconnaissent
que la mondialisation nous a apporté des bénéfices considérables
mais qu’elle pose également toute une série de défis que nous ne
pourrons résoudre sans envisager de nouvelles démarches et prendre
de nouvelles initiatives.
La première idée tient au fait que les institutions internationales
qui ont été créées il y a 30 à 50 ans, si utiles et importantes
soient elles, ne se sont pas encore suffisamment adaptées pour
relever ces nouveaux défis. Il y a dix ans, quand j’étais ministre
des Finances, nous avons dû faire face à des failles graves au sein
de l’architecture financière internationale, des failles qui nous
ont conduit à la crise du peso mexicain en 1994, à la crise
asiatique en 1997, suivie de la crise brésilienne. Le problème était
pour nous, les ministres des Finances du G-7, c’est que nous
comprenions très bien les difficultés auxquels faisaient face ces
pays; et nous croyions avoir les solutions nécessaires, mais il
était impossible de les faire accepter, parce que ces pays ne
faisaient pas partie du G-7 et tout naturellement refusaient toute
solution imposée par des tiers.
C’est pourquoi, en 1999, nous avons créé un nouveau forum, le G-20,
qui réunit les ministres des Finances du G-7 mais aussi les
ministres des Finances des économies en émergence de toutes les
régions du monde, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, le Brésil, le
Mexique et l’Afrique du Sud – ensemble, des pays représentant deux
tiers de la population mondiale.
Et cela a réussit. C’est le G-20 qui, lors de sa rencontre à
Montréal en l’an 2000, grâce à la concertation entre tous ces pays à
une même table, a su mettre en place les mécanismes nécessaires pour
mieux faire face aux défis financiers internationaux. Ce qui m’amène
à aujourd’hui. Le G-8 est très important. Mais lorsque je regarde
les problèmes qui nous confrontent de nos jours, les nouveaux maux
de la terre qui ignorent les États et ne connaissent pas de
frontières comme le SRAS, le SIDA, l’effet de serre et le terrorisme
mondial, il est évident qu’il y a des limites à ce que le G-8 peut
faire parce qu’il n’a pas toute la portée requise.
La solution – je crois que nous avons besoin d’un G-20 au niveau des
chefs d’États, non pas pour remplacer le G-8, mais pour le
compléter. Je suis convaincu qu’une réunion des dirigeants du G-20
peut apporter une contribution significative en galvanisant nos
efforts à l’échelle multilatérale et en donnant l’impulsion et un
meilleur sens de direction à nos institutions oeuvrant dans le
domaine de la gouvernance mondiale.
Est-ce important pour le Canada? La réponse est clairement oui parce
que cela nous offre la possibilité d’être le catalyseur d’une
démarche fondamentale. Cela nous donnera les leviers dont nous avons
besoins pour jeter un pont entre le Nord et le Sud. Et tout cela
pour le Canada est crucial. Peu de pays sont aussi ouverts sur le
monde que nous le sommes. Nous avons une économie qui dépend de la
stabilité mondiale.
L’idée du G-20 est-elle réaliste? Je crois de plus en plus que c’est
réalisable. Mes discussions sur la question avec la Commission
européenne ont suscité de l’intérêt. Il en a été de même dans mes
discussions avec les présidents du Brésil, du Mexique et de
l’Afrique du Sud. Les deux pays clés sont les deux grandes
puissances du Nord et du Sud, les États-Unis et la Chine. Le jour
précédant ma nomination comme Premier ministre, j’ai eu une
rencontre avec le Premier ministre de la Chine, Wen Jiabao, qui
s’est montré intéressé. Je vais faire un suivi à cet égard.
Le deuxième pays clé, ce sont les États-Unis. Et à Washington, la
semaine passée, j’ai abordé la question avec le Président Bush qui a
exprimé un réel intérêt pour l’idée, et c’est de cela dont je
voudrais vous parler aujourd’hui.
Pendant ma rencontre avec le Président Bush, je lui ai décrit le
concept du G-20. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un groupe de
dirigeants provenant des pays développés et en développement qui se
rencontrerait dans le cadre le plus informel possible afin de faire
progresser quelques-uns des dossiers les plus épineux auxquels la
communauté internationale doit faire face : le VIH/sida, le besoin
d’accroître la collaboration dans la lutte contre le terrorisme, la
nécessité d’intervenir devant l’écart grandissant entre les riches
et les pauvres. Le soutien des Américains est crucial. Comme les
autres dirigeants avec qui j’en ai discuté, le Président Bush a
exprimé un intérêt sincère. Je crois donc que l’heure du G-20a
sonné.
Maintenant que l’idée fait des progrès, j’ai l’intention de
poursuivre la discussion avec les autres puissances régionales
européennes, latino-américaines, africaines et asiatiques.
Allons-nous réussir à créer le G-20 des chefs d’États? Cela reste à
voir. Mais si nous réussissons, je crois que nous allons mettre en
place une démarche tout à fait adaptée à un monde en constante
mutation.
Ma deuxième proposition découle d’un constat que je vais illustrer à
l’aide de trois exemples contemporains. Premier exemple, Haïti. Il y
a 10 ans, le Canada, les États-Unis et la France sont intervenus
pour rétablir dans ses fonctions le président qui avait été
démocratiquement élu. Cela nous a coûté passablement cher comme
opération. Mais parce que nous avons quitté le pays avant de
développer les structures institutionnelles dont Haïti avait besoin,
10 ans plus tard, nous sommes de retour, à la case départ. Il ne
faut pas répéter la même erreur.
Nous reconnaissons qu’en tant que pays francophone et partenaire
important dans les Amériques, le Canada a une responsabilité
particulière envers Haïti et cette fois-ci, nous allons nous assurer
que la communauté internationale ne se dérobe pas à ses obligations,
soit d’aider à renforcer les institutions haïtiennes de gouvernance
publique.
Deuxième exemple, l’Afghanistan, où avec 2000 soldats, le Canada est
à la tête de la Force internationale d’assistance à la sécurité de
l’OTAN. Nos troupes y font un travail admirable. Mais c’est clair
que l’Afghanistan ne connaîtra jamais ni sécurité ni développement
économique sans qu’on construise les institutions gouvernementales
capables de donner au pays une stabilité politique.
Dernier exemple. L’an dernier, l’ancien Président du Mexique Ernesto
Zedillo, et moi-même avons coprésidé la Commission des Nations Unies
pour le secteur privé et le développement. Notre rapport contenait
un certain nombre de recommandations. Mais le plus important,
c’était le fait que tout simplement, le secteur privé ne se
développera pas dans les pays moins nantis tant qu’il n’aura pas
confiance dans leurs institutions publiques.
Quelles conclusions tirer de ces exemples? C’est assez clair. Il n’y
aura pas de paix sociale ni de développement économique sans
institutions publiques stables, fortes et probes.
Premièrement, plus souvent qu’autrement, un État en faillite
requiert une intervention militaire afin d’assurer la stabilité.
Mais c’est un leurre de croire qu’une intervention militaire, si
indispensable soit-elle, puisse suffire à rétablir à long terme la
sécurité dans un pays. Sans institutions publiques solides, des
ministères opérationnels, un bon système judiciaire, des forces
policières honnêtes, des tribunaux indépendants, des commissions des
droits de la personne, des écoles, des hôpitaux qui fonctionne, des
services publics compétents, la stabilisation par des forces de
maintien de la paix ne peut être qu’éphémère.
Quelle est ma proposition? Il faut que la communauté internationale
mette à la disposition des pays vulnérables la capacité de créer et
de gérer leurs propres institutions publiques et privées, et il n’y
a pas un pays mieux placé pour prendre le leadership dans ce domaine
que le Canada. Nous avons toutes les compétences voulues pour faire
ce travail. Nous avons les connaissances et presque un siècle et
demi d’expérience en développement d’institutions solides chez nous.
Il existe au Canada un vaste réservoir de talents pour créer ou
renforcer les institutions les plus diverses dans les États qui en
ont le plus grand besoin. C’est ce que nous faisons, par exemple, en
Jordanie, où nous entraînons des policiers irakiens. Ce genre de
coopération existe déjà entre pays francophones où le Canada, le
Québec et le Nouveau-Brunswick travaillent de concert en faveur du
développement des populations et des institutions des pays moins
favorisés membres de la Francophonie.
Mais nous pouvons faire beaucoup plus. Par exemple, nous pouvons
mettre à la disposition des pays qui en ont besoin l’un des grands
avantages canadiens, à savoir le bijuridisme. Notre pratique
parallèle de la common law et du Code civil fait de nous des
interlocuteurs importants, tant dans le Commonwealth qu’au sein de
la Francophonie, ainsi que dans de nombreux pays d’Amérique latine.
Vous allez me dire que d’autres pays possèdent aussi les compétences
nécessaires. Pourquoi alors revient-il au Canada de jouer le rôle de
catalyseur? La réponse – le Canada peut faire bouger les choses, pas
seulement en raison de ce que nous pouvons faire, mais à cause de
qui nous sommes. Nous inspirons confiance non seulement parce que
nous sommes une grande nation industrialisée, mais aussi parce que
nous ne sommes ni une ancienne puissance coloniale ni une
superpuissance.
Tout aussi important, le grand atout du Canada remonte à sa
fondation, au regroupement en une seule communauté politique de deux
groupes distincts : français et catholique d’un côté, anglais et
protestant de l’autre. Au fil des ans, nous avons ajouté une riche
mosaïque de langues, d’ethnies et de religions, et nous nous
efforçons à répondre aux préoccupations et aux revendications de nos
peuples autochtones.
Nous avons accompli un vrai exploit, un énorme exploit, au titre de
l’intégration dans la tolérance et du respect de la diversité. Cela
ne s’est pas fait sans difficultés et des erreurs ont été commises,
mais le bilan évoque une réussite exceptionnelle. Il démontre qu’un
pays n’est pas seulement une langue, une culture. C’est la capacité
de vivre ensemble et de vouloir réussir ensemble. Et aujourd’hui nos
atouts se multiplient. Pour bâtir, dans les pays vulnérables, le
genre d’institutions dont les Canadiens de toutes origines
bénéficient ici.
Nous savons que nous pouvons compter sur la collaboration pleine et
entière de nos diasporas au Canada comme celles de Haïti,
d’Afghanistan, ou d’Irak. Le Canada fait la promotion sans relâche
d’une convention sur la diversité culturelle sous l’égide de
l’UNESCO. Nous le faisons d’abord pour protéger nos propres
réalisations culturelles, mais aussi pour ce que cela signifie à
l’extérieur de nos frontières.
Il faut que les pays aient le droit de prendre les mesures
nécessaires pour préserver et promouvoir leurs cultures. Ce qui est
important dans la convention de l’UNESCO, c’est qu’elle contribue au
renforcement des institutions et rassure les sociétés en leur
laissant savoir qu’elles peuvent se doter d’une gouvernance moderne
et s’ouvrir au monde, sans perdre leurs cultures distinctes. Le
Canada a suivi cette démarche tout au long de son histoire. C’est
une autre raison pour laquelle nous sommes bien placés pour aider
les pays en développement à bâtir leurs institutions.
Alors, cela nous amène à quoi? Dans le discours du Trône nous avons
annoncé notre intention de créer un nouvel organisme, temporairement
nommé Corps Canada. Je suis heureux de pouvoir aujourd’hui vous en
parler davantage. Corps Canada, c’est mettre à la disposition des
pays dans le besoin les talents et les valeurs de Canadiens qui
veulent les aider à consolider leurs institutions nationales. Je
vous annonce aujourd’hui que l’opération est lancée.
C’est une idée qui, j’en suis convaincu, correspond aux aspirations
profondes des Canadiens et des Canadiennes. Par exemple, Regardez
les Québécois qui ont fait preuve de vision et de courage, et qui
ont été depuis longtemps en première ligne dans la lutte contre la
pauvreté, la maladie et l’ignorance. Ils ont fondé des écoles, des
hôpitaux, des cliniques, des postes agricoles, et ont construit des
installations d’irrigation et des centrales électriques.
Le père dominicain Georges Henri Lévesque, fondateur de la faculté
des sciences sociales de l’Université Laval en 1938. Pas du genre à
se reposer sur ses lauriers, il a créé, à l’âge de soixante ans,
l’Université du Rwanda à Kigali, dont il a été recteur de 1963 à
1972.
Il y a plus de dix ans, avec l’aide de l’ACDI, Hydro-Québec s’est
mise à réadapter l’infrastructure électrique de Jacmel en Haïti.
Aujourd’hui, c’est le seul endroit dans ce pays où le système
électrique fonctionne sans interruption.
Le Mouvement International Desjardins aide à établir dans différents
pays du monde des services coopératifs d’épargne, de micro crédit et
de financement communautaire. Au pire des actes de violence commis
en février en Haïti, de nombreuses banques commerciales ont été
saccagées. Mais les Caisses populaires, elles, ont été protégées par
les habitants des collectivités où elles se trouvent. Aucune Caisse
n’a été attaquée. Pas une seule.
Dans cet esprit, Corps Canada contribuera à créer des synergies
entre les multiples organismes, publics et privés, qui oeuvrent dans
le domaine du développement. Il offrira les compétences de
spécialistes du renforcement des institutions et du développement
des capacités. Il rassemblera des Canadiens de tous âges qui sont
prêts à contribuer au développement institutionnel. On compte, bien
entendu, sur la coopération du secteur privé et de la société civile
en plus de celle des institutions fédérales, et on compte aussi sur
la coopération des provinces et des villes.
Corps Canada aura recours à trois catégories de personnes : des
experts à divers niveaux des secteurs public et privé; des gens qui
travaillent dans le secteur bénévole, comme le Service d’assistance
canadien aux organismes; et des jeunes qui ont une expertise ou une
formation dans des domaines tels le droit, la gestion ou
l’organisation communautaire.
Les experts proviendront d’un vaste éventail de secteurs, du diplômé
en administration au policier à la retraite, de l’expert
constitutionnel à la diététiste ou à l’enseignante. Certains besoins
nécessiteront une contribution à long terme. Dans d’autres cas, le
travail à accomplir sera intense, mais d’assez courte durée, comme
par exemple celui des experts canadiens qui ont observé le
déroulement des élections en Mongolie et en Géorgie.
Nous donnerons à de jeunes Canadiens la possibilité d’aider leurs
prochains et de connaître le monde avant de se lancer dans leur vie
professionnelle au Canada. Nous ferons tout notre possible pour que
leur participation à de telles activités fasse partie intégrante de
leur expérience formative.
Ce seront des gens comme Pierrot Tremblay, un Autochtone diplômé
d’une université québécoise avec une maîtrise et des connaissances
de la langue espagnole, qui a participé à la commission
présidentielle chargée des droits de la personne au Guatemala.
Où en sommes-nous dans notre démarche? Nous venons de mettre sur
pied le secrétariat responsable de Corps Canada. Ce secrétariat
mettra l’accent sur la consultation avec les différents intervenants
des trois catégories de personnes ressources, et établira des liens
avec d’autres institutions canadiennes axées sur la démocratie,
comme le Forum des Fédérations qui collabore avec les autorités du
Sri Lanka afin de trouver une solution fédérale à leurs problèmes
interethniques. Au fil du temps, l’organisme tissera des liens avec
des groupes dans d’autres pays et avec des organisations
internationales qui œuvrent dans le même domaine.
À la tête du secrétariat, comme directrice générale intérimaire,
nous y avons nommé Madame Marie Gervais-Vidricaire du service
extérieur canadien. Et, j’ai le plaisir de vous annoncer aujourd’hui
le nom des deux coprésidents de Corps Canada, soit M. Gordon Smith,
l’ancien sous-ministre des Affaires étrangères, et maintenant
président du Centre des études mondiales de l’Université de
Victoria, et Mme Julie Payette, astronaute, une femme de science et
d’érudition.
Mesdames et messieurs, j’ai voulu aujourd’hui vous parler de deux
nouvelles démarches de la politique étrangère de notre nouveau
gouvernement. Comme pays, nous partons d’une dynamique existante.
Nous avons des relations bilatérales essentielles. Nous avons des
perspectives régionales et globales. Notre relation avec les
États-Unis est vitale.
Nous appartenons à de nombreux réseaux, comme le Commonwealth et la
Francophonie. Nous sommes membres d’institutions multilatérales au
coeur du développement de l’humanité, à commencer par les Nations
Unies. Tout cela, c’est l’acquis de notre histoire et de notre
géographie. Maintenant, il faut bâtir sur ces acquis.
Vous allez trouver dans notre politique étrangère la dimension
canadienne traditionnelle, faite de générosité, de compassion, de
sacrifice. Mais je veux redonner à cette tradition sa pleine
vitalité dans un monde de plus en plus complexe.
Laissez-moi vous en donner un dernier exemple : il y a 14 millions
de personnes qui meurent chaque année de maladies qui pourraient
être évitées si elles avaient accès à des médicaments à prix
abordables. Dans les prochaines vingt-quatre heures, 8 000 personnes
mourront du sida et 14 000 autres seront infectées par le VIH, ce
qui détruira des familles et meurtrira des pays déjà fragiles.
Des chiffres comme ceux-ci sont bouleversants et le Secrétaire
Général des Nations Unies, Kofi Annan, a lancé un appel à l’aide
vibrant à la communauté internationale. Le Canada a répondu
“présent”. Cette semaine, nous serons le premier pays au monde à
adopter une loi qui permettra à ses fabricants de produits
pharmaceutiques de produire des médicaments à faible coût contre le
VIH et le sida pour l’Afrique.
Dans le même contexte, j’aimerais annoncer aujourd’hui que le Canada
contribuera 100 millions de dollars à une nouvelle initiative de
l’Organisation mondiale de la Santé. C’est un programme qui vise à
traiter trois millions de sidatiques d’ici la fin de 2005.
Cette contribution fait de nous le plus important donateur pour ce
programme. Les Canadiens et les Canadiennes peuvent en être fiers,
car c’est une question de vie ou de mort. C’est de cela que nous
avons besoin : une politique étrangère portée sur l’avenir,
consciente des menaces nouvelles qui nous confrontent mais confiante
de pouvoir les surmonter par de nouveaux partenariats.
Nous avons besoin d’une politique étrangère qui reconnaît que les
nouvelles frontières du monde ne sont plus celles des États mais
celles de l’ignorance, de l’intolérance et de l’injustice. Ce sont
ces frontières qu’il nous faut franchir. C’est une politique
étrangère qui reconnaît qu’il ne peut y avoir de développement sans
sécurité et qu’il n’y a pas de sécurité durable sans justice, sans
équité, sans développement.
Les défis contemporains sont énormes. C’est pourquoi le Canada se
doit d’apporter un esprit nouveau et des idées nouvelles pour les
relever. Mes deux propositions sortent des sentiers battus. Tant
mieux. Si les dirigeants politiques du G-20 se réunissent et
galvanisent la gouvernance internationale, et que nous parvenons à
créer des institutions solides dans les pays vulnérables, nous
n’aurons fait que notre devoir.
Les idées changent le monde. Et bien les Canadiens et les
Canadiennes sont capables de générer des idées neuves. Et aussi de
prendre les moyens pour les mettre en pratique. Que le Canada puisse
se démarquer, certains diront que c’est un rêve. Peut-être, mais
c’est un rêve plein de réalité que partagent tous les Canadiens.
Nous avons créé l’un des pays les plus merveilleux au monde.
Pourtant, le climat ne nous était guère favorable.
Deux peuples fondateurs qui s’étaient fait la guerre ont créé l’un
des bastions de la tolérance, une nation dont le talent rime avec
diversité. On nous décrit souvent comme un pont entre l’Europe et
l’Amérique. Mais nous sommes plus que ça. Beaucoup plus.
Nous sommes un exemple pour le monde de ce qu’un pays doit être.
Montrer le chemin aux autres est autant notre destin que notre
responsabilité. Le Canada que je propose est un Canada qui reflète
nos valeurs les plus profondes. C’est un Canada ouvert à ce qu’il y
a de meilleur.
C’est le Canada que veulent nos amis.
C’est le Canada que veulent les Canadiens.
Merci
[Martin=20040517]
[lieu=qué]
[Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion d`un déjeuner organisé par la Chambre de commerce de Laval]
Mesdames et Messieurs,
D’abord, je veux dire un grand merci à la Chambre de commerce et
d’industrie de Laval de m’avoir invité à partager quelques moments
avec vous aujourd’hui.
C’est toujours bon de revenir chez-soi, au Québec, et de retrouver
tant d’amis et de visages familiers. Votre accueil me fait chaud au
cœur et je vous en remercie.
C’est aussi un grand plaisir de me retrouver en compagnie de la
communauté lavalloise. Cette Chambre est une organisation dynamique,
dans une ville dynamique.
Pas besoin de parler longtemps avec le maire Vaillancourt, pour
réaliser que les projets sont légion à Laval, une ville qui se
démarque par sa vitalité, son développement et sa capacité de
préparer l’avenir. Et d’ailleurs c’est justement d’avenir dont je
veux vous parler aujourd’hui.
Au cours des dernières années, nous avons fait ce qu’il fallait
faire pour prendre le contrôle de notre destinée.
La dette fédérale, qui représentait 67 % du PIB en 1993-1994, est
descendue sous la barre des 45 % cette année. Et nous nous sommes
engagés à la réduire à 25 % d’ici les dix prochaines années. Il y a
onze ans, notre déficit représentait presque 7 % de notre PIB,
tandis qu’en Allemagne il n’était qu’un peu plus de 2 %.
Aujourd’hui, l’Allemagne a un déficit qui dépasse 3 %.
Nous, nous sommes le seul pays du G 8 en surplus. Il y a cinq ans,
j’ai mis en place un plan de réduction des impôts de 100 milliards
de dollars. Juste pour cette année, ce sera une réduction de 31
milliards. C’est la réduction d’impôts la plus importante de
l’histoire du Canada. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’on ne
doit pas continuer à être vigilant. Le service de la dette est
encore important.
Nous avons aussi des responsabilités accrues, en matière de sécurité
par exemple où nous avons dû investir sept milliards de dollars
suite aux événements du 11 septembre. Et sans compter les
investissements importants pour faire face à des crises imprévues
comme le SRAS et la vache folle.
Néanmoins, dans les derniers dix ans, ce que nous Canadiens et
Canadiennes avons accompli ensemble est remarquable.
Les performances du Canada au plan financier, économique et social
sont parmi les meilleures au monde. Et de cela, nous pouvons tirer
deux conclusions : D’abord, on est maintenant en position de bâtir
sur nos acquis et de réussir une progression remarquable, d’ici la
fin de la prochaine décennie. Et deuxièmement, ça démontre ce que
nous pouvons faire quand on établit des objectifs nationaux et qu’on
réalise un consensus national pour les atteindre.
En d’autres mots, lorsqu’on met l’épaule à la roue ensemble, rien ne
peut nous arrêter. Et c’est de cela aussi dont je veux vous parler
aujourd’hui.
Comme gouvernement, nous avons un agenda très ambitieux. Nos
priorités, basées sur une saine gestion économique et un contrôle
très serré des dépenses, sont :
la santé
le savoir
les municipalités
les Autochtones
et la place du Canada dans le monde
La santé, c’est la priorité des Canadiens et des Canadiennes.
C’est la nôtre aussi.Notre objectif est d’assurer que tous, sans
distinction de revenu ou de richesse, aient accès à un système de
santé public, universel et performant.
Cet été, tel qu’entendu avec les provinces plus tôt cette année,
nous allons nous asseoir afin de parvenir à une entente visant des
réformes nécessaires pour améliorer notre système pour les
générations à venir. Nous allons le faire parce que c’est cela
qu’il faut faire.
À cette occcasion, nous allons mettre en place un nouveau
mécanisme de transfert afin de fournir aux provinces un
financement accru et prévisible pour la santé. Je l’ai dit en
janvier, je le redit aujourd’hui, j’en fais un engagement formel,
parce que c’est aussi ce qu’il faut faire.
Le savoir. C’est une priorité parce que c’est par là que passe
l’avenir de notre économie. Ici même dans la région
métropolitaine, c’est l’élément vital de notre développement
économique. Notre leadership dans les industries aérospatiale,
pharmaceutique, biotechnologique, dans les technologies de
l’information et les communications, en dépend. C’est pour ça que
le gouvernement canadien a investi, plus de 13 milliards de
dollars depuis 1997, dans la recherche fondamentale.
Les universités québécoises ont répondu à l’appel :
L’Université de Montréal a été, de toutes les universités
canadiennes, la plus grande bénéficiaire de bourses de recherche
cette année. L’Université de Sherbrooke a remporté la palme
canadienne pour la commercialisation des investissements dans la
recherche. Et plus près de chez vous, le Campus Armand-Frappier de
l’I-N-R-S, et votre cité de la bio-tech assument un rôle de
leadership au Canada.
Ce qui est important, c’est de continuer à investir massivement
dans ce qu’on a de plus précieux : nos connaissances et nos
talents. C’est la seule façon d’affronter la concurrence
internationale et d’en sortir gagnants. Les municipalités –
grandes et petites.
Impossible de parler de nos priorités sans parler des villes. Il
faut reconnaître que le partenariat entre les gouvernements
municipaux et le gouvernement canadien existe, en pratique, ici au
Québec et ailleurs avec l’approbation des provinces depuis belle
lurette.
Le maire Vaillancourt est un des plus ardents promoteurs d’un
partenariat élargi entre le fédéral, les provinces et les
municipalités. Il a raison.
Impossible de parler de logement social, d’intégration des
immigrants, de l’environnement, de la sécurité publique, du
transport en commun et des infrastructures en général, sans parler
de partenariat avec les villes. Nous respectons les juridictions
provinciales; nous n’avons aucune intention de faire de
l’empiètement, mais les enjeux des villes nous concernent tous.
Et nous savons tous que les ressources financières des villes
partout au pays ne suffisent plus. C’est pour cela qu’en février
de cette année, nous avons bougé. Nous avons donné aux
municipalités un remboursement de 100 pour cent de la TPS. Ce sont
sept milliards de dollars qui retourneront dans leurs coffres au
cours des dix prochaines années. Et ce n’est pas tout.
Nous avons identifié le partage de la taxe sur l’essence comme
source de revenus prévisible pour aider les villes à nous aider à
offrir aux Canadiens une meilleure qualité de vie. Notre but,
c’est une entente dès cette année avec les provinces et les villes
sur cette question.
Les peuples autochtones
Il y a un mois, il y a eu une rencontre historique entre les
leaders autochtones et 26 ministres du gouvernement canadien. On
l’a eu parce qu’il faut un nouveau départ dans nos relations avec
la population en plus forte croissance au Canada, les Autochtones.
Nous avons le devoir de travailler avec eux pour résoudre leurs
problèmes de santé et d’éducation sans plus tarder. Encore une
fois, c’est par le partenariat entre toutes les instances
impliquées, que nous trouverons des solutions qui auront un impact
durable.
Quelques mots, maintenant, sur le rôle de notre pays dans le
monde.
Le Canada est une puissance moyenne, mais nous avons une capacité
d’influencer l’avenir qui dépasse de loin l’ampleur de notre
population. Laissez-moi vous donner deux exemples du rôle
dynamique que j’envisage pour le Canada à l’extérieur de nos
frontières.
Dans les prochaines 24 heures, 8 000 personnes mourront du SIDA et
14 000 personnes seront infectées par le VIH dans le monde, ce qui
détruira des familles et meurtrira des pays déjà fragiles. Face à
ce fléau, l’Organisation mondiale de la Santé a mis de l’avant
deux approches séparées : la première : la vente à des prix
abordables des médicaments nécessaires en Afrique. La deuxième, un
programme d’urgence pour traiter six millions de personnes qui
souffrent de la maladie en Afrique et qui ne reçoivent aucun
traitement.
Dans ces deux cas, rien ne marchait jusqu’à ce que le Canada
relève le défi.
Comme j’ai annoncé la semaine passée à Montréal, le Canada est le
premier pays au monde à adopter une loi qui permettra à ses
fabricants de produits pharmaceutiques d’exporter en Afrique des
médicaments à faible coût contre le VIH et le SIDA. La même
semaine, le Canada a contribué 100 millions de dollars à
l’Organisation mondiale de la santé pour traiter 3 millions de
sidatiques d’ici la fin de 2005. Cette contribution fait de nous
le plus important donateur pour ce programme.
Le Canada est maintenant, comme nous l’avons été il y a cinq ans
lorsque nous avons effacé la dette des pays les plus pauvres, le
catalyseur qui va amorcer une révolution dans l’acceptation par
les pays riches de leurs responsabilités cette fois ci à l’égard
de l’Afrique et de la lutte contre le VIH/Sida.
Un deuxième exemple du rôle que nous pouvons jouer dans le monde
ressort de la proposition canadienne de mettre sur pied un nouveau
regroupement de pays pour compléter le G-8. Un regroupement qui
inclura la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Un groupe
de pays qui se rencontreraient dans le cadre le plus informel
possible afin de faire progresser quelques uns des dossiers les
plus épineux pour lesquels la portée du G-8 est trop restreinte.
l’environnement, la collaboration dans la lutte contre le
terrorisme, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres.
Je suis convaincu qu’une réunion des dirigeants d’un tel
regroupement de pays peut apporter une contribution significative.
En galvanisant nos efforts à l’échelle multilatérale et en donnant
l’impulsion et un meilleur sens de direction à nos institutions
internationales comme les Nations Unies.
Est-ce important pour le Canada. La réponse est clairement oui
parce que cela nous donnera les leviers dont nous avons besoin
pour jeter un pont entre le Nord et le Sud. Et tout cela pour le
Canada est crucial. Peu de pays sont aussi ouverts sur le monde
que nous le sommes. Nous avons une économie qui dépend de la
stabilité mondiale. Alors voilà nos priorités comme gouvernement.
Ce dont j’aimerais vous parler maintenant, c’est de la condition
sine qua non pour réaliser ces priorités : Une condition qui
ressort clairement de l’exemple que je viens de vous donner, d’un
nouveau partenariat requis entre les grandes puissances mondiales.
Si le partenariat est essentiel au niveau international, à plus
forte raison, il l’est au niveau national.
Je ne suis pas ici pour vous parler de changement constitutionnel.
Je suis ici pour vous parler d’un changement d’attitude. Oui, il y
a des juridictions fédérales. Oui, il y a des juridictions
provinciales. Et des responsabilités municipales, et il faut les
respecter. Mais ce sera impossible d’atteindre les objectifs de
nos priorités respectives, si on ne travaille pas ensemble, en
partenariat, la main dans la main. Quand on entend parler de
contribuable fédéral, de contribuable provincial ou de
contribuable municipal, on oublie que c’est la seule et même
personne.
Et pour moi, c’est évident qu’on a le devoir de ne pas se chicaner
sur leur dos et à leurs frais.Il faut transformer les rapports
entre les gouvernements de ce pays, pour pouvoir nous consacrer à
résoudre les vrais problèmes qui sont si pressants. On ne mesurera
pas nos succès par l’ampleur de la confrontation. On les mesurera
par le niveau de concertation, par notre habilité et notre volonté
de travailler ensemble, au règlement des grands enjeux qui nous
concernent tous.
Ces valeurs sont au cœur de ma pensée. Comme gouvernement, nous
avons une vision très claire de nos priorités. Nous avons aussi
une vision très claire de concertation, de partenariat et de
recherche de solutions en commun. Et c’est vrai tant dans les
domaines de juridiction fédérale que de juridiction provinciale.
Au plan international, par exemple, lorsque des questions
affectent les domaines de compétence des provinces, je veux
qu’elles soient avec nous, comme partenaires, pour promouvoir et
défendre leurs intérêts et nos intérêts.
Ainsi, le Québec doit non seulement être assis avec nous à la
table de l’UNESCO, mais il faut qu’il puisse prendre la parole
lorsque nous discutons, par exemple, de diversité culturelle. Le
Québec, c’est le foyer principal de la langue et de la culture
françaises en Amérique du nord. C’est un des piliers du fait
français dans le monde. Il doit pouvoir s’exprimer sur les grands
sujets qui le touchent de près. La porte doit lui être toute
grande ouverte, sans équivoque. Et elle le sera.
Un autre exemple : avant d’aller à Washington, il y a quelques
jours, j’ai appelé mes homologues de toutes les provinces pour
discuter avec eux des enjeux qui les concernaient. Je leur ai
demandé de me faire part de leurs priorités. J’ai été très surpris
d’apprendre que c’était la première fois que ça se faisait. Je
peux vous dire que chaque point mentionné par les provinces a été
soulevé soit avec le président ou les membres de l’administration.
Et j’ai personellement soulevé avec le président chaque point
mentionné par le Québec.
C’est ça le changement d’attitude que je préconise :Il faut faire
preuve d’ouverture et d’audace pour mieux servir nos concitoyens.
Être à l’écoute des provinces, c’est essentiel.
Je comprends le Québec lorsqu’on se plaint du manque de
prévisibilité dans la péréquation Il y a des pistes de solution et
on va les trouver. C’est cette approche ouverte que je veux aussi
privilégier dans le dossier des congés parentaux avec le Québec.
Je vous le dis : On va régler la question. On va la régler parce
que la conciliation travail-famille, est importante dans le monde
d’aujourd’hui. On va la régler en trouvant une solution juste et
équitable, qui sera avantageuse pour les jeunes familles
québécoises.
Et on va la régler en trouvant une solution qui reconnaîtra le
rôle de pionnier joué par le Québec en matière sociale. On
l’oublie parfois, mais le partenariat c’est la fondation sur
laquelle le Canada s’est établi.
Ce grand atout de notre pays remonte à ses débuts, au regroupement
en une seule communauté politique de deux peuples fondateurs.
Au fil des ans, nous avons ajouté une riche mosaïque de gens issus
de tous les coins du monde. C’est un véritable exploit que nous
avons accompli, un énorme exploit, au titre de l’intégration dans
la tolérance et du respect de la diversité. Cela ne s’est pas fait
sans difficultés et des erreurs ont été commises, mais le bilan
évoque une réussite exceptionnelle.
Il démontre qu’un pays n’est pas seulement une langue, une
culture. C’est la capacité de vivre ensemble et de vouloir réussir
ensemble. C’est pour cela, si le partenariat entre les
gouvernements de notre pays est une condition essentielle pour
atteindre nos objectifs, il y en a une autre aussi qui est
primordiale pour moi.
C’est que pour réaliser tout ce que je veux faire comme Premier
ministre, j’ai besoin du Québec.
Il y a 38 ans, je suis venu vivre au Québec, touché, ému et
emballé par une société qui avait décidé de se prendre en main.
C’est ici que j’ai fait ma vie. C’est ici que j’ai élevé mes
enfants. Ce sont mes concitoyens de LaSalle-Émard qui m’ont donné
le privilège de les représenter à Ottawa. Le Québec, c’est
chez-moi. C’est pour cela que j’ai besoin, plus que jamais, du
Québec, des Québécois et Québécoises, pour m’accompagner dans
cette démarche emballante de construire le Canada de demain.
L’adhésion du Québec à ce grand projet qu’est le Canada n’a rien à
voir avec des luttes partisanes, mais a tout à voir avec la
volonté de bâtir, ensemble, un pays qui doit être un exemple pour
le monde. J’ai besoin du Québec, de sa créativité, du dynamisme,
de sa jeunesse, qui se manifestent partout.
Nos entrepreneurs, des gens comme vous, qui partent à la conquête
des marchés, ici et à l’étranger. Du Mouvement Desjardins aux
Fonds de solidarité des travailleurs, de la Caisse de dépôt aux
chantiers d’économie sociale, du rayonnement culturel
international de nos artistes et créateurs jusqu’aux grands
événements majeurs internationaux qui façonnent nos étés et nos
hivers. De tout temps, le Québec a été une terre d’innovation.
C’est ce qui nous a permis de mieux maîtriser notre destin
économique, social et politique, et de continuer de faire
progresser le Canada comme pays.
Le Canada a besoin de ce Québec confiant en sa destinée unique sur
le continent nord américain. Ce Québec qui permet au Canada de se
distinguer encore davantage sur la scène internationale et
d’accroître sa sphère d’influence. C’est pour cela qu’au Parlement
canadien on doit faire attention de ne pas s’isoler dans une
opposition éternelle qui donne le pouvoir aux autres et prive le
Québec de sa force politique réelle au sein de notre pays.
Certains se vantent de poser des questions. Ce dont nous avons
besoin sont des députés qui vont vous donner des réponses. Les
choix sont clairs : ou bien on se contente d’observer, et de
critiquer, ou bien on participe de près à l’élaboration des
politiques et à la mise en place des solutions.
Ce dont nous avons besoin, c’est une équipe de députés du Québec
qui a le goût de participer à la direction des affaires du pays,
d’un océan à l’autre. Ce dont nous avons besoin c’est des
Québécois pour éclairer par leur perspective tout à fait
particulière, en tant que représentants de la francophonie
d’Amérique, nos grands débats sur les enjeux de l’heure, ici comme
ailleurs dans le monde. Ce dont nous avons besoin c’est une équipe
de députés qui fait la promotion de vos rêves et vos aspirations à
la table nationale. Une équipe qui fait valoir notre vision à
l’échelle internationale.
Nous sommes à l’aube d’une décennie qui déterminera la direction
que prendra le Canada jusqu’à la fin du siècle. C’est aujourd’hui,
et non demain, que nous devons joindre nos forces. Nous devons le
faire pour renforcer les soins de santé. Nous devons le faire pour
être à l’avant garde de l’économie du XXIe siècle. Nous devons le
faire afin que dans l’avenir, les historiens qui se pencheront sur
cette décennie puissent dire que cette génération de Canadiens a
été, effectivement, à la hauteur du défi.
Nous voulons offrir aux Québécois un programme de gouvernement
pragmatique, moderne, à la mesure des valeurs, des talents et des
aspirations de nos concitoyens.Nous avons besoin de Québécois de
toutes origines et de toutes les régions du Québec, afin de
construire un Canada prospère et d’avant-garde, tolérant et
conscient de ses responsabilités.
À Ottawa, on a besoin de ces Québécois qui veulent travailler à
concrétiser une vision contemporaine du Canada, dans laquelle les
Québécois se reconnaissent, veulent vivre, prospérer et
s’épanouir. Comment allons nous faire. En saisissant l’occasion
extraordinaire qui s’offre à nous : celle de jouer pleinement le
rôle qui nous attend au sein du gouvernement Canadien, pour
l’avenir du Québec et l’avenir du Canada.
C’est le défi que je vous lance; c’est le défi, j’en suis
convaincu, que nous allons relever, ensemble.
Merci.
[Martin=20040523[
[lieu=ottawa]
Bon après-midi.
Je viens de rencontrer la gouverneure générale. Elle a accepté de dissoudre la 37e assemblée législative. Une élection générale aura lieu le lundi 28 juin.
Il y a cinq mois, un nouveau gouvernement est entré en fonction. Durant cette courte période, nous avons accompli beaucoup de choses tout en nous attaquant aux nombreux problèmes qui s’abattaient sur nous. J’ai fait en sorte que le gouvernement ait plus de comptes à rendre quant à la façon dont il dépense l’argent des contribuables. Nous avons donné plus de pouvoir aux députés. Nous avons instauré une Politique globale de sécurité nationale. Et nous avons entrepris de forger une nouvelle et profitable relation avec nos provinces, nos territoires et nos municipalités.
En même temps, nous avons fait d’importants versements en vue de renforcer le régime des soins de santé, de rendre l’éducation plus abordable et accessible, et d’assurer à nos villes et à nos collectivités, petites ou grandes, le financement qui leur est nécessaire pour demeurer ou devenir des lieux où il fait bon vivre, travailler et élever une famille. Je suis fier de notre bilan.
Mais je veux faire encore plus.
Par conséquent, j’établirai un plan qui me permettra de le faire. Je vais donc demander à la population le mandat de bâtir ce plan. Et c’est pourquoi des élections s’imposent en ce moment. Nous sommes un nouveau gouvernement qui a une nouvelle approche. Nous sommes en face d’une nouvelle opposition officielle dont les valeurs et les politiques diffèrent radicalement des nôtres.
Il devient urgent que nous nous abordions des questions qui concernent gravement notre avenir– dont la plus importante est le travail à accomplir avec les provinces et les territoires pour s’assurer que les Canadiens aient les soins de santé dont ils ont besoin et quand ils en ont besoin.
Je pense que la grande question qui sous-tendra toute cette campagne est la suivante : Quelle sorte de Canada voulons-nous ?
Voulons-nous un Canada fondé sur ses lignes de force historiques et sur des valeurs telles que des soins de santé assurés, sur la générosité et sur un engagement indéfectible envers l’égalité des chances ? Ou bien, voulons-nous d’un Canada qui s’écarte de son histoire, un Canada qui rejette sa précieuse tradition de responsabilité collective ?
Quel Canada voulez-vous? En tant que Libéraux, nous croyons en un Canada généreux et juste,
prospère et fier. Nous croyons que le gouvernement doit éliminer les obstacles au succès,
qu’il doit aider les gens à s’aider eux-mêmes. Nous savons que le Canada est un pays riche,
non seulement en biens matériels, mais riche aussi en talents et en potentiel.
Au cours des dernières années, nous avons repris confiance en nous-mêmes. Nous voyons ce qu’il est possible de réaliser et nous sommes déterminés à atteindre de nouveaux objectifs. Le plan que nous proposons pour aider le Canada à développer son plein potentiel repose sur trois piliers.
Premièrement, l’économie. Au cours de la dernière décennie, le Canada a accompli un remarquable tour de force économique. Nous avons mis fin à des décennies de déficit chronique et avons enregistré sept budgets équilibrés de suite, une prouesse jamais atteinte depuis la Confédération. Mon gouvernement prendra appui sur cette performance pour garantir que notre capacité nationale à saisir les occasions continue à se développer, grâce à des emplois meilleurs et plus nombreux pour les Canadiens et à un engagement de bâtir sur un passé de croissance économique solide et régulière.
Nous sommes déterminés à maintenir des budgets équilibrés et à rembourser la dette afin que les générations futures aient une plus grande liberté pour faire leurs propres choix. Nous voulons aussi assurer au Canada une économie du XXIe siècle – une économie fondée sur l’innovation et l’ingéniosité, une économie qui nous permette de prospérer dans un monde de plus en plus compétitif.
Deuxièmement, mon gouvernement protégera et améliorera nos programmes sociaux essentiels. Nous veillerons à ce que notre régime de soins médicaux puisse se perpétuer pour les générations à venir, à ce que nos enfants aient les meilleurs soins et la meilleure éducation de départ, à ce que le manque d’argent ne soit pas un empêchement à poursuivre des études avancées, à ce que les peuples autochtones obtiennent les outils nécessaires pour profiter des succès que connaîtra le Canada.
Troisièmement, mon gouvernement s’assurera que le Canada joue dans le monde un rôle d’influence qui inspire la fierté. Il y a plusieurs domaines où le Canada doit être un leader mondial et nous avons l’intention d’en être un. Dans les jours qui viennent, Nous exposerons en détail aux Canadiens comment un gouvernement libéral entend agir pour mettre en œuvre ces engagements et aider à l’avance du Canada.
Les autres partis ont d’autres priorités. Jack Layton et le Nouveau Parti démocratique sont d’avis que le gouvernement devrait tout faire lui-même. À tout problème, les Néo-démocrates proposent la même solution : une solution qui comporte un signe de dollar et une longue file de zéros. Ils semblent incapables de s’adapter à un pays et à un monde en croissance qui change aussi rapidement.
Gilles Duceppe et le Bloc ne veulent pas du Canada. On le sait, même s’ils n’en parlent pas beaucoup. Le Bloc n’a qu’une seule priorité: c’est sortir le Québec du Canada. Le Bloc prétend défendre les intérêts du Québec. Moi, je peux compter sur une équipe qui va promouvoir les intérêts du Québec. Voter pour le Bloc,
c’est donner le pouvoir aux autres. Il ne faut pas que le Québec s’isole et se cantonne dans une opposition perpétuelle.
Moi, je veux une équipe qui va exprimer notre différence là où se prennent les décisions. Une équipe à l’image du Québec, confiante de ce qu’on peut accomplir au sein du Canada.
Enfin, il y a aussi le parti de la droite, qui s’est modifié. Mais, les Canadiens comprennent bien que le Parti conservateur d’aujourd’hui est le même que le Parti progressiste conservateur d’antan. C’est un parti qui ne se donne plus le qualificatif de « progressiste » et cela, pour de bonnes raisons. Stephen Harper a clairement exposé ce qu’il envisage pour le Canada. Il a dit et répété, et encore la semaine dernière, que son intention était de réduire les impôts jusqu’à ce qu’ils soient plus bas que ceux des États-Unis.
Je ne prétendrai pas ici, devant vous, aujourd’hui, que cela est impossible. Cela peut se faire. Mais les Canadiens ont le droit de savoir à quel coût.
En tant que ministre des Finances, j’ai été fier de faire partie d’un gouvernement qui a effectué les diminutions d’impôts les plus importantes de toute l’histoire du Canada, Je sais comment s’établit l’équation des diminutions d’impôts. Permettez-moi donc de vous dire : vous pouvez avoir un pays comme le Canada;
vous pouvez avoir un pays comme les États-Unis. C’est un choix qui relève de vous.
Mais vous ne pouvez avoir un régime de soins de santé comme celui du Canada, vous ne pouvez avoir des programmes sociaux comme ceux du Canada, en même temps que des niveaux d’imposition comme ceux des États-Unis. C’est pourquoi, cette élection a tant d’importance. Elle porte sur les valeurs que nous avons fait entrer dans ce nouveau siècle. Le Canada est un pays trop solide pour lui préparer un avenir qui,
inévitablement, l’amènerait à délaisser les plus vulnérables.
C’est pourquoi, il est si important que les Canadiens et les Canadiennes sachent qu’il y a un véritable enjeu dans ces élections. Le choix que feront les Canadiens aura des conséquences.
Il en aura pour les provinces et pour les territoires, pour les villes, grandes et petites,
pour les membres de vos familles et pour vos amis.
Enfin, Le résultat des élections aura des conséquences pour vous-même. L’avenir du Canada ne doit pas et,
ne devrait pas, être considéré comme acquis. D’ici quatre ans, notre pays sera transformé.
De quelle façon? En accord avec quelles valeurs ? Cela dépendra de la personne et du parti que les Canadiens auront choisis le 28 juin. Le Parti libéral propose une approche équilibrée où prospérité économique va de pair avec justice sociale. Une approche inclusive et respectueuse des différences.
Quelle sorte de Canada voulez-vous ? Un gouvernement libéral adoptera une approche équilibrée dans l’établissement de nouvelles bases desquelles les Canadiens pourront profiter. Nous renforcerons un Canada progressiste, fort et généreux chez lui, indépendant et influent dans le reste du monde. Je demande à ceux qui partagent nos valeurs en tant que Canadiens, à ceux qui ont la même vision du Canada que nous, de nous appuyer.
Ce sera un nouveau gouvernement. Joignez-vous à nous. Joignez-vous à nous le 28 juin prochain et aidez-nous à bâtir le Canada que nous voulons tous.
[Martin=20040528]
[lieu=ottawa]
Peu après mon entrée en fonction comme premier ministre, je suis allé visiter une école primaire de Toronto. Les élèves de quatrième année m’ont alors présenté un journal à l’intérieur duquel chacun d’eux exprimait, dans un texte d’une page ou deux, ses espoirs, ses désirs et ses rêves à l’égard du Canada.
Un élève y avait écrit : «Je rêve d’un Canada plein d’amour, de partage et de soins de santé. ». Un jeune garçon m’a dit : «Moi, je souhaite qu’on ait de grands parcs pour jouer et plus de films des Looney Tunes à regarder, parce qu’ils sont amusants». Un autre brillant représentant des quatrième année a écrit : «Moi je souhaite qu’à l’avenir, les gens du Canada protègent leur environnement naturel. En conservant notre environnement, nous aurons de l’air pur à respirer et de l’eau propre à boire».
Une page après l’autre, un souhait à la suite de l’autre. Et ce qui m’a frappé, c’était de constater combien de ces rêves exprimés par les enfants à l’égard du Canada étaient en fait des aspirations concernant leur propre communauté : un voisinage sûr, de l’air pur, de grands parcs et de bonnes écoles.
Quelques semaines plus tard, je me suis rendu au Manitoba, où j’ai rencontré une jeune fille nommée Hannah. Avec ses amis et ses camarades de classe, Hannah a réussi à recueillir plus de 50 000 $ pour venir en aide aux sans-abri de Winnipeg. Cinquante mille dollars. Et ai-je mentionné qu’Hannah n’était âgée que de huit ans?
Hannah a vu qu’il y avait un problème et elle y a réagi. Elle a posé des gestes concrets, et elle a obtenu l’aide et l’appui d’autres personnes. Elle a travaillé fort, et les résultats de son travail vont se faire sentir dans sa communauté.
Pendant trop longtemps, le gouvernement fédéral a omis de reconnaître ce que les mots et les actions de ces enfants mettaient en évidence, à savoir que c’est dans les villes et les communautés que se passent vraiment les choses. C’est là que les politiques nationales touchent la vie des personnes. C’est là que nous vivons, allons travailler et élevons nos familles. Le fait est que notre qualité de vie se mesure dans nos rues, nos parcs et nos quartiers.
Mais la réalité, c’est que nos municipalités représentent le niveau de gouvernement le plus sous-financé, et qu’elles ont, moins que tous les autres, voix au chapitre quand les politiques des autres gouvernements ont un effet sur eux. Cela doit changer.
Nos collectivités doivent avoir accès à du financement à la fois nouveau et fiable. Et ceux qui les représentent doivent avoir plus de poids à l’égard des enjeux nationaux.
Dans nos villes et municipalités, c’est là que ça se passe. C’est là que les politiques gouvernementales prennent tout leur sens.
Mais la réalité, c’est que nos municipalités représentent le niveau de gouvernement le plus sous-financé. Cela doit changer.
Les municipalités doivent avoir accès à de nouvelles sources de financement, des sources fiables et prévisibles. La réalité, c’est que les municipalités n’ont pas l’occasion d’exprimer leurs préoccupations.
Cela doit aussi changer. Lorsque les discussions les touchent, leurs représentants doivent prendre place à la table nationale. Quand notre nouveau gouvernement a pris le pouvoir en décembre dernier, nous n’avons pas tardé à agir selon nos convictions. Nous avons clairement indiqué que pour assurer la prospérité du Canada au 21e siècle, il était important de répondre aux besoins des gouvernements municipaux. Cela est vrai pour nos plus grandes métropoles comme de nos plus petits hameaux.
Nous comprenons que les défis auxquels sont confrontées nos grandes villes sont très différents de ceux des petites municipalités. Les grandes villes se concentrent le plus souvent sur des questions comme l’engorgement, le transport en commun, les routes et les ponts. Dans une plus petite agglomération, il peut s’avérer que les besoins les plus importants soient le développement économique et des emplois bien rémunérés qui permettront aux enfants de grandir et de s’établir sans avoir à quitter leur communauté.
Bien que les défis soient différents, ils ont un facteur en commun : dans chacun des cas, un nouveau pacte est nécessaire. Notre nouveau pacte pour les villes et les collectivités canadiennes, représente le commencement d’une coopération à long terme. Cette relation va permettre de bâtir notre pays d’une façon plus efficace. Elle aura comme base la création d’avantages économiques, le bien-être de la population et la conservation de l’environnement.
Le nouveau pacte pour les villes et municipalités est le début d’une relation basée sur la collaboration. Une collaboration qui permettra de bâtir un pays plus fort, plus innovateur. Une collaboration basée sur la création d’opportunités économiques, sur le renforcement du tissu social et sur la préservation de l’environnement.
Au mois de mars, en guise d’inauguration du nouveau pacte, nous avons versé un acompte important. Notre premier budget a servi à éliminer la TPS sur les dépenses municipales. Nous avons offert aux municipalités un financement inconditionnel de l’ordre de sept milliards de dollars qui couvrira la prochaine décennie. Le message était clair : le nouveau pacte est une réalité concrète.
Aujourd’hui, je veux vous décrire ce que fera notre gouvernement après le 28 juin pour donner suite au succès remporté par l’inauguration du nouveau pacte et pour voir à ce qu’au pays, chaque collectivité soit un lieu où il fait bon vivre.
Le premier pilier du nouveau pacte est la durabilité de l’environnement. La contribution de quatre milliards de dollars que nous avons annoncée en vue de nettoyer certains sites contaminés du Canada – entre autres les étangs bitumineux de Sydney, en Nouvelle-Écosse, ainsi que plusieurs autres sites se trouvant dans nos collectivités du Nord – illustre bien notre engagement à améliorer l’environnement dans nos collectivités.
Pour nous, cela se traduit aussi par un investissement de 600 millions de dollars destiné à assurer la salubrité de l’eau dans les communautés autochtones et par le fait que nous nous employons à subventionner le transport en commun dans plusieurs grands centres urbains du pays.
Pour répondre à notre engagement au chapitre de la durabilité de l’environnement, nous avons créé les fonds municipaux verts, de façon à accélérer les investissements dans les technologies environnementales destinées à la purification de l’air ainsi qu’à la conservation des sols, de l’eau et du climat.
Je suis fier de pouvoir vous dire aujourd’hui que ces fonds ont récemment dépassé un cap important : grâce à leur effet de levier, des projets consacrés au développement durable des collectivités totalisant plus d’un milliard de dollars ont vu le jour.
Le deuxième pilier du nouveau pacte est le logement adéquat car c’est là le fondement de collectivités saines, sûres, et englobantes sur le plan social. C’est aussi un facteur primordial lorsqu’on parle d’un établissement réussi chez les néo-Canadiens et d’un environnement plus propice pour les Autochtones. Plus que jamais auparavant, ces derniers déménagent en ville, dans l’espoir d’améliorer leur vie.
Notre gouvernement s’emploie déjà à trouver des solutions en matière de logement au Canada, et je peux vous dire aujourd’hui que nous allons nous appuyer sur notre actuelle contribution de un milliard de dollars pour stimuler la création de logements à prix abordable. Nous allons continuer à financer les services offerts aux sans-abri par le biais de l’Initiative de partenariats en action communautaire, qui s’avère une réussite. Nous allons également contribuer à maintenir dans un état acceptable les logements de personnes à faible revenu par l’entremise du Programme d’aide à la remise en état des logements.
Sur l’ensemble du financement fédéral annuel en matière de logement social et de logement abordable, ces programmes – en plus d’autres programmes d’habitation auxquels participent la SCHL – totalisent deux milliards de dollars. Il s’agit là pour nous d’une base. C’est notre point de départ.
Mais notre gouvernement fera davantage. Ainsi, j’annonce aujourd’hui que nous allons investir jusqu’à 1,5 milliard de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années pour stimuler la croissance du logement subventionné.
Le logement abordable est une priorité du gouvernement libéral. Nous sommes déjà présents, notamment par l’entremise de la SCHL, mais je vous dis aujourd’hui que nous ferons davantage.
J’annonce que nous allons investir jusqu’à 1,5 milliards $ de fonds additionnels au cours des cinq prochaines années pour augmenter l’aide au logement. Ce nouvel investissement servira en partie à accroître la portée de certaines initiatives, dont l’Initiative en matière de logement abordable, l’IPAC, le PAREL et le Logement pour les Autochtones à l’intérieur et à l’extérieur des réserves. Il s’agit là de projets réussis, et nous tenons à continuer dans la même foulée.
Mais les nouveaux fonds vont aussi servir à des initiatives novatrices élaborées de concert avec les provinces, les territoires et les parties intéressées. Une de ces initiatives pourrait consister à créer une fondation destinée à des projets d’habitation, ce qui aurait comme effet de générer le financement de nouvelles unités de logement abordables provenant des divers ordres de gouvernement, des groupes communautaires et du secteur privé.
Et puisqu’il s’agit de logement social, nous ne devrions pas oublier l’importance grandissante dans nos communautés de l’économie sociale, ou développement économique des collectivités. Dans notre budget de mars, nous avons annoncé que nous appuierions cet engagement envers cet important secteur par un investissement de plus de 100 millions $ sur cinq ans.
Notre gouvernement est déterminé à faire appel à l’entreprenariat pour que les services offerts comportent des objectifs à la fois sociaux et économiques. Il en résultera de meilleurs services qui seront destinés à ceux qui en ont le plus besoin.
Alors que nous parlons de logement social, nous ne devrions pas négliger l’importance croissante dans nos collectivités de l’économie sociale et du développement économique communautaire.
Dans le budget de mars, nous avons annoncé un investissement de 100 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer ce secteur important.
Nous sommes déterminés à favoriser l’entreprenariat pour atteindre nos objectifs sociaux et économiques. Cela donnera de meilleurs services pour ceux qui en ont le plus besoin.
Le troisième pilier du nouveau pacte est constitué par les infrastructures et les autres financements. Dans le cadre de notre budget, nous en avons accéléré le financement et nous nous sommes engagés à dépenser le milliard de dollars du Fonds sur l’infrastructure municipale rurale au cours des cinq – plutôt que des dix – prochaines années.
Cependant, cela ne doit être considéré que comme un début.
Nos villes et nos collectivités sont aux prises avec d’énormes besoins pour ce qui est du renouvellement des infrastructures et ce, dans des domaines aussi cruciaux que le transport en commun, l’eau propre, les routes, les ponts et le logement abordable.
Alors même que nous nous employons à améliorer les lieux où nous vivons, nous ne devons en aucun cas oublier que nos grandes villes sont les principales génératrices du progrès économique de ce pays. C’est dans leur orbite que naissent et gravitent les innovations économiques, sociales et culturelles. Elles ont par le fait même des besoins particuliers.
Pour l’exprimer simplement, disons que nos villes perdront de leur efficacité et de leur vitalité si on laisse leurs infrastructures se désintégrer. Or, cela aurait de très sérieuses répercussions sur l’économie de notre pays, voire sur l’état d’esprit des Canadiens.
Nos grandes villes nous représentent à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons les laisser s’atrophier.
Comme je l’ai indiqué, la qualité de vie dans une grande ville a une influence directe sur la créativité et la productivité de ses citoyens, leur permettant de compétitionner avec les meilleurs éléments de la planète. Nos agglomérations plus petites font, entre-temps, face à des défis bien particuliers au chapitre du développement économique. Voilà pourquoi il est impératif que nous les aidions à s’attaquer à leurs problèmes économiques les plus pressants en leur fournissant les outils dont ils ont besoin pour s’aider eux-mêmes.
Le fait est que, parfois, les communautés plus petites ont de grands besoins en infrastructures dans des domaines vitaux, comme celui du traitement des eaux usées. Malheureusement, leur assiette fiscale ne leur permet pas toujours de financer de grands projets comme la construction d’une nouvelle usine d’épuration. C’est pourquoi nous nous assurons que les plus petites communautés aient elles aussi droit à leur juste part des fonds réservés aux infrastructures.
Selon la FCM, le « déficit » de nos villes et collectivités au chapitre des infrastructures est de l’ordre de 60 milliards de dollars. Et ce déficit grossit à chaque année.
Il faut agir. C’est pourquoi notre gouvernement va travailler de concert avec les provinces et les municipalités pour utiliser de nouvelles ressources financières, ainsi que des techniques novatrices d’investissement de capitaux, afin de réduire ce déficit et ultimement l’éliminer.
Il nous faut aussi mettre de nouveaux revenus à votre disposition. Des sources de revenus qui croîtront avec l’économie. Des sources de revenus qui ne vous verront pas avancer le financement crucial au développement industriel dont les deux autres ordres de gouvernement retirent les avantages fiscaux.
Nous savons tous que nos communautés ont besoin de nouvelles sources de financement stables et prévisibles pour que vous et vos conseils municipaux puissiez prendre des engagements à long terme, des engagements qui vous permettront de lancer des initiatives majeures bénéfiques pour tous les citoyens de vos municipalités. C’est la seule façon pour que notre pays cesse d’utiliser un modèle du 19ième siècle au 21ième siècle.
Nous savons que nos collectivités ont besoin de nouvelles sources de financement stable et prévisible afin que vous et vos conseils de ville pouvez prendre des engagements à long terme, des engagements qui vous permettront de lancer des initiatives majeures bénéfiques pour tous les citoyens de vos municipalités.
C’est la seule façon pour notre pays de cesser d’utiliser un modèle vieux du 19ième siècle au 21ième siècle. En termes de stabilité du financement, éliminer la TPS pour les municipalités a été un important premier pas vers une plus grande équité. Mais ce n’était qu’un premier pas.
Voilà pourquoi j’annonce aujourd’hui qu’un gouvernement libéral remettra une portion des taxes fédérales sur l’essence aux municipalités, cela dès 2005. Cette portion augmentera jusqu’à 5 cents du litre, ou au moins 2 milliards de dollars par année, aussitôt que possible au cours des cinq prochaines années. La formule précise que nous utiliserons pour y arriver dépendra d’une entente, mais je suis déterminé à ce que nous nous entendions à ce sujet avant la fin de l’année.
Améliorer la qualité de vie des Canadiens est la raison pour laquelle j’annonce aujourd’hui qu’un gouvernement libéral utilisera une portion des revenus de la taxe fédérale sur l’essence au bénéfice des municipalités, cela dès 2005. Une portion qui augmentera jusqu’à 5 cents du litre, ou au moins 2 milliards $ par année, aussitôt que possible au cours des cinq prochaines années.
La formule précise que nous utiliserons pour y arriver dépendra de l’entente que nous aurons. Et laissez-moi vous dire que je suis déterminé à conclure cette entente avant la fin de l’année. Cette proposition constitue une promesse parce que nous sommes conscients de vos besoins. Nous faisons cette promesse car nous considérons qu’il s’agit d’un investissement stratégique dans nos villes, dans nos communautés et dans la nation canadienne.
Voilà les trois piliers du nouveau pacte que mon gouvernement veut conclure avec les villes et les municipalités canadiennes. Ce sont les piliers sur lesquels celles-ci pourront bâtir un futur plus prospère, et, ce faisant, bâtir un futur plus prospère pour tout le Canada.
Nos adversaires politiques ont d’autres plans. Ni le Bloc ni les Conservateurs alliancistes n’appuient le nouveau pacte. Laissez-moi vous parler quelques instants du Bloc.
Les maires du Québec qui sont ici savent que le seul but du Bloc est de sortir le Québec du Canada. Ils n’ont aucun intérêt à ce que les choses aillent mieux. Au contraire, ils se réjouissent lorsqu’il y a des impasses.
Le Bloc dit que nous ne devrions pas parler directement aux villes et aux municipalités. Il croit que je ne devrais même pas être ici avec vous pour trouver des solutions à vos difficultés, pour vous aider à améliorer la qualité de vie dans nos collectivités, à créer de bons emplois, et prendre mieux soin de nos citoyens.
Le gouvernement libéral va malgré cela travailler avec les provinces et les municipalités pour s’assurer que nos citoyens aient le meilleur milieu de vie possible. On veut livrer le nouveau pacte et nous allons le faire.
La position des conservateurs alliancistes n’est pas très différente de celle du Bloc. on plus n’appuient pas l’adoption de ce nouveau pacte. Leur programme électoral est rempli de lieux communs sur l’importance des collectivités, mais leurs politiques ne prévoient que des coupures qui rendrait Ottawa impuissant à adopter des mesures novatrices. Et même quand ils consentent à agir, ils veulent l’abandon par le gouvernement fédéral de ses responsabilités envers les villes et les communautés. Examinons leur plan de plus près.
Premièrement, les conservateurs alliancistes prévoient peut-être transférer une partie des taxes sur l’essence, mais ils veulent la transférer aux provinces. Il n’y aurait aucune garantie, quelle qu’elle soit, que cette importante source de revenus parvienne jamais aux collectivités. En bref, pour vous, cela signifie pas de changement du tout.
Deuxièmement, les conservateurs alliancistes veulent abolir l’aide au développement régional, même si ce type d’activité constitue une initiative progressiste cruciale pour la pérennité et la croissance des petites municipalités rurales.
Et troisièmement, les conservateurs alliancistes veulent abolir le Fonds canadien sur l’infrastructure stratégique. Je n’ai pas besoin de vous expliquer quel effet cela aurait sur le « déficit » de nos villes et collectivités au chapitre des infrastructures, de ce que cela voudrait dire pour vous, les leaders municipaux ainsi que pour la santé et la vitalité de nos villes et communautés.
C’est pourquoi nous nous opposons au parcours recommandé par les conservateurs alliancistes. Nous sommes déterminés à conserver les programmes actuels d’infrastructures alors même que nous fournissons d’autres sources de financement.
Comme je l’ai déjà dit, il faudra répondre à une question lors de cette élection : quel type de Canada souhaitez-vous?
Pour nous, la réponse est un Canada où le fardeau financier de nos municipalités est réduit et non pas accru. Nous voulons un pays où les villes sont dynamiques, rayonnantes et n’ont pas à se battre pour empêcher leurs infrastructures de décrépir. Nous voulons un pays où l’on est conscient du fait que les villes et les cités sont les endroits où les choses se passent.
Nous voulons un Canada où les villes et les collectivités jouent un plus grand rôle dans le débat national. Nous croyons que la participation active de municipalités fortes et saines aideront tous les ordres de gouvernement à coopérer pour établir et atteindre de nouveaux objectifs nationaux. Cette campagne électorale est une question de choix:
Quel Canada voulez-vous. Laissez-moi vous dire ceci :
nous voulons un Canada où le fardeau financier de nos municipalités est réduit, pas accru.
Nous voulons un Canada où nos municipalités sont dynamiques et rayonnantes,
non pas des endroits où il faut faire d’incroyables efforts d’imagination pour empêcher les infrastructures de décrépir.
Nous voulons un Canada qui reconnaît que c’est dans nos villes et municipalités que nos politiques prennent tout leur sens.
J’ai beaucoup parlé de financement aujourd’hui, car il s’agit d’un des éléments les plus importants de notre nouveau pacte. Ce nouveau pacte ne se limite toutefois pas à des transferts d’argent du gouvernement fédéral, il implique aussi de faire les choses différemment, et mieux.
Le nouveau pacte que nous allons conclure avec les villes et les communautés signifie que le gouvernement libéral reconnaîtra que les gouvernements municipaux sont des partenaires à part entière du plan de développement du Canada. Une des conséquences de cette promesse sera que notre gouvernement va inclure formellement des représentants municipaux dans la liste des gens qui participeront à nos consultations pré-budgétaires.
Vos voix seront entendues. Ce nouveau pacte, essentiellement, vise à établir un nouveau partenariat tourné vers l’avenir. Il est inspiré par la compréhension du fait que la qualité de vie de nos communautés dépend largement du travail des trois paliers de gouvernement, qui doivent chacun s’acquitter de leurs responsabilités respectives. De fait, ils ont le même objectif lorsque, par exemple, ils font en sorte que les Canadiens aient accès à de l’eau propre, lorsqu’ils réduisent les émissions de gaz à effet de serre, quand ils s’assurent que les nouveaux arrivants puissent trouver un logement adéquat, abordable et sécuritaire.
