Discours du trône, Ottawa, XX octobre 1957

John Diefenbaker, 1957-1963

Honorables membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,

C’est à titre de reine, votre reine, que je vous salue. Ensemble nous constituons le Parlement du Canada. C’est la première fois que les représentants du peuple du Canada et leur souveraine se trouvent réunis à l’occasion de l’ouverture du Parlement. C’est pour nous tous un moment mémorable.

Le gouvernement parlementaire est le fruit de la sagesse de bien des siècles. Sa justice, son autorité et sa dignité sont chères aux hommes de bonne volonté. Mes Ministres s’appliqueront non seulement à préserver ces qualités, mais aussi à faire en sorte que les deux Chambres de ce Parlement s’acquittent plus efficacement de leurs fonctions au service du peuple du Canada.

Pour constituer ce nouveau Parlement, vous êtes venus de toutes les parties d’un pays immense, d’un pays beaucoup plus vaste que chacun des pays aînés dont il est issu. C’est avec fierté que je considère le grand patrimoine de cette nation: ses minéraux, ses forets, ses terres, ses eaux, ses sources de puissance et d’énergie motrice qui alimentent vos industries toujours grandissantes. Mais je suis plus fière encore de considérer l’esprit et les Idées qui ont élevé ce pays au rang de nation et qui maintenant, fortifiés et enrichis des apports des nombreux autres pays, donnent au Canada un caractère national qui lui est propre.

Pourtant, à notre époque, aucune nation ne peut vivre dans l’isolement. A travers le brouillard des affaires internationales, le Commonwealth, cette brillante constellation, illumine notre temps. L’admission continue de nations nouvellement orientées vers la capacité à s’administrer elles-mêmes élargit et affermit à la fois notre Commonwealth déjà divers, à mesure qu’un plus grand nombre d’entre nous venons à participer au riche patrimoine des institutions et idéals qui font de notre association une force bienfaisante, discrète mais de vaste portée dans un monde inquiet.

Cela a été manifeste lorsque les Premiers Ministres du Commonwealth se sont réunis à Londres, en juin dernier, pour s’entretenir de grands problèmes, et de nouveau; il y a quelques jours à peine, lorsque les ministres des Finances, sur l’invitation du Canada, se sont réunis à Mont-Tremblant et dans un esprit de camaraderie, ont dressé les plans d’une Conférence commerciale et économique du Commonwealth pour l’an prochain.

Le même état d’esprit s’est manifesté dans le Plan de Colombo, qui fait partie de la grande entreprise d’expansion nationale des populations du Sud et du Sud-Est asiatiques, et que mon gouvernement continuera d’appuyer.

Mes ministres estiment que la participation active du Canada à l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord est essentielle à la sauvegarde de la paix. Il vous sera donc demandé de maintenir en puissance des forces de défense modernes qui, de concert avec celles de nos alliés, continueront à décourager toute agression contre quelque membre de cette alliance.

Mes Ministres sont convaincus qu’en plus de participer pleinement à l’œuvre de ces diverses associations, le Canada doit continuer, dans le cadre plus large de l’Organisation des Nations Unies, à rechercher des accords propres à préserver la sécurité et à assurer le désarmement dans une grande mesure. En effet, nous devons continuer d’espérer que, grâce aux Nations Unies, l’aspiration des hommes et des femmes à la paix et à la sécurité sera comblée.

En ce qui concerne les affaires intérieures, mes Ministres se préparent à prendre contact, le mois prochain, avec les chefs des gouvernements provinciaux pour discuter de relations d’ordre fiscal et chercher à obtenir une meilleure intelligence et un meilleur règlement de certains aspects de nos finances publiques. Dans le programme législatif dont vous serez saisis, il convient de mentionner en premier lieu les mesures visant l’amélioration du sort de nos citoyens âgés. Vous serez donc appelés à augmenter la pension prévue par la Loi sur la sécurité de la vieillesse et à raccourcir la période de résidence qui ouvre droit à cette pension. Il sera proposé des modifications aux conditions de l’aide offerte aux gouvernements provinciaux, afin qu’ils puissent porter à un niveau correspondant les prestations à verser en vertu de la Loi sur l’assistance-vieillesse, de la Loi sur les aveugles et de la Loi sur les invalides.

