Lester Bowles Pearson, 1963-1968
Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,
Je voudrais à mes premières paroles donner un caractère personnel puisqu’elles seront diffusées par la radio et la télévision à travers le Canada. Je suis bien conscient des promesses d’avenir du Canada dans l’exercice de mes nouvelles charges et fonctions, dont l’une d’elles me conduit ici pour ouvrir la session du centenaire du Parlement. Permettez-moi de renouveler la promesse que je faîte à la cérémonie d’installation.
Mon unique préoccupation est de mériter la confiance que Sa Majesté Notre Reine a placée en moi sur la recommandation de ses ministres canadiens et la confiance qui m’a été manifestée par tant de Canadiens de toutes les régions qui m’ont fait leurs vœux avec tant de gentillesse. C’est avec reconnaissance que mon épouse et moi-même avons reçu tous ces messages d’encouragement.
Une telle circonstance rappelle la tristesse que nous avons tous ressentie à la mort de mon prédécesseur, Son Excellence le général Georges Vanier, qui s’était acquis l’affection de tous. En consacrant sa vie à tout ce qui est bon et noble, il a donné un
magnifique exemple à ses compatriotes. Mes deux distingués prédécesseurs canadiens ont assumé, tout au long de leur carrière en plus des fonctions traditionnelles et constitutionnelles de représentant de Sa Majesté la Reine du Canada, celles de représentant du peuple canadien. J’essaierai à mon tour de contribuer au développement de ce qu’il y a de meilleur dans notre vie nationale, tout en respectant la diversité, et d’être le témoin de l’unité du peuple canadien qui se manifeste dans les institutions fédérales.
Comme vous, j’attends avec impatience la visite, au cours de l’été, de Sa Majesté la Reine et d’autres membres de la Famille
royale. La présence de la Souveraine et de chefs d’État d’autres pays rehaussera l’éclat des réjouissances qui marqueront le
Centenaire de la Confédération. Cette session du Centenaire nous fournit l’occasion d’entreprendre la réalisation des projets auxquels nous pensons pour le deuxième siècle de la Confédération.
Les faibles colonies réunies en 1867 sont maintenant devenues un pays prospère et dynamique. Si de telles réalisations ont été
possibles, malgré de grandes difficultés, c’est grâce au courage, à la volonté et à la foi dans le progrès de l’homme dont ont fait
preuve d’innombrables Canadiens, hommes et femmes, de toutes origines. C’est aussi grâce à la sagesse et à la perspicacité des Pères de la Confédération qui ont élevé la charpente de l’édifice, notre Constitution, sans laquelle une grande partie de ce progrès aurait été impossible.
Notre pays n’a pas été fondé en 1867. Ses racines plongent beaucoup plus loin dans le temps. Mais, il y a cent ans, nos prédécesseurs hommes d’origines, de croyances et de langues diverses ont entrepris une grande œuvre politique dont nous
sommes, aujourd’hui, les dépositaires. Ils en ont jeté les fondements avec un sens rigoureux de l’unité, cette unité si nécessaire au bien commun comme le leur rappelaient les conflits de nombreuses générations. Sur cette base, ils ont édifié une structure gouvernementale pour assurer la liberté, le bien-être et la prospérité de tous ceux qui viendraient peupler ces terres. Ils ont édifié leur œuvre conformément à un plan fédéral, car ils savaient que cela seul permettrait à l’unité, dans la diversité culturelle et régionale de donner tous ses fruits.
L’idée même de Confédération encourageait les Canadiens à explorer et à mettre en valeur la moitié d’un continent. Sur le plan des efforts matériels, cela exigeait un travail de construction d’une ampleur moule, face à des obstacles que personne encore n’avait rencontrés. Sur le plan des réalisations intellectuelles, cela entraînait l’application révolutionnaire de solutions fédérales au
régime parlementaire d’un pays gigantesque à peine peuplé.