C’est pourquoi nous croyons que les municipalités devraient avoir plus de poids, et c’est pourquoi nous voulons conclure d’autres ententes de développement similaires à celles que nous avons conclues avec Winnipeg et Vancouver.
Nous voulons nous en inspirer pour créer des partenariats regroupant les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Notre gouvernement ne se cachera jamais derrière des murs pour affirmer que la situation dans nos communautés n’est pas son problème.
Nous respectons les rôles et les responsabilités des provinces et nous avons hâte de travailler de concert avec elles à promouvoir les réalisations et les succès de nos communautés. Nous croyons toutefois fermement que l’amélioration de la situation des collectivités est dans l’intérêt de tous. En fait, les gouvernements, grâce à un effort concerté, peuvent grandement améliorer la situation des grandes et des petites villes.
Nos villes peuvent et doivent être certains de nos meilleurs atouts. Elles peuvent constituer des centres rayonnants au chapitre du commerce, du savoir et de la culture et ainsi attirer les meilleurs talents et des investissements. Elles peuvent fournir des logements à prix modiques, un bon système de transport, des soins de santé de qualité, d’excellentes écoles et de nombreux espaces verts. Pour les aider à atteindre ces buts, notre gouvernement veut transformer notre façon de traiter et de considérer nos communautés.
Notre nouveau pacte va, notamment, donner plus de pouvoir à nos municipalités, permettre à leur potentiel de se libérer et favoriser une plus grande créativité et un plus grand dynamisme culturel. Le gouvernement fédéral pourra jouer un rôle de catalyseur, c’est-à-dire en appuyant les collectivités dans leurs efforts pour trouver des solutions locales à des problèmes locaux.
Les villes et les municipalités que vous représentez sont de réels partenaires possédant une grande maturité. Elles méritent d’être assises à la table nationale, pas uniquement parce qu’il en va de votre intérêt, mais aussi parce que c’est dans l’intérêt collectif.
Les villes et les municipalités que vous représentez sont des partenaires réels.
Elles méritent d’être à la table nationale, pas pour votre intérêt personnel, mais parce que c’est dans l’intérêt collectif.
Ensemble, nous pourrons faire beaucoup plus que ce que nous pourrions imaginer faire en demeurant séparés. Ensemble, nous pouvons réaliser les rêves des écoliers de quatrième année. Ensemble, nous pouvons faire de nos villes et municipalités des endroits merveilleux pour vivre, travailler et élever une famille.
Je vous remercie.
[CMartin=20040606]
[lieu=0ttawa]
« Continuez d’avancer », leur a-t on dit. Ce matin là, contre les tireurs d’élite, contre les mortiers, contre l’artillerie puissante encastrée dans les fortifications allemandes, c’était le seul moyen pour un soldat d’accomplir sa mission. C’était sa meilleure chance de survivre. Continuer d’avancer.
Sur une mer houleuse, les portes des péniches de débarquement se sont ouvertes, comme elles s’ouvraient tout le long de la côte de la France, comme elles s’étaient ouvertes deux ans plus tôt à Dieppe. Où tant de Canadiens avaient trouvé la mort en défendant la cause de la liberté. Sur la Manche en ce Jour J, certains parlaient d’une revanche après ces tristes événements. D’autres gardaient le silence à mesure que la côte s’allongeait, que l’heure de la bataille approchait. Il y a soixante ans aujourd’hui, les portes se sont ouvertes, et ils ont foncé.
Ils s’y étaient préparés. Ils avaient attendu. Puis des milliers de soldats canadiens ont avancé ici contre un ennemi bien retranché.
Les hommes tombaient autour d’eux. Un ami, un frère, une personne avec qui ils venaient d’échanger une blague, un verre de rhum ou un bol de soupe. Les hommes tombaient, et néanmoins ils ont pris la plage d’assaut. Les hommes tombaient, et néanmoins ils ont pris les fortifications d’assaut. Ils se sont dirigés vers l’intérieur. Ils se sont battus dans les rues. Ils ont libéré les villes. À la nuit venue, ils avançaient toujours.
Les eaux de la Manche et les vents de la côte normande ont effacé les traces laissées par ces hommes à Juno Beach. Mais la grande vague du temps passé ne peut emporter les impressions profondes qu’ils ont laissées dans notre mémoire nationale, et dans les annales du monde libre.
Lorsque ces soldats, ces hommes aux nerfs à toute épreuve, nous auront quitté, leurs enfants et leurs petits enfants continueront de venir ici. Des premiers ministres viendront. Ainsi que des artistes et des historiens. Ceux dont le grand père, l’arrière grand père ou l’arrière arrière grand père a débarqué ici le 6 juin 1944. Ceux qui ne connaissent de la guerre que ce qu’ils ont appris dans les livres. Ils viendront. Les Canadiens viendront.
Nous viendrons sur ces lieux solitaires de toute beauté pour regarder la plage, pour réfléchir, pour nous émerveiller, pour sentir les larmes nous monter aux yeux et notre cœur battre, pour dire merci silencieusement. Nous reviendrons toujours en ce lieu historique marqué par la tristesse et le triomphe, où la tyrannie a été repoussée et où la liberté a repris ses droits.
Comme les hommes qui ont envahi cette plage, nous continuons d’avancer. En tant qu’hommes et femmes. En tant que nation. En tant que communauté internationale.
C’est grâce à votre courage, c’est grâce au sacrifice consenti par ceux qui y ont trouvé la mort, que nous avons cette possibilité, et nous la saisirons. Nous tâcherons toujours d’avancer.
Mais nous nous arrêterons aussi. Nous nous arrêterons, le temps de penser à vous. Le temps de penser à ceux qui ont poussé leur dernier soupir ici. Nous penserons à vous, et nous vous serons toujours reconnaissants.
[Martin=20040701]
[lieu=ottawa]
[Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la célébration de la fête du Canada sur la colline du Parlement]
Votre Excellence, distingués invités, tous les Canadiens et les
Canadiennes, ici sur la colline du Parlement et partout au pays :
Dans un nouveau livre sur les célèbres peintres canadiens connus
sous le nom de Groupe des sept, on raconte l’histoire d’un voyage
effectué dans l’Arctique par l’artiste Frederick Varley. Dans une
lettre à sa famille, Varley disait que devant le paysage, il était «
enivré par ce qui semble l’impossible »; il s’émerveillait devant
les icebergs – des crocs qui s’élèvent à des centaines de pieds dans
les airs selon sa description.
Un des collègues de Varley, A.Y. Jackson, a, lui aussi, visité le
Nord. Il a tenté de peindre quelques‑unes des merveilles décrites
par Varley, mais c’était souvent en vain – les maringouins se
prenaient toujours dans sa peinture à l’huile.
C’est typique du Canada. Un pays d’une grande beauté,
impressionnant, toujours unique et, comme cette histoire l’illustre,
parfois trop unique.
C’est merveilleux de vivre dans notre pays. De contempler ses
montagnes et l’étendue infinie des cimes. Les villes au bord de la
mer et les îles verdoyantes. Les villes fourmillantes, avec leurs
tours formidables et leur énergie humaine sans borne. Le charme
idyllique des rues principales dans les petites villes du Canada.
L’étendue magnifique des prairies. Les lacs qui parsèment les
paysages isolés comme des gouttes de pluie sur une feuille d’érable.
Les paysages de notre pays sont aussi diversifiés et remarquables
que les gens qui l’habitent. Quel privilège d’avoir eu l’occasion de
rencontrer autant de Canadiens et de Canadiennes, d’avoir discuté
avec eux – de leur travail, de leur famille et de leur réalité. Il
est impossible de ne pas être emballé par la confiance profonde
qu’ils ont dans le Canada et dans son avenir, par la grande fierté
qu’ils portent à leur pays et à son peuple.
Nous, les Canadiens, ne parlons pas beaucoup de patriotisme.
Mais l’amour que nous portons à notre pays n’a pas d’égal.
Notre fierté d’avoir une diversité culturelle qui enrichit notre
société est sans égale.
Notre passion pour les réussites et la créativité de nos
compatriotes est sans égale.
Notre confiance dans l’avenir est sans égale.
Notre fierté d’être une terre d’accueil qui fait l’envie du monde
est sans égale.
Notre compassion pour ceux dans le besoin et le caractère inclusif
de notre société sont sans égaux.
Le Canada est sans égal.
Il y a un mois, un bon nombre des anciens combattants canadiens du
Jour J sont retournés à Juno Beach, sur la côte nord de la France –
pour marcher une fois de plus sur le sable de Normandie, pour
scruter une dernière fois les eaux de la Manche et se souvenir des
événements qui ont marqué cette journée dure et triomphale, il y a
60 ans.
Au cimetière militaire canadien, j’ai pu parler avec ces hommes,
leur poser des questions, et me laisser étonner à la fois par leur
bravoure et par leur modestie. Ils étaient fiers de ce qu’ils
avaient accomplis, fiers d’être Canadiens, et cette fierté leur
suffisait. « Pas nécessaire de s’en vanter », a dit l’un d’entre
eux.
Quand on regarde le drapeau canadien là‑bas, quand on regarde les
tombes de ceux qui, si jeunes, ont donné leur vie pour le Canada et
pour tout ce que représente le Canada, on est beaucoup plus que
simplement ému. On se sent inspiré. On ressent une poussée de
patriotisme. On se sent à la fois fier d’être Canadien et rempli
d’humilité.
Aujourd’hui, c’est un jour de fête.
Un jour pour célébrer la grandeur du Canada.
Un jour pour célébrer ce qui unit les Canadiens et les Canadiennes
d’un océan à l’autre.
Un jour pour célébrer ce que nous sommes en tant que peuple, en tant
que pays.
Un jour pour célébrer les grandes choses que nous avons accomplies
et les grandes choses que nous accomplirons dans l’avenir.
La confiance nationale qui nous anime est empreinte de douceur.
Sauf pour aujourd’hui.
Aujourd’hui est jour de fête.
C’est l’occasion de réfléchir à la bonne fortune de notre nation et
de notre peuple.
De nous réjouir de tout ce qui fait de nous le Canada.
De souligner notre joie et notre privilège d’être Canadiens.
De rendre honneur aux réalisations extraordinaires de tous ceux et
celles qui nous ont précédés, qui ont bâti cette grande nation.
De regarder vers ce que nous allons accomplir, ensemble, à l’avenir.
Alors allumez les feux d’artifice. Donnez le signal aux fanfares à
travers le pays. Faites flotter le drapeau. L’écho de cette journée
se prolongera demain, la semaine prochaine, le mois prochain,
pendant toute l’année.
Nous sommes des patriotes discrets. Mais nous sommes résolus. Notre
amour est fort. Notre fierté est profonde. Notre pays, c’est le
Canada.
Aujourd’hui, ensemble, célébrons notre Canada!
[Martin=20040707]
[lieu=usa]
[Transcription d’un discours du Premier ministre Paul Martin à la conférence de Sun Valley 2004]
Une chose que je voudrais faire, c’est de vous raconter un peu le
lien entre le Canada et Bill Bradley. Je ne suis pas sûr s’il s’en
souvient lui-même.
Cependant, un des sujets que je vais aborder dans mes propos ce
matin est le besoin d’un mécanisme de règlement des différends dans
l’Accord de libre-échange nord-américain. Cela paraît complexe, mais
c’est simplement un moyen de régler les différends qui surviennent
entre nos deux pays, ou entre des industries dans nos deux pays.
Lorsque l’Accord a été négocié sous l’administration du Président
Reagan, le mécanisme de règlement des différends était en fait
l’exigence fondamentale. Et il semblait que cette exigence n’allait
pas être satisfaite, que l’Accord allait tomber à l’eau. Alors, un
des négociateurs canadiens a appelé le sénateur B il était alors
sénateur B Bradley, parce que le Président avait dit : » Écoutez, si
ça ne passe pas au Sénat, ça ne se fera pas. » Il a donc appelé le
sénateur Bradley et lui a dit ceci : » Écoutez, l’Accord ne se fera
pas à moins que vous ne puissiez nous dire que le comité sénatorial
des finances va accepter cette disposition. » Il a répondu : »
Accordez-moi la journée. » Le même soir, il aurait appelé le
Président pour lui dire que ce serait accepté. Grâce à cela, nous
avons eu l’Accord de libre échange nord-américain, après l’Accord de
libre-échange, qui a été si avantageux pour nos deux pays. Je suis
donc très heureux de saluer Bill Bradley pour cette raison.
Quelqu’un m’a dit je crois que c’est ce qu’on appelle le » panier
marqué de 50 pieds à l’instant où la cloche va sonner la fin du
match « .
Il semble qu’une discussion soit à l’ordre du jour ce matin, et que
j’aie la tâche de donner le ton en vous parlant de deux des plus
grandes priorités nationales du Canada et des États Unis — notre
prospérité et notre sécurité. Je vais donc diviser mon discours en
ces deux parties.
J’aimerais préciser que, dans les deux cas, il suffirait simplement
d’un léger changement de perspective pour accroître grandement à la
fois notre prospérité et notre sécurité relative.
Essentiellement, selon moi, le Canada et les États-Unis devraient se
considérer l’un l’autre comme beaucoup plus qu’un important
partenaire et un bon voisin. Selon moi, le temps serait venu de
comprendre nos responsabilités en tant qu’intendants conjoints de
l’Amérique du Nord et de nos intérêts communs, au moins dans les
secteurs où ils se recoupent.
Je vais vous donner quelques exemples à titre d’illustration.
L’économie nord-américaine repose sur une infrastructure de plus en
plus intégrée dont le réseau de distribution d’électricité n’est
qu’un exemple. Et nous partageons la responsabilité de gérer et
d’entretenir ce qui représente en fait l’armature continentale de
nos économies, c’est-à-dire ce réseau de distribution commun.
Bien que chacun de nous doive conserver un processus décisionnel
indépendant, nous devons faire mieux de part et d’autre pour veiller
à notre intérêt collectif, et cela englobe les forces et les
faiblesses de ce réseau.
Il ne saurait y avoir de meilleur exemple, bien sûr, que la panne du
mois d’août l’an dernier, quand les lumières se sont éteintes de New
York jusqu’à Ottawa. C’était à cause d’une défaillance au niveau de
la gestion dans les deux pays. On n’avait simplement pas veillé à ce
que le système soit à niveau et adéquatement surveillé. C’était
aussi, a-t-on dit, un moyen de mettre un terme au déclin de la
population — mais c’est un moyen très coûteux, je trouve.
L’autre domaine, pour vous donner un exemple, où nous devons établir
des relations beaucoup plus sophistiquées, je crois, est celui de
l’environnement, dont nous sommes les intendants conjoints. Les
divers écosystèmes de ce continent chevauchent les frontières. La
rivière Rouge afflue des États Unis vers le Canada et la rivière
Columbia coule du Canada vers les États Unis, et chaque cours d’eau
pose des défis particuliers sur le plan de l’environnement qu’il
faut aborder d’une manière beaucoup plus sophistiquée.
Les courants atmosphériques transportent des particules dans les
deux sens. Nous partageons d’importantes pêcheries. Nous partageons
les Grands Lacs. Il nous est même déjà arrivé de nous expédier des
déchets entre nous. Du moins, c’est ce qu’on me dit.
La même observation quant à la nécessité de mieux veiller à notre
infrastructure commune vaut pour la gestion environnementale.
Nous devons collaborer beaucoup mieux dans la protection de la
qualité de l’eau et de l’air ainsi que des espèces migratoires, pour
vous donner seulement ces quelques exemples.
Le troisième exemple où nous pourrions améliorer d’après moi la
gestion de nos responsabilités conjointes en Amérique du Nord a
trait à nos relations commerciales. C’est sur cette question et
celle de la sécurité que je voudrais m’attarder en particulier.
Permettez-moi de vous situer un peu. L’économie canadienne se porte
très bien, vous le saviez peut-être, et vous le savez sûrement
maintenant que vous avez entendu Bill. Nos déficits budgétaires sont
maîtrisés depuis plusieurs années, et nous affichons des surplus
depuis — vous avez parlé de cinq — mais c’est depuis sept ans. Les
surplus annuels se poursuivront d’ailleurs dans un avenir
prévisible.
À l’heure actuelle au Canada, le ratio de la dette au PIB, qui
était, il n’y a pas si longtemps, le deuxième plus élevé du G7, est
le deuxième moins élevé, et il continuera de baisser. D’ici cinq
ans, il sera plus faible que celui de tous les grands pays
industrialisés.
Le taux d’imposition des sociétés au Canada est plus faible qu’ici
dans la plupart des cas; nos taux d’inflation sont stables et
modérés; l’investissement est vigoureux; et le Canada a enregistré
la plus forte progression du niveau de vie de tous les pays du G7
depuis 1995.
Vous savez tous que le Canada est le principal partenaire commercial
des États-Unis; il exporte davantage vers Home Depot que vers la
France.
Mais combien ignorent que le Canada est aussi le premier marché
d’exportation des États-Unis. En fait, 37 des 50 États américains
exportent plus de marchandises au Canada que n’importe où ailleurs.
Et je crois que cela explique en grande partie la raison pour
laquelle les gouverneurs comprennent mieux que le Congrès la
relation commerciale avec le Canada. Le plus frappant, c’est que 40
p. 100 des échanges entre le Canada et les États-Unis se font à
l’intérieur des mêmes compagnies, c’est-à-dire entre les filiales
d’une même compagnie établies du même côté ou des deux côtés de la
frontière.
De plus en plus, nos entreprises, qu’elles soient canadiennes,
américaines ou même mexicaines, exploitent des réseaux continentaux
d’approvisionnement et de distribution.
C’est la même chose pour l’investissement. Je crois que la plupart
des gens savent que les investissements américains au Canada sont
considérables : près de 10 p. 100 des investissements directs, ce
qui représente environ 225 milliards de dollars. Mais peu savent que
les entreprises canadiennes, cela comprend les placements de
portefeuille, possèdent des actifs de plus de 435 milliards de
dollars aux États-Unis, ce qui génère un chiffre d’affaires de 168
milliards de dollars et donne de l’emploi à près de 700 000
personnes. Bref, le rendement économique de chacun touche l’autre de
très près, et il est dans notre intérêt d’accroître l’efficacité de
l’économie nord américaine.
Mais voilà le hic : le manque d’engagement, le manque de leadership
en ce qui a trait au respect des règlements des différends, après
que les décisions ont été rendues. Bill Bradley a construit un
édifice solide, mais il est temps qu’un nouveau sénateur Bradley se
présente devant le Congrès pour défendre les intérêts du public et
l’économie nord-américaine.
Assurément, il existe une façon de régler définitivement un
différend entre deux pays. Nous pensions l’avoir trouvée, mais comme
l’a indiqué Bill Bradley, votre société est très procédurière, et
vous semblez trouver des moyens de contourner ce qui devraient être
des règlements exécutoires. Ces méthodes commencent à nous nuire, et
elles nuiront à l’économie nord-américaine si nous n’y voyons pas.
Je m’explique. La réponse à l’approvisionnement à l’étranger et à
une main d’œuvre moins coûteuse dans des pays comme la Chine et
l’Inde ne se trouve pas dans le protectionnisme, mais dans une
compétitivité accrue chez nous, dans les secteurs où nous sommes à
l’avant-garde du monde. Nous devons améliorer l’efficacité de notre
économie continentale, et pour ce faire, nos trois pays devront
déployer un effort concerté pour promouvoir une plus grande liberté
de circulation des biens, des services et du capital dans le cadre
de l’ALENA.
Cela se fera si nous pouvons en arriver à un meilleur mécanisme de
règlement des différends, qui permettra de compenser les pressions
protectionnistes inévitables créées lorsqu’une entreprise découvre
soudainement qu’un compétiteur se trouvant de l’autre côté de la
frontière lui enlève ses profits.
Essentiellement, le Canada croit que lorsqu’il a atteint le point où
ses entrées dans le marché américain sont vraiment importantes, il
se retrouve soudainement face à des conflits commerciaux qui, de
toute évidence, freinent considérablement les investissements et les
capacités de développement. Et cette question devrait intéresser les
États-Unis, à vrai dire, les entreprises canadiennes, américaines et
mexicaines, car elle se situe au cœur même du libre marché
continental, à savoir si l’on peut avoir confiance en ses avantages.
Je vais vous proposer deux exemples qui ne s’appliquent pas
nécessairement à la haute technologie et aux médias, mais pour les
Canadiens, il s’agit des deux priorités les plus urgentes.
L’industrie du bétail en Amérique du Nord B il s’agit également d’un
secteur important ici, en Idaho B est intégrée depuis un bon nombre
d’années. Des aliments pour animaux et des animaux vivants sont
expédiés — étaient expédiés — tous les jours entre nos deux pays,
comme si aucune frontière ne les séparait. Quand on a découvert une
vache atteinte de l’ESB qui provenait du Canada, certains ont choisi
d’oublier que cette vache canadienne avait peut-être consommé des
aliments en provenance des États-Unis. La frontière a donc été
fermée.
Le fait est qu’il s’agit d’une industrie nord-américaine intégrée,
des fabricants d’aliments pour le bétail aux entreprises de
transformation, et les règlements — fondés sur des données
scientifiques — concernant la protection des consommateurs et du
marché sont pratiquement les mêmes.
Cependant, aux États-Unis, des groupes d’intérêts spéciaux — des
petits éleveurs de bétail — empêchent votre gouvernement de
parvenir à une solution conjointe. C’est très intéressant. Puisque
le bœuf canadien n’est plus exporté, on y bat des records de prix,
et les éleveurs américains font d’importants profits. Évidement, en
pleine année électorale, les pressions pour que la frontière reste
fermée sont énormes. Si ça ne se règle pas, des décennies
d’investissements dans une industrie intégrée vont tomber à l’eau.
À long terme, c’est l’industrie américaine qui en souffrira, et
voici pourquoi. L’industrie canadienne a pris beaucoup d’expansion
grâce à l’exportation vers les États-Unis, mais quelques exceptions
demeurent. Nous n’avons pas renforcé nos capacités en matière de
transformation. Alors soudainement, tout le bétail est acheminé vers
les États-Unis, où il est transformé, puis est distribué à l’échelle
nord-américaine.
Ce que le Canada devra très bientôt faire si la frontière n’est pas
rouverte, c’est renforcer de façon importante ses capacités en
matière de transformation au Canada, et lorsque le marché s’ouvrira,
il y aura une surproduction, car les usines de transformation au
nord de la frontière vous feront concurrence. Si la frontière
demeure fermée, le processus sera enclenché et nous expédierons
directement vers le Japon et la Chine, vos deux marchés les plus
importants.
Autrement dit, l’avantage du marché nord-américain est un système
logique; lorsqu’on le modifie, les deux parties sont touchées.
Le simple bon sens — et une saine gestion des affaires publiques —
nous dicte d’adopter une perspective continentale à l’égard de
l’ESB, et le plus tôt sera le mieux.
Le deuxième example, qui a fait couler beaucoup, beaucoup d’encre au
Canada, a trait au bois d’œuvre. Au fil de nombreuses années,
l’industrie canadienne a investi dans la modernisation et la
consolidation, et cela a accru considérablement l’efficacité de nos
producteurs.
Nous sommes probablement les producteurs de bois d’œuvre les plus
efficaces au monde, non pas à cause de nos ressources forestières,
car elles mettent tellement de temps à pousser, mais principalement
en raison de nos moulins qui sont incroyablement efficaces. Nous
approvisionnons plus du tiers du marché américain.
Or, un petit groupe de producteurs américains continuent d’abuser
des lois commerciales américaines pour empêcher le bon
fonctionnement d’une industrie intégrée. Inutile de vous dire que
cela a un effet traumatisant sur de nombreuses petites collectivités
canadiennes.
Et les États-Unis ne sont pas exemptés non plus des conséquences de
ce litige. L’on estime qu’il ajoute 4000 $US au coût de chaque
maison construite aux États-Unis.
Là encore, je tiens à préciser qu’il nous faut trouver une solution
qui comprenne des règles convenues et un mécanisme de règlement des
différends que des intérêts spéciaux ne peuvent pas contourner. En
fin de compte, il faut des solutions nord-américaines aux problèmes
commerciaux nord-américains, des solutions qui tiennent compte à la
fois de nos différences en tant que pays souverains et de nos
intérêts communs ainsi que de notre profonde interdépendance en tant
que voisins sur ce continent.
Je ne doute aucunement qu’au cours des vingt ou trente prochaines
années, tandis que le marché européen réussit enfin à s’organiser,
que la Chine et l’Inde démarrent, et qu’au fur et à mesure que les
marchés communs asiatiques se développent, notre degré d’efficacité
en Amérique du Nord influera grandement sur notre niveau de vie. Et
ça n’a aucun sens, à mon avis, de continuer d’ériger des barrières.
Le dernier exemple que je veux vous donner, où nos intérêts communs
devraient faire l’objet d’un examen continu, dépasse les frontières
de l’Amérique du Nord. Il s’agit de la sécurité de nos populations
respectives, qui sont exposées de nos jours à toute une série de
menaces tout à fait inédites.
Les États voyous, les États déliquescents ou en voie de l’être, les
organisations criminelles internationales, la prolifération des
armes et les terroristes prêts à agir au mépris des coûts humains, y
compris leur propre vie. S’il était protégé autrefois par les
océans, le front s’étend de nos jours, et vous le savez encore mieux
que moi, des rues de Kaboul aux villes américaines, des voies
ferrées de Madrid aux villes canadiennes.
Notre adversaire pourrait mener ses opérations dans les montagnes de
l’Afghanistan ou dans les villes d’Europe; il pourrait aussi se
trouver, aujourd’hui même, à l’intérieur de nos propres frontières.
Il n’y a pas de front intérieur. Le conflit n’est pas là-bas, ce qui
signifie que les menaces peuvent arriver en Amérique du Nord par la
mer, par la voie des airs ou par voie terrestre, par n’importe où,
et nul n’est à l’abri.
Au Canada, nous travaillons dans trois secteurs connexes en vue
d’assurer notre sécurité physique B les mesures à prendre en
territoire canadien, les mesures à mettre en œuvre avec le concours
des États-Unis, et nos politiques extérieures visant à favoriser la
sécurité dans le monde. Si j’ai bien compris, George Tenet viendra
ici, c’est ce que tu m’as dit Bill, qu’il viendra ici plus tard dans
la semaine, et je suis certain qu’il relevera quelques-unes de ces
questions.
Nous venons, au Canada, de rendre publique notre toute première
Politique de sécurité nationale. Elle énumère les diverses mesures
que nous avons prises depuis le 11 septembre, des mesures
importantes. La plupart des pays ont d’ailleurs vécu une véritable
révolution depuis le 11 septembre, aux chapitres du renseignement,
des transports, de la santé publique, de la planification en cas
d’urgence. Nous renforçons également la coordination entre les
différents ministères du gouvernement.
Il est intéressant de noter que les États-Unis ont éprouvé, de toute
évidence, d’énormes problèmes. Nous aussi. Presque tous les pays
avaient déjà en place différentes agences de sécurité, et il semble
qu’aucune d’entre elles n’ait senti le besoin de se parler. Donc,
l’une des grandes révolutions qui s’est produite a été simplement de
les harmoniser, d’améliorer la compatibilité des systèmes, la
capacité d’échanger de l’information. C’est ce que nous avons fait.
Nous sommes aussi en train d’accroître la coordination entre les
divers paliers de gouvernement au Canada. Dans le cadre d’un État
fédéral, il est clair que ce besoin transcende le gouvernement
fédéral. Pour ce qui est des États-Unis, nous travaillons de près
avec Tom Ridge pour que la frontière reste à la fois sécuritaire et
ouverte aux activités commerciales et touristiques légitimes.
Nous avons élaboré ensemble un plan d’action de grande envergure
pour rendre la frontière imperméable aux menaces et aussi invisible
que possible pour le commerce. Ce que nous voulons faire
essentiellement, et nous en avons discuté avec le gouverneur, nous
voulons prendre ce qui est devenu le plan canado-américain, qui
donne actuellement de très, très bons résultats, et l’élargir aussi
loin que possible. Il s’agirait de prendre ce plan, de l’élargir au
Mexique, puis de l’exporter au-delà, dans le reste du monde. Car
nous croyons avoir capté, dans son essence, la façon dont les
nations commerçantes peuvent assurer leur sécurité mutuelle, étant
donné que les véritables menaces arrivent par navire, par conteneur,
par avion de fret. Nous voulons élargir le plan pour englober la
biosécurité, la sécurité des aliments et la sécurité maritime.
L’autre secteur où nous voulons intensifier notre collaboration avec
vous a trait à la défense de l’Amérique du Nord. Certain d’entre
vous savent peut-être que nous avons des responsabilités conjointes
avec les États-Unis en vertu du traité sur le NORAD. Il s’agit
surtout de la responsabilité de l’espace aérien. Nous croyons
qu’elle s’étend maintenant à la voie terrestre et à la mer, et
avons, par conséquent et de concert avec vous, créé le Groupe de la
planification binational afin d’examiner les prochaines étapes
possibles en vue des dispositions à prendre pour assurer le
commandement conjoint de la défense maritime et pour fournir une
aide militaire conjointe aux autorités civiles dans l’éventualité
d’une urgence.
Certains parmi vous savent peut-être aussi que le 11 septembre, la
plupart des avions qui circulaient dans l’espace aérien en Amérique
du Nord ont atterri, en passant par l’espace aérien du Canada, dans
des aéroports canadiens. Une telle collaboration s’est avérée
indispensable dans les jours qui ont suivi.
Enfin, bien qu’une défense efficace soit essentielle à la sécurité,
ce n’est pas tout. Si nous voulons réellement protéger le Canada et
les États-Unis dans l’avenir, nous allons devoir faire face à
l’insécurité dans le monde. Là aussi, nos expériences communes en
Amérique du Nord peuvent nous être utiles.
Les motifs des dirigeants terroristes sont complexes, et nous ne
pouvons identifier aucun ensemble unique de causes pouvant expliquer
leur attitude impitoyable et leur haine à l’égard des pays
occidentaux. Nous savons toutefois qu’ils trouvent le plus souvent
une oreille attentive dans des pays qui sont incapables ou qui
refusent de répondre aux besoins les plus élémentaires de leurs
citoyens. Nous entendons habituellement par là les soins de santé,
l’éducation, l’alimentation et le logement.
Mais il existe un autre élément, qui devient de plus en plus
problématique à la lumière des événements qui se déroulent dans le
monde, et c’est le besoin des citoyens de ces pays de participer à
la vie politique de leur nation.
Bref, tout comme les entreprises doivent améliorer leur gouvernance,
les pays doivent faire de même. L’amélioration de la gouvernance au
sein des États fragiles, déliquescents ou en voie de l’être passe
par l’édification d’institutions publiques efficaces. Pour rétablir
la stabilité dans les États fragiles, il faut souvent recourir à une
intervention militaire. Vous le savez bien, aux États-Unis, et nous
aussi, au Canada.
L’aide étrangère joue un rôle crucial, mais dans les deux cas, ses
bienfaits sont clairement limités en l’absence d’institutions
fonctionnelles et responsables.
Nous en avons été témoins en Haïti. Il y a près de 10 ans, le
Canada, les États-Unis et d’autres pays sont intervenus pour aider à
ramener au pouvoir le président démocratiquement élu de ce pays, qui
avait été renversé lors d’un coup d’État. Nous avons dépêché des
troupes. Nous n’avons pas lésiné sur l’aide, et nous nous sommes
engagés solennellement à maintenir le cap.
Le problème, c’est que nous sommes partis avant que ne soient
édifiées les structures institutionnelles qu’il fallait pour que
Haïti puisse se tenir debout tout seul. Ce pays avait besoin de
ministères gouvernementaux opérationnels, d’un système juridique, de
forces policières honnêtes et de tribunaux indépendants. Il avait
surtout besoin de la primauté du droit et de l’imputabilité d’un
système politique.
Le fait demeure qu’aucun d’entre nous, aussi bien les États-Unis que
le Canada et la France, qui étions parties prenantes dans l’affaire,
n’a investi suffisamment de temps et d’efforts pour mettre ces
institutions sur pied.
Nous voici donc de retour, dix années plus tard, aux prises avec le
même problème et le même désordre. Cette fois-ci, par contre, nous
devons rester jusqu’à ce que la tâche soit bien accomplie. En
résumé, le fil conducteur entre la réhabilitation réussie d’un État
non viable et la stabilité d’un État sain, ce sont des institutions
publiques qui fonctionnent bien.
Cent quatre-vingt-trois pays font partie du FMI. Près de cinquante
d’entre eux sont considérés comme non viables ou sur le point de le
devenir. Il y a là un énorme effort à consentir à l’échelle
internationale, et je dirai en toute franchise qu’il s’agit d’un
effort que nous, en tant que pays, n’avons pas encore osé regarder
en face.
L’autre condition qui, à mon avis, est très importante, si l’on veut
que les États non viables ou en voie de le devenir se remettent sur
pied ou, en réalité, que tout pays pauvre se remette sur pied, c’est
la présence d’un secteur privé dynamique.
L’an passé, l’ancien président du Mexique Ernesto Zedillo et
moi-même avons coprésidé la Commission des Nations Unies pour le
secteur privé et le développement, dont faisait partie Carly
Fiorina. L’exemple B vous avez peut-être noté celui qu’elle a donné
en Inde B est un exemple classique de ce que notre commission
préconisait.
Le rapport contenait un certain nombre de recommandations, mais deux
messages ressortaient clairement de nos réflexions.
Premièrement, bien que l’investissement étranger soit important, en
particulier au cours des premières étapes du développement, une
économie ne peut prospérer sans les moteurs que sont la demande et
les investissements intérieurs.
Deuxièmement, la condition indispensable pour l’investissement
intérieur est la même que pour l’investissement étranger, à savoir
la confiance envers les structures des institutions publiques, en
les droits de propriété privée, en la primauté du droit qui assure
la stabilité et en la prévention contre la corruption. D’après
certaines évaluations, les possessions des plus défavorisés du monde
dépassent de 200 fois toute l’aide étrangère qui peut être apportée
au pays. Le problème, c’est que personne ne détient les droits de
propriété.
Certains d’entre vous avez peut-être entendu parler de l’économiste
Hernando De Soto. Pour Hernando De Soto, essentiellement, si l’on
pouvait donner des droits de propriété aux gens qui vivent
(inaudible), ceux-ci pourraient prendre une hypothèque. Ce que l’on
obtiendrait alors, c’est le début d’une société de libre entreprise.
Voilà le type de changement qu’à mon avis nous devrons apporter. Il
en est ressorti un autre phénomène qui présente énormément d’intérêt
: l’introduction de la haute technologie dans les régions rurales
démunies.
Notre commission a aussi constaté l’existence de la corruption
larvée. Je crois que nous comprenons tous que ce phénomène existe
dans nombre de ces pays et certainement dans l’Inde rurale.
L’introduction de la haute technologie permet d’éliminer tous les
intermédiaires qui, en fait, tendent la main chaque fois qu’un
agriculteur veut s’approprier sa propre terre, veut obtenir l’acte
de propriété de sa terre; la haute technologie permet à
l’agriculteur d’utiliser l’ordinateur et ainsi de ne plus avoir
recours aux intermédiaires qui les facturaient au passage et qui, du
fait, se trouvent éliminés. L’agriculteur qui utilise probablement
la technologie HP peut désormais consulter chaque jour les cotes de
la bourse de Chicago en ce qui concerne leurs produits, ce qui
change radicalement la façon dont ces pays fonctionnent.
Par ailleurs, je dois dire que le Canada et les États-Unis devront,
si nous voulons vraiment veiller aux changements dans les
infrastructures institutionnelles dont ces pays ont besoin, nos deux
pays devront, dis-je, être beaucoup plus présents et beaucoup,
beaucoup plus actifs.
Le dernier aspect de la gestion des affaires internationales dont
j’aimerais vous entretenir est celui des améliorations qui
s’imposent à la façon dont fonctionnent nos immenses institutions
internationales. Les exemples en sont nombreux. Le plus connu est,
bien sûr, celui de la tentative actuelle en vue de réformer les
Nations Unies, mais je crois que nous commençons à apercevoir des
signes encourageants.
Bien entendu, il existe d’autres exemples de réformes nécessaires.
Par exemple, la plupart de nos pays considèrent nos régimes de soins
de santé comme des structures étanches à l’intérieur desquelles nous
agissons tous. En réalité, lorsque l’on considère des maladies
infectieuses comme la grippe aviaire ou le SRAS, qui courent
actuellement, il devient évident qu’aucun pays ne peut s’isoler.
Disons que vous attrapez le SRAS le lundi matin dans un village
rural d’Asie et que vous prenez un avion le mardi, vous répandez la
contagion à New York ou à Toronto le jeudi.
Si nous voulons, effectivement, assurer la sécurité de notre propre
population, nous ne pouvons plus tolérer que les systèmes de soins
de santé ailleurs dans le monde répondent à des normes inférieures
aux nôtres. Il y a donc, à cet égard, un bon nombre de secteurs dans
lesquels nous pouvons agir.
Par exemple, le Canada est devenu, tout récemment, le premier pays à
adopter un projet de loi permettant l’exportation de médicaments
génériques à bas prix pour traiter le sida et la malaria en Afrique.
C’est le genre de situation à laquelle, en tant que pays, nous
allons devoir faire face.
Autrement dit, nous ne pouvons plus fonctionner en vase clos comme
nous l’avons tous fait, et continuer d’imaginer que nous pourrons
protéger nos populations. Il est évident que les institutions
doivent adopter des démarches multilatérales efficaces. Or, nos
tentatives de réforme s’enlisent toujours dans la léthargie
bureaucratique et, essentiellement, dans l’échec des dirigeants à
l’échelle internationale. C’est dans ce contexte que j’aimerais
simplement vous faire une proposition, à laquelle Bill Bradley a
fait allusion dans sa présentation.
Ce qui limite principalement le G8 est le fait qu’il constitue, en
gros, un club de pays riches. Les clubs comparables regroupant les
pays en développement, comme le Groupe des 77, sont, de leur côté,
principalement limités par le fait qu’ils excluent les moteurs clés
de l’économie internationale.
Le grand inconvénient des organisations multilatérales de vaste
envergure qui rassemblent tous les pays riches et pauvres est,
justement, que tout le monde y assiste : les dirigeants n’ont pas
l’occasion d’entamer de véritables discussions au-delà des discours
préparés à l’avance. Les conversations et le choc des idées sont
exclus.
Alors, quelle est la solution? Nous croyons que cela pourrait être
un G20 des dirigeants, c’est-à-dire 20 grands pays, semblable au G8,
sauf étendu à 20, et semblable au G20 des ministres des Finances
créé dans le sillage de la crise financière de 1997 en Asie.
Permettez-moi de vous rappeler le contexte. Voici ce qui est arrivé.
À l’époque, Bob Rubin et Larry Summers représentaient le Trésor, et
nous, les ministres des Finances, nous nous sommes soudain retrouvés
— vous vous en souviendrez peut-être — avec la Malaisie en défaut
de paiement, l’Indonésie en défaut de paiement, la Russie en défaut
de paiement, le Brésil en défaut de paiement, et avec une nouvelle
crise du peso au Mexique. La réponse nous paraissait assez claire.
C’était la transparence des états financiers. C’était une ouverture
beaucoup plus grande et des règlements bancaires beaucoup plus
rigoureux.
Nous pensions détenir la réponse et pour la plus grande gloire du G7
des ministres des Finances, nous avons simplement dit à ces pays ce
qu’ils devaient faire, et ils nous ont envoyés promener, parce
qu’ils n’avaient pas eu leur mot à dire dans la solution. Ils nous
ont simplement répondu : » Nous n’allons pas vous écouter. Vous avez
pondu une solution pour nous. Nous voulons être à la table où les
débats ont lieu. »
Alors, nous avons formé le G20 des ministres des Finances et c’est
essentiellement cela, ainsi qu’une politique monétaire assez
astucieuse de la part d’Allan Greenspan, qui a mis fin à la crise
financière en Asie et qui nous a légué un système financier beaucoup
plus solide sur le plan des règlements exigés.
Nous croyons qu’il faut reproduire le G20 au niveau des dirigeants,
c’est-à-dire réunir les puissances régionales en veillant à ce que
les différentes régions soient représentées : l’Afrique du Sud et le
Nigéria, pour l’Afrique, par exemple; les États-Unis, le Canada et
le Mexique ainsi que le Brésil, pour notre hémisphère; le G8, la
Turquie, des pays comme ceux-là. Des pays qui peuvent parler au nom
de leur région, de sorte qu’un groupe moins nombreux de dirigeants
puissent faire l’acte de foi que ce genre de problèmes exige.
Ce qui se passe essentiellement aux réunions internationales c’est
que des documents bureaucratiques vous sont fournis. Vous vous
rendez là, et vous vous en tenez en gros à ces limites très
étroites. Or, il faut s’affranchir de ces limites. La seule façon
d’y arriver c’est d’avoir des dirigeants qui peuvent assumer la
responsabilité des décisions qui doivent être prises. Nous croyons
que cela a donné de bons résultats au niveau des ministres des
Finances et que cela devrait donner de bons résultats au niveau des
dirigeants.
J’ai soulevé cette idée auprès du Président Bush et il s’est dit
intéressé. Les premiers ministres de la Grande Bretagne et de la
Chine, et les présidents de la Russie, du Brésil et du Mexique ont
aussi manifesté un intérêt considérable lorsque j’en ai discuté avec
eux. Si j’en parle ici, c’est parce qu’il me semble que si, en plus
de s’occuper du mécanisme de règlement des différends — ce que je
voudrais que vous fassiez en partant d’ici –, les milieux
d’affaires américains pouvaient se rallier derrière l’idée que les
principaux marchés émergents et les grands pays en développement
doivent unir leurs efforts pour trouver certaines des solutions dont
le monde a besoin, si, en fait, nous voulons progresser davantage,
alors je crois que cela donnerait une impulsion assez grande pour
que cette idée s’impose.
Il s’agit de donner le coup d’envoi et de cultiver dès maintenant
les habitudes d’une collaboration pragmatique entre le Nord et le
Sud — des habitudes si essentielles à l’avenir resplendissant que
certains d’entre nous espèrent et croient possible.
Alors, voilà. J’ai commencé par vous parler du besoin de renforcer
la gouvernance en Amérique du Nord, et j’ai conclu sur le besoin de
renforcer la gouvernance dans le monde. Lorsque nous évoquons la
sécurité et la prospérité de l’Amérique du Nord, nous relevons la
nécessité d’être plus souples et d’adopter de nouvelles démarches.
Il en va de même pour la sécurité et la prospérité dans le monde. Il
n’existe pas de plan d’action universel, mais on s’entend de plus en
plus sur le besoin d’une souplesse accrue et de démarches
internationales qui se renforcent mutuellement.
Tout cela s’inscrit dans la relation qui s’établit de plus en plus
entre les droits de la personne et la primauté du droit, d’une part,
et l’entrepreneuriat, d’autre part; entre l’éducation et les droits
des femmes, ce qui renvoit encore une fois à l’exemple que Carly
Fiorina a donné ce matin; entre la stabilité politique et les
institutions publiques; entre la sécurité de l’individu et celle de
l’État.
Personne en Amérique du Nord ne se trouvera en sécurité dans un
monde où près d’un tiers des pays sont déliquescents ou près de
l’être. C’est en prenant conscience de ces liens que nous nous
sommes développés dans nos propres pays, et ce constat pourra aussi
aider d’autres pays dans la sphère internationale.
À mon avis, et je concluerai là dessus, le même raisonnement
s’applique dans cette salle. Nous avons réussi dans nos deux pays,
au Canada et aux États-Unis, à accomplir de grandes choses, en
raison de la collaboration entre le secteur public et le secteur
privé. Nous avons pu mobiliser les énergies. Nous avons relevé
quelques-uns des défis les plus importants qui se soient jamais
posés. Nous traversons aujourd’hui une période marquée par
d’immenses changements. Et nous, le gouvernement et le secteur
privé, devons travailler ensemble, là où nous le pouvons, afin de
promouvoir le bien commun partout dans le monde. Évidemment, il
serait mieux de commencer chez nous, mais nos efforts doivent être
élargis.
Quand je songe aux immenses talents et aux expériences incarnés par
les personnes ici présentes, comment ne pas éprouver un formidable
élan de confiance qui laisse croire que nous y arriverons. Là
dessus, je vous cède la parole. Merci beaucoup de m’avoir donné
l’occasion de vous entretenir.
[Martin=20040717]
[lieu=alberta]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion du Calgary Stampede]
C’est un plaisir de revenir à Calgary et au Stampede. Ici dans une
Alberta sans dette.
J’aimerais commencer par vous remercier tous et chacun d’être venu à
ce superbe petit déjeuner. Si j’ai bien compris, un bon nombre
d’entre vous a pu assister à des activités comme celles ci pendant
toute la semaine.
Ces petits déjeuners facilitent vraiment les choses pour le visiteur
: pour se rendre ici, on n’a qu’à atterrir à l’aéroport et suivre
l’arôme des saucisses.
J’aimerais saluer en particulier le maire Bronconnier, qui s’est
joint à nous ce matin.
Nous avons travaillé de près pendant l’élaboration de notre plan
d’action pour les municipalités, et il est un défenseur acharné tant
de sa propre ville que des villes et des collectivités partout au
Canada.
Il a joué un rôle de direction en nous incitant tous à adopter pour
le XXIe siècle de meilleures sources de financement pour les
administrations municipales.
J’attends avec intérêt de m’asseoir avec lui et les autres maires
pour négocier le transfert de la taxe sur l’essence et pour
collaborer ensemble afin de faire de Calgary et de toutes les
municipalités des endroits où il fait encore mieux vivre, travailler
et élever une famille.
À chacune de mes visites ici, peu importe si c’est à bref
intervalle, la ville semble avoir grandi. La vue est remarquable,
que ce soit de l’air ou sur le sol.
L’énergie civique déployée ici est stupéfiante, l’esprit de
détermination palpable. Et on ressent une véritable ouverture, une
attitude très accueillante.
Comme peut l’attester Anne McLellan, il ne prend pas grand temps à
une native des Maritimes transplanté ici de devenir une Albertaine à
part entière.
Le Stampede évolue constamment aussi, et c’est tout à fait juste,
car le Stampede et Calgary sont depuis si longtemps profondément
interreliés.
La croissance et la réussite de Calgary témoignent de l’attrait
singulier de la ville et de cette province.
Quant à la croissance et à la réussite du Stampede, cette vitrine de
l’histoire pionnière rend hommage à la culture empreinte de fierté
civique et à l’esprit de bénévolat qui sont florissants ici.
Le Stampede est devenu un symbole marquant, non seulement de Calgary
et de l’Alberta, mais aussi du Canada, dans le monde entier
C’est devenu un événement qui, chose rare, commémore l’histoire tout
en entrant dans l’histoire.
L’une des raisons pour lesquelles le Stampede a connu tant de succès
est qu’il constitue une célébration, et non seulement d’un style de
vie, mais bien d’une façon de vivre : avec audace et confiance.
On constate un défi et on le saisit, on travaille fort pour
transformer les occasions qui se présentent en réussites. Ces
qualités sont évidentes dans la riche histoire de Calgary et de
l’Alberta. Et elles abondent aujourd’hui dans cette ville et dans
cette province.
On s’en rend compte très rapidement, et on peut en prendre la
mesure.
Parfois, le succès est déterminé par des progrès collectifs qui
s’étendent sur plusieurs années. À d’autres moments, et surtout sur
les lieux mêmes du Stampede, le succès est déterminé par l’individu
qui survit à huit longues secondes sur un taureau.
Je sais que nous venons de vivre une élection, et que c’est l’été,
et que les politiciens devraient être obligés par la Constitution de
faire un vœu de silence, mais j’aimerais traiter de deux sujets qui
sont importants à mon avis.
Premièrement, je sais que de nombreuses personnes ici présentes et
partout en Alberta demeurent touchées par les répercussions de l’ESB
sur l’industrie bovine et par le fait que la frontière américaine
reste fermée.
J’ai soulevé cette question avec le président Bush. Je l’ai soulevée
auprès des membres du Congrès. Je l’ai soulevée plus d’une fois et
je le ferai à nouveau.
En effet, je l’ai mentionnée devant un groupe de gens d’affaires
américains très en vue lors de mon voyage à Idaho il y a une
semaine.
Je vous assure qu’il n’y a pas une réunion ou une conversation avec
un représentant américain au cours de laquelle je passerai sous
silence cette question.
Je vais continuer de prendre la part de nos exploitants de parcs
d’engraissement et de ranchs et de nos éleveurs de bétail.
Tout simplement, les États-Unis doivent rouvrir la frontière, et
maintenant.
Les Américains ont tort d’agir comme ils le font. La frontière
devrait déjà être ouverte.
Deuxièmement, je veux vous parler du Canada et de la place de
l’Alberta en son sein.
Pendant la campagne et au cours des mois qui l’ont précédé, j’ai
passé un bon bout de temps en Alberta. Le dernier jour de la
campagne, j’ai pris l’avion de la Nouvelle Écosse à la Colombie
Britannique, et de là je suis retourné à Montréal. J’ai pu tremper
mes pieds dans l’océan de l’Est et dans l’océan de l’Ouest. C’était
un sprint de vingt quatre heures jusqu’au bout.
Mais de mon point de vue, il était important de voyager d’un bout à
l’autre de ce vaste pays, de tremper mes pieds dans l’océan
Atlantique et dans l’océan Pacifique le même jour.
C’était important, car cela permettait de mettre en valeur les
éléments uniques et divers de notre nation, elle même unique et
diverse.
C’était important, car cela permettait de célébrer l’extraordinaire
privilège que nous avons, les Canadiens, de circuler dans notre pays
et de connaître ses nombreuses merveilles.
C’était important, car cela permettait de souligner tout ce que nous
avons en commun en dépit de la distance qui sépare nos côtes.
J’ai dit quelque chose le dernier jour de la campagne que j’aimerais
répéter maintenant. En tant que Premier ministre, je suis absolument
déterminé à gouverner pour l’ensemble de ce pays – pour chaque
région, chaque province, chaque Canadien.
Et je vous dirai ceci : que cet engagement ne dépend pas du nombre
de sièges que le Parti libéral a remporté dans cette province ou
dans n’importe quelle autre.
Le rôle du Premier ministre et celui du vice-premier ministre est
d’aider à édifier un Canada plus fort, un Canada plus uni, un Canada
où chaque région et chaque province sent que sa vision de l’avenir
et ses valeurs sont une partie essentielle et valorisée du pays que
nous partageons. Car, chaque province est, en effet, une partie
essentielle et valorisée du pays que nous partageons.
Nous sommes unis non seulement par un drapeau et une constitution,
mais par nos espoirs et nos rêves, et par le désir de travailler
ensemble en tant que Canadiens afin de les réaliser.
Le Canada représente effectivement beaucoup plus que la somme de ses
parties.
Nous célébrerons bientôt le centenaire de l’Alberta.
Même à l’époque, à la veille de l’intégration de la province dans la
Confédération, le sentiment d’optimisme à l’égard de l’Alberta et
des contributions qu’elle apporterait au Canada était évident.
Dans le Calgary Herald du 31 août 1905, le jour avant que l’Alberta
devienne une province canadienne, on pouvait lire que, et je cite, «
les événements à venir sont très prometteurs en ce qui concerne les
progrès de l’Alberta ». Fin de la citation.
Le fait demeure que l’Alberta a rempli ses promesses, et ce faisant,
elle a permis au Canada de remplir les siennes.
Le Herald avait vu juste, mais il n’avait pas toujours raison. En
fait, sur la page suivante de ce quotidien de 1905 se trouvait une
critique acerbe du Parti libéral. Ils n’ont jamais refait ça.
J’aimerais conclure de la façon suivante : il n’est pas nécessaire
de vivre dans le centre du Canada pour jouer un rôle central dans sa
réussite.
Alberta l’a bien démontré, et elle le démontre tous les jours.
Des sables bitumineux des Badlands, de ses grandes universités à ses
équipes de hockey formidables, l’Alberta illustre ce qu’il y a de
mieux au Canada. Et nulle célébration de Calgary et de l’Alberta
n’est aussi renommée ou digne de ce nom que le Stampede.
Nous venons sur ces lieux chaque année pour revivre l’histoire
exaltante de cette ville et de cette province. Et quand la fin du
Stampede arrive, nos pensées se tournent vers l’avenir – un avenir
d’une richesse sans mesure quant aux possibilités et aux promesses.
Un avenir dans lequel l’Alberta jouera un rôle essentiel dans
l’édification du Canada de demain.
C’est de cela tout cela dont il s’agit
Bon appétit.
Bonne journée.
Merci.
[Martin=20040913]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la réunion des premiers ministres ]
Messieurs les premiers ministres, chères Canadiennes, chers
Canadiens,
Premiers, fellow Canadians:
Notre système public de santé est l’expression éloquente de nos
valeurs en tant que nation, de nos priorités en tant que peuple, et
à la fois, de notre raison d’être commune et du sentiment de qui
nous sommes dans un monde de plus en plus difficile et complexe.
Nous en tirons une grande fierté.
Au cours de la dernière moitié du siècle passé, le système public de
santé est devenu un aspect vital de notre citoyenneté – ce à quoi
tous les Canadiens et Canadiennes peuvent s’attendre, à juste titre,
quel que soit leur lieu de résidence, quel que soient leurs revenus.
Plus que ça, l’idée d’un système public de santé a bien du bon sens.
Et comme c’est le cas avec tant de bonnes idées raisonnables, il a
été difficile de la mettre en œuvre – près de deux décennies se sont
écoulées entre nos aspirations et leur réalisation. Cela a été un
long travail pénible.
Tout comme ceux qui nous ont précédé dans les fonctions que nous
exerçons aujourd’hui ont eu à le faire, nous qui sommes assis autour
de cette table, nous avons un défi à relever : nous devons
renouveler la confiance dans la qualité de notre système public de
santé; en assurer la viabilité; redonner un sens au principe
d’égalité d’accès aux soins; nouer un véritable partenariat afin de
réaliser ensemble un projet rassembleur.
Les Canadiens et les Canadiennes veulent que soient réglés les
problèmes en matière de soins de santé, les problèmes dans leurs
collectivités, les problèmes qui affligent leurs familles. Ils
veulent voir un médecin lorsqu’ils en ont besoin, dans un lieu qui
leur convient. Ils veulent savoir que le système de santé sera en
mesure de leur fournir les services nécessaires en temps opportun.
Et que ce système sera solide.
Nous sommes conscients du besoin de renforcer le système de santé.
Nous comprenons le défi qui se pose. C’est à nous que ce défi est
lancé. C’est à nous de le relever.
Forces communes
Nous avons la chance, en entamant nos discussions, de disposer des
recommandations données par plusieurs commissions provinciales sur
la santé – notamment celles de Ken Fyke en Saskatchewan, de Michel
Clair au Québec et de Don Mazankowski et de Gordon Graydon en
Alberta – et par deux commissions nationales sur l’état du système
de santé canadien : celle présidée par Michael Kirby et l’autre par
Roy Romanow.
Nous sommes venus ici pour discuter de la réforme du système de
santé. Mais ce faisant, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’en
grande partie, et pour la majorité des Canadiens et des Canadiennes,
le système répond bien à nos besoins et dispense efficacement des
services de haute qualité. Nous avons donc raison d’être optimistes.
Permettez moi simplement de dire ceci à mes treize homologues –
qu’en tant que Premier ministre et ancien ministre des Finances, je
comprends bien les défis que vous et vos gouvernements ont dû
relever, de même que les problèmes que vous avez dû régler afin de
maintenir des services de santé de qualité à une époque où les coûts
sont à la hausse. Cela n’a pas été facile, mais je voie le bon
travail que vous avez accompli et je tiens à le souligner.
Tous les Canadiens et Canadiennes peuvent être fiers des choix que
nous avons faits en tant que nation au fil des ans. Tous peuvent
être fiers du rôle de direction joué par les provinces dans la
gestion et la réforme des soins de santé. Nous avons édifié un
système de santé public et universel, et nous avons amélioré la
qualité de vie dont jouissent les habitants de ce pays. Mais le fait
d’avoir en notre possession la clé du passé ne nous ouvre pas la
porte de l’avenir.
Peu de personnes contesteraient la réalité prédominante de nos
jours, à savoir que les gens dans ce pays sont de plus en plus
inquiets par rapport à leur capacité de pouvoir consulter un
professionnel de la santé pertinent en temps opportun. Entre temps,
les pressions financières s’intensifient à mesure que vieillit la
population, à mesure que les connaissances et la spécialisation en
médecine s’approfondissent, et à mesure que de nouveaux traitements,
bénéfiques mais très coûteux, font leur apparition. De toute
évidence, les coûts ne pourront pas continuer de croître plus
rapidement que les revenus du gouvernement.
L’une des raisons qui expliquent pourquoi le système public de santé
du Canada se compare si favorablement à d’autres est liée au type de
fédéralisme qui existe ici. Ce fédéralisme nous permet de travailler
ensemble, dans un but commun, en misant sur les forces de chacun,
mais avec une flexibilité qui non seulement permet, mais favorise
l’adaptation et l’innovation. Tout cela nous rend plus forts. Nous
pouvons profiter de l’ingéniosité et du bon travail des uns et des
autres.
Ce genre de collaboration n’est pas nouveau.
En effet, ses origines remontent aux vifs débats qui ont précédé la
création du système public de santé. Quand je pense à cette époque,
ce qui ressort le plus est l’émergence, non pas d’une solution
provinciale ou fédérale, mais d’une solution canadienne collective –
l’engagement à l’égard d’un objectif commun et le respect des
responsabilités de chaque ordre de gouvernement.
Les Canadiens veulent savoir que leurs gouvernements travaillent en
collaboration afin de préserver et de renforcer le système de santé.
Ils sont las de nos querelles.
Les personnes autour de cette table se situent à différents points
sur l’échiquier politique canadien.
Mais nous devons nous laisser guider par le même esprit qui a permis
à ceux qui nous ont précédé de créer le système public de santé, de
mettre au point les soins de santé, et, ce faisant, d’aboutir, chose
rare, à une initiative gouvernementale qui réussit non seulement à
communiquer des valeurs à un peuple, mais aussi à représenter les
valeurs populaires.
Tout pouvoir s’accompagne de responsabilités. La nôtre, en tant que
premiers ministres, est de faire en sorte qu’il n’existe aucun
Canadien de deuxième ordre en ce qui concerne la gamme, les normes,
la qualité et l’obtention en temps voulu de soins de santé. Nous ne
pouvons, toutefois, assumer seuls cette responsabilité. Ce n’est
qu’ensemble que nous y parviendrons.
La réduction du temps d’attente
L’accès constituera la meilleure mesure du succès de nos efforts –
l’accès aux fournisseurs pertinents, aux procédures diagnostiques et
aux traitements, là où ils sont requis et en temps opportun. Si nous
voulons améliorer la qualité des soins, accroître la confiance des
Canadiens dans le système et mieux répondre à leurs besoins,
aujourd’hui et dans l’avenir, voilà ce sur quoi nous devons mettre
l’accent.
La confiance des Canadiens commence à souffrir des soucis causés par
les temps d’attente. Les gens craignent de devoir attendre des mois
avant de consulter un spécialiste ou de passer des examens cruciaux.
Ils craignent de devoir attendre un an ou plus avant de se faire
remplacer une hanche ou enlever des cataractes.
C’est une question de bon sens : lorsqu’un problème de santé est
traité sans délai, le malade s’en remet plus rapidement. Mais la
réduction du temps d’attente n’est pas simplement une fin importante
en soi; c’est le catalyseur d’une réforme et d’améliorations plus
vastes au sein du système. C’est le moteur de changements positifs
et de l’innovation.
Ce n’est pas une théorie; c’est un fait. Et c’est déjà apparent dans
l’ensemble du pays. Des exemples précis montrent que les efforts des
provinces portent déjà fruit –le Western Canada Wait List Project,
le Réseau de soins cardiaques de l’Ontario et le Orthopædic Surgery
Wait List Project en Nouvelle Écosse.
Ce que laissent voir les expériences des provinces est que lorsqu’on
commence à réduire le temps d’attente, une transformation de la
culture se produit – on passe des soins axés sur le système à des
soins axés sur le patient. Voilà une transition que nous souhaitons
voir s’accomplir.
C’est pourquoi, à l’issue de cette réunion, nous devrions avoir en
main un plan d’action solide qui nous permettra de résoudre les
difficultés liées à l’accès et au temps d’attente.
La réduction des temps d’attente exigera une approche globale qui
intègre tous les secteurs du système de santé, en partant des
services et des ressources humaines, jusqu’au financement et aux
comptes rendus aux citoyens.
Elle exigera une réforme accélérée des soins offerts aux familles et
aux collectivités, la hausse du nombre de médecins, d’infirmiers et
d’infirmières et d’autres professionnels de la santé, ainsi que
l’expansion des soins à domicile et de l’assurance médicaments. Elle
exigera à la fois l’augmentation des fonds consacrés généralement à
la santé et un fonds spécial réservé uniquement à la réduction des
listes d’attente. Elle exigera, en dernier lieu, des points de
référence et une information crédible et comparable afin de mesurer
les progrès accomplis et les écarts existants et d’en faire rapport
publiquement.
D’après les experts, des résultats concrets nous attendent dans le
dossier du temps d’attente si nous sommes assez disciplinés pour
nous concentrer sur notre démarche. Nous devons évaluer les listes
d’attentes, déterminer où se trouvent les embouteillages, et cibler
précisément les ressources nécessaires pour régler le problème.
Et si, par conséquent, les temps d’attente sont réduits de façon
systématique et bien pensée, sans relâche, le système dans son
ensemble s’en trouvera renforcé et il pourra davantage aider les
Canadiens et les Canadiennes à se soigner et à rester en bonne
santé.
Passons maintenant aux principaux éléments de la réforme.
Réforme de la médecine familiale et communautaire
Toute discussion sur les délais d’attente et sur la viabilité du
système de santé doit comprendre l’examen des soins primaires, ou de
la médecine familiale ou communautaire – la porte d’entrée des
Canadiens dans le système de santé. Parlez en à ceux qui sont au
courant et ils vous le diront : Si vous voulez améliorer le système
de santé, vous devez veiller à ce que les Canadiens puissent
consulter le professionnel de la santé qui convient, dans un lieu
qui convient.
C’est pourquoi, lors de notre dernière rencontre, ensemble, nous
nous sommes fixé un objectif : que, d’ici 2011, au moins 50 pour
cent des Canadiens aient accès à des fournisseurs de soins de
qualité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Pour accélérer la réforme de la médecine familiale et communautaire,
le gouvernement a créé le Fonds pour l’adaptation des soins de santé
primaires dans le but d’encourager les professionnels de la santé à
travailler au sein d’équipes interdisciplinaires afin de fournir des
soins de meilleure qualité à leurs patients. Ce Fonds facilitera
aussi la mise au point d’applications en télésanté et en
télémédecine pour que l’accès en temps opportun à des soins de
qualité devienne une réalité pour les Canadiens qui vivent dans des
régions rurales ou éloignées.
Nous avons également investi dans l’Inforoute Santé du Canada afin
de faciliter la création du télédossier de santé qui permettra aux
patients de circuler aisément d’un point de service à un autre.
L’Inforoute est importante, car elle illustre les possibilités qui
se profilent dans l’application des technologies de l’information en
vue de dégager des solutions pour la santé.
Les provinces ont fait de grands progrès dans la réforme de la
médecine familiale et communautaire, et je crois que pendant cette
réunion, nous devrions explorer les moyens d’accélérer les progrès,
d’apprendre les uns des autres et de mettre en commun les pratiques
exemplaires – comme les centres de santé pour la famille dans
l’Î.-P.-É., les ententes tripartites en Alberta et les équipes de
soins primaires en Saskatchewan, où les infirmières praticiennes,
les médecins et d’autres fournisseurs de soins de santé exercent
conjointement la responsabilité du soin des patients dans un cadre
communautaire. Nous devons examiner de près les paramètres de
l’exercice de la médecine et le rôle que jouent les divers
professionnels de la santé à la lumière du besoin d’améliorer
l’accès aux services médicaux.
J’ai hâte de connaître vos propositions constructives quant à la
façon dont le gouvernement fédéral pourrait soutenir de telles
démarches.
Ressources humaines dans le secteur de la santé
La réforme des soins primaires est essentielle. Mais elle ne peut se
faire sans augmenter le nombre de médecins, d’infirmiers et
infirmières et d’autres professionnels de la santé.
Soyons francs : Ce n’est pas par magie que nous allons accroître le
nombre de médecins, d’infirmières, de chirurgiens, de radiologues,
de techniciens, de psychologues, de pharmaciens et d’autres
professionnels indispensables. Comme nous le savons tous, nous ne
pouvons pas former des professionnels de la santé du jour au
lendemain. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de perdre du
temps.
Dans le cadre de l’Accord de 2003 sur la santé, le gouvernement
fédéral investit 85 millions $ dans l’élaboration d’un cadre
national de planification. Ce cadre permettra de prévoir avec
précision l’offre et la demande de professionnels de la santé, de
faciliter la formation interprofessionnelle, et de contribuer au
recrutement et au maintien en poste du personnel médical.
Nous avons déjà fait des efforts dans ce sens. Mais ce n’est que le
début. Tout d’abord, il est essentiel d’augmenter le nombre de
professionnels de la santé formés chez nous. Pour ce faire, les
efforts individuels ne suffiront pas. C’est seulement en travaillant
ensemble, en tant que pays, qu’on y arrivera.
L’accréditation est un autre moyen d’accroître le nombre de
médecins, et ici aussi, nous avons du pain sur la planche. Lorsqu’il
s’agit d’accréditer les professionnels formés à l’étranger qui se
sont établis ici, nous n’avons pas fait grand progrès auprès des
autorités réglementaires.
Il faut mettre fin au terrible gaspillage de ressources humaines
rares qui se produit lorsque ces professionnels ne réussissent pas à
se trouver en emploi dans le secteur de la santé.
À cette fin, en tant que gouvernement, nous nous engageons à
dépenser 75 millions $ afin d’aider à former 1000 nouveaux Canadiens
qui fourniront des soins primaires de haut niveau partout au pays.
Mais cela aussi n’est qu’un début, et nous devons tous faire plus –
aux chapitres de l’accréditation, du recrutement et de
l’augmentation des places dans les écoles de médecine.