Vous serez également invités à élever le barème des allocations aux anciens combattants et à élargir les groupes auxquels elles sont versées. Des modifications seront aussi proposées à l’égard de plusieurs articles de la Loi sur les pensions.

Afin d’assurer aux cultivateurs du Canada une juste part du revenu national, vous serez invités à approuver une mesure législative visant à stabiliser davantage les prix de leurs produits. Tout ce qui est possible continuera d’être fait, comme en ce moment, pour trouver de nouveaux débouchés aux produits agricoles et pour regagner en même temps ceux qui ont été perdus. Parce qu’ils ne pouvaient vendre leurs céréales, les cultivateurs des provinces des Prairies se sont trouvés, depuis quelque temps, déjà gravement à court d’argent pour faire face à leurs besoins immédiats. Afin de leur permettre de toucher des acomptes sur les céréales qu’ils peuvent s’attendre de livrer cette année, vous serez appelés à autoriser un régime d’avances en espèces sur les céréales entreposées à la ferme.

Mon gouvernement s’efforcera de trouver de nouveaux marchés pour les produits de nos pêches et de favoriser l’établissement de règlements internationaux propres à sauvegarder cette vivante richesse de la mer. Mes Ministres estiment qu’une politique nationale de mise en valeur, appliquée en collaboration avec les provinces et dans les Territoires, s’impose si l’on veut que toutes les régions du Canada puissent participer aux avantages qui découleront du développement des ressources de ce grand pays. Ils ont l’intention de vous proposer de temps à autre des programmes et des projets visant à mettre en œuvre cette politique.

En vue de l’inauguration immédiate d’un programme de mise en valeur plus poussée des provinces atlantiques, vous serez priés d’autoriser, de concert avec les gouvernements provinciaux, la création d’aménagements destinés à la production et à la transmission d’énergie électrique à meilleur marché dans ces réglons. Vous serez aussi priés d’aider au financement de l’entreprise de Beechwood, déjà commencée au Nouveau-Brunswick.

Mes Ministres feront progresser davantage ce programme national de mise en valeur en prenant l’initiative de nouveaux entretiens avec le gouvernement de la Saskatchewan, afin que puisse bientôt commencer la construction du barrage sur le bras sud de la rivière Saskatchewan.

Mes Ministres s’appliquent à obtenir une heureuse solution des problèmes internationaux relatifs au fleuve Columbia afin que, de concert avec la province de Colombie-Britannique, on puisse exploiter les immenses ressources énergétiques de ce fleuve.

Mes Ministres vous saisiront d’une mesure qui assurera des vacances annuelles payées aux employés des industries relevant de la compétence fédérale.

Vous serez priés d’approuver des projets de loi relatifs à certains embranchements ferroviaires ainsi que des modifications à la loi sur les compagnies d’assurance canadiennes et britanniques, et, dans la mesure où le permettra alors l’état de vos travaux, à certaines autres mesures législatives.

Membres de la Chambre des communes,

Vous serez invités à voter les crédits nécessaires à l’administration du Canada pour le reste de la présente année financière. Des modifications à certaines lois fiscales seront soumises à votre approbation.

Honorables Membres du Sénat,
Membres de la Chambre des communes,

Je tiens à vous exprimer, à vous et à la population du Canada, ma gratitude et celle de mon mari pour la chaleur du loyalisme et de l’affection avec lesquels nous avons été accueillis Ici, au Canada.

M’adressant à vous, ici, pour la première fois, j’aimerais vous rappeler les paroles de cette autre Elisabeth qui, en Angleterre, il y a plus de trois siècles, parlant du fond de son cœur, déclarait à l’Orateur et aux membres de son dernier Parlement:

« Dieu m’a élevée bien haut, mais la gloire de ma couronne aura été d’avoir régné entourée de votre amour. »

Maintenant, ici, dans le Nouveau-Monde, j’aimerais vous dire, à mon tour, que mon plus grand désir est que, dans les années à venir, je puisse ainsi régner au Canada et rester ainsi présente à vos mémoires.

En ce jour heureux où nous rendons grâce à Dieu pour tout ce dont Il nous à comblés je Le prie de vous bénir et de vous guider.

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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