La voie de la Confédération a été hérissée de difficultés considérables, quelques unes naturelles, d’autres inévitables, d’autres encore suscitées par nous-mêmes. Toutefois, des générations successives d’hommes et de femmes ont eu le courage de
surmonter ces difficultés et de rendre possible le progrès matériel et social dont nous jouissons aujourd’hui. Ils avaient la
conviction de leurs ancêtres que seul un sentiment d’unité préserverait l’individualité et la diversité chères à leur cœur.
Ils savaient que leurs intérêts ne seraient jamais mieux défendus que par la Confédération, même si elle devait être imparfaite, et
que l’amitié subsisterait en dépit de manquements occasionnels à la tolérance et à la compréhension, qui sont si nécessaires à notre régime politique. Ils savaient, par-dessus tout, qu’il n’existe pas de divergences de vues assez grandes, ou d’incompréhension assez profonde, pour empêcher les hommes de bonne volonté de s’unir pour améliorer les éléments d’un tout qu’ils veulent conserver.
Depuis cent ans, le monde a connu une telle évolution que ceux qui ont jeté les fondements de la Confédération ne s’y reconnaîtraient pas. Que notre structure constitutionnelle ait si bien résisté et qu’elle ait si bien servi le progrès de notre pays,
démontre la solidité de ses principes, ainsi que la volonté des intéressés d’en adapter l’application à l’évolution des besoins et
des conditions.
C’est dans cet esprit que le Gouvernement a encouragé activement, ces dernières années, la réforme des ententes fédérales-
provinciales qui forment, avec la loi fondamentale, la structure constitutionnelle de notre pays. Cette réforme comprend l’amélioration des méthodes de consultation et de coordination fédérales-provinciales qui sont de plus en plus essentielles au
fonctionnement efficace d’un Gouvernement moderne. Le Gouvernement considère comme une responsabilité toute particulière de voir à ce que notre loi fondamentale s’adapte facilement à l’évolution de nos besoins sociaux. Il a également conscience de la rigoureuse interdépendance entre les avantages et les inconvénients de notre structure constitutionnelle. Même si des réformes méthodiques sont peut-être la meilleure manière de préserver et de renforcer notre héritage, on ne saurait agir en ce domaine qu’avec la plus grande attention. Lorsque le Gouvernement aura obtenu sur cette importante question les conseils les plus judicieux découlant des études en cours, il invitera ensuite le Parlement à examiner le problème dans son ensemble.
En 1867 on pouvait croire que responsabilité publique et responsabilité de l’État étaient quasi synonymes. La réalisation des nouveaux objectifs exigera la participation de la société tout entière et les efforts de tout notre peuple. En un temps d’évolution accélérée, le souci principal de la société canadienne doit être le bien-être de l’individu, afin que, indépendamment de sa situation ou de sa condition à sa naissance, il puisse avoir une chance égale de faire valoir toutes ses possibilités, sur quelque plan que ce soit: économique, social, politique ou culturel. Un pays est un foyer, il doit être construit et meublé pour le confort de ses habitants.
Sur notre moitié du continent, nos ancêtres ont dû soutenir, contre la nature, une lutte d’une extrême âpreté. Aujourd’hui,
c’est l’injustice sociale, la médiocrité culturelle, la stagnation spirituelle et l’intolérance sous toutes ses formes qu’il faut surtout combattre.
Au cours des cent premières années de notre Confédération, nous avons conçu, à partir de nos origines bilingues et biculturelles,
l’idéal d’un État qui offre la promesse d’une nouvelle forme de démocratie, celle de la diversité sociale et culturelle au sein d’une unité politique. Des deux grands courants culturels gui sont à notre origine est né au Canada un État autonome qui a accueilli
des gens de bien des cultures différentes et s’en est trouvé enrichi. A l’aube du deuxième siècle de la Confédération, nous pouvons nous enorgueillir d’un esprit canadien qui, tout en répondant aux besoins de notre propre nation, a appris à servir
d’une manière exceptionnelle la grande communauté humaine.