Soins à domicile
Prenons maintenant les soins de santé à domicile, un des éléments de
l’Accord de 2003 sur la santé. Des sommes avaient été affectées à
l’établissement d’un programme national de soins à domicile, qui
ferait en sorte qu’il serait plus facile pour certains patients de
choisir de recevoir des soins chez eux, dans un milieu plus
confortable et moins coûteux. Cette mesure réduirait les temps
d’attente en libérant des lits d’hôpital.
Le programme devait se limiter aux patients qui récupèrent d’une
intervention médicale majeure, comme une chirurgie, aux patients
ayant des besoins en matière de santé mentale qui seraient traités
autrement dans un institut, et aux malades en phase terminale qui
nécessitent des soins de fin de vie.
Le bon sens nous dit que pour qu’un programme comme celui là
rencontre ses objectifs, les soins offerts aux patients qui restent
à la maison doivent être de qualité égale à ceux qu’ils recevraient
à l’hôpital.
Le Fonds pour la réforme de la santé a été conçu en conséquence.
Cela dit, des écarts considérables existent toujours. Les Canadiens
attendent encore que l’on commence à donner forme à la vision
nationale des soins à domicile contenue dans l’Accord de 2003.
Il faut faire mieux. Pensez-y du point de vue du patient : vous êtes
à l’hôpital, vos médicaments sont gratuits; vous rentrez à la
maison, vous devez les acheter. Un malade va peut être préférer être
en convalescence chez lui, et son médecin pourrait convenir que
c’est effectivement mieux sur le plan médical. Mais la plupart du
temps, le patient reste là où il est, et on ne peut pas le blâmer.
Je vous le dis : il faut agir dans ce dossier. Nous devons régler la
question de la couverture à partir du premier dollar, et nous devons
nous atteler à la dure tâche de faire fond sur les services à
domicile actuels tout en supprimant les incohérences et les
obstacles.
Produits pharmaceutiques
Finalement, j’aimerais discuter de l’assurance-médicaments, comme
vous l’avez fait au cours des dernières semaines.
L’assurance-médicaments a évolué au point où c’est devenu une partie
intégrante du système de santé canadien. Il ne s’agit pas simplement
d’un service auxiliaire qui peut être coupé ou séparé du système
public de santé. C’est une question dont nous devrons traiter
ensemble.
C’est pourquoi nous avons prévu des fonds pour la couverture de type
catastrophique des médicaments d’ordonnance dans l’Accord de février
2003, afin d’aider à soulager les pressions qui s’exerçaient sur les
budgets provinciaux et territoriaux et de prêter assistance aux
Canadiens dans le besoin.
C’est pourquoi nous devrions nous appliquer ensemble à l’élaboration
d’une stratégie nationale qui limitera les coûts, qui améliorera la
qualité et l’accès, et, le plus important, qui veillera à ce
qu’aucune famille canadienne ne risque d’être ruinée financièrement
par les coûts de médicaments indispensables. Une stratégie qui devra
reconnaître que les deux ordres de gouvernement ont des
responsabilités dans ce domaine. Le gouvernement fédéral, de son
côté, continuera de faire sa part.
Nous devons consacrer plus d’efforts à l’évaluation de la sécurité
des médicaments, au soutien d’une gestion efficace des traitements
pharmaceutiques et à la modification des processus d’approbation des
médicaments pour accélérer l’accès aux nouveaux traitements. Nous
pouvons aussi évaluer la possibilité de créer un formulaire
pharmaceutique national et la mise en œuvre de stratégies communes
pour l’achat de médicaments de façon plus avantageuse pour tous.
Santé publique
Laissez-moi maintenant dire quelques mots sur la santé publique.
La santé publique est une composante essentielle de tout bon
programme de réforme de la santé.
Le gouvernement a des responsabilités très claires en matière de
santé publique, qu’il s’agisse d’assurer la sécurité du système
d’approvisionnement en sang ou d’établir des critères d’inspection
pour les aliments et les médicaments. Nous croyons que
l’immunisation est un volet essentiel dans la promotion de la santé,
et c’est pourquoi nous contribuons 300 millions $ en vue de
l’introduction de nouveaux vaccins recommandés pour les enfants et
les adolescents.
La création de la nouvelle Agence de santé publique du Canada de
même que la nomination du premier agent de santé publique en chef du
pays constituent un premier pas important vers l’atteinte des
objectifs communs que nous nous sommes fixés, soit lutter contre les
épidémies et d’autres situations d’urgence médicale et améliorer la
collaboration dans les dossiers de santé publique.
Je crois que nous devons prendre un engagement collectif, à l’issue
de cette réunion, à l’égard de la coopération dans l’établissement
de points de référence relatifs aux résultats à atteindre, à l’égard
de la coordination des efforts visant à réduire les facteurs de
risque comme l’obésité et le tabagisme, et à l’égard de la mise en
commun de nos ressources en matière d’éducation et de
sensibilisation du public. Les bienfaits d’une telle collaboration
seront réels et nombreux.
Santé des Autochtones
Le gouvernement fédéral a des responsabilités très particulières
relatives à la prestation directe de services de santé aux
communautés des Premières nations partout au pays. Plus tôt
aujourd’hui, comme certains d’entre vous qui regardaient la
télévision ont peut être vu, les premiers ministres se sont assis
avec les dirigeants autochtones pour discuter des principes d’un
programme commun qui répondrait aux besoins en santé de leur peuple.
Les défis à cet égard sont bien réels et, dans certains cas,
uniques. La séance de ce matin a été productive. Le gouvernement
fédéral fera fond sur ses contributions actuelles à la santé des
Autochtones, et il fera des investissements directs en vue
d’accroître le nombre de médecins et le personnel infirmier dans les
communautés autochtones.
Nous financerons aussi un nombre accru de placements en clinique, ce
qui amènera plus de professionnels de la santé dans les communautés
des Premières nations et des Inuits, de même que dans les régions
rurales et éloignées.
Les Territoires
La géographie n’est qu’un des obstacles auxquels se heurtent les
services de santé au nord du 60e parallèle, mais il est de taille.
Plus tôt, j’ai parlé des applications en télésanté et en
télémédecine. Ces services offrent de vraies possibilités
d’améliorer la qualité des soins offerts aux personnes qui vivent
dans le Nord. Bien que certains progrès ont été accomplis à cet
égard, il reste encore beaucoup à faire.
Nous devrions, par exemple, investir dans l’amélioration des
services de transport dans ces régions, afin que les habitants
puissent parcourir plus rapidement et plus aisément la distance qui
les sépare des soins dont ils ont besoin.
Un plan financier de 10 ans
J’aimerais passer maintenant à la question du financement. Rappelons
quelques faits récents.
En 1999, le gouvernement fédéral s’est engagé à affecter à la santé
la somme supplémentaire de 11,5 milliards $ sur cinq ans.
Dix-huit mois plus tard, en 2000, il a versé encore 21 milliards $ à
cette fin.
En 2003, nous avons annoncé un investissement de 35 milliards $ de
plus sur cinq ans, et depuis, ce montant a été bonifié d’un autre 2
milliards $.
Voilà près de 70 milliards $ en nouveaux fonds affectés à la santé
depuis 1999. Si l’argent à lui seul pouvait améliorer notre système,
le tour serait joué.
Cela dit, le financement constituera un volet important de la
réforme.
Il faut un plan de financement à long terme, de dix ans, qui fera en
sorte qu’à l’automne prochain, nous ne soyons pas encore de retour
ici.
Les Canadiens ne veulent pas que nous reprenions, que nous
ressassions les arguments habituels au sujet de l’argent – des
arguments qui ont servi davantage à obscurcir les faits qu’à les
éclaircir. Ils ont droit à mieux qu’une dispute annuelle sur les «
parts » et sur la valeur des points d’impôts.
Il ne s’agit pas ici de l’argent du gouvernement fédéral ni de celui
des gouvernements provinciaux. C’est l’argent des Canadiens et il
n’y a qu’un seul contribuable. Les Canadiens et les Canadiennes ont
droit à un plan de dix ans qui va durer dix ans. Et c’est ce que
proposons ici aujourd’hui.
Premièrement, nous allons combler ledit écart Romanow – un manque à
gagner unique dans le financement fédéral de la santé qui a été
signalé dans le rapport de la commission de Roy Romanow.
Deuxièmement, nous allons établir l’an prochain une nouvelle base
pour le transfert canadien relatif à la santé, conformément aux
recommandations contenues dans le rapport Romanow.
Troisièmement, pour la première fois, le gouvernement fédéral est
prêt à inclure une majoration annuelle afin de fournir des montants
prévisibles et progressifs pour les soins de santé.
Quatrièmement, nous allons verser 4 milliards $ dans le cadre d’un
fonds commun pour réduire les retards actuels et donner le coup
d’envoi à la réforme.
Certaines provinces ont indiqué qu’elles ne peuvent tenir une
discussion légitime sur la réforme de la santé et du financement
sans aborder les dossiers liés à la péréquation. Cette question
devait être traitée pendant une discussion prévue avant le prochain
budget fédéral, mais nous sommes disposés à avancer la date de cette
réunion, à la tenir maintenant.
Nous prenons un engagement à l’égard du financement à long terme,
car c’est la meilleure façon, la seule façon, à notre avis, de
mettre fin aux sempiternels débats sur la question et de nous
concentrer, non pas sur les sommes avancées, mais sur ce que
l’argent nous apporte. La gestion financière saine et responsable du
gouvernement fédéral au cours de la dernière décennie nous a donné
la possibilité d’agir ainsi. L’occasion se présente, et nous devons
la saisir.
Pour mettre fin au cycle de réunions fédérales/provinciales
incessantes sur le financement des soins de santé, le gouvernement
fédéral propose de :
Combler ledit écart Romanow en augmentant le montant de base que
nous nous engageons à verser.
Et, pour la première fois, de mettre en place un mode de financement
progressif et à long terme qui permettra aux provinces d’assurer la
viabilité du système public de santé et la qualité des services.
Responsabilisation devant les Canadiens
Lorsqu’il s’agit de la réforme de la santé, les Canadiens
s’attendent à des rapports concrets et utiles. Ils sont en droit de
savoir ce à quoi ils peuvent s’attendre – et ce qu’ils obtiennent.
Ils sont en droit de pouvoir se fier à des points de référence
fondés sur la preuve qui définissent ce que sont des soins donnés en
temps opportun – des points de référence scientifiques établis en
suivant les conseils judicieux des professionnels de la santé et en
toute objectivité. Ils sont en droit d’exiger des objectifs clairs
qui tiennent compte des points de référence et des priorités des
provinces.
Et ils doivent savoir comment les efforts de leur gouvernement
avancent et se comparent à ceux des autres.
Nous devons nous entendre sur les modalités entourant l’information,
les points de référence, les objectifs et les comptes à rendre aux
Canadiens et aux Canadiennes, car tout cela est partie intégrante
d’une véritable réforme.
Il faut une bonne information, des données comparables, pour gérer
efficacement les soins de santé. Il faut des points de référence
pour savoir quelles sont les mesures à prendre. Il faut des cibles
pour donner une impulsion au changement. Et il faut des rapports
crédibles pour que les Canadiens sachent si nous réussissons à
atteindre nos objectifs.
Il faut défendre non seulement les principes qui sous-tendent le
système public de santé, mais ceux qui sous-tendent la
responsabilisation.
En ce qui concerne les désaccords, régularisons le mode de règlement
des différends dont nous avons déjà convenu grâce à l’initiative de
l’Alberta.
Conclusion
Le débat sur les coûts de la santé et la réforme n’est pas nouveau.
Entre 1968 et 1976, dans les premiers temps du système de santé
public, 10 enquêtes majeures, fédérales et provinciales, ont été
commandées sur les coûts croissants de la santé et les moyens
d’assurer la viabilité du système. Nous sommes en terrain de
connaissance, mais c’est parfois frustrant.
Le fait nouveau, c’est, en quelque sorte, l’ampleur des
considérations qui nourrissent nos discussions. Au cours des
dernières années, nous avons pu constater la futilité des accords
annuels, des ententes qui avaient été conclues de bonne foi. Nous
avons tiré les leçons de ces déceptions. Nous avons l’occasion
aujourd’hui de rompre le cycle.
Il est temps de passer à l’action. De faire face aux coûts et de
favoriser l’innovation et la réforme en visant directement le temps
d’attente et en améliorant l’accès aux services. Nous devons tous
faire notre part pour assurer le progrès. Comme je l’ai dit tantôt,
la force de notre fédération repose en grande mesure sur la
flexibilité dont elle fait preuve dans le cadre d’objectifs communs
à atteindre.
Le rôle du gouvernement fédéral est de formuler des objectifs
nationaux et de protéger l’intérêt national. Bien entendu, ce sont
les provinces et les territoires qui assurent la prestation et la
gestion des soins de santé, et qui, ce faisant, doivent adapter
leurs services de santé aux besoins particuliers de leur population.
Mais je suis fermement convaincu que certains principes clés
transcendent les intérêts régionaux.
Les Canadiens veulent que le système de santé de haute qualité
qu’ils connaissent si bien soit prêt à les accueillir peu importe où
ils vivent ou s’établissent au Canada.
La base d’une entente commune est présente – d’une entente qui
répond aux diverses visions provinciales et les réunit, dans le
cadre d’un accord canadien commun. La génération qui nous a précédé
a créé le système public de santé – il nous incombe aujourd’hui de
renouveler pour notre époque ce qu’elle avait accompli pour la
sienne.
La question des soins de santé est primordiale pour les Canadiens.
Nous sommes ici pour exprimer leur point de vue, et nous aurons des
comptes à leur rendre.
Le gouvernement fédéral est tout à fait déterminé à travailler avec
vous, ses partenaires, non pas pour conclure un quelconque accord,
mais bien pour en arriver à un accord productif et de longue durée
qui produira de vrais résultats que les Canadiens pourront constater
eux mêmes.
Je regarde autour de cette table et je voie des dirigeants engagés,
déterminés et concentrés. Nous savons que la tâche est ardue. Nous
savons qu’il n’y a pas de solution simple. Et Dieu sait combien
vous, en particulier, avez conscience des difficultés. Mais ça,
c’est notre boulot. C’est ce à quoi nous nous sommes inscrits. Alors
retroussons nos manches.
Merci.
[Martin=20040913]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la réunion des premiers ministres ]
Messieurs les premiers ministres, chères Canadiennes, chers
Canadiens,
Premiers, fellow Canadians:
Notre système public de santé est l’expression éloquente de nos
valeurs en tant que nation, de nos priorités en tant que peuple, et
à la fois, de notre raison d’être commune et du sentiment de qui
nous sommes dans un monde de plus en plus difficile et complexe.
Nous en tirons une grande fierté.
Au cours de la dernière moitié du siècle passé, le système public de
santé est devenu un aspect vital de notre citoyenneté – ce à quoi
tous les Canadiens et Canadiennes peuvent s’attendre, à juste titre,
quel que soit leur lieu de résidence, quel que soient leurs revenus.
Plus que ça, l’idée d’un système public de santé a bien du bon sens.
Et comme c’est le cas avec tant de bonnes idées raisonnables, il a
été difficile de la mettre en œuvre – près de deux décennies se sont
écoulées entre nos aspirations et leur réalisation. Cela a été un
long travail pénible.
Tout comme ceux qui nous ont précédé dans les fonctions que nous
exerçons aujourd’hui ont eu à le faire, nous qui sommes assis autour
de cette table, nous avons un défi à relever : nous devons
renouveler la confiance dans la qualité de notre système public de
santé; en assurer la viabilité; redonner un sens au principe
d’égalité d’accès aux soins; nouer un véritable partenariat afin de
réaliser ensemble un projet rassembleur.
Les Canadiens et les Canadiennes veulent que soient réglés les
problèmes en matière de soins de santé, les problèmes dans leurs
collectivités, les problèmes qui affligent leurs familles. Ils
veulent voir un médecin lorsqu’ils en ont besoin, dans un lieu qui
leur convient. Ils veulent savoir que le système de santé sera en
mesure de leur fournir les services nécessaires en temps opportun.
Et que ce système sera solide.
Nous sommes conscients du besoin de renforcer le système de santé.
Nous comprenons le défi qui se pose. C’est à nous que ce défi est
lancé. C’est à nous de le relever.
Forces communes
Nous avons la chance, en entamant nos discussions, de disposer des
recommandations données par plusieurs commissions provinciales sur
la santé – notamment celles de Ken Fyke en Saskatchewan, de Michel
Clair au Québec et de Don Mazankowski et de Gordon Graydon en
Alberta – et par deux commissions nationales sur l’état du système
de santé canadien : celle présidée par Michael Kirby et l’autre par
Roy Romanow.
Nous sommes venus ici pour discuter de la réforme du système de
santé. Mais ce faisant, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’en
grande partie, et pour la majorité des Canadiens et des Canadiennes,
le système répond bien à nos besoins et dispense efficacement des
services de haute qualité. Nous avons donc raison d’être optimistes.
Permettez moi simplement de dire ceci à mes treize homologues –
qu’en tant que Premier ministre et ancien ministre des Finances, je
comprends bien les défis que vous et vos gouvernements ont dû
relever, de même que les problèmes que vous avez dû régler afin de
maintenir des services de santé de qualité à une époque où les coûts
sont à la hausse. Cela n’a pas été facile, mais je voie le bon
travail que vous avez accompli et je tiens à le souligner.
Tous les Canadiens et Canadiennes peuvent être fiers des choix que
nous avons faits en tant que nation au fil des ans. Tous peuvent
être fiers du rôle de direction joué par les provinces dans la
gestion et la réforme des soins de santé. Nous avons édifié un
système de santé public et universel, et nous avons amélioré la
qualité de vie dont jouissent les habitants de ce pays. Mais le fait
d’avoir en notre possession la clé du passé ne nous ouvre pas la
porte de l’avenir.
Peu de personnes contesteraient la réalité prédominante de nos
jours, à savoir que les gens dans ce pays sont de plus en plus
inquiets par rapport à leur capacité de pouvoir consulter un
professionnel de la santé pertinent en temps opportun. Entre temps,
les pressions financières s’intensifient à mesure que vieillit la
population, à mesure que les connaissances et la spécialisation en
médecine s’approfondissent, et à mesure que de nouveaux traitements,
bénéfiques mais très coûteux, font leur apparition. De toute
évidence, les coûts ne pourront pas continuer de croître plus
rapidement que les revenus du gouvernement.
L’une des raisons qui expliquent pourquoi le système public de santé
du Canada se compare si favorablement à d’autres est liée au type de
fédéralisme qui existe ici. Ce fédéralisme nous permet de travailler
ensemble, dans un but commun, en misant sur les forces de chacun,
mais avec une flexibilité qui non seulement permet, mais favorise
l’adaptation et l’innovation. Tout cela nous rend plus forts. Nous
pouvons profiter de l’ingéniosité et du bon travail des uns et des
autres.
Ce genre de collaboration n’est pas nouveau.
En effet, ses origines remontent aux vifs débats qui ont précédé la
création du système public de santé. Quand je pense à cette époque,
ce qui ressort le plus est l’émergence, non pas d’une solution
provinciale ou fédérale, mais d’une solution canadienne collective –
l’engagement à l’égard d’un objectif commun et le respect des
responsabilités de chaque ordre de gouvernement.
Les Canadiens veulent savoir que leurs gouvernements travaillent en
collaboration afin de préserver et de renforcer le système de santé.
Ils sont las de nos querelles.
Les personnes autour de cette table se situent à différents points
sur l’échiquier politique canadien.
Mais nous devons nous laisser guider par le même esprit qui a permis
à ceux qui nous ont précédé de créer le système public de santé, de
mettre au point les soins de santé, et, ce faisant, d’aboutir, chose
rare, à une initiative gouvernementale qui réussit non seulement à
communiquer des valeurs à un peuple, mais aussi à représenter les
valeurs populaires.
Tout pouvoir s’accompagne de responsabilités. La nôtre, en tant que
premiers ministres, est de faire en sorte qu’il n’existe aucun
Canadien de deuxième ordre en ce qui concerne la gamme, les normes,
la qualité et l’obtention en temps voulu de soins de santé. Nous ne
pouvons, toutefois, assumer seuls cette responsabilité. Ce n’est
qu’ensemble que nous y parviendrons.
La réduction du temps d’attente
L’accès constituera la meilleure mesure du succès de nos efforts –
l’accès aux fournisseurs pertinents, aux procédures diagnostiques et
aux traitements, là où ils sont requis et en temps opportun. Si nous
voulons améliorer la qualité des soins, accroître la confiance des
Canadiens dans le système et mieux répondre à leurs besoins,
aujourd’hui et dans l’avenir, voilà ce sur quoi nous devons mettre
l’accent.
La confiance des Canadiens commence à souffrir des soucis causés par
les temps d’attente. Les gens craignent de devoir attendre des mois
avant de consulter un spécialiste ou de passer des examens cruciaux.
Ils craignent de devoir attendre un an ou plus avant de se faire
remplacer une hanche ou enlever des cataractes.
C’est une question de bon sens : lorsqu’un problème de santé est
traité sans délai, le malade s’en remet plus rapidement. Mais la
réduction du temps d’attente n’est pas simplement une fin importante
en soi; c’est le catalyseur d’une réforme et d’améliorations plus
vastes au sein du système. C’est le moteur de changements positifs
et de l’innovation.
Ce n’est pas une théorie; c’est un fait. Et c’est déjà apparent dans
l’ensemble du pays. Des exemples précis montrent que les efforts des
provinces portent déjà fruit –le Western Canada Wait List Project,
le Réseau de soins cardiaques de l’Ontario et le Orthopædic Surgery
Wait List Project en Nouvelle Écosse.
Ce que laissent voir les expériences des provinces est que lorsqu’on
commence à réduire le temps d’attente, une transformation de la
culture se produit – on passe des soins axés sur le système à des
soins axés sur le patient. Voilà une transition que nous souhaitons
voir s’accomplir.
C’est pourquoi, à l’issue de cette réunion, nous devrions avoir en
main un plan d’action solide qui nous permettra de résoudre les
difficultés liées à l’accès et au temps d’attente.
La réduction des temps d’attente exigera une approche globale qui
intègre tous les secteurs du système de santé, en partant des
services et des ressources humaines, jusqu’au financement et aux
comptes rendus aux citoyens.
Elle exigera une réforme accélérée des soins offerts aux familles et
aux collectivités, la hausse du nombre de médecins, d’infirmiers et
d’infirmières et d’autres professionnels de la santé, ainsi que
l’expansion des soins à domicile et de l’assurance médicaments. Elle
exigera à la fois l’augmentation des fonds consacrés généralement à
la santé et un fonds spécial réservé uniquement à la réduction des
listes d’attente. Elle exigera, en dernier lieu, des points de
référence et une information crédible et comparable afin de mesurer
les progrès accomplis et les écarts existants et d’en faire rapport
publiquement.
D’après les experts, des résultats concrets nous attendent dans le
dossier du temps d’attente si nous sommes assez disciplinés pour
nous concentrer sur notre démarche. Nous devons évaluer les listes
d’attentes, déterminer où se trouvent les embouteillages, et cibler
précisément les ressources nécessaires pour régler le problème.
Et si, par conséquent, les temps d’attente sont réduits de façon
systématique et bien pensée, sans relâche, le système dans son
ensemble s’en trouvera renforcé et il pourra davantage aider les
Canadiens et les Canadiennes à se soigner et à rester en bonne
santé.
Passons maintenant aux principaux éléments de la réforme.
Réforme de la médecine familiale et communautaire
Toute discussion sur les délais d’attente et sur la viabilité du
système de santé doit comprendre l’examen des soins primaires, ou de
la médecine familiale ou communautaire – la porte d’entrée des
Canadiens dans le système de santé. Parlez en à ceux qui sont au
courant et ils vous le diront : Si vous voulez améliorer le système
de santé, vous devez veiller à ce que les Canadiens puissent
consulter le professionnel de la santé qui convient, dans un lieu
qui convient.
C’est pourquoi, lors de notre dernière rencontre, ensemble, nous
nous sommes fixé un objectif : que, d’ici 2011, au moins 50 pour
cent des Canadiens aient accès à des fournisseurs de soins de
qualité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Pour accélérer la réforme de la médecine familiale et communautaire,
le gouvernement a créé le Fonds pour l’adaptation des soins de santé
primaires dans le but d’encourager les professionnels de la santé à
travailler au sein d’équipes interdisciplinaires afin de fournir des
soins de meilleure qualité à leurs patients. Ce Fonds facilitera
aussi la mise au point d’applications en télésanté et en
télémédecine pour que l’accès en temps opportun à des soins de
qualité devienne une réalité pour les Canadiens qui vivent dans des
régions rurales ou éloignées.
Nous avons également investi dans l’Inforoute Santé du Canada afin
de faciliter la création du télédossier de santé qui permettra aux
patients de circuler aisément d’un point de service à un autre.
L’Inforoute est importante, car elle illustre les possibilités qui
se profilent dans l’application des technologies de l’information en
vue de dégager des solutions pour la santé.
Les provinces ont fait de grands progrès dans la réforme de la
médecine familiale et communautaire, et je crois que pendant cette
réunion, nous devrions explorer les moyens d’accélérer les progrès,
d’apprendre les uns des autres et de mettre en commun les pratiques
exemplaires – comme les centres de santé pour la famille dans
l’Î.-P.-É., les ententes tripartites en Alberta et les équipes de
soins primaires en Saskatchewan, où les infirmières praticiennes,
les médecins et d’autres fournisseurs de soins de santé exercent
conjointement la responsabilité du soin des patients dans un cadre
communautaire. Nous devons examiner de près les paramètres de
l’exercice de la médecine et le rôle que jouent les divers
professionnels de la santé à la lumière du besoin d’améliorer
l’accès aux services médicaux.
J’ai hâte de connaître vos propositions constructives quant à la
façon dont le gouvernement fédéral pourrait soutenir de telles
démarches.
Ressources humaines dans le secteur de la santé
La réforme des soins primaires est essentielle. Mais elle ne peut se
faire sans augmenter le nombre de médecins, d’infirmiers et
infirmières et d’autres professionnels de la santé.
Soyons francs : Ce n’est pas par magie que nous allons accroître le
nombre de médecins, d’infirmières, de chirurgiens, de radiologues,
de techniciens, de psychologues, de pharmaciens et d’autres
professionnels indispensables. Comme nous le savons tous, nous ne
pouvons pas former des professionnels de la santé du jour au
lendemain. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de perdre du
temps.
Dans le cadre de l’Accord de 2003 sur la santé, le gouvernement
fédéral investit 85 millions $ dans l’élaboration d’un cadre
national de planification. Ce cadre permettra de prévoir avec
précision l’offre et la demande de professionnels de la santé, de
faciliter la formation interprofessionnelle, et de contribuer au
recrutement et au maintien en poste du personnel médical.
Nous avons déjà fait des efforts dans ce sens. Mais ce n’est que le
début. Tout d’abord, il est essentiel d’augmenter le nombre de
professionnels de la santé formés chez nous. Pour ce faire, les
efforts individuels ne suffiront pas. C’est seulement en travaillant
ensemble, en tant que pays, qu’on y arrivera.
L’accréditation est un autre moyen d’accroître le nombre de
médecins, et ici aussi, nous avons du pain sur la planche. Lorsqu’il
s’agit d’accréditer les professionnels formés à l’étranger qui se
sont établis ici, nous n’avons pas fait grand progrès auprès des
autorités réglementaires.
Il faut mettre fin au terrible gaspillage de ressources humaines
rares qui se produit lorsque ces professionnels ne réussissent pas à
se trouver en emploi dans le secteur de la santé.
À cette fin, en tant que gouvernement, nous nous engageons à
dépenser 75 millions $ afin d’aider à former 1000 nouveaux Canadiens
qui fourniront des soins primaires de haut niveau partout au pays.
Mais cela aussi n’est qu’un début, et nous devons tous faire plus –
aux chapitres de l’accréditation, du recrutement et de
l’augmentation des places dans les écoles de médecine.
Soins à domicile
Prenons maintenant les soins de santé à domicile, un des éléments de
l’Accord de 2003 sur la santé. Des sommes avaient été affectées à
l’établissement d’un programme national de soins à domicile, qui
ferait en sorte qu’il serait plus facile pour certains patients de
choisir de recevoir des soins chez eux, dans un milieu plus
confortable et moins coûteux. Cette mesure réduirait les temps
d’attente en libérant des lits d’hôpital.
Le programme devait se limiter aux patients qui récupèrent d’une
intervention médicale majeure, comme une chirurgie, aux patients
ayant des besoins en matière de santé mentale qui seraient traités
autrement dans un institut, et aux malades en phase terminale qui
nécessitent des soins de fin de vie.
Le bon sens nous dit que pour qu’un programme comme celui là
rencontre ses objectifs, les soins offerts aux patients qui restent
à la maison doivent être de qualité égale à ceux qu’ils recevraient
à l’hôpital.
Le Fonds pour la réforme de la santé a été conçu en conséquence.
Cela dit, des écarts considérables existent toujours. Les Canadiens
attendent encore que l’on commence à donner forme à la vision
nationale des soins à domicile contenue dans l’Accord de 2003.
Il faut faire mieux. Pensez-y du point de vue du patient : vous êtes
à l’hôpital, vos médicaments sont gratuits; vous rentrez à la
maison, vous devez les acheter. Un malade va peut être préférer être
en convalescence chez lui, et son médecin pourrait convenir que
c’est effectivement mieux sur le plan médical. Mais la plupart du
temps, le patient reste là où il est, et on ne peut pas le blâmer.
Je vous le dis : il faut agir dans ce dossier. Nous devons régler la
question de la couverture à partir du premier dollar, et nous devons
nous atteler à la dure tâche de faire fond sur les services à
domicile actuels tout en supprimant les incohérences et les
obstacles.
Produits pharmaceutiques
Finalement, j’aimerais discuter de l’assurance-médicaments, comme
vous l’avez fait au cours des dernières semaines.
L’assurance-médicaments a évolué au point où c’est devenu une partie
intégrante du système de santé canadien. Il ne s’agit pas simplement
d’un service auxiliaire qui peut être coupé ou séparé du système
public de santé. C’est une question dont nous devrons traiter
ensemble.
C’est pourquoi nous avons prévu des fonds pour la couverture de type
catastrophique des médicaments d’ordonnance dans l’Accord de février
2003, afin d’aider à soulager les pressions qui s’exerçaient sur les
budgets provinciaux et territoriaux et de prêter assistance aux
Canadiens dans le besoin.
C’est pourquoi nous devrions nous appliquer ensemble à l’élaboration
d’une stratégie nationale qui limitera les coûts, qui améliorera la
qualité et l’accès, et, le plus important, qui veillera à ce
qu’aucune famille canadienne ne risque d’être ruinée financièrement
par les coûts de médicaments indispensables. Une stratégie qui devra
reconnaître que les deux ordres de gouvernement ont des
responsabilités dans ce domaine. Le gouvernement fédéral, de son
côté, continuera de faire sa part.
Nous devons consacrer plus d’efforts à l’évaluation de la sécurité
des médicaments, au soutien d’une gestion efficace des traitements
pharmaceutiques et à la modification des processus d’approbation des
médicaments pour accélérer l’accès aux nouveaux traitements. Nous
pouvons aussi évaluer la possibilité de créer un formulaire
pharmaceutique national et la mise en œuvre de stratégies communes
pour l’achat de médicaments de façon plus avantageuse pour tous.
Santé publique
Laissez-moi maintenant dire quelques mots sur la santé publique.
La santé publique est une composante essentielle de tout bon
programme de réforme de la santé.
Le gouvernement a des responsabilités très claires en matière de
santé publique, qu’il s’agisse d’assurer la sécurité du système
d’approvisionnement en sang ou d’établir des critères d’inspection
pour les aliments et les médicaments. Nous croyons que
l’immunisation est un volet essentiel dans la promotion de la santé,
et c’est pourquoi nous contribuons 300 millions $ en vue de
l’introduction de nouveaux vaccins recommandés pour les enfants et
les adolescents.
La création de la nouvelle Agence de santé publique du Canada de
même que la nomination du premier agent de santé publique en chef du
pays constituent un premier pas important vers l’atteinte des
objectifs communs que nous nous sommes fixés, soit lutter contre les
épidémies et d’autres situations d’urgence médicale et améliorer la
collaboration dans les dossiers de santé publique.
Je crois que nous devons prendre un engagement collectif, à l’issue
de cette réunion, à l’égard de la coopération dans l’établissement
de points de référence relatifs aux résultats à atteindre, à l’égard
de la coordination des efforts visant à réduire les facteurs de
risque comme l’obésité et le tabagisme, et à l’égard de la mise en
commun de nos ressources en matière d’éducation et de
sensibilisation du public. Les bienfaits d’une telle collaboration
seront réels et nombreux.
Santé des Autochtones
Le gouvernement fédéral a des responsabilités très particulières
relatives à la prestation directe de services de santé aux
communautés des Premières nations partout au pays. Plus tôt
aujourd’hui, comme certains d’entre vous qui regardaient la
télévision ont peut être vu, les premiers ministres se sont assis
avec les dirigeants autochtones pour discuter des principes d’un
programme commun qui répondrait aux besoins en santé de leur peuple.
Les défis à cet égard sont bien réels et, dans certains cas,
uniques. La séance de ce matin a été productive. Le gouvernement
fédéral fera fond sur ses contributions actuelles à la santé des
Autochtones, et il fera des investissements directs en vue
d’accroître le nombre de médecins et le personnel infirmier dans les
communautés autochtones.
Nous financerons aussi un nombre accru de placements en clinique, ce
qui amènera plus de professionnels de la santé dans les communautés
des Premières nations et des Inuits, de même que dans les régions
rurales et éloignées.
Les Territoires
La géographie n’est qu’un des obstacles auxquels se heurtent les
services de santé au nord du 60e parallèle, mais il est de taille.
Plus tôt, j’ai parlé des applications en télésanté et en
télémédecine. Ces services offrent de vraies possibilités
d’améliorer la qualité des soins offerts aux personnes qui vivent
dans le Nord. Bien que certains progrès ont été accomplis à cet
égard, il reste encore beaucoup à faire.
Nous devrions, par exemple, investir dans l’amélioration des
services de transport dans ces régions, afin que les habitants
puissent parcourir plus rapidement et plus aisément la distance qui
les sépare des soins dont ils ont besoin.
Un plan financier de 10 ans
J’aimerais passer maintenant à la question du financement. Rappelons
quelques faits récents.
En 1999, le gouvernement fédéral s’est engagé à affecter à la santé
la somme supplémentaire de 11,5 milliards $ sur cinq ans.
Dix-huit mois plus tard, en 2000, il a versé encore 21 milliards $ à
cette fin.
En 2003, nous avons annoncé un investissement de 35 milliards $ de
plus sur cinq ans, et depuis, ce montant a été bonifié d’un autre 2
milliards $.
Voilà près de 70 milliards $ en nouveaux fonds affectés à la santé
depuis 1999. Si l’argent à lui seul pouvait améliorer notre système,
le tour serait joué.
Cela dit, le financement constituera un volet important de la
réforme.
Il faut un plan de financement à long terme, de dix ans, qui fera en
sorte qu’à l’automne prochain, nous ne soyons pas encore de retour
ici.
Les Canadiens ne veulent pas que nous reprenions, que nous
ressassions les arguments habituels au sujet de l’argent – des
arguments qui ont servi davantage à obscurcir les faits qu’à les
éclaircir. Ils ont droit à mieux qu’une dispute annuelle sur les «
parts » et sur la valeur des points d’impôts.
Il ne s’agit pas ici de l’argent du gouvernement fédéral ni de celui
des gouvernements provinciaux. C’est l’argent des Canadiens et il
n’y a qu’un seul contribuable. Les Canadiens et les Canadiennes ont
droit à un plan de dix ans qui va durer dix ans. Et c’est ce que
proposons ici aujourd’hui.
Premièrement, nous allons combler ledit écart Romanow – un manque à
gagner unique dans le financement fédéral de la santé qui a été
signalé dans le rapport de la commission de Roy Romanow.
Deuxièmement, nous allons établir l’an prochain une nouvelle base
pour le transfert canadien relatif à la santé, conformément aux
recommandations contenues dans le rapport Romanow.
Troisièmement, pour la première fois, le gouvernement fédéral est
prêt à inclure une majoration annuelle afin de fournir des montants
prévisibles et progressifs pour les soins de santé.
Quatrièmement, nous allons verser 4 milliards $ dans le cadre d’un
fonds commun pour réduire les retards actuels et donner le coup
d’envoi à la réforme.
Certaines provinces ont indiqué qu’elles ne peuvent tenir une
discussion légitime sur la réforme de la santé et du financement
sans aborder les dossiers liés à la péréquation. Cette question
devait être traitée pendant une discussion prévue avant le prochain
budget fédéral, mais nous sommes disposés à avancer la date de cette
réunion, à la tenir maintenant.
Nous prenons un engagement à l’égard du financement à long terme,
car c’est la meilleure façon, la seule façon, à notre avis, de
mettre fin aux sempiternels débats sur la question et de nous
concentrer, non pas sur les sommes avancées, mais sur ce que
l’argent nous apporte. La gestion financière saine et responsable du
gouvernement fédéral au cours de la dernière décennie nous a donné
la possibilité d’agir ainsi. L’occasion se présente, et nous devons
la saisir.
Pour mettre fin au cycle de réunions fédérales/provinciales
incessantes sur le financement des soins de santé, le gouvernement
fédéral propose de :
Combler ledit écart Romanow en augmentant le montant de base que
nous nous engageons à verser.
Et, pour la première fois, de mettre en place un mode de financement
progressif et à long terme qui permettra aux provinces d’assurer la
viabilité du système public de santé et la qualité des services.
Responsabilisation devant les Canadiens
Lorsqu’il s’agit de la réforme de la santé, les Canadiens
s’attendent à des rapports concrets et utiles. Ils sont en droit de
savoir ce à quoi ils peuvent s’attendre – et ce qu’ils obtiennent.
Ils sont en droit de pouvoir se fier à des points de référence
fondés sur la preuve qui définissent ce que sont des soins donnés en
temps opportun – des points de référence scientifiques établis en
suivant les conseils judicieux des professionnels de la santé et en
toute objectivité. Ils sont en droit d’exiger des objectifs clairs
qui tiennent compte des points de référence et des priorités des
provinces.
Et ils doivent savoir comment les efforts de leur gouvernement
avancent et se comparent à ceux des autres.
Nous devons nous entendre sur les modalités entourant l’information,
les points de référence, les objectifs et les comptes à rendre aux
Canadiens et aux Canadiennes, car tout cela est partie intégrante
d’une véritable réforme.
Il faut une bonne information, des données comparables, pour gérer
efficacement les soins de santé. Il faut des points de référence
pour savoir quelles sont les mesures à prendre. Il faut des cibles
pour donner une impulsion au changement. Et il faut des rapports
crédibles pour que les Canadiens sachent si nous réussissons à
atteindre nos objectifs.
Il faut défendre non seulement les principes qui sous-tendent le
système public de santé, mais ceux qui sous-tendent la
responsabilisation.
En ce qui concerne les désaccords, régularisons le mode de règlement
des différends dont nous avons déjà convenu grâce à l’initiative de
l’Alberta.
Conclusion
Le débat sur les coûts de la santé et la réforme n’est pas nouveau.
Entre 1968 et 1976, dans les premiers temps du système de santé
public, 10 enquêtes majeures, fédérales et provinciales, ont été
commandées sur les coûts croissants de la santé et les moyens
d’assurer la viabilité du système. Nous sommes en terrain de
connaissance, mais c’est parfois frustrant.
Le fait nouveau, c’est, en quelque sorte, l’ampleur des
considérations qui nourrissent nos discussions. Au cours des
dernières années, nous avons pu constater la futilité des accords
annuels, des ententes qui avaient été conclues de bonne foi. Nous
avons tiré les leçons de ces déceptions. Nous avons l’occasion
aujourd’hui de rompre le cycle.
Il est temps de passer à l’action. De faire face aux coûts et de
favoriser l’innovation et la réforme en visant directement le temps
d’attente et en améliorant l’accès aux services. Nous devons tous
faire notre part pour assurer le progrès. Comme je l’ai dit tantôt,
la force de notre fédération repose en grande mesure sur la
flexibilité dont elle fait preuve dans le cadre d’objectifs communs
à atteindre.
Le rôle du gouvernement fédéral est de formuler des objectifs
nationaux et de protéger l’intérêt national. Bien entendu, ce sont
les provinces et les territoires qui assurent la prestation et la
gestion des soins de santé, et qui, ce faisant, doivent adapter
leurs services de santé aux besoins particuliers de leur population.
Mais je suis fermement convaincu que certains principes clés
transcendent les intérêts régionaux.
Les Canadiens veulent que le système de santé de haute qualité
qu’ils connaissent si bien soit prêt à les accueillir peu importe où
ils vivent ou s’établissent au Canada.
La base d’une entente commune est présente – d’une entente qui
répond aux diverses visions provinciales et les réunit, dans le
cadre d’un accord canadien commun. La génération qui nous a précédé
a créé le système public de santé – il nous incombe aujourd’hui de
renouveler pour notre époque ce qu’elle avait accompli pour la
sienne.
La question des soins de santé est primordiale pour les Canadiens.
Nous sommes ici pour exprimer leur point de vue, et nous aurons des
comptes à leur rendre.
Le gouvernement fédéral est tout à fait déterminé à travailler avec
vous, ses partenaires, non pas pour conclure un quelconque accord,
mais bien pour en arriver à un accord productif et de longue durée
qui produira de vrais résultats que les Canadiens pourront constater
eux mêmes.
Je regarde autour de cette table et je voie des dirigeants engagés,
déterminés et concentrés. Nous savons que la tâche est ardue. Nous
savons qu’il n’y a pas de solution simple. Et Dieu sait combien
vous, en particulier, avez conscience des difficultés. Mais ça,
c’est notre boulot. C’est ce à quoi nous nous sommes inscrits. Alors
retroussons nos manches.
Merci.
[Martin=20040924]
[lieu=usa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l`occasion de sa visite aux Nations Unies]
Monsieur le Président, j’aimerais vous entretenir aujourd’hui de la
réforme de l’ONU, en particulier de la façon dont nous devrions
travailler, dont nous devrions fonctionner si les Nations Unies
veulent être en mesure de jouer le rôle que nous voulons lui confier
au XXIe siècle.
Le monde est divisé en des États indépendants, et la principale
obligation des gouvernements est de s’occuper de leur propre peuple.
Cela nous met devant un dilemme fondamental. Car à moins d’agir
ensemble, sur la base de notre humanité commune, les riches vont
s’enrichir, les pauvres vont s’appauvrir, et des millions de
personnes se trouveront dans le péril. Il nous faut, par conséquent,
des institutions dont la première obligation est à l’égard de notre
humanité commune.
Interactive – Visite du Premier ministre Paul Martin aux Nations
Unies
D’où l’importance des Nations Unies. L’ONU est composée d’États
membres, mais sa mission consiste, effectivement, à servir les
populations du monde. Cela est énoncé très clairement dans sa
charte, et je cite : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus….
à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de
l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l’égalité de droits des hommes et des femmes ».
D’autres vous parleront, à juste titre, de la réforme structurelle.
J’aimerais, de mon côté, discuter aujourd’hui de réformes conçues
afin de mettre notre humanité commune au cœur des priorités de
l’ONU. Le Canada a constaté cinq secteurs où des mesures audacieuses
s’imposent. Le premier secteur a trait à la « Responsabilité de
protéger », au besoin d’élaborer des règlements et de développer la
volonté politique qui permettraient à la communauté internationale
d’intervenir dans des pays pour prévenir une catastrophe
humanitaire.
Le Darfour présente une tragédie humaine d’une proportion alarmante.
Nous saluons la décision du Conseil de Sécurité d’appuyer un
engagement élargi au Darfour bien que nous aurions préféré une
action plus robuste. L’Union africaine, qui s’est déclarée prête à
en assumer la direction, mérite un appui résolu de la communauté
internationale. Le Canada met 20 millions de dollars au service de
cette entreprise et invite instamment d’autres pays à s’y associer.
Il est bon que la communauté internationale se soit finalement
décidée à agir, mais cela a pris beaucoup trop de temps.
Le Conseil de sécurité s’est enlisé dans des débats sur la question.
Ses membres se demandaient si le Darfour constituait « une menace à
la paix et à la sécurité internationales ». Ils tentent de
déterminer si la tragédie peut être qualifiée de génocide, parce que
l’un ou l’autre des cas pourrait, dans le cadre du droit
international, justifier une intervention. N’empêche que tandis que
la communauté internationale éprouve des difficultés à définir ce
qui se passe, le peuple du Darfour continue de souffrir. Les gens
ont faim, ils n’ont pas de logement, ils sont malades, et un bon
nombre d’entre eux ont été chassés de leur propre pays. Des dizaines
de milliers de personnes ont été tuées, violées et agressées. Des
crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ont été commis et le
sont toujours.
Il ne faut pas que des débats sur la définition à retenir deviennent
des obstacles à l’action. Nous ne devrions pas passer par des
discussions aussi pénibles afin de déterminer comment réagir à une
catastrophe humanitaire. Des principes clairs s’imposent qui
permettront à la communauté internationale d’intervenir plus
rapidement dans des situations comme celle du Darfour.
Notre humanité commune devrait suffire comme argument de poids, mais
voilà justement ce qui manque. En termes simples, le droit
international ne contient toujours pas de disposition explicite
établissant l’intervention pour des motifs humanitaires. La
responsabilité de protéger vise à combler cette lacune. D’après ce
concept, nous devrions avoir le droit légal d’intervenir dans un
pays pour la seule raison qu’il existe une urgence humanitaire, et
ce, dans des cas où le gouvernement du pays ne veut ou ne peut
protéger sa population de graves dangers résultant d’une guerre
interne, de la répression ou de la faillite de l’État.
L’État est responsable en première instance de la protection de sa
propre population, et nous ne sommes pas en train de justifier un
droit d’intervention unilatéral dans un pays chaque fois qu’un autre
pays en a envie. Il est toujours préférable d’obtenir une
autorisation multilatérale avant d’intervenir dans les affaires d’un
État souverain. Notre objectif, c’est l’évolution du droit et des
pratiques sur le plan international de telle sorte qu’une action
multilatérale puisse être entreprise dans des situations
humanitaires d’extrême urgence.
Le droit international évolue dans le bon sens. Les instruments
comme la Convention sur le génocide et les traités sur les droits de
la personne reconnaissent effectivement les obligations d’un État à
l’égard de sa population. La création de la Cour pénale
internationale et celle de tribunaux pénaux constituent d’autres pas
en avant. Le droit international coutumier se transforme donc de
manière à fournir une base solide à la conception d’un cadre
normatif applicable aux interventions collectives pour des motifs
humanitaires. Afin d’accélérer le processus, les États membres
devraient maintenant adopter une résolution de l’Assemblée générale
qui reconnaît l’évolution de la notion de souveraineté de manière à
englober la responsabilité internationale à l’égard des populations.
Le Conseil de sécurité doit établir de nouveaux critères en
prévision des cas où la communauté internationale conclut qu’une
population civile fait face à des menaces extrêmes; où il convient
d’explorer des options non militaires ou, au besoin, des options
militaires proportionnelles, en vue de protéger les civils. La
responsabilité de protéger n’est pas un permis d’intervention; elle
sert de garante internationale pour la responsabilisation politique.
Le deuxième secteur a trait à la responsabilité de refuser cela
comprend le besoin de veiller à ce que les armes de destruction
massive ne se répandent pas aux États ni aux terroristes qui
seraient prêts à s’en servir dans n’importe quelle circonstance, et
surtout contre des populations civiles innocentes. La non
prolifération et le désarmement demeurent des piliers fondamentaux
de l’engagement de l’ONU à l’égard de la paix et la sécurité
internationales.
Dans les deux cas, le multilatéralisme a été mis à l’épreuve par
d’importants changements au chapitre de la sécurité, et le besoin se
fait manifestement sentir de renforcer nos systèmes et de les rendre
plus adaptables. Une vérification rigoureuse est essentielle.
L’organe de surveillance nucléaire des Nations Unies, soit l’Agence
internationale de l’énergie atomique, requiert des outils plus
puissants et un soutien politique. Il faut des contrôles plus
sévères sur la technologie nucléaire de nature délicate, et le
Conseil de sécurité doit être prêt à gérer efficacement toute
dérogation aux conventions. Le fait demeure que des États
proliférateurs déterminés comme la Corée du Nord ont pu contourner
leurs obligations conventionnelles. Les ambitions nucléaires de
l’Iran risquent sérieusement de contribuer à la prolifération. Il
faut un organe de surveillance multilatéral qui aidera le Conseil de
sécurité à résoudre les problèmes liés aux armes dans les États qui
suscitent des inquiétudes.
L’ONU devrait établir un mécanisme d’inspection et de vérification
permanent capable de renforcer et de compléter les systèmes de
vérifications actuels.
De façon plus générale, et pour illustrer les progrès qu’il nous
reste à accomplir aux chapitres du désarmement et de la
responsabilité de refuser, la Conférence du désarmement des Nations
Unies, à qui on a confié la responsabilité de négocier de nouveaux
instruments multilatéraux, ne réussit même pas, depuis 1998, à
s’entendre sur un plan de travail. La Conférence doit reprendre ses
travaux et produire des résultats.
Monsieur le Président, il y a en troisième lieu la responsabilité de
respecter, le respect de l’être humain, de sa dignité, de sa
liberté, et de sa culture. Je veux parler d’une conception élargie
des droits de la personne qui englobe les droits individuels, la
protection des droits collectifs et le pluralisme tel qu’il se
reflète dans le concept de la diversité culturelle. En fait, le
récent rapport sur le développement humain souligne que la diversité
culturelle est aussi affaire de liberté. C’est pourquoi nous
favorisons un instrument de l’UNESCO sur la promotion des cultures.
Depuis la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des
Droits de l’Homme, l’humanité a connu des progrès remarquables en
matière de droits de la personne. Des conventions assurent
maintenant la protection de nombreux droits : civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels.
Mais la vigilance s’impose face à de nouvelles formes de manquements
comme le trafic international des personnes ou le commerce sexuel
des enfants.
Parallèlement aux droits individuels, différentes conventions
permettent de mieux protéger les minorités, de dénoncer les
discriminations raciales et de lutter contre les phénomènes
d’exclusion.
Néanmoins, les conflits les plus déchirants découlent le plus
souvent de la tentative par un groupe d’empêcher d’autres groupes de
satisfaire à leurs aspirations économiques, religieuses, sociales et
politiques les plus légitimes. Des communautés entières sont
menacées. S’ensuivent violence, luttes civiles et faillite de
l’État. Le Kosovo, la Bosnie, la région des Grands Lacs d’Afrique,
et aujourd’hui le Darfour, en sont les exemples les plus criants. La
communauté internationale doit agir avec vigueur pour assurer la
protection de l’individu et des collectivités minoritaires. Il ne
suffit pas de disposer de divers instruments juridiques; il faut les
mettre en application. Les institutions responsables des droits de
la personne doivent révéler au monde entier les coupables d’abus,
qu’il s’agisse de groupes armés, de communautés ou de gouvernements,
et prendre les mesures qui s’imposent pour y mettre fin.
Les Nations Unies sont notre conscience morale. À nous d’agir.
Quatrièmement, nous avons la responsabilité de construire. Les
objectifs du Sommet du millénaire sur la pauvreté, la maladie et
l’insécurité dans le monde resteront lettre morte si on ne respecte
pas le consensus de Monterrey. Selon ce consensus, un vrai
développement exige une démarche globale sur les questions de dette,
d’accès aux marchés et d’investissements sociaux.
Ceci dit, comme on l’a vu à Haïti, toute l’aide du monde n’aura
qu’un effet éphémère si un pays ne dispose pas d’institutions
publiques qui fonctionnent. Nous devons développer les capacités de
gouvernance des pays et y mettre le temps. Il en va de même des
institutions économiques. Celles qui fonctionnent bien, mobilisent
les énergies créatrices des entrepreneurs locaux.
C’est le message de la Commission des Nations Unies pour le secteur
privé et le développement : Une économie florissante dépend de la
confiance des citoyens dans les institutions publiques de leur pays.
Bref, le développement dépend de la gouvernance.
Il y a enfin la responsabilité à l’égard de l’avenir, c’est-à-dire
l’obligation que nous avons de léguer à nos enfants un monde
meilleur. Le défi est de taille. Il touche tous les aspects de notre
patrimoine commun – santé, environnement, océans, espace.
Les nouvelles pandémies constituent l’une des grandes urgences de
l’heure. Le SIDA, le SRAS et l’Ebola sont des signaux d’alarme
terrifiants. Mais les scientifiques nous prédisent des maladies
pires encore. L’Organisation mondiale de la santé doit renforcer ses
systèmes de surveillance. Elle doit travailler en meilleure
coordination avec les autres organismes des Nations Unies.
Au delà des questions de santé, se pose toute la question de la
gestion de notre environnement. Il est gravement menacé. Seules la
coopération internationale et l’assistance technique peuvent
apporter des solutions durables, par exemple, pour l’accès à l’eau
et à l’air purs.
De même, il faut une politique des océans qui permette de
reconstituer nos stocks de poisson. Mais l’accès aux pêches doit
être mieux réglementé par le droit international. Tout simplement,
le pillage de ces ressources mondiales doit cesser.
L’espace est notre dernière frontière. Depuis toujours, il a envoûté
notre imagination. Quelle tragédie si l’espace ne devait plus être
qu’une gigantesque base d’arsenaux et le lieu d’une nouvelle course
aux armements.
Les Nations Unies ont convenu en 1967 que les armes de destruction
massive ne devaient pas être basées dans l’espace. Le moment est
venu d’étendre cette interdiction à toutes les armes.
Monsieur le Président, j’ai parlé aujourd’hui de responsabilités;
permettez moi d’en mentionner une autre – la responsabilité d’agir.
Nous attendons le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau
mis sur pied par le Secrétaire général, et nous prévoyons des
recommandations substantielles en matière de réforme. Beaucoup de
pays mettent l’accent sur la réforme du Conseil de sécurité. Nous
devrions, en effet, soutenir des réformes qui permettront
d’accroître l’efficacité du Conseil de sécurité et qui donneront aux
pays qui appuient activement, entre autres, les activités de
maintien de la paix et de développement de l’ONU, la possibilité
réelle de continuer à apporter leur contribution.
Mais nous attendons aussi des recommandations qui dépasseront le
cadre du Conseil de sécurité. Qui traiteront, par exemple, du besoin
de prendre des mesures en vue de faciliter une réponse intégrée au
large éventail de défis qui se posent en matière de sécurité, en
partant de la prolifération du terrorisme jusqu’à l’amélioration de
la coordination à l’ONU des activités relatives au développement, à
la santé et à l’environnement. Individuellement en tant que pays, en
tant que membres d’organisations régionales, en tant que
participants à divers groupes internationaux qui sont créés sur la
base d’intérêts particuliers, nous devons tous tout mettre en œuvre
pour surmonter les différences qui nous séparent et pour forger un
consensus international sur la réforme des Nations Unies.
Dans un autre contexte, par exemple, le Canada avait proposé de
tenir une réunion spéciale où les dirigeants d’une vingtaine de pays
développés ou en développement se réuniraient afin de discuter des
défis que nous avons à relever et de nos responsabilités
collectives. Cela pourrait très bien englober la promotion
importante des efforts visant à réformer l’ONU.
De toute façon, peut importe comment on y arrive, le temps est venu
de réformer sérieusement les Nations Unies. Nous devons mettre de
côté nos intérêts étroits et travailler ensemble à renforcer cette
institution universelle, dont les activités donnent vigueur à notre
humanité commune.
Il y a quatre ans, lors du Sommet du millénaire, les dirigeants du
monde ont convenu, et je cite, que « nous avons … des devoirs à
l’égard de tous les citoyens du monde, en particulier les personnes
les plus vulnérables… ». Ce devoir ne s’accomplira que si nous
sommes disposés, en tant que gouvernements, à nous exprimer en
faveur de la dignité et de la liberté de chaque être humain sur la
planète, ici, en ce lieu de rassemblement des nations.
Merci.
[Martin=20041025]
[lieu=ottawa]
[Toast proposé par le Premier ministre Paul Martin en l’honneur de Vicente Fox, président des États-Unis du Mexique]
Monsieur le président, mesdames et messieurs
Ce fut un grand honneur pour moi, Monsieur le président, de vous
accueillir au Canada et dans la capitale nationale de notre pays. Il
est aussi particulièrement agréable de vous souhaiter la bienvenue,
Madame, ainsi qu’à l’impressionnante délégation de ministres, de
parlementaires, de chefs d’entreprise et autres amis et partenaires
du Canada.
La présence ce soir de nombreux Canadiens distingués témoigne de
notre vif plaisir de vous recevoir et rend hommage à l’importance
que revêt le Mexique pour le Canada.
Vous êtes notre partenaire le plus vital en Amérique latine, et nous
avons établi avec vous une relation mûre, diverse et confiante,
tournée vers l’avenir.
Si nous étions des voisins éloignés il y a plus de dix ans, nous
voici sommes devenus pendant votre mandat, Monsieur le président,
des partenaires stratégiques étroits à l’échelle nord américaine,
hémisphérique et internationale.
Pendant trop longtemps, l’indifférence et les événements à
l’étranger ont entravé nos relations bilatérales.
Au fil des ans, des gouvernements canadiens et mexicains successifs
ont pris graduellement des initiatives, les uns auprès des autres,
dans le but d’intensifier les liens entre nos pays. Nos relations
commerciales et économiques se sont élargies, et il s’est développé
des rapports de plus en plus énergiques. Grâce au rôle de direction
que vous avez joué, Monsieur le président, ces tendances ont pu
s’accélérer et notre relation a pu porter ses fruits.
Jamais auparavant le Mexique et le Canada ne s’étaient considérés si
clairement comme des priorités mutuelles en matière de politique
étrangère et de commerce international.
Mais pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi nos gouvernements
investissent-ils tant d’efforts et de temps dans le développement de
cette relation bilatérale lorsque nous pourrions plutôt succomber à
la tentation de miser uniquement sur l’autre relation bilatérale
importante, celle que nous entretenons, évidemment, avec notre
troisième partenaire de l’ALENA?
Pourquoi nous percevons-nous maintenant comme étant bien plus que
simplement le « voisin du voisin »?
Vous conviendrez certainement, Monsieur le président, que le
commerce est un puissant facteur d’unité entre nous. Par l’entremise
de l’Accord de libre-échange nord-américain, qui a maintenant dix
ans, le Mexique est devenu un participant dynamique et à part
entière à l’économie nord américaine.
Il constitue aujourd’hui le sixième marché d’exportation du Canada,
tandis que nous sommes le deuxième marché du Mexique après les
États-Unis.
Beaucoup de personnes laisseront entendre que ces statistiques, à
elles seules, suffisent à expliquer le développement de notre
relation. Mais je sais que ce n’est pas seulement une question de
commerce et d’affaires.
Il y va de valeurs et d’objectifs communs, qui contribuent
conjointement au dialogue et à la collaboration sur des politiques
intérieures et internationales.
Le Mexique jouit d’acquis importants au chapitre de la démocratie;
il connaît la stabilité politique et ses institutions ont progressé.
Vous êtes arrivé au pouvoir en présentant une vision claire et
ambitieuse pour le Mexique, et le Canada est fier de d’appuyer vos
efforts en ce sens.
En effet, Monsieur le président, nous collaborons largement à la
mise en œuvre des six points de votre programme de réforme pour le
Mexique.
De plus en plus, nous pratiquons avec le Mexique une vaste et
dynamique coopération dans la sphère multilatérale, où nous sommes
tous deux membres de nombreuses organisations internationales –
l’ONU, l’OEA, l’APEC, l’OCDE, l’OMC et le G20, pour n’en citer que
quelques unes.
Nous nous réjouissons de voir le Mexique prendre de plus en plus les
devants au sein des institutions internationales, notamment à l’ONU,
où le Canada et le Mexique se sont attachés ensemble à maintenir un
dialogue bilatéral sur la sécurité à l’échelle mondiale et les défis
qui se posent dans le monde.
Mais au delà de nos relations commerciales et politiques, au cœur
même du partenariat Canada Mexique, il y a de formidables rapports
interpersonnels, des échanges humains et un rapprochement qui
s’opère dans toute l’Amérique du Nord.
Près d’un million de Canadiens se rendent au Mexique tous les ans
pour y passer leurs vacances, traiter des affaires, étudier ou
prendre part à des échanges éducatifs ou scientifiques.
Les Mexicains sont également de plus en plus nombreux à venir au
Canada.
Il n’y a pas de doute que c’est dans le cadre de ces activités que
les liens les plus importants sont tissés entre nos pays.
Monsieur le président, tous ces facteurs rapprochent nos pays et nos
peuples.
Cela dit, je crois fermement que c’est aussi grâce à l’impulsion de
chefs d’État comme vous que le plein potentiel du partenariat
stratégique Canada-Mexique pourra véritablement se réaliser.
Cette avant midi, pendant notre réunion – fort probablement la
réunion la plus importante jamais tenue avec des ministres canadiens
et mexicains – nous aurions pu simplement faire un bilan des progrès
accomplis et convenir qu’il s’agissait déjà là d’une grande
réalisation digne d’être soulignée.
Cependant, nous avons choisi de poursuivre l’exploration des moyens
tangibles et novateurs d’élargir notre relation.
C’est un signe clair, à mon avis, que le partenariat Canada-Mexique
n’est plus une nouveauté surprenante en Amérique du Nord, mais
plutôt une réalité durable et un aspect fondamental des programmes
intérieurs et internationaux de nos pays.
C’est pourquoi, Monsieur le président, il me fait plaisir de vous
souhaiter encore une fois la bienvenue au Canada. Je voudrais que
nous levions nos verres à cette visite couronnée de succès, au futur
commun de nos deux pays, le Mexique et le Canada, ainsi qu’à
l’amitié et au partenariat étroits entre les peuples mexicain et
canadien.
Il y a plus de cinquante ans, le grand penseur mexicain Octavio Paz
écrivait son œuvre magistrale dans laquelle il décrivait le Mexique
comme étant pris dans le « Labyrinthe de la solitude ».
Nous pouvons dire aujourd’hui que le Mexique moderne est tout le
contraire. Aujourd’hui, le Mexique tend la main avec confiance et
accueille le monde sur ses rives.
Et dans cette confiance tournée vers l’extérieur, nous, les
Canadiens et les Canadiennes, voyons notre propre reflet et sommes
ainsi attirés vers vous.
Plus que des voisins, nous sommes partenaires et amis. Somos socios.
Pero más importante, somos amigos.
Viva Mexico! Viva Canada!
[Martin=20041114]
[lieu=haiti]
[Transcription de l’allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion d’un déjeuner ]
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et
Messieurs.
Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que je suis ici avec une
délégation de parlementaires qui viennent de partout au Canada, de
l’Ouest, des provinces atlantiques, de l’Ontario et du Québec.
Et je dois vous dire aussi, Monsieur le Président, que je suis ici
certainement comme Ppremier ministre du Canada mais aussi je suis
ici comme représentant de l’école Simone-Desjardins, dans le comté
de mon collègue Pablo Rodrigues, que j’ai visitée avec lui et avec
Monsieur Denis Coderre, vendredi passé. C’est une école où 40 pour
cent des étudiants ont du sang haïtien. Et nous avons passé un
après-midi extraordinaire, je dois vous dire.
Ils ont ramassé à force de dix cents au-delà de deux mille dollars,
ces enfants, pour envoyer ici, en Haïti pour aider ceux et celles
des Gonaïves qui ont souffert tellement. Et j’aimerais vous dire que
lorsqu’on a eu la discussion et un des jeunes s’est mis debout et je
lui ai demandé pourquoi vous avez fait ça? Il m’a dit, « On a fait
ça parce qu’on veut démontrer les liens entre nous et le peuple
haïtien. »
Et un autre jeune s’est mis debout pour le corriger. Il nous a dit,
« On a fait ça parce que nous sommes tous des êtres humains et on
doit s’aider. »
Je dois vous dire, Monsieur le Président et Monsieur le Premier
ministre, que lorsque je vois ces jeunes parler de cette façon, les
liens qui existent entre le peuple canadien et le peuple haïtien
aujourd’hui sont très forts. Mais j’en suis convaincu, avec des
jeunes comme cela, ces liens vont devenir de plus en plus forts.
Alors je suis très content, comme je viens de vous dire, d’être ici
comme Premier ministre, mais je suis aussi très fier d’être au moins
pour aujourd’hui le représentant de cette école.
Je suis ici pour vous assurer de l’engagement du Canada aux côtés
d’Haïti mais aussi pour vous donner notre appui, Monsieur le Premier
ministre, Monsieur le Président, à vous et à votre gouvernement afin
d’assurer le succès de la transition. Haïti a toujours pris beaucoup
de place dans le cœur des Canadiennes et des Canadiens. La tragédie
des Gonaïves est un exemple éloquent de la compassion que le Canada
a démontré à l’égard de votre pays. La communauté internationale a
fait des efforts considérables pour venir en aide à Haïti, mais elle
ne pourra accomplir ses engagements sans l’existence d’une
réconciliation nationale entre vous tous, Haïtiens. L’un ne peut pas
aller sans l’autre.
C’est votre responsabilité première, et je sais à quel point vous
êtes prêt à l’assumer, la sécurité et le désarmement, la
reconstruction économique ainsi que la réconciliation et la relance
du processus démocratique.
La violence est un grave frein à l’amélioration des conditions de
vie de tous les Haïtiens. Il est urgent d’entreprendre des mesures
pour assurer la sécurité par le désarmement. Cependant, la MINUSTA
ne peut réussir seule. Le succès de son mandat dépend d’une
coordination efficace avec une force policière haïtienne et un
système judiciaire renforcés, efficaces et intègres. La population
attend impatiemment des résultats concrets.
Le Canada joue un rôle central à ce titre par nos efforts dans le
domaine de la gouvernance, de l’éducation, de la santé et de
l’énergie. Il est urgent pour vous maintenant de passer à l’action
afin de répondre aux attentes des Haïtiens et des Haïtiennes. Ces
deux défis ne peuvent être relevés sans une réconciliation nationale
impliquant l’ensemble des acteurs de la société haïtienne. Il s’agit
d’une étape incontournable pour assurer la relance du processus
démocratique. La démocratie est un droit pour chaque citoyen
haïtien. Elle est une condition absolument nécessaire pour améliorer
le bien-être économique et social de chaque citoyen.
Les élections de 2005 se doivent d’être le symbole de cette
démocratie recouvrée. Il y a de la place pour tous dans cette
entreprise mais pour réussir, il est essentiel que les partis
politiques et la société civile laissent de côté les rancoeurs du
passé et regardent plutôt vers l’avenir afin de sortir Haïti de la
spirale, de la violence et de la pauvreté.