Aujourd’hui, les relations entre l’industrie, la main-d’œuvre et les divers échelons de gouvernement revêtent une importance nouvelle. Pour maintenir et améliorer la puissance économique du Canada, il faut pratiquer la sagesse et la modération dans nos
exigences les uns envers les autres; faire preuve d’un degré élevé de collaboration et de discernement en traitant les uns avec les autres et avec nos institutions respectives, y compris tous les niveaux de gouvernement.
Le Gouvernement fait une étude approfondie des nombreux facteurs importants qui entrent en jeu dans les rapports entre l’industrie, la main-d’œuvre et l’État. Il disposera ainsi des meilleurs conseils possibles pour élaborer de nouvelles politiques et déterminer le rôle que le Gouvernement fédéral pourra le mieux tenir au jour le jour dans ce domaine.
Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,
Au moment où commence notre session du Centenaire, plus de Canadiens que jamais sont au travail. Afin que le nombre des
emplois augmente au même rythme que celui des travailleurs, Il faut accroître la capacité, la qualité et la productivité des industries canadiennes de fabrication. Le Gouvernement prendra d’autres mesures afin de créer un milieu où les industries puissent se développer dans l’intérêt général du pays, et multiplier les possibilités d’emploi.
Le Gouvernement prendra aussi des mesures spéciales dans certaines régions désignées où le capital humain n’est pas
suffisamment utilisé. Il redoublera d’effort partout où il a déjà connu des succès ces dernières années. Le Parlement sera donc
invité à augmenter le budget du programme destiné à stimuler le développement régional afin d’en étendre la portée. L’œuvre de
l’Office d’expansion économique de la région atlantique en vue de favoriser le développement industriel de cette région continuera
d’être encouragée.
Notre économie forte et dynamique a permis d’offrir à tous les Canadiens un vaste programme de sécurité sociale. Ces dernières
années, la législation sociale a réalisé des progrès remarquables au Canada. Cela ne veut pas dire que tous nos programmes sont complets. Il faudra y apporter des améliorations, par exemple, la modification de la Loi sur l’assurance-chômage, que le Parlement sera prié d’étudier.
Le Parlement sera également saisi d’une mesure visant à aider davantage les Canadiens qui doivent se déplacer pour obtenir un
emploi. Elle sera accompagnée de dispositions administratives tendant à accroître l’efficacité des centres canadiens de main-d’œuvre. Un service complet sera mis au point pour conseiller ceux qui cherchent du travail et pour permettre à tous les travailleurs de profiter des possibilités d’emploi. En même temps, on développera le programme de recyclage des adultes et, de concert avec les provinces, on réalisera quelques projets pilotes de formation établissant de nouvelles méthodes pour le développement de la main-d’œuvre.
Tout en sachant qu’il est souhaitable que nous exercions un plus grand contrôle sur nos principales industries et ressources, le
Gouvernement est aussi conscient de la contribution appréciable fournie par l’afflux des placements étrangers au développement
optimum de l’économie canadienne. Pour assurer aux Canadiens une meilleure compréhension de ces questions, le Parlement sera invité à étudier un Livre blanc sur ce sujet.
Le Gouvernement considère comme très important de favoriser, par de nouveaux moyens, la participation des citoyens à la propriété des entreprises canadiennes. Vous serez donc invités à étudier un projet de loi établissant la Société de développement du Canada dont l’objet sera d’activer le progrès industriel et commercial du pays par l’augmentation de la masse des capitaux canadiens disposés à partager les risques aussi bien que les avantages des placements dans le capital-actions des entreprises canadiennes. Grâce au Fonds de développement économique rural, le Gouvernement fédéral et les provinces fourniront ensemble un effort majeur de planification régionale dans certaines parties du Canada. La réalisation de projets de développement dans le Nord-Est du Nouveau-Brunswick, à Mactaquac, au Nouveau-Brunswick, et dans la région des Lacs, au Manitoba, apportera au Gouvernement fédéral des connaissances et une expérience qui profiteront aux autres régions du pays. Vous serez également invités à approuver la création, de concert avec le Gouvernement de la Nouvelle-Écosse, d’une société
de la Couronne qui éliminera graduellement l’exploitation non rentable des mines de charbon du Cap-Breton, tout en créant de
nouveaux emplois dans l’industrie.
A l’intérieur des limites de sa juridiction, le Gouvernement apportera un appui plus marqué aux programmes de développement
communautaire à travers tout le Canada. La cas le plus flagrant est celui des Indiens et des Esquimaux du Canada, dont les efforts en vue de participer aux avantages et bénéfices de notre société se heurtent à de graves difficultés. Le Gouvernement proposera donc, pendant la session du Centenaire, des modifications à la Loi sur les Indiens et il prendra des mesures administratives favorisant le développement communautaire chez les Indiens et les Esquimaux.
Dans le domaine des affaires étrangères, la recherche de la paix a constitué la première préoccupation du Canada. Les efforts de
notre diplomatie en vue de renforcer la position du Canada dans les conseils des nations n’a d’autre objet que la Paix et la stabilité mondiales, objectif endossé par tous les secteurs de l’opinion publique dans notre Pays.
La situation la plus grave dans le monde à l’heure actuelle demeure celle du Vietnam. Nous continuons à accorder priorité aux
initiatives visant un règlement pacifique de ce conflit et nous ne cesserons pas de déployer tous nos efforts à cette fin par l’utilisation des voies diplomatiques et tous autres moyens pacifiques. Le Gouvernement est prêt à collaborer a l’établissement d’une présence internationale au Vietnam qui fournirait les garanties que pourrait exiger une entente mettant fin au conflit. Nous sommes prêts également à aider à la reconstruction et à la réadaptation économique de cette région, une fois la paix établie.
Le Gouvernement continuera aussi à faire des pressions vigoureuses pour que des mesures internationales efficaces soient prises dans le domaine du désarmement. L’enrayement de la course aux armes nucléaires représente, à nos yeux, une étape initiale essentielle sur la voie du désarmement général.
Guidé par ces objectifs. le Canada procède avec ses partenaires de l’OTAN a un examen du rôle futur de cette alliance. Nous songeons non seulement à l’évolution des besoins de la défense collective, mais au rôle politique de plus en plus important de l’OTAN dans la solution pacifique des problèmes européens.
Les Nations Unies demeurent un des éléments déterminants de la politique étrangère du Canada. Jusqu’à la fin de 1968, le Canada siégera au Conseil de sécurité et, à ce titre, nous ferons tout en notre pouvoir pour faciliter aux Nations Unies le plein exercice de leurs fonctions.
On prévoit aussi que les négociations Kennedy sur les tarifs et les échanges internationaux prendront bientôt fin à Genève. A la
lumière des recommandations qui en résulteront, vous serez priés d’approuver certaines modifications du tarif douanier et de lois
connexes qui permettront de donner suite aux engagements pris par le Canada et d’assurer ainsi à nos produits un meilleur accès aux marchés mondiaux.
Le Gouvernement compte aussi participer activement aux prochaines réunions de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, car il attache une grande importance aux problèmes commerciaux des pays économiquement moins avancés. A moins d’un effort concerté sur le plan international en vue du progrès économique. technique et social des pays en voie de développement, le monde se heurtera bientôt à une crise de grande envergure. Les progrès péniblement réalisés par les nations de l’Asie, de l’Afrique et des Amériques ne doivent pas être annulés faute d’aide ou par suite d’entraves au commerce. En particulier, nos relations spéciales avec les pays du Commonwealth situés dans la mer des Caraïbes seront étendues par l’adoption de nouvelles mesures.