Je crois que la communauté haïtienne au Canada et ailleurs a un rôle
important à jouer. À cet égard, le Canada organisera dans moins d’un
mois une conférence de la diaspora à Montréal afin d’obtenir son
adhésion à la reconstruction de leurs pays.
En terminant, je le répète, le Canada sera aux côtés d’Haïti pour
faire face à tous ces défis. Mais l’avenir du pays appartient
d’abord aux Haïtiennes et aux Haïtiens eux-mêmes. C’est à vous et à
vous tous, vos compatriotes de la diaspora, de dégager un consensus
sur les valeurs, de créer les institutions et de former la société
qui amèneront la sécurité, l’harmonie et la prospérité. Si nous
sommes ici aujourd’hui, Monsieur le Président, une députation
parlementaire très importante, c’est qu’on a énormément de confiance
en vous, dans le peuple haïtien. On est ici pour vous aider. On est
ici parce qu’on croit en vous. On est ici parce qu’on veut vous
accompagner dans le succès de votre avenir. Au cours de la prochaine
heure, j’aimerais connaître vos vues et vos opinions sur les trois
enjeux indissociables qui sont la sécurité et le désarmement, la
reconstruction et la relance du processus démocratique.
J’aimerais vous entendre sur le rôle que vous tous, autour de cette
table, entendez jouer afin de remettre votre pays sur le chemin de
la démocratie et de la reconstruction.
C’est une journée importante pour le Canada, le fait d’être ici avec
vous, comme je viens de dire, pour vous accompagner dans le succès
de votre avenir.
Merci.
[Martin=20041122]
[lieu=brésil]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin devant la Chambre de commerce Canada-Brésil ]
Mesdames et Messieurs, c’est un grand plaisir pour moi d’être ici
aujourd’hui et d’être accueilli aussi chaleureusement dans cette
ville remarquable. Merci à tous d’être venus, et mes salutations aux
nombreux entrepreneurs canadiens présents dans la salle. Si vous
vous demandez qui ils sont, ce sont ceux qui hochent de la tête
quand je dis : « Non, mais quel match de la Coupe Grey nous avons eu
hier! »
Sao Paulo est réputée pour ses arts, son industrie et, surtout, son
énergie humaine débordante. Nos métropoles ont beaucoup en commun
avec Sao Paulo qui, elle aussi, possède une foule de cultures
dynamiques et de quartiers ethniques qui lui donnent son riche
caractère international et sa formidable diversité.
Le Canada et le Brésil sont des sociétés d’immigrants. Nos deux pays
comptent d’importantes populations autochtones qui ont une riche
histoire. Et ils ont beaucoup d’autres intérêts en commun.
Comme certains d’entre vous le savent, un groupe de Canadiens a joué
un rôle de premier plan au tournant du XXe siècle pour implanter le
tramway électrique – et plus tard, divers services publics – dans
cette ville et à Rio de Janeiro.
Le tramway a vite pris de l’expansion ici, à Sao Paulo, ajoutant de
nouvelles lignes et de nouvelles voitures à un rythme tel que les
clients se plaignaient souvent de tacher leurs vêtements de
peinture.
C’est ainsi qu’est née la compagnie de transport et d’électricité.
Ce fut l’un de ces extraordinaires partenariats qui a duré des
dizaines et des dizaines d’années, qui a touché des milliers de
familles et forgé de belles amitiés entre le Canada et le Brésil, et
qui nous rappelle les progrès que nous pouvons accomplir quand, en
tant que nation et en tant que peuples, nous unissons nos efforts.
Et je veux aujourd’hui vous parler de partenariats, c’est à dire du
partenariat entre le Canada et le Brésil; du partenariat entre le
secteur public et le secteur privé; et du partenariat entre l’État
et les entreprises, d’une part, et les citoyens, d’autre part.
Je dirai un mot sur chacun d’eux, mais avant, permettez moi de dire
franchement les choses.
La relation entre le Canada et le Brésil ces dernières années a été
difficile – nous ne pouvons prétendre le contraire. Il y a eu des
litiges et des différends. Il y a eu des tensions, et certaines
persistent encore aujourd’hui.
Mais nos nations ne partagent pas seulement un hémisphère, elles
partagent aussi des objectifs. Nous avons établi des priorités
communes, tant dans nos pays qu’à l’étranger. Et ce qui est peut
être plus important encore, nous partageons des valeurs.
Peu après mon arrivée au pouvoir en décembre dernier, j’ai rencontré
le président Lula da Silva, à Monterrey, et j’ai été impressionné
par sa vision du Brésil et son rôle dans un monde en pleine mutation
et de plus en plus complexe.
Je crois que le moment est venu pour le Canada et le Brésil de
renouer avec le passé, c’est à dire de resserrer et d’accroître
notre relation bilatérale, de travailler ensemble à projeter nos
valeurs communes et de promouvoir des solutions multilatérales à des
problèmes internationaux.
Cela ne veut pas dire que nous serons toujours sur la même longueur
d’onde. Il n’y a pas de relation internationale qui ne connaisse pas
de raté à l’occasion. Vous pensez sûrement que je parle d »Embraer et
de Bombardier. Nous sommes très fiers de Bombardier, et le Brésil
d’Embraer, et je puis vous assurer que les gouvernements du Canada
et du Brésil travaillent fort, même à l’heure actuelle, pour trouver
une solution durable à ce différend.
Le Canada et le Brésil sont en effet déterminés à clore ce dossier
pour pouvoir axer leurs efforts sur l’établissement d’une relation
fructueuse et concrète entre nos deux pays. Ma visite au Brésil est
clairement un pas dans cette direction.
Nous avons tellement de choses en commun et il y a tant à faire. Il
existe ici un formidable potentiel, et il est grand temps que nous
l’exploitions.
Maintenant, qu’est ce que j’entends au juste par valeurs et
convictions communes?
Le Canada comme le Brésil sont résolus à gérer prudemment les
finances publiques et à promouvoir une croissance économique juste
et équitable. Ils verront à ce que leurs citoyens puissent nourrir
et faire instruire leurs enfants, trouver et garder des emplois
intéressants et jouir d’un accès fiable à des soins de santé de
qualité.
Je sais que ces valeurs sont chères au président da Silva. Sous sa
direction, et celle de ses prédécesseurs, le Brésil a voulu se
donner en exemple dans le monde. Votre économie croît, et grâce aux
réformes du président da Silva ainsi qu’au dur labeur et à l’esprit
novateur des Brésiliens, elle continuera de croître.
En outre, des programmes novateurs comme Faim zéro, Premier emploi
et Aide aux familles permettent de plus en plus aux Brésiliens de
bénéficier à leur tour de la prospérité qui découle de la croissance
économique et d’une saine gouvernance.
Le président da Silva et son gouvernement ne se contentent pas de
promouvoir ces idéaux sur leur territoire. Au contraire, ils
contribuent activement au progrès et au partage des richesses dans
tout l’hémisphère, voire dans le monde entier. Je puis vous assurer
que le Canada s’est fixé les mêmes buts, et c’est avec fierté que
nous travaillerons à les atteindre de concert avec le Brésil. Car
les Canadiens aussi peuvent s’enorgueillir de ce qu’ils ont
accompli.
Grâce à l’appui et aux sacrifices des Canadiens, nous avons mis fin
à un déficit budgétaire chronique qui a duré presque trois
décennies. Nous avons mis un terme à l’escalade de la dette, nous
avons remis sur la bonne voie une économie sous-performante.
Depuis sept années consécutives, nous pouvons même compter sur des
surplus budgétaires. Plutôt que d’accroître notre dette, nous sommes
en train de la réduire.
Tous nos efforts se sont traduits par une économie forte, des taux
d’intérêt peu élevés, un faible taux d’inflation. Et le chômage est
maintenant de 40 % inférieur à ce qu’il était il y a dix ans.
Il est désormais plus facile pour les Canadiens de s’acheter une
maison, de régler leurs factures, de se trouver un emploi stable et
de le garder. Une gestion prudente de notre économie nous a redonné
la possibilité d’investir dans l’humain − plus particulièrement dans
les soins de santé et la petite enfance.
Les valeurs, les méthodes et les engagements que nous avons en
commun font du Canada et du Brésil des partenaires tout désignés,
que ce soit à l’échelle locale, à l’échelle de l’hémisphère, et
même, pourquoi pas, à l’échelle mondiale.
Quels sont les enjeux qui doivent retenir notre attention?
En ces temps où tout ce qui peut modifier le paysage économique et
politique ou affecter notre sentiment de sécurité prend de plus en
plus les proportions d’une secousse sismique, où les lignes de
faille croissent en nombre et en instabilité, nous ressentons tous
l’anxiété d’un monde qui a, pour ainsi dire, les nerfs à vif.
Le Canada et le Brésil partagent un même désir de tout mettre en
œuvre au-delà de nos frontières pour protéger nos valeurs et
défendre nos intérêts. Nous voulons appuyer les populations en crise
dans leur lutte pour la liberté, la stabilité, la paix et de
meilleures conditions de vie.
C’est dans cette optique que le Canada a exhorté les Nations Unies à
mettre en place des lignes directrices devant permettre à la
communauté internationale d’intervenir plus promptement et plus
efficacement sur le territoire même des États souverains qui
provoquent ou se montrent incapables de stopper des tragédies
humaines de l’ampleur de celle qui sévit présentement au Darfour.
Nous ne pouvons nous contenter d’un rôle d’observateur passif face à
une campagne d’épuration ethnique, à un génocide ou à quelque autre
crime contre l’humanité. D’un point de vue strictement moral, ce
serait monstrueux.
Vous, Brésiliens, comprenez bien cela. Comme on a pu l’observer
récemment en Haïti, le Brésil est un État progressiste toujours prêt
à passer à l’action pour rétablir la paix ou faciliter la
conciliation dans les points chauds du globe. Nous applaudissons le
Brésil pour le rôle directeur qu’il joue présentement en Haïti, de
même que les soldats brésiliens qui y travaillent à maintenir
l’ordre et à rétablir la démocratie.
Le Canada a lui aussi joué un rôle de premier plan en Haïti, où
policiers canadiens et gardiens de la paix brésiliens combinent
toujours leurs efforts sous la direction du général Augusto Heleno.
Des crises comme celles du Darfour et d’Haïti sont trop graves pour
qu’un seul État puisse en venir à bout. Elles poussent même à leur
extrême limite les capacités d’intervention des institutions
internationales. La leçon qu’il faut en tirer est qu’il existe dans
notre réseau institutionnel des lacunes dont la communauté mondiale
doit accepter la responsabilité.
Car il faut bien se rappeler que l’Organisation des Nations Unies,
la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont été créés
il y a plus de soixante ans. Ces institutions demeurent valables,
certes, mais elles doivent s’assurer, et nous aussi avec elles, de
toujours recourir à des solutions modernes pour régler des problèmes
modernes.
Ces institutions doivent s’adapter aux difficultés nouvelles
qu’elles sont appelées à surmonter. Et nous devons nous montrer
disposés à prendre les mesures qui s’imposent là où les méthodes
traditionnelles nous empêchent d’agir vite et bien.
Nous avons besoin aujourd’hui de ce que j’appelle un nouveau
multilatéralisme, où les gouvernements, unis par une même inquiétude
et un même engagement face à une situation donnée, élaborent
ensemble un plan d’action et conviennent des mesures multilatérales
à prendre pour régler le problème.
Ce nouveau multilatéralisme donnera la priorité aux résultats plutôt
qu’aux processus, à l’action plutôt qu’aux discours. Au lieu de se
préoccuper uniquement des préoccupations soulevées par les pays les
plus riches, il donnera la parole aux nombreux pays qui partagent
les mêmes intérêts, les mêmes idéaux, et un même désir de bâtir un
monde meilleur.
Nous assistons aujourd’hui à l’émergence de puissances nouvelles, et
le Brésil est l’une d’entre elles. Les valeurs que nous avons en
commun − les Brésiliens et les Canadiens, et tous ces peuples qui
passent maintenant à l’avant-scène − sont les seules qui peuvent
nous garantir un monde plus sûr et plus prospère.
J’aimerais d’ailleurs profiter de la chance qui m’est offerte pour
féliciter le président da Silva pour son projet de lutte mondiale
contre la faim et la pauvreté. Il sait parfaitement à quel point il
est devenu nécessaire de trouver des solutions novatrices à des
problèmes dont nous reconnaissons tous l’urgence.
Dans le même esprit, le Canada a proposé la création de ce que nous
appelons le L 20, un groupe diversifié auquel siégerait les leaders
de vingt pays du monde entier et qui aurait pour mandat de
s’attaquer à des dossiers bien précis.
Le L 20 s’inspire du groupe de vingt ministres des finances qui
s’est justement réuni le week end dernier, en Allemagne. Ce groupe a
été formé il y a quelques années afin d’examiner la crise économique
et financière qui sévissait alors dans différentes régions,
notamment en Asie et en Amérique latine.
La réunion a été un succès. Nous y avons en effet atteint un degré
de détente et de collégialité jamais vu dans des échanges
intergouvernementaux officiels. Nous sommes arrivés à mettre de côté
la plupart de nos intérêts personnels au profit de nos
préoccupations communes. Mais le plus important, c’est que nous
avons réussi à faire bouger les choses.
Des rencontres internationales clairement ciblées et propices aux
échanges représentent peut-être la réponse aux attentes des peuples
et de leurs gouvernements. Je crois qu’une réunion du L 20, à
laquelle participeraient le Brésil et le Canada, peut s’avérer tout
aussi utile et fructueuse qu’a pu l’être celle des ministres des
finances.
Dans la même veine, je dirais que l’Organisation des Nations Unies
représente, pour des raisons évidentes, l’institution internationale
suprême, celle dont la présence compte plus que jamais à l’échelle
du globe. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’une ONU dynamique
et flexible, capable de trouver des solutions intégrées aux
problèmes mondiaux.
Et c’est pourquoi aussi nous continuerons de réclamer des
changements devant permettre aux Nations Unies d’aller au-delà des
processus pour veiller à ce que notre humanité commune reste encore
et toujours au centre du débat.
Passons maintenant au partenariat entre le gouvernement et le
secteur privé. Trop souvent, les gens d’affaires perçoivent le
gouvernement comme un obstacle qui les empêche de réussir. D’un
autre côté, certains au gouvernement conçoivent les gens d’affaires
en les termes les plus étroits – comme étant uniquement préoccupés
par le profit.
Ces deux points de vue sont des caricatures. La vérité est bien plus
nuancée. La vérité, c’est que le gouvernement et le secteur privé
sont essentiels l’un à l’autre. Un secteur privé fort et sain
bénéficie d’un gouvernement efficace et progressiste. Quant au
gouvernement, il est davantage en mesure de remplir son rôle lorsque
son pays possède un secteur privé prospère et novateur.
Le rôle du gouvernement au XXIe siècle est de mettre en place un
cadre qui favorise la réussite. Le gouvernement doit créer un
environnement sécuritaire au sein duquel le milieu des affaires peut
fonctionner, et il doit établir les lois et les tribunaux qui
encadreront les entreprises et appliqueront les règles nécessaires
au bon déroulement de leurs activités.
Le but n’est pas simplement de permettre aux entreprises et aux
individus de réaliser des profits. Il s’agit de créer les conditions
qui facilitent l’expansion d’un secteur privé florissant, lequel, à
son tour, offrira aux citoyens les moyens de se bâtir une meilleure
vie.
Voici un exemple de ce dont je vous parle : j’ai eu le plaisir de
coprésider avec l’ancien président du Mexique, M. Zedillo, la
Commission du secteur privé et du développement des Nations Unies,
qui a souligné deux conclusions notables. Premièrement, aussi
importants que soient les investissements étrangers, aucune économie
ne peut réussir sans un entrepreneuriat vigoureux au pays;
deuxièmement, l’entrepreneuriat dans un pays ne peut se développer
en l’absence d’une gouvernance saine, laquelle donne, tant à la
population qu’au milieu des affaires, confiance dans la façon dont
ils sont gouvernés.
Un gouvernement ne peut pas tout représenter aux yeux de tout le
monde. Il ne peut résoudre tous les problèmes, et ne devrait pas s’y
essayer non plus. Il peut toutefois accomplir une tâche cruciale,
qui est d’offrir à ses citoyens l’égalité des chances. Il peut aussi
jouer un rôle positif dans l’avancement des individus en établissant
les règles qui favoriseront l’épanouissement et la prospérité d’une
culture entrepreneuriale énergique.
Les dirigeants des nations membres de l’Organisation des États
américains reconnaissent cela. Lors du sommet spécial tenu à
Monterrey plus tôt cette année, les chefs de tous les pays
démocratiques dans l’hémisphère se sont engagés à prendre des
mesures visant à améliorer la gouvernance et à promouvoir le
développement social et économique équitable pour lutter contre la
pauvreté.
Je suis particulièrement favorable à l’initiative du président da
Silva visant à améliorer les possibilités qui s’offrent aux très
petites et petites entreprises en éliminant les formalités
administratives au Brésil.
L’importance du partenariat entre le gouvernement et le secteur
privé se manifeste aussi dans le cas du commerce. Si le gouvernement
fixe les règles, il appartient au secteur privé de saisir les
occasions qui vont ensuite se présenter.
Le gouvernement doit donc faire sa part. Lorsqu’on examine les
grandes négociations commerciales qui se déroulent à l’heure
actuelle, on constate partout la présence des mêmes obstacles :
accès au marché des produits agricoles, subventions, propriété
intellectuelle, commerce des services et marchés publics. Le Canada
soutient les accords commerciaux qui tiennent compte des besoins
spéciaux des pays en développement, mais plus généralement, nous
croyons à un commerce libéralisé.
J’aimerais vous entretenir maintenant du partenariat qui existe
entre les gouvernements et les entreprises, d’un côté, et nos
citoyens, de l’autre.
Le Canada est une nation commerciale, et nous savons que l’ouverture
de nos marchés peut entraîner des ajustements pénibles. Nous
pouvons, néanmoins, mener à bien ces ajustements dans le cadre d’un
partenariat entre le gouvernement et les entreprises, pour ainsi
faciliter la transition en renouvelant la formation de notre main
d’œuvre et en restructurant celle ci pour lui permettre de réagir
aux nouvelles réalités.
Le Canada et le Brésil se sont dotés de programmes sociaux, et les
deux pays s’appliquent à les renforcer, car nous croyons fermement
que le droit à l’alimentation, au logement, à la sécurité, aux soins
de santé et à l’éducation est universel. Les entreprises ont, elles
aussi, intérêt à veiller à ce que ces droits fondamentaux soient
respectés.
Des programmes sociaux bien gérés contribuent beaucoup à soustraire
les entreprises du fardeau consistant à développer une main d’œuvre
en santé, bien éduquée et confiante, où les hommes et les femmes
peuvent être rassurés de savoir que leurs enfants seront bien
soignés, comme le sera la génération de leurs parents. Lorsqu’ils
sont bien gérés, et tenant compte des économie d’échelle, les
programmes sociaux nationaux fournissent des services de façon
efficace et rentable, ce qui ne peut être égalé par les services
privés.
En effet, un important cabinet international d’expertise comptable a
placé le Canada, pour la cinquième année de suite, au premier rang
des pays du G7 où le coût des affaires est le moins élevé. Et cela
est attribuable en grande partie à l’efficacité de nos programmes
sociaux.
J’aimerais conclure en disant que je crois fermement au potentiel
d’un partenariat formidable et productif entre nos deux pays. Je
peux vous dire aujourd’hui que je tiens à collaborer avec le
président da Silva afin de relancer et de développer notre
partenariat.
En tant que nations, nous ne sommes pas seulement ouverts aux
échanges commerciaux entre nous. Nous partageons un ensemble de
valeurs et une liste de priorités. Nous sommes engagés à l’égard de
nombreux objectifs semblables d’envergure mondiale. Et au XXIe
siècle, c’est ce type de relations qui comptera le plus et qui sera
le plus fructueux.
Je crois sincèrement qu’en travaillant fort, nous réussirons à
relever les défis d’aujourd’hui et ceux de demain, tant sur le plan
bilatéral que multilatéral.
Je crois aussi que des pays comme le Canada et le Brésil, qui sont
d’un parfait accord en esprit et résolus à agir, peuvent démontrer
au monde l’efficacité d’un partenariat progressiste dans l’atteinte
du bien commun, au pays comme à l’étranger.
Merci.
[Martin=20041126]
[lieu=burkina faso]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de l’ouverture du Dixième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage]
Monsieur le Président,
Messieurs les chefs d’État et de gouvernement
Monsieur le Secrétaire général
Chers amis
Je suis très heureux d’être en Afrique aujourd’hui, pour mon premier
Sommet de la Francophonie. La chaleur de l’accueil burkinabé est
extraordinaire et je remercie le Président Compaoré pour toutes ses
attentions à notre égard.
Je salue la “Patrie des personnes intègres, courageuses et dignes de
respect”. C’est le nom de votre pays dans vos deux premières langues
nationales, le Mossi et le Jula. Représentant un pays bilingue et
multiculturel, je rends hommage à la diversité culturelle du pays
qui nous accueille ainsi qu’à son attachement à la Francophonie qui
nous réunit aujourd’hui.
Je salue aussi la présence de nouveaux membres et des pays
observateurs, candidats à l’admission au sein de la Francophonie,
notamment des pays d’Europe de l’Est et du Centre. Vous êtes les
témoins de la vitalité de notre organisation.
Le Canada célèbre cette année le 400e anniversaire de l’implantation
des premiers explorateurs français en terre acadienne, en 1604, par
Samuel de Champlain et Pierre Dugas-Demons. Ce fut le véritable acte
fondateur du Canada et point de départ de la Francophonie
canadienne.
Nous avons fait du chemin depuis l’arrivée d’une poignée
d’intrépides voyageurs en terre d’Amérique, sur “quelques arpents de
neige”. Le fait français au Canada n’a jamais cessé de se
développer. C’est au courage des Acadiens et à tous les francophones
partout au Canada que je pense aujourd’hui quand j’exprime la fierté
de diriger un pays moderne, bilingue et multiculturel.
Notre engagement en francophonie est un élément essentiel de la
présence du Canada sur la scène internationale. Je salue la mémoire
des présidents africains Senghor, Bourguiba et Diori à qui nous
devons la création des grandes institutions de la Francophonie. Le
Canada s’y est associé dès les premières heures.
Aujourd’hui, après 40 ans d’existence, la Francophonie est à la
croisée des chemins. Au moment où un courant de réforme se fait
sentir dans le monde multilatéral, à commencer par les Nations
Unies, notre Communauté doit affirmer son caractère de forum
politique d’importance mondiale.
Nous avons d’ailleurs fait beaucoup de progrès. Nous avons adopté la
Charte de la Francophonie à Hanoi, la Déclaration de Luxembourg sur
les Femmes, et l’importante déclaration de Bamako sur la paix, la
démocratie, les droits de la personne et la bonne gouvernance, qui
marque une étape fondamentale de notre regroupement. Citons aussi la
consécration, au Sommet de Beyrouth, du rôle moteur joué par la
Francophonie pour l’adoption par l’UNESCO d’une convention
internationale pour la protection de la diversité culturelle. Le
Canada vient de déposer officiellement ses commentaires sur le
projet de convention et nous devrions nous féliciter de la qualité
et de l’unité du travail en francophonie sur ce projet fondamental.
Je demande instamment à tous ceux ici qui ne l’ont pas fait encore
de déposer leurs commentaires à l’UNESCO dans les meilleurs délais
Aujourd’hui, la Francophonie, qui s’est beaucoup investie, doit
mieux définir ses priorités, préciser où elle veut être visible,
renforcer son efficacité et, plus fondamentalement, cibler sa vision
et son action. Comme organisation internationale significative, elle
doit être au diapason de ses consœurs et avoir le courage de mettre
en œuvre les principes qui l’animent.
Le cadre stratégique que la Francophonie va adopter lors de ce
Sommet saura donner une plus grande cohérence à ses actions à venir
en fonction de nos quatre missions:
– promouvoir le français et la diversité culturelle;
– promouvoir la paix, la démocratie et la bonne gouvernance;
– lutter contre la pauvreté pour un développement durable, et
– appuyer l’éducation, la formation et l’enseignement supérieur.
Nous disposons d’une organisation moderne et efficace sous
l’autorité du Secrétaire Général dont je veux saluer tout
particulièrement l’inestimable contribution. Sous son égide et avec
une stratégie ciblée, la Francophonie deviendra plus que jamais un
partenaire international pertinent, recherché et crédible.
Dans le contexte de cette stratégie, le thème du Sommet, “espace
solidaire pour un développement durable” m’inspire quelques
réflexions.
Je veux d’abord exprimer notre fierté à tous que la Kenyane Wangari
Maathai, ait été la première femme africaine à recevoir le Prix
Nobel de la Paix pour sa défense de l’écologie. Ce prix symbolise
tout ce qui nous réunit aujourd’hui : recherche du progrès
économique de l’Afrique, poursuite du développement durable,
contribution à la démocratie et à la paix, et accent sur les droits
de la femme.
Le Canada préconise une démarche de développement durable qui
responsabilise tant les pays donateurs que les pays récipiendaires
en un partenariat véritable. La Francophonie, qui compte un grand
nombre de pays parmi les plus pauvres, doit pouvoir compter sur ses
membres plus fortunés afin qu’ils aident les autres pays à honorer
les engagements pris dans le cadre des grandes conventions
internationales, comme Doha, Monterrey, Johannesburg et le NEPAD.
La Francophonie doit présider à un pacte de solidarité entre ses
membres pour protéger l’environnement, notamment en Afrique, joyau
de la nature à préserver. Elle doit être partie prenante dans la
mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. À cet égard, le Canada
souhaite favoriser l’engagement des pays du sud de la Francophonie
dans les prochaines négociations sur le climat qui doivent commencer
en 2005.
J’invite l’Organisation internationale de la Francophonie à
organiser une conférence spéciale d’experts et de décideurs en vue
de sensibiliser les leaders des États membres de la Francophonie aux
enjeux des futures négociations sur le climat. L’OIF pourrait
mandater l’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de la
Francophonie à poursuivre ses efforts pour expliquer aux gens
d’affaires les avantages découlant du Mécanisme pour un
développement propre, créé par le Protocole de Kyoto.
Monsieur le Président,
La scène internationale, plus que jamais, exige de nous, chefs
d’État et de gouvernement de la Francophonie, que nous examinions
ensemble bon nombre de situations critiques et que nous envisagions
de quelle façon accélérer leur dénouement. Nous avons une obligation
de franchise. C’est par le dialogue entre nous que nous pourrons
dégager des solutions.
Je commence par le continent qui nous accueille. Si je parle des
crises qui secouent l’Afrique, je ne veux pas pour autant minimiser
certains autres progrès accomplis en terre africaine.
Mais je ne peux passer sous silence les événements graves des
dernières semaines en Côte d’Ivoire. Je veux réitérer avec force que
la seule solution possible et viable est politique, et non pas
militaire. Nous pensons que la Francophonie ne doit pas être en
retrait par rapport aux récents efforts menés par les Nations Unies,
l’Union Africaine et plusieurs chefs d’État africains. C’est une
question de cohérence. Le Canada souscrit pleinement à la résolution
1572 qui nous paraît essentielle après plus de 2 ans de blocage.
Nous appuyons les démarches de médiation menées par plusieurs
personnalités africaines auprès des parties ivoiriennes. Dans le
contexte de la Déclaration de Bamako, je me dois d’exprimer notre
vive préoccupation face aux violations répétées des droits de la
personne, aux appels haineux répétés et à l’impunité qui règne dans
ce pays. Les responsables des actes de violence doivent être
traduits en justice. Le gouvernement ivoirien a la responsabilité de
protéger ses concitoyens et tous les étrangers qui habitent au pays.
La Francophonie, l’Afrique, et la communauté internationale ont
besoin d’une Côte d’Ivoire en pleine possession de ses moyens, avec
des institutions stables, une économie prospère et une intégrité
territoriale respectée.
J’ai aussi parlé de progrès : l’adoption de la déclaration de
Dar-es-Salam, issue de la Conférence internationale sur la région
des Grands Lacs samedi dernier en est un, dont nous nous
réjouissons. Nous exhortons les signataires à mettre en œuvre ses
dispositions. Nous sommes sur la bonne voie. Les Africains de cette
région ravagée trop longtemps par les guerres, les pillages et des
années de mauvaise gouvernance se sont appropriés eux-mêmes les
solutions régionales qui permettront enfin de sortir des vases clos
et de faciliter les transitions indispensables. Le dialogue et la
coopération créent un climat de confiance, de sécurité et de
stabilité propice à la poursuite des transitions en cours en
République démocratique du Congo et au Burundi, à la normalisation
des relations entre les différents acteurs, et enfin, à
l’intégration régionale.
Je songe enfin au Darfour où la situation continue d’être grave.
L’effort de médiation et la présence sur le terrain de la mission de
l’Union africaine doivent mener à la cessation des sévices infligés
à la population civile.
En faisant escale à Khartoum en route vers ce Sommet, j’ai eu
l’occasion de m’entretenir avec le Président al-Bechir. Je lui ai
exprimé notre conviction que le règlement de la crise au Darfour
serait grandement facilité si les pourparlers de Naivasha
aboutissaient à une solution globale du contentieux au sud.
Je tiens à saluer l’apport des différents pays africains qui
fournissent des contingents à la mission de l’Union africaine. Je
veux souligner le rôle du Conseil de paix et sécurité de l’Union
africaine qui est le moteur de l’action de l’Union dans ce terrible
conflit. Au besoin, le Canada s’engage à former davantage de
formateurs militaires de la paix qui, à leur tour, permettront aux
forces de l’Union africaine d’accomplir au mieux leur mission.
Nous devons tous aider l’Union africaine, de même que les
organisations régionales pertinentes, à renforcer leurs capacités
d’imposition et de maintien de la paix. La crise du Darfour est liée
à la Responsabilité de Protéger, concept humanitaire à l’étude aux
Nations Unies. Nous devons nous donner les moyens d’agir. À cette
fin, je propose que nos ministres responsables se réunissent le plus
tôt possible avant le prochain sommet et se penchent sur les
problèmes de prévention des conflits et de sécurité humaine dans
l’espace francophone. Nous serons heureux d’accueillir cette
conférence de la Francophonie au Canada. La déclaration qui en
émanera irait de pair avec nos efforts en vue de consolider la
démocratie et les structures de gouvernance dans des États fragiles.
Je finirai ces remarques par Haïti, notre pays frère à tous, que
j’ai visité il y a dix jours pour y renouveler la promesse d’un
engagement durable du Canada. J’ai beaucoup insisté sur l’importance
pour les acteurs politiques et les représentants de la société
civile d’être ouverts au dialogue. J’ai souligné l’importance de la
réconciliation et de la tolérance. Cette ouverture n’est possible
que si la population peut s’exprimer sans contrainte sur l’avenir du
pays. Il est important que la population haïtienne se tourne vers
l’avenir et non vers le passé.
La paix doit revenir dans les cœurs sur l’île et la diaspora
haïtienne doit parler d’une seule voix en faveur de la paix, de la
stabilité et de la démocratie en Haïti.
La Francophonie est concrètement associée à l’effort de
reconstruction de ce pays. Je me réjouis des discussions en cours
entre le Canada, l’Union Européenne et l’Agence intergouvernementale
de la Francophonie visant un appui au secteur de la justice à Haïti.
Monsieur le Président, chers amis, je suis déjà convaincu que
Ouagadougou sera le Sommet de la Maturité, de la Consolidation et du
Développement durable. Mais ce sera aussi un sommet de vérité, un
test de leadership pour la Francophonie. Nous sommes un acteur
important sur la scène internationale. Nous devons nous donner les
moyens de notre capacité d’action.
Le Secrétaire Général de la Francophonie a eu l’amabilité de parler
du 400e anniversaire de l’implantation acadienne en Terre d’Amérique
et de la tenue du Sommet de 2008 chez nous.
Comme ce n’est plus un secret pour personne, je souhaite vous revoir
tous à Québec en 2008.
Chers amis, laissez-moi conclure en vous exprimant mon espoir que
les valeurs qui nous unissent contribuent à la paix et au progrès
non seulement dans l’espace francophone mais aussi dans le monde
entier.
Je nous souhaite un bon sommet.
Merci.
[Martin=20041130]
[lieu=qué]
[Toast porté par le Premier ministre Paul Martin en l’honneur de George W. Bush, Président des États-Unis d’Amérique ]
Monsieur le Président, Madame, permettez moi de vous souhaiter la
bienvenue au Canada.
Nous sommes réunis ce soir dans un cadre qui est spécifiquement
canadien. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous pour avoir un
aperçu de nos origines.
Voici, derrière moi, des mâts totémiques issus des cultures
autochtones du nord ouest du Pacifique. À l’étage se trouve le
parcours de notre histoire sociale, à compter du premier
établissement des Vikings sur les côtes de Terre Neuve.
Pas loin d’ici, on présente une vue d’ensemble de la Nouvelle France
– comme étaient autrefois désignés notre pays et de grandes parties
du vôtre. Tout près, l’histoire de la transmission des
communications et du commerce par les chemins de fer aux coins
reculés du jeune pays qu’était le Canada. Et au fond de ce corridor,
des articles souvenirs d’un joueur de hockey qui savait joindre
l’adresse et une passion fougueuse dans une mesure jamais connue
auparavant ni depuis – Maurice « The Rocket » Richard.
À l’extérieur, on voit la rivière d’Ottawa, où d’immenses trains de
flottage, pilotés par des bûcherons, brisaient autrefois les
rapides. Avec ce bois ils ont construit les voies ferrées, qui
s’étendaient vers le sud jusqu’au fleuve Saint Laurent et vers le
nord ouest, à l’autre bout de l’Ontario jusqu’au nord du Lac
Supérieur – et, finalement, vers l’Ouest et l’océan Pacifique.
Ces voies ferrées, comme un système nerveux vital reliant les
membres de la population de notre jeune pays en esprit et en
activité, nous ont transporté, ont contribué à notre croissance.
Elles nous ont aidé à garder le contact, nous ont donné un sentiment
d’accomplissement, ont forgé notre identité.
En effet, des deux côtés de notre frontière commune, des voies
parallèles s’étendent, un mile après l’autre, qui ont donné à nos
deux pays ce sentiment que tout est possible qui fait l’envie du
monde. De chaque côté de la frontière ont évolué de grandes nations
– indépendantes et souveraines, mais unies dans leur désir d’égalité
et de prospérité, dans leur attachement à la liberté et à la
démocratie, et dans leur détermination à bâtir un monde meilleur.
La frontière que nous partageons n’a pas été un obstacle et elle ne
doit jamais en devenir un. Elle reflète notre amitié historique et
sert de voie d’accès à notre prospérité future. Son ouverture est
signe de la confiance et de la bienveillance que nous avons
développées en tant que peuples et en tant que nations.
Le 11 septembre 2001, plus de 200 avions commerciaux ont été
déroutés vers des aéroports partout dans notre pays, du Pacifique à
l’Atlantique. Sans délai, les Canadiens ont ouvert leurs foyers et
leurs cœurs. Trois jours plus tard, le 14 septembre, 100 000
Canadiens convergeaient spontanément vers la colline du Parlement;
ce fut la manifestation silencieuse la plus importante jamais vue
dans notre capitale.
Depuis nous avons, ensemble et séparément, pris des mesures visant à
protéger notre continent et notre frontière. Mais particulièrement
remarquables sont la force et la résolution de nos citoyens, leur
capacité de s’adapter, dans la compréhension et la solidarité, pour
assurer que notre frontière demeure, aux yeux du monde, un exemple
d’ouverture au commerce et un témoignage de confiance. Pour cette
raison, notre relation, enrichie par son passé, demeure prévoyante
et vitale, axée sur l’avenir.
Monsieur le Président, nous nous sommes entretenus aujourd’hui de
questions allant du commerce et de la sécurité à la prospérité et à
l’amélioration de notre qualité de vie, de l’environnement à la
défense de l’Amérique du Nord. Nous avons discuté du monde et de
quel serait l’apport d’un nouveau multilatéralisme à l’instauration
de la paix dans des pays en difficulté. Nous avons évoqué aussi la
responsabilité que nous avons d’alléger la pauvreté et la maladie là
où elles se manifestent. Nous avons parlé de notre détermination à
mener le combat contre le terrorisme partout dans le monde.
Finalement, nous avons discuté de notre place dans la communauté
mondiale.
Monsieur le Président, l’amitié inébranlable entre nos deux nations
et entre nos peuples est source de force, de vocation et d’espoir.
Nous ne sommes pas toujours d’accord, et nous ne serons pas toujours
d’accord. Mais un esprit de renouveau anime la relation entre nos
deux pays. Nous sommes résolus aujourd’hui à bâtir un partenariat
plus éclairé, motivé par la volonté de coopérer en Amérique du Nord
et au delà de nos frontières.
C’est dans l’esprit de ce partenariat que je porte un toast à notre
amitié, au peuple des États-Unis et à vous, Monsieur, son président.
[Martin=20041130]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion du dévoilement du portrait officiel de l’ancienne Première ministre Kim Campbell]
Très honorable Kim Campbell, très honorable Joe Clark, députés et
sénateurs :
D’abord, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue au dévoilement du
portrait officiel de la 19e Première ministre du Canada, la très
honorable Kim Campbell, une femme qui a entrepris sa carrière en
tant que chargée de cours en politique, et dont l’héritage comme
première femme Premier ministre assure qu’elle fera toujours l’objet
de cours.
Il y a vingt ans, Kim Campbell était commissaire au conseil scolaire
de Vancouver. C’était sa première charge élective – et il était
évident d’après sa passion, son enthousiasme et ses compétences que
ce ne serait pas sa dernière.
En effet, en 1988, elle a été élue à la Chambre des communes, et peu
de temps après, on lui confiait un rôle dans le Cabinet fédéral,
celui de ministre d’État aux Affaires indiennes et du Nord canadien.
En 1990, elle était nommée ministre de la Justice et procureure
générale. Trois ans plus tard, elle devenait la première femme
ministre de la Défense nationale de ce pays. Puis, le 25 juin 1993,
Avril Phaedra Douglas Campbell a prêté serment à titre de Première
ministre du Canada.
J’ai trouvé, pendant les années que j’ai passées en politique,
qu’une personne révèle une bonne partie de son caractère par la
façon dont elle réagit devant l’adversité et la déception. C’est
peut être pourquoi j’ai gardé un souvenir si net des paroles qu’a
prononcées Kim Campbell le soir du 25 octobre 1993.
Cette soirée avait sûrement apporté son lot d’adversité et de
déception. Mais lorsque les résultats de l’élection ont été connus,
la Première ministre Campbell s’est levée devant la nation. Elle
souriait. Et voici les premiers mots qu’elle a dit au peuple
canadien : « Heureusement que je n’ai pas vendu ma voiture. »
Bien d’autres personnes à sa place auraient pu succomber au
désespoir, et non seulement ce soir-là, mais dans les mois et les
années qui ont suivi. Mais vous, Madame, n’avez pas réagi ainsi.
Vous avez persévéré avec grâce et bonne humeur, animée d’ambition et
de curiosité. Vous avez mené à succès une nouvelle carrière en tant
que représentante de notre pays à l’étranger et professeure à
l’Université Harvard, et vous défendez sans relâche le rôle de la
femme, que ce soit dans le cadre de la gouvernance ou dans
l’exercice du pouvoir, partout dans le monde.
À l’école Kennedy, en votre capacité de présidente du conseil pour
les femmes dirigeantes du monde, en tant que membre active du Club
de Madrid, un organisme formé d’anciens chefs d’État et de
gouvernement, vous avez apporté une contribution positive et
précieuse qui permet d’approfondir notre compréhension de la culture
politique, du pouvoir politique et du leadership dans les sociétés
démocratiques. Plus que ça, vous avez suscité la fierté des
Canadiens.
Le plus impressionnant, peut-être, est la fois où je vous ai vu
participer avec Michael Moore à une émission débat – et dans la
substance et dans le ton, vous avez plus que tenu votre bout. Même
pour une ancienne politicienne, on imagine difficilement un défi
plus formidable.
Ce corridor contient les portraits de quelques-uns des grands
dirigeants de ce pays, qui ont en commun une affection invariable
pour la politique et un amour profond du Canada. C’est un grand
privilège d’être ici cet après midi pour rendre honneur à une
pionnière qui apportera à ce corridor une présence féminine.
Il est regrettable que la très honorable Ellen Fairclough ne soit
pas ici pour participer à cette cérémonie avec nous. C’est elle, la
première femme ministre dans un gouvernement canadien, qui vous
avait passé si élégamment le flambeau lors du congrès à la direction
du Parti progressiste conservateur en 1993. Elle aurait été fière et
émue.
Madame, tout au long de votre carrière politique et par la suite,
vous vous êtes définie comme étant une femme courageuse, tenace,
optimiste et spirituelle. Et vous l’avez démontré aux moments les
plus forts de votre vie et aux moments les plus difficiles.
Au nom de tous les membres du Parlement, et de tous les Canadiens et
Canadiennes, je vous remercie des services que vous avez rendus à
notre pays et vous félicite du grand honneur qui vous est rendu
aujourd’hui.
[Martin=20041201]
[lieu=NE]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin au Quai 21]
Dans la matinée du 11 septembre 2001, tandis que se répandait la
nouvelle des attentats terroristes commis à New York et à
Washington, 224 avions commerciaux ont été déroutés immédiatement
vers 17 aéroports dans ce pays : en Colombie Britannique et en
Alberta, au Yukon et dans les Territoires du Nord Ouest, au
Manitoba, en Ontario et au Québec – mais surtout ici, vers des
pistes d’atterrissage dans la région de l’Atlantique. Ces avions
transportaient quelque 33 000 personnes, dont la plupart étaient des
Américains. Certains étaient en voyage d’affaires ou en vacances,
d’autres rentraient à la maison.
Un bon nombre d’entre eux ont appris que leur avion atterrirait à
Halifax ou à St. John’s, à Moncton ou à Stephenville, à Goose Bay ou
à Gander. À des endroits dont la plupart des passagers n’avait
jamais entendu parler. Des endroits qui restent maintenant gravés
dans leur mémoire.
La réaction ici a été immédiate, et elle a été essentiellement
canadienne. Les aubergistes ont ouvert grand leurs portes; ils
offraient des chambres gratuitement. Des résidents ont passé la nuit
debout à cuisiner pour leurs invités. Ils faisaient du porte à porte
pour trouver de la literie. Ils ont mis des affiches manuscrites
dans leurs fenêtres : “ Entrez ici prendre une douche. ”
À St. John’s, Linda Moyles a offert son propre lit à Jeannette
DeCamp, une spécialiste de l’armée américaine de la Floride qui
était enceinte de huit mois et qui avait passé sa première nuit sur
le plancher d’une église. “ Fait comme chez toi, lui a t elle dit.
La porte n’est jamais fermée à clé. ”
Ici en Nouvelle Écosse, les familles de Leah Cameron et de Donna
Popowich, qui sont voisines à Lower Sackville, ont chacune accueilli
six membres du groupe réuni pour le mariage de Tracy et de Ken
Johnson, un couple anglais qui s’en allait à Las Vegas se marier.
Tracy et Ken ont été si touchés par ce geste et par l’hospitalité
qu’il ne leur semblait pas correct de ne pas se marier ici, à
Halifax. Leah a aidé à tout préparer en seulement huit heures. Ils
se sont mariés à l’hôtel de ville.
Dans des salons partout au Canada atlantique, dans des petites
villes comme Gambo, Deer Lake, Lewisporte et Norris Arm, les gens,
hôtes et invités, ont écouté la télévision ensemble et appris les
horribles détails de cette journée la plus pénible pour les États
Unis. Dans les salles à manger, ils ont pris des repas ensemble, se
sont raconté des histoires et ont trouvé réconfort dans la compagnie
les uns des autres. Ils ont prié ensemble pendant des cérémonies
interconfessionnelles. À la suite d’un service, des Canadiens comme
des Américains ont chanté à l’unisson le Star-Spangled Banner. Des
hommes étaient émus jusqu’aux larmes.
Plus tard, après que les avions ont pris le chemin du retour, un
Texan qui avait été immobilisé dans la région de l’Atlantique
pendant plusieurs jours écrirait une lettre à un quotidien de Dallas
pour dire : “ Ces Canadiens nous ont embrassé comme des membres de
la famille. ”
C’est ainsi qu’un voisin se comporte. C’est ainsi qu’un ami se
comporte. C’est ainsi que les Américains s’étaient comporté il y
tant d’années passées, en 1917, lorsqu’un navire qui transportait
des munitions avait pris feu dans le port de Halifax et explosé,
tuant ou blessant plus de 10 000 personnes et détruisant une bonne
partie de la ville. À mesure que la nouvelle se répandait, des
Américains partout dans le nord est apportaient leur aide, rendaient
service comme ils le pouvaient. À ce jour, la population de Halifax
envoie un arbre de Noël chaque année à Boston à titre de
remerciement et d’amitié. Il est toujours installé en décembre dans
le parc Boston Common. L’arbre de cette année, une épinette blanche
de 46 pieds de Lunenburg, sera allumé demain soir.
Monsieur le Président, nous ne devons jamais oublier que le
partenariat fructueux entre nos deux pays a été forgé sur notre
grande amitié nationale et sur les valeurs que nous partageons en
tant que peuples. Nous avons en commun beaucoup plus qu’un
continent. Nous partageons de nombreux idéaux. Nous partageons le
désir de protéger et de promouvoir la liberté, la démocratie et
l’égalité. Et nous sommes inébranlables dans notre volonté
d’accroître la prospérité de nos peuples et d’améliorer leur qualité
de vie, dans notre volonté d’assurer la sécurité de l’Amérique du
Nord et de rendre le monde aussi sûr qu’il puisse l’être.
Comme tous les partenariats, comme toutes les amitiés, les nôtres
s’épanouissent mieux lorsqu’ils évoluent dans un esprit de
franchise. Nous nous parlons sans détour, comme de bons amis
devraient le faire. Notre amitié est assez forte et assez mûre, et
assez éclairée pour nous permettre d’exprimer en toute aise nos
différends à mesure qu’ils surviennent – qu’ils aient trait au
commerce ou à nos politiques étrangères.
À cet égard, nous agissons, certes, dans l’intérêt de nos citoyens.
Nous communiquons nos opinions avec passion. Mais nous ne perdons
jamais de vue notre amitié, ni la signification de cette amitié dans
un monde où les changements au sein de la communauté globale sont
une réalité constante.
Tandis que de nouveaux pays deviennent des puissances économiques,
tandis que de nouvelles menaces planent sur notre bien être
collectif, le partenariat entre les États Unis et le Canada prendra
encore plus d’importance – en termes économiques, en termes de notre
sécurité mutuelle et en termes humains. Le besoin sera plus fort de
travailler en collaboration en notre capacité de nations souveraines
et de renforcer nos liens, au pays comme à l’étranger.
Les terribles événements du 11 septembre ont redéfini de nombreuses
réalités dans le monde et sur notre propre continent. Nous sommes en
guerre contre le terrorisme, et nous sommes liés, Américains et
Canadiens, dans ce combat. De ce port, des familles et des êtres
chers ont vu partir des militaires canadiens déployés en Afghanistan
et à d’autres endroits à l’étranger.
Mais nous sommes passés par des épreuves ici aussi. D’énormes
pressions se sont exercées sur notre frontière commune. Nous sommes
préoccupés par la sécurité de notre pays. Nous devons défendre ce
continent, protéger ses frontières, garder ses ports – et le Canada
compte absolument faire ce qu’il faut.
Malgré les changements entraînés en Amérique du Nord par ces
pressions, la confiance, la bonne volonté et l’affection entre les
populations de nos deux pays n’ont jamais fléchi. À vrai dire, elles
se sont affermies.
Ensemble, nous avons pris conscience du fait que le monde a diminué
depuis le 11 septembre. Il est plus complexe, plus périlleux, plus
exigeant. Il y a près d’un siècle, des tranchées coupaient les
champs bucoliques de la France, laissant pendant de longues années
des cicatrices qui marqueraient le front de la Grande Guerre, les
terrains où tant de soldats canadiens et américains tomberaient au
nom de la liberté. Ces hommes savaient où l’ennemi se trouvait et
qui il était. L’ennemi portait un uniforme. Il se battait pour
agrandir son territoire.
Aujourd’hui, le front de la guerre s’étend des boîtes de nuit de
Bali aux cours d’école de la Russie, il passe par les gares de
l’Espagne et se rend jusqu’aux avenues de Manhattan et dans le
quotidien des Nord Américains. Il ne s’agit pas d’une guerre
conventionnelle, et l’océan ne sert plus de tampon. Nous ne voyons
pas l’ennemi. Il ne porte pas d’uniforme. Il cherche seulement à
tuer. Par conséquent, nous devons maintenir une vigilance ferme et
implacable.
Monsieur le Président, lorsque vous avez accepté l’été dernier la
nomination de votre parti, vous avez affirmé votre croyance en le “
pouvoir transformateur de la liberté ”.
Nous partageons cette conviction. Nous croyons que la liberté doit
s’inscrire et être entretenue au sein d’institutions démocratiques.
Nous croyons que la sécurité ne peut être assurée que par la liberté
de choix, l’éducation, l’initiative individuelle et l’égalité des
chances. Ces idées sous tendent notre action en Bosnie, en
Afghanistan, en Haïti et bientôt, nous l’espérons, elles motiveront
les élections au Moyen Orient et en Irak.
Nous croyons pouvoir accroître notre sécurité en encourageant une
saine gouvernance dans les États faibles, dans ceux qui ont connu
des conflits ou l’effondrement de la société civile.
Nous croyons que les États doivent accepter la responsabilité de
protéger leurs propres citoyens contre la violence ethnique et les
catastrophes humanitaires. S’ils choisissent de ne rien faire, la
communauté internationale a la responsabilité, de son côté, de
s’appliquer à trouver de nouveaux moyens, plus pertinents,
d’intervenir rapidement et de façon décisive lorsqu’une crise
éclate. C’est la raison pour laquelle le Canada met de l’avant un
nouveau concept de multilatéralisme, une initiative qui permettra,
en bout de ligne, à toutes les nations de jouir d’une sécurité
accrue dans le monde.
Monsieur le Président, dans la foulée immédiate des événements du 11
septembre, vous avez dit : “ L’Amérique a été attaquée car nous
portons le flambeau de la liberté et des possibilités le plus
lumineux au monde. Et personne n’empêchera cette lumière de briller.
”
Cette flamme brille encore avec éclat aujourd’hui. Et je tiens à
vous assurer qu’elle ne brûle pas seule. Elle est entretenue par
ceux et celles partout dans le monde qui croient à la liberté, aux
droits de la personne et à la démocratie. Elle est entretenue grâce
au soutien que nous apportons à tous ceux qui, partout dans le
monde, souffrent des ravages causés par les conflits ou, comme nous
le rappelle aujourd’hui la Journée mondiale du Sida, la maladie.
Monsieur le Président, nous vous souhaitons la bienvenue au Canada
et à la superbe ville de Halifax. Vous vous adresserez aujourd’hui
au peuple de ce pays dans un lieu qui revêt une signification
particulière dans l’histoire du Canada. Ceci est le Quai 21. Pendant
plus de quarante ans au cours du XXe siècle, près d’un million
d’immigrants sont arrivés ici; ils ont enrichi notre caractère
national et participé à l’éclosion de l’esprit multiculturel qui
définit aujourd’hui les Canadiens dans le monde.
De ce même quai durant les années quarante, quelque 500 000 membres
des forces militaires canadiennes se sont embarqués dans des navires
en direction de l’Europe, pour participer à la guerre, pour se
battre pour la liberté. Certains sont revenus au Quai 21 dans des
bâtiments hospitaliers. Mais des milliers d’autres ne rentreraient
jamais à la maison.
En ce lieu les émotions sont vives; jubilation et chagrin, sourires
et larmes; c’est un endroit marqué par de nouveaux départs et des
possibilités, par le devoir, l’engagement, la résolution et la
perte. Ce lieu, Monsieur le Président, c’est le Canada. Et c’est un
honneur de le partager aujourd’hui avec le dirigeant de notre grand
ami.
Mesdames, Messieurs, je vous présente le Président des États Unis
d’Amérique.
[Martin=20041206]
[lieu=ont]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion du dîner et de l’AGA du Conseil commercial Canada-Chine]
C’est un grand plaisir pour moi d’avoir cette occasion de rencontrer
le CCCC – les membres du milieu des affaires qui constituent un lien
si important entre le Canada et la Chine, et qui ont été nos
partenaires dans la mise sur pied de plusieurs bureaux dans les
principaux centres commerciaux du pays le plus peuplé du monde.
J’aimerais surtout, ce soir, vous entretenir de l’avenir de notre
relation économique avec la Chine. Mais permettez moi d’abord de
préciser que notre relation avec la Chine dépasse largement ce
cadre. Elle englobe non seulement des activités économiques, mais
aussi un plan d’action politique mondial, la santé publique, des
questions liées à l’environnement, les droits de la personne et la
culture. Il s’agit d’une relation qui a toujours été complexe et qui
n’a jamais été aussi importante.
C’est pourquoi je me rendrai en Chine en janvier, pour rencontrer le
Président Hu, le Premier ministre Wen et d’autres dirigeants de haut
niveau – pour discuter avec eux de nos relations bilatérales et
multilatérales, du partenariat entre nos deux pays et de la façon
dont celui-ci pourrait évoluer et s’enrichir sur tous les plans.
J’attends le plaisir de revoir un bon nombre d’entre vous, et de
rencontrer beaucoup d’autres membres, lorsque j’assisterai à un
dîner donné par le CCCC à Beijing.
Mesdames et messieurs, il est évident que des changements majeurs se
produisent déjà dans le domaine économique mondial. À mesure que
s’accroît la puissance de la Chine, il sera crucial que nous
comprenions l’effet que cela peut avoir directement sur nous de même
que sur d’autres pays dans la région.
Chose certaine : au vingt et unième siècle, le pouvoir sera réparti
d’une façon bien différente de ce que nous avons vu pendant les
cinquante dernières années. Des pays comme la Chine et l’Inde, qui
représentent à elles seules plus d’un tiers de la population
mondiale, joueront un rôle de plus en plus décisif sur la scène
internationale – des rôles que je n’aurais certainement pas pu
entrevoir lorsque je suis allé en Chine pour la première fois en
1972, à l’époque du déclin de la Révolution culturelle.
La Chine ne peut plus être considérée comme un simple marché en
essor; elle s’est imposée comme une puissance mondiale.
Qu’est ce que cela représente pour le Canada?
De nos jours, nous sommes confrontés à deux défis importants d’ordre
démographique, et la façon dont nous les relevons, en tant que
gouvernement et en tant que pays, déterminera grandement, à mon
avis, la façon dont l’histoire nous jugera.
Le premier défi se manifeste au plan national – une population
vieillissante. Nous devons nous y préparer. Et c’est ce que nous
faisons en investissant dans les soins de santé, en réformant la
péréquation, en établissant des budgets qui permettent d’éviter le
déficit, en remboursant notre dette et, pays d’immigrants que nous
sommes, en continuant d’accueillir des gens de l’Asie et de partout
ailleurs dans le monde – des gens qui contribueront à la croissance
et à la prospérité de notre pays. Ce faisant, nous agissons en
prenant nos responsabilités, tant pour notre propre compte que pour
celui des générations futures. Nous nous préparons pour l’avenir.
Le deuxième défi d’ordre démographique a trait à l’évolution du
monde que je viens de décrire – à l’émergence de nouveaux pays qui
sont de véritables puissances mondiales et ce que cela signifie pour
le Canada au regard de l’économie et de notre rôle dans le monde. Là
encore, nous devons nous y préparer. Nous devons nous y préparer en
nous affirmant sur la scène internationale, en mettant fermement de
l’avant nos valeurs, et en insistant sur un monde où une nouvelle
forme de multilatéralisme se traduira par une sécurité accrue, une
plus grande prospérité et une paix durable.
C’est ce que nous faisons lorsque nous prônons la réforme des
Nations Unies et lorsque nous proposons des rencontres régulières,
non seulement entre les représentants des principales économies
industrielles – le G7 ou le G8 – mais entre les dirigeants de vingt
pays, notamment des puissances régionales comme l’Afrique du Sud et
le Brésil, et, bien entendu, la nouvelle puissance mondiale, la
Chine. J’en ai discutée avec le Président Hu au Chili il y a deux
semaines et il était très favorable à l’idée.
Nous nous préparons aussi lorsque nous prenons les moyens de gérer
les répercussions sur la politique étrangère d’un monde en pleine
mutation, car, plus que dans quasiment toute autre économie
industrielle, le commerce international est essentiel à notre
prospérité.
Nous sommes un pays riche, notre population est bien éduquée, nous
avons un niveau de vie élevé. Mais comment pouvons nous faire, avec
une population de seulement trente deux millions d’habitants, pour
assurer le maintien de notre mode de vie et notre prospérité
continue dans un monde dominé par des géants radicalement
différents?
Comment doivent procéder nos entreprises pour réussir?
Thomas Friedman, un chroniqueur pour le New York Times, a écrit un
article récemment sur l’émergence de la Chine. Il a signalé que les
Chinois attiraient autrefois les emplois car ils concouraient vers
le bas – ils offraient une main d’œuvre à bon marché. De plus en
plus maintenant, ils attirent les emplois parce ce qu’ils concourent
vers le haut – leurs jeunes sont intelligents, bien éduqués et très
motivés.
Friedman a noté aussi que lorsque Bill Gates se rend en Chine, les
gens font la queue pendant des heures et ils se suspendent à des
chevrons pour l’écouter parler. En Chine, dit il, Bill Gates est
l’équivalent de Britney Spears. En Amérique du Nord, Britney Spears
est Britney Spears.
Personne n’a saisi les bouleversements profonds qui s’annoncent
mieux que les membres de cet auditoire. En tant que chefs
d’entreprise, vous devez vous y préparer. De notre côté, en notre
capacité de gouvernement, nous devons aussi intervenir.
Nous devons nous assurer que nos entreprises ont la capacité de
faire concurrence. Cela comprend une fiscalité compétitive. Cela
comprend aussi un système d’éducation sans pareil. C’est ce que nous
faisons lorsque nous investissons dans le développement de la petite
enfance, afin que les enfants prennent le chemin de l’école prêts à
exceller, et lorsque nous investissons dans nos villes et nos
collectivités, afin qu’elle soient notre signature dans le monde et
qu’elles puissent attirer des personnes talentueuses d’autres pays.
En versant de nouveaux fonds aux chaires de recherche et en
s’engageant à l’égard des centres d’excellence dans les universités,
le Canada indique qu’au XXIe siècle, nous continuerons de favoriser
et de cultiver l’esprit d’innovation qui contribue à faire de ce
pays un foyer de la technologie de calibre mondial et de la
créativité. Le Canada doit disposer d’un environnement propice à
l’innovation et à la recherche, inégalé dans le monde, s’il veut
être prêt à travailler avec la Chine d’aujourd’hui, voire se
préparer à la Chine de demain.
Nos préparatifs se poursuivent. Le programme de notre gouvernement
est important, nous sommes actifs dans de nombreux secteurs, mais
dans tout ce que nous faisons, un seul impératif nous guide :
veiller à ce que le Canada et les valeurs canadiennes puissent
prospérer aujourd’hui et dans l’avenir. Voilà le lien entre nos
actions, nos priorités et nos activités : construire la prospérité
pour aujourd’hui, la renforcer en vue du lendemain. Et la façon dont
nous réagissons à l’émergence de la Chine en tant que force mondiale
aidera beaucoup à déterminer si nous réussirons.
Aujourd’hui, de l’autre côté du Pacifique, la croissance des
investissements et d’audacieux changements en Chine, dans un certain
nombre de pays en Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien
commencent à transformer non seulement le commerce et le flux des
investissements, mais aussi la façon dont les gens vivent et les
possibilités qu’ils entrevoient.
La part du commerce international et le PIB de la Chine augmentent
considérablement, et des entreprises de partout dans le monde
investissent dans ce pays dans l’optique à la fois du marché
national et des marchés internationaux.
À mesure que surviennent ces changements, une évolution s’opère dans
la nature même du commerce. Des concepts et des expressions à la
mode comme « gestion de la chaîne d’approvisionnement », « livraison
dans les délais impartis » et « rajustement d’inventaire au point de
vente », qui étaient nouveaux, il n’y a pas longtemps, même pour les
spécialistes de la logistique, sont maintenant sur le point de se
transformer radicalement, tant dans le sens que dans la pratique.
Qu’est ce que cela signifie pour le Canada et pour notre économie?
La réponse, potentiellement, est « tout ». Prenons un fait simple
mais crucial : la part de la valeur d’un produit représentée par le
coût de sa fabrication est à la baisse. Ce sont peut être les
Chinois qui fabriquent un gilet, mais beaucoup d’autres personnes,
dans des postes de haute qualité, à bien d’autres endroits, gèrent
le processus. La course est lancée pour mettre au point un système
qui permettra aux préférences exprimées par les consommateurs à
Winnipeg pour des gilets rouges plutôt que bleus d’être prise en
compte, non seulement à l’usine dans le sud de la Chine, mais sur le
quai à Hong Kong et dans les gares de marchandises à Vancouver.
Pour maximiser notre part de ces emplois, il nous faut une nouvelle
stratégie qui dépasse largement notre conception traditionnelle du
commerce international et qui tienne compte du fait que la
mondialisation, ainsi que la spécialisation qu’elle exige souvent,
créeront de nouvelles possibilités pour les économies avancées comme
la nôtre. Nous devons nous y préparer.
Lorsque je me rendrai en Chine rencontrer le Président et le Premier
ministre, le ministre du Commerce international Jim Peterson sera là
également, à la tête d’une délégation de gens d’affaires canadiens.
Ce sont d’importants voyages qui auront lieu à un moment crucial.
Le ministre Peterson et vous travaillez à mettre en place une
stratégie moderne qui assurera la livraison des services dont les
entreprises ont besoin dans l’économie du XXIe siècle. Cette
stratégie doit réussir si le Canada veut être en mesure de maximiser
sa part des emplois qui apparaîtront dans le nouveau monde. Les
activités créatives, la fabrication axée sur la technologie et
beaucoup de secteurs qui relèvent de l’expertise traditionnelle des
Canadiens, allant des transports et des communications aux services
en éducation et à l’agriculture, pourraient tous profiter des
changements que j’ai décrits, et ce, pour une très simple raison. La
croissance économique en Chine et dans le reste de l’Asie se traduit
par une demande accrue pour nos produits et services.
L’admission de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce
favorise une plus grande ouverture et transparence de son économie,
laquelle sera, au fil du temps, davantage axée sur le marché. Les
débouchés pour les exportateurs canadiens n’ont jamais été aussi
prometteurs.
Mais n’oublions pas ceci : nous disposons d’une arme pas si secrète
que ça, d’un atout réel, dans cette concurrence pour le portefeuille
d’une Asie en plein essor – à savoir notre population multiethnique.
Nous comptons plus d’un million de Canadiens d’origine chinoise.
Ils réussissent dans tous les aspects de la vie, de la médecine au
génie, en passant par les domaines artistiques et la vie publique.
Ceux qui choisissent de faire carrière dans le commerce donnent un
formidable avantage aux entreprises canadiennes qui vendent des
produits en Chine et qui gèrent des filiales communes. L’ampleur de
cet avantage ne fait que commencer à se faire sentir.
Entre 1984 et la fin du siècle, 350 000 résidents de Hong Kong sont
déménagés au Canada. C’est l’équivalent de cinq pour cent de la
population de Hong Kong. En tant que Canadiens de première ou de
deuxième génération, un bon nombre d’entre eux s’applique maintenant
à la promotion du commerce, des transferts technologiques et du flux
des investissements entre le Canada et la Chine. On les retrouvent
non seulement à Hong Kong et au Canada, mais dans des villes comme
Shanghai, Guangzhou et, bien entendu, Beijing. Les nouveaux
immigrants de la Chine continentale laissent leur marque également,
en grand nombre, par exemple dans les secteurs de la technologie de
pointe et des finances.
Ces personnes et, à vrai dire, tous les Canadiens attendent avec
impatience de nous voir promouvoir vigoureusement, dans nos échanges
avec la Chine, les valeurs canadiennes fondamentales dans des
secteurs comme l’environnement et les droits de la personne. Nous
l’avons fait dans le passé, et nous continuerons de le faire. Nous
le ferons parce que nous comprenons que la défense de ces valeurs
n’est pas en contradiction avec notre programme commercial et
économique. Au contraire, elle l’appuie, car nous sommes d’avis que
la croissance d’un pays fort et stable dépend non seulement de la
prospérité économique, mais d’un environnement durable, de la règle
du droit et du respect de l’être humain.
À mesure que l’influence de la Chine s’accroît au plan économique, à
mesure qu’elle devient un acteur mondial, de nombreuses possibilités
inédites se présenteront à elle, y compris de nouvelles obligations.
L’attention de la communauté internationale s’intensifiera, tandis
que la Chine élargit ses intérêts et que les Jeux d’été 2008
approchent. La responsabilité accompagne le pouvoir et l’influence.
C’est pourquoi nous entretenons des échanges réguliers avec le
gouvernement chinois à tous les niveaux, par l’entremise du dialogue
et de la coopération pratique, sur la question des droits de la
personne. Je compte poursuivre ces échanges dans les plus hautes
instances pendant ma visite en Chine.
Notre deuxième atout, c’est la qualité de l’éducation au Canada, qui
pousse un grande nombre de Chinois soit à venir étudier au Canada ou
à fréquenter des écoles en Chine qui proposent un programme canadien
d’études. Cette ouverture à l’égard du Canada, perçu comme un choix
intéressant en matière d’apprentissage de qualité, de développement
linguistique et d’interaction culturelle, fait de la reconnaissance
de l’« image de marque » de notre pays un avantage que nous devons
consolider.
Notre troisième atout consiste en nos ressources naturelles. Il n’y
a que dix ans, on disait communément que l’ère de la croissance axée
sur les marchandises était chose du passé. Tout comme la
construction de navires en bois pour la Marine royale ne suffisait
plus à soutenir nos chantiers maritimes après le milieu du XIXe
siècle, l’opinion courante voulait que le secteur canadien des
ressources naturelles soit marginalisé dans l’économie du XXIe
siècle. Hé bien, repensez-y.
De toute évidence, les marchandises sont réapparues et la demande
est forte. Malgré la fluctuation des prix, la remarquable croissance
industrielle et de la consommation partout en Asie et dans le
sous-continent indien signifie que le Canada continuera de tirer
profit de la richesse que sont nos ressources naturelles. Cela dit,
nous ne pouvons pas nous permettre, en tant que pays, de commettre
l’erreur de penser que nous pouvons en rester là.
Certes, nous profiterons de l’exportation de nos ressources. Et oui,
comme nous l’avons vu, l’attrait de nos entreprises du secteur des
ressources grandira aux yeux des entreprises en Asie. En effet, vu
ses réserves accumulées de devises fortes, il est probable que la
Chine deviendra une source de capitaux de plus en plus importante,
tandis qu’elle tente d’obtenir les ressources dont le peuple chinois
aura besoin. Au moment de déterminer si des acquisitions de cette
nature seront accueillies favorablement au Canada, nous serons
guidés par l’impératif de veiller à ce qu’ils apportent des
bienfaits notables au Canada, tant au plan national qu’en termes de
notre portée économique à l’étranger.
Cela dit, les vraies possibilités consistent en le potentiel
d’exporter à l’étranger le savoir faire canadien – nos ressources
intellectuelles et notre expertise, car celles-ci pourraient
s’avérer être, en bout de ligne, les marchandises les plus
importantes et les plus durables que nous exportons. Aujourd’hui,
des Canadiens travaillent dans la mer de Chine occidentale et dans
le Nord-Est de la Chine dans le secteur de l’énergie, en raison de
l’expertise que notre pays a développée dans la récupération du
pétrole. Les Canadiens qui œuvrent dans le secteur minier possèdent
ce même degré d’expertise.
Bref, nous bénéficions en tant que pays lorsque nous pouvons vendre
non seulement les ressources mêmes, mais nos compétences dans la
gestion du secteur et nos capacités techniques. Mais nous ne pouvons
pas nous arrêter là, non plus.
Nous devons prendre la résolution de faire concurrence sur la scène
internationale dans le secteur manufacturier de haut niveau et dans
les services tels que les technologies environnementales et
l’innovation en médicine. Il y a des possibilités à cet égard, et le
Canada est bien placé pour les exploiter. Nous ferions bien d’imiter
le Japon, dont la reprise économique est attribuable en grande
partie au rôle joué avec succès par ses secteurs économiques avancés
dans le contexte de la croissance de la Chine.
Mesdames et messieurs, nous recherchons une relation mutuellement
bénéfique avec la Chine et avec les autres économies de l’Asie – un
partenariat qui évoluera en tenant compte des changements qui se
produisent dans la façon dont les activités économiques s’opèrent
aujourd’hui, et qui saisit les nouvelles occasions qui se
présentent.
Cette relation devra faire face à des défis, et nous travaillerons
de concert avec les Chinois sur des questions comme la protection
des investissements, la mise en œuvre complète des engagements pris
dans le cadre de l’OMC, le développement d’un système juridique plus
transparent et l’application intégrale de la règle du droit aux
litiges commerciaux. L’établissement de règles du jeu équitables
pour les activités économiques ne peut se faire du jour au
lendemain, mais nous nous attendons à des progrès constants. Une
saine gouvernance et le respect de la règle du droit dans le
commerce ont, à leur tour, un effet d’entraînement dans la société,
et nous allons encourager cela aussi.
Mais ne vous méprenez pas : une relation approfondie avec la Chine
exige une démarche globale de la part du gouvernement canadien. La
politique étrangère, plus que tout autre aspect des activités du
gouvernement, doit s’appliquer uniformément dans une grande variété
de ministères. Pour cela, il faut un cadre de référence solide et
une coordination active. Par rapport à notre relation avec la Chine,
cela veut dire que nous allons favoriser un vaste éventail de
dossiers et d’activités de manière à être perçu comme un partenaire
utile à tous les égards.
Lorsque je serai en Chine, je compte discuter avec le Président Hu
et le Premier ministre Wen de diverses questions, notamment la
réforme de l’ONU, la santé publique au plan international,
l’environnement et la lutte contre le terrorisme.
La Chine joue un rôle de plus en plus important dans les affaires
internationales, et son influence est appelée à s’étendre davantage.
Grâce à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations
Unies, la Chine est porte-parole, à bien des égards, d’une région
qui renferme plus de la moitié de la population mondiale. Elle a
beaucoup à gagner de la réussite d’une nouvelle forme de
multilatéralisme.
J’aimerais conclure ce soir sur ce dernier point. De plus en plus,
on note, dans des périodiques américains et européens qui traitent
des affaires, des références à la Chine qui attribuent son émergence
à son potentiel et au hasard, à parts égales. Notre point de vue au
Canada est différent.
Vu notre population, vu la petite taille de notre marché national,
vu notre histoire en tant que pays exportateur, en observant le
paysage mondial qui se transforme, nous ne devrions voir que des
possibilités. Tant que nous compterons parmi les populations les
mieux éduquées du monde, tant que nous nous efforcerons à améliorer
notre productivité et à tirer parti de notre ingéniosité, un
potentiel énorme s’offre à nous à mesure que s’ouvrent de nouveaux
marchés et qu’émergent de nouveaux pays, à mesure que d’autres
peuples acquièrent les moyens de participer plus pleinement à
l’économie mondiale.
Nous devons tous saisir cette nouvelle réalité – une nouvelle Chine
entretenant des rapports inédits avec un monde qui évolue – et nous
y adapter. Vous, les gens d’affaires, jouez un rôle de premier plan
à cet égard. Les entreprises canadiennes, grandes et petites,
devraient justement faire ce que vous avez fait, soit concevoir et
mettre en œuvre des stratégies visant la Chine.
De notre côté, au gouvernement, nous comptons faire notre part –
mais pour être efficace, notre engagement doit être d’une portée
vaste et profonde. C’est seulement ainsi que nous pourrons bâtir un
partenariat qui englobe la complexité et l’influence grandissante de
la Chine du XXIe siècle. C’est seulement en intervenant dès
maintenant, avec vigueur et détermination, que nous pourrons faire
en sorte que les générations futures de Canadiens et de Canadiennes
profiteront des possibilités qui se présentent dans un monde en
mutation rapide, dans une Chine en pleine croissance.
Merci.
[Matin=20041211]
[lieu=qué]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à une conférence internationale avec la diaspora haïtienne]
Monsieur le Premier ministre
Mesdames et Messieurs les ministres du gouvernement d’Haïti
Monsieur le Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies
Mesdames et Messieurs les ministres du gouvernement du Québec
Mesdames et Messieurs les représentants des pays amis d’Haïti
Compatriotes membres de la grande diaspora haïtienne au Canada et
délégués des diasporas haïtiennes ailleurs dans le monde
Distingués invités
Je tiens d’abord à vous souhaiter la plus chaleureuse bienvenue à
Montréal, ville canadienne de la plus grande concentration de la
diaspora haïtienne au pays. Plus particulièrement, je tiens à vous
remercier toutes et tous de votre présence à cet événement si
important pour faire avancer la cause d’Haïti, cause qui me tient
très à cœur.
Je voudrais profiter de votre présence ici pour souligner
l’importante contribution que votre communauté apporte à la nation
canadienne. Depuis des décennies, des générations d’Haïtiens et
d’Haïtiennes sont venus enrichir la mosaïque canadienne et jouent
aujourd’hui un rôle enviable dans tous les secteurs de notre
société. Votre intégration parmi nous a permis de tisser des liens
uniques entre le Canada et Haïti.
Ce profond attachement entre les populations d’Haïti et du Canada,
et tout particulièrement du Québec, s’est exprimé de manière marquée
par une solidarité spontanée au moment de la tragédie des Gonaïves.
Je voudrais féliciter tous ceux et celles qui ont fait preuve de
cette compassion qui est l’un des fondements de notre identité
collective.
Il y a un an presque jour pour jour, je prenais mes responsabilités
de Premier ministre du Canada. Dès ce moment, je signalais
clairement mon intention de faire en sorte que le Canada assurerait
un rôle de leadership au plan de l’appui international nécessaire à
la construction d’un projet de société en Haïti. Dès les premiers
jours de crise qui ont frappé le pays au début de mars cette année,
le Canada est passé à l’action en envoyant une force de
stabilisation significative pendant six mois.
Depuis juillet, le Canada a déployé plus de 100 policiers au sein de
la force multinationale de maintien de la paix. Le Canada s’est
également joint au gouvernement provisoire et aux différents joueurs
de la communauté internationale pour définir un vaste cadre de
coopération intérimaire.
Et dès juillet, nous annoncions un appui massif de 180 M $ à ce même
cadre de coopération intérimaire qui vise à mettre en place un plan
de reconstruction en Haïti, mais aussi d’y bâtir un ordre
démocratique. D’ailleurs, le Canada va jouer un rôle central dans
l’appui au processus électoral en 2005. Le Canada va aussi se
joindre aux efforts visant à supporter les grands travaux créateurs
d’emplois.
Et depuis la conférence de Washington en juillet dernier, au sein de
tous les forums internationaux, avec tous nos partenaires, nous
n’avons cessé de discuter et signaler notre intérêt à l’égard de
notre pays frère si important dans l’hémisphère. D’abord, tôt cet
automne, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York,
j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec de nombreux leaders du monde
entier sur Haïti. Le 14 novembre dernier, avec une dizaine de
parlementaires canadiens, j’ai visité Haïti. Nous avons pu engager
un dialogue franc et direct avec non seulement les membres du
gouvernement provisoire mais aussi avec les représentants réunis de
de la société civile et de tous les principaux partis politiques,
incluant Lavalas.
Les messages que nous y avons laissés soulignaient l’importance
fondamentale du dialogue national et de la mobilisation pour la
reconstruction et pour l’ordre démocratique. Nous avons dit qu’il
faut bâtir sur l’avenir et non pas sur la nostalgie du passé. Nous
avons également renforcé l’engagement d’un appui canadien à long
terme.
De passage au Brésil, notre délégation a salué l’engagement
formidable du gouvernement du Président Lula à la tête du contingent
de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSTAH. Et puis, au
Sommet de la Francophonie, au Burkina Faso, nous avons appuyé
l’engagement international vis à vis d’Haïti, dans la déclaration de
Ouagadougou, mais aussi en initiant, avec d’autres partenaires au
sein de la Francophonie, des projets concrets d’appui aux réformes
judiciaires en Haïti.
Le Canada va contribuer avec l’Union Européenne et l’Organisation de
la Francophonie à améliorer le système judiciaire. Plus
spécifiquement, ce projet soutiendra la formation de magistrats. Il
développera et renforcera les capacités des tribunaux de paix. Il
développera un système de médiation et de formation de juges
médiateurs. Il instaurera une Cour des petites créances et cherchera
à moderniser la procédure pénale. Le Programme soutiendra également
la préparation et publication d’une Revue générale du droit haïtien
et des arrêts de la Cour suprême.
Aujourd’hui, Haïti se trouve à nouveau à la croisée des chemins.
L’occasion s’offre d’un nouveau départ, d’une reconstruction fondée
sur l’État de droit, la démocratie, la sécurité et l’accès à des
conditions de vies décentes pour tous les Haïtiens et Haïtiennes. Le
Canada entend être aux côtés des Haïtiens et Haïtiennes pour les
aider à relever ce nouveau défi sous la conduite du gouvernement de
transition. En raison de leur engagement constant, les communautés
haïtiennes du Canada et des autres pays doivent jouer un rôle
central dans la reconstruction d’Haïti.
Ce que je vous propose aujourd’hui est de devenir des partenaires
privilégiés de cette reconstruction et de l’action que mènent le
Canada et d’autres pays en Haïti. Voici ce que nous allons faire.
Dans le domaine de l’éducation et de la santé, nous avons déjà fait
beaucoup en collaboration avec La Fondation Gérin-Lajoie, Tecsult,
CAC, CECI et plusieurs autres organisations, dont le Rassemblement
des organisations Canado-haïtiennes pour le développement. Nous
allons encore bonifier nos appuis dans ces domaines vitaux pour
l’avenir d’Haïti.
Dans le domaine de la gouvernance politique, nous contribuerons avec
d’autres pays à financer les coûts des élections en 2005. Nous
allons aussi accompagner le processus électoral avec les Nations
Unies et l’OÉA.
Dans le domaine de l’énergie, grâce à ce que nous avons réalisé à
Jacmel avec la collaboration d’Hydro Québec où depuis maintenant 6
ans, il y a de l’électricité 24 heures sur 24, nous allons bâtir sur
ce succès et adapter le modèle à d’autres villes secondaires du
pays.
Nous appuyons déjà fortement la police et allons encore faire
davantage. En plus de l’initiative en matière de justice dont j’ai
déjà parlée, nous réhabilitons des palais de justice et appuyons des
organisations impliquées dans la promotion des droits de la personne
et plus particulièrement les droits des femmes. A la demande du
Premier ministre Latortue, nous considérons aussi la possibilité de
financer la « route du rail » qui permettrait une deuxième sortie de
Port-au-Prince vers le sud. Nous sommes aussi venu en aide aux
populations victimes de catastrophes humanitaires.
Depuis l’année 2004, le Canada a consacré 15 millions de dollars en
aide. Ceci étant dit, et quoi que je sois convaincu que la
communauté internationale fera des efforts considérables pour venir
en aide à Haïti, elle ne pourra accomplir ses engagements sans
l’existence d’une réconciliation nationale entre tous les Haïtiens.
L’un ne peut pas aller sans l’autre. C’est la responsabilité
première.
Je sais à quel point vous êtes prêts à contribuer à la sécurité, au
désarmement, à la reconstruction économique ainsi qu’à la
réconciliation et à la relance du processus démocratique haïtien. La
violence est un sérieux frein à l’amélioration des conditions de vie
de tous les Haïtiens. Il est urgent d’entreprendre des mesures pour
assurer la sécurité par le désarmement. Cependant, la MINUSTAH ne
peut réussir seule. Le succès de son mandat dépend d’une
coordination efficace avec une force policière haïtienne et un
système judiciaire renforcé, efficace et intègre.
La population attend impatiemment des résultats concrets. Il est
urgent maintenant de passer à l’action afin de répondre aux attentes
des Haïtiens et des Haïtiennes. Ces défis ne peuvent être relevés
sans une réconciliation nationale impliquant l’ensemble des acteurs
de la société haïtienne, y compris le parti Lavalas. Il s’agit d’une
étape incontournable pour assurer la relance du processus
démocratique.
La démocratie est un droit pour chaque citoyen haïtien. Elle est une
condition absolument nécessaire pour améliorer le bien-être
économique et social de chaque citoyen. Les élections de 2005
doivent être le symbole de cette démocratie recouvrée. Il y a de la
place pour tous dans cette entreprise mais pour réussir, il est
essentiel que les partis politiques et la société civile laissent de
côté les rancœurs du passé. Il faut regarder plutôt vers l’avenir
afin de sortir Haïti de la spirale de la violence et de la pauvreté.
L’avenir du pays appartient d’abord aux Haïtiennes et aux Haïtiens
eux-mêmes. C’est à eux tous, qu’il revient de dégager un consensus
sur les valeurs, de créer les institutions et de former la société
qui amèneront la sécurité, l’harmonie et la prospérité.
Je réitère aujourd’hui non seulement l’appui du Canada envers Haïti
pour le long terme, mais aussi mon engagement à appuyer vos efforts
et votre contribution dans cette entreprise. Je suis certain que les
discussions et les travaux que vous vous apprêtez à entamer
aujourd’hui, vont porter sur les questions fondamentales. Les
réponses que vous apporterez feront partie de notre réflexion, car
votre contribution est essentielle. Vous êtes la voix du cœur et de
la raison. Je suis convaincu que vous tous, de la diaspora, disposez
de possibilités uniques pour apporter une contribution formidable
aux efforts de reconstruction en Haïti, au-delà même de votre apport
financier déjà exceptionnel à votre pays d’origine.
Je ne saurais dire assez toute mon admiration pour cet apport et
pour votre détermination à jouer un rôle historique pour votre pays.
Je souhaite que cette réunion puisse déboucher sur des propositions
concrètes d’action, des projets et des mécanismes qui permettront
d’encadrer et de multiplier les efforts pour mettre en oeuvre les
objectifs du cadre de coopération intérimaire.
Je vous remercie beaucoup.
[Martin=20041229]
[lieu=ottawa]
Partout au pays, les Canadiens sont bouleversés par le
nombre de victimes associé au désastre d’Asie du Sud et du
Sud-est, et tous souhaitent faire leur part pour aider. Des
milliers de Canadiens ont été personnellement affectés par
cette tragédie. La dévastation est telle qu’il faudra
travailler ensemble dès maintenant et à long terme afin
d’offrir les secours nécessaires et de répondre aux besoins
humanitaires et de reconstruction.
J’ai exprimé mes condoléances aux dirigeants des pays les
plus affectés et j’ai mandaté Bill Graham, ministre de la
Défense nationale ainsi que Ujjal Dosanjh, ministre de la
santé, pour coordonner la réponse fédérale. Les ministres
Pettigrew et Carroll ont été immédiatement rappelés au Canada.
Le ministère des Affaires étrangères, l’Agence canadienne de
développement international, Citoyenneté et Immigration Canada
ainsi que Sécurité publique et Protection civile Canada sont
parmi les organismes fédéraux offrant de l’assistance. De
plus, le gouvernement fédéral mettra immédiatement de l’avant
les mesures suivantes :
Au total, 40 millions de dollars ont été débloqués pour
répondre aux besoins les plus immédiats : 4 millions de
dollars ont déjà été annoncés. Les ministres Pettigrew et
Carroll annonceront cette semaine 20 millions de dollars de
mesures additionnelles. Le reste de l’argent et possiblement
d’autres fonds seront affectés selon l’évaluation de la
situation sur le terrain;
un deuxième avion de la Défense nationale a été déployé dans
la région et transporte à son bord du matériel d’urgence
incluant du matériel qui servira à purifier l’eau en
Indonésie;
une équipe multidisciplinaire a été envoyée dans la région
pour analyser la situation et émettre des recommandations sur
l’aide additionnelle que le Canada pourrait offrir, y compris
le déploiement possible de l’Équipe d’intervention en cas de
catastrophe (DART).
du personnel consulaire additionnel et des ressources ont été
affectés à la région pour porter assistance aux Canadiens qui
pourraient être touchés ;
en réponse aux besoins identifiés par les agences humanitaires
internationales, le gouvernement explorera la possibilité
d’établir des partenariats entre les secteurs public et privé
;
Le Canada s’engage à coordonner ses efforts ici et à
l’étranger pour faire face à cette crise. Nous travaillerons
étroitement avec les pays affectés, les agences
internationales et nos partenaires non gouvernementaux en qui
nous avons confiance pour faire en sorte que l’aide que nous
apportons soit efficace.
[Martin=20050108]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la cérémonie nationale tenue en l’honneur des victimes des séismes et des tsunamis en asie]
Excellence Madame la Gouverneure générale, Excellence Monsieur
l’Ambassadeur Miranda, dirigeants spirituels, chers Canadiens et
Canadiennes
Partout en Asie du Sud et du Sud Est, le long de la côte est de
l’Afrique, des villes et des vies humaines ont été balayées. La mer
s’est transformée en cimetière. Nous sommes un peuple et un monde
unis dans le deuil et déterminés à prêter assistance. En cette heure
sombre, c’est l’humanité qui éclaire le monde.
Nous nous retrouvons devant un tableau où figurent perte et
dévastation. Nous éprouvons un besoin profond de tendre la main, de
réconforter ceux qui ne peuvent être réconfortés, de combler un vide
dans les familles qui ne sera jamais comblé. Nous pleurons leurs
morts. Nous voulons les arracher à leur désespoir et leur donner de
l’espoir. Nous voulons éliminer leurs souffrances et leur apporter
la paix.
Nous rendons hommage aux travailleurs humanitaires – ceux qui sont
sur le terrain et ceux qui, d’ici, conjuguent leurs efforts afin de
donner aux personnes qui sont sans recours l’essentiel pour vivre.
Nous rendons hommage aux militaires de nombreux pays, aux membres
des Forces canadiennes qui ont été déployés sur la côte est du Sri
Lanka et aux policiers canadiens envoyés en Thaïlande. Nous nous
émerveillons des actes de charité, de l’extraordinaire bonne volonté
dont le monde fait preuve—que le président de l’Indonésie a
qualifiée de « manifestation d’unité mondiale ».
Ici au Canada, de par la nature de notre pays, l’effet des raz de
marée mortels en Asie se fait sentir dans le deuil de ceux qui ont
perdu un ou plusieurs membres de leur famille et dans l’angoisse des
nombreuses personnes qui attendent toujours des nouvelles. Dans les
villes et les collectivités d’un bout à l’autre de ce pays, la
douleur que ressent l’Asie du Sud s’est fait nôtre.
Des milliers de Canadiens provenant des treize pays touchés sont
bouleversés par les dévastations qui affligent les pays qu’ils ont
quittés, mais dont ils ne sont jamais vraiment partis. D’autres
prient pour des amis, des collègues, des êtres chers qui étaient en
vacances ou qui travaillaient dans la région. Tant de personnes ont
subi une perte. Cette tragédie se traduit par d’innombrables deuils.
Le tsunami a monté dans l’océan Indien au moment où beaucoup de
Canadiens s’asseyaient à table pour prendre le repas de Noël.
Certains décrivent la mort et les dommages qui ont suivi comme étant
le premier désastre d’ordre véritablement international à se
produire dans un monde que nous apprenions enfin à connaître – un
monde où les images choquantes de destructions lointaines pénètrent
instantanément nos foyers. Une planète qui intimidait autrefois le
plus intrépide des explorateurs, un monde perçu jadis comme étant
incroyablement vaste sont devenus une collectivité étroitement liée.
Les océans nous séparent peut être de l’Asie du Sud, mais nous
formons une famille.
Nous sommes aujourd’hui, en ce moment, liés par la compassion. Et
nous devons entretenir ce lien. Nous devons dire à ceux qui sont
dans la détresse, à ceux qui possèdent si peu de biens matériels et
qui éprouvent une douleur insupportable, nous devons leur dire que
notre résolution est inébranlable. Que nous serons du combat pour
les aider à se relever. Que nous les accompagnerons – aujourd’hui,
demain et après demain, nous serons là le temps qu’il faudra.
D’innombrables comptes rendus nous sont parvenus de l’Asie du Sud au
cours des deux dernières semaines. Un reportage en particulier
revient souvent dans mon esprit.
Le long de la côte sud du Sri Lanka, l’église Our Lady of Matara a
été construite de l’autre côté d’un chemin étroit qui la sépare de
l’océan. Cette église est renommée partout dans le pays pour sa
petite statue de Marie et de l’Enfant Jésus. Les fidèles effectuent
depuis longtemps des pèlerinages pour voir cette sculpture, qui a
été tirée de la mer par des pêcheurs il y a quelque cinq siècles.
Ce matin-là du 26 décembre, on passait tout juste à la communion
lorsque les raz de marée ont déferlé sur l’église. Les paroissiens
étaient si près de la mer qu’ils n’ont eu aucun avertissement. Au
moins dix-sept personnes ont trouvé la mort dans ce sanctuaire, où
elles étaient venues prier Dieu.
Le pasteur a survécu. Il s’est débattu pour sauver la statue, mais
un mur d’eau l’a emportée. D’après son histoire, la statue avait
déjà été perdue deux fois; dans un cas, elle avait été égarée
pendant de nombreuses années, dans l’autre, elle était disparue en
mer à la suite d’un naufrage. Les deux fois, on l’a retrouvée. Et
les événements devaient se répéter. Trois jours après le tsunami, la
petite statue a été retrouvée, intacte, dans un jardin du voisinage.
Le pasteur a dit de la ressemblance avec Marie : « Elle est venue de
la mer. Elle sait nager. »
En tant qu’être humain, en tant que croyant, je ne sais pas vraiment
que penser de tout cela. Il est bouleversant d’imaginer l’horreur
qui a dû s’abattre sur ces lieux des plus sereins. Et pourtant,
chaque fois que j’y pense, j’y trouve un certain espoir, le
sentiment renouvelé que la vraie foi est inébranlable, éternelle.
Car il est instinctif, chez l’être humain, de chercher une lueur
d’espoir même dans les circonstances les plus terribles et les plus
sombres.
Nous notons cet instinct dans la réaction suscitée à l’intérieur de
nos propres frontières. À Thunder Bay, deux jeunes garçons, âgés de
cinq et de sept ans, ont décidé eux mêmes de remettre les cadeaux en
argent qu’ils avaient reçus à Noël – un total de 50 $ – à la Croix
Rouge. À Lennoxville, au Québec, un garçon âgé de dix ans a réussi,
en faisant du porte à porte dans sa collectivité, à recueillir plus
de 1000 $. Un enfant à Halifax a donné sa tirelire et les 8,53 $
qu’elle contenait. À Mission, en Colombie Britannique, une fillette
âgée de sept ans qui épargnait son argent depuis deux ans pour
s’acheter un chien a décidé plutôt de donner le montant économisé,
400 $, aux victimes des tsunamis.
Bon nombre de nos enfants prennent conscience pour la première fois
du monde qui les entoure. Ils constatent que nous sommes, et serons
toujours, à la merci des éléments naturels qui échappent à notre
contrôle. Ils sont témoins non seulement de la destruction et de la
misère laissées par les raz de marée meurtriers, mais aussi du
caractère rudimentaire de la vie de beaucoup de personnes sur la
Terre.
Nos enfants commencent à comprendre que notre propre fortune est née
sous le signe de la prospérité. Ils s’étonnent devant les avantages
et les merveilles qui caractérisent notre place dans le monde. Et
certains d’entre eux réfléchissent sûrement aux responsabilités qui
devraient accompagner tels bienfaits.
Ils ne sont pas seuls. Nous, les habitants des pays développés,
regardons le monde et sommes confrontés, dans certains cas pour la
première fois, aux vrais écarts de richesse, de possibilités et,
trop souvent, de la chance et de la providence. Nous avons un aperçu
de la nature précaire d’un si grand nombre de vies. Un aperçu qui
peut être dérangeant.
De quelle façon les jeunes d’aujourd’hui interagiront-ils avec le
monde de demain? Le tsunami aura peut être été un événement
formateur, qui influencera leurs vues et guidera leurs croyances.
Ils seront peut être déterminés, plus que n’importe quelle autre
génération, à intervenir lorsque le besoin s’en fera sentir et à
améliorer le destin des milliards de personnes laissées pour compte
– à être non seulement de bons citoyens, mais de bons citoyens du
monde. Par les gestes que nous posons, par l’action du gouvernement,
de mères, de pères, de grands parents, nous devons nous appliquer à
laisser un héritage empreint de compassion dont ils seront fiers et
qu’ils voudront enrichir.
Ces pensées me sont venues à l’esprit pendant que je regardais les
images d’une commémoration qui a eu lieu la semaine dernière à
Phuket. Vers la fin de la cérémonie, de nombreux membres de
l’assistance ont allumé des lanternes en papier et les ont lâchées.
Les lanternes se sont envolées vers le ciel dans la nuit. Elles
montaient lentement, doucement. Les gens étaient incapables d’y
arracher leur regard – de se détourner de ces taches délicates et
élégantes de lumière et d’espoir qui contrastaient avec la dure
noirceur de l’angoisse.
Il peut paraître futile de chercher un espoir au sein d’un tel
désespoir. Mais en songeant à la générosité que montre le monde
entier, en songeant aux jeunes enfants si désireux de remédier aux
souffrances de personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées et qui
vivent dans des lieux dont bon nombre n’avait jamais entendu parler,
non seulement nous cherchons cet espoir, mais nous le trouvons.
[Martin=20050421]
[lieu=ottawa]
[ ALLOCUTION DU PREMIER MINISTRE PAUL MARTIN DEVANT LA NATION]
Bonsoir.
Je m’adresse à vous directement ce soir, pour vous parler des
problèmes qui ont surgi du programme des commandites, de la
façon dont j’y ai fait face en tant que Premier ministre et du
moment du déclenchement des prochaines élections.
Comme nous le savons, ce qui s’est passé avec les commandites
est survenu sous un gouvernement libéral.Les politiciens qui
étaient au pouvoir à ce moment doivent être imputables, Et je
m’inclus dans ce groupe.
J’étais le ministre des finances. À la lumière de tout ce
qu’on a appris depuis un an, je suis désolé que nous n’ayons
pas été plus vigilants, que je n’ai pas été plus vigilant.
L’argent des contribuables a été mal utilisé et mal dépensé.
C’est inacceptable. Voilà pourquoi l’an dernier, j’ai présenté
mes excuses aux canadiens.
Mais assumer une responsabilité n’est pas qu’une simple
affaire de mots. Laissez-moi vous décrire de quelle façon, à
titre de premier ministre,j’ai réagi au scandale de
commandites,comment je me suis assuré qu’une telle chose ne se
reproduise plus jamais et ce que j’ai fait pour permettre
d’identifier et de punir ceux qui ont profité du système.
Le 12 décembre 2003, journée à laquelle je fus assermenté
comme premier ministre, j’ai annulé le programme des
commandites. Ce fut mon premier geste officiel, comme Premier
ministre.
Lorsque la Vérificatrice générale a rendu public son rapport,
j’ai agi immédiatement en ordonnant la tenue d’une commission
d’enquête indépendante et en nommant le juge Gomery. Son
mandat est d’aller au fond de cette histoire et de conduire
ses travaux de manière publique et transparente. La commission
fera rapport avant la fin de l’année.
Vous conviendrez sûrement avec moi que le juge Gomery déploie
tous les efforts nécessaire afin de faire toute la lumière.
J’ai aussi congédié Alfonso Gagliano, alors ministre
responsable du programme des commandites, de son poste
d’ambassadeur au Danemark.
J’ai ordonné la mise en place de nouveaux mécanismes de
contrôle des dépenses au sein de chacun des ministères
fédéraux, sans exception.
Mon gouvernement a présenté un projet de loi afin de permettre
aux fonctionnaires d’être protégés et non punis, lorsqu’ils
mettent en lumière des actes répréhensibles.
Dans le but de récupérer les fonds publics versés de façon
inappropriée, j’ai ordonné que mon gouvernement intente des
poursuites judiciaires à l’égard de 19 individus et sociétés
pour un montant de plus de 40 millions de dollars.
Je me suis engagé à donner suite aux recommandations que le
juge Gomery présentera dans son rapport final. Et comme vous
le savez, j’ai moi-même comparu devant la commission et j’ai
répondu à toutes les questions.
Enfin, j’ai ordonné que des vérificateurs judiciaires
entreprennent un examen complet des livres du Parti libéral et
j’ai demandé à la GRC de faire enquête sur ce qui s’est passé
durant cette période.
Permettez-moi d’insister sur ce point: si un seul dollar a
fait son chemin, de façon inappropriée, vers les coffres du
Parti libéral il sera remboursé aux Canadiens et Canadiennes.
Je ne veux rien savoir de cet argent.
En tant que premier ministre, je n’hésiterai jamais à décrire,
dans les termes les plus francs, ce qui s’est passé dans le
programme des commandites.Il s »agit d’un gachis injustifiable
et je vais le nettoyer.C’est à moi de le faire. Je suis en
train de le faire. Je suis prêt à être jugé sur les actions
que j’aurai prises.
Au cours des dernières semaines, les réactions engendrées par
la commission d’enquête ont donné lieu à des spéculations sur
la tenue d’élections générales. C’est dorénavant tout ce qui
anime les discussions politiques, du moins ici, sur la colline
du Parlement.Les initiatives gouvernementales visant à
améliorer le système de santé, à renforcer notre économie et à
assurer que le Canada joue un rôle de premier plan sur la
scène mondiale ont été mises à l’arrière plan, laissant la
place à des manœuvres partisanes.
En somme, le Parlement que vous avez élu il y a moins d’un an
est beaucoup plus préoccupé en ce moment, par des rumeurs
d’élections et des stratégies politiques que par le travail
que vous nous avez donné le mandat d’accomplir.
Il est important, pendant que les canadiens suivent les
différents témoignages à la commission d’enquête, de ne pas
perdre de vue les raisons pour lesquelles la commission prend
place devant un juge.
Compte tenu de tous les témoignages contradictoires, seul le
juge Gomery est à l’abri des interférences politiques. Seul le
juge est en mesure de faire la part des choses. Lui seul, sera
capable de nous dire ce qui est vraiment arrivé et qui est
responsable.
Nous sommes conscients que les partis d’opposition peuvent
défaire le gouvernement et causer une deuxième élection
générale en moins d’un an.
Je suis prêt à me soumettre au jugement des canadiens sur le
leadership dont j’ai fait preuve devant cette affaire.
J’assumerai ma responsabilité de premier ministre. Mais je
crois qu’avant que des élections soient déclenchées, vous avez
le droit d’obtenir des réponses. C’est ce à quoi le juge
Gomery s’affaire. Vous avez droit à un compte-rendu complet,
avec tous les faits. Lorsque l’on met en place un processus
visant à rendre justice et à établir la vérité,
il est essentiel d’aller jusqu’au bout, rien de moins.
Pour cette raison, je m’engage ce soir, devant vous, à
déclencher des élections générales dans les trente jours
suivant la publication du rapport final du juge Gomery.
Laissons le commissaire faire son travail et présenter les
faits. Ensuite, les Canadiens se prononceront.
Si l’opposition nous précipite dans une élection avant cela,
ça sera son choix.Mais je crois qu’il y a mieux à faire. Je
crois que nous devons, que nous avons l’obligation, durant les
prochains mois, de s’occuper de la conduite des affaires
publiques. Nous devons agir sur les questions qui ont le plus
d’importance pour vous, qui font une différence dans votre
vie, qui la rendent meilleure.
Si les prochaines élections doivent en partie porter sur la
commission Gomery, alors vaut mieux qu’elles aient lieues
lorsque le juge aura complété ses travaux.
En terminant, je sais qu’il y a des gens qui pensent que je
n’aurais pas dû créer cette commission d’enquête. Que je
n’aurais pas dû exposer mon gouvernement aux coûts politiques
inhérents à ce qui a été mis en lumière. Certains prédisent
même, que nous en payerons le prix lors des prochaines
élections.
C’est possible, mais j’ai confiance dans votre jugement. Et je
ne porterai jamais déshonneur à la fonction que j’occupe en
tentant de cacher ou de diminuer la portée de gestes aussi
offensants, j’ai trop de respect pour ce parlement.
Quand j’étais jeune, je vivais pratiquement ici. Mon père a
servi comme ministre dans quatre gouvernements libéraux
différents. Il m’a enseigné que ceux qui se dévouent à la
chose publique ont le devoir de protéger l’intégrité du
gouvernement.
Je m’engage, devant vous ce soir, à respecter cet idéal. Je me
suis impliqué en politique parce que j’avais confiance que le
gouvernement est là pour le bien-être des Canadiens. Et je
ferai tout en mon pouvoir comme premier ministre pour que
votre gouvernement mérite votre respect.
La décision finale vous appartiendra.
Merci et bonne soirée.
[Martin=20050304]
[lieu=ottawa]
[ALLOCUTION DU PREMIER MINISTRE PAUL MARTIN AU CONGRÈS BIENNAL]
C’est la première fois que nous avons l’occasion de nous
rassembler depuis la campagne électorale. Quand j’y repense,
je me dis que pendant les deux dernières semaines, nous avons
eu bien du plaisir. Ce n’était pas la même chose pendant les
deux premières ! Car c’est pendant ces deux dernières semaines
que vous êtes tous montés au filet avec la détermination dont
vous êtes capables. C’est pendant ces deux semaines que vous
avez fait des efforts redoublés – les candidats sont allés
frapper à plus de portes, les bénévoles ont donné leur temps
sans compter. Et grâce à cet effort, grâce à vous, les
Canadiennes et les Canadiens nous ont confié, à nous, la tâche
de former le gouvernement. Et maintenant, c’est une tâche à
laquelle nous nous consacrons pleinement. Ensemble, nous
faisons progresser le Canada.
Trop de femmes et d’hommes compétents, de bons amis, de bons
députés, de bons candidats n’ont pas pris ou repris leur place
après les élections. Mais ce soir laissez moi vous dire ceci :
nous sommes déterminés à ce que ces libéraux, et beaucoup
d’autres, fassent leur entrée dans la Chambre des communes la
prochaine fois.
Rappelez vous : il y a moins d’un an, nous étions en campagne.
Nous avons fait des promesses à nos concitoyens. Nous leur
avons demandé de choisir le Canada qu’ils veulent. Nous leur
avons proposé un plan pour les aider à exploiter à fond leur
potentiel. Et nous avons livré la marchandise, ce qui nous a
permis de dire et de répéter aux Canadiennes et aux Canadiens
: « Promesse faite, promesse tenue ! »
Nous avons promis de conclure un accord visant à améliorer les
soins de santé – et nous l’avons fait. Finies les chicanes
pour de l’argent qui se répétaient année après année. Nous
nous sommes mis d’accord avec les provinces et les territoires
pour appliquer un plan de réforme sur dix ans, un plan qui va
nous permettre de réduire les temps d’attente, de fournir
davantage de soins à domicile et de garantir aux Canadiennes
et aux Canadiens l’accès à des soins de qualité quand et où
ils en auront besoin. Promesse faite, promesse tenue !
Nous avons promis d’investir dans nos villes et dans nos
localités – et nous l’avons fait. Nous avons mis en place un
régime qui assurera à toutes nos municipalités, quelle que
soit leur taille, les fonds dont elles ont besoin pour être
des endroits où il fait bon vivre, des endroits où l’on est
bien pour travailler, des endroits où l’on est bien pour
élever des enfants. Promesse faite, promesse tenue !
Nous avons promis d’augmenter le Supplément de revenu garanti
pour améliorer la qualité de la vie de nos aînés – et nous
l’avons fait. Promesse faite, promesse tenue !
Nous avons promis d’améliorer la péréquation – et nous l’avons
fait. Ce sont les améliorations les plus fondamentales
apportées depuis 50 ans. Maintenant, les gouvernements ont de
meilleurs moyens pour fournir les services sociaux et
l’éducation. Promesse faite, promesse tenue !
Nous avons promis d’aider le Québec à mettre en place son
nouveau programme de congés parentaux – et nous l’avons fait
cette semaine. Promesse faite, promesse tenue !
Nous avons promis de donner à la Nouvelle Écosse et à Terre
Neuve et Labrador la possibilité de jouir davantage de leurs
ressources extra côtières – et nous l’avons fait. Promesse
faite, promesse tenue !
Nous avons promis d’investir 5 milliards de dollars dans
l’éducation préscolaire et les garderies. Nous avons promis de
doter notre armée des ressources dont elle a besoin pour
grossir ses rangs et évoluer. Nous avons promis d’augmenter
notre aide humanitaire et d’être plus solidaires des plus
pauvres et des plus démunis de la planète. Nous l’avons promis
et nous l’avons fait. Promesse faite, promesse tenue !
Si l’on songe à tout ce que représentent ces actions, c’est
clair, notre gouvernement fait bien plus que simplement tenir
parole. Les priorités que nous choisissons, les choix que nous
faisons le démontrent : notre volonté de préparer, pour le
Canada, un avenir plein de promesses ne faiblira jamais. C’est
une déclaration que notre gouvernement sera infatigable dans
sa détermination à faire des progrès véritables et tangibles
pour les Canadiennes et les Canadiens. Nous voulons faire de
notre grand pays, un pays encore meilleur.
Pourquoi sommes nous déterminés à agir dans le dossier des
garderies ? Parce que beaucoup de parents ont de la difficulté
à trouver une bonne garderie – un milieu où leurs enfants
pourront s’épanouir. Un système national d’éducation
préscolaire et de garderies est un investissement au bénéfice
de la famille. Et c’est un investissement dans notre avenir
collectif.
Un bon départ dans la vie est garant de la future réussite de
nos enfants. Investissons dans nos enfants quand ils sont
encore tout jeunes, donnons leur la chance de s’épanouir
pendant ces cinq à six premières années, et ils entreront à
l’école prêts à apprendre et à réussir. Et ils auront une
longueur d’avance dont ils bénéficieront toute leur vie. C’est
le genre d’initiative qu’on prend lorsqu’on croit à la justice
sociale et à l’égalité des chances, des valeurs qui sont notre
marque, à nous, les libéraux, et que partagent toutes les
Canadiennes et tous les Canadiens.
On investit dans l’environnement. Nous sommes fiers, en tant
que libéraux, du budget de Ralph Goodale. Mais rien ne m’a
rendu plus fier que d’entendre dire que ce budget était le
plus « vert » que le Canada ait jamais eu.
Nous allons créer un environnement plus sain et une économie
plus forte, pour faire du Canada un endroit encore meilleur où
vivre. C’est ce qu’on appelle le Projet vert. C’est un projet
national qui rassemblera les gouvernements, les ONG, les gens
d’affaires et toute la population pour bâtir un avenir plus
durable. C’est un investissement dans les générations à venir.
Et maintenant, nous allons encore plus loin. Nous allons
recevoir le monde entier à Montréal cet automne pour la
Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques.
Ce sera l’occasion de franchir la prochaine étape d’une vaste
action internationale pour réduire les gaz à effet de serre.
Ce n’est pas suffisant d’améliorer l’environnement chez nous,
il faut agir globalement.
Passons au rôle du Canada dans le monde : notre société est
multiculturelle, et dans notre pays, on respecte la diversité.
Le Canada remplit fièrement et énergiquement ses obligations
de citoyen du monde. Notre pays s’est taillé toute une
réputation parmi ceux qui luttent contre la tyrannie et
contribuent à établir et à maintenir la paix dans des régions
déstabilisées. Notre gouvernement est déterminé à redonner au
Canada une influence internationale qui fera notre fierté –
une influence que nous exercerons en toute indépendance dans
un monde où toutes les nations sont interdépendantes. Nous
avons déjà par le passé changé le cours des choses et à ce
chapitre, nous voulons défendre et faire grandir notre
réputation.
C’est pourquoi nous avons joué un rôle de premier plan pour
financer la lutte contre le sida en Afrique. C’est pourquoi
nous avons si généreusement contribué à l’aide humanitaire et
aux efforts de reconstruction en faveur des régions dévastées
par le tsunami. C’est pourquoi nous avons annoncé dans le
budget une augmentation de l’enveloppe de l’aide
internationale qui se chiffre à 3,4 milliards de dollars,
ainsi qu’un allègement accru de la dette des pays les plus
pauvres. Pourquoi ? Pour faire plus en faveur de celles et
ceux qui ont le plus besoin de notre aide.
C’est pourquoi nous augmentons de 13 milliards de dollars
notre investissement dans les Forces canadiennes.
Lorsqu’on regarde le monde aujourd’hui – les nations en péril,
les populations dans le besoin –, on constate que le Canada a
un rôle important, voire crucial, à jouer. Celui de défendre
la démocratie et la liberté. Celui de rétablir les
institutions gouvernementales dans les États effondrés ou en
voie d’effondrement. Enfin, celui d’apporter de l’espoir et de
prêter assistance aux populations éprouvées comme celles de
l’Afghanistan, de Haïti et du Darfour.
Pour jouer ce rôle, pour l’assumer réellement et non seulement
en rêver, le Canada doit pouvoir compter sur l’effectif et le
matériel nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité.
Or, avant d’œuvrer au mieux-être d’une population, il faut
d’abord assurer sa survie. Cette première étape est
essentielle au processus qui nous permet de faire profiter
d’autres peuples des valeurs que nous chérissons. C’est de
cette façon que nous pourrons faire en sorte que le Canada
exerce son influence dans le monde entier.
Pour les garderies, les villes et les collectivités,
l’environnement et le rôle du Canada dans le monde, nous
agissons aujourd’hui pour préparer le Canada de demain. Un
plan pour l’avenir est mis en œuvre. Un plan qui assurera que
notre pays, qui ne compte que 32 millions d’habitants,
réussisse dans un monde de géants en constante évolution. Un
plan pour que le Canada demeure fort.
J’ai parlé plus tôt des promesses faites et des promesses
tenues. Je n’ai pas parlé du plus important engagement que
nous avons pris. Celui-là n’a rien à voir avec les nouveaux
programmes, pas plus qu’avec l’argent. Cet engagement
fondamental pris envers la population canadienne est celui de
défendre les valeurs qui nous définissent, soit les valeurs
libérales, les valeurs canadiennes que sont l’équité et la
justice, l’égalité des chances et notre attachement
indéfectible aux libertés consacrées par la Charte des droits.
La Charte est au cœur de notre constitution. Elle traduit la
philosophie libérale qu’est le respect de la dignité de toute
personne. Elle nous protège et, à bien des égards, nous
définit.
Nous avons défendu la Charte tout au long de la dernière
campagne électorale. Nous l’avons défendue au cours de cette
session parlementaire, en faisant valoir, avec le projet de
loi sur le mariage civil, les droits qu’elle protège, ainsi
que la liberté de culte qu’elle garantit. Ce soir, je réitère
devant vous notre engagement, mon engagement. Nous défendrons
toujours la Charte canadienne des droits et libertés ; je la
défendrai toujours.
Nous tous ici ce soir, libéraux, nous sommes unis par un
attachement inébranlable aux valeurs qui ont fait de notre
pays un des pays les plus justes, les plus respectueux et les
plus progressistes du monde.
Je suis fier d’être libéral. Je suis fier d’avoir ma carte de
membre dans mon portefeuille. Je suis fier de participer à des
congrès comme celui-ci. Des congrès où des gens dévoués,
énergiques et optimistes viennent des quatre coins de notre
grand pays pour débattre des idées, pour faire du Canada un
pays meilleur, plus dynamique, plus prospère.
Je suis fier d’être libéral. Je suis fier de poursuivre
l’œuvre de ceux qui nous ont précédés, des hommes et des
femmes dont le sens de l’anticipation et le travail acharné
ont fait du Parti libéral le parti du multiculturalisme et de
l’assurance-maladie, le parti du bilinguisme et de la Charte
des droits et libertés, le parti qui a su diriger la nation en
temps de guerre pour l’engager ensuite dans le maintien de la
paix.
Aujourd’hui, il y a des gens d’un autre parti politique qui ne
partagent pas ces valeurs. Ils vont aussi se réunir ce mois-ci
en congrès. Et les Canadiennes et Canadiens constateront une
fois encore, comme ce fut le cas pendant la dernière campagne
électorale, que le gouvernement et l’opposition – que le
Premier ministre et le chef de l’opposition – ont des idées
bien différentes de ce que peut accomplir ce pays et des buts
qu’il doit atteindre. Le choix était évident lors des
dernières élections ; il l’est encore aujourd’hui.
Il arrive parfois que le témoignage le plus éloquent de la
force et du mérite des idéaux qui sont les nôtres au sein du
parti vienne de gens qui, à un moment donné, nous ont observé
de l’extérieur. Nous n’avons qu’à penser au grand nombre de
personnes qui ont rallié notre cause depuis la dernière fois
où nous nous sommes réunis. Cela en dit beaucoup sur le Parti
libéral d’aujourd’hui.
Lorsque Ken Dryden a décidé que le temps était venu de donner
un prolongement politique à sa passion pour l’éducation et les
enfants, vers où s’est-il tourné? Vers le Parti libéral.
Lorsque Jean Lapierre a décidé d’aider le Québec à concrétiser
ses aspirations, vers qui s’est-il retourné? Vers le Parti
libéral.
Lorsque Ujjal Dosanjh et David Emerson – un ancien Premier
ministre et une personnalité du monde des affaires – se sont
demandé quelle était la meilleure façon de servir la
population de la Colombie-Britannique, vers où se sont-ils
tournés? Vers le Parti libéral.
Et lorsque Scott Brison a cherché les valeurs canadiennes
modernes au sein du nouveau Parti conservateur pour constater
qu’elles n’y prévalaient plus, vers où s’est-il tourné? Vers
le Parti libéral.
Il y a des moments où je regarde autour de moi aux Communes.
Je vois les conservateurs, qui ne s’appellent plus
progressistes, à juste titre. Je regarde les députés du NPD,
un parti avec lequel nous partageons bien des idées, mais qui
refuse de voir jusqu’à quel point il est important, voire
crucial, d’adopter une orientation prudente en matière de
gestion financière. Je regarde du côté du Bloc, et je vois un
parti qui prétend protéger le Québéc, mais de quoi? Quelle est
la menace? Un meilleur système de santé? Des emplois mieux
payés? Un environnement plus sain? On ne sait pas trop.
Mais quand je regarde les députés libéraux, un fort sentiment
de fierté me gagne. La fierté d’être membre d’un parti qui
fait honneur aux forces historiques du Canada et s’en inspire
– un parti qui aide les gens de ce vaste pays à réaliser leur
remarquable potentiel.
C’est ça être libéral. C’est ce qui nous motive à être
bénévoles, à travailler aux élections, à servir le Parlement,
à venir assister à des congrès comme celui-ci sur les
politiques. En tant que membres de ce parti, nous avons
combattu les uns aux côtés des autres et nous le ferons
encore. Nous ferons campagne pour le Canada en lequel nous
croyons, celui que nous voulons, celui que nous aimons.
Il y a dix ans, nous avons eu la prévoyance de rassembler les
Canadiennes et les Canadiens afin de mettre de l’ordre dans
les finances publiques. Nous en voyons les résultats
aujourd’hui. Maintenant que le budget est redevenu équilibré,
que les Canadiennes et les Canadiens ont commencé à comprendre
que les décennies de déficits chroniques et de dette grimpante
étaient derrière eux, la confiance est revenue. Et les
possibilités sont inouïes.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont bas. L’inflation est
basse. Le taux de chômage est presque de 40% moins élevé qu’il
y a dix ans. C’est plus facile pour les Canadiennes et les
Canadiens de trouver et de garder un bon emploi, plus facile
d’acheter une maison, plus facile de payer les factures.
Ralph Goodale a présenté il y a dix jours notre huitième
budget équilibré. Huit budgets équilibrés consécutifs – du
jamais vu depuis la Confédération.
Les résultats ? L’économie est plus forte et plus prospère
aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été depuis des décennies.
La croissance du niveau de vie : le Canada est premier parmi
les pays du G-7.
Notre taux de remboursement de la dette : le meilleur parmi
les pays du G-7.
La croissance de l’emploi : la plus rapide parmi les pays du
G-7.
Notre excédent budgétaire : le seul parmi les pays du G-7.
Depuis que Ralph a déposé son budget, il y a dix jours, on
discute, aux Communes, dans les médias et dans la population
de nos priorités et de notre stratégie pour le Canada. J’en
tire une grande fierté. Laissez-moi vous dire pourquoi : parce
que cela aurait été impensable au début des années 90.
Il y a dix ans, on ne discutait pas du montant qui devait être
consacré au remboursement de la dette. C’est parce que le
gouvernement ne cessait de l’augmenter. Il y a dix ans, on ne
discutait pas de réduire les impôts. C’est parce que le
gouvernement ne cessait de les augmenter. Il y a dix ans, on
ne discutait pas des meilleurs moyens d’investir dans nos
enfants, dans les Forces canadiennes ou dans l’environnement,
dans la recherche fondamentale menée dans nos universités.
C’est parce que nous n’en avions pas les moyens.
Grâce à la détermination du gouvernement libéral grâce à la
détermination des Canadiennes et des Canadiens, nous pouvons
aujourd’hui discuter de tout cela et prendre des mesures qui
auraient été impensables en 1995. Nous pouvons parler
d’avenir. Nous pouvons être audacieux.
Pendant les dix dernières années, le Canada a connu beaucoup
de succès parce que nous avons pris le taureau par les cornes
et nous avons mis fin au cercle vicieux de l’irresponsabilité
financière.
Aujourd’hui, nous mettons en place les bases pour que le
Canada continue à avoir autant de succès pendant les
prochaines décennies. L’occasion est à notre portée, nous
devons la saisir.
Au début des années 90, nous étions partis pour léguer aux
prochaines générations, à titre d’héritage national, le
fardeau de notre dette. Mais les choses ont changé du tout au
tout.
Notre parti est celui qui a mis fin à la situation financière
désastreuse qui était autrefois la nôtre. Nous l’avons fait
pour que notre pays puisse se tourner carrément vers l’avenir.
Et ce soir, nous tous libéraux qui sommes réunis dans cette
salle, nous sommes déterminés à léguer un tout autre héritage
au Canada.
Dans dix ans, quand les libéraux se rassembleront, ils
penseront au budget de 2005. Ce que nous voulons, c’est qu’ils
réalisent tout ce que ce budget, et ceux qui le suivront,
auront fait pour le Canada : un système public de santé solide
; un système de protection dynamique pour nos aînés ; une
économie forte et compétitive ; un système d’éducation
préscolaire et de garderies de calibre international ; un
système d’enseignement supérieur sans égal ; les villes
vibrante ; un environnement sain ; une population autochtone
qui occupera au Canada la place qu’elle mérite ; et un pays
qui fera une profonde différence dans le monde.
Le Parti libéral est seul à privilégier une démarche
équilibrée, une formule axée autant sur la prospérité
économique que sur la justice sociale. Le Parti libéral est
fier de contribuer à un Canada progressiste, fort et généreux
ici, indépendant et influent ailleurs dans le monde. Nous
voulons une économie concurrentielle à l’échelle mondiale.
Nous voulons bâtir une société qui fonctionne bien, au profit
des générations à venir. Nous voulons une société canadienne
dynamique, diversifiée, enrichie par les nombreuses cultures
et les nombreuses ethnies qui la composent. Nous voulons un
Canada où les droits sont respectés et où les libertés sont
garanties. Un Canada qui a de l’avenir, un avenir plein de
promesses.
Le Parti libéral est un grand parti ; c’est notre parti. Et je
suis fier d’être libéral.
Merci.
[Martin=20050509]
[Lieu=pays-bas]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion du dîner de clôture des célébrations du 60e anniversaire du Jour de la Victoire ]
Bonsoir.
On m’a demandé d’être bref, car il y aura de la danse plus tard.
Quoique si vous me voyez danser, vous allez souhaiter que je ne me
sois jamais arrêté de parler.
Je crois exprimer les sentiments de mes collègues au Parlement et
ceux des chefs des autres partis en disant que c’est un grand
privilège, voire un immense honneur, d’être ici avec vous ce soir,
tandis que bon nombre d’entre vous vous préparez à quitter les
Pays-Bas et à retourner au Canada.
Vous allez constater à votre retour qu’un nombre exceptionnel de
Canadiens vous ont accompagné dans leurs pensées au cours de la
dernière semaine – en regardant les cérémonies à la télévision, même
aux petites heures du matin, et en lisant les innombrables articles
de journaux qui ont paru au sujet de l’anniversaire du Jour de la
Victoire et des hommes et des femmes dont les efforts et les
sacrifices ont permis à la liberté de renaître sur le continent
européen.
J’ai passé la journée hier à Ottawa avec de nombreux vétérans et
soldats, à l’occasion de l’inauguration du nouveau Musée canadien de
la guerre. Je vous recommande de le visiter la prochaine fois que
vous vous rendez à Ottawa. C’est un monument à tous ceux qui ont
revêtu l’uniforme et combattu pour le Canada et pour tout ce que
représente notre pays. Vous serez très fiers.
Des milliers de Canadiens ont également assisté à l’inauguration.
Unis dans leur respect et leur gratitude à l’égard de ceux qui ont
servi notre pays, et ceux qui le servent aujourd’hui, ils se sont
rassemblés le long du chemin que devait emprunter le défilé au
centre ville; ils portaient des coquelicots et agitaient le drapeau.
Au passage des vétérans, dont nombreux étaient à pied et
quelques-uns assis sur des chars, les applaudissements ont retenti,
longuement et bruyamment.
Pendant la journée, tandis qu’on parlait de dévouement, qu’on
évoquait les vies perdues au service d’un idéal et d’un mode de vie,
je me suis mis à penser à ma visite ici, à la libération des
Pays-Bas et à vous.
Au moment même où la France était libérée, au moment même où la
Belgique connaissait à nouveau la liberté, les Pays-Bas demeuraient
sous le joug de la tyrannie. Tout le monde savait que la tâche
s’annonçait difficile, que ce serait peut-être la plus ardue sur le
front occidental. On l’a confiée aux Canadiens. Et les Canadiens
l’ont assumée avec ingéniosité et dévouement, avec une fierté
profonde, conscients de leur identité.
Lorsque je songe à votre courage, à votre endurance, à votre
capacité d’avancer, jour après jour, dans la boue, le froid et la
neige, avec seulement une tasse de mauvais café et peut-être un
petit verre de rhum dans le ventre, je me souviens des vers du poète
John McCrae, qui a écrit à propos du sentiment de devoir que ressent
le soldat à l’égard de ceux qui sont tombés au champs d’honneur – «
Nous avancerons, jusqu’à la victoire ou l’épuisement, nous resterons
fidèles à ce pour quoi ils ont donné leur vie. »
Ici, dans les champs et les villes, rue par rue, porte par porte, la
liberté a été gagnée, la gloire a été acquise.
Vous étiez, et vos amis aussi, les « pousse-cailloux ». Vous avez
fait bouger les choses. Vous vous êtes joints au combat à la fleur
de l’âge, volontairement, afin de libérer ceux qui vivaient dans la
peur et la noirceur, coupés des joies simples de la liberté. Vous
avez quitté le confort de votre famille afin que d’autres familles
puissent rester intactes.
Votre persévérance avait quelque chose de noble, car vous étiez liés
à des personnes dont le nom vous était inconnu, des personnes qui
vivaient, opprimées, dans des conditions que vous n’étiez pas prêts
à accepter. Vous avez eu la volonté de rassembler votre courage
devant la peur, de trouver l’espoir lorsqu’il ne semblait plus en
avoir, de déclarer à chaque bataille, à chaque jour, à chaque pas,
que la vie ne vaut rien sans liberté.
Vos réalisations, vos triomphes et le bien que vous avez fait sont
le patrimoine de chaque Canadien, et c’est grâce à votre courage.
Vous avez accompli votre devoir; de notre côté, nous avons un devoir
envers vous, celui de cultiver la mémoire de vos exploits,
d’entretenir ceux-ci, de nous assurer qu’ils perdurent, qu’ils
restent dans notre mémoire et sont célébrés.
La route a été longue, et elle a été dure; mais au bout, la paix
attendait.
Les générations qui vous ont suivi vous seront à jamais
reconnaissantes.
[Martin=20050518]
[lieu=sask]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin prononcée pendant la cérémonie d’accueil soulignant la visite de la Reine au Canada ]
Au nom de tous les Canadiens et Canadiennes, j’aimerais souhaiter à
Sa Majesté et à Son Altesse Royale la bienvenue au cœur de notre
pays à l’occasion du centenaire des provinces de la Saskatchewan et
de l’Alberta.
Il convient tout à fait que cette cérémonie d’accueil ait lieu ici,
dans ce magnifique édifice de l’Assemblée législative qui reflète
avec tant d’éloquence l’esprit du temps, il y a un siècle, lorsque
la Saskatchewan s’est jointe à la Confédération pour devenir une
province du Canada.
La splendeur de l’édifice exprime la confiance et la force de
caractère. Dans l’écho des corridors résonne la voix des premiers
bâtisseurs de la province – des personnes solides et pratiques qui
ont osé rêver; des personnes tenaces et fières, conscientes des
besoins de leur famille, mais prêtes à rendre service et soucieuses
du bien-être des autres.
Il y a cent ans, l’Ouest canadien connaissait l’un des mouvements
migratoires les plus importants sur le continent. Les gens
arrivaient des coins les plus reculés du monde – souvent avec comme
seul bagage les vêtements qu’ils portaient sur le dos et avec un
seul mot en tête, le Canada. Beaucoup d’entre eux se sont établis
dans les Prairies.
Leurs possessions étaient maigres. Mais il y avait une chose que
personne ne pouvait leur enlever, la croyance que si on leur en
donnait l’occasion, ils pourraient se donner une vie meilleure. Une
vie remplie de liberté. Une vie où règnent la prospérité et la paix.
L’optimisme des personnes venues s’installer ici il y a cent ans ne
se dément pas aujourd’hui.
L’histoire de la Saskatchewan en est une de compassion et de lutte,
d’ingéniosité et de réalisations. C’est l’histoire des Premières
Nations et des peuples métis, dont les ancêtres ont vécu ensemble
sur cette terre généreuse qui a nourri les nouveaux colons et leur a
donné de l’espoir. Un siècle plus tard, tandis que cette province et
sa voisine, l’Alberta, sont à l’aube du deuxième siècle de la
Confédération, ce même sentiment de compassion et de respect, de
liberté et de persévérance perdure.
Ceux qui osent rêver lèvent toujours les yeux vers les étoiles le
soir; leur regard embrasse le ciel infini des Prairies. Ils savent
qu’ils sont chez eux.
Pour commémorer la visite royale de 2005, le gouvernement du Canada
fera un don, au nom de Sa Majesté, au Projet Mémoire – une
initiative de l’Institut du Dominion.
Ce projet a pour but d’encourager les jeunes à archiver les
témoignages des anciens combattants du Canada. Il se crée ainsi des
liens entre les générations dans le cadre d’une compréhension et
d’une connaissance approfondies de l’expérience canadienne du
courage, du sacrifice et du devoir.
En ce 60e anniversaire du Jour de la Victoire et en l’Année de
l’ancien combattant au Canada, tous les Canadiens, peu importe leur
âge, se rappellent les exploits héroïques des hommes et des femmes –
de toutes les régions du pays, de tous les horizons – qui ont tant
donné pour nous.
Nous leur devons notre liberté. Nous avons une obligation solennelle
envers eux, celle d’assurer que leurs souvenirs et la mémoire de
leurs exploits ne s’éteignent jamais. Et c’est justement l’objectif
du Projet Mémoire.
Majesté,
Depuis plus de la moitié du temps qu’existent l’Alberta et la
Saskatchewan, vous êtes notre Reine. Vous avez pu témoigner des
changements, des difficultés et des réalisations dans ces provinces.
Vous faites partie de leur histoire, vous êtes des nôtres. Que ce
soit en période de grande réjouissance ou de grande tristesse, vous
nous avez accompagnés. Votre affection pour notre pays et votre
dévouement à son égard sont restés constants.
En cette année centenaire, nous tenons à vous exprimer, comme
toujours, notre loyauté et notre profonde affection – et à vous
souhaiter très sincèrement la bienvenue à cette formidable région du
Canada.
[Martin=20050526]
[lieu=ont]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin devant le Empire Club et la Chambre de commerce de Toronto ]
Bonjour.
J’ai passé les deux derniers jours à Edmonton et à Calgary, où la
Reine et le prince Philip achevaient la visite qu’ils ont effectuée
pour souligner les centenaires de l’Alberta et de la Saskatchewan.
En rencontrant la Reine et en m’entretenant avec elle, je n’ai pu
m’empêcher d’être frappé par la remarquable constante qu’elle a été
au cours d’un demi-siècle de changements au sein du Commonwealth et
partout dans le monde.
Nous avons parlé de cela. Et il m’est venu à l’esprit que, si le
changement est constant, ce qui est particulier aujourd’hui, c’est
son rythme et sa portée. Il n’a en effet jamais été si rapide, si
considérable, et il a rarement été susceptible d’avoir une incidence
aussi importante et aussi durable sur le Canada.
Permettez-moi d’évoquer en premier lieu deux des grands phénomènes
qui exerceront la plus grande influence sur notre pays dans les
années à venir.
Premièrement, le réalignement du pouvoir économique mondial. Ce dont
on parle depuis des années est maintenant en train de se réaliser :
le monde commence à être dominé par quelques titans, soit les
États-Unis, une Europe en grande partie unie, et maintenant les
économies dynamiques émergentes que sont la Chine et l’Inde.
Comme nous le savons tous, ces deux pays d’Asie, qui comptent
ensemble plus du tiers de la population mondiale, ont réussi à
démarrer sur le plan économique. Ce sont les débuts d’une nouvelle
classe moyenne massive − un milliard de personnes ou plus − une
toute nouvelle société de consommation qui croîtra dans l’équivalent
socio-économique d’un clin d’œil.
Pour un grand nombre des pays industrialisés établis du monde,
l’émergence de la Chine et de l’Inde est à la fois une source de
promesses et une situation fâcheuse. Dans le cas du Canada, vu notre
petit marché intérieur et notre capacité d’exportation, je pense que
cela met à notre portée des possibilités sans précédent.
Le deuxième phénomène qui influera sur le Canada se trouve dans
notre démographie. Pour dire les choses simplement, notre société
vieillit, et cela a des conséquences réelles. Un plus petit nombre
de travailleurs soutenant un plus grand nombre de personnes âgées.
La possibilité d’une pénurie de main-d’œuvre spécialisée. Des
demandes considérablement accrues à l’égard des services de santé et
autres services publics. Les Néo-Canadiens assureront bientôt toute
la croissance nette de notre main-d’œuvre : nous devons les aider à
s’adapter plus facilement à la vie et au travail au Canada. Les
jeunes Canadiens autochtones représentent maintenant le groupe de
notre population qui croît le plus rapidement : nous devons les
aider à participer plus pleinement à notre prospérité nationale.
Deux phénomènes importants : un monde qui change et l’évolution
démographique. Comment nous préparer aux pressions qu’ils exerceront
sur le Canada? Eh bien, nous devons faire ce que le gouvernement n’a
trop souvent pas pu ou pas voulu faire. Nous devons planifier
l’avenir, et c’est ce dont je veux vous entretenir cet après-midi.
Je me souviens d’être allé dans un certain nombre des capitales
financières du monde en 1994. J’ai rencontré des représentants des
institutions qui détenaient des dettes du Canada. Ils me regardaient
droit dans les yeux et me disaient que le Canada était dans une
situation désastreuse. C’était toute une expérience pour un ministre
des Finances novice. Ils m’ont dit ceci : si vous ne mettez pas
d’ordre dans vos affaires, vous viendrez bientôt nous prier à genoux
de vous prêter de l’argent, et nous vous en prêterons, mais à des
taux d’intérêt qui vous étourdiront.
Leur opinion du Canada était claire : notre imprudence financière de
plusieurs décennies était une pierre géante qui descendait à pic. Et
nous étions le coyote qui tenait un petit parapluie et une affiche
où l’on pouvait lire : « Aïe! »
Nous ne pouvons plus jamais permettre au gouvernement de vivre ainsi
au-delà de ses moyens. La pénalité est trop grande. Nous devons être
vigilants et disciplinés, car c’est le prix éternel de la liberté
financière.
Le plan de mon gouvernement commence, aujourd’hui comme toujours,
par un engagement ferme à faire preuve de responsabilité financière.
Cela signifie trois choses.
Cela signifie ramener la proportion de notre dette par rapport à
notre PIB à un niveau qui nous donnera la souplesse dont nous avons
besoin pour faire face à des problèmes inattendus et assumer les
coûts d’une société vieillissante.