Le Gouvernement se propose aussi de demander l’autorisation d’accroître sensiblement son programme d’aide extérieure, nouvelle étape vers l’objectif de un pour cent du revenu national consacré à cette fin.
L’aide extérieure, les échanges commerciaux et l’activité d’un grand nombre d’organismes internationaux lient aujourd’hui les
peuples de la terre plus étroitement que jamais dans l’histoire de l’humanité. La vie de tous nos contemporains, et non pas seulement de quelques privilégiés comme autrefois, a un caractère international.
C’est ce que démontrent de façon spectaculaire l’Expo 67, récemment inaugurée à Montréal, et les Jeux panaméricains qui
auront lieu à Winnipeg cet été. Ce sont là des traits saillants de nos fêtes du Centenaire, auxquelles le monde entier a été convié.
L’Expo nous fournît une occasion unique d’offrir l’hospitalité à tous ceux qui se joignent à nous pour célébrer le centième anniversaire de la Confédération. Elle attire au Canada plus de visiteurs que jamais, ce qui nous permet de faire connaître nos œuvres au monde entier. Notre Pays recevra un flot croissant de personnes qui s’établiront chez nous et ajouteront à la variété et à la vigueur de notre pays. Vous serez priés d’étudier une révision complète de la loi sur l’immigration.
Si l’on peut dire que le siècle écoulé a été caractérisé par la mise en valeur des richesses naturelles de notre pays, il est
probable que le siècle à venir verra nos efforts se concentrer sur le développement des ressources de l’intelligence et de l’esprit.
Le Gouvernement a déjà lancé un certain nombre de programmes destinés à accélérer le progrès scientifique, mais un grand nombre de données qui pourraient accroître la capacité technologique de notre pays ne sont pas pleinement utilisées. Le Gouvernement a donc amorcé une étude devant aboutir à un programme de dissémination efficace, dans tout le Canada, des plus récentes données scientifiques et technologiques. Le Gouvernement se propose aussi de recommander qu’une aide sensiblement accrue soit accordée à la science et à la technologie au sens le plus large des deux mots, et de favoriser un plus grand investissement en ce domaine par les entreprises canadiennes. Une attention toute spéciale sera accordée à l’établissement d’un climat de collaboration entre les gouvernements, les universités et l’industrie, afin de trouver des solutions efficaces aux grands problèmes de notre milieu: santé, transports, énergie, communications, logement, rénovation urbaine,
production alimentaire et nombre d’autres questions qui touchent particulièrement notre pays.
Les arts, les humanités et les sciences sociales ont également, pour notre avenir, une importance sur laquelle il serait inutile de
s’étendre. Depuis quelques années, le Gouvernement prend des mesures vigoureuses pour assurer un appui sans précédent à ces disciplines nécessaires à l’expansion du savoir et au gouvernement des hommes, Mais il faut poursuivre la tâche pour offrir une multitude de défis aux Canadiens de tout âge, défis qui susciteront l’intérêt de nos meilleurs cerveaux et qui, relevés avec élan et vigueur, pourront amener des progrès d’une signification exceptionnelle pour la vie sociale et économique du Canada.
Reconnaissant que la radiodiffusion est un important instrument de culture, le Gouvernement appuie un service national, complet et équilibré, de radiodiffusion pour tous les Canadiens, quels que soient leur âge, leurs intérêts et leurs goûts. A ces fins, une loi
sera présentée au cours de cette session en vue d’assurer une meilleure réglementation de la radiodiffusion et un meilleur
exercice par les radiodiffuseurs des privilèges qui leur sont accordés et des responsabilités qui leur incombent. Le Parlement
sera également saisi d’une loi visant la création de moyens de radiodiffusion à des fins éducatives.
Le Gouvernement est profondément conscient des répercussions économiques, sociales et culturelles du développement des
communications par satellite. Des études se poursuivent sur cette importante question; elles seront menées à bonne fin sans délai de façon à ce que vous en connaissiez tous les aspects lorsque viendra le moment de décider de l’usage, de la propriété, de la réglementation et du contrôle de cette nouvelle technique. Un comité parlementaire sera invité à étudier les problèmes que
suscite ce nouveau moyen de communication.
Sous une forme ou sous une autre, la science pénètre jusqu’au cœur de la société et transforme la vie de chacun d’entre nous, Il
est essentiel que le contrôle et la mise en valeur par l’homme de son environnement suivent cette évolution. Nous avons construit des villages et des villes, des canaux et des chemins de fer, des routes et d’autres grands ouvrages à une cadence sans précédent. Mais trop souvent, dans le passé, nous avons sacrifié l’esthétique au gain matériel et la qualité du travail aux profits faciles. Il faudra maintenant montrer autant d’empressement à combattre la laideur dans notre milieu qu’à éviter les pertes financières dans nos bilans.
Un des grands défis du siècle réside dans la capacité de planifier le développement urbain de façon à ce que les Canadiens continuent à jouir d’une bonne santé et à vivre dans une ambiance harmonieuse. Aussi le Gouvernement fédéral a-t-il l’intention de proposer aux provinces une étude spéciale du développement urbain, menée en consultation étroite avec toutes les autorités intéressées, un rapport serait soumis à la fois aux gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ainsi qu’au public, ainsi, tous les Canadiens pourraient prendre conscience des problèmes futurs et tous les échelons de gouvernement recevraient les avis les plus judicieux en vue d’élaborer leurs propres plans et d’apporter leur contribution à la solution de ce grand problème.
Vous serez invités à étudier de nouveaux programmes sur l’habitation qui, tout en étant fondés sur le principe que le logement relève, au premier chef, des particuliers et des autres paliers de gouvernement, aideront à répondre aux besoins futurs,
clairement prévisibles.
Les répercussions de la science, de l’industrialisation et l’urbanisation, et l’évolution qu’on constate au Canada et à l’étranger exigent une révision constante de nos objectifs et de nos politiques en matière d’agriculture. Mon Gouvernement, prévoyant qu’au cours de son deuxième siècle d’existence le Canada restera l’un des grands pays agricoles du monde, se propose de créer, sous la direction du Ministre de l’Agriculture, une équipe spéciale chargée de préciser nos objectifs dans le domaine agricole et de recommander, pour les atteindre, les programmes à mettre en œuvre. On aura ainsi une base solide pour la mise au point, en liaison complète avec les provinces, d’une politique agricole nationale. Cette politique nationale verra à assurer aux
cultivateurs compétents de notre pays des bénéfices comparables à ceux qui s’obtiennent dans les autres secteurs de notre économie et dignes de la contribution que le secteur agricole apporte à notre bien-être. En même temps, un programme de recyclage sera établi pour ceux qui veulent quitter le domaine agricole.
L’évolution des besoins des collectivités rurales mérite aussi une attention spéciale. Au cours de la présente session, le Parlement sera prié d’adopter une loi établissant des prêts à long terme aux associations et aux sociétés d’agriculture et de pêcheries, afin qu’elles puissent assurer à ces collectivités des services à la mesure de leurs besoins. L’évolution de l’agriculture exige des capitaux plus élevés pour permettre le maintien et l’expansion d’un régime agricole concurrentiel. Vous serez donc priés d’étendre la portée de la Loi sur le crédit agricole, notamment pour permettre aux jeunes hommes et aux fils de cultivateurs d’aménager ou d’acquérir des unités de production efficaces et rentables.