Sur chaque dollar perçu par le gouvernement, trente-six cents
servaient auparavant à payer l’intérêt sur la dette fédérale. Le
chiffre actuel est 19 cents. Lorsque j’ai pris les fonctions de
ministre des Finances, la proportion de la dette par rapport au PIB
approchait de 70 %. Pensez-y : notre dette était égale à presque 70
% de notre PIB, et elle allait en augmentant. Elle est maintenant à
38 %. Mais nous n’avons pas encore touché au but. Au cours des neuf
prochaines années, nous allons l’abaisser à un pourcentage
acceptable de 25 %.
Ensuite, pour assurer notre souveraineté financière, notre
engagement à l’égard de la responsabilité financière signifie
chercher à limiter le montant de notre dette qui est détenu par des
étrangers. Il y a une décennie, 44 % de notre dette était sous
contrôle étranger. Le pourcentage actuel est de 15 %.
Cela signifie enfin maintenir le budget en équilibre. Pendant des
décennies, non seulement le Canada avait des déficits, mais encore
il avait une culture de déficits. Peu importait que le gouvernement
soit libéral ou conservateur, rien ne changeait. Nous avons mis un
terme à cela. Nous avons équilibré les finances. Depuis, huit années
consécutives d’excédents. En effet, nous sommes le seul pays membre
du G7 qui n’a pas de déficit. Pensez-y : le seul.
Certains économistes vous diront que cela ne pose pas de problème si
un gouvernement enregistre un déficit de temps à autre, d’autant
qu’un équilibre puisse s’établir au cours du cycle financier. J’ai
préparé le budget pendant neuf ans, et je sais que la discipline
constitue l’outil le plus important pour contrôler les dépenses. Il
y a une ligne de démarcation que l’on franchit à ses risques et
périls. Laissez-vous sombrer dans le déficit, et vous pourriez fort
bien découvrir – comme tant de pays industrialisés s’en sont rendus
compte pendant cette décennie – qu’il est presque impossible de
faire marche arrière. C’est pourquoi nous entendons fermement
maintenir notre engagement à continuer d’engranger des excédents.
Certains d’entre vous pensent probablement intérieurement : bon, il
exclut les déficits, mais il dépense trop depuis quelque temps.
Martin a perdu la tête! Il a basculé du côté obscur!
Eh bien, parlons de cela. Prenons les affirmations de l’opposition
et faisons ressortir les faits.
Il y a deux semaines, j’étais en Nouvelle-Écosse pour annoncer une
entente avec la province sur l’apprentissage et la garde des jeunes
enfants. J’ai lu les journaux le lendemain matin : « Martin continue
de faire de folles dépenses! » clamaient les manchettes. On aurait
cru que j’étais là à distribuer des billets de 20 dollars aux petits
en leur disant d’aller s’acheter un jouet bruyant, gracieuseté du
gouvernement du Canada.
Eh bien, voyons cela. L’apprentissage et la garde des jeunes enfants
est l’une des priorités au sujet desquelles nous avons fait campagne
l’année dernière. L’argent a été mis de côté dans le budget : cinq
milliards $. Et nous travaillons maintenant avec les gouvernements
provinciaux et territoriaux de toute étiquette politique pour
investir cet argent et mettre sur pied le programme national que
nous avons promis. En fait, donc, on nous critique pour avoir
respecté notre engagement. On nous attaque parce que nous faisons
exactement ce que nous avions promis de faire. Je suis en politique
depuis pas mal de temps et je suis habitué aux critiques. Mais
celle-là est nouvelle pour moi.
Nos adversaires politiques nous critiquent aussi pour avoir conclu
avec le NPD une entente sur le budget qui représente une
augmentation globale des dépenses d’environ 1 %.
Il faut comprendre trois choses au sujet de cette entente.
Premièrement, elle déclare explicitement que nous n’irons pas de
nouveau en déficit. Ce n’est pas là une ligne directrice, c’est une
condition de l’entente.
Deuxièmement, les Canadiens nous ont élus à Ottawa en tant que
gouvernement minoritaire, ce qui signifie que nous devons travailler
avec l’opposition. Ce n’est pas seulement une tradition politique
pittoresque, c’est une question de simple arithmétique. Un
gouvernement minoritaire ne peut pas essayer de faire adopter un
budget en prétendant qu’il a une majorité. Allez demander à Joe
Clark.
Troisièmement, les domaines auxquels les nouvelles dépenses doivent
être consacrées sont tous compatibles avec les priorités financées
dans le budget et que nous entendons continuer de financer, soit
l’éducation, les villes et les collectivités, et l’environnement.
J’aimerais m’arrêter un instant sur ce dernier point : Je sais que
certaines personnes dans cette salle pensent que je devrais
simplement réduire considérablement les impôts et renoncer aux
investissements qui peuvent sembler coûteux, comme les services de
garde d’enfants abordables et la protection de notre environnement.
C’est un point de vue légitime, mais je ne le partage pas.
Lorsque j’étais ministre des Finances, un budget équilibré n’a
jamais été une fin en soi. Je ne suis pas conservateur. Nous avons
travaillé fort en tant que gouvernement, en tant que gouvernement
libéral, pour parvenir à une position excédentaire. Et ce n’était
pas dans le but d’impressionner les économistes (si cela est
techniquement possible), mais pour pouvoir réellement produire des
résultats pour les Canadiens, apporter des changements positifs dans
leur vie, au lieu de hausser les épaules et de dire : « Désolés,
nous n’avons pas les moyens de vous aider. Nous n’avons pas les
moyens de faire quoi que ce soi. »
Aujourd’hui, l’économie et les finances publiques du Canada sont les
forces nationales qui nous distinguent de plus en plus. Nous avons
la meilleure croissance du niveau de vie de tous les pays du G7. La
croissance la plus rapide de l’emploi. Le meilleur rythme de
remboursement de la dette. Un bas niveau d’inflation. Des taux
d’intérêt faibles. Trente pour cent moins de chômage qu’il y a une
décennie. Il est plus facile pour les Canadiens de trouver un bon
emploi, d’acheter une maison et de payer leurs comptes.
Comme intendants des finances du Canada, nous avons contribué à ces
réalisations. Et nous allons les protéger. Je vais les protéger.
Nous allons persévérer dans cette voie.
La première victime des années de déficit a été la planification à
long terme. Pendant ces décennies passées dans le rouge, le
gouvernement fédéral était toujours préoccupé par le présent : les
pressions urgentes, le besoin d’emprunter, les paiements d’intérêt
qui grimpaient rapidement. Mais nous vivons à une époque différente,
qui exige que le gouvernement soit voué à la prévoyance, résolu à
maintenir un excédent budgétaire et déterminé à travailler non
seulement pour le Canada d’aujourd’hui, mais aussi pour les
Canadiens de demain.
J’ai parlé jusqu’ici de discipline financière. C’est le point de
départ. La prochaine étape consiste à utiliser les dividendes
découlant de notre excédent pour les réinvestir dans le Canada afin
de le rendre plus productif, plus compétitif et prêt à faire face à
l’avenir.
En premier lieu, cela veut dire abaisser la dette. Ce n’est pas là
une opération de comptabilité. C’est un impératif. Nous avons déjà
assuré la viabilité du Régime de pensions du Canada pour des
générations. Nous devançons la plupart des pays, mais vu la retraite
prochaine des baby-boomers, il reste d’autres défis. Comme
gouvernement, nous avons déjà réduit la dette fédérale de plus de 60
milliards $. Mais nous ne pouvons pas prendre de répit. Il est
absolument essentiel de rembourser la dette si nous voulons être
financièrement forts et résistants.
Ensuite, réinvestir dans le Canada signifie réduire les impôts. Nous
avons réduit les impôts d’un montant cumulatif de 100 milliards $ au
cours des cinq dernières années, soit la réduction d’impôt la plus
importante de l’histoire du Canada. Nous avons abaissé le taux de
l’impôt fédéral sur les sociétés prescrit par la loi au-dessous de
celui des États-Unis. Et, en nous fondant sur l’hypothèse que les
programmes sociaux du pays sont protégés, nous allons continuer
d’abaisser les impôts − pour avantager les familles, pour encourager
les entrepreneurs et les investisseurs, et pour aider le Canada à
prospérer dans une économie nord-américaine intégrée et dans un
monde de géants économiques.
Réinvestir dans le Canada signifie investir dans l’innovation.
Depuis 1997, nous avons doublé l’appui à la recherche dans les
universités et dans les hôpitaux, soit une augmentation de plus de
13 milliards $. Nos universités qui font de la recherche sont
maintenant des chefs de file mondiaux ou presque dans de nombreux
domaines. Personne ne parle désormais plus sérieusement d’exode des
cerveaux. À l’avenir, nous allons continuer d’investir agressivement
dans l’infrastructure de recherche du Canada − recherche
fondamentale et recherche appliquée. Pourquoi? Parce que
l’ingéniosité et la spécialisation sont capitales si le Canada, qui
compte seulement 32 millions d’habitants, veut prospérer parmi les
titans de demain.
Réinvestir dans le Canada signifie travailler avec les provinces et
les territoires. Par exemple, nous avons signé récemment avec
l’Ontario une entente axée en grande partie sur l’amélioration de la
formation des travailleurs et des services d’établissement pour les
immigrants. Ces deux activités sont essentielles pour permettre au
Canada de faire face avec succès aux changements mondiaux et
démographiques qui l’attendent.
Nous avons conclu des ententes avec d’autres provinces, et je suis
certain que nous en signerons d’autres au fur et à mesure des
besoins. C’est comme cela depuis la Confédération. Je crois
fermement que l’exercice du leadership dans notre fédération
signifie comprendre les défis uniques de chacune des régions du pays
et y réagir − pourvu, et toujours pourvu, que nous en ayons la
capacité financière.
Dans un pays aussi grand et aussi divers que le Canada, comment ne
pas comprendre qu’il est dans l’intérêt national de répondre aux
besoins régionaux. Le principe fondamental est l’équité. Bien sûr,
l’intérêt national va mener principalement à des solutions
nationales, mais il y va également de notre intérêt collectif d’être
concernés et d’aider lorsque, par exemple, le secteur forestier de
la Colombie-Britannique est menacé par la propagation du dendroctone
du pin, ou lorsque les producteurs de bœuf sont ruinés par la
fermeture de la frontière américaine.
L’équité ne consiste pas à diviser chaque dollar fédéral en 13
tranches. Ni à faire un bilan à la fin de chaque jour pour voir s’il
a été avantageux de faire partie du Canada.
Enfin, préparer le Canada en vue de l’avenir signifie rappeler à nos
amis américains que le libre-échange veut dire effectivement échange
libre. L’ALENA a été une réussite, mais il subsiste quelques
problèmes inquiétants, dont les principaux sont les répercussions de
l’EBS et les attaques répétées dirigées contre nos exportations de
bois d’œuvre. Nous ne pouvons tolérer cette situation. Nous ne
ménagerons pas nos efforts pour la résoudre.
Il y a un mois ou deux, j’étais au Texas, où j’ai signé un nouveau
partenariat pour la prospérité avec le président Bush et le
président Fox, du Mexique. Il est dit dans l’entente qu’il y va de
notre intérêt commun de réagir à la montée de la Chine et de l’Inde
en bâtissant une économie nord-américaine plus intégrée. Mais cela
fonctionnera seulement si les Américains s’abstiennent de violer
l’esprit des accords qui nous unissent sur le plan du commerce. En
un mot, l’ALENA doit s’assortir d’un mécanisme de règlement des
différends qui est objectif et exécutoire, un mécanisme qui permet
de résoudre les litiges dans un délai raisonnable − et dont les
gouvernements sont prêts à se conformer aux décisions. L’accord sera
toujours imparfait sans cela.
L’abaissement de la dette, les réductions d’impôt, les
investissements dans l’innovation, la coopération
fédérale-provinciale, le commerce libre et juste, tels sont les
éléments essentiels de toute équation qui aboutira à un
accroissement de la productivité au Canada. Et cela est fondamental
pour notre capacité − pour votre capacité − d’exploiter les nouveaux
marchés énormes qui sont en train de s’ouvrir.
Pour cette raison, nous allons continuer d’investir dans les moteurs
de la croissance économique tout en cherchant à créer une plus
grande richesse à un coût plus bas.
Cela dit, je tiens à préciser que l’on ne saurait définir ces
moteurs de façon étroite, car notre productivité et notre
compétitivité dépendent de notre volonté de réinvestir le dividende
financier dans les genres de programmes qui amélioreront notre
qualité de vie, qui distingueront le Canada et qui assureront
possibilités et sécurité à nos citoyens.
C’est pourquoi l’accord sur les soins de santé de l’été dernier est
si important. Pendant des années, les discussions et les
négociations entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur le
financement des soins de santé et les progrès en matière de réforme
étaient menées de façon dysfonctionnelle.
Nous avons compris que la seule façon d’accomplir les progrès que
les Canadiens méritent − la seule façon de commencer à nous préparer
à faire face à l’augmentation des coûts d’une société vieillissante
– était de conclure un accord à long terme qui prévoit un
financement suffisant et prévisible et qui s’attaque aux questions
les plus pressantes, comme l’accès et les temps d’attente.
C’est ce que nous avons réalisé en travaillant avec les provinces et
les territoires : un accord qui, à la fin de cette année, mènera à
la mesure des temps d’attente et à l’établissement de véritables
points de repère qui orienteront les efforts déployés pour les
réduire; un accord qui assurera la reddition de comptes à nos
citoyens. C’est là un investissement dans notre avenir collectif.
La poursuite des buts durables que sont la prospérité et la sécurité
exige en outre que le gouvernement national définisse les nouveaux
projets nationaux qui sont essentiels à chacune des périodes de
notre histoire.
Depuis des années maintenant, les villes et les collectivités se
débattent pour maintenir une infrastructure et des services publics
importants. Et elles le font avec des sources de revenus limitées
qui ne suivent pas le rythme de la croissance économique.
Notre gouvernement comprend que la qualité de vie des Canadiens –
maintenant et à l’avenir – est et sera profondément influencée par
la santé et la vitalité de nos villes, grandes et petites. Nous
voulons − et nous avons besoin − que nos collectivités soient des
lieux privilégiés où vivre, travailler et élever une famille. Il
faut pour cela nous assurer qu’elles ont les revenus nécessaires
pour gérer les transports publics, entretenir les parcs et bâtir une
infrastructure. Il faut aussi assurer aux administrations
municipales une place à la table nationale et leur donner voix au
chapitre lorsque nous établissons les objectifs de la nation.
C’est pourquoi nous avons recherché une solution à long terme.
Premièrement, un remboursement de la TPS. Et maintenant, le
transfert d’une portion de la taxe sur l’essence, mesure qui
acheminera des milliards de recettes supplémentaires vers des
projets locaux importants qui amélioreront la vie des Canadiens.
C’est là un investissement dans notre avenir collectif.
Enfin, notre programme national sur l’apprentissage et la garde des
jeunes enfants.
Je pense que le gouvernement fédéral a le devoir de contribuer à une
culture d’apprentissage qui dépasse notre soutien actuel de
l’enseignement postsecondaire et va au cœur du moment où commence
l’apprentissage.
Comprenez bien que nous ne parlons pas seulement de la garde des
enfants. L’accent ici est mis sur le développement, sur le coup de
pouce à donner aux enfants. Cela signifie que chaque enfant aura un
meilleur départ et une meilleure chance de réussir plus tard à
l’école et dans la vie. Tout simplement, c’est la bonne chose à
faire pour nos enfants. Et c’est la bonne chose à faire pour notre
pays. De fait, la Banque du Canada a déclaré que l’apprentissage de
la petite enfance est l’investissement le plus important que nous
pouvons faire, en tant que pays, dans notre propre avenir.
Le marché des emplois de haute qualité est de plus en plus mondial.
Et la concurrence est de plus en plus intense. Nous devons rester en
avance. C’est pourquoi nous accordons une si haute priorité à
l’apprentissage des jeunes enfants, et c’est pourquoi aussi nous
accroissons notre soutien de l’enseignement postsecondaire. Ce sont
là des investissements dans notre avenir collectif.
Meilleurs soins de santé, villes et collectivités dynamiques,
services de garde des enfants abordables, meilleur accès à
l’éducation : toutes ces initiatives appuient notre plan de
travailler avec tous les ordres de gouvernement pour assurer la
prospérité du Canada face aux changements mondiaux et
démographiques; elles attestent notre détermination à préparer notre
nation aux défis de l’avenir.
En un sens, le gouvernement est comme une famille – une famille qui
se débat depuis des années pour sortir du cercle vicieux de
l’endettement. Une famille qui, chaque année, a vu sa dette
s’accroître. Maintenant, notre famille a fait le travail difficile
nécessaire pour mettre de l’ordre dans ses finances. L’équilibre est
rétabli. Nous sommes unis dans notre détermination à ne pas retomber
dans de vieilles ornières. Nous sommes unis dans notre détermination
à bâtir pour les années à venir.
Mesdames, messieurs, c’est l’heure du Canada. Quand je me tourne
vers l’avenir, j’entrevois de grandes possibilités, un potentiel
énorme. Lorsque je voyage dans les diverses provinces, je vois un
pays et un peuple prêts à saisir les occasions qui se présenteront.
Nous avons tant d’atouts.
Je crois en un gouvernement qui reconnaît les forces qui influeront
sur notre monde et qui s’assure que nous sommes prêts à les
affronter tous ensemble.
Je crois en un Canada doté d’un gouvernement national fort qui est
un agent de bien, qui améliore la vie des gens et qui représente nos
valeurs et nos intérêts sur la scène mondiale.
Je crois en un Canada qui entretient la force de son économie, qui
maintient le chômage à un bas niveau et qui protège sa prospérité en
refusant d’aller de nouveau en déficit.
Je crois en un Canada qui attache du prix à son régime de soins
médicaux financé par les deniers publics et le protège, de sorte
que, pour se faire soigner, il faut non pas une carte de crédit,
mais une carte de santé.
Un Canada qui soutient ses villes et ses collectivités et aide à les
renforcer, pour que nos municipalités rurales puissent prospérer et
que nos grandes villes puissent nous représenter au monde.
Un Canada qui investit dans l’avenir des générations futures grâce à
des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants
abordables et de haute qualité et à un système d’enseignement
postsecondaire sans pareil.
C’est là le Canada auquel je crois. C’est le Canada que nous
travaillons à bâtir.
Parce que je crois que, comme génération, nous serons jugés en fin
de compte non pas par nos concitoyens d’aujourd’hui, mais par les
Canadiens de demain. Ils regarderont en arrière. Ils comprendront
que nous avions les moyens de planifier l’avenir. Et ils verront que
nous avons agi, que nous avons réinvesti dans le grand projet commun
que nous appelons le Canada, que nous avons relevé le défi de saisir
les occasions présentées à notre époque pour leur bâtir un avenir
encore meilleur.
Je vous remercie.
[Martin=20050602]
[lieu=qué]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à Montréal ]
Mesdames et Messieurs,
J’aimerais d’abord remercier tous les organisateurs de cette belle
soirée, Claire O’Connell et tous ses bénévoles, et j’aimerais vous
remercier d’être ici en si grand nombre.
Je veux dire un bonsoir spécial aux présidents d’associations qui
sont ici pour représenter toutes nos associations de comtés et leur
dire merci pour leur travail.
Il est impossible pour moi de vous dire à quel point il est agréable
d’être chez moi. De se retrouver entre amis. Des Québécois, unis par
leur attachement inébranlable aux valeurs canadiennes. Des libéraux,
unis par leur confiance dans l’avenir de notre pays.
En juillet, j’irai en Écosse pour participer au prochain sommet du
G8.
Bien sur, il y aura un agenda officiel, mais comme durant les
dernières réunions internationales auxquelles j’ai participé, les
discussions de corridors seront aussi importantes et sans doute
porteront sur un sujet inévitable :
le fait que sur le plan économique, notre monde est actuellement
dominé par les États-Unis, l’Europe, la Russie et le Japon. Mais
deux nouveaux géants économiques – la Chine et l’Inde – occuperont
une place de plus en plus importante sur l’échiquier économique
mondial.
Quelles sont les conséquences de ces transformations et qu’est-ce
que cela signifie pour le Canada? Ce sont ces questions que
j’aimerais aborder avec vous ce soir.
La Chine et l’Inde, deux nations qui, à elles seules, constituent
plus du tiers de la population mondiale. Elles sont, comme vous le
savez, sur une envolée économique qui donnera naissance à une
nouvelle classe moyenne de plus d’un milliard de consommateurs.
Pour un grand nombre de pays, l’émergence de ces pays est à la fois
source de promesses et de périls. Pour le Canada, vu notre petit
marché intérieur et notre énorme capacité d’exportation, je crois,
malgré la compétition accrue, que cette nouvelle réalité nous offre
des possibilités sans précédent.
À une condition.
Dans notre cas, étant une nation de seulement 32 millions
d’habitants, nous devons assurer que notre pays est prêt, en tout
temps, à faire face aux nouveaux défis, il faut miser sur nos forces
et être à l’avant-garde du changement, si nous voulons réussir parmi
ces titans.
Comment y parvenir?
Il faut d’abord protéger notre intégrité fiscale.
Je me souviens d’avoir visité, en 1994, les capitales financières à
travers le monde. J’ai rencontré les représentants des institutions
qui détenaient la dette du Canada. À cette époque, ils me disaient
tous, sans exception, que non seulement, le Canada était dans une
situation financière désastreuse, mais qu’ils ne voyaient pour nous
aucun moyen de s’en sortir.
C’était toute une expérience pour un nouveau ministre des Finances.
Nous avons réussi alors que personne ne pensait que c’était
possible.
Aujourd’hui, nos états financiers sont parmi les meilleurs au monde.
Et nous avons tiré une leçon très importante de cette époque. Nous
ne pouvons plus jamais permettre au gouvernement de vivre ainsi
au-dessus de ses moyens.
Le prix à payer est trop grand.
Et c’est dans ce contexte que j’aimerais vous parler du plan de mon
gouvernement pour préparer l’avenir. Mais avant de le faire, je
tiens à dire un mot au sujet des commandites.
Lorsqu’on parle des finances publiques, on parle de l’argent
durement gagné par les contribuables. Ce qui s’est passé dans cette
affaire est inacceptable. L’argent des contribuables a été mal
utilisé et mal dépensé. Je comprends que les Québécois soient déçus.
Je comprends aussi la déception des libéraux.
C’est nous, libéraux, qui avons fait le ménage des finances
publiques, Et nous ne l’avons pas fait pour laisser un groupe
d’individus briser la confiance dans l’administration publique de
notre pays et ternir la réputation de notre parti.
C’est pour cela que je suis déterminé à faire toute la lumière sur
cette affaire. C’est pour cela que notre gouvernement a mis en place
la Commission Gomery. C’est pour cela que notre gouvernement s’est
engagé à faire le ménage que nous sommes en train de faire. Et nous
n’arrêterons pas avant que, d’une part, nous ayons l’assurance que
les nouvelles mesures mises en place empêcheront à jamais la
répétition de tels événements et, d’autre part, que ceux qui ont
abusé du système répondent de leurs actes.
Je vous assure, comme Premier ministre, que je ferai tout ce qui est
en mon pouvoir pour que votre gouvernement mérite votre respect.
Ceci étant dit, revenons maintenant à notre plan visant à permettre
au Canada
de prendre sa place dans un monde de géants économiques. Comme je
l’ai déjà mentionné, ce plan se base sur l’intégrité économique de
notre pays.
Tout commence par un engagement inébranlable à ne jamais retourner
dans les années de noirceur fiscale.
Pendant des décennies, non seulement le Canada avait des déficits,
mais
il avait une culture de déficits. Que le gouvernement soit libéral
ou conservateur, c’était du pareil au même.
Nous avons mis fin à tout cela. Nous avons équilibré les budgets. Et
comme résultat, l’économie et les finances publiques du Canada sont
maintenant des forces nationales qui nous distinguent.
De tous les pays du G8, nous sommes le seul avec des surplus
budgétaires. Nous sommes le seul à rembourser sa dette. Nous avons
la meilleure croissance du niveau de vie de tous les pays du G8.
Nous avons la meilleure croissance de l’emploi. Nous avons un faible
taux d’inflation. Des taux d’intérêt avantageux.
Nous avons 30% moins de chômage qu’il y a une décennie.
C’est pourquoi il est maintenant plus facile pour les Canadiens de
trouver un bon emploi, d’acheter une maison et de payer leurs
comptes. C’est pourquoi les Canadiens peuvent à nouveau rêver.
C’est clair qu’on a fait beaucoup au cours de la dernière décennie
pour parvenir à ces réussites économiques. C’est clair aussi qu’on
ne doit pas s’asseoir sur nos lauriers, qu’il faut faire encore
plus.
Parce que le monde à l’extérieur de nos frontières évolue de façon
fondamentale, il faut à tout prix nous donner la souplesse
nécessaire afin de faire face aux problèmes inattendus.
Il faut s’assurer de ne plus jamais retourner en déficit. Il faut
continuer d’avoir des surplus budgétaires.
Certains économistes vous diront que cela ne pose pas de problème si
un gouvernement enregistre un déficit de temps à autre, en autant
qu’un équilibre puisse s’établir au cours du cycle financier. Je ne
suis pas d’accord. J’ai préparé le budget pendant neuf ans, et je
sais que la discipline constitue l’outil le plus important pour
contrôler les dépenses.
Jusqu’ici, en parlant de notre plan pour assurer notre réussite face
aux géants économiques, je vous ai parlé de l’importance de
continuer à produire des surplus.
Maintenant, j’aimerais vous parler de quelques-uns des choix
d’investissement que nous devons faire à l’égard de ces surplus.
C’est-à-dire les façons de réinvestir dans le Canada, afin d’assurer
qu’il soit
plus productif, plus compétitif. Prêt à faire face à l’avenir.
Quels sont ces investissements?
En premier lieu, il faut réduire la dette. Comme gouvernement, nous
l’avons déjà réduite de plus de 60 milliards de dollars. Mais avec
une population vieillissante, nous ne pouvons pas prendre de répit
si nous voulons continuer de bien performer.
Dans les années 90, la proportion de notre dette approchait 70 % de
notre PIB. Elle est maintenant à 38 %. Lorsqu’on compare cette
proportion à celle des provinces, on s’aperçoit qu’elle est encore
plus élevée que la moyenne, plus élevée, par exemple, que celle du
Québec.
Au cours des prochaines années, nous devrons donc continuer de
réduire le ratio de notre dette. Nous voulons l’amener à 25 %.
Ensuite, nous devons réduire les impôts. Nous les avons déjà réduits
de 100 milliards au cours des cinq dernières années. C’est la
réduction d’impôts
la plus importante de l’histoire du Canada. Mais il faut continuer.
Troisièmement, réinvestir dans le Canada signifie investir dans
l’innovation. Depuis 1997, nous avons doublé l’appui à la recherche
dans les universités et hôpitaux. Par exemple, nous avons investi
pour la création de 34 nouvelles chaires de recherche attribuées aux
universités québécoises.
C’est dans les laboratoires de nos universités à Montréal, à
Sherbrooke, à Québec, à Rimouski, au Saguenay et en Abitibi que se
feront les travaux qui auront un impact direct dans la vie des
Canadiens et qui créeront les industries canadiennes de demain. Et
dans l’avenir, nous allons continuer d’investir dans la recherche au
Canada.
Pourquoi?
Parce que l’ingéniosité et la spécialisation sont essentielles si le
Canada, une nation de 32 millions d’individus, veut prospérer parmi
les titans de demain. Réinvestir dans le Canada signifie aussi
travailler avec les provinces et les territoires.
Par exemple, ici au Québec, cette collaboration s’est illustrée avec
l’entente sur les congés parentaux. Cette entente reconnaît que le
régime du Québec est novateur. Elle témoigne aussi de l’engagement
des deux gouvernements à aider les parents qui veulent concilier
travail et famille.
En même temps, nous avons conclu d’autres ententes, dans d’autres
domaines, avec d’autres provinces et territoires. Et je suis certain
que nous en signerons encore avec le Québec et d’autres provinces au
fur et à mesure des besoins.
Pourquoi?
Parce que dans un pays aussi diversifié que le Canada, il est dans
l’intérêt national de répondre aux besoins régionaux. Bien sûr,
l’intérêt national va mener principalement à des solutions
nationales, mais il y va également de notre intérêt collectif
d’aider chaque région à être forte selon ses besoins spécifiques.
Par exemple, lorsqu’on investit dans l’industrie de l’aéronautique
comme nous l’avons fait avec le projet d’avions de la série C, nous
le faisons non seulement pour Bombardier et son siège social au
Québec, on le fait parce que si la grande région de Montréal est
forte, le Québec sera fort. Et si le Québec est fort, le Canada est
fort.
Finalement, s’assurer que le Canada réussit signifie rappeler aux
Américains que le libre-échange veut dire effectivement échange
libre.
Il y a deux mois, j’étais au Texas, où j’ai signé un nouveau
partenariat pour la prospérité avec le président Bush et le
président Fox du Mexique. Il est dit dans l’entente qu’il y va de
notre intérêt commun de réagir à la montée de la Chine et de l’Inde
en bâtissant une économie nord-américaine plus intégrée.
Mais cela fonctionnera seulement si les Américains s’abstiennent de
violer l’esprit des accords qui nous régissent sur le plan du
commerce. L’ALENA a été une réussite, mais il subsiste toujours des
problèmes inquiétants comme les répercussions de la crise de la
vache folle et les attaques répétées contre nos exportations de bois
d’œuvre. Nous ne pouvons tolérer cette situation.
En un mot, l’ALENA doit se munir d’un mécanisme de règlement des
différends objectif et exécutoire. Un mécanisme qui permet de
résoudre les litiges dans un délai raisonnable.
Payer notre dette, baisser les impôts, investir dans la recherche,
collaborer avec les provinces et territoires, défendre le
libre-échange, tels sont les éléments essentiels à la compétitivité
du Canada.
Cela dit, notre productivité et notre compétitivité dépendent aussi
de notre volonté de réinvestir dans des programmes qui améliorent la
qualité de vie de nos citoyens.
Nous ne partageons pas la vision du chacun pour soi des
Conservateurs auxquels le Bloc a choisi de s’allier.
D’ailleurs, on voit bien à quel point le Bloc fait passer son
obsession référendaire avant les intérêts du Québec et la façon dont
Gilles Duceppe met ses ambitions personnelles avant celles des
Québécois.
Gilles Duceppe a dit qu’il n’y avait rien pour le Québec dans
l’entente qui complète le budget. Est-ce que son obsession
référendaire le rend aveugle?
Comment explique-t-il aux Québécois que selon lui, les
investissements dans nos universités québécoises, dans le logement
abordable, dans l’environnement et l’aide internationale ne sont pas
bons pour eux?
Si le Bloc avait vraiment voulu défendre les intérêts du Québec, il
aurait voté en faveur du budget. Parce que les priorités du budget
sont intimement liées aux priorités des Québécois.
C’est clair que les députés du Bloc n’ont qu’une priorité, peu
importe les besoins des Québécois, c’est de briser le Canada.
Et ça, ils ne réussiront jamais.
Celui que je ne suis pas capable d’expliquer, c’est Stephen Harper.
Il ne réalise pas que ses manigances avec Gilles Duceppe mettent en
péril la stabilité de notre pays. On sait qu’il voulait participer à
la guerre en Iraq, qu’il voudrait rouvrir le dossier du bouclier
anti-missile, qu’il ne croit pas dans la protection des droits de
toutes les minorités. Mais comment expliquer son agenda commun avec
les séparatistes?
En tout cas, revenons donc à nos priorités.
Parce que l’on reconnaît les pressions financières auxquelles les
provinces font face, l’automne dernier, nous avons mis en place une
nouvelle entente sur la péréquation. C’est aussi pourquoi nous avons
signé une entente sur la santé.
Parlons en un peu.
Depuis des années, les deux niveaux de gouvernement se renvoyaient
la balle sur la question du financement des soins de santé. Chaque
année, on revenait à la case départ.
En septembre dernier, nous avons décidé que la seule façon de
remédier à ce problème était d’en arriver à une entente à long
terme.C’est ce que nous avons fait.
L’entente prévoit 41 milliards de dollars additionnels en transferts
du fédéral aux provinces, sur dix ans.
Ces investissements visent les domaines les plus pressants, comme
l’accès aux soins, les temps d’attente et l’imputabilité envers les
citoyens.
En travaillant avec les provinces et les territoires nous en sommes
venus à une entente signée par tous les premiers ministres sans
exception.
Pour atteindre les objectifs communs, Jean Charest et moi avons
signé une entente asymétrique qui permet de tirer parti de la
diversité qui caractérise notre pays.
Pour l’année prochaine seulement, cette entente signifie 471
millions de dollars de plus dans les coffres du Québec. Un total de
9,6 milliards de dollars de plus sur dix ans.
C’est là un investissement dans notre avenir collectif.
Vient ensuite notre nouveau Pacte avec les villes et les
collectivités.
Depuis des années maintenant, elles se débattent pour maintenir les
infrastructures et les services publics.
Et elles le font avec des ressources limitées qui ne suivent pas le
rythme de la croissance économique. Notre gouvernement comprend que
la qualité de vie des Canadiens et notre compétitivité est
influencée par la vitalité de nos communautés.
Nous voulons que nos villes soient des endroits où il fait bon
vivre, travailler et élever une famille en toute sécurité. Il faut
pour cela nous assurer qu’elles ont les revenus nécessaires.
C’est pourquoi nous avons recherché une solution à long terme.
Premièrement, nous avons mis en place un remboursement de la TPS. Et
maintenant, nous leur transférerons une portion de la taxe fédérale
sur l’essence.
Cette mesure acheminera des milliards de dollars supplémentaires
vers des projets locaux.
Nous avons déjà signé des ententes avec la Colombie-Britannique,
l’Alberta et le Yukon. Nous voulons en signer avec toutes les
provinces et territoires, incluant le Québec, le plus rapidement
possible.
C’est là aussi un investissement dans notre avenir collectif.
Enfin, notre programme national pour l’apprentissage et la garde des
jeunes enfants.
Je n’ai certainement pas besoin d’expliquer aux Québécois
l’importance d’un tel programme. L’expérience québécoise en matière
de petite enfance est remplie de leçons dont tout le reste du pays
peut tirer avantage.
Le système fédéral canadien offre un cadre souple qui permet aux
bonnes idées expérimentées dans une province d’être éventuellement
mises en œuvre dans tout le pays.
C’est cette même approche qui, dans les années soixante, a conduit
les gouvernements de Jean Lesage et de Lester Pearson à assurer la
sécurité de nos aînés, avec le Régime des rentes du Québec, en
parallèle avec le Régime de pensions du Canada.
Telle est l’essence du fédéralisme coopératif au Canada. Créativité
et innovation au palier provincial menant à la coopération à
l’échelle nationale. Un habile équilibre entre les principes de
solidarité et d’autonomie.
Nous pouvons aujourd’hui, avec flexibilité et créativité, faire la
même chose avec l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.
C’est là aussi un investissement dans notre avenir collectif.
Enfin, lorsqu’on parle d’un Canada qui est prêt à prendre sa place
parmi les titans économiques. Il faut aussi parler du rôle du Canada
dans le monde.
Pour moi, il n’y a aucune contradiction entre un Canada qui réussit
bien et un Canada qui fait le bien à l’extérieur de ses frontières.
Au contraire, ces notions vont de pair. Car le Canada est
directement avantagé dans un monde plus sécuritaire et plus
prospère.
Dans le développement et la poursuite de sa politique étrangère, le
Canada a voulu se donner une voix autonome dans le monde. Une voix
originale qui lui ressemble et des objectifs qui nous rassemblent.
C’est d’ailleurs cette voix-là qui s’est exprimée lorsque nous avons
été les premiers à envoyer des troupes en Haïti et lorsque nous
avons contribué 16 millions de dollars pour le déploiement de
policiers civils pour assurer la sécurité des Haïtiens, lorsque nous
avons décidé de ne pas participer à la guerre en Irak et lorsque
nous avons décidé de ne pas participer au bouclier anti-missile.
C’est aussi pourquoi le Canada est très actif en Afghanistan et
pourquoi nous avons accepté de diriger la mission internationale
pour les élections en Iraq.
C’est pourquoi le Canada joue un rôle clé dans la lutte contre le
VIH/sida et
que nous agissons comme leader dans l’appui que nous donnons à
l’Union africaine, pour promouvoir la paix à long terme au Darfour.
C’est avec ce désir de préparer l’avenir, que le Canada non
seulement a ratifié l’entente de Kyoto, mais que nous allons aussi
jouer un rôle de leadership dans les négociations internationales de
l’après-Kyoto.
C’est pourquoi, en décembre prochain, Montréal sera l’hôte de la
onzième conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur
les changements climatiques.
Du refus de participer au Bouclier anti-missile, à la ratification
du Protocole de Kyoto, ce n’est pas une coïncidence que le Québec et
les ministres québécois à Ottawa jouent un rôle crucial dans la
définition des positions canadiennes.
J’en profite d’ailleurs pour remercier les députés, ministres et
sénateurs de chez-nous, qui chaque jour défendent et font la
promotion des intérêts du Québec.
Contrairement au Bloc, ils prennent part aux décisions, ils
façonnent notre avenir.
Par ses idéaux progressistes, ses valeurs sociales, son originalité
à faire les choses différemment, le Québec joue un rôle déterminant
au sein du Canada.
Comme Québécois et comme Canadien, il est impossible pour moi de ne
pas constater à quel point nous sommes privilégiés de vivre dans une
fédération qui permet la conciliation de notre diversité avec nos
ambitions communes, et quand je me tourne vers l’avenir, c’est
impossible de ne pas voir l’énorme potentiel du Canada.
Nous avons tant d’atouts, unis dans notre détermination à bâtir pour
les années à venir. Partout on voit des Canadiens prêts à saisir les
occasions qui se présentent.
C’est pour cela que je crois en un gouvernement qui identifie les
forces qui influeront sur notre monde et qui s’assure que nous
réussirons.
C’est pour cela que je crois dans un Canada qui représente nos
valeurs et nos intérêts sur la scène mondiale.
Que je crois dans un Canada responsable financièrement et qui prend
toutes les mesures pour avoir une économie florissante.
C’est pour cela que je crois dans un Canada avec de meilleurs soins
de santé et des services de garde abordables.
Un Canada où les villes et les collectivités sont dynamiques.
C’est pour cela que je crois dans un Canada avec un environnement
plus sain et qui fait une différence dans le monde.
C’est pour cela que je crois dans un Canada dans lequel les
Québécois se reconnaissent, dans lequel ils réalisent leurs
aspirations.
C’est ça le Canada dans lequel je crois.
C’est le Canada que l’on bâtit ensemble.
Merci.
[Martin=20050605]
[lieu=tn]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin devant la Fédération canadienne des municipalités
]
Je suis très heureux d’être de nouveau parmi vous – entre amis,
entre collègues, entre partenaires, pour bâtir un Canada plus fort.
C’est la quatrième fois en six ans que j’ai l’occasion de m’adresser
à votre grande fédération, et je dois vous dire que, de bien des
façons, revenir à la FCM, c’est un peu comme revenir à la maison.
J’aimerais vous parler du Nouveau Pacte pour les villes et les
collectivités. Oui, je sais, c’est un sujet que vous connaissez très
bien, mais aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la façon dont le
Nouveau Pacte s’inscrit dans le plan général du gouvernement. Bien
que je vous apprécie tous, malgré le fait que j’ai perdu mon boulot
de ministre des Finances à cause de vous, vous devez savoir que le
Nouveau Pacte ne vise pas simplement à faire plaisir. Ce pacte est
essentiel si nous voulons garantir la prospérité future non
seulement de nos municipalités, mais aussi de notre nation.
Laissez-moi commencer par effectuer un bref survol de cette rapide
et profonde transformation que traversent notre monde et notre pays,
car l’incidence sur tous les ordres de gouvernement est bien réelle.
Ce dont on a parlé pendant des décennies est en train de se réaliser
– l’économie mondiale commence à être dominée par des géants : les
États-Unis, l’Europe, et maintenant, une Asie au dynamisme
renouvelé. Pour un grand nombre de pays industrialisés bien établis,
la montée de la Chine et de l’Inde est une source de promesses et de
difficultés. Pour le Canada, avec notre modeste marché intérieur et
notre capacité d’exportation, je crois que des possibilités sans
précédent seront à notre portée.
Au pays, pendant ce temps, les baby boomers se préparent à prendre
leur retraite, et notre société prend de l’âge. Cela signifie qu’il
y aura moins de travailleurs pour soutenir un plus grand nombre
d’aînés. D’éventuelles pénuries de main-d’œuvre. Un accroissement
énorme de la demande à l’égard des soins de santé et d’autres
services publics. Et cette évolution démographique s’accompagne d’un
mouvement constant de la population vers la ville – tendance qui
impose un fardeau accru à nos centres urbains et qui crée de
nouveaux problèmes pour nos collectivités rurales.
Nous sommes en présence de deux forces importantes : un monde qui
évolue et un nouveau profil démographique. Comment pouvons-nous nous
préparer à gérer les pressions que ces forces exerceront sur le
Canada? Nous devons faire ce dont le gouvernement n’a souvent pas la
capacité ou la volonté, c’est-à-dire prévoir. Nous devons aussi
trouver de meilleures façons de travailler ensemble.
Pendant les années de déficit, il était pratiquement impossible
d’assurer une planification à long terme à l’échelon national. C’est
parce que le gouvernement fédéral devait toujours s’occuper de
l’immédiat – des besoins pressants, du besoin d’emprunter, de
l’accroissement rapide des paiements d’intérêts. À l’époque, nous
n’avions pas tant des déficits qu’une culture du déficits.
Gouvernement libéral, gouvernement conservateur – tout cela n’avait
pas d’importance. Rien ne changeait.
Nous avons mis fin à tout cela. Nous avons équilibré le budget. Nous
en sommes maintenant à notre huitième année consécutive d’excédent
budgétaire. En effet, le Canada est le seul État membre du G8 qui
n’est pas déficitaire. Pensez-y : le seul.
Nous vivons dans une ère nouvelle, une ère de responsabilité
financière et de responsabilisation à l’égard de nos moyens. C’est
pourquoi le gouvernement doit s’engager à planifier et à travailler
pour le Canada d’aujourd’hui et de demain.
Il y a des personnes à la Chambre des communes qui contestent mon
approche consistant à réinvestir le dividende budgétaire dans notre
avenir collectif. En effet, elles continuent de manifester leur
opposition en faisant tout ce qu’elles peuvent pour empêcher les
projets de loi budgétaires d’être adoptés. Certaines estiment que
nous devrions tout simplement réduire massivement les impôts et
renoncer à des initiatives qui pourraient sembler coûteuses, comme
des services abordables d’apprentissage et de garde des jeunes
enfants, comme le Nouveau Pacte. C’est un point de vue qui se
défend, mais ce n’est pas le mien.
Quand j’étais ministre des Finances, l’établissement d’un budget
équilibré n’était jamais une fin en soi. Je ne suis pas un
conservateur. Nous avons travaillé dur, à titre de gouvernement, de
gouvernement libéral, pour en arriver à un excédent budgétaire – non
pas pour faire plaisir aux économistes, mais bien pour pouvoir
vraiment faire quelque chose pour les Canadiens; pour pouvoir
apporter des changements positifs dans la vie des gens, au lieu de
hausser les épaules et de nous contenter de dire : « Désolés, nous
ne pouvons pas vous aider. Nous n’avons pas les moyens de faire quoi
que ce soit. »
Aujourd’hui, l’économie et les finances publiques du Canada sont des
points forts nationaux qui nous permettent de plus en plus de nous
démarquer. Nous affichons la meilleure croissance du niveau de vie
parmi les pays du G8. La croissance de l’emploi la plus rapide. Le
meilleur taux de remboursement de la dette. Une inflation modérée.
De faibles taux d’intérêts. Un taux de chômage qui est de 30 %
inférieur à celui d’il y a 10 ans. Pour les Canadiens, il est plus
facile de trouver un bon emploi, d’acheter une maison, de payer les
factures.
Ce bilan économique, nous y avons contribué à titre de responsables
des finances du Canada. Et nous les protégerons. Je les protégerai.
Nous garderons le cap.
Mais pour ce faire, une discipline financière est primordiale. Il
faut réduire la dette pour être solide et fiable sur le plan
financier, car la population vieillit et de plus en plus de
pressions sont exercées sur les soins de santé et les autres
services publics. Cela signifie réduire les impôts pour soutenir les
familles, encourager l’entreprenariat et les investissements, aider
le Canada à prospérer dans une économie nord-américaine intégrée
ainsi que dans un monde de géants économiques. Il faut donc investir
dans l’innovation et soutenir la recherche et le développement dans
les collectivités canadiennes, car la créativité et la
spécialisation sont les deux moteurs qui permettront au Canada, qui
ne compte que 32 millions d’habitants, de s’épanouir aux côtés des
titans de demain.
Et cela suppose également de réinvestir une partie de notre
dividende budgétaire dans le genre de programmes et d’initiatives
qui améliorent notre qualité de vie, qui placent le Canada dans une
classe à part, qui procurent des débouchés et de la sécurité à nos
citoyens.
Voilà pourquoi l’accord de l’été dernier sur les soins de santé est
si important – parce que la seule façon de commencer à nous préparer
à composer avec le coût accru d’une société vieillissante, c’était
de conclure une entente à long terme qui établit un financement
adéquat et prévisible, qui aborde les questions les plus pressantes,
comme l’accès et les temps d’attente, et qui nous engage à rendre
des comptes à nos citoyens.
Voilà pourquoi nous bâtissons un programme d’apprentissage et de
garde des jeunes enfants qui est abordable, de grande qualité et
vraiment national – un programme qui met l’accent sur le
développement, qui donne un coup de pouce aux enfants, afin que
chacun parte du bon pied et puisse réussir à l’école et dans un
monde où la concurrence est de plus en plus féroce.
Et c’est pourquoi nous mettons en œuvre notre Nouveau Pacte pour les
villes et les collectivités. Tout au long de l’histoire de notre
pays, à chaque époque, le gouvernement fédéral a lancé de nouveaux
projets nationaux essentiels à l’atteinte des buts perpétuels de la
prospérité et de la sécurité : la colonisation de l’Ouest, après la
Confédération, les chemins de fer, et dans les années
d’après-guerre, la création de nos assises sociales, y compris
l’assurance-maladie et le Régime de pensions du Canada.
Le Nouveau Pacte est un projet national bien de son temps. Il s’agit
de la pierre angulaire de notre engagement : gouverner non seulement
pour le Canada d’aujourd’hui, mais aussi pour les générations
futures. Il s’agit d’un investissement dans l’avenir de notre
nation.
Pendant trop longtemps, le gouvernement fédéral a omis de
reconnaître que tout se passe dans les villes et dans les
collectivités. C’est là que les politiques nationales touchent la
vie des gens, des familles. C’est là où nous vivons et où nous
travaillons. Et à cause de cela, notre qualité de vie, à titre de
Canadiens, tient largement à ce que nous vivons dans nos rues, dans
nos parcs, dans nos quartiers.
Les municipalités jouent donc un rôle clé dans la hiérarchie
gouvernementale, et doivent être reconnues et traitées en
conséquence. Mais elles ont été trop longtemps sous-financées.
Pendant trop longtemps elles n’ont pas pu participer pleinement à la
création d’un programme national. Grâce au Nouveau Pacte, tout cela
est en train de changer; les changements se font rapidement, et
j’espère sincèrement – tel sera mon objectif constant – que ces
changements seront pour le mieux.
Dans le cadre du Nouveau Pacte, les collectivités auront maintenant
accès à de nouvelles sources de financement fiables et prévisibles,
et les représentants de ces collectivités – vous-mêmes et vos pairs
– pourront vraiment participer au débat national.
Quand nous avons formé le gouvernement il y a 18 mois, nous avons
clairement affirmé que nous serions à l’écoute des besoins de nos
administrations municipales – des grandes métropoles jusqu’aux
petites villes –, car il s’agit d’un aspect essentiel de notre
démarche pour assurer la prospérité du Canada au XXIe siècle. Nous
vous avons fait une promesse, et nous avons fait une promesse aux
Canadiens, et nous tenons parole.
Nous le faisons parce que notre gouvernement comprend que la
prospérité des Canadiens – aujourd’hui et demain – est profondément
influencée par la santé, la vitalité et la sécurité de nos villes,
petites et grandes, et qu’elle continuera de l’être. Nous voulons
qu’il fasse bon vivre dans nos collectivités, et nous avons besoin
de cela. Et la façon d’y parvenir, c’est de veiller à ce que nos
villes disposent des revenus dont elles ont besoin pour faire
fonctionner les transports en commun, pour bâtir des
infrastructures, pour protéger et conserver des espaces verts.
Maintenant, dans ce contexte, nous savons très bien que nos grandes
villes sont confrontées à des défis qui sont très différents de ceux
des municipalités plus modestes. Dans les grandes villes, on va
peut-être s’attacher à réduire l’engorgement et à promouvoir le
transport public, à attirer des travailleurs hautement qualifiés.
Dans les petites collectivités, le besoin le plus pressant est
peut-être lié au vieillissement de l’infrastructure ou au besoin
d’attirer l’industrie – d’offrir de bons emplois qui permettront aux
enfants d’y grandir et de s’y bâtir une vie, sans avoir à quitter
leur coin de pays.
Dans nos efforts pour planifier l’avenir du Canada et des
générations à venir, nous ne devons jamais perdre de vue le fait que
nos grandes villes sont les piliers de notre progrès économique
national. Elles sont les pôles d’attraction où converge l’innovation
économique, sociale et culturelle, ce qui leur confère des besoins
spéciaux. L’essor des grandes villes est celui du Canada.
Cela ne fait aucun doute : l’efficacité et le dynamisme de nos
villes déclinera si leur infrastructure est laissée à l’abandon.
Notre économie nationale et notre réputation internationale seront
touchées. Nos grandes villes sont notre marque de commerce sur la
scène internationale; nous ne pouvons les laisser s’atrophier. Dans
les grands centres, la qualité de vie a une incidence directe sur la
capacité des citoyens à être créatifs et productifs, à innover, à
faire concurrence avec les plus grands, et à s’épanouir dans un
contexte toujours plus compétitif offrant des possibilités sans
précédent.
Nos collectivités plus modestes, pendant ce temps, doivent relever
des défis particuliers en ce qui concerne le mouvement de la
population et les besoins en matière de développement économique.
Voilà pourquoi il est crucial pour nous de les aider à résoudre
leurs problèmes économiques les plus pressants en leur donnant les
outils dont elles ont besoin pour s’aider elles-mêmes. À vrai dire,
les petites collectivités ont parfois d’importants besoins en
matière d’infrastructure touchant des aspects importants, comme
l’alimentation en eau potable. Mais, en raison de l’assiette
fiscale, il est parfois très difficile de lancer de grands projets,
comme la création d’une nouvelle usine d’épuration des eaux.
Voilà pourquoi nous veillons à ce que les collectivités plus
modestes reçoivent leur juste part du financement prévu dans le
Nouveau Pacte. Nous savons que même les collectivités les plus
modestes ont besoin de nouvelles sources de financement stables et
prévisibles, afin de pouvoir prendre des engagements financiers à
long terme, des engagements qui leur permettront de lancer de
nouvelles initiatives pour tous leurs citoyens.
Pour répondre aux besoins financiers des grandes villes et des
petites municipalités, nous avons cherché à trouver une solution à
la fois exhaustive et à long terme. Un remboursement de la TPS –
c’était l’une de nos premières grandes décisions en tant que
gouvernement. Des investissements massifs dans le transport en
commun, y compris un nouvel investissement de 800 millions de
dollars annoncé cette semaine par John Godfrey. Et, bien sûr, le
transfert d’une partie de la taxe sur l’essence – mesure qui
procurera des milliards de dollars de nouveaux revenus prévisibles
pour des projets locaux importants – des projets qui influeront de
façon positive sur la vie des Canadiens.
Nous avons déjà conclu des ententes relatives à la taxe sur
l’essence avec la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Yukon. Et
nous nous efforçons d’ajouter à nos réalisations – en concluant des
ententes avec d’autres provinces et territoires, pour mettre cet
argent à la disposition de nos municipalités.
Mais il importe de comprendre que notre engagement financier à aider
à bâtir des collectivités plus solides va au-delà du simple
transfert de fonds, et, en effet, au-delà même des investissements
considérables que nous avons effectués dans le renouvellement de
l’infrastructure.
Nous dépensons des milliards de dollars pour nettoyer des sites
contaminés dans des villes, petites et grandes, partout au pays.
Nous appuyons les fonds municipaux verts qui visent à accélérer
l’investissement dans les technologies environnementales, pour que
l’air, l’eau et le sol soient plus propres, et pour protéger le
climat. Nous mettons l’accent sur les besoins liés à l’immigration –
en aidant les nouveaux Canadiens à s’établir dans les grandes villes
et en attirant les immigrants dans nos centres plus modestes.
Et nous investissons en vue d’accroître l’offre de logements
adéquats et d’unités locatives abordables – car la qualité du
logement est à la base même d’une collectivité forte. En effet, cela
est absolument essentiel au succès de l’établissement de nouveaux
Canadiens et à la croissance d’un environnement favorable pour les
peuples autochtones, qui s’établissent en nombre toujours croissant
dans nos villes, en vue de créer davantage de débouchés.
Avec ces initiatives, nous cherchons à améliorer la qualité de vie
des Canadiens. Mais le Nouveau Pacte n’est pas seulement une
question de sous, car le financement ne peut à lui seul garantir la
prospérité et le succès futurs de nos collectivités. Il y a deux
autres éléments cruciaux qui aident à définir notre approche à
l’égard de ce nouveau partenariat avec les municipalités.
Premièrement, le Nouveau Pacte reconnaît que, parfois, la meilleure
façon d’atteindre les objectifs nationaux est de mobiliser les
citoyens à l’échelle locale.
Par exemple, en matière d’environnement, notre pouvoir est limité si
les Canadiens ne s’engagent pas à faire bouger les choses. Les
collectivités locales sont beaucoup plus en mesure de favoriser le
changement et d’apporter des améliorations que nous, à Ottawa. C’est
pourquoi nous leur accordons du financement : pour qu’elles puissent
favoriser des changements en matière d’environnement et travailler
avec les autorités locales concernant les infrastructures qui
protègent l’environnement, par exemple le transport en commun, de
nouvelles façons de traiter les déchets, le recours à des sources
d’énergie écologiques.
Deuxièmement, le Nouveau Pacte reflète le besoin de faire participer
les administrations municipales et leurs dirigeants à l’échelon
national – et de leur permettre de contribuer à l’établissement des
objectifs du pays.
Alors, qu’est-ce que tout cela signifie? Cela signifie que notre
gouvernement est déterminé à faire des administrations locales des
partenaires véritables, au chapitre non seulement de la mise en
œuvre du plan d’action national, mais aussi de sa création. Cela
signifie que votre voix sera entendue avant que le budget fédéral ne
soit établi chaque année. Cela signifie que nos projets communs se
réaliseront dans un esprit de partenariat. D’abord et avant tout,
cela signifie que notre gouvernement ne se cachera jamais derrière
un mur, en déclarant que la santé de nos collectivités est le
problème de quelqu’un d’autre.
Et soyons clairs : nous respectons la responsabilité et le rôle des
provinces, nous n’avons aucune intention d’empiéter dans leur champ
de responsabilité. Nous travaillons en partenariat avec elles en vue
d’arrêter les détails du Nouveau Pacte. Mais contrairement à
certains, je crois que les villes et les collectivités que vous
représentez – les endroits où un si grand nombre de services
gouvernementaux sont dispensés – méritent d’être traitées comme des
partenaires responsables, à part entière, dans notre pays. Elles
méritent de participer à l’orientation de notre pays. Parce que,
ensemble, avec tous les ordres de gouvernement, nous pouvons
accomplir plus de choses pour les Canadiens.
Notre Nouveau Pacte pour les villes et les collectivités canadiennes
représente le début d’une collaboration durable. Une collaboration
qui aidera à bâtir un pays efficace et efficient. Une collaboration
fondée sur la création de possibilités économiques, le mieux-être
social et la protection de l’environnement.
Mesdames et Messieurs, l’heure de gloire du Canada est arrivée. Je
regarde l’avenir et je vois tellement de promesses, de potentiel. Je
parcours notre territoire, et je vois un pays et un peuple prêts à
saisir les occasions qui se présenteront. Notre pays présente
tellement d’avantages.
Le Nouveau Pacte est l’élément central de notre plan visant à
assurer la prospérité du Canada au cours des prochaines années et
des prochaines décennies, à bâtir une économie solide et à la
protéger, et à faire en sorte que le Canada soit envié de par le
monde.
Dans la mesure où nous protégeons et améliorons nos assises
sociales, dans la mesure où nous avons la sagesse d’investir dans la
vitalité de nos villes, petites et grandes, je crois que le Canada
découvrira de nouveaux débouchés et saura assurer sa prospérité.
Je crois en un gouvernement qui reconnaît les forces qui influeront
sur notre monde et qui s’assure que nous sommes prêts à les
affronter tous ensemble.
Je crois en un Canada doté d’un gouvernement national fort qui agit
pour le bien, qui améliore la vie des gens et qui présente nos
valeurs et nos intérêts sur la scène mondiale.
Je crois en un Canada qui entretient la force de son économie, qui
maintient le chômage à un bas niveau et qui protège la prospérité en
refusant de replonger dans les déficits.
Je crois en un Canada qui valorise et protège son régime public de
soins de santé, de sorte que, pour se faire soigner, il faut non pas
une carte de crédit, mais bien une carte de santé.
Un Canada qui investit dans l’avenir des générations futures grâce à
des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants
abordables et de haute qualité, et à un système d’enseignement
postsecondaire sans pareil.
Et je crois en un Canada qui soutient ses villes et ses
collectivités et aide à les renforcer, pour que nos municipalités
rurales puissent prospérer et que nos grandes villes puissent nous
représenter dans le monde.
C’est là le Canada auquel je crois. C’est le Canada que nous
travaillons à bâtir.
Parce que je crois que notre génération sera jugée en fin de compte
non pas par nos concitoyens d’aujourd’hui, mais par les Canadiens de
demain. Ils regarderont en arrière. Ils comprendront que nous avions
les moyens de préparer l’avenir. Et ils verront que nous avons agi,
que nous avons réinvesti dans le grand projet collectif que nous
appelons le Canada, que nous avons relevé le défi de saisir les
occasions présentées à notre époque pour leur offrir un avenir
encore meilleur.
Merci.
[Martin=20050623]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin au service commémoratif pour Air India ]
Aujourd’hui, nous nous souvenons de vos fils et de vos filles, de
vos pères, de vos mères, de vos chers parents et amis – tous
disparus à bord le vol 182 d’Air India. Nous contemplons la pierre
lisse de ce monument. Nous y lisons les noms des disparus, qui
resteront gravés pour toujours. Nos pensées se tournent aujourd’hui
vers les vies écourtées et les générations de descendants qui ne
verront pas le jour, vers le bonheur interrompu et le chagrin qui
vous accompagne depuis déjà vingt ans, mais
Juin 23, 2005
Ahakista (Irelande)
Le texte prononcé fait foi
Bonjour.
Aujourd’hui, nous nous souvenons de vos fils et de vos filles, de
vos pères, de vos mères, de vos chers parents et amis – tous
disparus à bord le vol 182 d’Air India. Nous contemplons la pierre
lisse de ce monument. Nous y lisons les noms des disparus, qui
resteront gravés pour toujours. Nos pensées se tournent aujourd’hui
vers les vies écourtées et les générations de descendants qui ne
verront pas le jour, vers le bonheur interrompu et le chagrin qui
vous accompagne depuis déjà vingt ans, mais dont vous n’avez jamais
voulu. Pour vous, pour ceux et celles que vous aimez, un moment de
haine a mené à une perte de durée éternelle.
Devant l’océan majestueux, nous nous efforçons de comprendre, mais
ce n’est pas possible. Nous ne sommes pas naïfs, nous n’ignorons pas
ce qui se passe dans le monde, son lot de peines, mais l’acte
funeste commis il y a vingt ans défie toute compréhension. Ce fut
une perte inimaginable. Ce fut votre perte, et ce fut aussi celle de
notre pays. Ne vous y trompez pas : Même si le vol était d’Air
India, même si les événements se sont déroulés près des côtes
d’Irlande, il s’agit bien d’une tragédie canadienne.
De l’autre côté de l’océan, chez nous au Canada, aujourd’hui est un
jour de deuil national. Partout dans notre pays, d’un bout à l’autre
de ses vastes espaces, les drapeaux sont en berne – par respect,
bien entendu, mais davantage en raison de notre désir collectif de
vous dire que nous vous accompagnons. Nous vous accompagnons en ce
jour de tristesse et de souvenir. Nous condamnons avec vous ceux qui
ont perpétré cet acte haineux.
Nous qui sommes réunis ici, tous ceux et celles qui écoutent ce
service commémoratif de loin – nous vous accompagnons. Nous venons
de différents pays, nous sommes d’origines et de cultures diverses –
mais nous voici rassemblés, unis par notre humanité commune, pour
témoigner devant ce monument éternel. Pour exprimer notre
indignation. Pour célébrer ensemble la compassion.
J’aimerais dire aux familles dont les proches voyageaient sur le vol
182 – avec votre aide et vos conseils, nous créerons au Canada un
site commémoratif permanent à la mémoire de ceux qui ont péri.
Et pendant des années à venir, nous soulignerons officiellement, le
23 juin, la Journée nationale du souvenir des victimes de terrorisme
– ce sera le moment de nous souvenir de ceux qui ont trouvé la mort
face à une haine froide et de réaffirmer notre volonté de tenir
ferme contre ceux qui voudraient terroriser le monde.
C’est ici, dans ce petit hameau, et partout dans cette région
bucolique et battue par les vents, que vous, les Irlandais, avez
ouvert votre cœur au monde. Vous avez accueilli des étrangers dans
vos foyers. Vous avez réconforté ceux qui venaient en quête de paix
– vous les avez écoutés, vous les avez aidés à porter leur fardeau.
À vous j’exprime la profonde gratitude de tous les Canadiens.
J’aimerais dire au personnel de sauvetage de ce pays et du Royaume
Uni, à ceux qui ont si vaillamment mené des recherches en mer le 23
juin 1985 et pendant les jours qui ont suivi : vous avez fait preuve
d’héroïsme et de compassion. Nous avons une dette de reconnaissance
envers vous.
Voici un pays connu pour la beauté de ses paysages. Chaque été, de
nombreuses collines sont couvertes de fuchsias sauvages à fleurs
pourpres et cramoisies. Il existe une très belle expression pour les
décrire. On dit que ce sont les « larmes de Dieu ».
Les larmes étaient abondantes ce matin-là, il y a vingt ans. Les
familles des victimes ont versé les larmes de toute une vie.
Aujourd’hui, tandis que nous partageons ce moment de tranquillité –
et dans l’avenir, pendant les jours difficiles qui s’annoncent,
lorsque les pensées se tourneront vers ce qui aurait pu être –
rappelons nous toujours que l’acte même du souvenir est un geste
d’amour immémorial. C’est ainsi que nous perpétuons le souvenir de
ceux qui nous manquent. Que nous sentons leur présence dans notre
cœur. Que nous les pleurons et les célébrons. Et que nous gardons
leur mémoire, toujours et à jamais.
[Martin=20050701]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la fête du Canada ]
Vos Excellences, distingués invités, tous les Canadiens et les
Canadiennes, ici sur la Colline du Parlement et partout au pays.
Dans la famille des nations, le Canada est encore assez jeune. Mais
notre histoire a été au cœur de l’année 2005. Elle nous a rappelé
les réalisations de notre pays et nous a encouragés à réfléchir au
passé et à nous émerveiller.
Cette année marque le 125e anniversaire de la composition de notre
hymne national par Calixa Lavallée et Basile Routhier. Nous avons
souligné le centenaire de la Saskatchewan et de l’Alberta. Nous
avons commémoré le 60e anniversaire du Jour de la Victoire et la
libération des Pays-Bas par de courageux soldats canadiens. Ce fut
aussi le 20e anniversaire de l’entrée en vigueur des dispositions de
la Charte des droits et libertés concernant l’égalité. De plus, nous
avons célébré quarante ans d’unité nationale sous un drapeau que
nous pouvions enfin considérer comme étant vraiment nôtre.
Sous les champs en France, un réseau de tunnels datant de la
Première Guerre mondiale est resté intact. Dans un entrepôt creux
sous terre, on peut encore voir l’image d’une feuille d’érable qu’un
jeune Canadien avait gravée dans le mur il y a près de quatre vingt
dix ans, avant la bataille de Vimy.
La feuille d’érable est une présence quotidienne dans nos vies. Mais
c’est surtout le jour de la fête du Canada que nous constatons à
quel point notre drapeau fait partie de notre histoire, de notre
nation, et à quel point il est inhérent à notre identité. La feuille
d’érable symbolise le devoir, la fierté et la persévérance,
l’ingéniosité, la diversité et, bien entendu, la suprématie mondiale
au hockey.
Plus que toute autre chose, elle symbolise ce que les Canadiens
représentent. C’est pourquoi nous la fixons au revers de notre
veston ou la cousons sur notre sac à dos. Afin que nous puissions
emmener le Canada et ses idéaux partout avec nous. Certaines
personnes – y compris un de mes fils – vont jusqu’à tatouer la
feuille d’érable sur leur corps, ce qui, pour un Premier ministre,
est toute une déclaration d’amour pour son pays. Mais en tant que
père, j’aurais préféré qu’il la couse sur son sac à dos.
Beaucoup d’entre nous savent exactement où ils étaient le jour où
l’unifolié a été hissé pour la première fois – dans des cours
d’école et des places municipales, à l’extérieur d’un hôtel de ville
ou d’une résidence, et, bien entendu, ici sur la Colline du
Parlement. Nous avons ressenti un élan de patriotisme. Nous avions
l’impression que le Canada, qui n’avait pas encore cent ans, était
tout à coup devenu adulte.
Je travaille ici, sous ce drapeau. Comme tous les députés
d’ailleurs. Et chaque matin, en levant les yeux, nous voyons ce
drapeau qui nous rappelle qu’il y a quatre décennies, les Canadiens
s’engageaient hardiment et irréversiblement à l’égard de l’avenir, à
l’égard de ce que le Canada pouvait devenir; ils s’engageaient à
accomplir un destin qui serait sans aucun doute et pour toujours,
uniquement nôtre.
Voyez ce que nous sommes devenus.
Voyez – un pays libre et souverain, riche et respectueux, un pays
qui déborde de possibilités et d’optimisme, tourné vers la
générosité et le partage, et à bien des égards, un modèle pour le
monde; à bien des égards, l’envie du monde.
Regardons-nous – un peuple fier et divers, prêt à accueillir ceux
qui arrivent de partout dans le monde et soucieux du bien-être de
ceux avec qui on partage ce merveilleux territoire.
Regardons-nous. Admirons nos magnifiques paysages – de l’ancienne
forêt de Cathedral Grove sur l’île de Vancouver, dominée par des
arbres mesurant des centaines de pieds et vieux d’autant d’années,
aux falaises de glace dentelées de l’île de Baffin, en passant par
la majesté aride de la colline Signal à Terre Neuve. Les chaînes de
montagne, les villes côtières, la vaste étendue des Prairies,
l’énergie humaine illimitée de nos plus grandes villes. Notre pays
est une merveille – aussi divers et remarquable que les gens qui
l’habitent.
Aujourd’hui, en ce jour de la fête du Canada, nous réfléchissons à
la bonne fortune de notre pays et de notre peuple. Nous nous
réjouissons de tout ce qui fait de nous des Canadiens – de notre
immense fierté devant l’ensemble de nos réalisations, de tout ce que
nous sommes sur le point d’accomplir ensemble.
Aujourd’hui, nous revenons sur notre histoire, sur le cheminement
que nous avons fait, nous pensons à ceux et celles qui ont aidé à
bâtir ce pays qui nous est si cher. Demain, nous allons poursuivre
sur notre lancée historique.
C’est notre pays. C’est notre journée. C’est maintenant à notre
tour. Bonne fête Canada.
[Martin=20050916]
[lieu=usa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies ]
La réaction internationale aux ravages provoqués par l’ouragan
Katrina nous rappelle une fois de plus que des liens, autres que
linguistiques, raciaux ou religieux, existent entre les individus,
liens qui sont fondés sur une réflexion fondamentale sur ce que
signifie être un être humain, une personne qui a des droits, des
besoins et des responsabilités envers les autres.
En fait, nous ne faisons qu’un sur cette planète.
D’ailleurs, « Dans une liberté plus grande » est éloquente à cet
égard : la sécurité, le développement et les droits de l’Homme, les
trois piliers de la liberté humaine, ne sont pas des concepts
abstraits. Il est donc de notre responsabilité, ainsi que de celle
de toutes les agences et de tous les membres des Nations Unies, de
les réaliser. Si les Nations Unies veulent fonctionner, nous savons
ce que nous devons faire, et nous savons aussi ce que nous devons
améliorer.
Le Canada ne peut imaginer un monde florissant sans les Nations
Unies. Mais détrompez vous, cette organisation doit faire l’objet
d’une réforme. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler des trois piliers
que sont la sécurité, le développement et les droits humains dans le
contexte d’une telle réforme.
La sécurité représente la protection de la vie, donc la base de
toutes nos activités. C’est pourquoi nos discussions concernant la
réforme du Conseil de sécurité sont si importantes, et qu’un débat
de longue date persiste sur le fait que le Conseil de sécurité
devrait être plus représentatif.
Nous sommes d’accord.
Mais nous croyons qu’il est encore plus important que le Conseil
fonctionne bien. Trop souvent, les membres permanents ont exercé
leur droit de veto – ou ont menacé de le faire – pour empêcher une
intervention efficace. Trop souvent, nous avons débattu de questions
de langue pendant que d’innocentes personnes mouraient. Et le
Darfour n’est que l’exemple le plus récent.
De toute évidence, nous devons élaborer des lignes directrices
élargies sur le mandat du Conseil de sécurité pour qu’il soit
clairement établi que nous devons agir sans hésiter pour prévenir
des attaques contre l’humanité. La « responsabilité de protéger »
est l’une de ces lignes directrices. Elle veille à protéger les
innocents d’agressions effroyables contre leur vie et leur dignité.
Elle n’encourage pas une action unilatérale. Au contraire, elle
établit clairement un critère, convenu par toutes les parties,
concernant les mesures que la communauté internationale devrait
prendre lorsque les citoyens sont en danger.
Il s’agit là d’une norme puissante de comportement international. Et
cette semaine, nous avons fait un grand pas en ce sens. Nous sommes
fiers que la « responsabilité de protéger » ait des racines
canadiennes, que ce principe soit maintenant applicable au monde
entier. Cela étant dit, notre responsabilité en tant que
collectivité ne s’arrête pas là. J’aurais espéré que nous
conviendrions immédiatement de mettre la nouvelle commission de
consolidation de la paix en fonction. La consolidation de la paix
constitue une entreprise colossale, et pour bien le faire, nous
devons mettre de l’ordre dans le chaos.
Ce qui me conduit au deuxième pilier – le développement économique.
Le dossier n’est pas très reluisant. Après des décennies d’efforts,
on constate qu’argent et développement ne vont de pair que si les
pays donateurs et les pays récipiendaires prennent leurs
responsabilités à cœur. Cette leçon, nous devons la mettre en
application. Les pays donateurs doivent en faire plus et nous avons
commencé à le faire, en accroissant nos budgets d’aide au
développement, en accélérant les déboursés et en remettant de
vieilles dettes accumulées.
Mais, nos politiques doivent aussi faire preuve de plus de
cohérence. À quoi sert de parler de développement tout en chassant
de pauvres fermiers de leurs terres parce qu’ils ne peuvent
concurrencer sur leurs propres marchés les exportations agricoles
subventionnées à outrance en provenance des pays riches!
A quoi bon se lamenter sur le sort des pauvres tout en cherchant à
vendre le maximum d’armes au plus grand nombre possible de pays en
développement. Comment prêcher les vertus du libre-échange tout en
niant aux pays les plus pauvres l’accès à nos marchés.
Les pays en développement doivent faire davantage eux aussi. Il n’y
aura pas de vrai développement tant et aussi longtemps que les
populations locales n’auront pas la confiance nécessaire pour
investir leurs propres énergies et leurs propres ressources afin de
se bâtir un avenir meilleur. Ils n’auront cette confiance que
lorsqu’ils verront leurs gouvernements investir dans des secteurs
qui améliorent de manière concrète leur qualité de vie – non pas de
manière excessive dans l’armement, mais dans la santé, l’éducation,
la bonne gouvernance – et créer un environnement propre à libérer le
génie entrepreneurial qui existe dans tous les pays.
Nous devons voir le monde à travers les yeux des gens que nous
tentons d’aider. Lorsque nous satisferons aux critères qui sont
importants pour eux, alors et seulement alors serons-nous en mesure
de jeter les bases d’un développement qui sera vraiment durable.
Combien de nouveau-nés de plus ont été vaccinés cette année par
rapport à l’an dernier?
Combien d’enfants de plus ont appris à lire et à écrire?
Les titres de propriété des familles sont-ils vraiment assurés?
Combien de petites entreprises ont survécu pendant trois ans ou
plus?
Passons maintenant au troisième pilier des Nations Unies – le
respect des droits humains. Nos efforts de réforme dans le domaine
de la sécurité et du développement sont voués à l’échec s’ils ne
sont pas solidement enracinés dans le respect des êtres humains :
1) le respect de leurs droits;
2) le respect de leurs cultures, de leurs traditions et de leurs
croyances;
3) le respect de leurs opinions, qu’elles soient dissidentes ou non.
Le respect des droits humains est un principe au cœur même de la
démocratie, et il constitue la clef de voûte pour libérer le
potentiel qui existe en chaque être humain de contribuer à son
propre bien-être, ainsi qu’à la prospérité et à la sécurité de sa
collectivité. La Commission des droits de l’homme des Nations Unies
souffre d’un grave problème de crédibilité. Ses membres, sa
politisation croissante et son inefficacité généralisée dans le
traitement des cas de violations des droits humains dans le monde
ont relégué ses réalisations dans l’ombre. Nous avons besoin d’un
organisme permanent à un niveau plus élevé dans la hiérarchie du
système onusien, à la hauteur de l’importance qu’ont les droits
humains. C’est pourquoi nous appuyons la proposition de créer un
conseil des droits de l’homme efficace.
Je ne peux cacher notre profonde déception devant notre incapacité
de nous entendre à ce sommet sur toutes les composantes du nouveau
conseil des droits de l’homme qui sont nécessaires pour le rendre
opérationnel. Le Canada n’aura de cesse de promouvoir activement la
création d’un conseil permanent, qui soit doté de membres choisis à
partir de critères crédibles. En attendant, nous sommes heureux de
l’appui unanime qu’ont reçu les travaux du Haut commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme, Louise Arbour, et de notre
décision collective de doubler les ressources de son bureau.
J’ai parlé des trois piliers des Nations Unies – la sécurité, le
développement et les droits humains. Chacun présente des défis
particuliers à relever, mais ils ont tous aussi un élément en commun
si l’on veut assurer le bon fonctionnement des Nations Unies : il
faut trouver des façons nouvelles et innovatrices de relever les
défis mondiaux en mettant tous les pays à contribution et en les
faisant tous profiter des avantages.
Le changement climatique en offre un exemple frappant. En novembre,
le Canada présidera la Conférence des Nations Unies sur le
changement climatique. Notre but est clair : le changement
climatique est bien réel, et tous les pays doivent le reconnaître;
l’activité humaine en est une cause déterminante, et tous les pays
doivent intervenir.
Notre mandat à Montréal comportera deux volets : Tout d’abord, les
signataires de l’Accord de Kyoto ont commencé à prendre les mesures
qui s’imposent, et doivent poursuivre ce travail en concrétisant
davantage les engagements déjà pris; ensuite, pour assurer une
véritable et substantielle réduction des émissions de gaz à effet de
serre, nous devons travailler vers la création d’un régime mondial.
Monsieur le Président,
Tel que le Secrétaire général a notamment observé, les Nations Unies
sont à la croisée des chemins. Pour que la réforme de l’ONU soit
durable et efficace, il faut qu’elle s’engage dans une reforme en
profondeur de son administration, de ses modes de gestion, tout
comme dans la création de mécanismes de vérification plus musclés.
Cette reforme est indispensable. Nous voulons travailler avec les
autres pays membres et le Secrétaire général pour que cette
assemblée générale avalise un train de réformes à la mesure des
exigences du XXIe siècle.
En résumé, le temps du statu quo et des débats stériles est révolu
et doit laisser place à un nouveau multilatéralisme pragmatique dont
on juge les résultats plutôt que les promesses.
Nos citoyens veulent la sécurité, une sécurité basée sur le droit
international. Ils veulent des perspectives d’avenir à partir d’une
aide plus efficace. Ils veulent qu’on leur donne le pouvoir d’agir,
un pouvoir basé sur le respect des droits humains. Et ils veulent un
environnement sain. Ces rêves ne sont pas utopiques. Ce sont les
défis les plus urgents que nous avons à relever. Nous sommes des
dirigeants nationaux.
Toutefois, dans un monde comme celui dans lequel nous vivons
aujourd’hui, nous ne pouvons bien servir notre pays sans nous élever
au-dessus d’intérêts nationaux étroits. Si nous n’agissons pas de
façon responsable sur la scène internationale, nous trahissons les
citoyens de nos propres pays.
Il n’y a qu’un seul monde.
Cette phrase toute simple trouve sa plus profonde expression ici,
dans les espérances que nous plaçons en les Nations Unies. Nous
avons des décisions difficiles à prendre, mais avec courage et
vision, nous pouvons créer les Nations Unies de demain, des Nations
Unies qui serviront les gens du monde entier, car c’est la meilleure
façon de servir chacun d’entre nous.
Merci.
[Martin=20050920]
[lieu=qué]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin ]
Je suis heureux d’avoir de nouveau l’occasion de m’adresser à vous.
Certains d’entre vous se souviendront peut-être que nous nous sommes
réunis dans cette salle peu après ma nomination à titre de Premier
ministre. Je dois vous dire, après avoir gouverné en situation
minoritaire pendant une bonne partie de ces quelque 21 mois, que
cela présente des défis particuliers. Malgré cela, notre programme
d’action pour le Canada est resté le même. En un an et demi, nous
avons travaillé sur les priorités dont je vous avais parlé en
décembre 2003, et ce sont ces mêmes priorités que nous continuerons
de développer cet automne.
Cela ne signifie pas que ces 21 derniers mois aient été faciles à
traverser pour nous tous. Les questions soulevées par la Commission
Gomery ont eu des incidences sur les élus et les fonctionnaires – et
il s’agit d’une situation inacceptable pour une fonction publique
honnête, compétente et dévouée envers les Canadiens. C’est ce
dévouement qui nous motivera, cet automne et dans les mois qui
suivront, à renforcer l’intégrité et la responsabilisation du
gouvernement.
À Windsor, où j’ai grandi, j’étais probablement le seul enfant de
mon quartier à connaître la différence entre un sous-ministre
adjoint et un directeur général. Ainsi, la valeur des
fonctionnaires, votre amour pour votre pays et le rôle essentiel que
vous jouez pour ce qui est de transformer les rêves en réalité sont
autant de choses que j’ai comprises à un très jeune âge. Le Premier
ministre est peut-être le visage du gouvernement fédéral, mais vous,
vous en êtes le cœur.
Et derrière les chroniques d’intrigues partisanes et de stratégie
politique qui ont fait la manchette des quotidiens au cours de la
dernière année, nous avons travaillé avec acharnement à la mise en
œuvre du programme d’action du gouvernement. Une importante session
commencera à l’automne et nous devons tous, politiciens et
fonctionnaires, continuer à faire du progrès. Nous devons continuer
à travailler sans répit.
Ainsi, avant que le Parlement ne se réunisse, avant le retour des
temps intéressants, j’aimerais vous parler de notre programme pour
le Canada – pas tant de son contenu que de sa raison d’être. Et je
veux vous en parler parce que, vu l’immense portée des forces en
branle dans le monde, vu leur signification pour notre pays, il est
plus important que jamais de travailler ensemble, de faire en sorte
que chacun de vos ministères, en suivant sa propre voie, tienne
compte de l’orientation globale du gouvernement.
Commençons par ce que j’estime devrait être le rôle du gouvernement
dans un contexte national et international en évolution
Au cœur de notre idée du Canada, se trouve l’union particulière des
valeurs liées à la justice sociale et aux possibilités économiques.
Ces valeurs sont essentielles à amener le Canada à relever les défis
du XXIe siècle. Elles nous rassemblent. Elles font de notre pays un
endroit de choix pour des milliers de personnes dans le monde
entier. Ces valeurs guident le gouvernement dans la réalisation de
ses devoirs en tant que défenseur de l’unité nationale, de notre
sécurité et de notre souveraineté.
Nous accordons une grande importance aux libertés individuelles.
Nous voulons donner aux individus les outils pour réussir. Nous
croyons en notre responsabilité à l’égard de nos concitoyens et à
l’égard des générations futures. Une responsabilité qui s’exprime
par des réalisations publiques, des assises sociales solides et un
engagement permanent envers la dignité humaine.
Nous sommes à l’avant-garde des pays résolus à protéger les droits
de la personne. Dans la réalisation de notre projet commun, nous
célébrons la diversité, et nous aspirons à assurer l’inclusion et
l’égalité des chances; ces éléments qui définissent notre
citoyenneté commune. Ces valeurs sont codifiées dans la Charte des
droits et libertés, un document qui joue un rôle de pivot depuis
plus de 20 ans. C’est un rôle que la Charte continuera de jouer dans
l’évolution de notre pays et de notre société.
Ce mélange unique de valeurs contribue à nous définir en tant que
Canadiens et à déterminer comment nous nous y prendrons pour
atteindre nos objectifs en tant que nation. Ces valeurs résistent au
temps et aux changements. Elles donnent corps à notre conception du
Canada : une société déterminée à n’abandonner personne dans le
besoin; une société qui a l’ambition d’être la norme selon laquelle
les autres se jugeront.
Je crois au bien que le gouvernement peut accomplir. Je crois que le
gouvernement doit être à la tête d’initiatives nationales qui
reflètent nos aspirations les plus grandes et nos valeurs les plus
profondes. Si ces derniers mots sonnent comme une recommandation en
faveur d’un gouvernement activiste, c’est qu’ils le sont.
Je crois que le rôle du gouvernement est d’établir les objectifs
nationaux de son temps, puis de mobiliser la volonté collective
nécessaire pour les atteindre. En somme, je crois que le rôle du
gouvernement est de préparer le pays pour le monde de demain. Pour
ce faire, nous devons comprendre les forces qui exercent une
influence sur notre pays et sur le monde, les plaques tectoniques
qui bougent sous la plate-forme de notre vie nationale. Certaines –
comme les relations entre le Canada et les États-Unis, l’impact des
nouvelles technologies, les menaces à la sécurité et à l’unité –
sont présentes depuis longtemps et sont bien connues, même si leur
nature évolue sans cesse.
Cependant, nous sommes aussi confrontés à de nouvelles forces
importantes. Des forces dont les répercussions sont énormes.
Aujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur deux d’entre
elles alors que nous discutons de la raison d’être de notre
programme pour l’avenir du Canada.
Ni l’une ni l’autre n’est apparue brusquement, mais toutes deux ont
atteint un point qui pourrait faire pencher la balance et exigent
toute l’attention et l’action concertée du gouvernement. L’une de
ces forces est l’évolution de notre population que reflètent les
données démographiques; l’autre est la montée stupéfiante de la
Chine et de l’Inde. Notre réaction à ces nouvelles forces modèlera
l’avenir du Canada. Elles requièrent toutes deux une action
immédiate et soutenue.
Nous devons être prêts à saisir les occasions qui ne manqueront pas
de se présenter, à relever les nouveaux défis qu’elles entraîneront.
Bref, notre mission doit être de maintenir le Canada à l’avant
garde. Cela afin que dans 15 ans – même avec une population
vieillissante, même dans un monde où des pays beaucoup plus grands
que le nôtre rivalisent entre eux pour accroître leur influence
politique et économique – notre niveau de vie reste parmi les
premiers, notre qualité de vie soit sans pareille, notre pays soit
fort et notre confiance en nous-mêmes inébranlable. C’est notre
objectif national – un Canada uni et influent, riche en
possibilités, un Canada capable de relever à la fois les défis que
nous connaissons bien et ceux que présentent ces nouvelles forces.
Tel est le but que nous nous sommes fixé.
Évidemment, ce ne sont pas toutes les activités de chacun de vos
ministères qui pourront entrer dans ce cadre. Le gouvernement fait
face à des demandes qui existent dans un contexte plus large que mon
propos d’aujourd’hui, il devra également s’occuper des exigences à
court terme. Nous répondrons à ces deux types de questions cet
automne. Cependant, il me paraît absolument essentiel de mettre
l’accent sur la prévoyance – sur les préparatifs à faire pour être
en mesure de gérer l’impact qu’auront les changements démographiques
et la montée de la Chine et de l’Inde – si nous voulons concrétiser
nos aspirations pour le Canada. Ainsi, la gestion de ces forces et
la préparation nécessaire pour y faire face et en tirer profit se
retrouvent au cœur de la plupart des travaux que nous avons déjà
entrepris, et de ceux que nous souhaitons accomplir dans l’avenir,
en tant que gouvernement.
Ces propos ne sont pas tirés d’un séminaire ou d’une conférence.
Cette situation est bien réelle. Et aujourd’hui, nous discutons de
la réponse qu’exigeront ces nouvelles forces en ce qui concerne nos
responsabilités en tant que décideurs.
En ce qui a trait aux nouvelles réalités démographiques d’abord,
deux facteurs doivent être considérés : premièrement, depuis les 30
dernières années, le taux de natalité au Canada est relativement
bas, et cette tendance ne semble pas vouloir changer; deuxièmement,
la génération du baby-boom approche de l’âge de la retraite. Les
répercussions sont considérables : moins de travailleurs qui devront
soutenir davantage de personnes âgées. En seulement 10 ans, on ne
comptera plus que 3,5 travailleurs pour chaque personne âgée,
comparativement à 5 aujourd’hui. D’ici 2015, la population active
canadienne commencera à diminuer; la croissance nette devra donc
reposer sur les nouveaux Canadiens. Réfléchissez à ce que ce
changement signifie : augmentation de la demande de soins de santé
et de services publics; pénurie possible de main d’œuvre qualifiée.
Le contexte démographique mondial indique un accroissement important
de la population dans les pays les plus pauvres, ce qui limite leur
capacité à offrir même les possibilités les plus élémentaires. On
constatera davantage de pressions migratoires, un terreau plus
fertile pour le terrorisme et des demandes croissantes d’aide au
développement. Pendant ce temps, le reste de la planète sera
confronté à des défis démographiques semblables aux nôtres, ce qui
entraînera une concurrence de plus en plus vive pour les
travailleurs qualifiés.
Par rapport à toutes ces questions, il est notre responsabilité, en
tant que décideurs, de veiller dès maintenant à ce que nous soyons
prêts à y faire face. Que ferons-nous pour nous assurer d’être fin
prêts le moment venu?
Dans le domaine de la santé d’abord, le principal objectif de
l’accord conclu en septembre dernier avec les provinces et les
territoires est de veiller à ce que le système public demeure solide
et continue de bien fonctionner au fur et à mesure que la population
vieillira et que les nouvelles technologies et percées médicales
élargiront la portée des traitements. Ce que nous avons fait, c’est
mettre en place une contribution financière fédérale à long terme
qui soit prévisible et croissante. Cela afin que les provinces et
les territoires puissent mieux planifier et s’adapter à leur réalité
démographique en embauchant davantage de médecins, de personnel
infirmier et d’autres professionnels de la santé, et se diriger vers
une couverture garantie concernant les soins actifs à domicile et
une stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques.
Mais il est clair que nous mettrons l’accent, au cours des prochains
mois, sur la concrétisation de notre engagement concernant la
réduction des temps d’attente. Durant la dernière campagne
électorale, nous avons fait une promesse aux Canadiens et aux
Canadiennes. En signant l’accord sur les soins de santé, les
premiers ministres provinciaux ont pris un engagement envers leurs
citoyens. Ensemble, nous avons donné notre parole à la population,
et maintenant, nous devons la tenir. La décision rendue par la Cour
suprême dans l’affaire Chaouilli a évidemment mis en lumière
l’urgence de cette situation.
Les temps d’attente exagérés sont symptomatiques de problèmes plus
graves dans le système de santé. Pour les résoudre, il faut s’y
attaquer – c’est la seule façon d’entreprendre une vraie réforme des
soins de santé, d’en améliorer l’accès, et d’accroître la confiance
de la population dans la capacité du système public à fournir des
soins de qualité et en temps opportun.
C’est pourquoi nous avons nommé M. Brian Postl à titre de conseiller
fédéral sur les temps d’attente – afin d’établir un consensus sur
les mesures à prendre pour fournir rapidement des soins de santé. Et
c’est aussi pourquoi, à la lumière de ses conseils et de son savoir,
nous continuerons à travailler fort avec les provinces pour veiller
à ce qu’elles respectent leurs engagements concernant la mise en
place de points de repère en matière de temps d’attente pour des
procédures médicales cruciales.
Notre approche est fondée sur des principes complémentaires : la
souplesse et la responsabilisation. Par « souplesse », nous
entendons que les provinces et les territoires offriront des
services adaptés à leurs réalités, dans le respect des objectifs
nationaux. Il s’agit d’un principe nécessaire et établi de longue
date dans le fonctionnement du fédéralisme canadien. Le fait
d’utiliser diverses approches pour atteindre des objectifs communs
engendre l’innovation qui alimente le progrès. Lorsque nous
respectons ces différences, nous renforçons notre pays.
Mais la contrepartie nécessaire de la souplesse est la
responsabilisation. Nous mettons l’emphase sur la transparence et la
comparabilité des rapports sur le rendement faits par les
gouvernements à leur population respective – non seulement dans le
cas des temps d’attente, mais aussi dans les cas d’initiatives
touchant, entre autres, l’apprentissage des jeunes enfants et les
villes, alors que nous souhaitons faire des progrès nationalement et
que les provinces, les territoires et les municipalités assurent les
services. Pourquoi? Parce que les repères de rendement fondés sur
des preuves attireront l’attention sur les résultats. Tous les
gestionnaires savent que ce qui devra être évalué sera accompli.
L’établissement de rapports transparents permettra aux Canadiennes
et aux Canadiens de demander des comptes à leurs gouvernements, y
compris nous.
Le deuxième point sur la démographie touche les Canadiens
autochtones. Trop de ces Canadiens, nos concitoyens, sont encore
privés des outils et des possibilités dont ils ont besoin pour
s’épanouir. Les problèmes – en matière d’éducation, de santé, de
logement et d’environnement – sont sérieux et nous sommes déterminés
à les régler.
À commencer par la Table ronde du printemps 2004 et la réunion
stratégique de mai dernier – nous nous efforçons non seulement
d’améliorer les conditions de vie des Autochtones, mais aussi de
donner à leurs leaders les moyens de renforcer les capacités de
gouvernance de leurs collectivités. C’est le cheminement essentiel
qu’il faut suivre pour produire le résultat voulu : Améliorer leur
qualité de vie de façon durable.
L’élément crucial de la réalisation de ce projet à long terme est le
progrès à court terme. La santé des Autochtones est un domaine où
nous avons déjà beaucoup avancé, l’an dernier. Cet automne, en
prévision de la réunion des dirigeants autochtones et des premiers
ministres, nous allons cibler les secteurs du logement, du
développement économique et de l’éducation.
L’éducation des jeunes Autochtones – une génération dont l’avenir
reste ouvert à toutes les possibilités – il faut que ce soit notre
priorité. Leur réussite sera celle du Canada. Nous ne pouvons pas
leur tourner le dos et condamner le segment le plus jeune de notre
population, celui qui croît le plus vite, à un cycle de désespoir.
Il n’en est pas question.
Troisième point : l’immigration. À la lumière de notre histoire, de
nos valeurs et du défi imminent que représentent les changements
démographiques, la politique canadienne d’immigration revêt
évidemment une importance capitale, surtout en ce qui concerne la
sélection, l’intégration et la répartition régionale des nouveaux
immigrants.
Tout simplement, le Canada a besoin davantage d’immigrants. Et ces
derniers doivent pouvoir réussir. Trop souvent, les nouveaux
Canadiens d’aujourd’hui, malgré des taux de scolarisation supérieurs
à la moyenne, n’atteignent pas la prospérité économique aussi
rapidement que les générations précédentes. Nos portes demeureront
ouvertes aux immigrants dans toutes les catégories et aux réfugiés
provenant du monde entier, il le faut. Mais à mesure que le taux
d’immigration augmentera, nous devrons également recruter plus
activement des immigrants dont les compétences correspondent aux
besoins du marché, lesquels sont identifiés en consultation avec les
provinces, les collectivités, les syndicats, les entreprises et le
milieu universitaire.
En même temps, nous devons renforcer l’intégration sociale et
économique des néo-Canadiens, notamment en ce qui a trait à la
formation linguistique, ainsi qu’à la mise à jour et à la
reconnaissance des titres de compétence. En ce qui concerne ce
dernier point, nous ne pouvons protéger quelque chasse gardée qui
fait obstacle au progrès. Nous devons veiller à que les ressources
financières aillent là où elles sont le plus nécessaire; nous nous
sommes d’ailleurs engagés récemment à accroître considérablement la
capacité financière des provinces concernant l’établissement des
immigrants. Tout simplement, notre approche en ce sens peut, et
doit, permettre au Canada de se démarquer – elle doit être un
élément clé de l’avantage canadien.
La seconde nouvelle force qui façonne notre avenir – à laquelle nous
devons nous préparer dès maintenant – est la réorganisation de
l’échiquier politique et économique mondial, particulièrement la
montée de la Chine et de l’Inde. Sur le plan politique, l’équilibre
des pouvoirs à l’échelle internationale se modifiera au cours des
prochaines années. Les tensions risquent d’augmenter, et des
pressions seront exercées sur nos organisations internationales pour
qu’elles reflètent ce changement radical. Sur le plan économique, la
Chine et l’Inde, ainsi que d’autres pays qui suivent leurs traces,
comme le Brésil, sont en train de développer, à un rythme fulgurant,
une nouvelle classe moyenne très vaste. Une toute nouvelle société
de consommation de deux milliards de personnes est en voie de naître
en l’équivalent d’un clin d’œil en temps historique. Selon le
critère de parité de pouvoir d’achat, en 2004, les États-Unis, qui
représentaient moins de 5 % de la population mondiale, comptaient
pour environ 20 % de l’économie mondiale. De leur côté, la Chine et
l’Inde, qui ensemble représentent 40 % de la population mondiale,
comptent également pour près de 20 % de l’économie mondiale. On voit
bien où se situe le potentiel de croissance.
La « mondialisation » est un mot à la mode qui a pris sa place.
Cependant, avec l’émergence de ces nouvelles grandes puissances, il
a pris un sens encore plus considérable. Nous nous trouvons à l’aube
d’une réorganisation fondamentale du monde. Pour de nombreuses
nations établies, l’apparition de ces nouvelles puissances
représente une lame à double tranchant faite de promesses et de
difficultés. Pour le Canada, ce défi à la compétitivité est bien
réel. Mais étant donné la petite taille de notre marché national,
notre grande capacité d’exportation et nos innombrables ressources,
ce monde en évolution met à notre portée des occasions
extraordinaires. Le rôle du gouvernement est de veiller à ce que
nous puissions les saisir.
De toute évidence, tout dépendra de la stratégie financière et
économique que nous adopterons pour renforcer notre compétitivité,
mais nous parlerons de cela plus tard. Avant, j’aimerais que vous
vous demandiez sur quoi cette compétitivité pourra reposer? D’un
point de vue statistique, le rendement économique tend à être évalué
selon chaque pays. Mais le fait est que de plus en plus, les grands
centres urbains se livrent une bataille. Dans un monde où le savoir,
le capital et les idées font le tour de la planète, c’est Toronto et
Montréal par rapport à Shanghai et Bangalore; Ottawa par rapport à
Helsinki; Vancouver par rapport à San Francisco. Bref, c’est chacune
de nos grandes villes par rapport à sa contrepartie à l’étranger.
Notre avantage réel viendra du fait que nos collectivités sont
diversifiées, tolérantes, dynamiques sur le plan culturel, qu’elles
offrent un environnement sain et qu’il fait bon y vivre. Elles
représentent le point d’ancrage des concentrations d’entreprises où
le talent foisonne. Notre Nouveau Pacte pour les villes et les
collectivités vise à favoriser ces conditions.
Nous savons également que si la population et l’activité économique
sont concentrées dans les grandes villes, l’écart économique est
devenu moins un phénomène régional ou provincial en soi qu’un reflet
des disparités entre le milieu rural et le milieu urbain. C’est dans
les plus petites collectivités et dans leur lien avec l’économie
rurale que la mondialisation et les changements démographiques
présentent les plus grands défis et possibilités. Nous devons
composer avec cette situation, et c’est ce que nous continuerons de
faire cet automne; nous négocierons notamment avec d’autres
provinces dans le but de conclure des ententes visant à mettre en
application le Nouveau Pacte dans toutes les municipalités
canadiennes.
L’environnement. Nous avons un devoir moral et une obligation d’agir
afin de préserver un environnement sain et durable pour les
générations de Canadiens et de Canadiennes à venir. Que devons nous
faire? Nous devons faire notre part chez nous. Cet automne, nous
travaillerons pour accomplir sans tarder des progrès tangibles sur
notre projet vert et notre plan sur les changements climatiques.
Mais ne nous faisons pas d’illusion – la prospérité croissante de la
Chine et de l’Inde, combinée à l’appétit toujours aussi fort des
États-Unis et d’autres nations, est accompagnée de coûts
environnementaux très élevés. Et cela implique d’autres
responsabilités aussi pour le Canada. La simple vérité, c’est que,
pour apporter un changement réel, il faut non seulement penser
mondialement, il faut agir mondialement. Par exemple, pour combattre
les changements climatiques, nous devons établir une plate-forme
véritablement internationale qui comprend non seulement les
signataires de Kyoto, mais tous les grands pays.
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui
aura lieu à Montréal, en décembre, sera l’occasion clé pour
commencer à franchir les étapes nécessaires à créer cette
plate-forme. C’est pour cela que nous voulions qu’elle se tienne
chez nous et pourquoi le Canada assurera la présidence de la
Conférence des parties durant l’année qui suivra. Notre but est
d’aider à convaincre le monde de se concerter; d’agir rapidement et
globalement pour régler un problème global.
Tout cela m’amène à parler du programme international plus général
du gouvernement. De nos jours, les missions internationales ne sont
plus l’apanage des seuls ministères des affaires extérieurs
traditionnels. Aujourd’hui, presque tout le monde a un rôle à jouer,
par exemple le ministère de l’Environnement concernant le changement
climatique; Patrimoine canadien concernant les traités culturels et
la promotion des artistes canadiens à l’étranger; la GRC à Haïti; le
ministère de l’Agriculture en matière de commerce, notamment les
négociations de Doha; le ministère de la Justice dans le dossier du
trafic de personnes; Pêches et Océans concernant la conservation en
haute mer; les Finances en ce qui touche les mouvements mondiaux des
capitaux et ainsi de suite. Autrement dit, le rétrécissement de la
planète influe sur un nombre croissant d’activités gouvernementales.
Nous croyons que nous devons prendre notre place dans le monde, non
seulement pour faire bouger les choses à l’échelle internationale,
mais pour demeurer solide à l’échelle nationale.
Même si nous pouvions nous retirer du monde, nous ne voudrions pas
le faire, surtout maintenant. Nous sommes une nation commerçante
dépendante des exportations et désireuse de tirer profit de cette
nouvelle classe moyenne asiatique. Nous sommes une nation
multiethnique qui souhaite attirer davantage d’immigrants pour
enrichir notre diversité et renforcer notre prospérité. Nous sommes
une nation progressiste et objective, prête à aider les plus
démunis. En outre, la montée du terrorisme international illustre
bien que l’orthodoxie des conflits s’est écroulée, de même que toute
notion voulant qu’un pays puisse espérer se protéger en s’isolant de
la communauté internationale.
Aujourd’hui, nous devons concevoir la sécurité locale non seulement
dans un contexte mondial, mais aussi dans l’optique la plus large
possible. Songez-y, si le virus de la grippe aviaire subissait
vraiment une mutation et devenait facilement transmissible d’un
humain à l’autre, il ne resterait pas localisé longtemps. Nous
aurions une pandémie mondiale sur les bras. C’est l’une des raisons
pour lesquelles nous avons mis sur pied l’Agence de santé publique
du Canada, laquelle nous procure des moyens d’action de niveau
mondial ainsi que l’influence née de l’excellence. Et c’est pour
cette raison que des représentants de l’OMS sont venus demander de
l’aide au Canada pour mobiliser des mécanismes de défense mondiaux
contre la pandémie de grippe. C’est pourquoi nous convoquerons, en
octobre, une rencontre des ministres de la santé provenant de près
de 20 pays pertinents, une rencontre qui traitera franchement de
prévention. Nous avons appris les leçons du SRAS, et auparavant,
celles du 11 septembre.
Il est évident que nous vivons dans un monde où la question de la
sécurité nationale doit s’inscrire dans un contexte général
englobant une gamme de menaces qui vont d’actes de violence
délibérés et du terrorisme à un désastre naturel. C’est pourquoi
nous avons créé le ministère de la Sécurité publique et de la
Protection civile et que nous lui avons confié un vaste mandat.
Qu’il s’agisse de réagir rapidement à des attentats terroristes sur
notre territoire ou à des situations d’urgence comme l’ouragan Juan
ou les feux de forêt en Colombie Britannique – ou plus récemment,
d’apporter de l’aide à la Nouvelle-Orléans et aux autres victimes
des ravages causés par l’ouragan Katrina, comme le Canada vient de
faire – nous devons être en mesure de mobiliser et de coordonner nos
ressources à l’échelle nationale afin de répondre à des besoins
humanitaires urgents. Cela ne laisse aucune place aux rivalités en
matière de compétence. Ce qui prime est la responsabilité qu’ont les
gouvernements d’assurer la sécurité de la population de façon
cohérente. Voilà ce à quoi nous nous appliquons, de concert avec nos
collègues dans les provinces et les municipalités, et au-delà de nos
frontières.
Certains prétendent qu’il est temps de sonner le glas de l’influence
du Canada à l’étranger. Nous ne sommes pas d’accord. C’est pour cela
que nous avons élaboré l’Énoncé de politique internationale du
Canada qui présente le cadre de notre engagement. Dans cette
optique, nous allons jouer un rôle proactif pour maintenir la
pertinence des organisations internationales. Nous étions, bien sûr,
satisfaits lorsque l’ONU a adopté l’initiative du Canada sur la
responsabilité de protéger. Mais devant l’incapacité de réaliser une
réforme plus large de l’ONU la semaine dernière, il est clair que le
Canada devra continuer, dans les mois décisifs et les années à
venir, à faire pression en faveur d’un multilatéralisme plus
effectif. C’est pourquoi nous sommes déterminés à faire notre part
dans le monde – et même plus que notre part. Nous avons du
rattrapage à faire, mais si nous voulons faire notre marque dans un
monde de nouvelles puissances, il faut que le Canada s’oriente dans
ce sens.
Notre action doit aller bien au-delà de celle de médiateur
traditionnel. Que ce soit au plan diplomatique, militaire ou de
l’aide au développement, le Canada a un rôle important à jouer – et
nous allons le jouer.
Nous avons annoncé des investissements additionnels de 13 milliards
de dollars sur les cinq prochaines années dans la défense. Ces
investissements essentiels nous permettront de participer à la
défense de l’Amérique du Nord et de remplir nos responsabilités à
cet égard. En même temps, ils nous donneront les moyens d’assurer
une sécurité minimale dans les États en difficulté que nous avons
ciblés. Cela est essentiel à l’instauration de la démocratie ou à la
mise en place de systèmes d’éducation et de santé – des conditions
préalables à la réduction de la pauvreté.
Comme vous le savez, le Canada sera à la tête d’une force
internationale dans le sud de l’Afghanistan. Cette nouvelle mission
critique fait partie de notre contribution à l’effort mondial en vue
de lutter contre le terrorisme sur un de ses terrains les plus
fertiles, de donner à une nouvelle démocratie la chance de prendre
pied et d’apporter l’espoir à un peuple assiégé. Ce pourrait être
également la première épreuve de ce que nous avons décrit comme une
« guerre à trois volets » – une offensive qui combine le combat, la
stabilisation et le secours humanitaire.
Concernant notre aide au développement, nous nous sommes engagés à
faire d’importantes augmentations annuelles, mais jusqu’à présent,
nos dollars ont été trop dilués. Tel qu’annoncé, nous allons
focaliser notre attention, diriger plus d’aide vers un plus petit
nombre de pays et nous assurer que notre aide contribue à changer la
donne. En même temps, nous allons cibler la bonne gouvernance
démocratique. Corps canadien est un moyen clé pour aider à
développer les capacités de gouvernance. Il n’y a pas de meilleurs
et plus différents exemples que les situations de l’Autorité
palestinienne et de Haïti pour illustrer le large éventail de
besoins qui peuvent être comblés par l’expertise canadienne dans ce
domaine.
Notre contribution au Darfour est un autre exemple de notre approche
à l’égard de l’aide au développement et de notre promesse de nous
engager davantage dans le monde. Si les pays développés, comme le
Canada, peuvent apporter de véritables changements en soutenant
l’Union africaine, nous aurons franchi une étape majeure en vue non
seulement de régler le conflit spécifique du sud du Soudan, mais
aussi dans notre capacité plus générale d’offrir notre aide en temps
de crise de façon plus rapide et effective à ceux qui en ont besoin.
Permettez-moi maintenant d’aborder la question de notre stratégie
économique. Car aucun autre aspect de ce que fait le gouvernement
n’exercera aussi clairement une influence sur notre capacité de
faire face à la fois aux nouvelles réalités démographiques et au
nouvel équilibre des pouvoirs dans le monde. C’est simple, il faut
que le Canada continue d’améliorer sa performance économique, qui
est déjà excellente. Le maintien d’une performance parmi les
meilleures au monde doit être au cœur de la réponse du Canada à ces
nouvelles forces de changement.
Tout commence par la responsabilité financière. Les jours de 1994,
où un ministre des Finances débutant était assis en face des
créanciers internationaux, qui lui faisaient la leçon en lui disant
que le Canada allait frapper un mur; pour moi, ces jours sombres
servent de rappel inoubliable, que rien de ce que nous voulons faire
chez nous, rien de ce que nous voulons accomplir dans le monde, ne
peut se réaliser si nous nous laissons prendre dans le cercle
vicieux de l’irresponsabilité fiscale.
La discipline financière est un principe de comportement qui nous a
menés à huit années consécutives de surplus budgétaires. Notre
engagement à équilibrer les budgets permet au Canada d’établir la
force économique nécessaire à sa réussite dans le monde de demain.
Il donne aussi au gouvernement les assises requises pour réduire les
impôts, renforcer les programmes sociaux et faire face, sans être
pris au dépourvu, aux imprévus, comme les crises de la vache folle
et du SRAS. Même en subissant les pressions d’un gouvernement
minoritaire, même avec l’entente que nous avons conclue avec le NPD
pour garantir l’adoption du budget, nous sommes restés fidèles au
principe de l’intégrité financière. Nous sommes le seul parmi les
pays du G7 qui n’a pas de déficit. C’est un avantage énorme pour le
Canada, et nous allons maintenir le cap.
Grâce à notre saine gestion financière et à notre réforme du régime
de retraite universel, le Canada est en mesure de tenir compte de la
maturité imminente de notre population beaucoup mieux que la plupart
des pays. Heureusement, dois-je dire, car il sera déjà assez
difficile d’assumer les coûts d’une société vieillissante sans
devoir en même temps assumer le fardeau d’une dette excessive et
croissante. Il y a à peine 12 ans, le ratio dette fédérale/PIB était
de presque 70 % – et continuait à augmenter. Il est maintenant de 38
% et continue à diminuer. Au cours des neuf prochaines années, nous
allons le ramener à un niveau acceptable de 25 %. Ce n’est pas d’un
chiffre sur une page qu’il s’agit, mais bien de la liberté pour les
Canadiens de demain de prendre leurs propres décisions.
Ce n’est pas une coïncidence si le revirement de l’économie
canadienne a pris de la vitesse avec l’élimination du déficit il y a
huit ans. Ce qui était vrai alors l’est toujours aujourd’hui. Le
seul moyen de faire face au double défi d’une population
vieillissante et de l’émergence de nouvelles forces économiques
consiste à continuer de réduire notre niveau d’endettement pour
pouvoir consacrer nos ressources aux besoins croissants de la
population et à des réductions d’impôts au lieu de payer des
intérêts sur la dette. Au sujet de notre plan fiscal, ne laissons
pas planer le doute. Les dés sont jetés. Nous allons continuer sur
notre lancée.
Cela dit, un bilan favorable n’est pas suffisant en soi pour faire
face à ce que l’avenir nous réserve. Pour des raisons d’histoire et
de géographie, le Canada et les États-Unis sont étroitement liés sur
le plan économique. Cette situation n’est pas près de changer et
nous ne voulons pas qu’il en soit autrement. Cependant, les trois
pays – le Canada, les États-Unis et le Mexique – doivent collaborer
à l’édification d’un continent nord-américain plus compétitif; une
Amérique du Nord capable de relever les défis découlant de
l’émergence de la Chine et de l’Inde. C’est ce raisonnement qui a
mené au lancement du Partenariat nord-américain pour la sécurité et
la prospérité, lancé en mars dernier, avec les présidents Bush et
Fox. Il est axé non pas sur les affaires mais sur les personnes. Il
vise à assurer de meilleurs emplois, des collectivités plus sûres et
une meilleure qualité de vie.
Les économies nord-américaines sont fortement intégrées, c’est un
fait. Nous sommes donc tous gagnants lorsque nous collaborons. Nous
devenons plus forts. C’est pourquoi il est tellement improductif
qu’une nation fasse fi des règles établies. L’ALENA n’est pas une
entente que l’on peut ignorer quand cela convient à des intérêts
nationaux restreints. Le commerce libre et loyal repose sur une
procédure de règlement de différends dont toutes les parties
concernées doivent respecter l’esprit et la lettre. Malheureusement,
la réaction du gouvernement américain à la suite de la plus récente
décision du groupe spécial de règlement de différends de l’ALENA sur
le bois d’œuvre bafoue ce principe de base et ce faisant, envoie le
mauvais signal au monde. Il est évident que le libre-échange est
important pour le Canada et pour le Mexique. Il est également
essentiel à la compétitivité de l’Amérique du Nord. Mais en bout de
ligne, il est clair que les États Unis dépendront autant que nous et
que n’importe quel autre pays d’une économie mondiale libéralisée
gouvernée par des règles prévisibles.
On peut tirer d’importantes leçons de nos relations commerciales
avec les États-Unis au cours des deux dernières années,
particulièrement dans le contexte de l’émergence de la Chine et de
l’Inde avec leurs énormes populations et les possibilités inouïes
que ces pays présentent. Nous savons tous que le marché américain
est indispensable pour le Canada, et il le sera toujours. En outre,
vous savez sûrement qu’il est essentiel que le Canada diversifie ses
marchés, et l’émergence de l’Asie nous offre la meilleure occasion
de le faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par
exemple, l’expérience de l’ESB a incité le Canada à se doter d’une
plus grande capacité de traitement sur place et à développer
énergiquement le marché mondial pour le bœuf canadien. Plus que
jamais auparavant, nous devons rechercher, à titre de nation, les
occasions inhérentes à de vastes marchés émergents qui ont
grandement besoin des ressources du Canada, de ses produits et de
son savoir-faire.
À cet égard, nous avons une occasion unique de tirer profit de notre
richesse énergétique et du potentiel de notre industrie minière.
Dans un monde incertain, où les ressources énergétiques et les
matières premières sont insuffisantes, et le seront encore davantage
à mesure que la demande de la Chine, de l’Inde et d’autres pays
augmentera, les ressources énergétiques et minérales sont parmi nos
plus grands avantages comparatifs. C’est pour cette raison aussi que
nous devons unir nos forces à celles des provinces, des territoires
et d’autres intervenants pour faciliter le développement de nos
ressources énergétiques. Nous avons de grandes capacités en ce qui
concerne le pétrole, le gaz, l’électricité et l’énergie nucléaire.
Et le Canada peut être à la pointe du progrès sur de stimulantes
nouvelles technologies vertes allant de la séquestration du charbon
à l’énergie éolienne, à la biomasse, au charbon écologique et à
d’autres. Nous n’avons qu’à agir plus vite.
C’est également pour cette raison que le Nord canadien est passé à
l’avant-plan en matière d’élaboration de politiques, une tâche que
nous poursuivrons avec diligence cet automne. Nous ne pouvons plus
tenir le Nord pour acquis. Puisque le rétrécissement de la couche de
glace mènera graduellement vers l’établissement d’un passage
commercial Nord-Ouest viable, et que l’accroissement de la demande
de ressources favorise l’exploration et le développement, d’autres
pays se tourneront avec envie vers nos régions boréales. Nous devons
réaffirmer notre souveraineté dans le cadre de la Stratégie pour le
Nord afin de générer la prospérité et de protéger le fragile
environnement de l’Arctique. Et nous le ferons.
Cela étant dit, même si l’Amérique du Nord est plus forte, même si
de nouveaux marchés se développent pour nos ressources, nous ne
pouvons pas nous laisser aller à un sentiment de contentement. Nos
ressources naturelles sont limitées, mais le talent et son potentiel
ne le sont pas. C’est pourquoi nous devons nous concentrer
intensément sur nos ressources renouvelables les plus importantes –
les compétences de notre population, l’innovation et
l’investissement. Ce sont les facteurs de base menant à une
productivité accrue, qui, à son tour, produira de meilleurs emplois,
de meilleurs salaires et l’amélioration du niveau de vie.
La condition préalable pour participer à l’économie mondiale de
demain est l’éducation – une éducation de qualité qui commence en
bas âge et prépare les gens à réussir dans un monde compétitif. Nous
devons mettre en place des conditions qui permettront aux Canadiens
et aux Canadiennes de réaliser leur potentiel tout au long de leur
vie, et c’est pourquoi nous visons à améliorer l’alphabétisation et
les compétences en milieu de travail et à élargir l’accès à
l’enseignement postsecondaire. Nous devons assurer aux Canadiens et
aux Canadiennes dans tout le pays qu’ils auront les outils
nécessaires pour réussir puisque la force de notre fédération est
liée directement aux occasions offertes à tous de participer à la
prospérité et à l’avenir de cette nation.
Voilà en quoi consiste le programme d’apprentissage et de garde des
jeunes enfants. Nous pourrions cibler avoir le meilleur système
d’enseignement postsecondaire du monde, mais si nous ne nous
occupons pas des enfants dès leur plus jeune âge, non seulement
seront-ils lésés, mais l’avenir du Canada sera également compromis.
Le programme que nous mettons en place avec les provinces et les
territoires ne porte pas seulement sur des services de garde de
qualité. En effet, il s’agit essentiellement du développement et de
l’apprentissage des jeunes enfants pendant les années cruciales de
la petite enfance, alors que l’acquisition et le développement de
capacités sont en mode accéléré. Un bon départ est important pour
tous les Canadiens et Canadiennes, mais il est essentiel pour les
enfants autochtones et les nouveaux Canadiens, qui doivent surmonter
les défis particuliers de l’adaptation et de la transition. Lorsque
les prochaines générations se tourneront vers le passé, elles
reconnaîtront dans notre approche pancanadienne d’apprentissage en
bas âge, un projet d’édification de la nation aussi important que
l’universalité des soins de santé, j’en suis convaincu.
En d’autres mots, à l’avenir, le Canada réussira dans la mesure où
les Canadiens et les Canadiennes réussiront. Pour les spécialistes,
il s’agit du développement du « capital humain »; peu importe le nom
qu’on lui donne, ce doit être notre principale motivation. Les
ressources les plus précieuses au Canada ne gisent dans les
profondeurs de la terre, mais dans les cerveaux de ceux qui
l’habitent.
Nous devons comprendre que la barre est de plus en plus haute.
Plusieurs d’entre vous ont lu le livre de Thomas Friedman, The World
is Flat. Je me rappelle surtout de l’histoire sur les changements en
Asie. Il souligne que lorsque Bill Gates se rend en Chine, les
jeunes font la queue pendant des heures et ils se suspendent à des
chevrons pour l’écouter parler. En Chine, dit il, Bill Gates est
l’équivalent de Britney Spears. En Amérique du Nord, Britney Spears
est Britney Spears. Il y a encore ici une certaine nonchalance à
l’égard des bouleversements profonds qui s’opèrent et des défis que
nous devrons relever. Trop de gens n’ont pas encore compris que la
Chine ne signifie plus seulement main-d’œuvre à bon marché. Elle a
gagné la course vers le bas avec ses travailleurs à faible salaire.
Maintenant, elle et l’Inde sont entrées dans la course vers le
sommet. Elles ont établi des douzaines de nouvelles universités.
Elles forment les élèves et étanchent la soif de connaissances de
ceux qui manifestent un grand désir de soutenir la concurrence
mondiale.
Aujourd’hui, nous ne voulons pas seulement que nos enfants
réussissent à l’école. Il est essentiel qu’ils réussissent. Nous ne
voulons pas seulement qu’ils reçoivent une bonne instruction et
qu’ils développent les compétences qu’il faut pour se décrocher un
bon emploi. Nous en avons besoin. Nous investissons dans
l’apprentissage permanent pour que les Canadiens et les Canadiennes
restent en tête du peloton, puisque la technologie ne cesse
d’évoluer et que la demande ne cesse de croître pour des compétences
spécialisées. Nous voulons nous assurer que l’université est
accessible à tous et que le revenu n’est pas un obstacle. Nous
voulons également que les Canadiens et les Canadiennes puissent
accéder à des possibilités d’apprentissage et de développement en
bas âge, et que, là aussi, le revenu ne soit pas un obstacle.
L’accent mis sur l’éducation va de pair avec notre engagement envers
l’innovation. L’innovation est le produit de la recherche de base,
de sa commercialisation et de l’adoption de pratiques exemplaires.
Au cours des dernières années, nous avons établi une base solide
grâce à la recherche dans les universités et les hôpitaux, et nous
sommes devenus un véritable pôle d’attraction pour les talents de
partout à travers le monde. Nous continuerons d’investir pour
maintenir cet avantage et promouvoir son application commerciale.
Nous nous sommes améliorés, mais ce n’est pas suffisant. Il ne
s’agit pas simplement de générer plus de recherche et de démarrages,
bien que ce soit très important. Le principal avantage est la
formation d’un plus grand nombre de diplômés ayant les compétences
avancées qui permettront au Canada de demeurer un chef de file de
l’économie du savoir. Je le répète : le succès du Canada sera à la
mesure du succès de ses citoyens, et le succès des citoyens sera à
la mesure de leurs études et de leurs compétences.
Enfin, pour mettre en valeur le talent des Canadiens et des
Canadiennes, nous avons besoin d’une solide participation financière
de la part du secteur privé. C’est l’outil le plus efficace pour
intégrer l’innovation technologique à l’économie. Notre objectif
consiste à veiller à ce que les investisseurs pensent d’abord au
Canada lorsqu’ils voudront saisir les meilleures possibilités dans
l’avenir.
Nous avons pris un bon nombre des mesures nécessaires pour accroître
les investissements et aider le Canada à concurrencer de manière à
ce qu’il puisse obtenir sa part des investissements volatiles. Le
régime d’impôt des sociétés est compétitif et le restera. Nous
continuerons d’améliorer l’infrastructure de nos frontières ainsi
que les procédures de sécurité pour veiller à ce que les
investissements faits au Canada donnent accès au marché américain.
Nous collaborons également avec les gouvernements des provinces de
l’Ouest afin de tirer profit de leur situation géographique par
rapport à l’Asie – on trouve en Colombie-Britannique les ports en
eaux profondes et l’aéroport international de l’Amérique du Nord les
plus près de l’Extrême-Orient. Il est donc logique que la
Colombie-Britannique devienne la pierre angulaire du commerce avec
le Pacifique, la porte d’entrée vers l’Asie. Mais ne vous y trompez
pas : le développement de cette porte d’entrée vers le Pacifique
sera avantageux non seulement pour la Colombie-Britannique, non
seulement pour les provinces de l’Ouest, mais pour tout le Canada.
En fait, cela illustre que le Canada est plus grand que la somme de
ses composantes.
En résumé, je vous ai fait part aujourd’hui des éléments clés de
notre plan pour préparer l’évolution du Canada dans un monde en
mutation. Nous sommes confrontés aujourd’hui à deux nouvelles forces
importantes – l’évolution de notre population et la montée de la
Chine et de l’Inde. Nous devons agir maintenant pour faire en sorte
que le Canada se maintienne à l’avant-garde. Pour réussir, une
réponse à l’échelle gouvernementale s’impose.
Et nous réussirons – nous resterons à l’avant-garde – si, d’ici 15
ans, nous mettons en place un programme d’apprentissage pour la
petite enfance pour nous assurer que nos enfants, quand ils entrent
à l’école, sont prêts à progresser; si nous avons un système
d’éducation qui, ne tenant pas compte des revenus, favorise le
talent et donne aux Canadiens les outils nécessaires pour faire face
à la concurrence. Nous réussirons si nos villes sont fortes et
dynamiques, viables et capables de saisir le meilleur de ce que les
autres pays ont à offrir; si nous donnons des possibilités réelles
et durables aux Autochtones et aux Néo-Canadiens. Nous réussirons si
notre système de santé financé par des fonds publics peut offrir des
soins de santé de qualité en temps opportun, et si le Canada, fier
et influent, aura pu prouver de nouveau au monde que nous sommes
prêts à consentir l’effort nécessaire pour faire changer les choses.
Voilà le plan, les objectifs à long terme et les priorités sur
lesquels nous travaillerons cet automne. C’est le plan que nous
proposons pour arriver à destination. Notre tâche commune consiste à
le réaliser – à garantir que la politique devienne la pratique. Nous
avons fait des progrès considérables au cours des 18 derniers mois,
mais bâtir le Canada, le protéger et renforcer les valeurs que nous
partageons est une tâche permanente. C’est une tâche collective que
doit poursuivre chaque nouvelle génération. Nos réalisations, nos
réussites de même que nos échecs feront partie de l’héritage
collectif de notre époque.
Ensemble, en reconnaissant les forces qui façonnent notre pays et le
monde, nous pouvons nous assurer que les Canadiens, tous les
Canadiens, sont prêts à y faire face.
Et les Canadiens et les Canadiennes ont raison d’envisager l’avenir
avec confiance et optimisme. Notre pays est venu à bout de tâches
qui en ont paralysé plus d’un : équilibrer le budget, accueillir et
intégrer les immigrants et maintenir une croissance soutenue de
l’emploi. Nos ressources naturelles seront très en demande. Notre
population est parmi les plus scolarisées. Notre dualité
linguistique et notre diversité ethnique et culturelle font du
Canada un microcosme planétaire, ouvert sur le monde. Nous
comprenons que les forces et les réussites de chaque province et de
chaque région doivent être soulignées, parce qu’elles renforcent le
Canada; nous reconnaissons qu’un Canada uni et solidaire est
beaucoup plus fort que la somme de ses composantes.
D’ici 15 ans, une population de plus en plus multiethnique et
vieillissante transformera notre nation. L’image du Canada sera très
différente. D’ici 15 ans, la Chine et l’Inde transformeront la
distribution du pouvoir à l’échelle mondiale, tant sur le plan
politique qu’économique. L’image du monde sera aussi très
différente.
Le Canada n’est certainement pas le seul pays à devoir faire face à
ces changements. Ce qui importe – ce qui nous distinguera – c’est
notre façon d’y répondre. Il y a 50 ans, les Canadiens partageaient
le sentiment qu’il fallait consolider les fondements sociaux de
notre pays, que le gouvernement pouvait et devait jouer un plus
grand rôle afin de garantir l’égalité des chances, tout en offrant
de l’aide à ceux qui en avaient le plus grand besoin. Ce sentiment
animait ceux qui aspiraient à entrer à la fonction publique. Ils
avaient alors le sentiment de faire partie de ce qui allait se
révéler un moment déterminant pour le Canada. Ils bâtissaient le
pays.
Je suis profondément convaincu que nous sommes aujourd’hui, en tant
que pays, devant une étape comparable. Il nous appartient de nous
assurer que le Canada en sorte grandi et plus influent, et que les
Canadiens en sortent plus prospères et plus confiants.
En bout de ligne, nous ne serons pas jugés à partir des idées reçues
d’aujourd’hui, mais plutôt par les Canadiens et les Canadiennes de
demain. Lorsqu’ils jetteront un regard en arrière, ils comprendront
que nous avions les moyens de planifier, de préparer le changement à
venir. Ils constateront que nous sommes passés à l’action – que nous
avons investi à nouveau dans le grand projet collectif que nous
appelons le Canada; que nous avons relevé les défis et saisi
l’occasion au moment opportun de préparer un avenir meilleur non
seulement pour nous, mais aussi pour eux.
Voilà le rôle du gouvernement. Voilà le rôle que nous devons jouer
ensemble.
Merci.
[Martin=20050927]
[lieu=ottawa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de l’installation de la nouvelle Gouverneure générale]
Vos Excellences, honorables députés, Mesdames et Messieurs,
D’abord, j’aimerais exprimer, au nom du gouvernement, toute notre
gratitude envers la très honorable Adrienne Clarkson et John Ralston
Saul. Ils ont fait une contribution indélébile à notre pays, ils ont
su rendre honneur à cette haute fonction, avec chaleur, esprit et
intelligence.
Pendant six ans, Madame Clarkson a souligné les réalisations des
Canadiens, elle les a décorés pour leur bravoure, elle a témoigné de
leurs tragédies et de leurs deuils, elle a encouragé les personnes
défavorisées. Elle a accueilli des dignitaires étrangers et c’est
avec éloquence qu’elle a expliqué à un public d’outre-mer ce qui
rend le Canada si particulier. Très intéressée par nos localités, en
particulier par nos régions boréales, elle s’est rendue dans plus de
200 collectivités partout au Canada. Dans bon nombre de ces lieux,
c’était la première fois qu’un représentant de la Couronne
effectuait une visite.
Elle était protectrice des arts. Concepteurs, artistes et penseurs
ont bénéficié de son soutien. Mais, avant tout, Madame Clarkson nous
a encouragés à saisir notre potentiel. Comme elle a dit sans détour,
alors qu’elle parlait de la citoyenneté canadienne, la citoyenneté
est une « déclaration de potentiel (…) il ne suffit pas de le
détenir – il faut que le potentiel soit réalisé ».
Madame Clarkson, Monsieur Saul, nous avons pu profiter de votre
énergie, de votre créativité et de votre dévouement, et nous vous en
sommes reconnaissants. Dans la fidèle exécution de votre devoir,
vous avez réaffirmé et célébré le caractère particulier du Canada
dans le monde. Au nom de tous les Canadiens et Canadiennes, je vous
remercie.
Distingués invités, ici, au Sénat, nous avons le plaisir de
souhaiter la bienvenue à une Canadienne qui jouit déjà de l’estime
générale de la population et qui devient aujourd’hui l’une des plus
jeunes résidantes de Rideau Hall. Marie Éden a six ans et demi. Et
j’ai appris – de source fiable – qu’elle entend profiter de son
nouveau statut pour faire avancer une cause qui lui tient
profondément à cœur : repousser l’heure du coucher le soir.
En déménageant à Ottawa, Marie-Éden a eu la gentillesse d’emmener
ses parents avec elle. Son père est le cinéaste respecté Jean-Daniel
Lafond. Sa mère est le 27e Gouverneur général du Canada, Madame
Michaëlle Jean.
Une femme qui a une façon peu commune de voir les choses, de les
ressentir, de les saisir, de les expliquer. Madame Jean est renommée
pour sa compassion, pour son désir d’être à l’écoute — et surtout,
pour sa volonté de passer à l’action.
Son histoire est remarquable. Elle est née à Port au Prince. En
1968, alors qu’elle avait 11 ans, sa famille et elle ont fui Haïti
pour venir s’établir au Canada en tant que réfugiés. Ils se sont
installés au Québec.
On pourrait être tenté de dire « et elle n’a jamais regardé en
arrière » – car, dans sa terre d’adoption, Michaëlle Jean a réussi,
elle s’est taillé une place au-devant de la scène et a fondé une
famille. Cela dit, en dépit son succès, de tout ce qu’elle a
accompli, elle n’a jamais cessé de nourrir les souvenirs du passé.
Par son travail, nous réalisons qu’en regardant en arrière, elle a
trouvé la boussole qui l’a guidée vers l’avant.
Au cours d’une vie professionnelle enrichissante et diverse – en
tant qu’activiste sociale, écrivaine et conférencière, puis, comme
journaliste – elle a souvent été la voix de ceux qui doivent lutter
pour se faire entendre. Elle ne s’est jamais contentée d’être simple
témoin. Elle s’est plutôt définie comme femme d’action, attachée à
la justice sociale, soucieuse d’aider les plus démunis à se relever.
Elle a mené des enquêtes sur la vie des plus vulnérables parmi nous,
a tourné notre regard vers Haïti, son pays d’origine. Elle s’est
penchée sur sa propre situation en tant qu’immigrante et femme noire
au Québec. Elle a parlé d’un Canada confiant, d’un pays qui regarde
vers l’avenir, qui fait sa marque dans le monde.
La fonction de gouverneur général constitue, à bien des égards, un
lien avec notre passé, un haut lieu de cérémonie, comme il se doit.
Mais cette même fonction peut également exprimer notre perception de
nous-mêmes ainsi que nos aspirations et nos espérances pour le
Canada que nous souhaitons bâtir.
Nous sommes encore une jeune nation, une nation bâtie par des
Autochtones, par des pionniers et leurs descendants et par des
immigrants – par des personnes venues ici en quête de sécurité et de
possibilités. Nous formons une nation optimiste, ouverte sur le
monde. Regardez le visage du Canada, et vous y voyez le monde.
Votre Excellence, votre vie reflète aussi profondément l’expérience
canadienne que vos reportages.
Dans votre histoire, nous voyons l’essence du Canada : le respect
des autres cultures, des autres races et religions, le respect des
autres points de vue. Dans votre histoire nous comprenons que nous
avons la responsabilité, tant au Canada qu’à l’étranger, de protéger
la dignité humaine – qu’être libre ne signifie pas être libéré de
ses responsabilités.
Vous représentez le Canada à son meilleur : une nation déterminée à
assurer l’égalité des chances, qui accepte les différences, et qui
est capable d’évoluer et de changer.
Mesdames et Messieurs, pendant près de quatre décennies, Michaëlle
Jean a vu le Canada changer. Elle a participé à ce changement. En
tant que Gouverneure générale, elle représentera le Canada du XXIe
siècle – elle nous représentera – aux peuples du monde.
Votre Excellence, je vous remercie, ainsi que votre famille, d’avoir
accepté vos nouvelles responsabilités. Je suis heureux de vous
souhaiter, au nom des Canadiennes et des Canadiens, beaucoup de
succès dans l’exercice de vos fonctions.
Merci.
[Martin=20051006]
[lieu=usa]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin devant l’Economic Club de New York ]
Je suis très heureux de m’adresser ce soir à l’Economic Club de New
York.
En effet, je suis le deuxième Paul Martin à avoir le plaisir de vous
parler. Mon père avait prononcé un discours devant vos membres en
1954, à titre de vice-président de la délégation du Canada aux
Nations Unies.
À cette époque, on assistait à la reconfiguration du pouvoir à
l’échelle mondiale, à la montée d’une nouvelle menace – le
communisme – et à l’essor de nouvelles économies qui deviendraient
dominantes, comme celle du Japon. Je crois que nous pouvons tous
convenir du fait que nous faisons face aujourd’hui à des
possibilités – et à des défis – tout aussi importantes.
Aujourd’hui comme à l’époque, devant ces tendances mondiales, des
liens hors du commun unissent les États-Unis et le Canada. Nous
avons forgé une alliance basée non seulement sur des intérêts
stratégiques, mais aussi sur l’amitié. Celle-ci a d’ailleurs été
amplement illustrée au cours des dernières semaines partout au
Canada par les expressions de sympathie et de soutien qui n’ont pas
manqué à la suite des ouragans Katrina et Rita.
Il m’est donc tout à fait naturel de vous entretenir ce soir d’une
Amérique du Nord renforcée – de notre sécurité mutuelle et de notre
prospérité commune.
Le Canada du XXIe siècle est un pays confiant, dont la feuille de
route est remplie de succès.
Nous sommes le seul pays membre du G7 qui n’a pas de déficit. Sur le
plan actuariel, notre régime de pension est en bon état, et ce, pour
les générations à venir. Notre population est très scolarisée. Nous
nous démarquons dans les secteurs de la recherche et manufacturier –
si vous avez un Blackberry, vous comprendrez ce que je veux dire. De
plus, nous avons une dotation exceptionnelle en ressources
naturelles – pensons à l’exploitation minière, forestière et
énergétique.