Les vastes ressources naturelles que nous apportons dans notre second siècle de Confédération nous seront indispensables si nous voulons répondre à nos besoins et maintenir notre position éminente dans le commerce international. Le Gouvernement présentera, au cours de la session, des mesures visant à conserver et protéger les grandes richesses dont le Canada a été si largement pourvu. Les ressources hydrauliques elles-mêmes deviennent de plus en plus précieuses. La lutte contre la pollution prend une importance économique et sociale telle que le Gouvernement entend l’intensifier, de concert avec les provinces. A cette fin, vous serez priés d’adopter une nouvelle Loi canadienne sur les eaux qui servira de base à l’amélioration et à l’application d’une politique hydraulique nationale.
En même temps, la recherche de nouvelles ressources incite à la mise en valeur du Nord. Depuis quelques années, l’administration des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon a beaucoup progressé. Le Gouvernement songe à de nouveaux stimulants pour l’industrie et à la planification économique régionale de façon à renforcer l’économie du Nord.
Le soutien des initiatives scientifiques et intellectuelles et la mise en valeur des ressources naturelles ne profiteront guère à la
collectivité canadienne au cours du deuxième siècle de la Confédération si l’on ne travaille pas de façon concertée à l’amélioration des relations entre le citoyen et son gouvernement. Le Gouvernement attache donc la plus grande importance à la réforme administrative et législative destinée à faire en sorte que le citoyen comprenne ce qui se passe, s’y sente engagé et, par
conséquent, accorde son appui et sa participation aux institutions sociales de notre pays. Vous serez priés d’examiner la procédure et les méthodes administratives, non seulement pour les rendre plus efficaces, mais, encore, plus simples et plus utiles aux yeux du simple citoyen. Le Canada doit chercher à créer une société dans laquelle chaque citoyen pourra devenir un véritable participant éclairé et jouer un rôle à la mesure de ses aspirations et de ses moyens.
Le comité permanent des privilèges et élections des Communes sera prié de poursuivre son étude du rapport du Comité des dépenses électorales. Lorsque cette étude sera terminée, le Gouvernement soumettra des propositions à votre examen.
Vous serez invités à étudier la réforme de nos lois régissant le divorce. Le Gouvernement présentera également une proposition
concernant la peine capitale. Dans toutes ces questions où les décisions dépendent tellement du jugement et des convictions
personnels, il faudra étudier soigneusement la façon de procéder au Parlement. Des dispositions seront également prises sans tarder pour demander d’autres modifications au Code criminel.
Au sein de la société si complexe d’aujourd’hui, il importe au plus haut point de tenir pleinement compte des intérêts des
consommateurs dans l’élaboration de la politique ministérielle. Il est évident que, dans toutes ces questions qui touchent l’actionnaire et le consommateur, le Gouvernement fédéral a des obligations particulières, découlant de ses responsabilités d’ordre général quant au bien-être économique de l’ensemble du pays.
Les droits des consommateurs peuvent être affermis grâce à la responsabilité des sociétés commerciales et des particuliers, mais cela impose également une obligation à tous les paliers de gouvernement. Au cours de la présente session, les mesures que le Gouvernement recommandera en vue de favoriser les intérêts des consommateurs comprendront la constitution d’un ministère des affaires des sociétés commerciales et des consommateurs. Au sein de ce ministère sera créé un organisme chargé d’élaborer de nouvelles politiques et de coordonner les programmes d’autres services du Gouvernement fédéral visant à aider le consommateur et à protéger le petit épargnant. Il assurera la liaison avec les provinces.
Le Gouvernement considère aussi comme très important de favoriser une distribution plus efficace des capitaux et de transformer la situation de façon à permettre à tous les Canadiens de placer des fonds dans des sociétés établies au Canada, sur la foi de renseignements complets et exacts. A cette fin, vous serez invités à approuver des modifications à la Loi sur les corporations canadiennes, afin que les compagnies constituées par le Gouvernement fédéral soient obligées de respecter des normes modernes et élevées en matière de divulgation financière et de diriger leurs affaires de manière à créer un climat favorable à l’investissement.
L’amélioration de l’efficacité et de la stabilité des marchés financiers et des institutions financières se rattache à ces
dispositions. Au cours de la dernière session du Parlement, d’importants changements ont été apportés à la Loi sur les banques
et au contrôle des autres institutions financières. L’objectif du Gouvernement est d’encourager le développement d’institutions
financières efficaces, en tenant pleinement compte de l’intérêt public, y compris l’existence de sauvegardes convenables pour les
déposants et les portefeuillistes. Le Gouvernement est disposé à exercer ses responsabilités dans les domaines de sa compétence. Dans ces domaines et dans les domaines de compétence partagée, il cherchera à collaborer avec tous les gouvernements provinciaux.
Dans une société hautement industrialisée comme la nôtre, la sécurité est une autre question d’importance fondamentale. Le Gouvernement se propose d’étudier tout le domaine de sa compétence en ce qui concerne l’établissement et l’application de normes de sécurité dans tous les secteurs où il en est besoin afin d’assurer une protection suffisante au simple citoyen.
Au moment où la Confédération entre dans son deuxième siècle, nous qui occupons des postes d’autorité ne devons jamais oublier que nous avons le devoir et le privilège de répondre aux besoins et aux aspirations du peuple canadien. Nous pouvons être fiers de notre passé. Ensemble, nous avons au Canada un avenir aussi prometteur que celui de tout autre pays du monde. Mais, par-dessus tout nous sommes de notre temps. En songeant aux objectifs du second siècle de la Confédération, il est bon que nous sachions que tout comme notre succès et nos perspectives d’aujourd’hui reposent sur les réalisations du passé, ce que nous réserve l’avenir dépendra de ce que nous accomplissons aujourd’hui.
Membres de la Chambre des communes,
Le programme législatif proposé par le Gouvernement est vaste, et un grand nombre des questions qu’il soulève sont complexes. Il en a toujours été ainsi ces dernières années. C’est la conséquence naturelle de la croissance et du développement de notre pays, de l’action du Gouvernement dans de nombreux domaines et de l’évolution constante de la technique sociale et administrative. Aujourd’hui, le Parlement absorbe en fait, presque tout le temps de ses membres, et cela a été dûment reconnu. De même, vous avez constaté la nécessité d’une révision des règles. et des méthodes du régime parlementaire. Au cours de la dernière session, vous avez établi un comité du Règlement de la Chambre qui a fait des progrès remarquables à cet égard et, pendant la présente session vous serez appelés à poursuivre et à élargir l’œuvre de ce comité. Au début de son deuxième siècle de Gouvernement fédéral, le Canada doit donner à son Parlement tous les moyens de conduire des délibérations efficaces et approfondies qui, dans l’étude de toute affaire d’intérêt public, sont les seules garanties de la liberté et du bien-être de notre peuple.
Vous serez priés de voter les fonds requis pour les services et les paiements autorisés par le Parlement.
Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,
Nous avons l’honneur et le privilège d’assumer la responsabilité du gouvernement du pays en cette année, la centième de la
Confédération. Il est de notre devoir de bien gouverner.
Outre les mesures déjà indiquées, vous serez appelés à étudier plusieurs autres propositions législatives.
Je voudrais clore aujourd’hui de la même façon que le premier Gouverneur général de notre pays il y a cent ans:
« La paix, la sécurité et la prospérité règnent à l’intérieur de nos frontières et je souhaite ardemment que vos aspirations tendent
à des fins aussi élevées et aussi patriotiques, que vous soyez pénétrés d’un tel esprit de modération et de sagesse que le
magnifique travail d’union qui a été accompli deviendra, grâce à vous, une bénédiction pour vous et pour vos descendants et un
nouveau point de départ dans le progrès moral, politique et matériel des Canadiens. »
Puisse la Divine Providence vous éclairer dans vos délibérations.
[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]