Au cours des cinq dernières années, nous avons mis en place la
réduction d’impôts cumulative la plus importante de l’histoire du
Canada. L’OCDE considère notre régime réglementaire comme étant l’un
des plus efficients et effectifs au monde. La « réglementation
intelligente » constitue d’ailleurs une priorité pour notre
gouvernement, et l’une de nos principales cibles est la soi disant «
tyrannie des petites différences » entre les régimes réglementaires
de nos pays. Notre objectif : diminuer le coût des affaires tout en
améliorant la santé et en renforçant la sécurité.
Bref, nos affaires sont en ordre, et elles le resteront. En huit
ans, nous avons ramené notre ratio dette-PIB de 70 % à environ 38 %,
et d’ici un autre huit ans, nous le réduirons à 25 %. En même temps,
nous avons réduit le pourcentage de la dette du Canada tenue à
l’étranger, qui s’élevait à 40 % il y a un peu plus de dix ans et
qui est de moins de 15 % aujourd’hui.
Si je vous parle de tout cela, c’est pour souligner ce que vous êtes
nombreux dans le milieu des affaires à avoir déjà saisi : le Canada
est un endroit de choix pour les affaires et les Canadiens et les
Américains sont de bons partenaires en affaires. Cela est important
et précieux, car, bien franchement, il y a eu peu de moments dans
notre histoire où il était aussi crucial d’être solidaires les uns
des autres.
La solidarité s’impose, premièrement, à cause de la menace pour
notre sécurité que pose la montée du terrorisme planétaire, menace
dont vous, dont nous et le monde avons pris conscience le 11
septembre; menace qui nous a été rappelée cet été par les attentats
de Londres; et encore une fois, il y a à peine quelques jours, par
ceux commis à Bali. La menace qui plane sur nous est sérieuse et
incessante. Elle a modifié la donne de la sécurité nationale et
internationale.
C’est un défi qui met à l’épreuve les liens qui nous unissent en
Amérique du Nord, mais qui, à mon avis, les renforcent aussi. Le
Canada dépense de fortes sommes en vue d’accroître la sécurité à la
frontière, et pour ce faire, met l’accent sur les passages
frontaliers les plus achalandés, comme celui de Windsor-Detroit, qui
est en fait le poste frontalier le plus occupé au monde. En
partenariat avec le Département de la sécurité intérieure, nous
sommes en train de mettre sur pied à Newark, de l’autre côté de la
rivière d’Hudson, des équipes conjointes formées d’agents douaniers
qui surveilleront les conteneurs à destination du Canada, et nous
faisons de même dans les ports de Halifax, de Montréal et de
Vancouver en ce qui concerne les conteneurs à destination des
États-Unis. Notre initiative pour une frontière intelligente est un
investissement dans la main-d’œuvre, dans l’infrastructure et dans
la technologie moderne pour contribuer à assurer la libre
circulation du commerce alors que nous nous concentrons à contrer
des menaces extérieures.
De plus, nous définissons dans le sens le plus large possible les
menaces qui planent sur notre sécurité nationale. Nous sommes le
premier pays au monde à avoir prévu une provision sûre de vaccins en
cas de pandémie en nous entendant avec un fournisseur canadien. Vers
la fin de ce mois, nous convoquerons à Ottawa une réunion des
ministres de la Santé de plus de 20 pays développés et en
développement, dans le but de nous préparer mondialement à contrer
une menace de pandémie de grippe.
Au Canada, nous reconnaissons aussi qu’assurer la stabilité et la
paix dans le monde n’est pas la responsabilité des autres. C’est
pourquoi le Canada a effectué les investissements dans ses forces
armées les plus importants qui aient été entrepris en quelque deux
décennies. Aujourd’hui, les militaires canadiens se préparent à
intervenir dans les conflits qui éclatent au sein d’États fragiles :
des situations de guerre où les outils de combat, les mesures de
stabilisation et l’aide humanitaire sont indispensables. À l’heure
actuelle, le Canada est en Afghanistan, où il assumera bientôt le
commandement d’une brigade multilatérale à Kandahar. Il se trouvera
ainsi à contrer le terrorisme sur l’un de ses terreaux les plus
fertiles. En ce lieu, de même qu’ailleurs, comme au Darfour et en
Haïti, nous fournissons une expertise et de l’aide humanitaire aux
jeunes démocraties, leur prêtant main-forte alors qu’elles prennent
pied.
C’est par ces mesures que le Canada répond à un monde profondément
transformé, au sein duquel la perception traditionnelle qu’il a de
lui-même – née à l’époque de mon père – à savoir celle d’une
puissance moyenne et médiatrice, a dû s’adapter à de nouvelles
réalités.
La solidarité entre le Canada et les États-Unis est essentielle
aussi pour une seconde raison : la montée de la Chine et de l’Inde,
ainsi que d’autres puissances économiques. Aujourd’hui, tout comme
il y a 50 ans, nous sommes à l’aube d’une restructuration
fondamentale de l’économie mondiale. Une nouvelle société de
consommation de quelque deux milliards de personnes est en voie de
naître en l’équivalent d’un clin d’œil en temps historique.
L’apparition de ces nouvelles puissances est comme une lame à double
tranchant, faite de promesses et de défis.
Pour le Canada, ce défi à la compétitivité est bien réel. Mais étant
donné la petite taille de notre marché national, notre grande
capacité d’exportation et nos innombrables ressources, tant humaines
que naturelles, ce monde en évolution met à notre portée des
occasions extraordinaires. Pour la Chine et le Japon, les ports en
eaux profondes et l’aéroport international de l’Amérique du Nord les
plus près se trouvent en Colombie-Britannique. Notre côte ouest est
en passe de devenir la pierre angulaire du commerce avec le
Pacifique, la porte d’entrée de l’Amérique du Nord vers l’Asie. Les
secteurs privés et publics investissent des milliards de dollars
dans de nouvelles infrastructures, dans des voies ferrées et dans
l’expansion des capacités portuaires. Il est évident que la Chine et
l’Inde représentent de formidables possibilités, et nous avons
l’intention d’en profiter.
Votre économie réagit de façon semblable. Mais si nous voulons tirer
tous les avantages possibles de ces nouveaux marchés, il faut
reconnaître que c’est en joignant nos efforts que nous sommes les
plus forts. C’est pourquoi notre partenariat doit bien fonctionner.
Une Amérique du Nord vigoureuse ne s’inscrit pas dans un plan
d’action géopolitique. C’est un plan d’action conçu pour nos
populations.
Ce raisonnement sous-tendait la création du Partenariat pour la
sécurité et la prospérité, signé en mars dernier, au Texas, par le
Président Bush, le Président Fox et moi. Il est reconnu dans cette
entente que la force de l’Amérique du Nord ira de pair avec la force
de chacun de nos pays. Il s’agissait de toutes les façons d’une
affirmation du maintien de la valeur de l’ALENA.
Avec près du tiers du PIB mondial, l’Amérique du Nord forme
désormais le plus important bloc commercial de la planète. Selon les
plus récentes statistiques, 39 des 50 États américains expédiaient
la majeure partie de leurs exportations vers le Canada. L’an
dernier, les échanges entre le Canada et le seul État de New York se
sont chiffrés à plus de 30 milliards de dollars. Le Canada est aussi
le premier marché d’exportation d’États plus au sud comme la Georgie
et l’Alabama. C’est pourquoi autant de gouverneurs américains
s’intéressent de près à nos arrangements commerciaux. L’ALENA a
permis à nos deux pays d’intégrer leurs économies avec une précision
hors du commun. Le corridor commercial nord-sud est fiable et sûr,
et a ouvert des possibilités de croissance dans presque toutes les
régions et tous les secteurs d’activité de notre économie. Bref,
notre partenariat crée des ouvertures inouïes.
Par contre, soyons francs, l’ALENA nous a également posé des défis.
Mais au fil des ans, le maintien d’un dialogue franc et constructif
nous a permis de les relever. C’est ainsi que les choses se passent
entre amis. Ce soir, en plus de souligner le bon fonctionnement de
notre partenariat, j’aimerais évoquer deux sujets qui nous
préoccupent. Je commencerai par le conflit du bois d’œuvre, ce qu’il
signifie pour l’ALENA et notre respect du mécanisme de règlement des
différends mis en place pour protéger son intégrité.
Le conflit du bois d’œuvre oppose essentiellement des intérêts
particuliers dans votre pays à votre intérêt national. Le Canada est
la source d’environ le tiers du bois d’œuvre américain. Nous faisons
le commerce de ce produit de base à des conditions équitables et
selon les règles convenues sous le régime de l’ALENA. Or, depuis
plusieurs années, nos entreprises se sont vues imposer des tarifs
douaniers totalisant 5 milliards de dollars.
Et ce, en dépit du fait qu’une décision après l’autre rendue dans le
cadre du processus de règlement des différends prévu dans l’ALENA
était en faveur du Canada. Récemment, une décision unanime prise par
l’instance suprême de l’ALENA, à laquelle siège une majorité de
juges américains, a confirmé les verdicts précédents. Le problème
est qu’au lieu de respecter cette décision, les États-Unis ont
décidé de ne pas en tenir compte.
Pardonnez-moi de me laisser aller à des propos peu diplomatiques,
mais c’est un non-sens. Qui plus est, c’est un bris de confiance.
Les accords doivent être respectés par les pays qui les signent. Les
tarifs doivent être remboursés. Un commerce libre doit être aussi un
commerce juste.
En affaires, il est courant d’avoir des divergences d’opinion, mais
quand on s’entend sur un mécanisme pour régler ces différends, on
accepte le verdict et on se fait une raison. L’ALENA prévoit un tel
mécanisme, et s’y soustraire nuit non seulement aux Canadiens, mais
aussi aux Américains.
Il est dans votre intérêt d’assurer l’intégrité de l’ALENA. Selon
des chiffres cités par le Wall Street Journal, la suppression des
droits sur le bois d’œuvre canadien réduirait le prix d’une maison
neuve aux États-Unis d’un millier de dollars en moyenne et
permettrait à un nombre additionnel d’environ 300 000 Américains à
revenu modeste d’obtenir une hypothèque. Le Journal fait le
commentaire suivant : « Toutes ces inepties pourrait fort bien
entraîner une régression de l’emploi aux États-Unis, parce que pour
chaque emploi dans l’industrie du bois d’œuvre et du sciage, environ
25 Américains travaillent dans des secteurs qui dépendent du bois
d’œuvre canadien bon marché. » Bref, ces tarifs font le bonheur de
vos producteurs de bois d’œuvre, et le malheur des consommateurs et
des travailleurs américains. Lorsqu’on déroge aux règles, nos deux
économies en souffrent. J’espère que je me fais bien comprendre,
particulièrement par le Congrès.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple : la fermeture de la
frontière à cause de la maladie de la vache folle, ou ESB. Pendant
longtemps, nos deux pays ont profité d’un marché du bétail
nord-américain fortement intégré, qui englobe toute la gamme des
activités, de la fabrication de provendes à la transformation de la
viande. Quand un cas d’ESB a été découvert pour la première fois
dans notre pays, il s’agissait d’un problème qui ne concernait que
le Canada. Mais longtemps après que la preuve scientifique a été
faite, sans équivoque, que le bœuf canadien est sécuritaire, des
éleveurs américains persistants réussissaient, en criant haut et
fort, à prolonger la fermeture de la frontière. C’est à ce moment-là
que le problème s’est transformé en crise, non seulement pour les
éleveurs canadiens, mais aussi pour l’industrie continentale. Le
Président lui même s’est prononcé résolument en faveur de la reprise
du commerce du bétail. L’impulsion que le Président Bush a donnée
était la bienvenue. Depuis, la situation s’est nettement améliorée.
Mais la fermeture prolongée de la frontière a mené à une
restructuration fondamentale de l’industrie canadienne, au détriment
de sa contrepartie aux États-Unis. Pourquoi? Parce que notre
industrie s’est adaptée au fait de ne plus pouvoir envoyer son bœuf
dans vos usines de transformation. Elle a développé ses propres
capacités de transformation qui lui permettent de concurrencer les
vôtres. De plus, au lieu de nous tourner uniquement vers le marché
américain, nous vous ferons désormais directement concurrence en
Chine, au Japon et en Corée. C’est la règle des conséquences non
voulues qui s’applique.
Mais revenons au bois d’œuvre. Il est évident que l’approche
privilégiée par les États-Unis dans ce dossier remet en question
l’intégrité de l’ALENA dans son ensemble, et l’efficacité du
mécanisme de règlement des différends en particulier.
Dans le contexte de l’Amérique du Nord, nous devons reconnaître que
l’ALENA est un cadre qui n’est pas seulement applicable au commerce
des marchandises, mais aussi à presque tous les biens et services,
investissements et énergie et pour garantir le bon déroulement des
activités, nous devons pouvoir nous fier au processus de résolution
des différends.
Le Canada continuera de revendiquer ses droits dans le cadre de
l’ALENA et devant les tribunaux américains. Nous ferons valoir aussi
notre point de vue auprès de l’opinion publique : auprès du Congrès,
du milieu des affaires, du consommateur américain, ainsi que du
gouvernement.
Mais nous ne devrions pas être obligés d’agir ainsi. Un mécanisme a
déjà été mis en place, et une décision finale a été rendue. Cette
décision devrait être acceptée. Le mécanisme doit être respecté. À
vrai dire, il devrait être renforcé, pour assurer davantage la
certitude et la finalité de ses conclusions.
L’intégrité de ce processus est impérative. Notre engagement à
l’égard de l’ALENA n’est jamais mis à l’épreuve lors des nombreuses
occasions où nous nous entendons. Cela se produit les quelques fois
où il y a désaccord.
J’aimerais également parler ce soir de la seconde question qui nous
préoccupe, et qui a trait à une autre dimension de notre partenariat
– celle de la gestion conjointe de l’environnement en Amérique du
Nord. Le Canada, les Canadiennes et les Canadiens, éprouvent
beaucoup de réticences face à l’intérêt des États-Unis pour les
activités de forage dans la Réserve faunique nationale de
l’Arctique.
Vous vous demandez sans doute de quel droit le Premier ministre du
Canada remet en question les activités du gouvernement américain sur
son propre territoire. La question est juste. Mais nous répondons à
cela que nous avons la responsabilité partagée face à l’écosystème
fragile du Nord. Celui-ci doit être protégé et entretenu, et non pas
endommagé. Des activités de forage dans la RFNA mettraient en péril
la faune et la culture du peuple G’witchin. Nous avons le devoir
mutuel de veiller à éviter cela.
Il ne s’agit pas non plus d’une nouvelle obligation. Il y a 20 ans
environ, nous avons conclu une entente bilatérale sur la protection
des troupeaux de caribous de la rivière Porcupine qui migrent chaque
année du Yukon, au Canada, vers les plaines côtières de la Réserve.
Nous pouvons toujours remettre en question les limites de cette
entente, mais le principe qui la sous-tend, la notion de gestion
conjointe, devrait sûrement être reconnu par nos deux pays.
Nous comprenons très bien le souhait de garantir des réserves de
pétrole pour les consommateurs américains. Mais même les prévisions
les plus optimistes indiquent que le pétrole qui pourrait être
extrait dans la Réserve faunique ne suffirait qu’à répondre aux
besoins énergétiques des Américains pour 200 jours. Ce ne serait pas
une solution à long terme. Et du point de vue du Canada, ça ne vaut
tout simplement pas la peine de prendre le risque de causer des
dommages permanents à l’environnement.
Là, vous vous dites peut-être, il nous faut ce pétrole. Nos autres
sources d’énergie ailleurs dans le monde sont trop risquées. Voyons
ce qu’est la réalité. Notre pays est déjà votre principal
fournisseur en énergie importée : presque toute l’électricité,
environ 85 % du gaz naturel et près de 16 % des réserves importées
de pétrole brut et raffiné proviennent du Canada. Si vous ajoutez à
cela les sables bitumineux de l’Alberta – au moins 175 milliards de
barils de pétrole récupérable, ce qui représente plus des deux tiers
des ressources équivalentes de l’Arabie Saoudite – et nos vastes
ressources hydroélectriques non exploitées, je ne vois pas pourquoi,
en tant que cogestionnaires de l’environnement, nous ne pourrions
pas compenser la production potentielle qu’aurait autrement fournie
la RFNA.
En terminant, laissez-moi dire qu’en ce qui concerne la sécurité,
nos intérêts concordent parfaitement. Nous nous entendons tous les
deux sur l’importance à accorder à la sécurité, et soyez assurés que
nous faisons tout ce que nous pouvons, à l’échelle nationale et
internationale, pour la renforcer. Vous ne devez pas en douter.
Concernant le commerce – la prospérité – l’ouverture de la Chine et
de l’Inde présente de toute évidence des possibilités que nous, en
tant que pays souverains, chercherons à développer. Au Canada, nous
trouvons alléchants ces nouveaux créneaux, mais nous savons
également à quel point ici, en Amérique du Nord, la collaboration
peut être profitable. Et telle est la raison d’être de l’ALENA et du
Partenariat pour la sécurité et la prospérité.
J’aimerais préciser que lorsque des règles sont établies et
acceptées, elles doivent être suivies. Cela parce qu’il y va de
notre intérêt mutuel de les suivre, et parce qu’ainsi, nous pourrons
donner l’exemple dans un monde où l’application globale de la
primauté du droit est essentielle. Il est clair que les États-Unis,
autant que nous et que tout autre pays, dépendent d’une économie
mondiale libéralisée gouvernée par des règles prévisibles auxquelles
nous pouvons nous fier. Le monde nous regarde. Nous ne voulons pas
que les nouvelles économies s’inspirent de nos pires pratiques, qui
ont l’effet d’une prime commerciale.
Vous trouverez peut-être que j’ai été brusque ce soir. Je l’ai été.
Mais c’est parce que je crois en l’Amérique du Nord. En dépit de nos
différences, notre partenariat sur la sécurité et le commerce
fonctionne. Le Canada croit toutefois qu’il est temps de renforcer
notre relation – une relation entre pays souverains – dans le but de
servir nos intérêts mutuels, c’est-à-dire la sécurité et la
prospérité continue de l’Amérique du Nord, et la protection de notre
environnement, pour les générations à venir.
Merci.
[Martin=20051025]
[lieu=ont]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la réunion internationale des ministres de la Santé sur la préparation à une éventuelle pandémie de grippe]
C’est un privilège pour moi, et pour le Canada, de vous accueillir
tous ici ce matin.
Le risque d’une pandémie de grippe aviaire exige que le monde prenne
action dès maintenant. C’est ce qui amène le monde à se réunir
autour d’une seule table aujourd’hui.
Nous venons de pays développés et de pays en développement de toutes
les régions de la planète; des pays touchés ou menacés par la grippe
aviaire. C’est la première fois, en effet, qu’une rencontre
internationale de ce niveau, qui réunit des dirigeants politiques et
des experts pour traiter de la question, a lieu. Dans ce cadre, les
ministres de la Santé auront l’occasion de s’entretenir directement
avec des experts et des représentants des organisations
multilatérales pertinentes.
Cette réunion montre, d’après moi, le besoin d’un nouveau
multilatéralisme, d’une collaboration entre les pays en voie de
développement et les pays développés qui partagent un même intérêt
de travailler ensemble sur des objectifs pressants qu’une seule
nation ne peut atteindre seule.
Le défi auquel nous sommes confrontés est d’une rare complexité. Il
s’agit d’accomplir une tâche sans précédent : bâtir une capacité de
réaction et une réponse en situation d’urgence. La diminution du
risque d’une pandémie – et notre réaction, dans l’éventualité où
elle se produisait – exige le développement de nouveaux vaccins et
médicaments, y compris leur production et leur distribution. Elle
exige la progression de nos connaissances aux chapitres de la
biotechnologie et de la santé des animaux, de même que
l’amélioration des réseaux de communication entre les spécialistes
de différents domaines. Mais l’un des défis les plus importants
relève peut-être des communications auprès de nos propres citoyens.
Les craintes du public et une mauvaise information pourraient trop
facilement semer la panique. Cela compliquerait énormément notre
réaction collective à une pandémie et exacerberait les effets
potentiels de la maladie. Le meilleur antidote sera donc de
présenter une évaluation claire, honnête et cohérente des risques
qui se posent, d’être en mesure de collecter rapidement de
l’information, et de nous exprimer d’une seule voix en des termes
francs et constructifs – dès le début et constamment par la suite.
Chacun de ces efforts demandera une coopération et une coordination
exceptionnelles, cela, autant au sein de nos pays qu’entre eux.
C’est simple, le monde doit être prêt, sinon les conséquences
seraient inacceptables.
Nous avons été nombreux à dégager de notre expérience du SRAS
certaines leçons cruciales, toutes relatives aux secteurs clés dont
nous discuterons au cours des deux prochains jours.
En premier lieu, il est important de disposer de l’information la
plus précise possible, et de la mettre en commun de façon efficace.
Ensuite, il est crucial que l’action des divers paliers de
gouvernement, des agents sanitaires et des premiers intervenants
soit prompte et coordonnée, et qu’elle suive un plan détaillé que
tous peuvent appliquer. Finalement, nous avons pris conscience du
besoin d’assurer la coopération et la préparation à l’échelle
mondiale. Plus vite nous pourrons rendre compte des risques, plus
rapide sera notre intervention, et mieux ce sera pour nous tous.
Le Canada a répondu à ces impératifs par la création d’une agence de
santé publique et l’élaboration d’un plan concret pour répondre à
une pandémie d’influenza. Par ailleurs, notre inventaire national de
fournitures médicales comprend maintenant des doses substantielles
d’antiviraux, et nous avons aussi conclu un contrat avec un
producteur national pour fournir un vaccin dans l’éventualité d’une
pandémie. Le Canada est le premier pays à faire cela.
Si un bon nombre de pays ont tiré les leçons du SRAS, il reste
encore à chacun d’entre nous beaucoup à faire, et dans un contexte
mondial, nous profiterons tous du travail que nous effectuerons
ensemble. L’exemple suivant, qui découle du rapport entre l’être
humain et les animaux, illustre, au même titre que d’autres, le défi
auquel nous sommes confrontés.
Une des façons d’empêcher la propagation d’une maladie animale
consiste à effectuer des tests de dépistage et à éliminer des
animaux infectés. Il faut admettre toutefois que dans de nombreux
pays, ces mesures préventives sont difficiles à mettre en œuvre.
Le fait demeure que pour beaucoup de familles et de fermiers
pauvres, il peut être trop risqué de déclarer des cas de maladie
chez leurs animaux, car ceux-ci sont une source d’alimentation
autant que de revenu. Il arrive donc souvent que les animaux malades
soient tués, pour ensuite être consommés ou vendus. Lorsqu’on
rapporte des manifestations de la maladie dans ces régions, les
autorités locales n’ont souvent pas les moyens d’intervenir.
Dans ces circonstances, il est extrêmement difficile de contenir la
propagation de la maladie. Cela explique pourquoi la grippe aviaire
est endémique dans un certain nombre des régions où elle a été
détectée pour la première fois. Par conséquent, en dépit de nos
meilleures tentatives de contenir cette maladie, celle-ci pourrait
continuer de se répandre, à l’instar d’autres. Et même au sein d’une
population humaine restreinte, les virus qui apparaissent chez les
animaux risquent de plus en plus de subir une mutation qui leur
permettra de se transmettre plus facilement entre êtres humains.
C’est dans les régions où la maladie est le plus susceptible de se
déclarer qu’il y a le moins de capacité d’y répondre. Alors, le
risque, sous une forme ou une autre, sera présent pour un bon
moment. Notre obligation collective est de limiter les risques.
C’est pourquoi le Canada, parmi d’autres pays, est un partenaire
actif dans le renforcement des capacités régionales par l’entremise
d’une variété de programmes et d’investissements; et c’est pourquoi
aussi nous sommes en faveur d’une proposition visant à accroître
notre provision de vaccins dans le but de partager ceux-ci.
Il y a eu trois pandémies d’influenza au cours du siècle dernier;
nous devons supposer qu’il pourrait en avoir une autre et agir en
conséquence. Nous ne pouvons savoir, toutefois, quel en sera le
degré de sévérité ou quand elle se produira. Chose certaine, le
monde d’aujourd’hui n’a jamais été aussi petit et nos liens aussi
étroits, et nous n’avons jamais été aussi interdépendants, donc
aussi vulnérables au fléau d’une maladie pandémique.
Le cœur de la question est que notre santé, notre sécurité et notre
prospérité mutuelles dépendent en grande partie de notre volonté de
relever ensemble ces défis communs.
De plus, la préparation et la planification en vue d’une pandémie
vont sans doute nous placer dans une meilleure position pour
répondre à l’émergence d’autres maladies, à des catastrophes
naturelles et à des menaces bioterroristes qui pourraient survenir
dans l’avenir.
C’est pourquoi nous sommes réunis ici aujourd’hui.
J’attends avec intérêt de participer aux débats de l’avant-midi, et
j’espère que nous aurons une discussion productive qui se poursuivra
bien au delà de la conférence.
Merci.
[Martin=20051104]
[lieu=argentine]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin au Sommet des Amériques]
Je suis heureux de me retrouver ici à Mar del Plata, en ces lieux de
grande beauté, à l’invitation de notre ami, le Président Nestor
Kirchner.
Il y a près de dix ans, à Miami, nos pays se sont réunis et nous
avons adopté un programme pour les Amériques axé sur la coopération.
À Québec, il y a un peu moins de cinq ans, nous étions à nouveau
réunis et dépassions toutes les attentes, en arrivant à un consensus
sur la démocratie.
À Québec, nous avons convenu que seul un gouvernement démocratique,
attaché à l’égalité, à la transparence, et aux principes de
l’économie de marché, que seul un gouvernement de cette nature, tenu
de rendre des comptes à la population entière, pouvait fournir à nos
citoyens les outils qui stimuleront une croissance économique à long
terme, tout en veillant à la répartition équitable de ses bénéfices.
La démocratie est toujours en cours de réalisation. Et nous devons
faire en sorte que tous les segments de notre population puissent
bénéficier des avantages économiques qui découlent d’une saine
gouvernance. Nous avons réalisé des progrès significatifs au
chapitre de l’égalité des sexes. Cela dit, nous devons poursuivre,
délibérément et sans relâche, le but d’accroître la participation
des femmes de tous les segments et dans tous les secteurs de la
société. Nous convenons qu’un écart inacceptable persiste entre les
plus défavorisés et les mieux nantis. Nous devons, nous tous, pays
développés et en développement, tenir compte, dans l’élaboration de
nos politiques publiques, du besoin de répartir équitablement les
bienfaits de la prospérité.
Au Canada, comme dans bon nombre de pays, ce sont les peuples
autochtones qui sont touchés le plus durement par la pauvreté, et
nous devons faire beaucoup plus pour relever ce défi profondément
humanitaire. C’est pourquoi j’applaudis les conclusions du deuxième
Sommet des peuples autochtones qui s’est tenu ici en Argentine, car
elles contiennent une riche panoplie de démarches visant à combler
l’écart creusé par la pauvreté et à intégrer les peuples autochtones
dans l’économie dominante. J’ajouterais que nous, en tant que
dirigeants, avons la responsabilité d’encourager les rapports qui se
développent entre les peuples autochtones de toutes les régions des
Amériques. Bien que ces deux sommets distincts soient importants,
nous devons, à mon avis, favoriser l’établissement de liens entre
eux.
Mais notre travail ne s’arrête pas au perfectionnement de la
démocratie. Nous devons également renforcer nos économies de
l’intérieur. Cela veut dire investir non seulement dans la
technologie et l’éducation, mais aussi dans l’application de la
primauté du droit.
Cela représente une tâche énorme. Mais elle est essentielle, car
dans notre propre hémisphère et au delà de nos frontières, le monde
évolue. Des pays comme la Chine et l’Inde sont devenus des
puissances industrielles dans l’équivalent d’un clin d’oeil en temps
historique. Depuis quelque temps déjà, leurs taux de croissance
dépassent largement notre rendement ici dans les Amériques. Nous
tous, ici présents à ce sommet, devrions nous rallier à un défi,
celui de produire les mêmes taux de croissance que nos compétiteurs
dans les autres régions, et ce, à l’avantage de nos producteurs et
de nos consommateurs.
Les mesures que nous prenons sur le plan infra-régional par
l’entremise d’ententes sur le libre-échange nous aident à améliorer
notre rendement. Mais le libre-échange à l’échelle hémisphérique
nous permettrait de tirer parti de notre taille collective afin de
pouvoir concurrencer dans le monde et créer des emplois dans nos
pays. Un accord de libre-échange pour les Amériques n’a donc pas
pour but de créer un hémisphère où les capitalistes peuvent
fonctionner en toute aise. Il vise à offrir des possibilités à nos
travailleurs, et de meilleurs biens et services à nos consommateurs,
à tous les échelons de revenu.
Il ne s’agit pas d’un plan d’action géopolitique, mais d’un plan
d’action axé sur nos populations. Un pays démocratique qui participe
à l’économie mondiale peut se développer. Il peut investir ses
richesses dans des programmes sociaux cruciaux comme la santé et
l’éducation, ainsi que dans de nouvelles technologies et
l’innovation, de manière à libérer le potentiel de ses habitants. Un
commerce libre et plus équitable permettra de soustraire plus de
personnes à la pauvreté que l’ensemble des programmes d’aide offerts
dans le monde. Nous devrions donc nous engager ici à achever les
négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques : une
entente qui compléterait – plutôt que de rivaliser avec – nos
attentes par rapport à une conclusion favorable de la Ronde de Doha.
Nous devons essentiellement mieux coopérer ensemble, et dans de plus
brefs délais. De plus en plus, notre sécurité mutuelle, notre santé
et la qualité de notre environnement dépendent de notre volonté de
travailler ensemble.
Cela explique l’important apport de l’Organisation des États
américains à la surveillance d’élections libres en Haïti. Une action
qui se démarque par le rôle de leader joué par le Brésil à la tête
de la mission stabilisatrice des Nations Unies et par l’importante
contribution de plusieurs autres pays de l’hémisphère.
Le besoin d’une collaboration urgente sous-tend la rencontre des
représentants d’un bon nombre de nos pays à Ottawa la semaine
dernière. À cette occasion, les ministres de la Santé et les hauts
fonctionnaires de plus de trente pays ont rencontré des experts et
des dirigeants d’organisations multilatérales dans le but d’élaborer
une réponse collective à la menace d’une pandémie mondiale. Aucun
d’entre nous n’est à l’abri de la menace que poserait un virus issu
de la grippe aviaire, pas plus que de la menace du SIDA. Nous devons
nous y préparer ensemble. L’Organisation panaméricaine de la santé
peut et doit jouer un rôle clé à cet égard.
Il faut coopérer ensemble. À la fin de ce mois, s’ouvrira à Montréal
la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Des
représentants de nos pays se réuniront pour traiter d’une question
cruciale pour nous tous. J’espère que là aussi, en conjuguant nos
efforts, nous pourrons aller de l’avant pour contrer les effets du
réchauffement de la planète. L’existence de ce phénomène ne fait
aucun doute. Si les pays développés en sont la principale cause, le
fait demeure que nous en souffrons tous ensemble, et que nous devons
tous faire partie de la solution.
Les inégalités économiques et sociales, la grippe aviaire, le
réchauffement de la planète, les défis pour la démocratie elle-même
sont les défis que nous devons affronter ensemble. Nous n’avons
choisi aucun de ces problèmes, mais ils sont bien réels et si nous
voulons les résoudre, il faudra une collaboration, au sein de nos
pays et entre eux, d’une ampleur qui est, à vrai dire, sans
précédent.
Mais nous avons fait bien du progrès depuis notre rencontre à Miami.
Nous constatons tous les jours qu’ensemble, nous pouvons accomplir
davantage que si nous agissions seuls.
Ici, à Mar del Plata, nous avons l’occasion historique de faire
avancer notre vision pour les Amériques, de réaffirmer notre soutien
de l’Organisation des États américains et d’ériger notre hémisphère
en exemple au monde de ce que des pays peuvent accomplir lorsqu’ils
mettent de côté leurs différences et se concentrent sur les
aspirations communes de leurs peuples.
C’est l’objectif à long terme. Nous pouvons le réaliser si nous nous
y mettons ensemble.
Merci.
[Martin=20051124]
[lieu=cb]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à la Rencontre des premiers ministres ]
D’abord, j’aimerais remercier les anciens, le chef Robert Louie et
la Première nation de Westbank de nous recevoir ici à Kelowna.
Je remercie également les autres anciens qui sont présents,
notamment Elmer Courchene de la Première nation Sagkeeng. Il y a
deux ans, lors de notre assermentation, il nous a donné, à moi et au
Cabinet fédéral, une bénédiction. Je suis heureux de le revoir.
J’aimerais remercier les dirigeants de l’Assemblée des Premières
nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des
Métis, de même que le Congrès des Peuples Autochtones et
l’Association canadienne des femmes autochtones, pour leur
engagement à travailler ensemble et avec nous, comme partenaires.
J’aimerais remercier le ministre Andy Scott, dont la direction nous
a permis d’arriver au point où nous sommes aujourd’hui. Un
remerciement sincère aussi au premier ministre Ralph Klein,
président du Conseil de la fédération, et à tous les autres premiers
ministres, pour avoir été disposés à revoir les façons de faire dans
le passé de manière à les améliorer.
Je tiens en particulier à remercier notre hôte, le premier ministre
Gordon Campbell, qui a multiplié ses démarches auprès de nous tous
afin que nous puissions nous réunir ici aujourd’hui dans un esprit
de partenariat et de collaboration.
Il y a un an et demi, en revenant sur les pas de ma jeunesse, j’ai
voyagé dans le Nord canadien, au delà du 60e parallèle. J’ai eu
alors l’occasion de visiter des collectivités dans chacun des trois
territoires. Chaque arrêt était différent – de l’inlet Pond à
Tuktoyaktuk au lac Watson – chaque collectivité était unique. Mais
ce qui m’est devenu familier était l’accueil – le visage souriant
des enfants à chaque endroit.
Quand nous nous promenions dans les rues de bon nombre de ces
communautés, une ribambelle d’enfants se joignait à nous, et leurs
yeux rayonnaient de la curiosité et de l’espoir dont seul un cœur
d’enfant est rempli chaque jour. À vrai dire, j’avais l’impression
qu’ils voulaient me poser toutes les questions possibles et me
montrer tout ce qui les entoure.
Inutile de dire que ces rencontres étaient profondément
encourageantes. Mais lorsque je m’asseyais avec les aînés, ces
derniers me décrivaient un monde différent de celui que je venais
d’apercevoir. Ils me décrivaient la vie d’un jeune adulte typique
dans leur collectivité, et les défis que les enfants que je venais
de rencontrer auraient à relever en grandissant. Ils m’exposaient la
fréquence élevée des cas de violence et d’abus dans les foyers; de
la maladie et des problèmes de dépendance; des grossesses et du
suicide chez les jeunes. Ils racontaient les difficultés qu’ils
éprouvaient à garder leurs enfants à l’école, ou la peine qu’ils
ressentaient à devoir les envoyer terminer leur scolarité ailleurs.
Je vous fais part de cela simplement pour illustrer un fait dont
nous pouvons tous attester la véracité, non seulement dans les
collectivités éloignées du Nord, mais aussi dans trop de réserves et
dans trop de villes – l’existence d’un écart inacceptable entre
l’espoir prometteur de la jeunesse et l’expérience de vie des
Autochtones à l’âge adulte.
Cet écart est encore plus inacceptable considérant que les jeunes
représentent le segment de la jeunesse canadienne qui croît le plus
rapidement. Nous faisons face à un impératif moral : Dans un pays
aussi riche que le nôtre, envié partout dans le monde, de bons soins
de santé et une bonne éducation devraient pouvoir être tenus pour
acquis; ils sont les outils qui mènent à l’égalité des chances – la
base sur laquelle notre société est bâtie.
Les descendants des premiers habitants de ce territoire doivent
avoir une chance égale de contribuer à notre richesse collective et
d’en tirer les bénéfices. Aujourd’hui, la majorité d’entre eux ne
jouissent pas des avantages de notre prospérité – à cause des
disparités aux chapitres de l’éducation et des compétences, des
soins de santé et du logement, et en raison de possibilités d’emploi
limitées. Bref, ces écarts entre les Autochtones et le reste de la
population canadienne, et entre hommes et femmes autochtones sont
inacceptables en ce XXIe siècle. Ils n’ont jamais été acceptables.
Les fossés doivent être comblés.
Au cours des deux prochains jours, nous mettrons au point un plan
clair pour atteindre notre objectif. À cette fin, nous devrons tous
mettre l’épaule à la roue. Notre plan devra tenir compte du fait que
les conditions dans le Grand Nord diffèrent de celles dans les
réserves, et que les conditions dans les réserves sont différentes
de celles qui existent dans les villes. Notre plan devra reconnaître
les enjeux très divers auxquels font face les Premières nations, les
Inuits et la nation métisse, sans oublier pour autant les besoins
des femmes autochtones.
Les défis qui nous attendent exigent l’établissement d’objectifs
concrets, et pour atteindre ces objectifs, nous devrons mesurer
régulièrement les progrès réalisés. En préparation de cette
rencontre, nous avons convenu avec les dirigeants autochtones qu’une
série d’objectifs décennaux devrait être fixée. Je suggère toutefois
que nous établissions également des cibles intérimaires sur cinq
ans, pour assurer que nous resterons sur la bonne voie et que nous
rendrons des comptes. Les défis qui se posent sont urgents, et nous
ne pouvons nous permettre de laisser passer cette occasion.
Nous devons penser en termes d’avenir, mais privilégier l’action
dans le présent. En ce qui concerne nos méthodes, comprenez-moi bien
: Si elles ne produisent pas les résultats voulus, il faudra changer
nos façons de procéder.
Bien entendu, les mesures que nous envisageons engageront des
dépenses. Mais dépenser de l’argent en l’absence d’un partenariat
efficace, de solutions novatrices ou de cibles précises, sans rendre
pleinement compte de nos activités et sans transparence – cela ne
donnera rien. Ce n’est pas la voie que nous poursuivrons.
Nous tous ici présents devons assumer notre part de responsabilité
devant le défi qui se pose. Nous devons tout simplement faire mieux,
et nous ferons mieux. Entendons-nous donc aujourd’hui pour rompre
avec le passé et adopter une nouvelle approche. Une approche qui
produira les résultats voulus, accompagnée de la responsabilisation
à laquelle s’attendent les Canadiens.
Notre premier défi consiste à combler l’écart qui existe en
éducation. Donner aux jeunes la chance de réaliser leur potentiel
sera le fondement de tout ce que nous voulons accomplir. Cela
signifie construire des écoles et améliorer les compétences des
enseignants. Cela veut dire s’assurer que les élèves obtiennent leur
diplôme et que l’éducation ne se termine pas à la fin de la 12e
année. Cela signifie ouvrir les yeux des jeunes sur l’univers
postsecondaire et les perspectives qu’il procure. Cela signifie
offrir une formation professionnelle pour qu’ils aient de meilleurs
emplois. Dans tous ces cas, cela veut dire donner aux jeunes des
outils nécessaires pour y parvenir.
Pour la première fois dans l’histoire du Canada, nous nous engageons
à mettre sur pied un réseau scolaire pour les Premières nations
relevant de leur compétence, en collaboration avec les provinces qui
dispensent les services en éducation aux Canadiens. Dans les écoles
publiques, que ce soit dans les centres urbains ou dans le Nord,
nous veillerons à ce que, selon le cas, la culture des Premières
nations, des Inuits et des Métis soit une composante essentielle du
programme scolaire. De plus, nous nous attacherons avec les
provinces et les territoires à établir des centres d’excellence axés
sur l’éducation des Inuits et des Métis.
Nous encouragerons les jeunes Autochtones à poursuivre leurs études
au collège ou à l’université à l’aide de bourses destinées aux
Premières nations, aux Inuits et aux Métis. Et nous travaillerons de
concert avec nos partenaires dans les secteurs public et privé à
concevoir les programmes d’apprentissage nécessaires pour aider les
Autochtones à se positionner afin d’obtenir des emplois bien
rémunérés.
Notre but est de combler complètement le fossé sur le plan de
l’obtention d’un diplôme secondaire d’ici les dix prochaines années
et de réduire de moitié l’écart au niveau postsecondaire – tant chez
les jeunes hommes que chez les jeunes femmes. Dans cinq ans, les
écarts dans ces deux domaines auront diminué de 20 %. Cela veut dire
que 22 000 élèves de plus termineront leurs études secondaires et
que près de 15 000 étudiants de plus obtiendront un grade collégial
ou universitaire ou recevront une formation comme apprentis, avec 3
500 personnes supplémentaires qui participeront à des programmes
d’alphabétisme et de développement d’autres compétences
essentielles.
Le deuxième défi est celui des soins de santé. Les disparités qui
persistent entre la santé des Autochtones et celle de l’ensemble des
Canadiens sont inadmissibles. Le taux de mortalité infantile chez
les Premières nations dépasse de près de 20 % celui de la population
canadienne. Le suicide est de trois à onze fois plus fréquent – en
particulier chez les Inuits –, tandis que le taux de grossesse chez
les adolescentes est neuf fois supérieur à la moyenne nationale.
Il est clair que ces faits bouleversants ne concernent pas seulement
les soins de santé. Ils témoignent de la détresse psychologique et
émotionnelle que vivent les habitants de ces collectivités, et à
laquelle nous devons réagir de toute urgence.
Nous avons amorcé cet effort il y a un peu plus d’un an, lorsque les
dirigeants autochtones ont participé à la Réunion des premiers
ministres sur la santé. À cette occasion, nous avons reconnu le
besoin d’un nouveau cadre pour améliorer la santé et nous avons
entrepris d’élaborer un document sans précédent : le Plan directeur
pour la santé des Autochtones, un plan détaillé pour offrir des
soins de santé fiables dans toutes les provinces et dans les
territoires – dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci.
La santé des Autochtones est une priorité nationale, mais la
prestation des soins doit se faire au niveau local, à commencer par
les professionnels de la santé. Notre but est de doubler le nombre
de professionnels autochtones d’ici dix ans – à l’heure actuelle, il
y a 150 médecins et 1 200 infirmières. Nous mettrons l’accent sur
des mesures de santé fondamentales que nous pouvons suivre et
améliorer dans chaque collectivité.
En fondant nos investissements sur les données disponibles, nous
avons fixé, de concert avec les dirigeants autochtones, les
objectifs suivants : réduire de 20 % en cinq ans, et de 50 % en dix
ans, les disparités qui existent dans des secteurs clés comme la
mortalité infantile, le suicide chez les jeunes, l’obésité des
enfants et le diabète. Nous reconnaissons qu’il faudra déployer des
efforts supplémentaires pour recueillir d’autres données dans ces
secteurs et avons convenu de collaborer avec tous nos partenaires à
cette fin. Cela étant dit, ce ne peut être qu’un début. Nous ne
baisserons pas les bras jusqu’à ce que ces écarts aient disparu
complètement.
Les mesures envisagées nécessiteront des fonds, et je suis
pleinement conscient du fait que les montants affectés à la santé
des Autochtones l’an dernier n’ont pas été versés assez rapidement.
Ce ne sera pas le cas à l’avenir.
Le troisième défi qui se pose est d’assurer la mise en place des
éléments indispensables à un logement décent et à l’eau propre. Un
logement, c’est plus qu’un toit au-dessus de la tête – c’est une
question de dignité; de fierté; un intérêt dans la collectivité et
un investissement dans l’avenir.
Au fil des ans, nous avons rénové et bâti des dizaines de milliers
de maisons et malgré cela, un nombre important d’Autochtones
continue de souffrir de la piètre qualité des logements existants.
Cette situation présente deux défis : D’abord, dans plusieurs
communautés, les logements ne sont tout simplement pas disponibles
pour ceux dans le besoin. Ensuite, il arrive souvent que ces
communautés n’aient même pas les capacités nécessaires pour bâtir
les logements elles-mêmes.
Nous pouvons combler une grande partie des lacunes en matière de
logement grâce à un effort global : nous mettrons sur pied des
autorités et des institutions concernant le logement, et
renforcerons les compétences des Premières nations, des Inuits et
des Métis pour ce qui est de la gestion des terres, des
infrastructures et du financement. Nous favoriserons une culture de
l’accession à la propriété dans les communautés autochtones, et
formerons une main d’œuvre pour que les emplois en construction y
demeurent.
Concernant le logement dans les réserves, je crois que nous pouvons
vraiment espérer combler le fossé de 40 % en cinq ans, et de 80 % en
dix ans. À l’extérieur des réserves, nous chercherons à former un
partenariat avec les provinces et les territoires pour réduire
l’écart de moitié d’ici cinq ans en fournissant des logements à
environ 17 000 ménages. Dans le Grand Nord, nous comblerons le fossé
de 35 % en cinq ans grâce à la création de plus de 1 200 nouvelles
unités de logement – et nous nous sommes engagés à entamer ce projet
immédiatement, à temps pour la prochaine saison de construction.
Dans l’ensemble, on prévoit que nos efforts généreront au cours des
dix prochaines années plus de 15 000 emplois, ce qui représente 150
000 équivalents temps plein.
Nous opterons pour la même approche en ce qui a trait à l’eau
potable. Il n’est pas simple de mettre en place les services et les
infrastructures nécessaires dans les communautés rurales et
éloignées, mais cela ne peut devenir un obstacle. Nous
réglementerons la qualité de l’eau dans les réserves. Nous
continuerons à bâtir de nouvelles installations, et nous
renforcerons les compétences des Autochtones pour qu’ils soient en
mesure de les exploiter.
Les questions fondamentales sont l’éducation, la santé et le
logement, ainsi que l’eau potable, mais c’est aussi en créant des
possibilités économiques et en stimulant la création d’emplois
stables et bien rémunérés, que nous allons aider les communautés à
s’épanouir.
Dans le domaine de l’emploi, nous sommes conscients des obstacles
auxquels font face les communautés rurales et éloignées. C’est pour
les aider à les surmonter qu’en plus d’investir dans l’éducation,
nous investirons dans le développement des compétences. De cette
façon, les communautés seront plus en mesure de répondre elles-mêmes
à leurs besoins de main-d’œuvre spécialisée et de saisir les
occasions qui s’offrent à elles.
Nous avons à cœur de brancher les communautés rurales et éloignées
avec le monde. C’est pourquoi nous fournirons à plus de 250 autres
communautés un accès Internet sur large bande au cours des cinq
prochaines années. Cette initiative aura des avantages d’une grande
répercussio, car l’Internet est un outil sans pareil pour ce qui est
du télé-apprentissage et de l’accès à des soins de santé en ligne.
Ces mesures nous aideront à nous préparer à gérer le potentiel
immense de la prochaine décennie pour ce qui est du développement
économique au Canada. Le nombre de projets de grande envergure
prévus ou en cours dans le Nord est stupéfiant : exploitation de
mines de diamants et de gisements pétroliers et gaziers, et
construction des infrastructures nécessaires. La quantité d’emplois
bien rémunérés et les possibilités d’emploi seront impressionnantes,
et les Autochtones devront en être des bénéficiaires importants.
Mais ils ne pourront en tirer profit que si la formation commence
immédiatement.
Pour accroître les possibilités économiques, les Autochtones doivent
pouvoir dessiner leur propre avenir. Nous avons déjà entrepris des
démarches en ce sens, grâce à la récente mesure législative qui
donne aux Premières nations les outils nécessaires pour réunir les
capitaux afin d’effectuer les travaux publics, de gérer leurs terres
et leurs ressources, et de tirer profit des emplois qui en
découleront.
À la lumière de ces initiatives, je suis convaincu que d’ici cinq
ans nous pourrons réduire de moitié l’écart concernant le revenu
médian d’emploi.
Nous avons appris que le vrai changement ne peut s’opérer qu’en
collaborant. Tous les objectifs que j’ai présentés, et les autres
dont il sera question au cours des deux prochains jours, toutes ces
initiatives nécessitent la mise sur pied d’un nouveau partenariat
entre nous, et l’établissement d’une nouvelle relation avec les
Premières nations, les Inuits et les Métis, une relation qui soit
basée sur le respect mutuel, la responsabilité et l’obligation de
rendre des comptes.
Nous reconnaissons les droits ancestraux et issus de traités
protégés par la Constitution. Ils représentent le fondement de notre
relation. Et les objectifs que nous nous fixons permettront de
renforcer ce fondement.
Nous réitérons notre engagement à l’égard du renouvellement de notre
approche concernant la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale
et des traités, ainsi que le règlement des droits ancestraux
touchant les terres et les ressources.
Mais les dirigeants autochtones ont aussi des responsabilités envers
leur peuple et leurs partenaires, et cela inclut tous ceux réunis à
cette table. Les objectifs que nous établissons aujourd’hui ne
peuvent se perdre dans un communiqué. Ils doivent faire l’objet d’un
suivi et leur progrès doit être constamment – voire prioritairement
– mesurés. Tout comme le gouvernement fédéral a fixé des objectifs à
atteindre avec ses investissements, nous devons tous être
responsables tant de la conception des programmes que de la
prestation des services.
Cela touche les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux,
ainsi que les Premières nations, les Inuits et les Métis. Nous
devons nous engager à respecter certains principes, dont
l’ouverture, la transparence et une bonne gouvernance – c’est
pourquoi je suis enchanté de la proposition faite par l’Assemblée
des Premières nations concernant la création d’un poste de
vérificateur général des Premières nations, et d’un poste
d’ombudsman.
Les Canadiens ont des attentes très élevées à notre égard, et nous
serons jugés à la lumière de notre capacité à concrétiser nos
engagements. Alors je tiens à vous féliciter tous pour l’esprit
d’initiative dont vous faites preuve, et pour votre dévouement à
bâtir la capacité des organisations et des communautés autochtones
pour renforcer la gouvernance et la responsabilisation. Sans cela,
nous ne pouvons aller de l’avant.
Les Canadiens s’attendent à ce que l’on trouve des solutions. C’est
pourquoi, en collaboration avec les chefs autochtones, nous
établissons des points de repère. C’est pourquoi nous sommes prêts à
mesurer nos progrès et à divulguer les résultats obtenus. En ce
sens, je salue l’engagement de chaque province et de chaque
territoire à faire la même chose.
Non loin d’ici, à Kamloops, il y a de cela près de cent ans, les
chefs des tribus Shuswap, Okanagan et Couteau (ou Thompson) ont
envoyé une lettre au Premier ministre Sir Wilfrid Laurier. Dans
cette lettre, ils décrivaient la confiance et l’esprit de respect
mutuel dont avaient été empreintes leurs premières rencontres avec
les Européens. Cette lettre constituait une invitation lancée par
trois nations à une autre pour établir une bonne relation, pour que
l’on reconnaisse les Premières nations en tant que partenaires
concernant l’avenir d’un jeune Canada.
Au cours de l’histoire, nous avons entendu cette invitation qu’ont
lancée les Premières nations, les Inuits et les Métis. Mais pendant
trop longtemps, nous avons été seulement des négociateurs, assis de
part et d’autre de la table.
Aujourd’hui, nous sommes assis ensemble, en tant que partenaires.
Nous avons pris les places qui nous reviennent. Et maintenant, nous
devons nous mettre au travail.
Merci.
[Martin=20051207]
[lieu=qué]
[Allocution du Premier ministre Paul Martin à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique ]
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Au nom du Canada et de tous les Canadiens, je souhaite la bienvenue
à tous ceux et celles qui travaillent très fort ici à Montréal
depuis plus d’une semaine. Je suis heureux aussi d’accueillir toutes
les personnes qui viennent de se joindre à la conférence.
Laissez-moi d’abord vous dire que nous n’aurions pas pu avoir un
champion plus convaincant de la cause environnementaliste que notre
président, Stéphane Dion. Il a littéralement visité des douzaines de
pays, il a rencontré plusieurs d’entre vous, souvent plus qu’une
fois. Il a écouté tous les points de vue, il a cherché à bâtir des
consensus, et il a voulu le progrès.
Je tiens à vous dire à quel point il est important pour chaque
membre de mon gouvernement – et pour moi-même personnellement –
d’atteindre les objectifs que nous avons à cette conférence.
En octobre, j’ai rencontré un groupe de Canadiens préoccupés par le
changement climatique. Ils ont demandé que notre réponse soit ferme.
Ils ont proposé des objectifs à court et à moyen terme pour guider
les efforts du Canada dans la réduction des gaz à effet de serre.
Ils ont exprimé leur espoir que cette conférence mène à
l’élaboration d’un régime inclusif et vraiment effectif d’ici 2008
ou 2009. Ils veulent un plan et la certitude qu’il sera mis en œuvre
après 2012. Ils veulent que nous poursuivions la mise en œuvre des
mécanismes de développement propre et des échanges de permis
d’émission.
De telles demandes m’avaient été présentées auparavant. Mais jamais
par des personnes comme celles-là – des dirigeants de quelques-unes
des plus grandes entreprises au Canada, y compris celles dans les
secteurs des ressources et de l’énergie. Ils encourageaient le
gouvernement à adopter un plan agressif pour combattre le changement
climatique. Ils m’ont dit qu’ils avaient fini par comprendre que
l’avenir économique et l’avenir environnemental du Canada sont
étroitement liés. Ils ont compris que notre nation avait la
responsabilité de se joindre à ceux qui luttent – en première ligne
– contre le réchauffement de la planète.
Tout le monde ici dans cette salle comprend que le monde change.
Maintenant, les attitudes changent aussi. Un consensus prend racine.
Et ce consensus nous donne une occasion, une chance, de faire bouger
les choses. Une chance de faire de Montréal un synonyme de la
rencontre des nations qui, ensemble, ont pris la voie – longue mais
vitale – du progrès, d’un progrès véritable, d’un progrès mesurable,
d’un progrès qu’on pourra un jour célébrer.
Les jours où on débattait des effets du changement climatique sont
révolus. Nous n’avons plus à demander aux gens d’imaginer ces
effets, car nous les constatons. Vous pouvez probablement tous citer
des exemples tirés de votre propre région du monde. À mesure que
s’installe le changement climatique, nous serons obligés de revoir
la façon dont nous pouvons réussir à cultiver la terre et à faire
nos récoltes. Les configurations des précipitations – de la
sécheresse – varient, tandis que les événements météorologiques
s’intensifient. Les tempêtes, les feux de forêt et les infestations
mettent déjà à rude épreuve notre capacité d’y réagir et de nous en
remettre. À mesure que le temps passe, ces phénomènes empireront. Il
y aura des conséquences sur le plan de l’économie. Des conséquences
sur le plan humain.
Ici, au Canada, le Grand Nord est devenu un incubateur dans lequel
se dessine le monde de demain. Loin dans l’Arctique, dans les zones
intérieures et sur nos côtes, le pays que nous avons connu se
transforme. Les hivers sont plus doux, les étés plus chauds et plus
difficiles, des plantes poussent dans des endroits où il n’y en
avait pas; on voit de l’eau là où il y avait de la glace. Notre
pergélisol fond – ce qui libère du méthane dans l’atmosphère et
accélère le mécanisme même du changement climatique. En l’espace de
quelques décennies, le passage historique du Nord Ouest, renommé
pour être non navigable, pourrait se prêter à la navigation – un
exemple frappant et dérangeant d’un équilibre délicat qui succombe à
une perturbation insupportable.
Certains évoquent les coûts qu’entraînera tout changement dans nos
habitudes ou façons de faire. Mais comment peut-on ne pas être
conscient, à ce moment-ci, du coût plus élevé que nous paierons si
nous ne pouvons faire preuve de toute la volonté ou la détermination
qu’exige le changement.
Nous pouvons parler de coûts en termes de sécurité énergétique, en
termes d’économie. Nous pouvons en parler en termes d’écologie ou de
notre obligation éthique les uns envers les autres. Dans chaque cas,
les faits s’alignent de la même façon. Dans chaque cas, ils nous
amènent à la même conclusion. Il faut agir et il faut agir
maintenant.
Les combustibles fossiles traditionnels sont devenus trop coûteux
pour être gaspillés – trop dispendieux pour être utilisés sans
discrimination dans nos maisons et nos entreprises; ils ont aussi un
impact trop grand et trop durable sur notre planète. Ce qu’il faut
faire, c’est maximiser nos ressources pour limiter l’impact sur
notre atmosphère de l’utilisation du carbone.
Devant le défi qui se pose, nous ne pouvons distinguer l’intérêt
collectif de l’intérêt national. Nous devons accepter le fait que
notre comportement, nos gestes se répercutent les uns sur les autres
et ont des incidences sur la planète que nous partageons. Ce qui se
passe nous concerne tous.
De nombreuses personnes dans les pays en développement accusent les
pays développés d’avoir créé la situation dans laquelle nous nous
trouvons. Qui serait en désaccord avec ça? Certainement pas moi.
Cela dit, nous sommes tous dans le même bateau. Nous ne pouvons nous
cacher du fait que le monde en développement, qui est plus
vulnérable, sera celui qui souffrira le plus si les effets du
changement climatique provoquent un déclin encore plus grand des
conditions de vie ou un ralentissement économique mondial. Ces pays
n’ont tout simplement pas de marge de manœuvre.
Les pays développés ne peuvent pas se défiler de leurs
responsabilités. Je n’ai qu’à regarder mon propre pays. Nous sommes
un pays à la fois producteur et consommateur d’énergie. Notre bilan
dans la lutte contre le changement climatique dans les années 90 est
loin d’être reluisant.
Mais aujourd’hui, nous investissons des milliards de dollars dans
des initiatives novatrices et efficaces au même moment où nous
travaillons à respecter notre engagement envers l’accord de Kyoto.
Nous nous servons de l’atout que sont nos ressources comme tremplin
vers l’innovation : aux chapitres de l’énergie propre, renouvelable
ou durable, de l’efficacité et de la conservation.
Cette année, nous avons présenté le budget le plus favorable à
l’environnement de notre histoire, de même qu’un programme complet
pour combattre le changement climatique. De concert avec les
gouvernements de nos provinces et territoires, nous investissons
dans des sources d’énergie propre. Avec l’aide de nos municipalités,
nous investissons dans le transport en commun et dans des
infrastructures écologiques. Avec l’aide des grands émetteurs de
dioxyde de carbone, nous investissons dans de nouvelles technologies
et dans l’innovation.
Nous faisons tout cela parce que le monde a besoin d’une économie
plus efficace et viable, et nous voulons que le Canada, incluant la
communauté d’affaires, progresse dans ce sens. C’est ce que les gens
d’affaires nous demandent. Et ce dont ils ont besoin de nous – de
leur gouvernement – c’est la certitude que leurs investissements
vont valoir quelque chose – que nous ne manquerons pas à notre
devoir envers eux, en établissant un cadre de référence, qu’il
s’agisse de cibles concrètes ou d’un marché pour mettre un frein aux
émissions ou échanger des crédits.
À l’issue de cette conférence, des gestes dynamiques devront être
posés par les 157 pays qui ont ratifié le Protocole de Kyoto. Tous
ceux qui sont rassemblés ici devront prendre des mesures dynamiques.
Nous devons nous doter des moyens nécessaires pour que les pays
signataires respectent le Protocole. Et nous devons penser à
l’avenir. Les engagements futurs pris dans le cadre du Protocole de
Kyoto enverront un message clair : le monde tente de régler le
problème du changement climatique à long terme.
La tâche à venir ne sera pas facile, mais il y a des précédents
encourageants. En 1987, une coalition mondiale s’est réunie ici, à
Montréal. Elle s’est engagée à prendre une action collective contre
les agents chimiques qui détruisaient la couche d’ozone. Nous avons
établi des cibles, mesuré les progrès réalisés, établi de nouvelles
règles pour l’industrie, été attentifs aux nouvelles technologies
qui surgissaient. Et nous avons obtenu des résultats. Des résultats
véritables et durables.
C’était bien sûr un défi de taille différent. L’atmosphère se remet
peu à peu des dommages causés à la couche d’ozone. Ceci étant dit,
comme nous le savons, les gaz à effet de serre sont plus insidieux.
Ça prendra des siècles à notre planète pour se remettre de ce qui
est déjà dans notre atmosphère. Mais le même principe demeure. Pour
faire face au changement climatique, une action concertée est
essentielle. Le leadership est essentiel. Nous devons laisser la
voix de notre conscience mondiale s’exprimer.
Pour les pays industrialisés, le XXe siècle a été synonyme de
croissance, de progrès, de percées, toujours plus importants, plus
rapides, et en constante évolution. Ils ont été témoins d’une
ingéniosité à en couper le souffle, d’esprits brillants, d’une
persévérance extraordinaire. De Kitty Hawk à la Concorde, du modèle
T à la Formule Un. Les frontières du savoir et de l’entreprise
humaine ont été déplacées. Mais c’est seulement vers la fin du
siècle que nous avons commencé à percevoir, puis à comprendre les
coûts qu’entraînaient inéluctablement ces progrès, ces percées, et
que nous avons ensuite été en mesure de les démontrer.
Le changement climatique est causé principalement par l’activité
humaine – et surtout par la façon dont nous produisons et utilisons
de l’énergie. En termes simples, nos économies – voire nos sociétés
– ne peuvent pas soutenir ce rythme de consommation.
Le changement climatique présente un défi mondial qui exige, à son
tour, une réponse mondiale. Et pourtant, certains pays sont
récalcitrants, certaines voix tentent de minimiser l’urgence de la
situation ou rejettent les connaissances scientifiques. D’autres
indiquent sciemment, par leur discours ou leur indifférence, que ce
n’est pas leur problème et qu’ils n’ont pas à le résoudre. Et bien,
c’est notre problème. Et nous devons le confronter ensemble.
Le temps de la complaisance est révolu. Fini le temps de prétendre
qu’une nation peut s’auto-suffire et s’isoler de la communauté
mondiale – il n’y a qu’une seule planète Terre, et nous la
partageons, on ne peut fuir sur aucune île, dans aucune ville ou
dans aucun pays, peu importe sa prospérité, on ne peut fuir les
conséquences de l’inaction.
Ici, à Montréal, on nous demande de protéger notre planète. Nos
citoyens nous le demandent. Il faut trouver la volonté et la façon
de répondre à leurs attentes légitimes.
Si nous ne réussissons pas à relever le défi du changement
climatique, nous ne pourrons mettre cet échec sur le compte des
pays. L’échec sera attribuable aux individus – à moi, à vous, à
l’incapacité de tous ceux et celles qui sont confrontés,
aujourd’hui, aux coûts évidents de notre complaisance et qui
refusent d’accomplir des sacrifices et de se conformer aux nouvelles
façons de faire.
Que dira-t-on des gens de notre époque – que nous avons légué un bel
héritage, que nous avons tout pris pour acquis, que nous avons opté
pour la facilité, que nous avons volontairement négligé les
conséquences de nos propres ambitions?
Un tel avenir est possible, mais nous n’avons pas à en faire le
nôtre. Ensemble, nous devons viser rien de moins qu’un héritage de
responsabilité et de détermination. Ensemble, nous pouvons appliquer
l’ingéniosité humaine à la noble tâche de servir les générations à
venir – en réparant les dégâts plutôt que d’en causer; en offrant de
l’aide au lieu de nuire; en faisant ce que nous pouvons, en mettant
tout en œuvre, à des fins de restauration, de renouvellement et
d’équilibre.
Le temps est venu d’agir ensemble.
Merci.
[Martin=20040606]
[lieu=france]
[Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire du Jour J]
« Continuez d’avancer », leur a-t on dit. Ce matin-là, contre les
tireurs d’élite, contre les mortiers, contre l’artillerie puissante
encastrée dans les fortifications allemandes, c’était le seul moyen
pour un soldat d’accomplir sa mission. C’était sa meilleure chance
de survivre. Continuer d’avancer.
Sur une mer houleuse, les portes des péniches de débarquement se
sont ouvertes, comme elles s’ouvraient tout le long de la côte de la
France, comme elles s’étaient ouvertes deux ans plus tôt à Dieppe.
Où tant de Canadiens avaient trouvé la mort en défendant la cause de
la liberté. Sur la Manche en ce Jour J, certains parlaient d’une
revanche après ces tristes événements. D’autres gardaient le silence
à mesure que la côte s’allongeait, que l’heure de la bataille
approchait. Il y a soixante ans aujourd’hui, les portes se sont
ouvertes, et ils ont foncé.
Ils s’y étaient préparés. Ils avaient attendu. Puis des milliers de
soldats canadiens ont avancé ici contre un ennemi bien retranché.
Les hommes tombaient autour d’eux. Un ami, un frère, une personne
avec qui ils venaient d’échanger une blague, un verre de rhum ou un
bol de soupe. Les hommes tombaient, et néanmoins ils ont pris la
plage d’assaut. Les hommes tombaient, et néanmoins ils ont pris les
fortifications d’assaut. Ils se sont dirigés vers l’intérieur. Ils
se sont battus dans les rues. Ils ont libéré les villes. À la nuit
venue, ils avançaient toujours.
Les eaux de la Manche et les vents de la côte normande ont effacé
les traces laissées par ces hommes à Juno Beach. Mais la grande
vague du temps passé ne peut emporter les impressions profondes
qu’ils ont laissées dans notre mémoire nationale, et dans les
annales du monde libre.
Lorsque ces soldats, ces hommes aux nerfs à toute épreuve, nous
auront quitté, leurs enfants et leurs petits enfants continueront de
venir ici. Des premiers ministres viendront. Ainsi que des artistes
et des historiens. Ceux dont le grand-père, l’arrière-grand-père ou
l’arrière-arrière-grand-père a débarqué ici le 6 juin 1944. Ceux qui
ne connaissent de la guerre que ce qu’ils ont appris dans les
livres. Ils viendront. Les Canadiens viendront.
Nous viendrons sur ces lieux désolés de toute beauté pour regarder
la plage, pour réfléchir, pour nous émerveiller, pour sentir les
larmes monter et notre cœur battre, pour dire merci silencieusement.
Nous reviendrons toujours en ce lieu historique marqué par la
tristesse et le triomphe, où la tyrannie a été repoussée et où la
liberté a repris ses droits.
Comme les hommes qui ont envahi cette plage, nous continuons
d’avancer. En tant qu’hommes et femmes. En tant que nation. En tant
que communauté internationale.
C’est grâce à votre courage, c’est grâce au sacrifice consenti par
ceux qui y ont trouvé la mort, que nous avons cette possibilité, et
nous la saisirons. Nous tâcherons toujours d’avancer.
Mais nous nous arrêterons aussi. Nous nous arrêterons, le temps de
penser à vous. Le temps de penser à ceux qui ont poussé leur dernier
soupir ici. Nous penserons à vous, et nous vous serons toujours
reconnaissants.